Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 15 décembre 1840

(Moniteur n°351 du 16 décembre 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.

M. de Villegas lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les débitants de boissons distillées de Saint-Nicolas demandent l’abrogation de la loi du 18 mars 1838, relative à l’abonnement sur les boissons distillées. »

- Renvoi à la section centrale du budget des voies et moyens et insertion au Moniteur.


« Le sieur Charles-Auguste Boryn, brasseur de bière à Assenède, demande d’être compris dans l’indemnité pour une somme de 750 francs, du chef de dégâts commis sur sa maison, par les Hollandais en 1831. »

- Renvoi à la commission pour les amendements de M. le ministre de l'intérieur.


« Les commis-greffiers du tribunal de première instance d’Arlon demandent que leur traitement soit augmenté. »

- Renvoi à la section centrale pour la proposition relative à l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire.


« L’administration communale de Heusy adresse des observations sur le projet de nouvelles délimitations entre Stembert et Heusy. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Boorsheim (Limbourg) demande que la chambre alloue un crédit au budget des travaux publics pour réparations aux rives de la Meuse. »

« Le sénat, par message du 14 décembre informe la chambre qu’il a adopté le projet de loi relatif au traité de commerce conclu avec la Porte Ottomane et le projet de loi modifiant le tarif des douanes en ce qui concerne les droits de sortie sur les verreries et cristalleries. »

- Pris pour notification.


M. Simons – Messieurs, je viens d’entendre l’analyse d’une pétition adressée à la chambre par l’administration communale de Boorshem. Les pétitionnaires se plaignent de ce que, faute de faire à la Meuse les réparations qui incombent au trésor, ce fleuve a fait des dégâts considérables, et que pour peu que l’on tarde à faire les réparations indispensables et urgentes, ces dégâts s’augmenteront de jour en jour. Comme cette pétition a rapport au budget des travaux publics, dont la section centrale s’occupe en ce moment, je pense qu’il y a lieu d’ordonner le renvoi directement à cette section centrale. J’en fais la proposition formelle.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi qui ouvre au ministère de la justice un crédit supplémentaire

Discussion générale

M. le président – Ce projet est ainsi conçu :

« Art. 1er. Il est ouvert au budget du ministère de la justice, pour l’exercice 1839, chapitre VIII, art. 1er., Frais d’entretien, d’habillement, de couchage et de nourriture des détenus, un crédit supplémentaire de 90,000 francs. »

« Art. 2. Il est ouvert au budget du même département, pour l’exercice 1840, mêmes chapitre et article que ci-dessus, un crédit supplémentaire de 410,000 francs. »

M. Demonceau – Je demande la parole. Ce n’est pas pour conteste la dépense, mais pour soumettre à la chambre et aux ministres un doute qui est né chez moi de la rédaction de la loi, en ce qui concerne la comptabilité. On dit qu’on ouvre un crédit supplémentaire de 90 mille francs sur l’exercice 1839, mais on ne dit pas avec quels fonds on payera. Voilà cependant une chose qui devrait être dite dans la loi, car suppléer une somme dans un budget, c’est augmenter d’autant ce budget. Or, si vous ne dites pas que cette somme que vous donnez à titre de crédit supplémentaire sera payée par telle autre somme restée disponible, vous augmentez d’autant la dépense du budget. Il me semble que, pour ne pas tomber dans un nouvel inconvénient et en voulant en éviter un autre, il conviendrait de dire sur quel article du budget de 1839 on doit prendre cette somme.

Ainsi on dit : Il est ouvert un crédit de 90 mille francs sur l’exercice 1839, chap. VIII ; et dans la note jointe au projet de loi, nous trouvons au même chapitre VIII, article 6, une somme de 250 mille francs qui serait disponible. Ne faut-il pas dire qu’on prendra la somme de 90 mille francs sur l’article 6 du chapitre VIII du même budget.

Un membre – Ce serait un transfert.

M. Demonceau – C’est vrai ; mais si vous n’opérez pas de cette manière, vous augmentez votre budget de 1839 de 90 mille francs, l’expression est claire, suppléer à un budget, ouvrir un crédit supplémentaire à un budget arrêté, c’est augmenter le chiffre de ce budget.

Il en est de même de l’article 2 du projet de loi. Ici l’inconvénient devient plus grave ; car on propose d’ouvrir un crédit de 410 mille francs sur l’exercice 1840, alors que M. le ministre de la justice, d’accord avec M. le ministre des finances, ne trouve pas de quoi le couvrir. C’est encore, selon moi, augmenter le budget de 1840 de 410 mille francs ; car, je le répète, suppléer un budget, c’est donner une somme pour rendre ce budget plus important.

Je fais cette observation, parce que je crains qu’on ne rencontre des difficultés de la part de la cour des comptes. Il est possible que je me trompe. J’attendrai qu’on me réponde.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – En différentes occasions, des reproches ont été adressés au gouvernement lorsqu’ayant besoin de nouveaux crédits, il les présentait sous la forme de transferts. Maintenant cette forme n’a plus été employée, et d’autres observations sont produites ; cependant il n’y a que deux moyens de faire face à une insuffisance de crédit : par un crédit supplémentaire purement et simplement ou par un transfert. Si une économie existe sur le budget de 1839, que nous procédions par voie de transfert ou par demande de nouveau crédit, cette économie se réalisera toujours. La chose au fond est indifférente ; quant à la forme, on a suivi celle que la chambre a paru préférer. Ce qu’il y a à examiner, c’est si le crédit est nécessaire. Je pense qu’à cet égard il n’y a pas d’objection.

Je ne crois pas avoir d’autre observation à faire en réponse à l’honorable préopinant.

M. Demonceau – Il me semble que M. le ministre n’a pas répondu à l’observation que j’ai faite, qu’on ouvrait un crédit de 410 mille francs au budget de 1840, et qu’il ne se trouvait pas de fonds pour payer cette somme, de l’aveu du ministre de la justice. Je lui ai dit : Comment se fait-il que vous demandiez un nouveau crédit de 410 mille francs, quand vous n’avez pas de fonds disponibles sur l’exercice de 1839. Si la comptabilité de 1839 est arrêtée et laisse disponibles les sommes dont il est parlé dans la note jointe au projet, ces sommes doivent figurer dans le compte au boni de cet exercice. Si la comptabilité n’est pas définitivement arrêtée, il peut se faire que vous avez besoin de disposer de ces sommes.

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, la nécessité de la dépense est incontestable, ainsi qu’il y ait des fonds ou qu’il n’y en ait pas, il faut qu’elle soit votée. Il s’agit en effet d’une dépense d’entretien des détenus dans les prisons. Les sommes portées au budget de 1839 et de 1840 n’ont pas suffi, parce qu’on n’a pas pensé que la dépense s’élèverait aussi haut. L’augmentation du nombre des détenus et la cherté des vivres ont déjoué les calculs sur lesquels l’évaluation en avait été assise. Ces sommes doivent être payées par suite de frais dont le montant est déterminé par des adjudications publiques ; ainsi il n’y a pas d’économie possible. S’il n’y a pas de fonds, il faut qu’on trouve moyen d’en faire.

Au reste, rien de pareil n’est à craindre : ce que vient de dire M. le ministre des finances prouve que, sous ce rapport, il n’y aura nulle difficulté. La lettre que je lui ai écrite et qui est jointe au projet de loi, indique les moyens avec lesquels il sera fait face à cette dépense.

Voici cette lettre :

Bruxelles, 25 novembre 1840.

Monsieur le ministre,

Satisfaisant au désir exprimé par votre dépêche du 18 courant, j’ai l’honneur de vous informer que déjà je puis indiquer, d’une manière certaine, comme devant rester disponibles sur les allocations du budget de 1839, les sommes ci-après :

Chapitre I

Art. 1. Traitement du ministre : fr. 7,000

Art. 4. Frais d’impression de recueils statistiques : fr. 1,700

Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 1,700

Chapitre II

Art. 1. Cour de cassation (personnel) : fr. 3,300

Art. 3 Cours d’appel (personnel) : fr. 4,100

Art. 4. Cours d’appel (matériel) : fr. 1,000

Art. 5. Tribunaux de première instance : fr. 18,500

Art. 6. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 17,300

Chapitre III

Art. 3. Auditeurs militaires : fr. 13,200.

Chapitre V

Art. 1. Constructions, réparations et loyers de locaux : fr. 5,000.

Chapitre VII

Art. 4. Frais d’impression et de bureau dans les prisons : fr. 1,800.

Art. 6. Achats de matières premières et salaires : fr. 230,300.

Chapitre IX

Art. 2. Subsides à des établissements de bienfaisance : fr. 14,300

Art. 4. Subsides pour les enfants trouvés : fr. 10,200.

Chapitre X

Article unique. Dépenses imprévues : fr. 600.

Total des sommes qui restent disponibles au budget de 1839 : fr. 350,000.

Quant à ce qui concerne les allocations du budget de 1840, il m’est impossible, à cette époque-ci de donner avec quelqu’exactitude le chiffre des sommes qui ne seront pas dépensées.

Cependant je vous prie de remarquer que, lors même qu’il ne resterait disponible qu’une somme de fr. 150,000 au budget de 1840, on arriverait à celle de 500,000 francs, montant du crédit supplémentaire demandée par le projet de loi dont j’ai eu l’honneur de vous donner communication.

Si, après ces explications, vous pouviez craindre encore que le crédit supplémentaire vînt déranger l’équilibre entre les recettes et les dépenses, j’ajouterais qu’au budget de 1838, sur lequel il ne sera plus fait d’imputations, bien que les 3 années d’exercice ne soient pas encore écoulées, il est resté disponible, non compris les 400 mille francs pour construction du palais de justice à Bruxelles, une somme de fr. 131,333 73, et qu’enfin des 500 mille francs demandés par le projet de loi de crédit supplémentaire, il y en aura 330 mille qui ne devront pas sortir des caisses de l’Etat.

Ainsi les fonds sont assurés. La dépense est nécessaire ; seulement il est impossible de déterminer pour 1840 sur quels articles on pourra l’imputer ; ce sera une affaire de comptabilité à régler ; mais les chambres ont toute garantie qu’il n’y a aucun danger à voter le crédit.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ajouterai aux observations que vient de vous présenter M. le ministre de la justice qu’en effet je n’avais répondu qu’en partie aux objections faites par M. Demonceau ; j’ai répondu à celles qui concernent plus particulièrement l’article 1er. du projet de loi ; j’ai expliqué pourquoi on n’avait pas procédé par voie de transfert ; toutefois on avait signalé qu’il y avait des sommes disponibles ; j’ai dit aussi que, quelle que soit la voie qu’en emploie, le résultat était le même, que si une économie existait elle était toujours acquise, soit qu’on proposât un transfert ou purement et simplement un crédit supplémentaire.

On n’a pas indiqué, dit l’honorable membre, avec quoi on paiera les 410 mille francs dont il s’agit à l’article 2. C’est une erreur ; on a indiqué une somme de 150,000 francs ; et quant au surplus, je puis donner l’assurance que le budget de 1840 présentera dans ses résultats de quoi faire face à ce supplément de crédit de 410 mille francs.

M. Eloy de Burdinne – Je crois qu’il est nécessaire et même indispensable de faire les fonds pour couvrir la dépense dont il s’agit. Mais j’aurai une observation à faire à la chambre et particulièrement à M. le ministre de la justice. Je suis d’avis sans doute que les prisonniers doivent être bien traités, mais il y a une distance ente le bien et le trop bien ; et il est certain qu’on a lieu de croire qu’ils sont trop bien traités en ce sens qu’on voit souvent des condamnés, après l’expiration de la peine qui leur a été infligée, commettre de nouveaux crimes pour retourner en prison. Cela me fait croire qu’on les traite un peu trop bien.

Je ne sais si les travaux sont bien dirigés, mais si mes rapports sont exacts, les objets confectionnés dans les prisons sont vendus au prix de la matière première. Peut-être achète-t-on trop cher la matière première, ou vend-t-on trop bon marché les objets confectionnés. Mais toujours est-il que la différence est très petite en proportion de ce qu’elle pourrait être.

J’appelle sur ce point l’attention de M. le ministre.

M. Demonceau – Je suis d’accord avec M. le ministre de la justice qu’il faut voter le crédit, qu’il faut payer les dépenses pour lesquelles il a demandé une allocation ; mais il doit reconnaître maintenant que, d’après les observations faites par M. le ministre des finances, j’ai eu raison de lui soumettre mes observations, puisque M. le ministre des finances reconnaît que les 410 mille francs pourront être pris sur les fonds disponibles de 1840. Mes observations ne m’ont pas été suggérées par ce qu’a fait la section centrale du budget des affaires étrangères ; elle a proposé une loi ayant pour but d’ouvrir un crédit et elle a déclaré que la somme pour laquelle elle ouvrait un crédit à M. le ministre des affaires étrangères serait prise sur tels et tels articles de son budget, même exercice, pour que le chiffre du budget ne fût pas augmenté. Il en sera différemment pour le budget de la justice, c’est ce que je voulais constater.

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Ce que M. le ministre des finances a appris à l’honorable préopinant se trouve consigné en toutes lettres dans la dépêche écrite par moi à M. le ministre des finances et qui est jointe au projet de loi. On y voit qu’il y a toutes garanties que le crédit sera couvert sas que l’on ait à recourir à des ressources extraordinaires.

Je dirai deux mots en réponse à l’interpellation de l'honorable M. Eloy de Burdinne. Je ne sais jusqu’à quel point il est vrai que des prisonniers libérés aient commis de nouveaux crimes pour se faire arrêter. Ce que je puis dire, c’est que les prisonniers ne sont pas trop bien traités. Ils ont la nourriture nécessaire à l’homme. Mais le régime des prisons est dur et assez dur pour qu’ils ne soient pas tentés de s’y faire réintégrer.

M. Eloy de Burdinne – Ce que j’ai eu l’honneur de dire, je l’ai vu rapporté plusieurs fois dans les feuilles publiques. J’y ai vu souvent qu’un individu arrêté après avoir subi sa peine, avait déclaré avoir commis un nouveau crime pour retourner d’où il venait.

M. de Mérode – Puisqu’on parle des détenus des prisons et de la manière dont ils sont traités, je dois aussi m’élever contre une humanité excessive et mal entendue, qui peut avoir, selon moi, les plus graves conséquences ; je veux parler de la peine de mort, qui, bien qu’elle ne soit pas abolie, n’est pas appliquée. Les assassinats se multiplient, et il est certain que cette philanthropie est singulièrement nuisible à ceux que l’on vient assassiner.

Des partisans avaient envahi la maison de gens chez qui ils avaient reçu l’hospitalité d’abord à titre de logement militaire. Les personnes qui habitaient cette maison furent assassinées d’une manière atroce. La peine de mort prononcée contre les assassins a été commuée dernièrement.

Un homme qui voulait se remarier met le feu à sa maison où étaient sa femme et ses enfants, qu’il enferme afin qu’ils périssent dans l’incendie ; cette malheureuse famille est brûlée. Le coupable est condamné à mort. Son exécution n’a pas lieu.

Aussi l’impunité encourage les crimes. A Waterloo, un homme et une femme, je crois, les gardiens de l’église, viennent d’être affreusement mutilés… L’intention de ceux qui les ont assaillis dans leur domicile était de leur donner la mort. Ils y ont échappé après avoir été longtemps dans un état désespéré par suite de profondes blessures.

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Y a-t-il eu condamnation ?

M. de Mérode – Pas encore.

Un berger vient d’être assassiné près de Malines ; il avait vendu des moutons à Bruxelles. Cet assassinat n’est pas plus atroce que les autres, et si l’on persévère dans le système généralement suivi jusqu’à présent, on fera grâce aux auteurs de ces crimes s’ils tombent entre les mains de la justice. Je ne puis cependant parler du ministre actuel ; il n’y a pas assez longtemps qu’il est au ministère pour que je m’explique sur les actes de son administration. Mais, je dois rappeler ici que, sauf l’honorable M. Ernst, aucun ministre de la justice depuis 1830 n’a laissé exécuter une condamnation à mort tandis que partout des actes semblables à ceux que j’ai signalés entraînent la peine capitale.

S’il ne résultat pas de là des assassinats de plus, il me serait assez indifférent que les condamnations à mort fussent ou non mises à exécution. Mais je crois que cette peine est nécessaire pour protéger les personnes exposées à être victimes des assassins.

J’engage donc le ministre actuel à ne pas se laisser séduire par ce que j’appelle, moi, de la « philantropie ».

Vote sur l'ensemble du projet

- Les deux articles du projet de loi sont successivement mis aux voix et adoptés par assis et levé.

Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet de loi.

En voici le résultat :

74 membres sont présents et votent pour l’adoption.

La chambre adopte.

Ont voté pour l’adoption : MM. Brabant, Cogels, Cools, Coppieters, David, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Potter, de Puydt, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Kervyn, Lange, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Verhaegen, Vilain XIIII.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1841

Discussion générale

M. le président – La discussion générale continue.

La parole est à M. Van Cutsem.

M. Van Cutsem – Messieurs, magistrat moi-même hors de cette enceinte, il pourra vous paraître étonnant que j’élève aujourd’hui la voix près de vous pour que vous amélioriez le sort de la magistrature ; mais quand je vous dirai que je ne demande rien pour cette classe de magistrats à laquelle j’appartiens, ou qui est au-dessus de celle dont je fais partie, dans la hiérarchie des pouvoirs ; quand je vous aurai dit que je ne veux vous entretenir que de ces magistrats qui n’ont pas vu augmenter leurs appointements depuis la loi de leur organisation, depuis cinquante ans, alors que tous les membres de l’ordre judiciaire ont au moins reçu quelques misérables cents francs de plus que ne leur accordaient les lois de l’empire, vous voudrez bien m’écouter avec cette bienveillance que l’on doit à celui qui réclame justice pour des magistrats dont on a déjà assez et trop longtemps méconnu les titres et les droits.

Si chacun de vous, messieurs, voulait se donner la peine de réfléchir à l’importance des services qu’un bon juge de paix peut rendre à la société, la majorité de cette assemblée n’hésiterait pas un seul moment à proclamer que le pays doit donner à ceux qui sont appelés à remplir d’aussi utiles fonctions une existence honorable ; si vous y aviez songé un instant, vous n’auriez pas encore doublé naguère leur travail sans augmenter leurs moyens d’existence.

Cette partie de la magistrature, au sort de laquelle je veux vous intéresser, est la plus belle de l’ordre judiciaire ; elle est appelée non seulement à juger les différends qui peuvent surgir entre particuliers, lorsque les débats réciproques et publics les ont déjà envenimés, mais elle a encore la noble mission de concilier les parties au moment où elles commencent à ne plus être d’accord sur leurs intérêts, et de leur faire comprendre, en les éclairant sur leurs devoirs, qu’il vaut mieux, pour l’une et pour l’autre, perdre quelque chose de ses stricts droits que de plaider et de se créer pour le reste de ses jours des sujets de haine et de chagrin.

Si telle est une partie de la noble mission confiée aux juges de paix, pouvez-vous croire qu’il ne faille pas pour la remplir autant de connaissances que pour s’acquitter des devoirs d’une place beaucoup plus élevée dans l’ordre judiciaire ? le nier, serait se refuser à l’évidence. Vous êtes donc, comme moi, convaincus qu’il faut de l'instruction, et beaucoup d’instruction pour desservir un pareil emploi ; cela admis, croirez-vous plus que moi que celui qui a du savoir voudra s’occuper à rendre des services aussi éminents à la société pour une misérable somme de neuf cents francs par an, alors qu’il peut, en se chargeant d’un bien mince procès, faire un lucre semblable ; alors que, dans la commune où il est le premier magistrat du canton, il aura à côté de lui le secrétaire communal qui aura des appointements supérieurs aux siens ; alors que le plus petit industriel de l’endroit pourra l’effacer par son luxe et par la considération que peut toujours acheter celui qui a un peu d’argent.

Tous les hommes qui se sont succédés depuis quelques années au pouvoir, tous les membres de cette chambre admettent en principe que le traitements des juges de paix pourrait être majoré ; mais pour ne pas rendre à cette classe intéressante de la société ce à quoi elle a droit, on fait d’une question d’équité et de justice une question de voies et moyens, et on s’exagère cette question sous le rapport des sommes à payer aux juges de paix pour les éconduire avec leurs justes réclamations ; mais, soyons de bonne foi, messieurs , pour parvenir à doter convenablement la magistrature, il ne faudrait que trois cent mille francs ; peut-on soutenir qu’il serait nécessaire de modifier notre système de voies et moyens pour payer une cinquantaine de mille francs à tous les juges de paix de la Belgique ? Evidemment non ; il suffirait de faire quelques économies sur les points susceptibles d’en recevoir pour faire face à ces dépenses.

Je voudrais donc que la chambre, c’est à elle que je m’adresse, je n’ai rien à demander au gouvernement qui nous a déjà promis de s’occuper pendant cette session du sort de la magistrature, pensât au sort des juges de paix et améliorât leur position ; je désirerais que la chambre se convainquît qu’il n’y a pas plus de raison pour refuser à ces magistrats des appointements auxquels ils ont droit, parce que les charges de l’Etat augmentent qu’à nos ambassadeurs à Londres ou à Paris ; en effet, quand elle admet que les juges de paix ont droit à tel salaire, eu égard aux services qu’ils rendent, pourquoi veut-elle leur retenir une partie de ce salaire plutôt qu’à d’autres ayants droit ? Pourquoi si le pays n’est plus en état de faire face à tous ses besoins, à toutes ses obligations, faire une retenir plutôt sur les appointements des membres de l'ordre judiciaire, et sur une autre classe encore de fonctionnaires, les commissaires d’arrondissement, que sur les fonctionnaires des autres administrations. Si le gouvernement doit faire des économies, qu’on le mette à même de les faire avec équité et justice, qu’on lui dise de faire une retenue sur les traitements de tous ses agents, et alors personne ne se plaindra plus ; mais non, il faut que toutes les économies pèsent, d’après l’avis d’une certaine partie des membres de cette chambre, sur l’ordre judiciaire, comme si, imbu des principes qui dominaient la politique de Napoléon en cette matière, elle voulait mettre la magistrature dans une telle gêne, qu’elle dût par son malaise devenir dépendante et amovible, d’indépendante et inamovible que la loi a voulu qu’elle fût.

Les membres de cette assemblée, qui professent de pareils principes, ont donc oublié que toujours en Belgique la magistrature a été respectée et en honneurs. Anciennement, les membres du conseil de Brabant, du conseil des Flandres, du grand conseil de Malines, du conseil du Hainaut, étaient les premiers fonctionnaires de l’Etat, et à cette époque où la noblesse occupait un autre rang qu’aujourd’hui, les premières familles du pays regardaient comme un grand honneur, pour leur noble sang, d’avoir un de leurs membres au nombre des conseillers, qui avaient alors des appointements qui vaudraient au moins de nos jours de 20 à 25 mille francs ; aujourd’hui, les places dans la magistrature ne sont plus payées, aussi elles ne sont recherchées souvent que par des médiocrités, et rarement par des talents de premier ordre, parce qu’elles ne donnent pas d’existence.

Le temps est venu de faire quelque chose au moins pour la magistrature, à laquelle je m’intéresse spécialement ; qu’on continue, si on le veut, à prélever sans droit une contribution extraordinaire sur les autres magistrats, au nombre desquels je me trouve, je ne m’en plaindrai pas, mais qu’on fasse au moins droit sur les réclamations que j’élève aujourd’hui pour les juges de paix, ou qu’on leur permette de s’adonner à l’industrie ou au commerce, pour augmenter leurs moyens d’existence, car la loi le leur défend aujourd’hui dans les termes les plus formels sous peine de révocation.

Si je n’étais pas convaincu que le gouvernement a l’intention bien arrêtée de nous soumettre un projet de loi pour améliorer le sort de toute la magistrature, j’userais de mon droit d’initiative, pour vous soumettre une loi qui donne aux juges de paix des traitements qui puissent leur procurer une existence honorable ; mais je le répète, j’attendrai parce que le gouvernement nous a promis cette loi dans son programme politique, et que le Roi, dans son dernier discours du trône, nous l’a encore promis.

Si je demande justice à cette chambre pour une partie de la magistrature, je la prierai encore de s’occuper du sort des notaires auxquels on a promis depuis longtemps de réviser leur loi d’organisation qui consacre les injustices les plus flagrantes, et qui permet aux notaires du ressort des cours d’appel de gagner des soixante et des cent mille francs par an, lorsque les notaires de canton, qui doivent avoir dans leurs communes autant et plus de connaissances que dans les grandes villes, où on a toujours un avocat à la main pour le consulter au besoin, peuvent à peine pourvoir à leurs premières nécessités et à celles de leurs familles.

J’ose donc croire que pendant cette session la chambre fera droit aux justes réclamations que ces fonctionnaires lui adressent à nouveau aujourd’hui par mon organe, et qu’on règlera aussi bientôt leur compétence en déterminant la circonscription cantonale qui se fait aussi attendre depuis nombre d’années.

Je ne puis encore me dispenser de prier le gouvernement de nous présenter une loi qui modifie notre système légal en matière de faillite, qui nous est promise depuis nombre d’années, car les formalités que notre code de commerce prescrit sont sans nombre et ruineuses.

Il serait bientôt temps aussi, qu’on s’occupât de la révision de notre code pénal, qui, comme je l’ai déjà dit lors de la discussion du projet de loi sur la répression du duel, n’est plus de notre époque, et qui a été modifié par tant de lois spéciales qu’il finira par être incompréhensible, tandis qu’en matière pénale tout doit être clair et positif.

Je me bornerai pour le moment à ces considérations générales, sauf à prendre la parole sur tel article du budget que je croirai devoir combattre ou appuyer ; toutefois, je félicite le gouvernement d’avoir demandé dans les articles du budget de la justice une somme de cent mille francs, comme l’avait fait le cabinet précédent, pour remplacer le petit séminaire de Rolduc par un nouveau séminaire à Tongres, parce que cette allocation doit servir à indemniser notre clergé d’une perte que lui ont fait essuyer les événements politiques, et parce que la demande de ce crédit doit nous convaincre que les catholiques obtiendront justice de lui comme de ses prédécesseurs.

M. de Foere – Messieurs, vous avez entendu les doléances de l’honorable orateur qui, le premier dans la séance d’hier, a porté la parole dans cette discussion. En présence de notre position financière si grosse de dangers pour l’avenir du pays, en présence de difficultés presque insurmontables de trouver sans léser gravement plusieurs branches d’industries des ressources pour couvrir des dépenses toujours croissantes, la chambre est enfin disposée à entrer dans la voie des économies et de retrancher des dépenses partout où les vrais intérêts du pays, le bon droit et l’équité ne les réclament pas impérieusement. Je dois d’abord rendre justice à l’honorable membre : « il est aussi partisan des économies, peut-être plus que tout autre ; mais il ne se contente pas de belles théories qui, en définitive, ne sont que des déceptions ; il veut des applications pratiques. »

Nous sommes ici parfaitement d’accord avec lui. Seulement, pour ne laisser rien à désirer à cette thèse, j’ajouterai que je repousse aussi les belles théories dans l’application pratique des dépenses. J’augure assez bien de l’impartialité de mon honorable adversaire pour espérer qu’il ne refusera pas son assentiment à l’extension que je viens de donner au principe posé par lui.

« Dans l’application des économies », mon honorable voisin « veut de la justice, de l’impartialité et de l’abnégation de tout esprit de parti. » Je suis heureux de pouvoir m’associer encore ici à l’opinion de l'honorable membre, et je renouvelle d’avance la certitude qu’il admettra avec moi que les principes, y compris les vrais intérêts du pays, doivent aussi présider à l’application des dépenses. Avec cette intention, sa thèse sera complète, et elle sera défendue par tout député qui n’a devant lui que le bien-être du pays et se soustrait à toutes les préoccupations personnelles et locales, à toutes les influences de position et de parti. Alors aussi nous marcherons, avec ensemble, vers un même but. Alors encore les hommes en pouvoir, quels qu’ils soient, seront forcés de suivre la vraie voie parlementaire. Leur force ne sera plus dans la division des partis ; elle sera dans les vrais intérêts du pays. Ils ne pourront plus chercher des appuis dans de lâches concession , ni semer la méfiance entre les partis, pour recueillir, à leur seul profit, les divisions parlementaires et se maintenir au pouvoir aux dépens du pays. Ces principes, je l’espère, seront réalisés ; s’ils ne le sont pas, le régime constitutionnel et représentatif ne sera qu’un odieux mensonge ; il tombera devant la réprobation des populations.

Je partage, dis-je, les principes de l’honorable membre. Mais par quelle étrange préoccupation d’esprit m’a-t-il accusé, dans la séance d’hier, d’avoir recueilli les susceptibilités de l’esprit de parti, alors que je n’ai fait qu’appliquer ses propres principes alors, que, dans l’intérêt du pays, j’ai voulu avertir le gouvernement, la chambre et le pays du danger qu’il y a à satisfaire aux exigences des partis quelconques, s’il était vrai que l’opinion publique avait justement interprété la mission extraordinaire à la cour de Sardaigne, et que cette mission n’eût d’autre but réel que celui de réhabiliter devant cette même opinion, et sur les exigences d’un parti, le personnage qui l’avait reçue et accomplie.

« J’ai, dit-il, reproché fort mal à propos au ministère, et ce à l’occasion d’un des actes les plus irréprochables, d’avoir cédé aux exigences d’un parti. » L’accusation est fausse. Mes paroles, recueillies dans cette chambre et consignées dans le Moniteur la détruisent. Je ne transforme pas des présomptions légitimes en accusations positives. J’ai subordonné le reproche à la vérité du fait. Si le fait est vrai, je ne recule pas devant le reproche positif que j’ai adressée au ministère. Je maintiens que les hommes en pouvoir se rendent coupables de graves abus, si, en dilapidant les deniers publics, ils cèdent aux exigences des partis, dans le but de se créer des appuis en dehors des vrais intérêts du pays. En maintenant cette opinion, je ne fais d’ailleurs qu’appliquer les principes de mon honorable adversaire. Il est sans doute trop bon logicien et trop étranger lui-même à tout esprit de parti pour prétendre que ses propres principes ne dussent recevoir aucune application, pas même une application conditionnelle.

Cependant, je regrette de le dire, sa susceptibilité a fait naître des doutes, non pas sur les principes dont j’ai pris acte, ni sur ses intentions, mais sur l’application de l’ « impartialité et de l’abnégation de tout esprit de parti », qu’il réclame de tous les bancs de la chambre. Il semblerait qu’un seul parti devrait être aussi irresponsable qu’inviolable devant la chambre et le pays, et que, si de simples suppositions, même quelques fondées qu’elles fussent, et appuyées par l’opinion publique, planent sur ce même parti, elles ne pourraient pas être éveillées devant la chambre, dans le but de dompter les partis dans l’intérêt du pays et d’épargner les deniers publics. Nous ne pouvons accepter une semblable position parlementaire. Ce serait accorder à un seul parti un monopole que, sous d’autres rapports, l’honorable membre reproche à d’autres partis. Ce serait déroger aux principes « d’impartialité et d’abnégation » que mon honorable adversaire a posés lui-même et décerner un brevet d’inviolabilité parlementaire à un parti pour pouvoir opprimer, avec plus de succès, tous les autres. Ce serait, en d’autres termes, maintenir tous les partis contre les intérêts du pays, ce que mon honorable adversaire lui-même ne veut pas.

Je dois aussi repousser une autre accusation.

Quoique je n’eusse adressé qu’une interpellation au ministère qui n’avait pour objet qu’un fait supposé et pour but la cessation d’un abus, si tant étant qu’il existait, j’aurais interpellé le gouvernement « fort mal à propos. » J’ai fait l’interpellation à propos de la discussion générale du budget du ministre des affaires étrangères qui avait revêtu l’ancien gouverneur de la province du Brabant de la mission extraordinaire près la cour de Sardaigne. Un mission extraordinaire suppose des intérêts graves et urgents près d’une cour qui exerce une grande influence politique. Elle suppose ce but surtout à la veille d’attacher à cette même cour un envoyé extraordinaire. L’opinion publique, malgré toute sa sagacité, n’avait pu découvrir des causes aussi graves. Elle s’était arrêtée à une autre interprétation, vraie ou fausse ; je ne suis pas entré dans le fond de cette question.

Voilà « à quel propos » et à quelle occasion j’ai fait cette interpellation. Vous en connaissez le but, c’était celui de faire cesser l’abus s’il existait. Ce but est avoué même par mon adversaire ;: dès lors je ne comprends pas l’accusation d’avoir interpellé le ministère « fort mal à propos ». Voudrait-il peut-être que les interpellations que les membres de la chambre adressent au ministère soient faites sans à-propos, sans objet et sans but ? Je ne pourrais le croire.

Mais « c’était un des actes du ministère les plus irréprochables ». Or, c’était là la question et mon honorable adversaire est trop bon orateur pour continuer de prétendre que j’accepte ses assertions gratuites comme des prémisses incontestables, et pour maintenir son accusation. Aussi longtemps que la mission de M. de Stassart ne sera pas justifiée par d’autres raisons que celles qui ont été alléguées, je continuerai, non pas dans mes convictions que je n’ai pas, mais dans mes suppositions légitimes et fondées.

Cette discussion, messieurs, présente d’autres phénomènes non moins inexplicables. Toute la chambre sait que dans la session dernière, j’ai blâme la destitution de l’ancien gouverneur du Brabant. Conséquent avec moi-même, j’ai dit dans mon interpellation de l’autre jour que, s’il était juste de le relever de cette destitution, il existait d’autres moyens de le réhabiliter, sans dépenser inutilement l’argent du contribuable. Des faits aussi positifs n’ont pas arrêter mon honorable adversaire. « Il ne sait par quel motif j’ai réveillé des susceptibilités endormies. » Ces motifs, je les ai produits au grand jour. Je n’ai pas voulu et je ne voudrai jamais que le trésor public serve à donner satisfaction aux exigences, non seulement d’un parti, mais, comme je l’ai dit, « des partis quelconques. »

Voyons maintenant si mon honorable adversaire a été plus heureux sous d’autres rapports, dans l’application de ses accusations.

Le ministère, dit-il, met tout en œuvre pour étendre notre commerce au moyen de l’établissement de nouveaux consulats. Ces dépenses, proposées dans ce but, sont rejetées ; cependant, ajoute-t-il, ceux qui repoussent ces dépenses en admettent d’autres qui sont inutiles, inconstitutionnelles même. L’honorable membre énumère ces dépenses ; ce sont celles qui sont proposées et allouées pour la légation de Rome, pour le traitement de l’archevêque de Malines, et pour l’achèvement du collège de Saint-Trond. Selon l’honorable député de Bruxelles ces dépenses seraient votées par intérêt de l’esprit de parti.

J’ai parlé et voté contre l’établissement de nouveaux consuls rétribués. Je suis donc enveloppé dans la même proscription. Je ferai d’abord remarquer que j’ai développé dans cette chambre mes motifs d’opposition aux dépenses proposées pour les nouveaux consulats. Mon honorable contradicteur n’a pas pris la parole dans cette discussion, et il vient attacher à ma parole et à mon vote des motifs étrangers au fond de la discussion même.

J’ai voté contre l’établissement même de la légation à Rome. L’honorable M. de Muelenaere vous a dit, dans une séance précédente que l’allocation primitive de cette légation avait été votée à une grande majorité. Le fait est vrai. La minorité qui a voté contre n’était que de cinq membres. Je me trouvais parmi ce nombre. Cependant, malgré ce fait, je n’en suis pas moins enveloppé de la même proscription.

Je n’ai pas non plus voté pour le traitement de l’archevêque de Malines. Mon nom n’en a point moins eu l’honneur exclusif d’être cités parmi ceux qui votent par esprit de parti.

Je dois à moi-même, messieurs, de vous expliquer ces deux votes. Lorsque les dépenses pour l’établissement de la légation de Rome ont été proposées j’étais sous l’impression de sinistres prévisions. Les faits ont depuis justifié ces prévisions ; elles ont été accomplies. L’histoire m’avait d’ailleurs appris que lorsque les gouvernements s’ingèrent dans les affaires religieuses, ce contact n’a jamais lieu qu’au détriment de la religion.

Lorsque l’augmentation du traitement de l’archevêque de Malines a été proposé, je savais que plusieurs membres de la majorité qui l’a votée n’associaient leur vote à cette majoration qu’afin que plus tard ce même traitement leur servît de prétexte pour majorer les traitements d’autres hauts fonctionnaires. Je n’ai pas voulu que mon vote fût invoqué à l’avenir comme un acte d’inconséquence, comme je n’ai pas voulu, ce que je ne voudrai jamais, que le clergé servît de marchepied et d’instrument à d’autres prétentions ou à d’autres ambitions. Je savais que l’on se proposait d’invoquer ce traitement comme un prétexte de suprématie et que les traitements de fonctionnaires élevés devaient être portés au même niveau. J’étais d’ailleurs aussi pertinemment informé que le digne archevêque de Malines avait été élevé, contre son gré, à la dignité du cardinalat.

Il reste, messieurs, à justifier mon vote à l’égard des 100,000 francs demandés pour l’achèvement du petit séminaire de Saint-Trond. J’ai exposé dans le temps les motifs de mon vote. Mon honorable adversaire ne les a pas attaqués, il n’est entré dans aucune discussion. Il s’est borné, comme d’habitude, à des accusations vagues, sans préciser le fond de la discussion. Dès lors, il est impossible de lui répondre. Cependant, il veut de l’équité et de l'impartialité dans la répartition des subsides. L’honorable rapporteur du budget de l'intérieur précédent a produit la liste de tous les collèges qui reçoivent des subsides sur le trésor public. Eh bien, il ne figure parmi ce grand nombre de collèges subsidiés aucun qui soit sous la direction du clergé. Le subside demandé pour le petit séminaire de Saint-Trond est d’ailleurs dans l’esprit de nos lois. Je ne sais comment l’honorable membre entend l’équité et l’impartialité. Ce sont ces principes qui, particulièrement, ont décidé mon vote en faveur de l’allocation demandée.

J’ai dit.

M. Cools – L’orateur qui pris le premier la parole dans cette discussion a eu parfaitement raison de s’élever contre l’esprit de parti qui se fait parfois jour dans cette assemblée, comme il se montre du reste dans toutes les assemblées délibérantes. L’esprit de parti prête souvent des proportions colossales à des questions secondaires qui ne seraient réellement dignes que de quelques instants d’attention.

Dans d’autres moments, il fait détourner les regards des matières intéressantes et qui exigeraient un sérieux examen. Il imprime à toutes les discussions où il intervient une allure gênée, irritante, qui en rend les résultats presque toujours stériles pour le pays. Mais comme il ne se présente jamais sous les dehors de l’impartialité, je demanderai à l’honorable membre à quel signe on peut le reconnaître ?

Je ne sais si sous ce rapport nous serons entièrement du même avis, mais à mes yeux l’indice le plus certain de l’esprit de parti, c’est l’affectation avec laquelle on cherche à ramener sans cesse la discussion sur une question spéciale, les peines qu’on se donne pour découvrir le mobile caché de la conduite de ses adversaires, alors qu’on le suppose en rapport avec un certain ordre d’idées qu’on affectionne. Ainsi lorsque dans des considérations générales sur le ministère de la justice, je remarque qu’on ne s’arrête qu’aux questions religieuses, lorsque je vois passer successivement en revue les fonds alloués à l’archevêque de Malines, le traitement de notre ministre à Rome, les sommes demandées pour le petit séminaire de Saint-Trond, j’ai peine à me persuader que ce langage est exempt de toute prévention antireligieuse ; je suis au contraire tenté de croire qu’on croire qu’on critique de certaines allocations, non parce qu’elles sont peu utiles, mais parce qu’elles sont agréables à tel ou tel membre du clergé, dont on n’approuve pas la conduite. Et ici l’orateur dont je relève les paroles ne m’accusera pas de calomnier ses intentions. L’année dernière, à propos de cette malheureuse question du petit séminaire de Saint-Trond, à laquelle on attache une si grande importance, il nous a fait connaître assez ouvertement le fond de sa pensée ; il nous a dit alors qu’il aurait pu accorder les fonds demandés, s’il n’avait pas eu à reprocher au chef du diocèse sa conduite dans l’affaire de Tilff, et sa circulaire dans les élections.

Ce langage passionné, j’en ai souvent fait la remarque, jette sur la cause que l’on défend une défaveur qui se fait encore sentir alors que l’orateur qui y a recours se dégage, dans d’autres moments de ses préoccupations habituelles pour soumettre à cette assemblée des propositions dignes d’une sérieuse attention.

Ainsi, dernièrement, un autre membre parcourant la liste de nos agents diplomatiques a fait tombé sa critique sur le traitement de notre ministre à Rome. Sa proposition de réduction, on ne peut le révoquer en doute, lui était uniquement inspirée par la situation critique de nos finances, et quoique pour ma part, je n’eusse pu l’admettre en aucun cas, je n’en suis pas moins persuadé qu’elle aurait rencontré un meilleur accueil si une partie de cette assemblée avait pu oublier les considérations émises par son auteur dans d’autres circonstances ; si elle ne s’était pas sentie sous l’impression du discours prononcé par lui à deux jours de là, alors qu’après avoir signalé la tendance trop religieuse du dernier ministère, il reprocha au cabinet actuel de tolérer la même tendance chez ses agents et que pour justifier cette accusation, il ne peut invoquer que des faits, à mes yeux sans importance, qui se seraient produits dans des assemblées électorales, des causeries de coin du feu qui succèdent à toutes les réunions de cette nature.

Et si je critique ici le soin que prennent quelques orateurs de ramener sans cesse la discussion sur la question religieuse, ce n’est pas l’indifférence avec laquelle ils envisagent l’irritation que cette tendance imprime aux débats, pour me donner le triste plaisir de m’ériger en aristarque de mes collègues ; c’est que je regarde cette irritation comme nuisible aux intérêts du pays. Je sais que, sincères dans leur conviction, blâmant des opinions opposées qu’il voudraient voir se dessiner plus franchement, ils croient devoir dévoiler au pays les mobiles cachés de ces opinions ; mas la peine qu’ils se donnent est inutile. Chacun sait bien que l’esprit de parti ne se produit pas toujours au grand jour. Le public ne finit pas moins pas le découvrir à travers le voile dont il s’enveloppe.

Ainsi un honorable député de Bruxelles, préjugeant les votes qui seront émis sur l’allocation demandée pour le petit séminaire de Saint-Trond, croit devoir signaler d’avance la portée secrète de quelques-uns de ces votes. Hé, bon Dieu, à quoi bon ? Si parmi les membres de cette assemblée votant contre toutes les allocations qui ne sont pas strictement obligatoires, prenant soin, à chaque article de dépenses, de s’apitoyer sur le sort du contribuable, de rappeler le déficit qui se trouve dans nos finances, il devait s’en rencontrer aux yeux desquelles cette allocation fût « la seule » qui trouvât grâce, si ces membres, oubliant pour un instant la rigidité de leurs principes, prenaient à cœur de nous démontrer qu’il existe d’ « excellentes » raisons, pour admettre cette dépense, « mais celle-là seule entre toutes », le député auquel je fais allusion croit-il que le public ne découvrirait pas, sans qu’on le lui montre au doigt, le motif secret de ces votes ?. A quoi peuvent donc servir les peines qu’on se donne pour dévoiler les tendances de tel ou tel parti, alors que sans s’en douter et de bonne foi, je veux le croire, on se laisse aller par une impulsion inverse tout aussi exclusive, si ce n’est à diviser la chambre en deux camps ennemis ?

Et ce n’est pas seulement dans cette enceinte que l’irritation se fait sentir : si on n’y prend garde elle se répand dans tout le pays. Lorsqu’une question qui remue les passions se présente devant cette assemblée, peu d’orateurs prennent la parole ; elle aboutit pour la plupart d’entre nous à un vote silencieux. Le public, après avoir lu les débats, compte les voix et se persuade que les opinions se sont formées sous l’impression de brillants discours qui les ont précédés. Il ne sait pas que les opinions extrêmes ne représentent d’ordinaire que des individualités ; que dans toutes les assemblées délibérantes les majorités se groupent autour des doctrines modérées et ne se laissent jamais entraîner aux postes avancés, que ces majorités, sur les questions irritantes comme sur les autres, se déterminent par des motifs d’ordre, d’équité et d’impartialité, et jamais par des considérations empruntées aux passions.

Voilà ce que le public perd souvent de vue et qu’il est bon de lui rappeler quelquefois, pour qu’il ne se méprenne pas sur l’esprit qui domine dans cette assemblée. Ce que le pays demande avant tout aux chambres comme au gouvernement, c’est l’impartialité et la modération.

Le ministère, lorsqu’il nous a déclaré dans son programme que ses principes conviennent à toutes les opinions modérées et franchement constitutionnelles, n’a pas ignoré qu’il trouverait ses plus fermes soutiens, ici comme au dehors de cette enceinte, dans les rangs des hommes calmes et progressifs qui demandent l’oubli du passé, le rapprochement d’opinions plus hostiles dans les mots que dans les choses, et la consolidation de notre nationalité. Il a parfaitement compris que, pour conserver une majorité composée de ces éléments divers, il ne devait faire pencher la balance ni dans un sens ni dans l’autre ; que cette ligne de conduite, dont je lui sais gré, pouvait seule rapprocher les esprits, et effacer la trace d’une lutte intestine que nous avait léguée la révolution et qui ne s’était que trop prolongée. Déjà, si on peut en juger d’après le calme qui règne dans le pays, cette œuvre de conciliation a fait des progrès ; mais si quelque chose pouvait en retarder la marche, ce serait l’expression souvent répétée de ces opinions trop exclusives que j’ai signalées au commencement de mon discours, et contre lesquelles j’ai voulu protester.

Puisque je viens de toucher, en passant, la question du petit séminaire de Saint-Trond, que je me suis élevé contre l’importance qu’on cherche à y attacher ; ne voulant pas prendre deux fois la parole, je dirai en peu de mots les motifs du vote que j’émettrai sur cette allocation spéciale. J’ai voté l’année dernière pour, je voterai cette année contre. Je le ferai, non pas en vue du propriétaire de cet établissement, non pas parce que c’est un évêque, ni quoique ce soit un évêque, mais uniquement par des motifs d’équité et d’économie.

L’année dernière il nous a été dit que les bâtiments et jardins de Rolduc valent 70,000 francs, j’en ai accordé 100,000 pour transférer cet établissement à Saint-Trond, c’est-à-dire plus que la valeur du bâtiment qu’on va abandonner. Je l’ai fait en considération des pertes que l’exécution du traité de paix avait fait essuyer à l’évêché de Liége. Je n’ai pas examiné si cette somme suffisait pour ériger le nouvel établissement, parce que tout le monde était d’accord que rien ne nous obligeait à intervenir dans la dépense. J’ai cru me montrer généreux en votant une somme aussi considérable à laquelle l’Etat n’était pas tenu. Aujourd’hui, on nous demande une nouvelle somme. J’y vois une tendance à faire supporter par l’Etat presque toute la dépense du nouvel établissement, déduction faite du produit des bâtiments abandonnés. Or c’est à mes yeux une véritable indemnité. Cette indemnité, je ne refuser pas de l’accorder, mais je veux réserver mon vote jusqu’au moment, que j’espère être très prochain, où j’aurai à examiner la question des indemnités sous un point de vue plus général.

M. de Theux – Je commencerai par relever une erreur qui est échappée à l’honorable député de Thielt. En ce qui concerne le traitement du cardinal de Malines, il nous a dit que c’était en vue de poser un précédent qui justifiât l’élévation du traitement des ministres, que cette allocation avait été consentie par le gouvernement.

Je conviens avec l’honorable membre que l’archevêque n’avait pas recherché la dignité de cardinal ; elle lui a été spontanément accordée par la cour de Rome. Mais, promu à cette dignité, il a réclamé l’exécution d’un décret impérial, décret qui accordait un traitement de 30,000 francs aux cardinaux. Toutefois, en raison de la situation financière du pays et à raison aussi des dispositions sur le cumul, le cardinal a pensé, comme le gouvernement, qu’il devait se contenter du traitement de 30,000 francs, et ne pas cumuler le traitement d’archevêque et celui de cardinal, cumul qui était cependant autorisé par le décret impérial.

Nous avons vu que c’était au moment de la promotion de l’archevêque à cette dignité, au moment où la cour de Rome donnait un témoignage aussi éclatant de son affection pour la Belgique, qu’il convenait de fixer définitivement la position du dignitaire. La majorité des deux chambres, et même une grande majorité, a ratifié l’opinion du gouvernement.

Mais, quoique nous n’ayons pas eu en vue l’élévation du traitement des ministres, nous n’avons jamais pensé que le traitement du ministre des affaires étrangères fût fixé à un taux normal.

J’en viens au discours prononcé dans la séance d’hier par un député de Bruxelles ; et je le remercie de nous avoir fourni l’occasion de nous expliquer sur les griefs qu’il a articulés.

Suivant cet honorable membre, la partialité dont aurait fait preuve le ministère dont nous avons fait partie, la partialité que montraient même certain membres de cette chambre, même la majorité de cette chambre, car c’est la majorité qui a été attaquée en ce sens que des votes ot été signalés comme ayant été émis exclusivement par esprit de parti ; ce serait donc cette partialité, cet esprit de parti qui aurait amené dans le pays une tendance funeste, la division entre deux opinions ; nous croyons, messieurs, qu’il n’en est rien.

L’honorable membre a mis en parallèle la modération du congrès, dont la majorité, suivant lui, appartenait à son opinion, et la partialité dont aurait fait preuve la majorité de la chambre des représentants qui a existé depuis l’avènement du Roi.

D’abord, en ce qui concerne le congrès, je nie que le congrès fût en majorité de l’opinion de l’honorable préopinant. Je prétends au contraire que la chambre n’a fait que continuer le congrès, c’est-à-dire que la majorité du congrès était la même que la majorité de la chambre.

De quel côté s’est manifesté l’esprit de modération dans le sein du congrès ? Assurément de la part de ceux qui ont été l’objet des attaques si injustes de l’honorable préopinant. Je le demande, est-il une seule liberté constitutionnelle à laquelle il attache du prix qui ait été disputée par les membres qu’il accuse d’intolérance ? pas un seul, messieurs, par un seul membre du congrès appartenant à cette nuance d’opinion n’a contesté une seule des libertés constitutionnelles qui pouvaient cependant tourner à leur détriment.

En a-t-il été de même de la part de quelques membres du congrès qui avaient les mêmes opinions que le député que nous combattons en ce moment ? Assurément non. Toutes les libertés auxquelles nous attachions du prix ont été vivement contestées ; la liberté des cultes, la liberté de l’enseignements, ces libertés on a voulu les entourer d’entraves qui les eussent évidemment compromises.

Et lorsque la majorité du congrès eût écarté les restrictions qu’on voulait y apporter, on a vu quelques membres de la minorité montrer une exagération, je dirai même une exaspération véritablement regrettable.

Voilà donc, la différence des conduites mise sous son véritable point de vue et la vérité rétablie dans tous ses droits.

Pendant l’existence du congrès, l’opinion professée par une grande partie de cette chambre n’était pas représentée dans l’administration centrale ? A-t-on vu surgir une opposition contre cette administration, une opposition de principes, une opposition religieuse ? En aucune manière.

Nous avons vu plus tard une administration encore complètement libérale, dans laquelle siégeaient plusieurs membres du cabinet actuel. A-t-on vu dans cette assemblée, messieurs, se montrer une opposition religieuse ? En aucune manière ? Mais ce qu’il y a à remarquer, c’est que ces mêmes ministres libéraux étaient accusés de tendances catholiques, de tendances ultrareligieuses. Voilà jusqu’où va l’esprit de tolérance.

A cette même époque, les évêques conçurent le projet de fonder l’université catholique. Qu’en advint-il ? On vit de nouveau une grande exaspération éclater. Un ancien membre du gouvernement provisoire connu par la libéralité de ses opinions, par le caractère le plus noble, qui avait donné tant de preuves de dévouement au pays, a vu sa maison devenir l’objet d’insultes, l’objet d’un charivari. Les mêmes démonstrations ont eu lieu devant les demeures d’honorables citoyens d’une de nos grandes cités.

Mais quand on a fondé l’université libre de Bruxelles, en opposition à l’université de Louvain, a-t-on vu se répéter des scènes semblables ? Assurément non. On a pensé que chacun usait de ses droits, cherchait à faire prévaloir son opinion, et personne n’a pensé qu’il fallait chercher à comprimer l’opinion qui se manifestait par la création de l'université libre.

Les scènes qui se sont produites à l’occasion de la création de l'université catholique se sont encore reproduites à l’occasion de plusieurs élections. Nous avons vu les citoyens les plus dévoués au pays, les plus recommandables par leurs qualités, par un patriotisme éminent, devenir l’objet d’insultes dégoûtantes, d’ignobles charivaris.

Mais a-t-on jamais vu, messieurs, lorsque des hommes, quelque exagérées que pussent être leurs opinions, appartenant à une autre nuance, étaient proclamés dans le collège électoral, a-t-on jamais vu des démonstrations semblables ? Jamais, en aucune occasion.

Où est donc l’esprit de modération, où est l’esprit de tolérance ?

Je pourrais, messieurs, citer d’autres faits analogues, qui prouveraient la vérité de ce que je viens d’avancer.

On a parlé de partialité dans notre administration, mais où sont les actes de partialité ? Quand ont-ils été dénoncés à notre tribune ? Quand ont-ils été reconnus réels ? J’ose le dire, en aucune circonstance. Serait-ce peut-être dans la collation des emplois ? Mais je prie mon honorable contradicteur de se reporter à une statistique dressée par un homme dont il ne suspectera pas l’impartialité, et après l’examen de cette statistique, il devra reconnaître qu’en fait d’emplois notre administration a été aussi modérée qu’il était possible de l’être.

N’a-t-on pas vu, messieurs, la majorité des deux chambres admettre une dotation en faveur du culte israélite, alors qu’il n’existe pas un seul pays où une semblable dotation soit portée au budget de l’Etat ? N’a-t-on pas vu, messieurs, la majorité des deux chambres allouer une dotation au culte anglican, professé par des étrangers, alors que dans aucun pays les étrangers n’obtiennent de la part de l’Etat un subside pour l’exercice de leur culte ? Sont-ce là, messieurs, des actes d’intolérance ?

La majorité des chambres a-t-elle exagéré les traitements des vicaires, des desservants ? Assurément non, car mon honorable contradicteur les trouve lui-même insuffisants ; on les a en effet fixés avec parcimonie, mais on a été obligé de le faire, parce que les ressources du budget ne permettaient pas d’en agir autrement. Le congrès se serait-il montré partiel en cette matière ? Assurément non : vous vous rappelez, messieurs, que l’ancienne loi fondamentale du royaume des Pays-Bas assurait au clergé la conservation des traitements, émoluments et pensions dont il jouissait à l’époque de la promulgation de cette loi ; eh bien, messieurs le congrès, quoique la majorité de cette assemblée eût pu prendre une semblable résolution, ne l’a point fait ; il s’est référé à la sagesse de la législature du soin de fixer le taux de ces traitements et pensions.

Les suppléments de traitements accordés sous le gouvernement précédent à un grand nombre de desservants ont été successivement retirés ou au moins n’ont pas été renouvelés après le décès des titulaires.

Les évêques eux-mêmes, messieurs, qui ont attiré l’attention tout particulier de l’honorable membre, ont subi une très grade réduction sur le traitement dont il jouissaient sous le gouvernement précédent ; aussi ne parviendrait-on pas à exciter un sentiment de jalousie de la part du clergé inférieur à l’égard de ses chefs.

Les fonds d’encouragement portés annuellement au budget, ont-ils été employés avec partialité, au profit exclusif de notre opinion, loin de là, messieurs, personne n’oserait l’articuler.

Cependant, messieurs, que l’on considère que ce clergé, que l’on dit être si favorisé, a été dépouillé de toutes ses propriétés, de tous ses revenus, qui étaient si considérables et dont il jouissait par le seul effet de la piété de nos aïeux ; que l’on considère que la loi d’expropriation avait garanti qu’une indemnité serait accordée non seulement au clergé, mais à toutes les institutions auxquelles les fondations pieuses devaient servir de soutien.

Je profiterai de cette occasion pour répondre quelques mots au député de Liége, car lui aussi s’est montré très peu modéré, très peu impartial dans le discours qu’il a prononcé lors de la discussion du budget des dotations. D’après cet honorable membre, nous nous serions particulièrement arrêtés, dans la collation des emplois aux opinions des titulaires, sans avoir aucun égard à leur mérite ; non, messieurs, cette assertion est toute gratuite. Nous disons que nous n’admettons pas comme de véritables capacités toutes celles qui sont désignées comme telles par quelques journalistes ou par l’esprit de parti : nous considérons comme bons administrateurs les hommes modestes, instruits, laborieux, s’appliquant à rendre justice à leurs administrés, plutôt que ceux qui cherchent à capter l’appui de quelques journaux et négligent parfois leur administration.

Nous aurions encore nommé à des emplois importants des hommes qui ne veulent ni union ni conciliation. Voyons comment l’honorable membre justifie cette assertion ? Le gouverneur de la province de Liége a cherché à écarté de la députation un ami de cet honorable membre ; mais quels sont les faits rapportés par l’orateur ? Le député provincial, qui a été écarté, s’était montré le constant adversaire du gouverneur, de telle manière qu’avec deux de ses collègues, il partageait toujours la députation en deux ; cependant le gouverneur ne prit point l’initiative ; il proposa de conserver tous les membres de la députation, et qui n’a point voulu la conservation des anciens membres, c’est précisément l’ami de M. Delfosse, et celui-là était exclusif ; il voulait que son opinion fût seule représentée dans l’administration, il voulait exclure ses collègues ; eh bien, messieurs, il a subi le sort qu’il avait mérité ; mais, je le demande, qui était ici éloigné de la conciliation, de la tolérance ? est-ce le gouverneur, qui ne voulait rien changer à la composition de la députation ? est-ce le membre de la députation qui voulait écarter ses collègues ?

La manière dont M. Delfosse apprécie la conciliation et la modération en ce qui concerne son ami de la députation, doit nous faire juger de l’importance des griefs qu’il a articulés contre un procureur du Roi et un commissaire d’arrondissement, deux fonctionnaires qui n’ont cependant point le tort d’avoir été nommés par nous ; car l’un d’eux a été nommé par le gouvernement provisoire, l’autre a été nommé par M. Rogier, alors ministre de l’intérieur. Ces deux hommes, messieurs, sont connus pour avoir, en toute occasion, manifesté un esprit d’union et de conciliation, ils appartenaient à deux nuances différentes de l’union, mais cependant ils étaient animés du même esprit de modération. Vous voyez donc, messieurs, la futilité des accusations dont ces deux honorables fonctionnaires ont été l’objet.

Le tort de ces fonctionnaires, c’est de n’avoir pas appuyé dans les élections les amis de M. Delfosse ; quant à moi, messieurs, je ne leur en fais pas un grief ; j’espère, au contraire, qu’ils persévérerons dans la conduite qu’ils ont tenue et qu’ils seront imités par leurs collègues dans l’administration ; et le ministère lui-même doit former les mêmes vœux.

En effet, l’honorable M. Delfosse a promis au ministère son appui, mais il lui a déclaré en même temps qu’il n’a point toutes ses sympathies. M. Delfosse veut une réforme électorale pour modifier la majorité des chambres, et alors sans doute le ministère qui n’a que son appui transitoire, qui n’a point sa sympathie devra céder la place aux amis de l’honorable député de Liége.

Voyons, messieurs, quel est l’esprit de justice qui anime cet honorable membre lorsqu’il parle de réforme électorale. Il veut, dit-il, l’uniformité du cens, c’est-à-dire qu’il veut que les trois quarts de la population ne puissent plus se faire représenter dans les chambres. En effet, déjà aujourd’hui, il existe une inégalité marquante en ce sens que les campagnes ne sont point représentées dans les collèges électoraux, dans la proportion de leur population, et cependant, messieurs, si le congrès a voulu inscrire une vérité dans la constitution lorsqu’il a dit que le pays doit être représenté aux chambres en raison de la population, il faut que la population soit prise pour base, non seulement quand au nombre de députés à assigner à chaque localité, mais aussi quand au nombre des électeurs à assigner soit aux campagnes, soit aux villes. Sinon, messieurs, la représentation en raison de la population ne serait qu’un mensonge. Si donc l’on voulait être juste, il faudrait demander une réforme électorale en ce sens que les districts électoraux tels qu’ils existent aujourd’hui serait subdivisés de telle manière que chaque collège n’eût plus à choisir qu’un seul député, que chaque localité du pays pût exercer dans le collège une influence réelle, une influence sérieuse à raison de sa population.

Je crois avoir prouvé à la dernière évidence que ni la justice, ni la modération ne se trouvent dans les discours des deux orateurs que je combats ; et je suis heureux de pouvoir dire en même temps que ces discours m’ont paru rencontrer peu de sympathie dans cette assemblée ; preuve de l’esprit de modération qui l’anime, et qui je l’espère, ne cessera jamais de l’animer.

M. le président – La parole est à M. Demonceau.

M. Demonceau – Messieurs…

M. de Foere – Je demande la parole pour présenter à la chambre une rectification.

L’honorable préopinant est dans l’erreur lorsqu’il croit que j’aurais dit que l’archevêque de Malines avait été élevé au cardinalat dans le but de lui accorder un traitement plus considérable et de baser ensuite la majoration du traitement des hauts fonctionnaires de l’Etat sur celui de l'archevêque de Malines. J’ai dit que plusieurs membres de la majorité avaient voté l’allocation demandée pour le cardinal, afin d’avoir un prétexte de réclamer plus tard d’autres majorations. Tel a été, entre autres, le motif que l’honorable M. Devaux a émis dans cette discussion. Je me rappelle même les termes dont l’honorable membre s’est servi : il a dit qu’il se souviendrait de son vote lorsqu’on proposerait des majorations pour d’autres fonctionnaires.

M. Demonceau – Messieurs, lorsque dans votre séance d’hier, j’ai entendu un honorable membre accuser certains de ses collègues de ne voter dans tel sens que par esprit de parti, je vous déclare que j’ai été péniblement affecté. Pour mon compte, je crois avoir prouvé depuis que je siège dans cette enceinte, que j’étais aussi modéré et aussi gouvernemental que qui que ce soit.

Le ministère précédent m’a souvent trouvé pour adversaire ; très souvent j’ai combattu ses actes ; très souvent aussi je l’ai appuyé. Je ne m’en repens pas, parce que chaque fois que j’appuyais le ministère, c’est que je croyais que le ministère présentait des actes tels qu’ils devaient mériter l’assentiment de la nation. Quand je l’ai combattu, c’est que je croyais que le ministère présentait des actes qui, dans mon opinion, ne pouvaient pas faire le bonheur du pays.

Je n’ai jamais vu au ministère des hommes, je n’ai vu que les actes. Ce que j’ai fait sous le ministère précédent, je le ferai sous le ministère qui est aujourd’hui aux affaires.

Au nombre des personnes qui sont aujourd’hui au ministère, je suis heureux de pouvoir compter des personnes qui, comme moi, j’aime à le croire, ont contribué non seulement a amener les événements de 1830, mais encore à les consolider.

Je ne les menacerai donc pas de faire de l’opposition, s’ils ne marchent pas dans tel sens. Je leur dirai : « Présentez-moi des actes propres à faire le bonheur moral et matériel de mon pays, et vous aurez mon appui. Surtout, ne cherchez pas à destituer des hommes qui, d’accord avec vous en 1830, ont amené les résultats qui vous ont placés où vous êtes. »

Et quelle ne doit pas être notre affliction lorsqu’on entend attaquer ici des fonctionnaires qui, en 1830, se sont montrés non pas des hommes de parti, mais des hommes sincèrement dévoués à leur pays.

Et que faisaient donc, quand le danger était imminent, la plupart de ces libéraux qu’on voit aujourd’hui paraître sur la scène dans la province de Liége ? Ils étaient tranquilles, ils étaient en paix, attendant les événements.

Messieurs, je suis aussi de la province de Liége. Je passe pour ne pas appartenir à l’opinion libérale, je le sais bien ; mais je ne m’en crois pas moins aussi libéral que qui que ce soit, car jamais, je puis le dire, je n’ai, en blâmant un acte quelconque, donné le droit de supposer qu’il y avait de ma part intolérance.

Mais un acte qu’il ne m’a pas été possible de ne pas blâmer, je l’avoue, c’est la distinction donnée naguère à un homme qui certes n’a pu faire valoir d’autres titres que certaines tracasseries et les procès nombreux qui, avant 1830 et depuis, ont été dirigés contre les établissements de bienfaisance et les fabriques de notre province ; je m’en souviens, messieurs, parce qu’avant 1830 j’avais une profession qui souvent me mettait en contact avec l’administration à laquelle il appartient, et l’on sait que depuis 1830 la même administration n’a rien négligé pour maintenir intact le système du gouvernement précédent, malgré les décisions du gouvernement provisoire ; je ne sais, messieurs, si c’est au même homme ou à ses conseils que nous devons les entraves que jusqu’à ce jour nous avons rencontrés dans l’organisation définitive de la conservation des hypothèques de Verviers ; je dois, du reste, dire au gouvernement (car je ne puis avoir une meilleure occasion) tout ce qui a été tenté et par le gouvernement provisoire et par moi pour obtenir justice en octobre 1830.

L’organisation du tribunal de Verviers fut décrétée par le gouvernement provisoire ; il s’agissait de prendre toutes les mesures propres à organiser de suite la justice dans cet arrondissement.

Le gouvernement provisoire, par arrêté du 31 décembre 1830, ordonna l’ouverture de la conservation des hypothèques de Verviers pour le 10 janvier suivant.

Les hypothèques existant au bureau de la conservation des hypothèques de Liége devaient nécessairement et équitablement être transférées au bureau de la conservation des hypothèques de Verviers. Voici comment le gouvernement provisoire s’est expliqué :

« 2° Il sera fait sur les registres du bureau de Verviers une mention sommaire des inscriptions non périmées et transcriptions existantes sur les registres du bureau de Liége et relatives à des biens situés dans l’arrondissement de Verviers. Il sera en outre loisible aux parties intéressées de faire transférer en entier et sans être assujetties au payement d’aucun droit, des registres de Liége sur ceux de Verviers, lesdites inscriptions et transcriptions.

« 3° Pour les transcriptions le transfert s’opérera sur la présentation des grosses ou expéditions des contrats, revêtus de la relation de la formalité précédemment remplie. Pour les inscriptions, le transfert aura lieu sur la représentation du double du bordereau, sur lequel se trouve la relation de l'inscription faite au bureau de Liège, ou d’un extrait du registre de conservation des hypothèques à Liége et sur la remise du double certifié conforme, tant par le requérant que par le conservateur des hypothèques à Verviers. »

Cette mesure, messieurs, ne put pas recevoir son exécution. Le conservateur des hypothèques de Liége prétendit, d’accord avec le chef de l’administration dans la province, qu’on ne pouvait pas exécuter l’arrêter du gouvernement provisoire.

Des réclamations furent adressées au gouvernement et à la chambre des représentants par tous les justiciables de l’arrondissement de Verviers. Moi-même, et je vous en ai parlé dans une séance précédente ; moi-même, j’ai adressé à M. le ministre de la justice un projet de loi qui avait pour but d’obtenir l’exécution de l’arrête du gouvernement provisoire d’une manière légale, puisque l’on prétendait que son exécution pure et simple était impossible.

Voici ce que M. le ministre de la justice me répondit, le 5 mars 1836 :

« J’ai examiné le projet de loi que vous m’avez fait l’honneur de me communiquer par votre lettre du 18 février, et qui a pour but d’assurer l’exécution de l’arrêté du gouvernement provisoire du 31 décembre 1830.

« Ce n’est pas, ce qu’il me semble, sans crainte de difficultés sérieuses, que l’on pourrait adopter les mesures que vous proposez pour obtenir la translation au bureau de Verviers, des inscriptions hypothécaires prises à Liége, sur les immeubles situés sous la juridiction du tribunal que vous présidez.

« D’après l’économie de votre projet, la sanction de ces mesures ne pourrait efficacement s’obtenir, sans que, d’une part, les intéressés n’eussent lieu d’appréhender la déchéance de droits acquis sous la législation actuelle, ou sans imposer, d’autre part, à un conservateur des hypothèques une responsabilité beaucoup plus rigoureuse que celle dont il a aujourd’hui à supporter les effets.

« D’après ces considérations, je ne crois pas pouvoir donner suite à votre projet, ; si, usant du droit qu’ont chacun des membres de la chambre, vous jugez convenable de prendre à cet égard l’initiative, votre proposition fera l’objet d’un mûr examen de la part du gouvernement.

« Quant à l’exécution de l’arrêté du 31 décembre 1830, je viens d’en référer à M. le ministre des finances, en l’invitant à remédier, autant qu’il dépend de lui, aux inconvénients que vous me signalez.

« Agréez, etc… »

Vous le voyez, messieurs, pour ne pas imposer au conservateur des hypothèques de Liége une obligation que l’arrêté du gouvernement provisoire lui avait cependant imposée, on a reculé devant cette mesure, il n’a été présenté ni projet de loi ni pris de mesures pour l’exécution de l’arrêté du gouvernement provisoire, en date de décembre 1830 ; l’on a par là servi parfaitement les intérêts du conservateur des hypothèques de Liége, au préjudice, je dois le dire, du conservateur des hypothèques de Verviers et de tous les justiciables de cet arrondissement.

Savez-vous, messieurs, à quels moyens nous devons avoir recours aujourd’hui, par suite de l’opposition constante que nous avons rencontrée ? Nous devons demander au conservateur des hypothèques de Liége un certificat des inscriptions requises, depuis le 1er janvier 1819 au 10 janvier 1831. C’est le conservateur actuel des hypothèques de Liége qui a, comme vous le pensez bien, les bénéfices de la délivrance au préjudice de qui ? au préjudice du conservateur des hypothèques de Verviers. Voilà pour ce qui concerne l’administration.

Nous devons ensuite demander au conservateur des hypothèques un extrait des inscriptions requises depuis l’organisation de la conservation. Ainsi, pour toute expropriation, pour tout ordre, pour toute purge civile, il faut un certificat du conservateur des hypothèques de Verviers. Et quand je vous dirai que de tous les tribunaux de la Belgique (vous n’avez pour vous en assurer qu’à consulter la statistique), le tribunal de Verviers est celui où l’on a poursuivi le plus d’expropriation et fait le plus d’ordres, pendant les trois dernières années 1836-1837, 1837-1838, 1838-1839, vous conviendrez avec moi, je pense que cette double dépense a été préjudiciable, et très préjudiciable aux habitants du district de Verviers. Ce n’est pas tout : lorsque l’ordre est clôturé définitivement il faut un certificat de radiation pour la conservation de Verviers et un certificat de radiation pour la conservation de Liége ; et s’il faut consentir la radiation de la plus petite inscription, c’est encore aux hypothèques de Liége qu’il faut aller opérer cette radiation. Tout cela, je crois devoir le dire, parce que je puis me dispenser de dire toute ma pensée, n’a pu être toléré aussi longtemps que dans l’intérêt du conservateur de Liége.

Lorsqu’en 1839, nous eûmes à réorganiser la justice dans la partie du Limbourg et du Luxembourg restée à la Belgique, je signalai de nouveau, ce que déjà j’avais signalé en 1836 ; cette réorganisation devait, en effet, amener une proposition de la part du gouvernement, et, je dois le dire, l’honorable ministre de la justice d’alors avait promis d’arrêter et de proposer une mesure ayant pour but, non seulement d’ordonner le transfert des hypothèques de Liége à Verviers, mais en outre la réorganisation des conservations d’hypothèques dans le Limbourg et dans le Luxembourg. Je viens donc appeler toute l’attention du ministère sur l’acte que je signale et pour le prier d’examiner attentivement s’il ne lui serait pas possible de proposer prochainement une mesure quelconque. Les détails dans lesquels je suis entré prouvent que la question qui avait été tranchée par M. le ministre de l'intérieur, se rattachait parfaitement à la question que j’ai soumise au ministère de la justice.

J’avais proposé un projet, d’après lequel j’avais prononcé une déchéance contre les créanciers qui ne transfèreraient pas leurs inscriptions dans un délai fixé. M. le ministre de la justice d’alors, je viens de vous en donner la preuve, n’a pas cru pouvoir prendre mon projet sous sa protection ; il m’a engagé, il est vrai, à faire, en ma qualité de représentant, une proposition à la chambre. Mais sachant qu’une proposition de ce genre venant d’un membre de la chambre n’a pas toujours le même appui que quand elle vient du ministère, ayant ensuite pour principe surtout qu’en pareille matière, l’initiative doit venir du pouvoir exécutif, je lui déclarai que je ne le présenterais pas. C’est maintenait au gouvernement à s’en expliquer, car la mesure est nécessaire, non seulement pour Verviers, mais encore pour le Limbourg et le Luxembourg.

Je passe enfin à un autre objet.

Depuis 1830, il a été promis à l’arrondissement de Verviers qu’on reconstruirait d’une manière plus régulière et surtout d’une manière plus sûre pour les détenus, la prison qui existe aujourd’hui à Verviers. Lorsque vers 1837 M. le ministre de la justice proposa une dépense d’environ 10 mille francs pour amélioration à la prison de Verviers,, je lui fis observer que 10 mille francs étaient une dépense trop élevée si l’on voulait seulement réparer, et insuffisante si l’on voulait faire le nécessaire.

Le ministre envoya sur les lieux alloués M. l’administrateur des prisons, accompagné du secrétaire général du ministère de la justice.

Les prisons furent examinées attentivement par ces honorables fonctionnaires. Il est résulté de leur rapport et de l’instruction à laquelle le ministre s’est livré, un plan d’une prison convenable, trop vaste peut-être pour l’arrondissement de Verviers. Lorsque ce plan fut arrêté, le projet du chemin de fer pour la traversée de la ville de Verviers, n’avait pas encore été arrêté définitivement ; il se trouve aujourd’hui que l’emplacement sur lequel les constructions projetées devaient avoir lieu, est nécessaire pour la construction du chemin de fer.

Naguère, j’ai eu l’honneur de voir M. le ministre des travaux publics sur les lieux, je l’ai engagé à visiter la prison de Verviers, ce qu’il a bien voulu faire avec moi. J’espère qu’il aura rendu à son collègue un compte bien exact de ce qu’il a vu ; il me l’avait promis, et je sais qu’il a l’habitude de tenir ses promesses.

Je demanderai donc à M. le ministre de la justice s’il a l’espoir de trouver un local convenable pour la construction d’une prison, et s’il pense pouvoir s’occuper bientôt de cette partie du service dans l’arrondissement de Verviers.

Je n’en dirai pas davantage et je voterai pour le budget. (A demain ! à demain !)

M. le président – La chambre est convoquée pour demain à 11 heures pour la cérémonie. La séance publique est fixée à 2 heures.

-La séance et levée à 4 heures et demie.