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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 21 décembre 1840

(Moniteur belge n°357 du 22 décembre 1840)

(Présidence de M. de Behr, vice-président)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.

M. de Villegas lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse communique à la chambre les pièces de la correspondance.

« Les débitants de boissons distillées de l’arrondissement de Malines demandent l’abrogation de la loi du 18 mars 1838 relative à l’abonnement. »

« Des négociants d’Arlon adressent des observations sur l’augmentation proposée de l’accise sur le café. »

- La chambre ordonne le renvoi de ces deux pétitions à la section centrale chargée d’examiner le budget des voies et moyens, et l’insertion au Moniteur.


« Les administrations communales de Watervliet, Waterland-Oudeman, Sainte-Marguerite, Saint-Jean-in-Eremo, demandent la prompte exécution de la loi sur les indemnités. »

- Renvoi à la commission chargée d’examiner les amendements de M. le ministre de l'intérieur.


« La chambre de commerce et des fabriques de Bruges adresse des observations sur le projet de loi relatif au traité conclu entre la Belgique et les Etats-Unis. »

- Renvoi à la commission chargée d’examiner le projet ci-dessus.


« Le sieur Albert-Modeste de Rottermund, officier polonais au service de Belgique depuis 1832, lieutenant au premier régiment de lanciers, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Alfred-Lucien-Victor, Sigismond Zawisza-Czarny, officier polonais au service de Belgique depuis 1832, lieutenant au premier régiment de lanciers, demande la naturalisation. »

- Même décision.


« La chambre de commerce et des fabriques de Bruges, demande la construction du canal d’écoulement de Dam à la mer. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen de la proposition de M. Lejeune.


« L’administration communale d’Assche demande la révision du revenu cadastral des propriétés bâties de cette commune, par suite des pertes qu’elle a essuyées par l’établissement du chemin de fer et la construction de différentes routes pavées. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les habitants de Robelmont demandent la discussion du projet de loi relatif à la séparation de Robelmont de Villers-la-Loue. »

M. d’Hoffschmidt – Messieurs, la pétition dont on vient de faire l’analyse a pour objet de rappeler à la chambre une demande faite par les habitants des sections de Robelmont, Harpigny et Verly, tendant à ce que ces sections soient séparées de la commune de Villers-la-Loue, province de Luxembourg. Cette demande a été formée en 1836 ; toutes les formalités d’instruction voulues par la loi ont été remplies ; le conseil provincial consulté en 1837, a donné un avis favorable, et la même année le dossier a été transmis à la chambre et renvoyé à une commission nommée pour examiner ladite demande. Voilà trois ans que cette commission est saisie et aucune décision n’a encore été prise.

Il paraît que plusieurs autres demandes en séparation de communes ont été renvoyées à des commission qui n’ont pas fait non plus leur rapport. Je demande donc que la pétition dont on vient de faire l’analyse soit renvoyée à la commission chargée d’examiner le dossier, qu’elle rappelle avec invitation de faire un prompt rapport.

Il serait bon que le bureau invitât également les commissions chargées d’examiner les autres demandes à faire un prompt rapport, cela ne leur donnera pas grande occupation et avancera les travaux de la chambre.

- La proposition de M. d’Hoffschmidt est adoptée.


M. Lys (pour une motion d’ordre) – Le bureau a fait avant-hier l’analyse d’une pétition adressée par les héritiers de madame Maquinay, qui a été renvoyée simplement à la commission des pétitions. Je n’ai pas compris ledit aperçu, et aujourd’hui je vous demande que ladite commission soit invitée à faire un prompt rapport.

Cette pétition, messieurs, est relative à des arrérages de rentes dues par des communes qui, étant assignées, prennent leur recours contre l’Etat. Des actions identiques ont été jugées par la cour de Liége et l’Etat a été condamné ; il s’est pourvu en cassation, son pourvoi a été rejeté. Je crois qu’il est dans l’intérêt de l’Etat surtout, comme dans l’intérêt des communes et des particuliers que de nouveaux procès soient évités.

- La proposition de M. Lys est adoptée.


M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) adresse à la chambre des explications sur la pétition du sieur Alexandre.


M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) adresse à la chambre des explications sur les pétitions des négociants de Neufchâteau et Saint-Hubert contre le colportage, qui lui ont été renvoyées.

- Dépôt au bureau des renseignements.


M. Ph. Bourson, directeur du Moniteur, fait hommage à la chambre d’un exemplaire de sa brochure sur la question d’Orient.

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur les céréales

Transmission par le sénat

Le sénat, par un message, adresse à la chambre le projet de loi sur les céréales qu’il a amendé.

- Ce projet est renvoyé à la commission qui l’a examiné quand il a été présenté à la chambre.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1841

Motion d'ordre

Projet de loi qui ouvre au ministère des finances un crédit de 2,000,000 de francs

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, nous touchons à l’expiration de l’année, et il sera impossible qu’avant le 1er janvier le budget des voies et moyens, tel qu’il a été formé, puisse être discuté dans les deux chambres, alors même que le rapport de la section centrale sur ce projet vous serait immédiatement présenté. Pour éviter que la perception des impôts ne soit interrompue, le gouvernement se trouve dans la nécessité de vous soumettre en attendant la discussion des nouvelles mesures qui vous sont proposées, un projet de loi dont sont écartées les majorations d’impôts, sauf seulement celle qui est relative à la contribution foncière dont les rôles, une fois confectionnés, ne pourraient plus être modifiés qu’à grands frais et moyennant un travail très considérable. Dans le 14 de ce mois, le gouvernement a remis à la section centrale, chargée de l’examen du budget des voies et moyens, une note tendant à opérer la même division de ce projet.

Du reste, messieurs, sauf les dispositions qui concernent la contribution foncière, il n’est rien changé aux propositions qui vous ont été soumises dans votre séance du 17 novembre : elles sont maintenues dans ce sens que chaque accise présentant une augmentation de droit, doit être considérée comme formant un projet de loi spécial ; qu’un projet particulier renfermera les modifications au tarif des douanes ; un autre qui est relatif au droit d’inscription et de transcription ; et enfin un dernier qui concerne la suppression du droit de tonnage extraordinaire à Ostende.

Dans l’intérêt du trésor, nous exprimons le vœu que la section centrale et la chambre veuillent bien s’occuper en premier lieu, et aussitôt que possible, des augmentations relatives à l’impôt sur les eau-de-vie indigènes, et aux droits d’inscription et de transcription qui paraissent avoir rencontré le moins d’opposition dans les sections, et, par conséquent, semblent ne devoir pas donner lieu à de longues discussions. Il est à désirer aussi que la suppression du droit de tonnage extraordinaire qui est perçu à Ostende, puisse être prononcée avant le 1er janvier.

Nous ne pouvons nous dispenser, messieurs, d’appeler votre sérieuse attention sur l’urgence de créer de nouvelles ressources pour éviter les conséquences fâcheuses d’un déficit qui, à la fin de l’exercice 1841, viendrait accroître encore le chiffre de notre dette flottante, déjà beaucoup trop élevé.

(Note pour cette version numérisée : Le ministre donne ensuite lecture de ce projet de loi, limité à la seule contribution foncière, ainsi de l’exposé des motifs qui l’accompagne).

M. le président – Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi dont il vient de donner lecture.

- Ce projet et l’exposé des motifs qui l’accompagne seront imprimés et distribués et renvoyés à la section centrale chargée d’examiner le budget des voies et moyens (et à la section centrale chargée d’examiner le budget du département des finances).

M. Pirson – Le projet que vient de présenter M. le ministre des finances est dans le cas de faire naître dans l’assemble une discussion qui demandera encore un jour ou deux. Enfin, ce n’est pas seulement d’un crédit provisoire qu’il s’agit, le ministre demande l’insertion dans le budget de certaines augmentations d’impôts. Je ne sais si cela présentera des difficultés, je n’ai pas encore d’opinion arrêtée, mais il peut se faire que la discussion de ce projet dure un certain temps.

Le ministre de la guerre vous a présenté un projet de loi sur le contingent de l’armée qui donnera lieu aussi à une discussion, car de 50,000 hommes dont se compose notre armée, on propose de la porter à 80,000 hommes. Je n’ai pas d’observation à faire quant à présent.

Ma motion a pour but de prier la chambre de prendre en considération le peu de temps que nous avons pour discuter d’aussi graves intérêts.

Nous sommes à la veille du premier janvier. D’ordinaire beaucoup de membres commencent à prendre leurs vacances la veille de Noël. S’il en était encore ainsi cette année, ceux qui ne peuvent pas profiter du chemin de fer seraient obligés de rester ici bouche béante jusqu’à ce que ces messieurs revinssent.

Noël tombe le vendredi, le lendemain c’est un espèce de fête, le dimanche c’est fête, de sorte que nous serions ici trois jours sans rien faire. Je demande que dès aujourd’hui, afin que chacun des membres puisse prendre ses arrangements, que la chambre déclare qu’elle aura séance samedi et dimanche à deux heures. Sans cela nous aurons trois jours de chômage et dans l’état de nos travaux, il est impossible d’accorder autant de temps à ceux qui désirent retourner dans leur famille.

Je demande positivement que la chambre décide aujourd’hui qu’elle tiendra séance samedi et dimanche.

M. de Nef – Je demande qu’il y ait séance samedi, mais non dimanche.

M. de Mérode – Dans d’autres circonstances il me semblerait inopportun d’avoir séance le dimanche. Mais dans l’état actuel des choses, en présence de l’urgence de nos travaux, malgré ma répugnance pour les séances de dimanche, j’accéderai à la proposition de M. Pirson.

M. de Theux – S’il y avait urgence, je ne m’opposerais pas à la proposition de M. Pirson ; mais je pense qu’il est prématuré de décider aujourd’hui qu’on aura séance dimanche. Pour que chacun sache à quoi s’en tenir, qu’on décide qu’on aura séance samedi, et samedi on décidera s’il y a lieu d’avoir séance dimanche.

M. Lys – Je demande que cette proposition soi ajournée à jeudi. Nous saurons alors ce que nous aurons à faire.

- La chambre consultée ajourne la proposition de M. Pirson.

Loi portant cession du pont domanial de Stalhille à la province de la Flandre occidentale

Motion d'ordre

M. de Muelenaere – Messieurs, dans une séance précédente, j’ai eu l’honneur d’appeler l’attention du gouvernement sur le pont domanial de Staelen dont la Flandre occidentale demande à faire le rachat pour supprimer, s’il est possible, le péage qu’on perçoit au profit du gouvernement.

Je remercie M. le ministre des finances de l’empressement qu’il a mis à présenter un projet de loi tendant à cette fin. Ce projet de loi a été renvoyé à une commission ; cette commission est nommée depuis deux ou trois jours seulement. Je demanderai que le bureau ou M. le président eût la bonté d’inviter la commission à s’occuper le plus tôt possible de ce projet. Il serait désirable qu’il pût être voté avant le 1er janvier, le bail finissant à cette époque ; le payement du droit serait supprimé à partir du commencement de l’année.

- La demande de M. de Muelenaere est adoptée.

Projet de loi portant le budget du département de la justice de l'exercice 1841

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIII. Cultes

Article premier

« Art. 1er. Culte catholique

« Litt. C. Subsides pour la construction, la restauration et l’entretien des églises et presbytères ; érection d’un petit séminaire à Saint-Trond : fr. 350,000 francs. »

M. le président – La discussion continue sur le littera C (Art. 1er du chapitre VIII) « Subsides pour la construction et réparations des églises et presbytères. Erection d’un petit séminaire à Saint-Trond : fr. 350,000. »

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Avant que la discussion continue, je dois rectifier une erreur que j’ai commise dans la précédente séance sur la somme mise à la disposition du petit séminaire de Saint-Trond. J’ai dit que les 100,000 francs n’avaient pas été mis à la disposition du séminaire de Saint-Trond. Je me suis trompé. Mon erreur provenait de ce que, dans les pièces composant le dossier relatif à cette affairé, je n’avais pas trouvé celle constatant la remise de 100,000 francs. C’est là ce qui m’avait fait croire qu’elle n’avait pas eu lieu. Cette somme a été mise à la disposition du petit séminaire de Saint-Trond. Mais il ne résulte nullement de là qu’un second subside ne soit pas nécessaire pour les travaux qui doivent être repris au printemps. Les travaux mis en adjudication s’élèvent à deux cents et quelques mille francs. Vous remarquerez qu’à cause du bref délai dans lequel doit être évacué le séminaire de Rolduc, les travaux sont adjugés de manière que les travaux doivent être terminés le 15 août 1841. les travaux d’appropriation doivent avoir lieu en 1842. Les travaux doivent avoir lieu dans un si court espace de temps, il faut allouer dès à présent les moyens de les solder.

Je crois donc et je pense que l’assemblée croira également qu’il y a nécessité d’allouer le subside demandé.

M. Verhaegen – En répondant aux observations faites par quelques orateurs dans la séance de samedi et que l’honorable M. Pirson a eu raison de provoquer, je ne m’occuperai que de la question d’ajournement, la seule dont la chambre soit saisie en ce moment.

L’honorable M. de Theux nous oppose la chose jugée, il invoque la décision que la chambre a prise l’année dernière, en regrettant la motion d’ajournement qui avait été faite par l’honorable M. Milcamps.

A M. de Theux d’aujourd’hui, nous répondrons, comme nous l’avons déjà fait en maintes circonstances, par M. de Theux d’autrefois. Voici ce que nous lisons dans le Moniteur du 20 février 1840 :

« Nous croyons que cette limitation (celle proposée par l’honorable M. Lys) ne doit pas trouver sa place dans la loi, parce qu’il dépendra toujours de refuser ou d’allouer de nouveaux subsides, quoi qu’on ait décidé dans la circonstance actuelle ; lorsque nous avons demandé 100,000 francs, nous n’avons pas entendu nous engager pour les demandes qui pourraient nous être faites ultérieurement, etc. »

Et plus loin : « Si plus tard les chambres refusaient, il faudrait que l’évêché s’adressât à la piété des fidèles pour pourvoir au complément des bâtiments. »

Vous voyez donc, messieurs, que de l’avis de M. de Theux lui-même, la chambre peut et doit encore examiner cette année toutes les questions qu’elle a examinées l’année dernière et qui sont relatives au subside demandé pour le petit séminaire de Saint-Trond.

Une de ces questions, nous dirons même la question principale, est celle qui a pour objet l’ajournement demandé jusqu’à la discussion de la loi sur les indemnités.

La loi sur les indemnités nous a été présentée par M. le ministre de l'intérieur et sera discutée dans peu de jours ; c’est une indemnité aussi que l’on réclame pour l’évêque de Liége, et pourquoi ferait-on une exception en faveur de ce prélat, dont les ressources sont immenses, alors que tant de malheureux réclament depuis un grand nombre d’années des indemnités pour les désastres dont ils ont été les victimes ?

Pourquoi accorderait-on l’urgence quand il s’agit du petit séminaire de Saint-Trond qui, sans y avoir droit, a déjà reçu un acompte de 100,000 francs, alors que les habitants des poldres, dont les maisons sont ensevelies sous les eaux et qui n’ont d’autre abri que de chétives cabanes, ont à peine touché de quoi se donner un morceau de pain ?

M. le ministre de la justice a fait une distinction qui n’est que subtile.

Dans la loi des indemnités, a-t-il dit, il ne s’agit que des pertes essuyées par suite de « circonstances de force majeure », telle que la révolution, l’invasion hollandaise, tandis que dans l’espèce il s’agit du « fait » de la nation, des conséquences d’un traité que les chambres et le gouvernement ont sanctionné. S’il est vrai, a-t-il ajouté, qu’il ne résulte de ce fait qu’une obligation imparfaite, ce n’en est pas moins une dette sacrée, une dette d’honneur pour le pays.

Nous sommes loin d’admettre cette distinction : la révolution est aussi le fait de la nation ; c’est une dette d’honneur pour elle de cicatriser les plaies qu’elle a faites, et surtout d’indemniser immédiatement les victimes de l’invasion hollandaise.

Nous n’admettons pas non plus que le diocèse de Liége ait droit à une indemnité quelconque. Déjà nous avons développé notre opinion à cet égard dans la dernière session, et nous croyons inutile de revenir sur ce point.

Mais fallût-il, contrairement à notre avis, admettre et le fondement de la réclamation et la distinction faite par l’honorable ministre de la justice, encore l’ajournement devrait-il nécessairement être adopté.

On ne contestera certes pas que les victimes du statu quo ne puissent aussi et à plus forte raison invoquer à l’appui de leurs réclamations le fait du pays, qui leur a demandé dans l’intérêt général, le sacrifice de leurs propriétés ; eh bien, ces victimes n’ont cessé de faire entendre leurs justes plaintes ; à votre dernière séance encore, l’honorable M. Cogels demandait un prompt rapport sur une pétition nouvelle que ces malheureux adressaient à la chambre ; et cependant je prévois que si vous faites une exception pour le petit séminaire de Saint-Trond, ils attendront longtemps avant d’obtenir justice.

Ce que je viens de dire pour détruire la distinction faite par l’honorable ministre de la justice, n’est que la répétition de ce que disait naguère l’honorable ministre de l’intérieur (M. Liedts) : « Je suis véritablement étonné, disait-il dans la séance du 20 février 1840, d’entendre contester par le député de Tournay l’analogie qui existe entre le projet en discussion et la loi des indemnités. On prétend qu’il ne s’agit que d’accorder un subside à un établissement : mais cette prétention serait peut-être contre les intentions de ceux qui la soutiennent, s’ils en examinaient les conséquences ; qui accorde un subside a le droit d’en surveiller l’emploi ; si donc le gouvernement accorde véritablement un subside au petit séminaire, il aura le droit de surveillance sur ce petit séminaire ; ce n’est certes pas là ce que l’on veut.

« On prétend ensuite qu’il ne s’agit pas de subside, mais de cicatriser une plaie faite par le traité ; cette plaie, dit-on, est votre œuvre ; c’est à vous à la fermer. Je prends la question sur ce terrain et j’admets le fait et la conséquence. Alors je vous demanderai comment vous pourrez refuser une indemnité à ceux qui ont souffert par suite du statu quo. Vous avez organisé ce statu quo pour la Belgique ; vous l’avez demandé, dût-il durer pendant un siècle ; eh bien ! des familles ont perdu leurs habitations ensevelies sous les eaux pendant la durée de ce statu quo ; leurs pertes sont le résultat de votre œuvre ; et cependant vous déclarez aujourd’hui que vous ne voulez pas leur accorder aucune indemnité ; car la question des propriétaires n’est pas décidée.

« Comme la plus grande analogie existe entre la loi que nous discutons et la loi des indemnités, je crois que le gouvernement doit consentir à l’ajournement, afin que toutes ces questions soient vidées en même temps ».

En vous rappelant ces paroles du ministre de l’intérieur, mon but n’est aucunement de mettre cet honorable membre en contradiction avec lui-même.

Je sais bien que M. le ministre, voulant aujourd’hui rendre justice à tous ceux qui ont souffert de la révolution, ne se trouve plus dans la même position dans laquelle il se trouvait avec tous ses collègues l’année dernière, alors qu’il ne connaissait pas, sur la loi des indemnités, les intentions du gouvernement.

Mais je demanderai à M. le ministre si, relativement à la question des indemnités, il peut bien compter sur une majorité dans cette enceinte ? Sa responsabilité est grande.

Sommes-nous bien sûrs que la majorité qui paraît disposée à voter le subside, ou l’indemnité de 100,000 francs en faveur du petit séminaire de Saint-Trond, votera encore dans quinze jours les indemnités réclamées à aussi juste titre en faveur des victimes de la révolution et de l’invasion hollandaise ? Eh bien, particulièrement votera-t-elle des indemnités en faveur de tous ceux qui ont essuyé des pertes par suite du malheureux traité ? Viendra-t-elle au secours des propriétaires, des industriels séparés de leurs propriétés et de leurs usines ? Donnera-t-elle des traitements d’attente à tous les fonctionnaires privés de leurs emplois ?

Nous craignons fort qu’elle ne recule devant les conséquences d’un principe qu’elle aura proclamé quinze jours auparavant ; cependant, ce qui est vrai aujourd’hui pour le petit séminaire de Saint-Trond sera vrai alors pour tous ceux qui se trouveront dans la même position.

Aussi est-ce dans l’intérêt de ces réclamants futurs que l’honorable député de Bastogne (M. d’Hoffschmidt) a déclaré ne vouloir voter le subside en faveur du petit séminaire de Saint-Trond que pour prendre acte du principe qui lui sert de base.

Croyez-moi, messieurs, la position que vous allez prendre deviendra de plus en plus difficile et il n’y a que l’ajournement que j’ai l’honneur de vous proposer et que vous proposait l’année dernière l’honorable M. Milcamps, qui puisse parer à tous les inconvénients.

Je le répète encore une fois, tous ceux qui voteront contre l’ajournement et qui accorderont immédiatement l’indemnité ou le subside réclamé pour le petit séminaire, prendront par cela même l’engagement formel de faire droit et de suite à toutes les autres demandes d’indemnités, alors surtout que la base sera identique.

Les réclamations que mon premier discours a soulevées me permettent de supposer que la chambre est bien décidée dorénavant à rejeter tout esprit de parti ; mais des faits ont pour moi plus de force que des paroles et l’occasion se présente de me donner à cet égard une conviction entière.

Le vote d’aujourd’hui mis en rapport avec le vote que vous émettrez sous peu sur la loi des indemnités, me prouvera, j’espère, de la manière la plus irréfragable, que la chambre ne procède pas par esprit de parti, ni que la chambre n’a pas deux poids et deux mesures.

M. de Mérode – L’honorable M. Pirson vous a signalé le petit séminaire de Namur ; il vous a dit que dans ce diocèse on ne demandait rien pour ce petit séminaire. Il est évident que si nous n’avions pas cédé deux demi-provinces, le petit séminaire de Rolduc serait resté au diocèse de Liége, qui n’aurait rien à réclamer ; Ainsi une pareille comparaison est déplacée et ne peut faire aucun impression sur vos esprits.

Il y a deux ordre d’administration : l’administration civile, l’administration religieuse. Nous avons perdu, sous le rapport de l’administration civile, deux chefs-lieux de province, Luxembourg et Maestricht. A-t-on regardé la translation à Hasselt et à Arlon comme une indemnité pour elles ? Nullement. C’était là un besoin d’ordre civil ; c’est une nécessité d’ordre religieux de remplacer le petit séminaire de Rolduc par un autre petit séminaire. C’est une nécessité d’ordre religieux aux yeux de tous ceux qui considèrent un petit séminaire comme aussi nécessaire à un diocèse qu’un grand séminaire. Or, M. le ministre de la justice a prouvé par des faits que personne n’a été que dans le petit séminaire de Rolduc presqu’exclusivement se renferment les vocations ecclésiastiques.

Il en résulte donc de là que ne pas rétablir le petit diocèse de Rolduc dans une partie de territoire qui nous appartient, ce serait vouloir anéantir le grand séminaire de Liége. Or, je ne crois pas que telle soit ici l’intention de personne. Il n’y a donc aucune comparaison à faire entre les indemnités qui peuvent être dues à des particulier et un établissement d’intérêt général.

Personne n’a été plus zélé que moi pour les propriétaires des polders expropriés pendant si longtemps. Personne n’a été plus zélé que moi pour solliciter la reconstruction de la digue de Lillo, que j’ai visitée, et sur laquelle j’ai appelé de toutes mes forces l’attention des ministres des travaux publics. Ainsi l’on ne croira pas que je suis indifférent à la position malheureuse des victimes des inondations. Mais l’allocation de 100,000 francs, destinée au petit séminaire de Saint-Trond, n’aura aucune influence sur l’indemnité due pour les inondés. La somme de 7 millions demandée pour indemniser leurs pertes n’a aucune proportion avec la somme dont il s’agit maintenant. D’ailleurs, l’honorable M. Verhaegen lui-même vous a proposé, au commencement de la discussion de l’article relatif au culte catholique, une augmentation pour les vicaires et les desservants. Cette augmentation était plus considérable que la somme de 100,000 francs que nous demandons pour le petit séminaire de Saint-Trond. Il ne parlait pourtant pas alors de malheureux inondés. Toutes les doléances qu’il a présentées à leur égard n’étaient pas mises en avant.

Je ne conçois pas que l’on veuille ainsi embrouiller toutes les questions de manière qu’il soit impossible de s’y reconnaître. Si l’on considère le petit séminaire comme inutile, qu’on rejette les 100,000 francs ; si on le considère comme très utile, qu’on alloue cette somme san s’occuper d’une autre question.

M. Lys – Je croyais, messieurs, avoir discuté dans votre dernière séance la question de l’allocation proposée pour le petit séminaire de Saint-Trond avec toute la convenance désirable. Je n’ai déversé le reproche ni le blâme sur personne ; cela n’entre pas dans mes habitudes, et je crois vous en avoir donné la preuve depuis que j’ai l’honneur de siéger au milieu de vous.

Quelle a dû dès lors être ma surprise, d’ouïr l’honorable M. de Theux, dire et répéter qu’à m’entendre, il semblerait qu’il y a eu une spéculation de la part de l’évêque de Liége.

Il n’y a rien dans mes paroles qui puisse donner lieu à une pareille interprétation, parce que telle n’était pas mon intention. Je défie l’honorable député de Hasselt d’y puiser la moindre justification de ses avances.

Je respecte le prélat qui est à la tête du diocèse de Liége, parce qu’il est mon évêque ; depuis une douzaine d’années, je l’ai rencontré souvent dans ses visites pastorales, et je suis persuadé qu’il n’a eu qu’à se louer de mes procédés.

Je suis opposé, messieurs, à la nouvelle allocation demandée pour le petit séminaire de Saint-Trond, parce qu’en conscience je reste convaincu que l’indemnité accordée, ou si vous voulez le subside, est plus que suffisant, parce que ce n’est pas le moment de grever l’Etat d’une charge qu’il ne doit pas, devant recourir à de nouveaux impôts ou augmenter ceux existants pour faire face à la dépense.

Je n’entends pas contester l’utilité, ni même la nécessité des petits séminaires, je ne m’opposerai pas même à ce qu’on vînt à leur secours, lorsque leurs besoins seraient constatés, mais il faudrait alors que cette justification eût lieu, d’après les prescriptions du décret impérial de 1809 relatif aux fabriques, par la production de leur situation active et passive de l’établissement, de l’état de ses revenus et de la preuve de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de couvrir son déficit.

Ce n’est pas ainsi, messieurs, qu’on a agi pour le petit séminaire de Saint-Trond. L’administration du séminaire de Liége ne vous a point fourni sa situation active et passive ; elle s’est bornée à vous produire le plan des constructions qu’elle voulait faire, et le devis ; elle vous a dit : je fournirai deux cent mille francs, et l’Etat fournira le surplus.

On ne vous a pas demandé d’autres justifications, car on ne nous en a pas fait part. Il me semble cependant qu’on ne pouvait négliger de lui demander le titre de fondation de l’établissement de Rolduc, les actes de vente et de liquidation des domaines qui en dépendaient. On a sur-le-champ acquiescé à la demande de l’administration du séminaire ; on s’est empressé de fournir un supplément au budget de 1840 qui était déjà présenté.

Avez-vous eu les mêmes égards pour ceux qui avaient les mêmes droits ? car, à entendre M. le ministre de l'intérieur, l’année dernière, et même cette année, il n’y aura ni deux poids ni deux mesures, les mêmes secours seront accordés à ceux qui y auront droit que ceux donnés à l’évêque de Liége.

Mais je commence par lui faire observer qu’à l’heure actuelle il n’en est déjà plus ainsi.

Car vous avez déjà donné cent mille francs pour 1840 à l’évêque de Liége.

Avez-vous donné quelque chose à ce pauvre notaire qui se disait ruiné par le traité, et qui ne vous demandait qu’une chétive somme de 600 francs ? Non, messieurs, on a tout bonnement déposé sa pétition au bureau des renseignements, où elle repose et reposera longtemps en paix. Avez-vous été aussi généreux envers ce père de famille de Venlo pour les 150 bonniers de terre, qui ont perdu moitié de leur valeur ? Vous lui devez aussi une indemnité, disait l’honorable ministre de l’intérieur, car c’est aussi une suite du traité ; non, on lui a dit : dans l’état actuel des choses, il est impossible de prononcer à cet égard, parce qu’il faudrait savoir quelle sera la valeur ultérieure de la propriété, quelle serait la perte, et la même impossibilité continue et continuera.

Avez-vous indemnisé les malheureuses victimes dans les polders, souffrant si cruellement depuis dix ans ?

Non, messieurs, vous n’avez rien fait, pour toute personne quelconque, et l’on vient vous proposer un nouveau secours pour le petit séminaire de Saint-Trond, et MM. les ministres ne trouveront là ni deux poids ni deux mesures ; nous allons nous occuper, diront-ils, de la loi sur les indemnités, elle vous est présentée. Je leur réponds que l’année dernière, il y avait quelque chose en plus, elle était à l’ordre du jour.

L’honorable M. de Theux a dit qu’il y avait dans mes calculs beaucoup d’omissions. La donation était grevée de charges assez considérables, nous dit-il ; il a fallu une grande partie de la propriété pour se procurer les fonds nécessaires.

On n’a pas obtenu l’emplacement à Saint-Trond à titre gratuit. L’administration du séminaire a dû reconnaître une rente perpétuelle de 2,800 francs.

Examinons ces prétendues omissions. L’administration du séminaire convient que la valeur vénale des bâtiments de Rolduc dans leur état actuel est tout au plus de cent mille francs.

Comment, après cet aveu, pouvez-vous estimer la perte à 511,00 francs ?

N’est-ce pas par le motif que vous avez dû approprier les bâtiments de Rolduc pour en faire un petit séminaire, parce que vous avez dû réparer l’église, parce que vous avez dû rembourser 40,000 francs (ce que j’admets par supposition, car vous ne fournissez aucune justification) ? Voilà les causes qui portent votre valeur de convenance à 500,000 francs ; et si ces frais d’appropriation, dettes, réparations d’église, n’étaient pas compris dans la valeur que le séminaire donne aux bâtiments de Rolduc pour son usage, comment se ferait-il qu’au moment de la donation faite, les bâtiments ne furent évalués qu’à 70 mille francs ; car de l’aveu de votre rapporteur de 1840, les bâtiments et les biens de Rolduc ne valaient lors de cette donation que 323,000 francs. Or, les fonds vendus ont rapporté au séminaire 253 mille francs ; il ne lui reste donc à recevoir de la valeur des bâtiments que 70 mille francs, pour compléter la valeur de tous les biens au moment de la donation.

Mais il n’est pas exact de dire que l’on a employé une grande partie de la propriété pour approprier les bâtiments ; car on y a tout au plus employé le produit du bois nommé Beukenbosch, qu’on dit avoir été vendu pour 16 mille francs.

Et on n’y a pas employé le produit des fermes, bois et terres que l’on dit avoir été vendus depuis 1830, pour 237,000 francs ; car, avant cette vente, tous les bâtiments de Rolduc étaient appropriés au séminaire, toutes les bâtisses et l’ameublement étaient faits.

On n’a vendu ces immeubles qu’après la connaissance que l’on a eue du traité d’abandon à la Hollande ; on a cru alors devoir réaliser ce produit, parce qu’on craignait que la Hollande n’exigeât la continuation du séminaire d’après l’acte de fondation.

Le gouvernement est à même de vérifier ce que j’avance, car on n’a pu vendre sans obtenir son autorisation, il n’a pu ni dû autoriser cette aliénation que sous la condition de l’emploi qu’il était obligé de stipuler. Vous voyez, messieurs, que les calculs sont dans tous les cas bien établis, pour le produit de cette dernière vente, important, nous dit-on, 237,000 francs.

Mais, dit-on encore, l’acquisition de l’emplacement de Saint-Trond grève le séminaire d’une rente perpétuelle de 2,800 francs au profit de la fabrique de l’église primaire de Saint-Trond ; cela est vrai.

Mais l’honorable M. de Theux oublie aussi de vous dire que la ville de Saint-Trond s’oblige de payer au séminaire une rente perpétuelle de 2,200 francs.

Et j’ajouterai que l’honorable M. de Theux nous ayant dit lors de la session dernière que l’église principale de Saint-Trond était très ancienne, que plus tard il serait indispensable de la reconstruire, qu’en construisant l’église du petit séminaire dans des dimensions convenables, elle pourrait servir à l’usage du public et remplacer l’ancienne. Vous sentirez aussi qu’alors, messieurs, le séminaire aura soin de stipuler l’extinction de la rente de 2,800 francs qu’il devra à la fabrique de ladite église principale.

Or, d’après cette réunion, le séminaire continuera à percevoir la rente lui due par la commune de Saint-Trond et elle ne payera plus celle de l’église primaire.

Mes chiffres se justifient pleinement, et vous n’avez encore rien pu opposer à la somme de 322,859 francs, import de la majoration au chapitre VIII en 1840, dont 169,560 francs ont augmenté le chiffre des dépenses diverses et imprévues qui n’était, en 1839, que de 31,440 francs.

Cette augmentation, disait l’honorable M. de Theux, est destinée aux besoins extraordinaires ; elle a servi lors de l’incendie de la cathédrale de Bruges, et pourquoi ne servirait-elle pas aujourd’hui pour la construction de l’église du petit séminaire ?

Vous voyez donc, messieurs, qu’il reste prouvé mathématiquement que l’administration du séminaire de Liége ne fournira que 116,000 francs pour la construction du petit séminaire.

Elle a retiré de Rolduc 237,000 francs ; elle retire des bâtiments 100,000 francs. Soit 337,000 francs. Elle fournit 200,000 francs. Il lui restera en caisse 137,000 francs, elle n’a donc pas besoin d’emprunts.

Et comment l’honorable ministre de l’intérieur peut-il actuellement s’opposer à l’ajournement jusqu’à la discussion de la loi des indemnités ?

Ne reste-t-il pas convenu de son aveu qu’on ne payera aux victimes que 50 p.c. et ne résulte-t-il pas des calculs que je viens de faire que l’administration de séminaire ne dépense pour Saint-Trond que 116,000 francs et qu’il recevra 300,000 francs de l’Etat. C’est donc 70 p.c. qu’on lui fournira..

Mais M. le ministre sait-il que sa loi des indemnités sera accueille ? Si elle est accueillie, le séminaire aura reçu 20 p.c. de plus que les autres victimes.

Si elle est rejetée, il aura toujours la moitié, soit 50 p.c. et les autres n’auront rien au moins quant à présent.

Or trouverez-vous là la balance de la justice ? Ne sont-ce pas là deux poids et deux mesures.

Pesez mûrement, MM. les ministres, la mesure que vous avez proposée et que vous soutenez.

Voilà où elle va conduire le pays, par l’antécédent qui est posé d’indemniser tous ceux qui ont perdu, et cela sur le même pied que l’évêque de Liége. Voyez la dette immense que vous contractez et qu’un honorable sénateur a fait monter à une somme immense.

Vous vous rappellerez, messieurs, ce que nous a dit avant-hier l’honorable M. d’Hoffschmidt : « Je voterai pour la somme de cent mille francs pour Saint-Trond, comme indemnité accordée pour pertes essuyées par suite d’un fatal traité, mais j’espère, ajoute-t-il, que si nous venons réclamer plus tard des indemnités pour les pertes évidentes éprouvées dans le Luxembourg par suite du même traité, j’espère que la chambre ne les repoussera pas. »

Les députés du Limbourg vous tiendraient le même langage, mais ils se taisent pour le moment ; par l’intérêt qu’ils portent à l’établissement de Saint-Trond ; mais plus tard, ils tireront, au profit de leur province, les conséquences qui résulteront d’une pareille allocation.

Arriveront ensuite les particuliers pour pertes essuyées sur les propriétés, sur les usines, sur les fabriques, etc., et ainsi à l’infini.

Appelez l’œuvre que vous créez, soit du nom de subside, de secours, d’indemnité, d’indemnité politique, don par équité par convenance, toutes les protestations ne pourront changer la nature des choses, c’est une indemnité, une indemnité politique, c’et un acte réparatoire, car ce n’est pas l’acquit d’une obligation légale.

Voilà les qualifications de l’année dernière.

Aujourd’hui, c’est une dette d’honneur, une dette du for intérieur, une obligation imparfaite.

Mais comment n’y a-t-il pas de pareilles obligations que vous ne pensez pas à remplir ?

Pourquoi aujourd’hui ce point d’honneur, ce sentiment timoré ?

Entre mille exemples j’en citerai un qui n’a pas empêché le gouvernement de repousser par une fin de non-recevoir, basée sur la prescription, sur une prescription qui n’était pas fondée, sur la présomption de paiement ; car on savait qu’on n’avait jamais rien payé. Ce sont les actions des villes de Namur et de Verviers qui réclamaient de l’Etat les capitaux qu’elles devaient et qui avaient été constituées pour la construction de chaussées dont le gouvernement s’était emparé.

Pourquoi enfin cette urgence que le gouvernement reconnaît lorsqu’il s’agit du séminaire de Saint-Trond ?

Mais, je vous l’ai prouvé, messieurs, il n’y avait point d’urgence ni en 1840 ni actuellement.

On vient de vous dire que Mgr. l’évêque de Liége n’a obtenu l’autorisation de conserver le petit séminaire de Rolduc que pour 2 ans ; l’honorable M. de Theux nous disait la même chose à la session dernière.

Et l’administration du séminaire vient nous dire au contraire :

Rien n’a été fait jusqu’aujourd’hui pour arriver à l’aliénation des bâtiments de Rolduc, parce que l’époque où ils seront libres ne nous est pas bien connue. Ce n’est qu’au 1er octobre 1842 que nous comptons pouvoir opérer le transfert de cette institution à Saint-Trond, et c’est alors seulement qu’il pourra être fait utilement des démarches pour obtenir de Rolduc un prix avantageux.

Loin que le gouvernement hollandais exige le transfert du petit séminaire, il voudrait le voir continuer, et je suis persuadé qu’il s’opposera à la vente des bâtiments de Rolduc.

M. le ministre de la justice veut faire résulter l’urgence de ce qu’on doit mettre la main à l’œuvre sans tarder ; il n’y a pas de fonds en caisse, dit-il ; les 200,000 francs que le séminaire a été autorisé à emprunter ne sont pas encore touchés.

Mais de ces paroles, messieurs, il résulte au contraire qu’il n’y a pas la moindre urgence.

On n’a pas voulu ajourner cette demande de 1840 à la loi de indemnités qui était à l’ordre du jour.

Mais pourquoi le séminaire n’a-t-il pas fait cet emprunt ? Vous ne doutez sans doute pas que si les bourses lui sont ouvertes pour donner, à bien plus forte raison le sont-elles pour prêter sur bonne hypothèque, en faveur d’une administration présidée par le chef de l’église dans le diocèse, et de ses premiers dignitaires qui jouissent de la confiance générale ; l’emprunt n’est pas réalisé parce que le séminaire n’en avait pas besoin ; ces sommes doivent être considérées comme étant en caisse et à la disposition du séminaire, il y a donc réellement disponible la somme de 300,000 francs, et tous les travaux que j’appellerai encore, si vous voulez, en voie de construction, et même tous les travaux adjugés, n’emportent qu’une somme de 176,504 francs 12 centimes, et dès lors il vous restera, tous ces travaux payés, un encaisse de 123,496 francs 88 centimes ; et on viendrait encore soutenir qu’il y a urgence, qu’on ne peut ajourner jusqu’à la discussion de la loi des indemnités ?

On ne verrait qu’urgence, lorsqu’il s’agirait du petit séminaire de Saint-Trond, mais il n’en est pas de même pour les inondés des polders ; entre ceux-là on compte des morts avant que le jour de l’acte de justice soit arrivé ; ceux-ci souffrent abrités dans de mauvaises cabanes depuis dix ans, pour eux la loi réparatrice était à l’ordre du jour à la dernière session, aujourd’hui elle est renvoyée de nouveau aux sections pour l’examiner. Et cependant il y a une énorme différence entre le séminaire et ces victimes. Le séminaire ne souffre pas : rien n’est en suspens, tout marche comme auparavant. Monseigneur l’évêque reçoit même une garde d’honneur hollandaise lorsqu’il visite cet établissement. Et dans une pareille situation, vous n’attendriez pas jusqu’à la session prochaine pour examiner s’il y a lieu à de nouveaux secours, alors que vous pourriez juger en connaissance de cause, ou au moins jusqu’à la discussion de la loi des indemnités !

L’année dernière, M. de Theux nous disait que le séminaire interviendrait pour moitié dans la création de l’établissement de Saint-Trond ; je crois avoir démontré le contraire. L’année dernière on nous disait que le séminaire fournirait 200,000 francs, plus la valeur des bâtiments de Rolduc. Aujourd’hui le séminaire retient, en extinction de la partie de son emprunt, le produit éventuel des bâtiments de Rolduc.

Il y avait urgence, disait le même M. de Theux, car les constructions doivent être commencées. Inutile, nous disait-on l’année dernière de suspendre l’allocation jusqu’à la loi des indemnités, cette loi est à l’ordre du jour ; or, la discussion est non seulement commencée, mais pour ainsi dire achevée ; ce retard est dès lors préjudiciable, et je suis persuadé que c’est là la cause pour laquelle l’ajournement n’a pas été accueilli.

Cette année, messieurs, que vous dit l’honorable M. de Theux, pour repousser l’ajournement proposé par mon honorable ami M. Verhaegen ? « Aujourd’hui, dit-il, outre les motifs de l’année dernière, il existe un autre motif, c’est notre propre décision prise à la suite de débats solennels ; il y aurait inconvenance de revenir aujourd’hui sur cette décision, qui a été confirmée par le vote du sénat. »

Singulier raisonnement, messieurs, pour repousser mon amendement ; l’année dernière, M. de Theux disait : « La décision que vous allez prendre ne vous lie pas, vous serez libre l’année prochaine de rejeter un nouveau subside, le séminaire saura qu’il peut en être ainsi, et ce sera un avis pour ménager la dépense, pour économiser. »

Singulier raisonnement, messieurs ! Parce que vous avez donné un premier subside l’année dernière, que l’on vous disait urgent et qui ne l’était pas, lorsque vous avez, en vue de cette urgence, accordé un privilège à Mgr. l’évêque de Liége, vous devez, aujourd’hui qu’il est démontré qu’il n’y a pas d’urgence, en accorder sur-le-champ un second, et on veut mêler le sénat dans cet ajournement, ajournement qui ne lui a pas été proposé, et où je ne pense pas que ce second subside ferait fortune, car le sénat est beaucoup plus difficile que cette chambre en fait d’économie, ainsi qu’il a été prouvé lors de la discussion du budget de la marine.

Je soutiens donc, messieurs, que l’allocation de cent mille francs pour le petit séminaire de Saint-Trond doit être rejetée.

Cependant, comme je suis sujet à l’erreur comme tout le monde, je me rallie volontiers à l’amendement de mon honorable collègue Verhaegen, afin que les droits à une indemnité, si celle accordée n’avait pas été suffisante, soit accordée à l’administration du séminaire comme à toutes les autres victimes du fatal traité.

Je ne terminerai pas sans dire quelques mots sur la réponse faite par le député de Hasselt, à ce qu’avait dit M. Verhaegen à l’égard de la succession de l’abbé Boucqueau. Le député de Hasselt a dit qu’après qu’on a eu payé aux héritiers une somme par transaction, il n’est pour ainsi dire rien resté de la succession de M. Boucqueau. Eh bien, il me semble avoir été fort mal informé. Pour moi j’habite la province de Liége, et je sais comme tous ceux qui l’habitent, qu’après avoir payé par transaction une somme aux héritiers légitimes, il est resté une somme considérable à l’héritier universel institué. Quelle est cette personne ? le président du séminaire de Liége. On sait le motif pour lequel M. Boucqueau avait laissé sa succession au président du séminaire ; c’est parce qu’alors l’autorisation du gouvernement n’était pas nécessaire pour l’acceptation de cette succession. On devait savoir, que s’il en eût été autrement, la famille de M. Boucqueau, famille nombreuse et respectable, se serait adressée au gouvernement, et aurait sans doute obtenu de lui que la donation ne fût pas complètement adjugée au petit séminaire. Voilà pourquoi l’on a institué une personne interposée, qui a été le président du séminaire.

L’honorable M. de Theux est mal informé en ce qu’il dit qu’il n’est rien resté de cet argent au séminaire de Liége, car il n’y a pas très longtemps qu’il a fait l’acquisition de bâtiments qu’il a affectés aux missionnaires avec une légère partie de la succession du chanoine Boucqueau. Je pense qu’il aurait mieux agi dans ses intérêts en faisant cette acquisition, au profit du petit séminaire, qui aurait été ainsi sous les yeux de son chef.

M. Scheyven, rapporteur – Dans la séance de samedi dernier, l’honorable M. Verhaegen a fait la proposition d’ajourner la question du subside pour le petit séminaire de Saint-Trond jusqu’à la discussion du projet de loi sur les indemnités.

Déjà lors de la discussion du projet de loi relatif au premier subside, une semblable proposition avait été faite et la chambre, à une forte majorité, l’avait rejetée ; nous ne devions donc pas nous attendre à la voir reproduire de nouveau, parce que, d’après nous, il y avait chose jugée. La section centrale avait cru qu’il ne pouvait plus être question que du quantum du montant du subside qu’il conviendrait d’allouer ; mais comme la proposition est faite, et qu’un de nos honorables collègues avait déjà, dans la discussion générale, émis une opinion dans le même sens, je dirai quelques mots pour prouver l’inadmissibilité de la proposition, et je tâcherai, après, de justifier l’opinion de la majorité de la section centrale, qui s’est prononcée pour le subside pétitionné.

Je vous prie, messieurs, de ne pas vous méprendre sur l’opinion de l'honorable M. Verhaegen. Vous pourriez croire que si vous reveniez de votre décision précédente, et si vous renvoyiez cette question à la discussion de la loi des indemnités que l’honorable membre, alors même qu’on accorderait des indemnités aux victimes des événements politiques, serait disposé à allouer un subside ou une indemnité à l’administration du grand séminaire de Liége pour la perte du petit séminaire de Rolduc, perte qui est le résultat du traité du 19 avril ; eh bien, messieurs, il n’en est rien, et je le prouve. Dans une des séances précédentes, notre honorable collègue M. Dubus qui a présidé la section centrale, vous a entretenus de deux propositions que l’honorable M. Verhaegen avait faites à la section centrale ; l’une, ainsi que vous le savez, était relative au subside actuellement en discussion ; il vous a mis sous les yeux les deux fragments de papier contenant ces propositions écrites de la main de leur auteur. Celle concernant ce subside était ainsi conçue :

« Je demande que cet article fasse l’objet d’un projet de loi spécial. Dans tous les cas je demande le rejet de la somme de 100,000 francs portée pour le petit séminaire de Saint-Trond. » Ainsi donc quelle que soit la décision que vous preniez, que vous renvoyez la proposition à la discussion du projet de loi sur les indemnités, ou que vous votiez actuellement, l’honorable membre vous le dit d’avance, il votera contre le subside. « Dans tous les cas », dit-il, il allouerait des sommes pour indemniser ceux qui ont essuyé des pertes par le fait de la révolution ou de la guerre, car il s’en est bien formellement exprimé dans plusieurs circonstances. Mais il n’accorderait rien pour indemniser l’administration du séminaire de Liége, pour le tort que le traité lui a causé et qui, cependant, constitue une obligation plus forte que celle résultant des événements de la révolution ou de la guerre, comme je tâcherai de l’établir.

Quant à la demande d’ajournement, je me permettrai de faire remarquer, qu’en considérant le subside pétitionné comme une indemnité, comme une réparation d’un tort causé par l’exécution du traité, il y a un motif de plus, et sous ce rapport je suis parfaitement de l’avis de M. le ministre de la justice, qui vous a dit, dans la séance précédente, que ce traité qui a produit ce préjudice est le fait de la volonté nationale, tandis que le dommage causé par la révolution ou la guerre est le résultat d’une force majeure, et je dois encore exprimer mon étonnement de ce que l’honorable député de Bruxelles qui insiste avec tant de force pour faire rejeter le subside pour le petit séminaire de Saint-Trond, dont l’érection a été rendue nécessaire, par l’acceptation du traité qui sépare Rolduc de la Belgique, qui lui-même a contribué à l’adoption de ce traité, car vous vous le rappelez, messieurs, l’honorable membre ne s’est point borné à cette occasion, à émettre un vote favorable au traité ; il a prononcé un discours entraînant en faveur du morcellement, en faveur de la cession d’une partie du Limbourg qui comprend le petit séminaire de Rolduc. C’est donc par son fait, au moins par sa coopération, que le préjudice pour lequel on réclame une indemnité est causé, et il se refuse à l’allouer, tandis que les victimes de la révolution et de la guerre semblent avoir toute sa sympathie, quoique je ne pense point qu’il ait contribué le moins du monde à amener les événements qui leur ont occasionné des pertes.

Messieurs, si vous adoptiez la proposition de l’honorable membre, vous seriez en contradiction avec vos décisions antérieures. Lors du vote sur le premier subside, vous avez, ainsi que je l’ai déjà dit, rejeté une proposition qui était la même que celle sur laquelle vous avez à délibérer. Vous avez voté trois millions il y a trois ans pour le réendiguement des polders, dépenses nécessitées par suite des faits de la révolution et de la guerre. Vous avez voté un projet de loi qui met à charge de l’Etat les droits de péages établis sur l’Escaut par le traité de paix, vous n’avez point renvoyé la discussion de ces différents projets au projet de loi sur les indemnités ; si vous l’avez fait alors, il n’existe sans doute aucun motif pour en agir autrement dans cette occurrence, car s’il y avait urgence dans les premiers cas, il y en a également dans celui-ci, car vous le savez, messieurs, dans le mois de juillet dernier une convention a été conclue entre le Saint-Siège et la cour de La Haye, qui déclare la partie cédée du Limbourg séparée du diocèse de Liége. Cette convention a été communiquée à toutes les autorités locales du Limbourg hollandais, et ce n’est que par tolérance que le petit séminaire se trouve encore à Rolduc ; il y a donc urgence de construire les bâtiments à Saint-Trond, et par suite de nous prononcer sur le subside pétitionné. Aussi pense-t-on pourvoir l’occuper au mois d’octobre 1842. Je pense que ces motifs suffisent pour faire rejeter la proposition d’ajournement.

J’arrive au point principal, qui a fait l’objet de l’examen des sections et de la section centrale, celui du subside de la somme qu’il convient d’allouer, du quantum.

Vous avez vu dans mon rapport que toutes les sections se sont prononcées pour le chiffre demandé et que la section centrale l’a alloué à la majorité de six voix contre une.

Lors de la discussion de la proposition du premier subside, la chambre a rejeté à une forte majorité (par 45 voix contre 12) un amendement qui avait pour objet de n’allouer que 100,000 francs comme subside unique. La section centrale a cru qu’il convenait d’examiner, non si un second subside devait être alloué, mais quel serait le montant qu’il conviendrait de voter au budget de l’exercice prochain.

Elle a été déterminée à vous proposer l’adoption de la somme portée au budget, non seulement comme une indemnité pour le préjudice causé par l’exécution du traité, mais aussi comme un secours, comme un subside en faveur d’un établissement d’une utilité, d’une nécessité reconnue ; d’un établissement tout à fait spécial, destiné exclusivement à l’enseignement des jeunes gens qui se vouent au sacerdoce. Déjà à l’occasion de la première discussion, j’avais appelé votre attention sur la différence qui existe entre ce petit séminaire et les autres, où on reçoit indistinctement les jeunes gens, quelle que soit leur vocation. M. le ministre de la justice a confirmé ce fait dans la séance précédente.

La section centrale a pensé qu’il y avait lieu d’accorder surtout la somme demandée en faveur de cet établissement, que des fonds considérables ont été votés annuellement pour les différents collèges, et que jamais les petits séminaire n’ont obtenu le moindre subside ou une part quelconque dans ces fonds. Et vous refuseriez-vous à allouer ce crédit, quand je vous dirai qu’il résulte des renseignements qui ont été communiqués à la section centrale, que pour la construction d’une synagogue à Bruxelles, qui a coûté 58,000 francs, le gouvernement a déjà accordé au consistoire une somme de près de 2,000 francs comme subside, et cette année-ci, il est de nouveau porté au budget une somme de 1,900 francs pour le même objet. Voici la note qui contient ces renseignements : « Tous les ans, un subside de 1,900 francs est accordé au consistoire. Ce subside continue à lui être nécessaire pour l’aider à payer le prix de la synagogue qu’il a acquise à Bruxelles.

« Les bâtiments de la synagogue, achetés en 1832, leur appropriation à la nouvelle destination et le mobilier qui y a été placé, ont coûté 58,000 francs ; jusqu’à ce jour, le gouvernement a accordé 19,800 francs de subside. » Ainsi le consistoire a déjà obtenu près de la moitié du prix total de ces bâtiments. Je ne critique point cette allocation, mais quand l’Etat intervient pour une somme aussi considérable en proportion du prix total pour des bâtiments d’uns synagogue, il peut bien intervenir pour la somme pétitionnée en faveur du petit séminaire de Saint-Trond.

M. le ministre de la justice nous a dit, dans la séance de samedi dernier que, dans son opinion et dans celle du gouvernement, l’Etat devrait intervenir pour une somme totale de 300,000 francs dans la dépense, et qu’au budget de l’exercice 1842, il serait proposé un troisième et dernier subside de 100,000 francs.

La section centrale ne s’est point occupée de ce qu’il conviendrait de faire l’année prochaine ni du montant du subside total à allouer ; je ne puis donc pas répondre en son nom relativement à ce dernier subside. Mais comme j’ai été rapporteur de la section centrale qui a été chargée d’examiner la proposition relative au premier subside, qu’il me soit permis de dire mon opinion à l’égard de la somme que M. le ministre se propose de porter au budget de 1842.

D’après les renseignements qui nous ont été fournis l’année dernière et qui se trouvent consignés dans mon rapport, sur le premier subside il restait de toute l’abbaye de Rolduc 138,000. Pour avoir cette somme il fallait encore vendre le restant de l’abbaye qui était évalué à 70,000 francs. L’administration du séminaire, compléterait pour le restant ; cependant je vous prie de ne pas perdre de vue que si les bâtiments de Rolduc étaient vendus à un prix plus élevé que la somme de 70,000 francs, l’excédant viendrait en déduction de la part dont se chargera l’Etat, que s’il y a un rabais dans l’adjudication des bâtiments de Saint-Trond, ce rabais diminuerait encore la somme qui incomberait à l’Etat. Et il est à prévoir que l’adjudication offrira une diminution sur le devis estimatif, car l’adjudication qui a eu lieu jusqu’à concurrence de 176,000 francs a produit un rabais de 6 à 7,000 francs. De sorte que, dans mon opinion, le subside à allouer l’année prochaine ne s’élèvera pas à 100,000 francs.

L’honorable M. Lys prétend que le séminaire de Liége a retiré de la vente des fermes et bois de Rolduc une somme de 250,000 francs et qu’il y a encore à vendre pour 100,000 francs, de sorte qu’il existerait un boni de 350,000 francs. L’honorable membre qui a pris ces chiffres dans mon rapport de l’année dernière a omis de défalquer de la première somme celle de 111,000 francs pour constructions et réparations faites aux bâtiments de Rolduc, et une charge qui grève ces biens, ainsi qu’une somme de 74,000 francs pour l’acquisition des restes de l’abbaye de Saint-Trond et pour les réparations à faire à la tour de l’abbaye non compris dans le devis, ce qui donne une somme de 185,000 francs. Ainsi donc, en déduisant des 323,000 francs, et non 350,000 francs, valeur de l’abbaye de Rolduc, 185,000 francs, il reste donc 138,000, comme je l’ai dit.

L’honorable député de Verviers nous a dit qu’on n’a point fait de constructions à Rolduc. Je lui répondrai qu’il est dans l’erreur ; moi-même je puis affirmer que des constructions considérables ont eu lieu ; je les ai vues, et la somme à laquelle on a porté ces dépenses n’est point exagérée.

Je n’en dirai pas davantage.

M. Lange – Je voterai pour l’ajournement. Rien que deux mots à l’appui de mon vote.

Tous les droits sont et doivent être égaux à nos yeux. Je ne trouve pas de raison pour faire une exception en faveur des opulents émoluments mollement étendus sur le duvet, regorgeant d’or (réclamations), au préjudice des malheureux gisant sur le grabat et mourant de faim.

Les administrations du petit séminaire de Rolduc vous demandent une indemnité pour le déplacement de leur établissement. Les habitants des polders et autres vous demandent une indemnité pour la perte totale de leurs propriétés, effet produit pour les uns par le traité du 19 avril, pour les autres par le statu quo organisé par vous. Pour les premiers, dit M. le ministre de la justice, il n’y a pas d’obligation parfaite ; mais il y a « une dette d’honneur. » Pour les seconds, je dis qu’il y a aussi tout au moins « une dette d’honneur. » Aux premiers vous avez déjà, l’année dernière, accordé 100,000 francs. Aujourd’hui, vous voulez encore donner une autre somme de 100,000 francs. Aux autres vous dites : nous nous occuperons incessamment de votre demande.

Mais, dira-t-on, le gouvernement s’en est déjà occupé lui-même. En effet, que vous a dit M. le ministre de l'intérieur dans votre séance d’avant-hier ?

« Ceux qui ont perdu par le fait de la révolution méritent autant nos sympathies que ceux qui ont perdu par l’exécution du traité du 19 avril.

« Eh bien ! que fait aujourd’hui le gouvernement ? Il a pris l’initiative. Il est venu vous demander une somme de sept millions pour venir au secours des personnes qui ont perdu par le fait de la révolution. Cette somme, que je vous demande par mes amendements, est en parfaite concordance avec ce que vous demande M. le ministre de la justice.

« En effet, il vous est demandé à peu près 50 p.c. de la perte éprouvée par le petit séminaire de Saint-Trond. Eh bien d’après mes calculs sur les indemnités, je crois que tous les perdants auront un secours dans la même proportion. »

Egalité donc parfaite pour tous les ayants droit. J’applaudis de bon cœur au but que se propose le gouvernement. Mais pour l’atteindre effectivement, ce but, il faut que la discussion roule tout à la fois et sur la somme de 100,000 francs demandée par M. le ministre de la justice et sur la somme de 7,000,000 demandée par M. le ministre de l'intérieur.

C’est là le seul motif de la demande d’ajournement que vous a faite mon honorable collègue M. Verhaegen et que j’appuierai, je le répète, de mon vote, parce que jamais je n’aurai deux poids et deux mesures.

M. de Theux – Messieurs, je répondrai brièvement au député de Bruxelles et au député de Verviers qui se sont posés les principaux contradicteurs dans cette question.

Pour prouver qu’il n’y a pas eu un mot de contradiction entre le discours que j’ai prononcé dans la séance de samedi et ceux que j’ai prononcés au mois de févier dernier comme ministre, je pourrais donner lecture des discours prononcés à cette époque et qui sont consignés dans le Moniteur. Mais il (manque un mot) qu’on puisse les vérifier et voir s’il y a contradiction.

Ces mêmes discours répondaient aux observations faites par l’honorable député de Verviers sur les chiffre de la valeur des biens du petit séminaire de Rolduc et sur les dépenses à faire pour le transfert à Saint-Trond.

La contradiction de ma part consisterait principalement en ce que, dans la dernière séance, j’ai invoqué le vote de la chambre sur la question d’ajournement au mois de février dernier, pour prouver que l’ajournement ne devait pas être reproduit aujourd’hui, qu’il y avait à cet égard chose jugée.

Ces messieurs se sont emparés d’une phrase des discours que j’ai prononcés au mois de février dernier et où j’ai dit que le vote sur l’allocation de 100,000 francs ne préjugeait en aucune manière l’obligation d’allouer, cette année, un second subside de cent mille francs.

C’est là tout ce que j’ai dit, et je n’ai nullement prétendu qu’en rejetant l’ajournement l’année dernière , on ne rejetait pas à l’avance l’ajournement qui pourrait être proposé ultérieurement. Car s’il peut y avoir des motifs de ne pas allouer 200,000 francs, lorsqu’on en a alloué 100,000, il n’y a pas de motifs d’adopter aujourd’hui l’ajournement, alors qu’il a été repoussé précédemment, et qu’on reproduit absolument les mêmes moyens qui avaient été produits dans la dernière discussion.

Vous voyez donc qu’il n’y a eu de ma part aucune contradiction.

L’honorable M. Verhaegen a cité un passage d’un de mes discours. Ce discours se trouve consigné dans le Moniteur du 20 février, 1er supplément, 2e page, 2e colonne ; si on veut y recourir, on verra que mes observations sont parfaitement justes. Mais en reproduisant ce passage de mon discours, il s’est arrêté à un point important que je dois signaler. J’ajoutais que, dans notre pensée, l’équité prescrivait de ne pas se borner à ce seul subside ; et, sous ce rapport, j’étais parfaitement d’accord avec M. le ministre de la justice qui a proposé un second subside et qui a annoncé l’intention d’en proposer un troisième et dernier l’an prochain.

Je disais qu’il y avait équité dans mon opinion, et pourquoi ? Parce que déjà deux fois le diocèse de Liége a été en quelque sorte exproprié de son séminaire. La première fois, en vertu des lois d’expropriation des biens du clergé sous le gouvernement français, en second lieu par suite de l’exécution du traité du 19 avril.

J’ai dit que, de ce chef, il y avait équité, et j’ai ajouté encore une autre considération, c’est qu’il s’agissait d’un établissement vraiment indispensable pour perpétuer le clergé dans le diocèse de Liége.

Un honorable membre, qui propose l’ajournement, a cherché à établir une comparaison entre la situation de l’administration du séminaire de Liége et les victimes de la révolution. Il semblerait, à l’entendre, que jusqu’à présent, rien n’aurait été fait. C’est là une erreur que je dois rectifier. Des subsides considérables ont été votés dès les premiers temps pour venir au secours des plus nécessiteux parmi ceux qui ont éprouvé des pertes par la révolution. En second lieu, plusieurs millions ont été consacrés au rétablissement des digues des poldres. En troisième lieu, et ici je réponds à une autre observation faite dans cette discussion, de traitements d’attente ont été assurés aux fonctionnaires du Limbourg et du Limbourg privés de leurs emplois par suite de l’exécution du traité ; enfin une loi spéciale de douanes a été portée à raison des pertes que subissait la partie cédée du Luxembourg.

Vous voyez donc qu’il n’y a eu, de la part de la chambre et du gouvernement, ni deux poids ni deux mesures. Toutes ces questions, messieurs, devaient être traités d’après des considérations particulières et ne pouvaient être confondues dans la discussion générale des indemnités.

Ainsi que je l’ai fait remarquer, il y a de motifs particuliers en ce qui concerne le projet. C’est ce qu’a reconnu la chambre à une grande majorité, et on peut dire que le sénat l’a reconnu de même, puisque la motion d’ajournement n’y a pas été produite.

Le député de Verviers a prétendu qu’il n’était pas dans son intention d’accuser l’évêque de Liége ni l’administration du séminaire de Liége de faire une spéculation. Je n’ai nullement attaqué les intentions de l’honorable député, mais je dois reproduire un passage de son discours qui m’avait fait croire que dans l’opinion de l'honorable membre il y aurait bénéfice pour le séminaire de Liége, si on votait 300,000 francs. Voici ses paroles :

« Partant de là, messieurs, on viendra vous dire : vous avez accordé à l’évêque de Liége les quatre cinquièmes de la somme nécessaire pour la construction du petit séminaire à Saint-Trond, et l’évêque de Liége conserve tout le prix des fermes, terres et bois de Rolduc. »

Or, messieurs, si vous allouez réellement les quatre cinquièmes de la somme nécessaire pour la translation du petit séminaire à Saint-Trond, et si en outre l’évêque de Liége conservait tous les autres avantages que vous a énumérés l’honorable M. Lys, et au taux auquel il les a fixés, il est évident que, pour l’administration de l’évêché, il y aurait un bénéfice considérable ; d’où je tire la justification de l’expression dont je me suis servi ; mais je déclare de nouveau que je n’entends pas inculper les intentions de l’honorable membre, qui d’ailleurs s’est expliqué dans la séance d’aujourd’hui de manière à ne point laisser de doutes.

J’arrive, messieurs, à la question de chiffre, et cette question ne me paraît nullement difficile à traiter.

L’honorable M. Scheyven vous a déjà fait remarquer que M. Lys majorait de 30,000 francs le chiffre indiqué dans le rapport de la commission spéciale qui a été instituée pour examiner le premier crédit demandé pour le transfert du petit séminaire de Rolduc à Saint-Trond. Ce chiffre a été exagéré de 30,000 francs, en ce que l’honorable M. Lys a supposé que les bâtiments seraient vendus 100,000 francs, tandis qu’ils ne sont évalués qu’à 70,000 francs.

Toutefois, j’admets l’observation faite par l’honorable M. Scheyven, que si effectivement ces bâtiments étaient vendus 100,000 francs, on pourrait faire une réduction sur la dernière allocation qui sera proposée par le gouvernement.

L’honorable M. Scheyven vous a fait remarquer également que M. Lys a omis de reproduire la deuxième partie du rapport, sans laquelle toutes les charges de la donation, toutes les dépenses faites au séminaire et à l’église de Rolduc, et celles à faire encore pour la translation du séminaire de Saint-Trond étaient clairement établies.

Pour bien apprécier la question, il faut la poser ainsi : Quelle était la situation financière de l’administration du petit séminaire de Rolduc avant le traité ? Quelle sera sa situation financière après le transfert du séminaire à Saint-Trond ? Voilà la question nettement posée.

Eh bien ! l’administration du séminaire possède à Rolduc un établissement plus complet que celui de Saint-Trond. Il n’y avait rien à y faire ; le collège était approprié et meublé, l’église était appropriée et meublée ; il n’y avait aucune dépense ultérieure à faire. En outre, l’administration du séminaire jouissait du revenu de certains biens fonds annexés à la donation.

Mais après la translation, quelle sera la situation de l’administration du séminaire ? Toutes les propriétés productives de revenus auront été vendues, et en outre l’administration du séminaire sera obligée de suppléer pour une somme considérable. Ainsi donc, le petit séminaire étant transféré à Saint-Trond, l’administration ne jouira plus d’aucun revenu, elle n’aura que des bâtiments improductifs d’intérêts.

En prenant la chose sous ce point de vue, il est évident que la perte pour le séminaire est de 300,000 francs au moins.

En suivant le devait estimatif qui se monte à 511,000 francs, en admettant les 100,000 francs pour frais de translation, pour la construction d’une salle d’étude, le placement d’un calorifère et autres dépenses accessoires, vous arrivez à la somme de 614,000 francs, somme à laquelle il faut ajouter 4,000 francs déjà dépensés pour restaurer la tour de l’église de l’ancienne abbaye, plus les frais d’enregistrement payés pour l’acte passé avec l’administration de l'église primaire, ce qui fait 620,000 francs.

Or, l’Etat n’allouant que 300,000 francs, il resterait un déficit au détriment du séminaire de 320,000 francs.

L’honorable M. Lys a parlé de la somme de 2,200 francs, qui a été votée par le conseil communal de Saint-Trond pour obtenir l’établissement dans cette ville, mais il a omis de dire que cette somme a été votée uniquement en raison du bénéfice que fera la ville sur son octroi, et que la somme de 2,200 francs est plutôt au-dessous qu’au-dessus du surcroît de dépenses qui résultera pour le séminaire de la circonstance qu’il se trouvera établi dans une ville à octroi.

Quant à la rente de 2,800 francs, reconnues au profit de l’église primaire de Saint-Trond, l’honorable M. Lys dit que plus tard l’église du séminaire pourra être convertie en église paroissiale et qu’alors cette rente sera éteinte. On sait, messieurs, que les fabriques des paroisses ont des charges considérables, et il est certain que si l’église du séminaire est convertie plus tard en église paroissiale, la rente dont il s’agit ne sera nullement éteinte, mais continuerait à être payé au profit de la paroisse.

On est encore revenu sur la succession de feu l’abbé Boucqueau ; mais on a bien dû reconnaître que le legs de cette succession n’a point été fait à l’évêque de Liége. Eh bien, messieurs, les sommes qui sont provenues de cette succession sont absorbées.

L’honorable M. Lys dit qu’il appartient à la province de Liége et qu’il sait que les sommes dont il s’agit sont considérables. J’appartiens aussi à la province de Liége ; ma famille y a toujours eu sa résidence ; j’y ai de nombreuses relations et je puis assurer que, d’après les informations qui m’ont été données dans le temps, la plus grande partie de la succession de l’abbé Boucqueau a été absorbée tant par la translation qui est intervenue que par les frais de procès et autres charges. On a donc tort de recourir à ce legs pour prétendre que l’évêque de Liége a des sommes suffisantes à sa disposition pour transférer l’établissement de Rolduc à Saint-Trond.

Je n’en dirai pas davantage, messieurs, parce que tous ceux qui voudront se donner la peine de consulter le rapport qui a été fait l’an dernier et de prendre lecture des renseignements fournis dans la première discussion, demeureront convaincus de la nécessité du crédit demandé.

M. le président – La parole est à M. Desmet.

De toutes parts – La clôture.

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

Des membres – Aux voix l’ajournement.

M. le président – Je ne sais pas si l’on peut considérer la proposition de M. Verhaegen comme une demande d’ajournement.

M. Verhaegen – Il n’y a rien de complexe dans ma proposition. Je demande l’ajournement. Si l’ajournement est adopté, une conséquence nécessaire de cette adoption sera qu’il y aura provisoirement 100,000 francs à retrancher du crédit en discussion. Si au contraire la proposition d’ajournement est rejetée, alors viendra la proposition de réduire définitivement le chiffre de 350,000 à 250,000, c’est ce que je me réserve de proposer si la chambre n’adopte pas l’ajournement.

M. le président – Je vais donc mettre l’ajournement aux voix. (L’appel nominal ! l’appel nominal !)

Il est procédé au vote par appel nominal ;

74 membres sont présents.

24 adoptent.

50 rejettent.

En conséquence, l’ajournement n’est pas adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Cools, de Langhe, Delfosse, Devaux, de Villegas, Dolez, Dubois, Duvivier, Fleussu, Lange, Lys, Milcamps, Pirmez, Pirson, Puissant, Sigart, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Van Volxem, Verhaegen, Zoude et de Behr.

Ont voté le rejet : MM. Brabant, Buzen, Coghen, Cogels, Coppieters, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Lebeau, Leclercq, Liedts, Maertens, Meeus, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Ch. Vilain XIIII et Wallaert.

M. le président – J’accorderai maintenant la parole aux membres qui l’ont demandée sur d’autres parties du crédit.

M. Delfosse – On a prononcé la clôture sur l’ajournement non pas sur le fond de la question.

M. le président – Voici un amendement de M. Verhaegen :

« Je propose de réduite définitivement le chiffre à 250,000 francs. » (Aux voix ! aux voix !)

Il y a de membres qui ont demandé à parler sur d’autres parties du littera.

M. Dubus (aîné) – Il me semble que le meilleur moyen de sortir de l’embarras où l’on semble se trouver c’est de voter par division. Je demande que l’on vote d’abord sur les 100,000 francs pétitionnés pour le petit séminaire de Rolduc, et qu’on entende ensuite les membres qui ont des observations à présenter sur d’autres parties de l’article. (Appuyé.)

Plusieurs membres – L’appel nominal.

Le crédit de 100,000 francs est mis aux voix par appel nominal.

74 membres son présents.

54 adoptent.

19 rejettent.

1 (M. Zoude) s’abstient.

En conséquence, le crédit est adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Brabant, Buzen, Coghen, Cogels, Coppieters, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Lebeau, Leclercq, Liedts, Maertens, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Van Volxem, Ch. Vilain XIIII, Wallaert et de Behr.

Ont voté le rejet : MM. Cools, de Langhe, Delfosse, de Villegas, Dolez, Dubois, Dumont, Fleussu, Lange, Lys, Milcamps, Pirmez, Pirson, Puissant, Sigart, Trentesaux, Troye, Vandenbossche et Verhaegen.

M. le président – M. Zoude, qui s’est abstenu, est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Zoude – Messieurs, nommé rapporteur d’un budget de dépenses, j’ai pu me convaincre que le vœu de toutes les sections était d’ajourner les dépenses dont l’urgence n’était pas démontrée. Or, les chiffres qui ont été présentés par l’honorable M. Lys n’ayant pas été suffisamment détruits par les honorables membres qui les ont contestés, je suis resté dans l’indécision, quant à la résolution que j’avais à prendre. Dans cet état de choses, j’ai cru devoir m’abstenir.

M. le président – La discussion continue sur le crédit du litt. C. : Subsides pour la construction et réparation des églises et presbytères.

M. d’Hoffschmidt – Messieurs, parmi les allocations dont nous nous occupons en ce moment, il y en a une de 90,000 francs affectée à des constructions et réparations d’églises et presbytères ; c’est sur ce crédit que je me propose de présenter quelques observations.

Cette allocation, messieurs, est sans doute destinée à venir au secours des communes qui veulent rétablie leurs presbytères ou restaurer leurs églises. En effet, nous voyons que d’autres allocations sont portées pour travaux de restauration aux églises qui se trouvent dans plusieurs grandes villes du royaume.

Messieurs, la section centrale a eu, selon moi, parfaitement raison lorsqu’elle a dit que l’allocation de 90,000 francs était une somme for minime, eu égard aux nombreux besoins auxquels elle est destinée à pourvoir.

En effet, messieurs, ces besoins sont très considérables, et certes, si nous n’étions pas dans les circonstances où nous nous trouvons, je vous demanderais l’élévation du chiffre de 90,000 francs. Il est d’autant plus évident que ce chiffre est insuffisant, que nous voyons, dans le rapport de la section centrale, que la somme dépensée au 30 novembre 1840 pour cet objet s’élève déjà à 208,617 francs 85 centimes. Vous voyez donc que cette dépense dépasse de beaucoup l’allocation qui a été portée au budget de cette année et qui était également de 90,000 francs.

Ce supplément a été pris, à ce qu’il paraît, sur les économies qu’on a obtenues sur les litt. A et B ; mais il est probable que ces économies ne se présenteront plus et qu’on devra pourvoir aux besoins dont il s’agit au moyen du crédit de 90,000 francs.

D’un autre côté, si nous comparons ce chiffre avec celui qui est annuellement porté pour réparations à plusieurs cathédrales et églises de grandes villes, nous voyons aussi une grande différence à l’avantage de ces cathédrales.

Au budget de l’année dernière, il y avait déjà 169,000 francs pour ces églises et ces cathédrales ; au budget de cette année, il y a également une somme de 160 mille francs, destinée au même objet. Les dépenses antérieurs présentent également des crédits fort élevés pour la même destination. Nous voyons même que déjà, en 1835, il a été porté au budget une somme de 160 mille francs pour l’église de Saint-Trond. Les réparations à cette église donneront lieu à une dépense de plus de 420 mille francs et l’Etat doit y intervenir pour plus de 200,000 francs. On ne peut pas se dispenser de trouver cette somme fort exagérée. Cependant je ne prétends pas critiquer la destination qu’on fait de cette allocation. Je conçois parfaitement quelle importance le pays tout entier doit attacher à la conservation des monuments qui lui font honneur, des monuments que l’architecture religieuse éleva autrefois sur le sol de notre patrie.

Je trouve seulement qu’on pourrait moins se hâter de faire ces dépenses. Nous allons peut-être trop vite. Nous voulons trop faire à la fois, et il en résulte que nos finances se trouvent en mauvais état. C’est peut-être un défaut que nous avons, de vouloir entreprendre tout à la fois. Nous voulons avoir des chemins de fer, des canaux, des routes. Nous voulons réparer les grandes églises, les palais de justice. Nous faisons des dépenses pour les beaux-arts : tout cela est parfaitement bien : cette destination est certainement excellente, et on ne peut qu’applaudir aux idées de ce genre ; mais c’est sous le rapport de l’économie qu’on pourrait peut-être moins se hâter.

Il serait surtout fâcheux qu’on négligeât les dépenses qui, pour avoir des résultats moins brillants, ont peut-être des résultats plus utiles. Par exemple, il est évident qu’il serait extrêmement essentiel, dans certaines parties du pays au moins, à ce que les communes, les paroisses entretinssent mieux leurs églises. Dans certaines parties du pays, ces églises sont souvent dans un très mauvais état ; il y en a qui sont tellement délabrées que ceux qui s’y rendent pour remplir leurs devoirs religieux exposent réellement leur vie ; il y en a d’autres où la moitié des fidèles de la paroisse ne peut entrer ; il y en a d’autres enfin qui sont si mal entretenues, qu’elles sont vraiment indignes de la sainteté de leur destination.

Je crois donc que le gouvernement devrait porter ses vues vers l’amélioration de cet état de choses ; et s’il était possible, je voudrais qu’on s’occupât de l’amélioration de ces édifices, avant de restaurer les grandes églises du pays.

Dans le Luxembourg, et je cite cette province qui m’est bien mieux connue que les autres, dans le Luxembourg, il y a beaucoup de choses à faire sous ce rapport. Les habitants ainsi que les communautés y font de très grands efforts pour réparer les églises et les presbytères et pour en construire de nouveaux. Comme ces localités sont pauvres, il faut nécessairement qu’elles soient aidées par le gouvernement, pour pouvoir parvenir à quelque résultat.

Pour vous prouver, messieurs, que les communes de ma province n’ont rien négligé jusqu’à présent pour cet objet, je vais vous citer ce qui a été fait depuis deux ans. Je trouve ces détails dans l’exposé de la situation administrative du Luxembourg : en 1838, il a été construit ou réparé dans cette province 23 presbytères et 26 églises, et en 1839, 17 presbytères et 30 églises. C’est certainement beaucoup, quand on envisage la pauvreté de cette partie du pays.

Vous allez voir maintenant pour quelle somme l’Etat est intervenu dans ces dépenses : en 1838, il a été accordé 3 à 4,000 francs, et en 1839 5 à 6,000 francs. Vous conviendrez que c’est extrêmement peu pour des constructions si nombreuses, et relativement aux allocations qui sont portées au budget.

En effet, depuis plusieurs années, les chiffres destinés à ces constructions et réparations sont assez considérables. Je n’en citerai que deux, parce que je n’ai pas été mis à même de porter plus fort mes investigations.

Au budget de 1840, la somme portée pour cet objet s’élève à 250,000 francs, et la même somme est proposée pour 1841, non compris le crédit pour le petit séminaire de Saint-Trond. Les sommes votées dans les budgets précédents étaient probablement aussi élevées, mais je ne l’i pas vérifié. Eh bien, messieurs, si cela durait pendant 10 ans, par exemple, on aurait dépensé de ce chiffre 2,500,000 francs, et dans cette somme le Luxembourg n’aurait obtenu que 40 à 50,000 francs : ce qui est évidemment trop peu.

J’ai cru de mon devoir d’appeler sur cette grande disproportion l’attention de M. le ministre de la justice, et j’espère qu’à l’avenir cette partie du pays sera un peu mieux dotée, et aura une plus forte part de l’allocation portée au budget pour cette dépense.

M. de Roo – Messieurs, la section centrale paraît avoir été satisfaite de la répartition des sommes allouées au budget du ministère de la justice ; quant à moi, je ne le suis pas tout à fait, en ce qui concerne le crédit proposé sub litt. C de l’article actuellement en discussion.

En effet, messieurs, une seule province a reçu sur cette allocation une somme d’au-delà de 47,000 francs, tandis que d’autres provinces, la Flandre occidentale n’en a reçu que la dixième partie. Ce n’est pas que dans cette province il n’existe des églises qui ont été commencées à grands frais et ne peuvent pas s’achever faute des subsides. Je pourrais en citer plusieurs qui ont été commencées au moyen de dons particuliers et qui, faute de dons nouveaux ou de subside, ne peuvent s’achever.

D’après les explications de la section centrale, le gouvernement suit une règle générale qui consiste à accorder des subsides en proportion de ce qu’accorde la province.

Si la province se charge d’un tiers de la dépense, le gouvernement accorde un autre tiers. Cependant on fait quelquefois exception à cette règle, mais dit-on, ce n’est que quand les sacrifices à faire sont au-dessus des ressources provinciales. Je demande si la province qui a été si largement gratifiée peut entrer dans l’exception indiquée par le gouvernement. La province de Liége est riche, industrielle, elle doit avoir beaucoup de ressources.

Ma demande tend à ce qu’on veuille répartir l’allocation dont il s’agit plus équitablement entre les provinces, eu égard à leurs besoins et qu’on ne créée pas de provinces privilégiées.

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Il est impossible de faire la répartition de ces sortes d’allocations également ou proportionnellement. L’Etat n’est pas tenu de faire les dépenses qu’elles ont pour objet ; ce sont les provinces et les communes qui doivent les faire. La province supplée à la commune, quand les ressources de la commune sont insuffisantes, et quand la commune et la province ne peuvent pas supporter la totalité de la dépense, alors l’Etat vient à leur secours. On sent que là où les fabriques ont récupéré leurs biens, on accorde moins de subsides que là où les fabriques sont pauvres. De même, pour les grosses réparations à faire aux églises, là où les communes ont des biens suffisants pour y faire face, la province pas plus que l’Etat ne doit intervenir.

Au point de vue des réparations à faire aux presbytères et aux églises, la répartition de l’allocation ne peut pas non plus se faire d’après des données établies d’avance d’une manière égale ou proportionnelle à la population des provinces. Dans les unes les églises sont bonnes, dans d’autres, soit ancienneté, soit négligence d’entretien, elles sont en mauvais état et exigent plus de réparations et par conséquent plus de dépenses.

Je ferai ensuite observer que les provinces qui ont des cathédrales pour lesquelles il y a de grandes réparations à faire, des réparations d’art, l’Etat doit intervenir pour une somme plus forte pour ces édifices monumentaux que pour des églises ordinaires. Je crois en avoir dit assez.

M. Scheyven, rapporteur – Je dois une réponse à ce que vient de dire M. de Roo. Il dit que la province de Liége a été particulièrement favorisée dans la répartition du subside. Je vois sur le tableau joint au rapport que la province et les communes ont donné 21,484 francs 86 centimes, et que le gouvernement a donné 25,323 francs, de sorte que l’Etat n’a donné qu’une somme de 5,000 francs de plus que les communes et la province de Liége. On en peut donc pas dire que la province a été privilégiée.

M. de Roo – Je ne pense qu’on puisse contester les calculs que j’ai présentés. La province de Liége a reçu 45,000 francs, tandis que la Flandre occidentale n’a reçu que 10,000 francs. Or, 10,000 francs, c’est à peu près le dixième de l’allocation.

On dit qu’il n’y a pas de besoins. Je puis citer des édifices qui sont en souffrance faute de subsides. On a donné 10,000 francs pour un édifice qui en a coûté 70,000, tandis que dans la province de Liége on donne des sommes beaucoup plus considérables.

On objecte que là où il y a des cathédrales, ce sont des objets d’art et que l’Etat doit intervenir ; mais ici il ne s’agit nullement de cathédrales, mais d’édifices ordinaires.

M. de Theux – Comme l’a dit M. le ministre de la justice, pour la répartition du subside dont il s’agit, on consulte les circonstances, mais on ne peut pas avoir égard à des règles proportionnelles. C’est ainsi que, pour le rétablissement de la cathédrale et du petit séminaire de Bruges, on a eu égard aux circonstances. Il ne faut pas chercher à établir de jalousie entre les provinces, et il ne faut pas laisser se répandre l’opinion que le gouvernement serait partial en faveur d’une province au détriment d’une autre.

M. d’Hoffschmidt – Je crois devoir répondre à M. le ministre de la justice et à M. de Theux. Je n’ai jamais prétendu qu’on dût répartir les subsides dont il s’agit en proportion de la population, mais je crois que l’on doit examiner les besoins de certaines parties du pays et prendre en considération, pour la répartition, le peu de ressources qu’elles ont. Voilà la base que le gouvernement doit suivre.

Je crois avoir établi que dans certaine partie du pays qu’on appelle le Luxembourg, il y a de grands besoins que jusqu’à présent on a donné fort peu de chose. Il est vrai que le gouvernement donne en proportion de ce que donne la province. Mais ce système va en raison inverse du but qu’on se propose. On met à la disposition du gouvernement un subside pour venir au secours des communes qui ont peu de ressources.

Or, il résulterait du système du gouvernement, qu’aux parties pauvres du pays, celle qui ne peuvent pas faire de sacrifices, on n’accorderait que fort peu, tandis qu’à celles qui peuvent faire de grands sacrifices, on accorderait davantage. C’est évidemment aller en raison inverse de ce qu’on devrait faire pour la répartition de ce subside.

- Le chiffre de 350,000 francs est mis aux voix et adopté.

L’ensemble de l’article 1er est également adopté.

- La séance est levée à 5 heures.