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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 16 novembre 1841

(Moniteur belge n°321, du 17 novembre 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn procède à l’appel nominal à 2 heures.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Kervyn donne connaissance des pièces adressées à la chambre.

« Les brasseurs de Louvain demandent que la loi de dérogation à celle du 31 juillet 1834, relative à l’orge, soir renouvelée pour un an. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport, sur la proposition de M. Vandenhove.


« Les brasseurs de Malines adressent des observations contre la loi du 31 juillet 1835, relative aux céréales. »

M. Henot. – Messieurs, je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport. Je fonde cette demande sur l’urgence, attendu que la loi sur l’orge cessera d’avoir ses effets au 30 de ce mois, de sorte qu’il n’y a point de temps à perdre : la demande des pétitionnaires tend à ce que cette loi soit prorogée.

- La proposition de M. Henot est mise aux voix et adoptée.


« Le sieur M-J. Scheldweiler, né à Cologne, professeur d’agronomie et de botanique à l’école de médecine vétérinaire et d’agriculture de l’Etat, demande la naturalisation. »

- Renvoi au département de la justice.


« La députation permanente du conseil provincial du Hainaut demande que la chambre adopte une loi qui règle tout ce qui est relatif à l’emploi des langues. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La députation permanente du conseil provincial du Hainaut adresse des observations contre la proposition du conseil provincial d’Anvers, tendant à frapper d’un droit plus élevé la fabrication du sucre indigène. »

M. Delehaye – Messieurs, on vient de renvoyer à M. le ministre de l'intérieur une pétition adressée à la chambre contre les abus du colportage ; n’y aurait-il pas les mêmes motifs pour renvoyer, non à M. le ministre de l'intérieur, mais à M. le ministre des finances, la pétition dont M. le secrétaire vient de présenter l’analyse. En effet, M. le ministre des finances s’occupe en ce moment d’un projet de loi sur les sucres. Par la même occasion, je prierai M. le ministre de vouloir bien présenter ce projet sitôt que faire se pourra, parce que toutes les raffineries de sucre sont dans un état de stagnation effrayante. Pour faire cesser l’incertitude, il importe que cette loi soit immédiatement présentée.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances est ordonné.


« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg demande qu’il soit alloué au prochain budget une somme de 253,000 francs pour réparation aux rives de la Meuse. »

- Renvoi à la section centrale qui est chargée de l’examen du budget des travaux publics.


« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg demande que cette province soit indemnisée du chef des pertes qu’elle a essuyées, en 1832, par l’agression hollandaise. »

- Déposé sur le bureau pendant la discussion de la loi sur les indemnités.


« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg demande que, lors de la discussion du budget de l’intérieur, il soit accordée à la province du Limbourg un subside de 10,000 francs pour frais de casernement de gendarmerie. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen du budget de l’intérieur.


« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg adresse à la chambre 99 exemplaires du rapport fait au conseil provincial du Limbourg, dans sa séances du 9 juillet 1841, sur une proposition en faveur de la canalisation de la Campine, et demande qu’on alloue au budget du département des travaux publics les fonds nécessaires pour l’ouverture de la première section du projet de jonction de l’Escaut à la Meuse et de la canalisation de la Campine. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen du budget des travaux publics.


« Les membres du comité de l'industrie linière de Lichtervelde (Flandre occidentale), demandent l’établissement de droits sur les lins à la sortie et sur les fils à l’entrée. »

- Déposé sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les lins.


« Des boutiquiers de la commune de Gilly demandent des mesures répressives des abus du colportage. »

- Renvoi au département de l’intérieur.


« Le collège des bourgmestres et échevins de Liége adresse à la chambre 100 exemplaires du rapport fait au conseil communal sur les imputations dirigées contre cette autorité dans une brochure publiée par Mgr. l’évêque de Liége, en réponse à une allégation d’un membre de la chambre des représentants, en ce qui concerne l’enseignement religieux dans les collèges. »

- Pris pour notification.


M. le ministre de la justice transmet à la chambre, accompagnées des renseignements, 72 demandes en naturalisation.

Renvoi à la commission des naturalisations.


« La cour des comptes adresse à la chambre :

« 1° Le compte définitif des budgets de 1836 ;

2° Les comptes provisoires des exercices 1837 et 1838 ;

3° Le compte de la dette publique. »

- Pris pour information.

Projet d'adresse

Réponse du roi

M. le président. – Messieurs, le Roi a reçu et accueilli avec son affabilité ordinaire, la députation qui a été chargée de lui porter votre adresse, en réponse au discours du trône à l’ouverture de la session. S.M. a témoigné à votre députation combien elle était touchée et satisfaite des sentiments qui lui sont exprimées dans cette adresse, et elle y a répondu dans les termes suivants :

« Messieurs, la concordance de vues entre les grands pouvoirs de l’Etat est l’une des sauvegardes du repos et de la prospérité publique. Votre adresse me prouve que cette garantie si précieuse, nous la possédons, et je m’en réjouis avec vous, messieurs.

« Je sympathise vivement avec les idées d’union, de modération et d’impartialité que vous avez si noblement exprimées, et en reportant a pensée sur l’époque où le vœu de la Belgique m’appela au milieu de vous, vous avez renouvelé des souvenirs qui me seront toujours chers.

« Je vous en remercie, messieurs, ainsi que du loyal concours dont vous me donnez l’assurance. » (L’impression ! l’impression !)

M. le président – On demande l’impression ; ordinairement on imprime la réponse avec le discours même et l’adresse. S’il n’y a pas d’opposition, on fera imprimer ensemble les trois documents.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement d’Anvers

M. le président - L’ordre du jour appelle le rapport de la commission chargée de l'examen de l’élection de M. Cogels, nommé par le collège électoral d’Anvers.

J’avertis la chambre qu’il n’y a que cet objet à l’ordre du jour, aucun feuilleton de naturalisation ni de pétition n’était préparé.

La parole est à M. Desmet, rapporteur de la commission de vérification des pouvoirs.

M. Desmet (à la tribune) – Au nom de votre cinquième commission de vérification de pouvoirs, je vais avoir l’honneur de vous faire rapport sur l’élection de M. Cogels, d’Anvers. Cette élection a eu lieu par le collège d’Anvers, le 8 juin dernier. D’après le procès-verbal du principal bureau, le nombre des votants a été de 1942, quoique les listes de ceux qui avaient voté en continssent 1943 ; mais un billet blanc a été trouvé dans l’urne. Le collège a été partagé en 7 sections. La majorité absolue était donc de 972. Aucun procès-verbal ne fait mention d’aucune réclamation ni d’aucune observation contre les élections.

Messieurs, voici comme les votes ont été partagés :

« Le président proclame que le résultat général des scrutins est comme suit :

« Rogier, Charles, 1.000 voix ; Smits, Jean-Baptiste, 1,155 voix ; Cogels, Edouard, 972 voix ; Ullens, F.-J., 883 voix ; Veydt, Laurent, 965 voix ; Loos, François, 939 voix ; De Cock, Théodore, 751 voix ; Osy-Knyff, 998 voix.

« En conséquence, le président proclame que messieurs Rogier, Charles, Smits, Jean-Baptiste, Cogels, Edouard et baron Osy-Knyff ayant obtenu plus de la moitié des suffrages sont élus représentants. »

Le 8 novembre dernier, une réclamation a été adressée à la chambre contre l’élection de M. Cogels. On y a joint des pièces à l’appui. Cette réclamation porte deux signatures.

Pour combattre cette élection et vous engager à l’annuler, les réclamants vous présentent sept moyens.

Nous pensons, messieurs, qu’il est utile de vous donner lecture de cette réclamation et des pièces à l’appui :

« A Messieurs les Membres de la chambre des Représentants

« Anvers, le 8 novembre 1841,

« Messieurs,

« Les soussignés ont l’honneur de vous soumettre respectueusement leurs réclamations contre l’élection de M. Edouard Cogels, élu membre de la chambre des représentants par le collège électoral d’Anvers, le 8 juin dernier.

« Voici les faits qui se rapportent à cette élection et qui vous mettront à même d’en faire une juste appréciation.

« Le nombre total des votants était de 1943 et l’on trouva effectivement 1943 bulletins, mais un électeur du 1er bureau ayant voté au moyen d’un bulletin blanc, ce bulletin a été considéré comme ne devant pas entrer en compte, pour déterminer le nombre total des votants, lequel a été ainsi réduit à 1942, de sorte que la majorité absolue était de 972 suffrages.

« M. Edouard Cogels a obtenu tout juste ce nombre de voix (972). Le candidat qui venait immédiatement après, en a obtenu 7 de moins que lui (965 voix).

« Ainsi, avec une seule voix de moins, M. Cogels n’eût pas obtenu la majorité absolue et il eût fallu, au lieu de proclamer sa nomination, procéder immédiatement à un scrutin de ballottage entre lui et le candidat qui avait le plus de voix après lui ; telle eût été la marche à suivre si, dans le moment de l'élection, les faits signalés plus tard eussent été connus ; la conséquence de ces faits est en effet telle que nul ne peut avoir la certitude que les 972 suffrages obtenus par M. Cogels soient des suffrages valides ou légaux. S’il est vrai, et cela paraît aujourd’hui indubitable, que d’une part des personnes, incapables à différents titres, ont participé au vote, et que d’autre part des électeurs véritables ont voté deux fois, dans ce cas, on ne saurait hésiter. La nomination de M. Cogels ne saurait être validée ; il faut déclarer qu’il n’avait pas, faute d’avoir obtenu la majorité absolue, acquis le droit d’être proclamé représentants.

« Moyens de nullité contre l’élection de M. Edouard Cogels (non repris dans cette version numérisée : ces moyens de nullité (sept au total) consistent à réfuter la capacité de certains électeurs inscrits sur les listes électorales pour cause d’internement, de condamnation infamante, de non-respect de la condition de domicile, d’insuffisance de cens et de double inscription). »

Comme cette réclamation était parvenue si tardivement et si longtemps après l’élection, votre commission a trouvé utile, avant de délibérer sur la validité de l’élection d’en donner communication à l’intéressé et de lui demander ses observations au sujet des griefs qu’on allègue contre son élection.

M. Cogels a remis ses observations à la commission avec les pièces à l’appui.

Nous pensons qu’il serait aussi utile de vous donner lecture de ces observations.

« A MM. les membres de la cinquième commission, chargé de la vérification des pouvoirs de M. Ed. Cogels, élu à Anvers.

« Bruxelles, le 13 novembre 1841.

« Messieurs,

« La loi électorale, dont l’article 22 exige que toutes les réclamations soient insérées au procès-verbal, n’établit pas, je le sais, de prescription contre les réclamations qui pourraient être faites postérieurement. Mais si la lettre de la loi n’établit point cette prescription, il est certains cas où elle rentre tout à fait dans son esprit ; il est de ces sentiments de probité politique, de délicatesse, de loyauté, dont la chambre dans son omnipotence en matière d’élections peut se faire une loi.

« Ce sont ces sentiments que je crois devoir invoquer avant tout, quoique cet appel ne soit pas indispensable à la défense de ma cause.

« Que penser, en effet, messieurs, d’une pétition préparée depuis plusieurs mois, basée sur des faits dont quelques-uns tout à fait inexacts, et sur l’inexactitude desquels des pétitionnaires eux-mêmes ne sauraient invoquer leur ignorance ; d’autres au moins douteux ; faits, dont on a eu bien soin de me laisser ignorer l’existence, et dont la vérification devenait chaque jour d’autant plus difficile qu’on s’éloignait davantage du moment où les élections avaient eu lieu.

« Que penser, dis-je, d’une pétition pour laquelle on a quêté sans succès plus d’une signature honorable, à laquelle plus d’une main a travaillé, et qui vous vient enfin au tout dernier moment, signée de l’un de ses auteurs présumés seulement, et d’un autre électeur, assez indifférent, je le crois, à nos luttes électorales.

« En France, en Angleterre surtout, où, à cause du grand nombre des membres du parlement, on a un double intérêt à ce que le premier venu ne puisse pas entraver à son gré la constitution définitive de la chambre, vous savez, messieurs, comment un pareil document serait accueilli ; on en ferait prompte justice.

« Si j’ai cru devoir livrer d’abord ces considérations à votre sage appréciation, c’est que dans la position que la constitution vous a faite, je pense que le côté moral d’une affaire doit dominer toute autre considération.

« Je passe à l’examen des sept moyens de nullité qu’on m’oppose. (Ces détails ne sont pas non plus repris dans cette version numérisée).

« (…) Vous comprenez maintenant mieux que jamais, messieurs, toute la tactique des pétitionnaires et les motifs pour lesquels on m’a caché si soigneusement les moyens sur lesquels se fondait une réclamation, qui ne devait venir au grand jour, qu’au moment où l’on espérait sans doute que l’on n’aurait plus eu le temps d’en découvrir toutes les perfidies.

« Je m’abstiendrai de toute autre réflexion et je terminerai par une seule considération. C’est que les erreurs commises volontairement dans les 2°, 3° et 6° moyens vous donneraient le droit en votre qualité de jurés de déclarer non recevables tous les autres faits allégués, lors même qu’ils n’auraient pas été combattus d’une autre manière. Ab uno disce omnes.

« J’attends avec confiance la décision que vous dicteront cette impartialité, cette loyauté à laquelle j’ai déjà fait un premier appel. Cette décision ne me paraît pas douteuse.

Ed Cogels. »

(Le rapporteur de la commission de vérification des pouvoirs présente ensuite l’examen des moyens de nullité invoqué l’un après l’autre. Cet examen n’est pas repris dans cette version numérisée. Il conclut par ses mots :) Après avoir été mis aux voix sur l’admission de M. Cogels, elle (la commission) a été adoptée à la majorité de 6 voix contre 1.

Des membres – L’impression de toutes les pièces.

M. Dumortier – Je demande la discussion immédiate.

Des membres – C’est un peu fort !

M. Dumortier – Je répète ma proposition : je demande la discussion immédiate.

M. de Villegas – Je ne pense pas que sur une simple lecture on puisse décider des questions aussi importantes ; des moyens de nullité ont été mis en avant ; M. le rapporteur a essayé de les combattre, et il faut donc qu’on nous laisse le temps de les examiner à notre tour. Il n’est donc pas possible d’aborder maintenant cette discussion.

M. Verhaegen - Quant à moi, non seulement je ne pourrais discuter sur ce rapport, si je l’avais entendu, mais je déclare naïvement que la voix de M. le rapporteur n’est pas parvenue jusqu’à moi, et que dès lors je n’ai pas pu comprendre ce que je n’ai pas entendu.

M. Lys – Messieurs, la commission a retardé jusqu’à ce jour la présentation de son rapport, parce qu’elle a cru devoir communiquer les pièces de l’élection de M. Cogels ; elle lui a donné le temps de les examiner et de les réfuter, s’il y avait lieu. Si l’on a observé toutes les convenances envers l’honorable M. Cogels, on doit aussi les observer, je pense, envers les membres de la chambre. Quant à moi, je déclare formellement que je n’ai pu entendre et comprendre que quelques parties du rapport, et que dès lors, je devrai m’abstenir si l’on aborde immédiatement la discussion.

M. Lebeau – Messieurs, je suis d’autant plus surpris qu’on propose la discussion immédiate, que la commission elle-même, dans la prévision que la chambre accorderait un délai pour examiner son travail, qui est fort long ; que la commission, dis-je, se proposerait de se réunir pour revoir une dernière fois le rapport présenté aujourd’hui par l’honorable M. Desmet, en ce sens que la permission d’imprimer ne serait donnée que lorsqu’une dernière révision aurait été faite par nous. Car vous remarquerez, messieurs, qu’il y a une partie du rapport de l'honorable M. Desmet qui n’est pas écrite, qui est purement verbale, et il est impossible de considérer cette partie du rapport comme le travail de la commission tout entière, avant que le rapport imprimé n’ait été vérifié et consenti par elle.

Messieurs, non seulement il me semble impossible que la discussion soit abordée aujourd’hui, mais il me paraît même impossible de la fixer à demain, car autant vaudrait la commencer aujourd’hui que la commencer demain. D’abord il est matériellement impossible qu’on imprime en entier le rapport tel qu’il vient d’être fait. Ce rapport se compose d’abord de l’exposé fait par M. le rapporteur ; puis d’une pétition volumineuse, accompagnée de nombreuses pièces justificatives, qu’il est important d’avoir sous les yeux, si l’on veut comprendre la pétition elle-même ; ensuite d’un mémoire produit par l’honorable M. Cogels, enfin du résumé des délibérations de la commission par l’honorable rapporteur qui est à la tribune. Eh bien, tout cela formera un assez volumineux cahier, et je crois qu’il est matériellement impossible d’imprimer toutes ces pièces pour demain matin.

Je crois dès lors qu’il faut se conformer au règlement et ne fixer l’ordre du jour pour cette discussion que lorsque le travail de M. le rapporteur aura été distribué, autrement, vous agiriez en aveugles.

Nous savons tous que les vérifications de pouvoirs présentent une certaine urgence, nous savons qu’il y a des devoirs à remplir envers ceux qui peuvent se présenter comme les élus du pays ; mais la chambre a des devoirs à remplir envers elle-même, envers sa propre dignité, et il impose qu’en matière de vérification de pouvoirs, et concilier ces deux devoirs, celui que nous avons à cœur d’observer envers l’élu, et celui beaucoup plus important pour nous, de veiller à la dignité de la chambre, à la pureté de sa composition.

Je demande en conséquence qu’on ne préjuge rien, quant à l’ordre du jour, et qu’on apporte la plus grande célérité à l’impression et à la distribution des pièces.

M. Dumortier – Messieurs, après le rapport très lucide qui vient d’être fait…

Des membres – Mais nous n’avons rien compris.

M. Dumortier – Moi et beaucoup d’autres membres nous avons parfaitement compris le rapport, et si vous ne l’avez pas compris, c’est qu’il ne vous a pas plu de le comprendre… Messieurs, après le rapport très lucide qui vient d’être fait, il me paraît qu’il est de la dignité de la chambre de se prononcer, sans désemparer, sur une pétition dans laquelle il est de la dernière évidence qu’on a voulu tromper la religion de la chambre ; dans laquelle on a supposé des faits inexacts, dans laquelle on a donné des déclarations manifestement fausse, et telles qu’elles devraient nécessiter la destitution des fonctionnaires qui s’en sont rendus coupables.

En présence de pareils faits, la chambre doit quelque chose à sa dignité ; il ne faut pas qu’une semblable pétition l’arrête pendant plusieurs jours ; il faut qu’elle passe immédiatement aux voix sur l’élection. Voilà comment je comprends la dignité de la chambre.

Je ne m’oppose pas à la remise de la discussion à demain ; mais si l’on demande à temporiser plusieurs jours, je protesterai contre une semblable proposition.

M. le président – La parole est à M. Lebeau.

M. Dumortier – Pardon, M. le président, je dois ajouter un mot : c’est que si l’on désire l’impression du rapport, rien n’empêche qu’il ne soit imprimé pour demain ; la lecture du rapport a duré à peine une demi-heure, et dans bien des cas, nous avons eu des rapports beaucoup plus longs dont l’impression a pu avoir lieu pour le lendemain du jour où on les avait lu en séance.

M. Desmet, rapporteur – Je dois faire observer qu’on ne peut pas séparer les pièces d’avec le rapport ; si donc on veut faire imprimer le rapport ; il faut également ordonner l’impression des pièces, car tout se tient.

Je pense qu’on pourrait se borner à l’impression dans le Moniteur. J’en fais la proposition.

M. Jadot – Si on veut fixer la séance à midi, il faut ordonner la distribution du Moniteur avant midi.

- La chambre ordonne l’impression du rapport au Moniteur.

M. Lebeau – J’ai demandé la parole, parce qu’il m’a semblé que M. le rapporteur avait contesté l’exactitude de mes paroles quand j’ai dit que nous devions nous réunir pour revoir et approuver son rapport si l’impression en était faite. Vous avez pu remarquer qu’il y a une partie de ce rapport qui a été improvisée. Je tiens, quant à moi, à ne prendre la responsabilité d’un rapport que quand toutes les parties de la rédaction ont été consenties par moi. Je ne veux accepter ni vis-à-vis des pétitionnaires, ni vis-à-vis d’aucune autre personne, la responsabilité d’une œuvre étrangère. Si M. le rapporteur croit pouvoir surveiller seul l’impression au Moniteur, soit ; mais j’aurai fait ma proposition.

M. Dubus (aîné) – Le rapport que vous venez d’entendre se compose de deux parties : d’abord de deux pièces assez longues dont il vient de vous être donné lecture, qui sont tout écrites et auxquelles il n’y a rien à réviser ; il y a en seconde lieu le résumé très court qui a précédé la lecture des pièces, et le résumé du vote de la commission, qui est conçu en très peu de termes. Voilà la partie improvisée du rapport ; cette improvisation étant l’œuvre de M. le rapporteur, il surveillera la manière dont elle sera rendue par le Moniteur, comme tous les membres qui vont surveiller la manière dont sont rendus leurs discours, afin qu’on ne leur fasse pas dire, comme cela est quelquefois arrivé, le contraire de ce qu’ils ont dit.

M. Lebeau – Ces membres parlent en leur nom.

M. Dubus (aîné) – Le rapporteur parle, il est vrai, au nom de la commission, mais il n’y a ici que les résolutions qui soient l’œuvre de la commission quant à la forme de l’expression, elle est sous sa responsabilité personnelle, comme tout ce qui est improvisé. Il a donné l’opinion de la majorité et de la minorité ; cela sera inséré comme l’a rapporté M. Desmet ; si quelqu’un a à réclamer à cet égard, il réclamera demain, mais cela ne doit pas arrêter l’impression au Moniteur.

La question se réduit maintenant à des termes extrêmement simples ; on affecte de croire qu’elle est embrouillée ; car, pour peu qu’on ait prêté attention, on doit voir que les questions soulevées ne nous donneront pas pour une heure de discussions sérieuses.

J’insiste pour que la discussion soit fixée à demain et la séance à midi.

M. Desmet, rapporteur – Messieurs, il n’y a rien d’improvisé dans mon rapport. Si quelquefois j’ai paru improviser, c’est parce que j’avais de la peine à lire quelques parties des observations de M. Cogels ou des pétitionnaires. Je viens de vous dire que j’avais écrit mon rapport. Il est vrai qu’il a été fait avec célérité, mais il a été lu à la commission, et la commission l’a approuvé. J’ai exposé les motifs de la majorité et de la minorité, j’ai dit pourquoi on avait voté dans tel ou tel sens, j’ai même attendu jusqu’au retour du membre de la minorité, qui a écrit lui-même les motifs de son opinion, afin de les comprendre dans mon rapport.

Je n’avais nullement entendu que, si l’impression était ordonnée par la chambre, le rapport dût être de nouveau soumis à la commission. J’avais compris qu’il serait imprimé, comme il avait été lu à la commission. J’avais demandé l’autorisation de le faire imprimer avant de le présenter parce que de cette manière j’aurais eu moins de peine à lire les écritures diverses des pièces qui y sont jointes.

Messieurs, s’il m’est permis de dire un mot sur l’objet même du rapport, je dirai à M. de Villegas que ce n’est pas moi qui ai repoussé les allégations des pétitionnaires, mais la majorité de la commission ; je n’ai fait que tenir la plume.

Comme l’a fait observer l’honorable M. Dubus, la question est très simple. Il y a sept faits articulés ; aucun n’est prouvé, et il est démontré qu’il y en a trois d’erronés. Voilà pourquoi je n’ai pas été d’avis d’annuler l’élection de M. Cogels.

M. Verhaegen – On vient de décider qu’il n’y aurait pas d’impression séparée du rapport, qu’il serait imprimé dans le Moniteur ; et pour atteindre le but qu’on se propose, on veut commencer la discussion à midi ; car, ordonner l’insertion au Moniteur et fixer la discussion à demain à midi, c’est dire qu’il n’y aura pas de discussion. Nous envoyât-on le Moniteur à temps, ce qui n’arrive jamais, qu’on ne pourrait pas aborder la discussion à midi, car il serait impossible de lire le rapport et toutes les pièces. Nous qui n’avons pas fait partie de la commission, nous ne connaissons ni les pièces à l’appui de la pétition, ni la réponse de l’honorable M. Cogels. Je viens d’entendre dire qu’il y avait des choses fort graves, qu’il y avait des pièces fausses, qu’il y avait des fonctionnaires qui s’étaient compromis au point de mériter d’être destitués.

La chambre doit donner toute son attention à une affaire de cette importance. Si les faits ont la gravité qu’on dénonce, il faut les examiner avec la plus grande maturité possible. S’il y a des faux, il faut les découvrir ; si des personnes sont coupables, il faut qu’elle subissent les conséquences de leurs faits et gestes. Ce n’est pas sans discussion qu’on atteindra ce résultat. Il est de notre dignité d’éclairer complètement cette affaire. Plus elle est grave, plus elle mérite notre attention. Fixer la discussion à demain, autant vaut déclarer qu’on veut dès aujourd’hui proclamer l’admission de M. Cogels. Si c’est là ce qu’on veut, qu’on le dise.

M. de Theux – Les pièces à l’appui sont toutes simples, ce sont des certificats. Tout le dossier sera déposé sur le bureau et chacun pourra confronter les pièce avec les assertions du rapport. Les deux pièces principales, la protestation des pétitionnaires et le mémoire de M. Cogels seront imprimés tout au long dans le Moniteur. On ne suppose pas que le Moniteur commette des faux. Si on voulait vérifier l’exactitude des pièces produites, on renverrait la discussion aux calendes grecques. Car chacun pourrait demander le dossier pour le consulter tout à son aise. Ce n’est pas ainsi qu’on procède.

Il y a quelques jours on était pressé d’avoir un rapport, alors qu’on n’avait pas eu le temps d’éclaircir les faits ; aujourd’hui qu’ils sont éclaircis, que la question est simplifiée, on veut retarder la discussion. Quiconque a voulu écouter attentivement le rapport, a pu se former une opinion.

Je reconnais qu’il fallait beaucoup d’attention pour suivre M. le rapporteur, mais en le voulant bien, il était possible de saisir toutes les raisons signalées pour ou contre l’admission. Ce travail que j’ai fait, chacun des autres membres aurait pu le faire comme moi.

En lisant le rapport sans le Moniteur, il sera facile de se former une opinion sur le mérite de la pétition, et des moyens employés par les pétitionnaires, ainsi que de la réponse de la partie intéressée ; Soyons donc conséquents avec nous-mêmes. Quand la chose n’était pas éclaircie, on voulait se hâter de prendre une décision. Aujourd’hui qu’elle l’est, on veut reculer la discussion. Finissons-en avec la vérification des pouvoirs, ces sortes de questions sont toujours urgentes. L’élu a droit de prendre part aux travaux de la chambre aussitôt que son élection est reconnue valide. La chambre ne peut pas, sans des motifs extrêmement graves reculer une vérification de pouvoirs. J’appuie donc la proposition de M. Dubus, de mettre la discussion à demain, et de fixer la séance à midi.

M. Devaux – Je demande que la discussion soit remise à après-demain. C’est une dérision de fixer la discussion à demain et la séance à midi, quand nous recevons le Moniteur à onze heures et que nous sommes obligés de sortir à 11 heures 1/2 pour être à la chambre à l’ouverture de la séance.

M. Dumortier – Moi, je le reçois à sept heures.

M. Devaux – Vous ne voulez pas nous permettre de lire le rapport avant d’aborder la discussion. Je demande ce qui presse. Nous allons demain en sections pour examiner les budgets. Ainsi, nous ne perdrons pas une heure. Si on ne veut pas étouffer la vérité, on doit nous laisser le temps de lire le rapport. Nous ne l’avons pas entendu, tout le monde sait que la voix de l’honorable M. Desmet ne parvient qu’à une partie de l’assemblée. Il faut absolument pouvoir lite et comparer les dires de la commission, des pétitionnaires et du membre élu. Pour faire ce travail il faut du temps ; ce n’est pas quand on reçoit le Moniteur à 11 heures et qu’on part à 11 heures 1/2 pour être à la chambre à midi qu’on peut avoir fait ce travail pour l’ouverture de la séance.

Plus l’affaire est grave, plus vous devez l’examiner avec soin. C’est une chose vraiment incroyable, une chose vraiment insolite que cette manière d’opprimer la chambre, de vouloir étouffer la discussion au début de la session. C’est un véritable despotisme !

M. Duvivier – Je veux présenter une seule observation à l’appui de celles de M. Devaux. Nous sommes convoqués en sections pour demain à dix ou onze heures. Il est beaucoup de membres qui ne reçoivent le Moniteur qu’après cette heure, c’est-à-dire quand ils ne sont plus chez eux. Il faudra rester chez soi ; on n’ira pas en sections, et encore aura-t-on à peine le temps de lire ce rapport à la hâte avant d’arriver à la séance publique à midi. Cela ne se peut pas. Il faut qu’on nous laisse le temps d’examiner cette affaire avec tout l’intérêt qu’elle comporte.

M. Pirson – Je pense que la séance de demain devrait être fixée à deux heures, comme l’a été celle d’aujourd’hui. Le rapport est très long ; mais d’après ce qu’on dit certains membres, il paraît que quand vous aurez lu le Moniteur, il vous faudra très peu de temps pour vous décider. Si la séance est fixée à deux heures, jusqu’à 4 heures, nous aurons tout le temps nécessaire.

M. Dubus (aîné) – On a employé tout à l’heure des mots très sonores ; on a parlé de choses insolites, de despotisme. On a prétendu que nous voulions ce qu’il y a de plus déraisonnable, en demandant la remise de la discussion à demain, puisqu’on n’avait pas pu comprendre, puisqu’on n’avait pas compris. Cependant j’ai en main toutes les notes que j’affirme avoir tenues pendant le rapport de l’honorable M. Desmet. Je suis prêt à les communiquer à qui voudra ; je soutiens qu’on y trouvera tous les éléments du rapport : toutes les objections et toutes les réponses. Lorsque j’ai pu tenir ces notes, il m’est permis de croire qu’il était facile à tous les membres de faire de même, et par conséquent qu’il n’est pas exact de dire qu’on n’a pas pu comprendre le rapport.

M. Devaux – J’ai voulu tenir note ; je ne l’ai pas pu.

M. Dubus (aîné) – Et parce qu’un membre ou dix membres n’auraient pas compris, vous iriez reculer d’un jour la discussion, sous le prétexte qu’il faut un second examen dans le Moniteur. Je pense que c’est au contraire la majorité qui a été attentive qui doit l’emporter, et que ce n’est pas elle qui doit attendre que les quelques-uns qui n’ont pas écouté soient prêts à prendre part à cette discussion. Alors qu’il s’agit d’un rapport, présenté à la tribune et entendu par ceux qui ont voulu y prêter attention, il est juste que l’affaire prenne date de ce rapport et qu’on puisse se préparer à la discuter demain.

Quant à la modification proposée par l’honorable M. Pirson, qui consiste à fixer la séance à deux heures, je m’y rallie, et je propose que la séance ait lieu demain à deux heures, au lieu de midi. Mais je pense qu’il n’y a aucun motif de remettre la discussion à après-demain.

On parlait tout à l’heure de l’examen des budgets dans les sections, si cela présentait quelques inconvénients, alors qu’il y a à l’ordre du jour, en séance publique, la discussion des conclusions du rapport qui vient de vous être fait, toute la conclusion à tirer de là, c’est qu’il ne devrait pas y avoir de réunion dans les sections, puisque la vérification des pouvoirs doit précéder l’examen des budgets en sections.

J’insiste pour que la séance soit fiée à demain, deux heures. Je crois que la question est très simple. Si quelqu’un en doutait, je me fais fort de la réduire en peu de mots à ses termes les plus simples ; je répète qu’il ne faut pas une heure de discussion sérieuse pour se faire une opinion.

M. Dumortier – Je n’aime pas à entendre dire qu’une fraction de cette assemblée veut opprimer l’autre et veut y introduire le despotisme. Je n’aime pas à entendre parler ainsi. Je dois protester contre de telles expressions ; je dois surtout protester contre ce langage, alors que ceux qui le tiennent sont ceux qui veulent gérer cette élection à leur manière.

M. Pirson – Ah ! voilà les récriminations qui commencent.

M. Dumortier – La première fois qu’il a été question de cette élection, on a demandé qu’elle fût vérifiée aussitôt que possible.

M. Verhaegen – Qui a demandé cela ?

M. Dumortier – Cela est tellement vrai que l’honorable M. Osy a dû se lever pour demander qu’on laissât à M. Cogels le temps nécessaire pour examiner les pièces. On voulait profiter des pièces jointes à la réclamation ; et aujourd’hui que la fausseté de ces pièces est démontrée, on prétend qu’à cause de cela il faut retarder la discussion. Voilà ce que je ne puis concevoir. Quand l’affaire n’était pas claire, on insistait pour la discussion à bref délai ; maintenant qu’elle est tirée au clair, on veut retarder la décision de la chambre.

M. Lebeau – Je ne rentrerais pas dans la discussion, si les paroles de l’honorable M. Dumortier n’allaient pas à l’adresse du président de la commission.

M. Dumortier – Je n’ai fait allusion à personne ; je ne sais qui a demandé la discussion immédiate ; mais il est certain qu’on l’a demandée.

M. Lebeau – On n’a pas demandé la discussion immédiate.

Lorsque nous avons pris connaissance de la réclamation et des pièces qui y sont jointes, dont il vous a été donné lecture, nous avons été unanimes pour décider qu’il devait en être donné communication à M. Cogels.

Mais il y a eu une discussion préalable, et j’ai émis, dans le sein de la commission, l’opinion qu’il y avait lieu, sans faire de rapport, de proposer l’ajournement, c’est-à-dire tout le contraire de ce qu’a supposé M. Dumortier, tout le contraire de la discussion immédiate. Le il est positif. Voilà ce que j’avais à dire sur ce point. L’honorable M. Dumortier fera bien de peser un peu plus à l’avenir les considérations qu’il aura à présenter à la chambre, quand elles sont de nature à incriminer quelqu’un de ses collègues.

M. Dumortier – Je remercie l’honorable préopinant de ses dernières paroles ; mais il doit se rappeler que lui-même demandait tellement le bref délai du rapport, tout en demandant l’ajournement, que l’honorable M. Cogels n’aurait pas eu le temps de faire venir ses pièces.

M. Lebeau – C’est tout le contraire. C’est moi-même qui ai émis le vœu que l’honorable M. Cogels fût appelé dans le sein de la commission. Il est impossible de dénaturer plus complètement les faits ; je les qualifierais autrement, si je ne croyais pas que c’est pure légèreté.

- La chambre consultée fixe la séance de demain à 2 heures.

La séance est levée à 4 heures et demie.