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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 25 novembre 1841

(Moniteur belge n°330 du 26 novembre 1841 et Moniteur belge n°331, du 27 novembre 1841)

(Moniteur belge n° du 26 novembre 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn procède à l’appel nominal à deux heures.

M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Kervyn analyse les pièces de la correspondance.

« Les conseils communaux de Bruly, Cul-des-Sarts et Petite-Chapelle, province de Namur, proposent des modifications à la loi de 1822 sur la contribution personnelle. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les bateliers de la commune de Willebrouck demandent que le gouvernement fasse payer par les pêcheurs ou bateliers hollandais qui emmènent eux-mêmes par leurs canots leurs huîtres et moules aux marchés belges, un droit d’entrée sur les moules, d’un franc par hectolitre et sur les huîtres de 20 fr. par hectolitre »

M. Mast de Vries – Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la pêche.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le dernier projet présenté a été renvoyé aux sections. Depuis j’ai appris qu’une commission avait été instituée pour l’examen du projet de loi qui a été retiré, que cette commission avait eu quatorze séances, que son travail était fort avancé, qu’elle avait fait beaucoup de recherches et recueilli beaucoup de renseignements. J’ai demandé la parole pour vous soumettre la question de savoir s’il ne conviendrait pas de revenir sur le renvoi en sections et renvoyer le nouveau projet à l’ancienne commission qui avait été saisie du projet précédent. Je pense que cette commission n’a pas démérité.

- Cette proposition est adoptée, et la pétition qui vient d’être analysée est renvoyée à la commission chargée d’examiner le projet de loi sur la pêche.


« Des propriétaires d’usined de Châtelineau demandent que la chambre introduise dans la loi sur l’impôt des barrières une disposition qui assimile leurs chevaux à ceux servant à l’agriculture et au transport des engrais. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Bernet, commerçant à Mailler, né en France et habitant la Belgique depuis 1818, demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les négociants et boutiquiers de la ville de Gand demande une loi répressive des abus du colportage. »

M. Manilius – Je pense qu’il faut renvoyer cette pétition aux ministres des finances et de l’intérieur. Si je ne me trompe, ils nous ont promis de présenter un projet de loi sur cette matière. Je désirerais savoir si les travaux sont avancés et si bientôt nous aurons ce projet de loi.

M. le ministre des finances (M. Smits) – Dans un instant je présenterai un projet de loi sur cette matière.

M. le président – Nous attendrons, pour statuer sur cette pétition, la présentation du projet de loi.

Ordre des travaux de la chambre

M. Vandenbossche – Messieurs, au mois de février dernier, j’ai eu l’honneur de présenter un projet de loi tendant à substituer à l’impôt de répartition sur le foncier actuellement existant un impôt de quotité. Ce projet a été imprimé et distribué aux membres ; mais il n’a pas encore été pris en considération. Je désirerais que la chambre voulût fixer un jour prochain pour prononcer sur la prise en considération de cette proposition, car elle est destinée à être introduite dans le commencement de l’exercice prochain. Je prierai en même temps le bureau de faire distribuer ma proposition aux membres nouvellement élus.

- La chambre fixe à sa prochaine séance la discussion sur la prise en considération de la proposition de M. Vandenbossche.

Projet de loi qui prohibe l'exportation des pommes de terre et de leur fécule

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi destiné à prohiber la sortie des pommes de terre.

Ce projet est ainsi conçu :

« Article unique. Par dérogation au tarif général des droits de douane, les pommes de terre et leurs fécules sont prohibés jusqu’au 31 juillet inclus, à moins qu’avant cette époque le gouvernement ne juge convenable de lever cette prohibition.

« La présente loi sera exécutoire le jour même de sa promulgation. »

Ce projet est accompagné d’un exposé des motifs. (L’impression ! l’impression !)

M. le président – La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi dont il vient de donner lecture. Ce projet et l’exposé des motifs qui l’accompagne seront imprimés et distribués.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ce projet est extrêmement urgent. Pour qu’il soit efficace, il faut qu’il soit voté le plus promptement possible. Je propose de le renvoyer à la commission qui a été chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’orge.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à élever la rente au profit de la dame veuve Kessels

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le gouvernement a été autorisé par la loi du 17 juin 1836 à acquérir les ouvrages laissés par le sculpteur belge Mathieu Kessels, décédé à Rome. Le gouvernement, usant de la faculté que lui donnait cette loi, a acquis ces objets d’art pour une rente annuelle de 2 mille francs. Il a été depuis reconnu que cette rente n’était pas en rapport avec la valeur des objets achetés. Le gouvernement a pensé qu’il n’était pas équitable et de la dignité du pays de s’en tenir au contrat primitif. Il a fait examiner les ouvrages par une commission qui a reconnu que la valeur était de beaucoup supérieure au capital auquel correspond la rente de deux mille francs. Le projet a pour objet d’augmenter de 1,00 euros la rente de 2 mille francs.

A ce projet de loi est joint un exposé des motifs fort étendu et un rapport de la commission chargée d’examiner les ouvrages actuellement à Bruxelles.

Le projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à porter à 3,500 francs la rente de 2,000 fr. constituée au profit de la veuve du sculpteur Mathieu Kessels, en vertu de la loi du 17 juin 1836. Les autres dispositions de ladite loi sont maintenues. »

M. le président – La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi dont il vient de donner lecture.

Ce projet, l’exposé et les pièces qui l’accompagnent seront imprimés et distribués.

A qui la chambre veut-elle en renvoyer l’examen ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je propose de le renvoyer à la section centrale du budget de l’intérieur.

M… - Je propose de renvoyer ce projet à la commission qui a examiné le projet primitif, en autorisant le bureau à la compléter.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi visant à améliorer la législation sur la voirie

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le Roi a chargé les ministres des travaux publics et de l’intérieur de vous présenter un projet de loi ayant pour objet de combler quelques lacunes que présente la législation sur la voirie.

- M. le ministre donne lecture de ce projet, que nous insérerons dans un prochain numéro.

Il lui est donné acte de sa présentation, la chambre en ordonne ensuite l’impression ainsi que des pièces qui l’accompagnent, et le renvoi à l’examen des sections.

Projet de loi ratifiant et complétant l'arrêté du 26 juillet 1841, relatif aux fils de lin et de chanvre

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi tendant à ratifier et compléter l’arrêté du 26 juillet 1841, relatif aux fils de lin et de chanvre. Il consiste dans un tableau, dont il serait difficile de donner lecture. Je prierai la chambre de m’en dispenser.

- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation de ce projet, en ordonne l’impression, ainsi que de l’exposé des motifs, et le renvoi à l’examen des sections.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à conclure une convention avec la ville de Bruxelles

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le Roi vous a annoncé, en ouvrant la session, qu’il avait été conclu une convention avec la ville de Bruxelles pour l’acquisition d’immeubles et de collections scientifiques destinés à faire partie des musées de l’Etat. Le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi ayant pour objet la ratification de la convention conclue le 5 novembre dernier.

A l’exposé des motifs sont jointes un grand nombre de pièces.

- M. le ministre lit la convention que nous insérerons dans un prochain numéro, et l’article unique qui est ainsi conçu :

« Est approuvée la convention ci-annexée en date du 5 novembre 1841, portant cession, par la ville de Bruxelles, des immeubles y énumérés ainsi que de ses collections scientifiques et objets d’arts destinés au musées de l’Etat. »

Le conseil communal, ajoute M. le ministre, dans son comité secret du 6 novembre, a, sans réserve, approuvé la convention.

Acte est donné de la présentation de ce projet ; la chambre en ordonne l’impression et la distribution ainsi que de l’exposé des motifs e des pièces qui l’accompagnent et le renvoie à l’examen des sections.

Projet de loi qui proroge celle du 22 septembre 1835, concernant les étrangers résidants en Belgique

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) – Le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi ayant pour objet de proroger la loi du 7 septembre 1835, qui accorde au gouvernement le droit d’expulser les étrangers.

Ce projet est ainsi conçu :

« Léopold, etc.

« Article unique. La loi du 27 septembre 1835, Bulletin officiel n°643, concernant les étrangers résidant en Belgique, aura force obligatoire jusqu’au 1er janvier 1845. Néanmoins, le n°2 de cette loi est abrogé. »

- La chambre donne acte à M. le ministre de la justice de la présentation de ce projet et en ordonne l’impression et la distribution, ainsi que de l’exposé des motifs.

M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) – Je ferai observer que la loi cesse d’avoir ses effets au 31 décembre de l’année courante, de sorte qu’il est important que la loi dont il s'agit puisse être votée avant cette époque.

Plusieurs membres – Il faut le renvoyer à une commission !

D’autres membres – Aux sections ! aux sections !

- La chambre, consultée, renvoie le projet de loi à une commission nommée par le bureau.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) – Le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi relatif à quelques crédits supplémentaires pour le budget de la justice.

- M. le ministre donne lecture de ce projet qui a pour objet d’accorder au ministère de la justice un crédit supplémentaire de 61,240 fr. pour l’exercice 1840.

La chambre donne acte à M. le ministre de la justice de la présentation de ce projet, en ordonne l’impression et la distribution et le renvoie à l’examen de la section centrale du budget de la justice.

Projet de loi protégeant le commerce intérieur contre les abus du colportage

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Smits) – Le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi ayant pour objet de protéger le commerce intérieur contre les abus du colportage. Ce projet et l’exposé des motifs qui l’accompagnent sont très étendus ; ce sont des matières difficiles à saisir à la lecture. Je demanderai à la chambre de me dispenser de le lire.

- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation de ce projet, en ordonne l’impression et la distribution ainsi que l’exposé des motifs et le renvoie à une commission nommée par le bureau.

Projet de loi qui renouvelle celle du 31 décembre 1835 relative à la nouvelle répartition de la contribution foncière d'après les bases cadastrales

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Smits) propose un projet de loi tendant à renouveler pour 3 ans la loi du 31 décembre 1835, établissant pour les 7 provinces entièrement cadastrées, une nouvelle répartition de la contribution foncière.

- Acte est donné de la présentation de ce projet, l’impression et la distribution en sont ordonnées, ainsi que l’exposé de motifs et l’examen en est renvoyé aux sections.


M. le président – Voici comment le bureau a composé la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif au colportage : MM. Manilius, Maertens, Lys, Cogels, Delehaye et Doignon.

Motion d'ordre

Mouvements de troupes françaises le long de la frontière belge

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) – Messieurs, dans une de vos dernières séances, j’ai été interpellé au sujet des mouvements militaires qui s’opéraient sur notre frontière et vous avez dû supposer que des renseignements vous seraient ultérieurement donnés. La concentration de troupes a cessé, et je pourrais me borner à vous confirmer officiellement cette nouvelle que les journaux ont déjà portée à votre connaissance. Du reste, les précautions qu’a prise la France se rattachaient à un état de choses qui a pu, d’abord, dans l’éloignement, se présenter sous des couleurs exagérées ; ces précautions étaient un nouvel acte de bienveillance de la part d’un gouvernement qui nous a déjà donné tant de preuves de bon vouloir et de sympathie.

M. Delehaye – Messieurs, si nous devons en croire les journaux de Paris, il paraîtrait que cette preuve de bienveillance n’a pas été donnée tout à fait sans l’intervention du gouvernement belge, il paraîtrait au contraire, que c’est notre gouvernement qui a fait la demande expresse de l’intervention française. Je suis loin de croire ce qu’avancent ces journaux, mais s’ils disaient vrai, il y aurait ici quelque chose de fort étrange. D’abord le gouvernement a déclaré qu’il n’avait été informé du mouvement qui s’est opéré sur nos frontières que par les journaux, tout comme nous l’avons été nous-mêmes. Aujourd’hui il n’en serait plus tout à fait de même. Il est de la dignité cependant de la chambre d’exiger que les réponses du ministre aux interpellations qui émanent d’un de ses membres soient toujours conformes à la vérité.

Il y aurait donc de la part de M. le ministre faute grave, si la réunion de troupes en a été faite sur nos instances.

Je le demande, aujourd’hui que le traité de paix a été adopté, le gouvernement français pourrait-il se permettre une intervention en Belgique, alors que la législature n’aurait pas autorisé une semblable intervention ?

Je n’irai pas plus loin, messieurs, car il est possible que les journaux français n’aient pas dit les choses comme elles sont, mais les chambres françaises vont s’ouvrir et là il sera sans doute fait des interpellations au gouvernement français. Nous saurons alors à quoi nous en tenir.

Je désire de tout cœur que la réponse du gouvernement français soit conforme à celle qui nous a été donnée par M. le ministre des affaires étrangères, c’est-à-dire que le gouvernement belge n’ait en aucune manière provoqué cette réunion de troupes. Je désire donc que le ministre dise d’une manière positive, oui ou non, si cette marque de bienveillance nous a été accordée sans qu’il y ait en demande de notre part.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) – Je regrette, messieurs, de ne pouvoir suivre l’honorable préopinant sur le terrain où il semble m’appeler. Il n’y a pas eu de contradiction dans mes paroles. Je ne puis que m’en référer à celles que j’ai prononcées dans cette enceinte. La chambre appréciera, je l’espère, la réserve que je suis obligé de garder dans une affaire de cette nature.

M. Delehaye – Remarquez bien, messieurs, que M. le ministre des affaires étrangères me suppose des paroles que je n’ai point dites. Je n’ai point voulu l’attirer sur un terrain autre que celui de la vérité. M. le ministre a déclaré positivement dans cette enceinte qu’il avait appris, comme nous, par les journaux, les mouvements de troupes qui s’opéraient sur la frontière ; il a déclaré de la manière la plus positive qu’il n’était pour rien dans cette affaire. (Bruit.) Je m’adresse à la bonne foi des membres de la chambre : M. le ministre n’a-t-il pas déclaré de la manière la plus positive que la concentration de troupes dont il s'agit s’état faite entièrement à l’insu du gouvernement belge ; que le gouvernement n’en avait été informé que par les journaux ? Or, je le demande, messieurs, lorsqu’il s’agit d’une affaire aussi importante, lorsqu’il s'agit d’une armée d’observation réunie sur notre frontière et prête à faire invasion dans le pays, je le demande, à quoi sert la diplomatie que nous payons si chèrement, si elle ne donne pas même avis au gouvernement de ce qui se passe en France relativement à nous ?

Je le répète donc, je ne cherche en aucune façon à mettre M. le ministre en contradiction avec lui-même, mais je veux constater qu’il a déclaré que le gouvernement n’a eu connaissance des mouvements militaires dont il s'agit, que par la voie des journaux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Que les mouvements de troupes françaises aient été provoqués ou non…

M. Delehaye – M. le ministre des affaires étrangères a dit que non.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous avez à opter entre les journaux et le ministre des affaires étrangères ; vous optez pour les journaux, mais d’autres opteront pour le ministre des affaires étrangères.

Que le gouvernement belge ait provoqué ou non les mouvements de troupes dont il s’agit, c’est là une question que nous pouvons passer sous silence en appréciant l’acte. C’est le caractère de l’acte en lui-même qu’il faut examiner.

On a représenté la France comme étant sur le point d’envahir la Belgique. Je dis que c’est là se livrer à une étrange préoccupation ; c’est confondre deux époques bien différentes : il y a 15 mois, des mouvements de troupes françaises sur notre frontière auraient pu causer de l’inquiétude en Belgique. La France était alors dans une position extraordinaire vis-à-vis de l’Europe. Depuis la France est rentrée dans le système pacifique, et aujourd’hui les mouvements de troupes dont il s’agit, à quelque motif qu’on les ait attribués, n’ont plus le caractère que des mouvements semblables auraient pu avoir il y a quinze mois.

Voilà, messieurs, ce qu’il importait de relever dans cette chambre. Il importe que le pays ne se méprenne point. Comme l’a dit M. le ministre des affaires étrangères, il ne s’agit ici que d’un acte de bienveillance de la part d’une puissance qui nous a donné tant de preuves de sympathie.

J’engage beaucoup la chambre à ne pas pousser plus loin ces interpellations. L’honorable membre lui-même comprendra, j’espère, la réserve que comportent ces discussions.

M. Verhaegen – Il me semble que le ministère veut en ce moment tourner la difficulté qu’il a soulevée lui-même, car c’est M. le ministre des affaires étrangères qui a demandé la parole pour nous faire connaître ce qui avait provoqué la réunion des troupes françaises sur nos frontières, et c’est lui qui, immédiatement après, refuse de répondre à l’interpellation de mon honorable ami M. Delehaye. (L’ordre du jour !) Je demande, messieurs, de pouvoir poser nettement la question. (la clôture ! la clôture !) Il est important que le pays sache si c’est notre gouvernement qui a provoqué le rassemblement des troupes françaises sur nos frontières, ou bien si c’est le gouvernement français qui a pris l’initiative ; il faut que l’on sache si M. le ministre des affaires étrangères a dit la vérité en avançant, il y a peu de jours, qu’il n’avait connaissance du mouvement de troupes que par les journaux. (La clôture ! la clôture !)

- La chambre décide qu’elle s’occupera de l'ordre du jour.

Projet de loi qui proroge les dispositions de la loi du 28 décembre 1840, relative à l'entrée et à la sortie de l'orge

Discussion générale

(Moniteur belge n°331 du 27 novembre 1841) M. le président – L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi tendant à proroger la loi du 28 décembre 1840, relative à l’orge.

Le projet est ainsi conçu :

« Art. 1er. Les dispositions de la loi du 28 décembre 1840, relative à l’entrée et à la sortie de l’orge, resteront en vigueur jusqu’au 30 novembre 1842, à moins que le gouvernement ne juge utile d’en faire cesser, en tout ou en partie, les effets avant cette époque. »

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le jour même de sa promulgation. »

La commission propose l’adoption.

M. Rodenbach – Messieurs, je donnerai mon assentiment au projet de loi qui vous est soumis. L’orge est une matière première pour nos brasseries, pour un nombre infini d’établissements industriels ; d’ailleurs la récolte de l’orge a encore été moindre cette année que l’année dernière.

Je crois, messieurs, que ces motifs son évidents pour tout le monde et que je puis me dispenser d’entrer dans de plus longs développements.

J’ai principalement pris la parole pour demande à M. le ministre de l'intérieur s’il se propose de présenter, sans retard, le projet de loi tendant à prohiber la sortie des pommes de terre…

Plusieurs membres – Il est présenté.

M. Rodenbach – Alors je suis satisfait.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, si je prends la parole dans la discussion, ce n’est nullement dans l’espoir de voir rejeter les conclusions de la commission, ou d’y voir apporter des modifications ; je suis à peu près certain que ces conclusions seront adoptées par une grande majorité.

Ne partageant pas l’opinion de ceux qui croient que la mesure proposée (de laisser entrer l’orge étrangère sans droit autre qu’un droit de 50 centimes par 1,000 kilogrammes) soit opportune et d’intérêt général, j’ai cru qu’il était de mon devoir de donner les motifs de mon vote, qui sera négatif, si on ne me donne d’autres raisons que celles insérées dans l’exposé des motifs et le rapport de la commission.

Je ne puis donner mon assentiment au projet de loi par le motif que le trésor, par suite de l’adoption de cette loi, sera privée d’une recette d’environ 100,000 francs pendant le cours de l'année, et que, loin de réduire nos ressources, nous devrions plutôt chercher à les augmenter.

Et, en effet, messieurs, remarquez que notre budget de dépenses est porté à cent cinq millions, et que MM. les ministres viennent encore de nous soumettre divers projets de dépenses considérables, auxquelles nous ne pourrions faire face que par de nouveaux impôts, si nous adoptons ces divers projets. Je dois aussi repousser le projet, parce que je trouve injuste et impolitique de mieux traiter l’étranger producteur d’orge que nos concitoyens agriculteurs, qui produisent la même espèce de céréale.

Un cultivateur belge, pour obtenir mille kilogrammes d’orge d’été, doit payer à l’Etat, à la province et à la commune environ dix francs en impôt foncier, tandis que l’étranger qui vient concourir sur nos marchés ne payera que 50 c.

Je ne conçois pas cette conduite. Partout on cherche, par de lois de douane, à percevoir des impôts sur les produits étrangers, ce qui est une ressource pour l’Etat, tout en favorisant les producteurs indigènes. En Belgique, au contraire, en ce qui concerne l’agriculture, on fait tout le contraire.

Cette manière d’agir est-elle rationnelle, je vous le demande ?

Je ne partage pas non plus l’opinion de ceux qui croient que l’affranchissement du droit d’entrée fera réduire le prix de l’orge d’une manière sensible.

Il est généralement reconnu que les droits d’entrée, dont sont frappées les marchandises introduites à l’étranger, sont pour la plus grande partie supportée par ceux qui les font introduire, il en résulte donc que presque toujours c’est l’étranger producteur qui supporte le droit.

La France, la Hollande, l’Allemagne, les pays du nord ont des excédants d’orge et ils n’ont que la Belgique où ils puissent s’en défaire.

La France et l’Angleterre ont des tarifs de douane bien plus élevés que le tarif belge sur les céréales.

L’étranger détenteur d’orge ne peut s’en défaire avantageusement qu’en Belgique ; maintenez donc le droit de 14 fr. par 1,000 kilogrammes, ou bien réduisez le droit à un droit de balance de 50 centimes.

Vous ne recevrez ni plus ni moins d’orge, et le prix n’en sera dans l’un et l’autre cas ni plus ni moins élevé ; c’est donc tout à l’avantage de l’étranger que vous ferez le sacrifice d’environ 100,000 francs, si vous adoptez la proposition que vous est faite ; telles sont mes prévisions, et pour ce motif, je ne puis donner mon assentiment au projet de loi de M. le ministre de l'intérieur, adopté par la commission.

L’orge n’a pas été abondante, cependant on en a récolté plus qu’on ne le croit. Les colzas ayant manqué là où on ne cultive pas le lin, ont été en partie remplacés par l’orge d’été.

Est-il d’ailleurs bien urgent d’apporter des modifications à notre tarif de douanes en ce qui concerne l’orge ; le prix en est-il si élevé ? certes, on ne me contestera pas que le prix de cette céréale est aujourd’hui normal ; pour s’en convaincre il suffira de jeter les yeux sur le tableau accompagnant le projet de loi nous fourni par le gouvernement. Là on verra que le prix de l’hectolitre d’orge est coté, taux moyen, en Belgique pendant le mois d’octobre dernier, à 10 fr. 59 c., tandis qu’en mai 1840, le prix en en était de 14 fr. 32 c. ; il y a donc du mois de mai 1840, comparé au mois d’octobre 1841, baisse de près de 4 fr. par hectolitre.

En un mot, le prix actuel de l’orge ne donne au producteur qu’un très faible bénéfice, et s’il arrivait que le prix en diminuât, il en résulterait que cette culture diminuerait considérablement et que les années où l’étranger n’en aura pas en excédant, le pays n’en produisant plus ou fort peu, alors on en manquera complètement, et dans cette occurrence, MM. les brasseurs se trouveront dans la position de devoir renoncer à fabriquer de la bière, là où l’orge est considérée comme indispensable.

Je ferai ici remarquer que dans bien des localités pour la fabrication de la bière et du genièvre, on remplace en partie l’orge par de l’avoine et on doit faire attention que la dernière récolte a produit abondamment de cette denrée ; tout le monde sait que l’avoine est en baisse et cette baisse contribuera à rendre l’orge moins chère.

Si on me donne de bonnes raisons, je pourrai revenir de mon opinion.

M. Rodenbach – Messieurs, les agronomes les plus distingués de la Belgique reconnaissent que le pays ne produit pas suffisamment d’orge et d’avoine ; cela ne fait généralement plus de doute. Les renseignements que le ministère a pris, prouvent de plus, d’une manière incontestable, que, cette année, la récolte de l'orge est en dessous des besoins de la consommation, je trouve donc la mesure proposée très sage.

L’honorable préopinant vient de dire que si l’on percevait les droits actuels, ils rapporteraient au trésor une somme de 100,000 francs. Eh bien, j’ai la conviction intime que si on laissait subsister ces droits, le produit sur la bière, qui donne un revenu énorme au trésor, diminuerait de 4 à 5 cent mille francs (je n’ose pas dire un million) ; car lorsque l’orge arrive au prix de onze francs ou onze francs et demi, beaucoup de brasseurs ferment leurs usines.

Je pense que l’honorable préopinant doit lui-même convenir que la Belgique ne produit pas assez d’orge. Je sais comme lui qu’il y a des bières, et particulièrement des bières blanches pour lesquelles on emploie l’avoine ; mais il est d’autres bières pour lesquelles on ne peut employer que l’orge ; ainsi, si l’on employait d’autres grains pour les bières qui doivent vieillir, elles deviendraient aigres. D’ailleurs, on ne peut jamais employer l’avoine qu’en petite quantité. En Angleterre, où l’on fait peut-être la meilleure bière de l’Europe, on n’emploie que l’orge ; jamais on n’y mêle d’autres céréales.

M. Mast de Vries, rapporteur – Messieurs, je désirerais voir voter l’honorable M. Eloy de Burdinne pour le projet ; il vient de vous dire que si on lui donnait de bonnes raisons, il était disposé à le faire ; c’est pour cela que j’ai demandé la parole.

Je pense qu’il est établi que la récolte est insuffisante. La moyenne de l’importation de l’orge de cinq ans, de 1835 à 1839, a été d’environ 15 millions de kilogrammes par an ; ce sont des chiffres que je puise dans les renseignements qui nous ont été donnés par le gouvernement. En 1839, vous avez reconnu que la récolte de l’orge était insuffisante, et vous avez voté une loi qui déclarait cette céréale libre à l’entrée. Eh bien ! cette loi a porté la moyenne de 15 millions au chiffre énorme de 36 millions.

Vous voyez que l’honorable M. Eloy se trompe lorsqu’il prétend qu’avec la loi de 1839 il n’entre pas plus d’orge dans le pays, puisque sous l’empire de cette loi l’importation a été plus que doublée ; le relevé fourni par M. le ministre des finances en fait foi.

L’honorable membre dit que la perte occasionnée au trésor par la suppression du droit s’est élevée à la somme de 160,000 francs par an. Mais les 36 millions de kilogrammes d’orge introduits dans le pays ont fait produire aux brasseries un droit de 8 à 9 cent mille francs ; cette sommes est bien supérieure à la perte dont parle l’honorable M. Eloy. Je crois ne devoir pas vous entretenir de la manipulation dans les usines que cette introduction a nécessitée.

Mais, dira-t-on, s’il n’arrive pas d’orge étrangère, avec la loi actuelle, c’est que celle du pays peut suffire. Messieurs, il est impossible que la récolte du pays suffise ; tout nous autorise à dire le contraire. L’importation s’est déjà élevée, en 1840, à un demi-million d’hectolitres ; la récolte de cette année est plus mauvaise encore que la précédente ; dès lors cette importation devra encore augmenter.

Vous voyez donc que dans l’intérêt des brasseries et des distilleries, il est urgent d’adopter la loi qui vous est proposée.

M. Eloy de Burdinne – Pour me réfuter, que dit le préopinant ? Il dit que l’orge a manqué et que la récolte est insuffisante ; je sais cela comme lui, mais je lui garantis que nous n’en manquerons pas : l’étranger nous en fournira en payant le droit comme n’en payant pas. Certaine année, ajoute-t-il, on a reçu de l’étranger 45 millions de kilogrammes d’orge qui, fabriquée, a donné au trésor 800,000 francs d’impôt.

A cela, je lui réponds que, quoi qu’on perçoive le droit de 14 fr., par 1,000 kilogrammes, ces 45 millions seraient également entrés en Belgique et que l’Etat aurait perçu à charge du producteur étranger les droits de douanes en sus des 800,000 francs pour droit d’accise ; je lui dis précédemment, et je le répète, l’excédant des pays étrangers doit toujours être déversé en Belgique, là où le tarif des céréales est le plus bas, et le droit de douane est presque toujours payé par l’expéditeur, ce qui est prouvé par les réclamations de nos diverses industries sur l’élévation du tarif des douanes des pays voisins.

Le préopinant ne m’ayant donné aucun raison de nature à me faire revenir de mon opinion, je persiste à croire que mon devoir est de voter contre le projet.

Discussion des articles et vote sur l’ensemble du projet

La discussion générale est close. On passe à la délibération sur les articles, qui sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :

« Art. 1er. Les dispositions de la loi du 28 décembre 1840, relative à l’entrée et la sortie de l’orge, resteront en vigueur jusqu’au 30 novembre 1842, à moins que le gouvernement ne juge utile d’en faire cesser, en tout ou en partie, les effets avant cette époque. »

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le jour même de sa promulgation. »


Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.

66 membres répondent à l’appel ;

64 votent pour le projet ;

2 votent contre.

Ont voté pour : MM. Angillis, Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, Demonceau, de Nef, de Potter, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Fallon, Fleussu, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Malou, Jonet, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Henot, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Huveners, de Baillet, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Osy, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Volxem, Verhaegen, Wallaert, Scheyven.

Ont voté contre : MM. Eloy de Burdinne et Peeters.


M. le président annonce que la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif à l’augmentation de la rente viagère constituée au profit de la veuve Kessels, se compose de MM. Devaux, Dumortier, B. Dubus, Lejeune, de Potter, de Renesse et Troye.

(Moniteur belge n°330, du 26 novembre 1841) La chambre décide qu’elle se réunira sur la convocation de M. le président, lorsqu’il y aura des rapports préparés.

- La séance est levée à 4 heures.