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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 19 février 1842

(Moniteur belge n°51, du 20 février 1842)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal

M. de Renesse fait l'appel nominal à midi et demi.

Lecture du procès-verbal

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

M. Fleussu. - Je n'ai pas entendu que le procès-verbal fît mention de la circonstance que le vote du projet de loi relatif au British Queen a été considéré comme un bill d'indemnité accordé au ministère. Je vous avoue, messieurs, que ce n'est que cette considération qui m'a engagé à adopter le projet, sans cela je l'aurais rejeté.

M. de Villegas, M. Lys et d’autres membres. - Nous sommes dans le même cas.

M. Scheyven, secrétaire. - Il est d'usage de ne mentionner au procès-verbal que les décisions prises par la chambre ; comme l'assemblée n'a pas pris de résolution sur le sens que l'on attacherait au vote du projet dont il s'agit, nous n'avons pas cru pouvoir insérer quelque chose à cet égard dans le procès-verbal. Voici, du reste, comment le Moniteur rend compte de ce qui s'est passé avant le vote du projet :

« M. Osy. - Je me rallie entièrement à ce qui a été dit par l'honorable M. Dumortier. S'il est entendu que la loi sera considérée comme un bill d'indemnité, je l'adopterai ; sans cela je la repousserai.

« M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - On ne peut pas la considérer autrement.

« M. Osy. - Alors je demande qu'il en soit fait mention au procès-verbal.

« M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - Je répète qu'on ne peut pas envisager la loi autrement.

« M. Dumortier - Eh bien, alors qu'on le dise dans le procès-verbal.

« M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - Si vous tenez à ce mot anglais, je ne m'y oppose pas. »

Vous voyez, messieurs, que la chambre n’a pas pris de décision. Si elle juge convenable d'en prendre une aujourd'hui, nous nous empresserons de nous y conformer.

M. Dumortier. - Il est évident que beaucoup de nos honorables collègues n'ont voté le projet de loi concernant la British Queen que parce qu'ils le considéraient comme un bill d'indemnité accordé au ministère. La chambre tout entière, dans ses sections, a reconnu que la loi qui autorisait l'établissement d'une navigation transatlantique a été violée ; le ministère précédent et le ministère actuel ont également reconnu que des irrégularités avaient été commises ; nous ne pouvons donc voter la loi qui régularise tout cela, autrement que comme un bill d'indemnité. S'il n'y a pas eu de décision formelle de la chambre à cet égard, c'est que tout le monde était d'accord, que M. le ministre de l'intérieur lui-même a déclaré qu'il considérait la loi comme un bill d'indemnité. Je demande donc que cela soit mentionné au procès-verbal. »

M. Rodenbach. - Il n’y a pas d’opposition.

M. le président. - Puisqu’on paraît d’accord que le Moniteur a bien reproduit l’incident, on pourrait insérer au procès-verbal la relation donnée par le Moniteur.

De toutes parts. - C'est cela.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l'objet des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur C. J. J. baron de Stein d' Altenstein, employé au ministère des affaires étrangères, né dans la commune de Ménil-Saint-Blaise (Belgique), d'un père néerlandais et d'une mère belge, n'ayant pas fait la déclaration prescrite par l'art. 9 du code civil, demande la grande naturalisation. »

« Le sieur L. Bellanger, né à Versailles le 15 avril 1800, professeur d'équitation à l'école vétérinaire, habitant la Belgique depuis 1832, demande la naturalisation. »

« Le sieur J,-B. Wicart, marchand, domicilié à Reckem (Courtray) depuis 1817, né en France, demande la naturalisation.»

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« L'administration communale et les habitants de la mairie de Musson réclament contre le projet de la distraire du canton de Virton. »

- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la circonscription cantonale.


« Les cabaretiers d'Anvers demandent l'abrogation de la loi relative à l'abonnement sur les boissons distillées. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l'examen du projet de loi sur la matière et dépôt au bureau pour que les sections puissent la consulter.


« Des habitants de Roulers demandent qu'il soit alloué au budget des travaux publics les sommes nécessaires pour que le gouvernement puisse être à même de faire exécuter la canalisation de la petite rivière le Mandel, et d'intervenir pour une part dans les dépenses que ce travail doit nécessiter. »

- Sur la proposition de M. Rodenbach, la chambre décide que cette pétition sera renvoyée à M. le ministre des travaux publics, déposée sur le bureau pendant la discussion du budget du même département et insérée au Moniteur.


« Les administrations d'un grand nombre de communes de l'arrondissement de Philippeville adressent des observations en faveur de la prompte exécution du chemin de fer de la Sambre à la Meuse. »

- Sur la proposition de M. de Baillet, cette pétition est renvoyée à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi présenté par MM. Zoude et Puissant, et qui est relatif au chemin de fer dont il s'agit.

Projets de loi approuvant les traités de commerce et de navigation contre avec Haïti et le Mexique

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de la section centrale qui a été chargée de l'examen des projets de loi relatifs aux traités de commerce conclus avec la République d'Haïti et le Mexique. La section centrale propose, pour cause de connexité, de renvoyer ces traités à la commission déjà chargée de l'examen du traité conclu avec les Etats-Unis,

- Cette proposition est adoptée sans discussion.

Projet de loi réduit le terme de douze années fixé par l'article 17 de la loi du 24 mai 1838, sur les pensions militaires

Discussion des articles et vote sur l'ensemble

M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant la discussion du projet de loi concernant les pensions militaires.

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Art. 1er. Le terme de douze années fixé par le premier § de l'art. 17 de la loi du 24 mai 1838 (Bulletin officiel, n° 195) est réduit à dix années. »

« Art. 2. Cette modification est applicable aux pensions de retraite qui ont été liquidées en exécution de l'art. 17 de ladite, loi, en faveur des officiers, sous-officiers, caporaux ou brigadiers qui, au moment de la mise à la retraite avaient dix années d'activité dans le grade. »

M. le ministre de la guerre se rallie-t-il à cette proposition ?

M. le ministre de la guerre (M. de Liem) - Oui, M. le président.

M. Delehaye. - A l'occasion du projet de loi qui vous est soumis et qui témoigne de la bienveillance du gouvernement pour l'armée, je me permettrai d'appeler l'attention de M. le ministre de la guerre sur la réparation d'un mal dont une partie de l'armée a eu à souffrir.

Dans une précédente séance, j'ai invité le gouvernement à rendre à la réserve la partie de la solde que l'arrêté de M. Willmar lui avait fait perdre. M. le général Buzen, dont nous regrettons tous la perte, avait déjà en partie réparé le mal ; les officiers de la réserve sont incorporés dans l'armée, mais la solde qui leur était due, aux termes de la loi, ne leur a pas encore été rendue ; pour le faire il suffirait d'une somme de 100,000 à 103,000 francs ; cette somme si minime suffirait à mettre un terme à des plaintes fondées.

Je prie M. le ministre d'examiner la question demandant l’allocation de cette somme, il signalera d'une manière très favorable son entrée au pouvoir.

M. le ministre de la guerre (M. de Liem) - J'examinerai cette question ; je n'ai pas pu m'en occuper jusqu'ici.


- Les deux articles du projet sont successivement mis aux voix et adoptés.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de la loi qui est adoptée à l'unanimité par les 60 membres présents ; ce sont :

MM. Angillis, Brabant, Cogels, Cools, Coppieters, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, Deprey, de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, de Villegas, d'Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Jonet, Lange, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Peeters, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude et Fallon.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1842

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. de Renesse.

M. de Renesse. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics me fournit chaque année l'occasion d'appeler l'attention du gouvernement et de la chambre sur la situation fâcheuse et les besoins des deux provinces sacrifiées à l'intérêt général, par le fatal traité de paix du 19 avril 1839. Depuis ce moment, les ressources de ces provinces ont été diminuées de plus de moitié, sans qu'elles aient pu, comparativement à cette diminution, restreindre leurs dépenses ; déjà elles sont surchargées de centimes additionnels au profit de leurs administrations ; si l'Etat n'intervenait pas, par des secours efficaces, elles devraient rester stationnaires, verraient toutes les autres provinces améliorer leurs moyens de communications, sans pouvoir, faute de ressources, suivre l’impulsion générale.

Parmi les moyens qui peuvent tirer ces provinces de l'état déplorable où elles se trouvent, par l'exécution du traité, le gouvernement peut améliorer leur bien-être matériel et financier, en y créant de nouvelles communications, et particulièrement pour la province que j'ai l'honneur de représenter, en y exécutant la canalisation de la Campine.

L'année dernière, dans le discours du trône, le ministère appelait l'attention des chambres sur la nécessité d'améliorer les voies de navigation et d'écoulement ; nous avions l’espoir que l'on s'occuperait plus activement d'un travail relatif à cette canalisation ; ensuite, pendant la discussion du budget des travaux publics, l'honorable M. Rogier, alors à la tête de ce département, interpellé par plusieurs de nos honorables collègues et par moi sur le projet du gouvernement quant à cette canalisation, répondit que l'on travaillait aux études de cette voie navigable, qu'il croyait que ce grand travail méritait toute l'attention des chambres et du gouvernement, non seulement par son importance, mais encore par l'heureuse influence que cette canalisation exercerait sur le bien-être matériel d'une contrée privée de communications, ayant des droits à notre sollicitude. Depuis la retraite du précédent ministère, malgré les vives démarches des conseils provinciaux d'Anvers et du Limbourg, aucune décision n'a été prise ; il est ainsi à prévoir que la session législative de cette année se passera sans qu'aucun projet de canalisation de la Campine n'ait été présenté à la législature, et comme il paraît qu'on s'occupe au ministère des travaux publics d'un projet général de canalisation, il y a lieu de croire que, par ce moyen, l'on parviendra encore à reculer indéfiniment l'exécution d'un projet si éminemment utile pour tout un pays entièrement négligé sous le rapport des travaux publics.

Cependant il est plus que temps que le gouvernement et les chambres jettent un regard favorable vers une contrée qui n'a que trop à se plaindre de tous les gouvernements qui se sont succédé en Belgique. Cette canalisation, qui doit lier l'Escaut à la Meuse, fertiliserait en peu d'années plus de 150,000 hectares de bruyères actuellement incultes des provinces d'Anvers et de Limbourg ; elle donnerait plus d'importance à ces provinces, et en augmentant considérablement leurs produits agricoles ainsi que la culture du bois de sapin, elle contribuerait à accroître la richesse nationale ; sous le rapport commercial, pour le transport des marchandises pondéreuses des provinces de Namur et de Liége, vers Anvers et les Flandres, elle offrirait aussi un but d'intérêt général, d'ailleurs déjà reconnu par la commission d'enquête nommée par le gouvernement qui a été réunie à Anvers en 1838.

Si, dans les dépenses du chemin de fer, l'administration des travaux publics voulait réellement introduire plus d'économie, non seulement dans les dépenses du personnel, plus fortement rétribué que dans tous les autres ministères, puisque, outre les frais de bureau et de séjour, beaucoup de fonctionnaires de cette administration jouissent de suppléments de traitement, qui peuvent aller jusqu’à la moitié du traitement attaché à chaque grade ; si l'on cherchait à rendre le chemin de fer plus productif, en diminuant les frais d'exploitation et d'entretien ; si, dans les constructions, l'on jetait moins de millions pour les travaux de luxe dans les stations, et les ouvrages de toute nature, où l'on emploie avec profusion des pierres de taille, tandis que ces travaux seraient aussi solides s'ils étaient construits en bonnes briques ; le département des travaux publics trouverait facilement les moyens, sans avoir besoin de ressources nouvelles, de doter de routes et de canaux les provinces qui ont peu ou nul avantage de la voie ferrée ; mais il semble que le chemin de fer doit être privilégié ; que toutes les ressources de l'Etat sont, à sa disposition, puisque son administration consent même à intervenir dans les dépenses des inaugurations, qui devraient nécessairement tomber à la charge des villes ou elles ont lieu, et, par conséquent, profitent de tous les avantages de l'ouverture de ces sections nouvelles. En employant les sommes dépensées pour les fêtes d'inauguration à des travaux d'utilité publique dans les provinces qui jouissent peu ou pas de cette voie ferrée, l'administration des travaux publics trouverait déjà une partie des moyens nécessaires pour faire droit aux justes réclamations, de ces provinces, qui maintenant doivent attendre patiemment leur tour, jusqu'à ce que de nouveaux fonds soient votés pour les constructions de routes et canaux vivement réclamées par la fâcheuse situation de leurs moyens actuels de communication.

Il y aurait, en outre, un autre moyen des trouver de ressources suffisantes pour continuer avec activité les travaux d'utilité publique, demandés par presque toutes les provinces ; ce serait de former un fonds spécial de tous les revenus et produits provenant, tant des canaux, rivières, que des barrières sur les routes de l'Etat, renseignés au budget des voies et moyens, pour une somme de 4 millions 910 mille francs ; en défalquant toutes les dépenses ordinaires portées aux budgets des travaux publics et des finances, à une somme de 2,997,892 fr., tant pour l'entretien des routes, canaux, rivières que pour le personnel des ponts et chaussées et préposés de perceptions et surveillants, il resterait, annuellement, environ un excédant de 2 millions de francs à pouvoir appliquer aux intérêts et à l'amortissement d'un capital spécial, destiné uniquement aux travaux d'intérêt général. L'on devrait aussi joindre à ce fonds les produits des ventes d'arbres qui sont plantées sur les routes de l'Etat, dont environ 20,000 de la valeur de 5 à 600,000 fr. pourraient être successivement exploités.

La grande utilité des travaux devant améliorer les voies navigables et d'écoulement, ainsi que la nouvelle création de routes, est chaque année plus vivement appréciée, et ne peut être contestée.

Aussi, presque tous les conseils provinciaux réclament le concours du gouvernement pour des constructions d'utilité publique.

Pour obtenir les ressources nécessaires de pouvoir, au moins pendant plusieurs années, activer les travaux publics, je crois qu'il y a réellement nécessité de créer un fonds spécial des revenus que je viens d'indiquer, j'ose appeler l'attention de la chambre et du gouvernement sur l'opportunité de la création de ce fonds, si important surtout pour les provinces qui ont peu ou aucun avantage du chemin de fer, et qui, jusqu'ici, n'ont obtenu que des sommes peu importantes, comparativement à la plupart des autres provinces.

L'on pourrait m'objecter qu'en détournant les fonds destinés en partie aux besoins généraux du pays, qu'il y aurait insuffisance pour faire face à toutes les dépenses ordinaires des budgets ; que les recettes et dépenses ne se balanceraient plus ; mais les routes et canaux à établir amélioreraient considérablement les parties des différentes provinces, actuellement privées de communications ; leurs produits agricoles surtout prendraient un plus grand développement, et influeraient sur la valeur des propriétés ; les revenus de l'Etat qui déjà, chaque année, prennent un accroissement plus notable, s'augmenteraient encore par l'établissement de ces routes et canaux, et, comme le gouvernement nous fait espérer que des améliorations seront proposées aux lois financières, il y aura lieu de supposer que les nouvelles recettes dépasseront de beaucoup les revenus qui pourraient être constitués en fonds spécial affecté uniquement aux travaux d’utilité publique.

En consultant les documents fournis par le département des travaux publics, l'on peut effectivement se convaincre que les provinces de Luxembourg, de Limbourg, et une grande partie de la Campine anversoise, n'ont reçu que des parts minimes dans toutes les sommes votées et dépensées en ouvrages d'utilité publique ; ces provinces ont ainsi bien le droit d'élever leurs voix, et de demander à leur tour d'obtenir des subsides de l'Etat, pour améliorer leurs moyens de communication.

Aussi, le conseil provincial du Limbourg, dans sa dernière session, a renouvelé avec instance sa demande, que le gouvernement veuille enfin s'occuper plus activement de la canalisation de la Campine si souvent promise, mais toujours retardée, et notamment qu'il propose à la législature, pendant la session actuelle, l'exécution de la première section de ce grand travail, comprise entre le canal de Bois-le-Duc et la Pierre-Bleue : commune à toutes les autres sections, elle est la branche nourricière de tous les canaux à établir dans la Campine, puisqu'elle doit être alimentée par les eaux du canal de Bois-le-Duc au moyen de la prise d'eau établie sur la Meuse en aval de Maestricht.

J'espère que dorénavant, les provinces morcelées obtiendront une part plus équitable, pour les constructions de routes et autres travaux d'utilité publique ; s'il n'était fait droit à leurs justes réclamations, il ne resterait qu'à leurs députés de s'opposer de tous leurs moyens aux demandes extraordinaires de fonds, destinés aux travaux publics dans d'autres parties du royaume, qui nécessitent de puiser dans les caisses de l'Etat, pour des constructions de toute nature. Chaque année, la province de Limbourg réclame aussi une plus juste part dans les fonds destinés à la construction de routes, il me paraît qu'il y a quelqu'obligation de lui tenir compte de sa position exceptionnelle ; c'est d'ailleurs ce qui lui avait été formellement promis par le gouvernement, qui voulait, après le sacrifice pénible qui lui a été imposé, la rendre heureuse et prospère, et les chambres paraissaient adhérer à ces promesses faites, lors de la discussion du traité de paix. Par la perte d'une forte partie de son territoire, les revenus de cette province se sont tellement amoindris, qu'elle n'a pu contracter l'emprunt de 500,000 fr. destiné aux travaux publics ; il faut donc que le gouvernement vienne à son aide, car il est impossible que le Limbourg puisse entreprendre un ouvrage d'utilité publique, sans une intervention marquante des secours de l'Etat.

Des routes sont réclamées dans plusieurs parties de la province et appuyées chaque année par le conseil provincial qui, malheureusement, faute de ressources, ne peut qu'insister auprès du gouvernement pour l'obtention de plus forts subsides. Depuis l'exécution du traité de paix, d'autres relations ont dû se former ; mais les communications manquent. Parmi ces communications dont l'utilité a été reconnue à plusieurs reprises par le conseil provincial, et qui est réclamée avec instance par un district populeux et très industriel, puisque la seule industrie de chapeaux de paille y emploie plusieurs mille ouvriers, et fait chaque année pour plus d'un million d'affaires, est la route de Tongres à Visé ; elle aurait environ trois lieues d'étendue, s'exécuterait à peu de frais, parce qu'une grande partie des matériaux nécessaires se trouvent à pied d'œuvre, et qu'il pourrait être tiré parti d'anciennes communications entre Hallembaye et Visé ; en outre, je suis persuadé que les communes intéressées à la construction de cette route, interviendront, pour une somme assez marquante dans la dépense ; j'ai aussi lieu d'espérer que les conseils provinciaux de Liége et de Limbourg voteront des subsides. Cette route serait d'ailleurs très productive, parce qu'un grand nombre d'habitants de plusieurs cantons de la province de Limbourg pourraient alors s'approvisionner plus facilement de houilles aux houillères d'Oupeye, dans la province de Liége, tandis qu'actuellement, les chemins vicinaux y sont impraticables pendant une forte partie de l'année ; elle offrirait au commerce de grains et de bétail du Limbourg un débouché vers le marché d'Aubel, de l'arrondissement de Verviers, qui, en grande partie, doit maintenant tirer les grains nécessaires à sa consommation de la Prusse ; le Limbourg retirerait de cette communication, la chaux de Visé, les pierres de sable propres à la construction, et les pierres nécessaires pour l'amélioration de ses chemins vicinaux ; elle donnerait une compensation à un district, dont les intérêts ont été considérablement froissés par l'exécution d'un fatal traité ; district qui mérite bien d'obtenir la faveur des chambres et du gouvernement, pour les pertes qu'il ne cesse d'éprouver par le morcellement de la meilleure partie de son territoire, et d'un débouché très marquant.

Je saisis l'occasion de la discussion du budget des travaux publics pour appeler l'attention particulière de M. le ministre des travaux publics ; comme je l'ai déjà fait antérieurement auprès de ses honorables prédécesseurs, sur la grande utilité de cette route, pour une partie de la province de Limbourg, qui, froissée, par l'exécution du traité de paix, dans presque tous ses intérêts, a par conséquent des droits à la bienveillance du gouvernement. J'espère que M. le ministre voudra donner des ordres positifs à M. I'ingénieur en chef de la province de Limbourg, pour que les études de cette route pour laquelle des fonds ont été votés par le conseil provincial dans sa dernière session, soient faites dans le courant du printemps prochain, afin que, dans un temps rapproché, cette communication, dont l'utilité est incontestable, puisse être décrétée, et recevoir un commencement d'exécution.

Je prierai aussi M. le ministre d'activer les travaux de la route de Hasselt vers Maeseyck, actuellement en construction depuis environ deux années, où, cependant, la première section, qui a une longueur de 5/4 de lieue, est à peine achevée ; cette route devant traverser une partie de la Campine, qui a tant de titres à la bienveillance du gouvernement, est de la plus grande utilité pour cette partie du Limbourg, en mettant en communication la ville de Maeseyck avec le chef-lieu de la province. D'autres routes sont aussi vivement réclamées par la Campine limbourgeoise ; celle surtout de Beeringen par Peer et Brée à Maesyeck, offrirait un très grand intérêt à un pays, qui jusqu'ici est presque sans grandes communications ; elle mettrait cette contrée en relation avec le Brabant et la Meuse, traverserait la Campine limbourgeoise dans toute sa largeur, et se lierait à un système de routes proposé par le conseil provincial de cette province.

En terminant, j'ai l'honneur de demander à M. le ministre des travaux publics, si pendant la session actuelle, il compte saisir la chambre d'un projet de canalisation de la Campine, et ainsi faire droit aux justes réclamations des conseils provinciaux des provinces d'Anvers et de Limbourg, et si toutefois ce projet, qui paraissait devoir obtenir la priorité sur tous les autres projets de canalisation, doit être compris dans un travail général sur les voies navigables, je viens prier M. le ministre de vouloir faire activer le rapport sur ce travail si important promis depuis l'année dernière, lors de la discussion du budget des travaux publics et attendu avec impatience par les provinces intéressées.

Lecture du procès-verbal

M. le président. - La chambre a décidé, tout à l'heure, que le procès-verbal de la séance d'hier ferait motion de l'incident qui s'était élevé dans cette séance. Cette insertion vient d'être faite. M. le secrétaire va donner lecture de cette partie du procès-verbal.

M. Scheyven, secrétaire, fait cette lecture, et personne ne demandant la parole sur cette partie du procès-verbal, elle est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1842

Discussion générale

La chambre reprend la discussion du budget des travaux publics.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, le budget des travaux publics est, dans l'ordre matériel, le plus important que nous ayons à discuter. Les travaux publics ont une si grande influence sur la prospérité d'un pays, des intérêts si graves s'y trouvent engagés, des sommes si considérables y sont consacrées, qu'il importe que la législature en fasse l'objet de l'examen le plus attentif et le plus approfondi.

La chambre me permettra donc de lui soumettre quelques considérations sur nos différentes voies de communication et particulièrement sur notre chemin de fer qui, à lui seul, mérite de fixer toute notre attention.

Depuis dix ans la Belgique a fait de grands sacrifices pour l'établissement d'un bon système de communication ; bientôt 150 millions de francs auront été consacrés à cet objet et des travaux gigantesques, entrepris malgré une longue crise politiqua, seront terminés.

C'est surtout pour son chemin de fer que la Belgique n'a reculé devant aucun sacrifice et que des sommes énormes ont été dépensées.

Doit-elle s'en repentir, maintenant qu'elle est près d'achever cette grande œuvre ? Doit-elle regretter de s'être lancée trop tôt dans cette vaste entreprise ?

Non, messieurs, quant à moi je suis loin de le croire. Et cependant, pour exprimer cette opinion, il faut que je fasse entière abnégation de tout intérêt de localité ; car, vous le savez, messieurs, la province à laquelle j'appartiens est privée seule des bienfaits du chemin de fer ; un embranchement lui avait été légalement promis ; cette promesse ne s'est point réalisée. Une compensation au moins lui était due ; cette compensation on l'oublie, et la proposition que d'honorables collègues et moi avions faite à cet égard reste enfouie dans les cartons de la chambre, sans qu'on daigne y donner suite.

Il y a donc, messieurs, en présence de cette injustice, quelque mérite pour nous autres Luxembourgeois, à nous déclarer partisans du railway national.

Mais, quel est le Belge qui pourrait désirer que les choses en fussent encore au point où elles étaient en 1834 ? Qui voudrait qu'au lieu de ces lignes de chemin de fer qui sillonnent le pays, qui lient entre elles nos villes populeuses, nous ne possédassions encore que des routes ordinaires ?

D'ailleurs, messieurs, ce qui suffit pour justifier complètement la création du chemin de fer belge, c'est que les autres peuples cherchent à suivre notre exemple. Ce que nous avons fait, ils travaillent à le faire ; mais à la Belgique appartiendra toujours l'honneur d'avoir devancé les autres nations du continent européen, dans l'exécution de ces voies rapides.

J’ai dit que partout maintenant on se hâte d'établir des chemins de fer.

Voyez l'Allemagne ; quelle activité n'y déploie-t-on pas ? J'ai été frappé dernièrement, en lisant dans un journal officiel énumérant des railways, qui y sont déjà exécutés, ou qui sont en voie d'exécution.

Les lignes terminées ont déjà une étendue de plus de 170 milles et ont coûté 39 millions de thalers (144,300,000 fr.).

Celles en construction auront une longueur de 166 milles et coûteront 43,000,000 de thalers.

Enfin avec celles projetées, en ce moment, le total s'élève à environ 1500 lieues, qui coûteront 233,000,000 de thal. (862,100,000 francs).

On sait qu'en Angleterre et aux États-Unis, le revenu des chemins de fer bien est plus vaste encore. En effet, dans un document publié récemment, nous avons vu que l' Angleterre possède déjà 3,800 kilomètres de chemin de chemin de fer, et que les Etats-Unis en auront bientôt 15,000.

La France seule, messieurs, cette grande nation qui toujours avait marché une des premières dans la voie du progrès et de la civilisation, La France est restée en arrière dans la construction des chemins de fer.

Mats cette anomalie fâcheuse, cet état stationnaire, va bientôt aussi cesser chez elle. Le nouveau mode de locomotion est devenu une nécessité sociale ; les peuples comme les gouvernements doivent la subir.

Quel est, en effet, le peuple civilisé qui consentirait à se condamner à ne faire perpétuellement que 2 lieues à l'heure, tandis que ses voisins en feraient huit ou dix ?

La France ne pourrait donc rester plus longtemps dans l'inaction, sans risquer de déchoir du rang élevé qu'elle occupe dans le monde matériel. Aussi, l'opinion publique commence-t-elle à s'y prononcer avec force, pour que l'on travaille de suite aux grandes lignes de railway. Le gouvernement, vivement pénétré de cette pensée, vient de présenter aux chambres un projet qui, sans doute, soulèvera de vives discussions de la part de l'intérêt de localité, et qui peut-être subira des modifications, mais dont les bases principales ne peuvent manquer d’être adoptées.

Il n'est donc plus permis d'en douter, la France va bientôt s'occuper de l'exécution de ses grandes lignes de chemin de fer. Elle s'en occupera sans doute avec cette puissance, cette activité qu'elle est à même de déployer ; elle y mettra aussi la persévérance nécessaire ; son honneur l'y oblige, l'opinion publique le veut, les nécessités sociales le commandent.

Ainsi, messieurs, en voyant l'ardeur qui s'empare des autres nations, la Belgique doit se féliciter d'avoir pris l'avance pour la création de son système de railway. Car, tandis que ses voisins seront encore occupés au laborieux enfantement de leurs chemins de fer, elle jouira déjà depuis longtemps des bienfaits que procurent ces moyens rapides de locomotion.

Des craintes sérieuses, il est vrai, existent, dans beaucoup d'esprits, sur les résultats de notre chemin de fer, considéré sous le point de vue exclusivement financier.

Frappées de l'élévation des sommes qu'il a coûtées et qu'il coûte encore, bien des personnes n'envisagent point sans effroi le déficit qui se fait remarquer cette année dans la balance des recettes et dépenses de cette grande entreprise.

Certes, messieurs, quand on fait entrer en ligne de compte les intérêts et l'amortissement des emprunts contractés et non encore employés, le déficit est fort élevé, et, s'il devait se perpétuer, ce serait un malheur pour le pays. Mais heureusement les circonstances actuelles ne forment point, il s'en faut, le temps normal du chemin de fer. On ne peut nullement le juger, sous le rapport financier, d'après ce qui existe actuellement. Ce jugement, on ne pourra le prononcer que quand il sera entièrement achevé et exploité.

Maintenant des capitaux énormes dont la Belgique paie les intérêts, sont enfouis dans des travaux inachevés, et qui ne rapportent rien au trésor. Ces travaux sont ceux que l'on exécute sur les lignes non encore exploitées. Ils sont nombreux, Car on travaille à la fois vers Namur, vers la frontière de France, vers la Prusse. Ces derniers travaux, surtout à partir d'Ans, sont extrêmement coûteux.

Nous devons donc attendre leur achèvement et leur mise en exploitation pour nous prononcer en pleine connaissance de cause, et on ne peut pas douter qu'alors nous aurons à constater des résultats plus avantageux.

Cependant, si, dans l'établissement de son railway, l'Etat belge, calculant comme un simple entrepreneur, n'avait vu qu'une entreprise destinée à lui procurer un revenu net plus ou moins grand pour son trésor, j'avoue que j'éprouverais des craintes sérieuses sur le résultat de cette spéculation. Je crois que l'on est assez généralement revenu de l'idée que les grandes lignes de chemin de fer sont destinées à être des sources de richesses pour les entrepreneurs. Les parties avoisinant les cités populeuses, peuvent, sans doute, donner un revenu considérable, mais en compensation, les parties qui en sont éloignées, occasionnent des déficits. D'un autre côté, les frais de premier établissement de notre railway sont énormes dans certaines localités, à cause des difficultés de terrain qui s'y rencontrent. N'avons-nous pas vu qu'entre Ans et la frontière prussienne, la lieue de 5,000 mètres coûtera au moins 2,200,000 fr. ?

Je pense donc que l'on se ferait illusion si l'on espérait trouver dans les produits directs du chemin de fer une source de revenu net pour le trésor.

Mais ce n'est pas seulement sous ce point de vue qu'une nation doit envisager les sacrifices qu'elle fait pour les travaux publics ; elle doit aussi et avant tout, considérer le bien-être qu'ils répandent sur le pays, l'accroissement du capital social qui en résulte.

Pour bien apprécier les avantages de notre chemin de fer, il faudrait pouvoir calculer la valeur du temps qu'il économise pour le total des voyageurs qu'il transporte ; et l'on serait surpris, j'en suis sûr, de l’élévation du chiffre, car l'économie du temps a une valeur réelle pour le simple ouvrier, comme pour le commerçant ou le grand industriel. Le temps, c’est l'étoffe dont la vie est faite, a dit Franklin.

Il faudrait aussi pourvoir évaluer la diminution des frais de transport de toutes les denrées qui circulent sur le railway, diminution qui est un gain réel pour les consommateurs ; l’activité et le développement qu’il imprime à l’industrie, l'influence qu'il est appelé à exercer sur nos relations commerciales ; tels sont les éléments qu’il faudrait posséder pour pouvoir apprécier les immenses avantages que le chemin de fer est destiné à procurer au pays.

Toutefois, ces avantages, quelques grands qu’ils puissent être, ne sont point une raison de ne pas mettre dans sa construction et son exploitation, toute l’économie possible. Toute dépense de luxe me paraît blâmable dans le chemin de fer ; je pense, quant à moi, qu’il doit être aussi modeste dans sa construction qu’il est grandiose dans ses effets.

S’il était donc vrai, comme on l’assure, qu’il fût question d’établir, à grands frais, des stations monumentales, je blâmerais hautement une semblable dépense.

La simplicité et la solidité, voilà ce qu’il faut aux bâtiments d’une station. Leur élégance ou leur forme monumentale n'attireraient sur la voie ferrée ni plus de voyageurs ni plus de marchandises ; et l'on aurait dépensé en pure perte des sommes considérables.

Non, messieurs, le mérite des chemins de fer n'est point dans le plus ou moins d'élégance de leur construction, mais bien dans le mode merveilleux de locomotion qu'ils procurent.

Mais, messieurs, il ne suffit pas d'avoir des chemins de fer pour constituer un bon système de viabilité ; il faut aussi des canaux et des routes.

Or, sous ce rapport, il nous reste encore beaucoup à faire.

Les canaux et les routes sont cependant plus indispensables peut-être à l’industrie et à l'agriculture que les chemins de fer. Pour les matières pondéreuses surtout, les canaux offrent des moyens de transport moins rapide, mais plus économique.

Eh bien. qu'avons-nous fait jusqu'à présent pour l'établissement de nouvelles voies navigables ? La Campine attend toujours sa canalisation, et c'est en vain que, chaque année, ses députés font retentir de leurs réclamations les voûtes du palais national. Le Luxembourg désespère presque d'obtenir un jour l'achèvement du canal de Meuse-et-Moselle, qui devait avoir une si grande influence sur ses destinées agricoles et commerciales. Les Flandres demandent toujours le canal de Zelzaete si nécessaire pour l'écoulement des eaux.

Enfin, les deux grandes voies navigables naturelles, dont le territoire belge est traversé, l'Escaut et la Meuse, ont besoin d'améliorations considérables. Des sommes sont allouées, il est vrai, chaque année pour ce dernier objet, mais en ce qui concerne la Meuse surtout, ces sommes sont loin d'être en rapport avec les travaux qu'elle exige et il est même à craindre qu'en n'employant ainsi successivement que des moyens insuffisants, au lieu de mettre dans l'exécution des améliorations un ensemble utile, on n'obtienne que des résultats peu satisfaisants.

Quant aux routes ordinaires, on a fait plus que pour les canaux ; mais c'est grâce aux emprunts des 6 et 2 millions votés sur la proposition d'un de nos anciens collègues. Sans ces emprunts nous circulerions rapidement, à la vérité, sur le chemin de fer, mais des contrées entières seraient encore privées des communications les plus indispensables.

Malgré les routes construites depuis quelques années, il existe de grands besoins encore à satisfaire à cet égard dans le pays. Ce qui le démontre, c'est la vivacité avec laquelle on réclame chaque année des routes nouvelles non seulement dans cette enceinte, mais dans toutes les parties du royaume.

Malheureusement les moyens de satisfaire des besoins aussi vivement exprimés sont fort restreints. Sur l'allocation demandée, au chapitre II du budget, il ne reste de disponible, nous dit M. le ministre, que 200,000 francs. On conviendra que, si l'on s'en tient à cette allocation, autant déclarer que cette année on renonce à ouvrir des routes nouvelles. Bien plus, celles qui sont commencées resteront longtemps encore inachevées et improductives. Dans le Luxembourg, par exemple, il en est une, celle de Bouillon à Stavelot, destinée à lier Sedan à Malmédy, la France aux provinces rhénanes, en traversant toute l'Ardenne. Eh bien, depuis deux ans cette route aboutit à La Roche, comme à une impasse, et du train dont on y va, avec les faibles ressources accordées au gouvernement, il se passera bien des années avant qu'elle soit parvenue à Stavelot.

Messieurs, maintenant que la grande œuvre du chemin de fer va être terminée, il convient que le gouvernement et les chambres portent plus particulièrement leur attention sur les canaux et les routes empierrées ; il convient d'adopter des mesures larges et efficaces, en harmonie du reste avec notre situation financière, afin de compléter un système de communications tel que la Belgique n'ait plus pour rivale que la seule Angleterre.

Mais, messieurs, dans l'adoption de ce système général, la justice distributive exige que la priorité soit accordée aux parties du pays qui sont privées des avantages du chemin de fer.

Vous venez d'entendre l'honorable M. de Renesse vous démontrer combien il y a eu de disproportion dans la distribution des sommes allouées à la construction des voies de communication ; combien certaines provinces ont été mal partagées. Or il est temps, si l'on veut être juste, de faire cesser cette disproportion.

Voyez ce qui se passe en France ; lisez dans l'exposé des motifs du projet de loi sur les chemins de fer, les principes proclamés par le ministre des travaux publics : non seulement les localités intéressées doivent fournir la prestation gratuite des deux tiers des terrains, chose qui n'a pas eu lieu chez nous, mais voici comment le ministre s'exprime à l'égard de celles qui n'auront pas de chemin de fer :

« Les localités qui ne seront pas traversées par des lignes de fer ou qui du moins en seront assez éloignées pour ne pas participer à leurs bienfaits, réclameront avec instance que le système de leurs routes de terre soit étendu et perfectionné et qu'on s'occupe des voies navigables qui peuvent féconder leur territoire. Ces demandes, justes et fondées, ne sauraient être écartées, et nous devons y réserver, pour y faire droit, une partie des ressources dont le trésor peut disposer. »

Tels sont, messieurs, les principes de justice distributive qui vont présider en France à la construction des grandes lignes de chemins de fer. Il est fâcheux qu'ils n'aient point été suivis en Belgique, Mais, puisqu'il est trop tard pour que les localités intéressées soient appelées à contribuer pour les deux tiers dans les prestations des terrains nécessaires à l'établissement du railway, l'équité exige de la manière la plus impérieuse, qu'au moins les parties du pays déshéritées des bienfaits de cette grande communication, reçoivent une légitime compensation.

M. de Nef. - Messieurs, lorsqu'en 1832 j'élevai pour la première fois la voix pour engager le gouvernement à proposer dans l'intérêt du pays tout entier, des communications partout où des territoires fertiles se trouvent délaissés à défaut d'engrais, je n'ai pu prévoir qu'il se serait borné, dans la Campine, à la construction de la route de Turnhout à Diest. Il est vrai de dire que le conseil provincial, avec l'aide du gouvernement, a bien décrété certaines communications, mais le Nord de la Campine, où sont les bruyères les plus étendues et les plus fertiles, a été jusqu'ici complètement abandonné.

Depuis 1832, j'ai renouvelé à toutes les occasions mes demandes pour obtenir des routes et canaux dans l'intérêt général du pays, et dans l'intérêt particulier de ceux qui, jusqu'à la paix, ont tant souffert par les désastres d'une quasi-guerre , et bien souvent des ministres convaincus de la réalité de nos assertions, m'ont répondu que, la guerre terminée, l'on mettrait la main à l'œuvre partout où le besoin se ferait sentir ; mais malheureusement la guerre terminée, l'on a cherché à ajourner tout commencement d'exécution, peut-être parce qu'on vint à s'apercevoir que les chemins de fer surpasseraient de beaucoup en dépenses les premières prévisions.

Je ne veux cependant pas contester l'utilité des chemins de fer, pour l'établissement desquels j'ai pris le premier la parole en 1834 ; mais si le système d'établir des chemins de fer vers plusieurs directions a considérablement augmenté les dépenses, est-ce là un motif d'abandonner une idée si justement conçue et de frustrer nos espérances ?

Sachant que les dépenses énormes des chemins de fer gênaient le trésor, je me suis borné, l'an dernier, à demander seulement la prolongation de la route de Diest à Turnhout vers Tilbourg, d'une longueur de trois lieues, et d'adopter pour la canalisation de la Campine anversoise et limbourgeoise, le même système que celui qui existe pour les barrières, c'est-à-dire d'employer le superflu du montant des péages perçus pour l'entretien des canaux existants, à canaliser des rivières et à creuser de nouveaux canaux ; j'ajouterai même qu'à cette occasion M. le ministre des travaux publics d'alors nous montra des dispositions très favorables à l'accomplissements de nos désirs.

La régence de Turnhout a, depuis ce temps, sollicité par une requête au gouvernement la prolongation dont je viens de parler. Mais, à la surprise générale, le ministère a fait répondre que le génie militaire s'y opposait jusqu'à ce que de nouvelles fortifications fussent établies entre Diest et Anvers, précisément comme si l'armée française, en 1794, avait été retardée d'un instant réellement perceptible en traversant la Campine pour faire la conquête de la Hollande, précisément comme si en 1831, l'armée hollandaise avait été arrêtée autrement dans sa marche que par quelques soldats et gardes civiques courageux ; j'ose donc me persuader que le ministère,ayant pris cette résolution selon les règles générales de l'art du génie, fera exception pour l'établissement d'un chemin de fer dans un pays, qui, en hiver comme en été, est si praticable au passage de l'artillerie, que le retard ne saurait être pris en considération, et outre que le génie militaire a le moyen de rendre une route pavée impraticable en très peu de temps ; d'ailleurs, selon ce système, aucune route pavée, ni aucun chemin de fer, ne pourrait s'étendre jusqu'à une frontière quelconque.

Je vous ai démontré précédemment que, sans cette légère prolongation, les barrières, sur la route de Diest à Turnhout, produiront beaucoup moins, et j’ajouterai aux observations faites l'an dernier concernant les canaux, que si la canalisation, dans ces contrées, ne s'exécute pas d'après le projet de MM. Techmann et Masui, les immenses et fertiles bruyères du Nord de la Campine resteront à jamais vagues et incultes ; espérant donc que le ministère reviendra de sa première décision concernant la petite route vers Tilburg dans l'intérêt général du trésor et dans celui d'une contrée, qui a tant souffert depuis un certain laps de temps, je ne saurais en même temps assez engager M. le ministre des travaux publics, de faire donner suite à l'exécution du canal d'irrigation et d'alimentation d'après le projet de MM. Techmann et Masui, modifié par M. Humener.

Cc projet rattachant la Meuse à l'Escaut, a un immense avantage sur tous les autres, parce que le canal d'alimentation creusé sur les parties de la Campine les plus élevées alimentera ainsi toutes les principales rivières canalisées des Campines et facilitera, vers toutes les directions, le transport de l’engrais. Je répète que l'on trouvera les moyens suffisants pour l'exécution de cette utile canalisation, si l'on adopte le système que je viens d'indiquer concernant l'emploi du superflu des péages ; et, dans le cas contraire, je supplie fortement M. le ministre de s'entendre avec des concessionnaires pour donner suite à une conception bien désirée et si fructueuse, c'est alors qu'au moyen de leurs communications respectives, les provinces d'Anvers et du Limbourg formeront une contrée florissante. La valeur des propriétés y subira une augmentation immédiate et qui est déjà prouvée par l'expérience ; car, pour vous en donner un exemple, je vous citerai la commune de Gheel, qui, depuis la nouvelle route et dans la prévision de communications ultérieures, a vendu des bruyères à un prix peut-être quintuple de celui qu'elle en aurait obtenu il y a quelques années. Cette augmentation de valeur et de produits sera, à elle seule, une ample compensation des sommes qui auront pu être dépensées pour arriver à ce résultat.

M. Huveners. - Messieurs, les chambres ont constamment, et surtout depuis l'exécution du traité de Londres, témoigné de leur intérêt pour la province du Limbourg. Je ne rappellerai pas tout ce qui a été dit en sa faveur, je ne citerai pas les membres qui, dans différentes occasions, ont montré une vive sympathie pour le malheureux Limbourg ; les deux tiers se sont prononcés catégoriquement, mais individuellement à cet égard ; on n'a qu'à ouvrit le Moniteur pour s'en convaincre.

Le gouvernement est allé plus loin, tous les ministères qui se sont succédé se sont montrés bien disposés ; plusieurs fois et dans des circonstances tristes, mais solennelles, lors de l'exécution du traité de Londres, comme depuis, le gouvernement à fait des promesses formelles au Limbourg ; ces promesses lui sont même parvenues par l'organe d'un auguste personnage que les convenances ne permettent pas de faire intervenir dans nos discussions.

Il ne pouvait en être autrement, après tout ce que le Limbourg a souffert dans l'intérêt général : les désastres qui ont été la suite des commotions politiques de 1830, les prestations et les logements militaires continuels, bref, tous les inconvénients de l'état de guerre dans lequel la Belgique s'est trouvée depuis la révolution. Je passe son silence le passage de l'armée de Saxe-Weimar, l'invasion hollandaise, etc., etc., pour en venir à un fait qui s'est accompli dans l'intérêt général, fait qui a été le plus déplorable et le plus funeste aux intérêts de la province du Limbourg ; impossible d'indemniser cette malheureuse province des pertes qu'elle a essuyées et dont elle se ressentira encore pendant bien longtemps ; inutile de vous dire que je veux parler du fatal traité de Londres ; toutes les relations ont été rompues, la province ne forme en quelque sorte qu'une vaste ligne de douanes, et vous connaissez les inconvénients inévitablement attachés à une pareille situation outre les vexations auxquelles des agents subalternes se permettent parfois d'avoir recours dans l'intérêt de leurs opinions.

Le Limbourg, fort de ses titres incontestables et incontestés, a compté sur les promesses du gouvernement, il en a attendu avec calme et sans murmures la réalisation.

Pour moi, je suis peiné de devoir le dire, je n'ai pas foi dans les promesses du gouvernement ; tout ce qui se passe, et l'étude des documents de la chambre me font croire, puissé-je me tromper, que toutes les promesses ministérielles ne sont qu'illusoires, ne sont que des moyens évasifs. Voici pourquoi. Parle-t-on de la canalisation de la Campine, le gouvernement de répondre : « Attendez, l'ingénieur a terminé son travail, il ne s'agit que de le coordonner, il sera soumis à la chambre dans un mois. » Ce sont les paroles prononcées par le ministre des travaux publics lors de la discussion de son budget de 1841. On attend et une année après le ministre vient nous dire : « M. l'inspecteur Vifquain doit remettre sous peu au département un rapport général sur les canaux et rivières, il en sera donné communication immédiate aux chambres, et le département s'occupera avec toute la célérité que comporte l'importance du sujet des propositions à soumettre à la législature concernant les travaux à entreprendre. Voir les nouveaux développements au budget de 1842 annexés au n° 2 des documents parlementaires, page 8. »

Fait-on connaître au gouvernement l'état calamiteux dans lequel se trouvent les rives de la Meuse ; lui indique-t-on le mode d'exécution le plus économique et l'insuffisance des subsides demandés ; le gouvernement répond « la somme de 60,000 francs destinée aux travaux d'entretien de la Meuse dans le Limbourg est insuffisante ; si les propositions nouvelles qui m'ont été faites par les ingénieurs de la province, depuis la présentation des budgets, m'avaient été faites auparavant, J'aurais certainement demandé une somme plus considérable pour cet objet ; je reconnais avec l'honorable président (M. le ministre répondait ainsi à l'honorable M. de Schiervel, lors de la discussion de son budget au sénat en 1841), je reconnais, avec l'honorable président, qu'il serait beaucoup plus avantageux de terminer en une fois toutes ces réparations, que de les faire successivement et par faibles parties ; mais la somme à dépenser pour arriver à une réparation complète serait trop considérable dans l'étal actuel de nos ressources, mais… l'année prochaine, il sera porté au budget une somme aussi élevée que possible pour arriver ainsi à un travail aussi complet que possible. »

Après des assurances pareilles, quels sentiments ne doit-on pas éprouver lorsqu'on lit dans le budget suivant, budget dont nous nous occupons en ce moment : « La somme de 40,000 fr. demandée pour le service de la Meuse dans le Limbourg, présente une réduction de 20,000 fr. sur le crédit alloué au budget de 1841... Sur cette somme il n'y aura que celle de 25,160 fr. qui pourra être affectée à des travaux à entreprendre en 1842 le surplus devant servir à solder des ouvrages de 1839 et 1840. Pas d'autres explications de la réduction. »

La deuxième section, dont j'ai l'honneur de faire partie, avait chargé son rapporteur à la section centrale, de s'enquérir si les plans et règlements définitifs pour l'entretien des rives de la Meuse étaient arrêtés conformément au vœu émis par la section centrale de l'année précédente, et de faire produire à la sec lion centrale les divers rapports présentés par l'administration des ponts et chaussées ; elle a demandé que le chiffre de 40 mille francs soit considérablement augmenté, afin que, dans deux ou trois campagnes, la rive gauche soit mise dans un état convenable d'entretien ; elle a présenté, à l’appui de cette demande, les considérations suivantes, que différentes localités, Kessenich, Heppeneer, Elen, Stockhem, Miechelen et Borsheim, etc. etc., sont fortement exposées à être englouties ou portées sur la rive droite à chaque crue de la Meuse, que les dégradations, et par suite les dépenses vont chaque année en augmentant, que si l'on se borne aux dépenses ordinaires allouées jusqu'ici, il faudra, dans quelques années, des millions pour restaurer les rives, lorsque quelques centaines de mille francs suffiraient s'ils étaient employés à temps ; qu'il est de l'intérêt du trésor d'obvier le plus tôt possible à cette calamité.

On a ajouté, qu'année commune, la Meuse enlève au Limbourg cinq à six hectares des meilleures terres qu'on peut évaluer à 28,000 fr., à part les accidents les plus graves auxquels les riverains sont exposés ; enfin on a appelé l'attention de la section centrale sur ce que la Hollande fait des dépenses énormes sur la rive opposée, ce qui ne peut qu'aggraver et augmenter les dégradations de nos rives. La section centrale demande des explications, et le ministre répond que c'est exceptionnellement qu'en 1841 une somme de 60,000 fr. a été demandée qu'il croit pourvoir, au moyen de 40,000 francs, 'aux réparations les plus urgentes, qu'il est convenable d'ajourner cette affaire jusqu'à la présentation d'un travail général et il termine en disant qu'en principe les réparations des rives incombent aux riverains. Voir annexe n° 11, au rapport de la section centrale.

S'agit-il d'emprunts ou autres allocations pour constructions de routes ; on s'appuie sur le Limbourg et le Luxembourg, ces provinces, dit-on, ont été oubliées ; il est juste que ces provinces, où le besoin de communication se fait le plus vivement sentir, obtiennent aussi quelque chose là où il n'y a pas de routes, on doit en faire tant dans l'intérêt des localités que dans l'intérêt général ; on va même jusqu'à dire qu'elles doivent être favorisées, qu'on leur doit une compensation pour les pertes qu'elles ont essuyées par le fatal traité de Londres. Voici comment s'exprimait M. le ministre des travaux publics en 1841 : « Ce que je dis pour le Luxembourg peut s'appliquer au Limbourg, qui, par la force des traités, et en vue de l'intérêt général a été si malheureusement mutilé ; je crois qu'à son tour le Limbourg est en droit de réclamer des compensations pour les pertes qu'il a éprouvées. Le Limbourg et le Luxembourg, en attendant qu'ils puissent être dotés de travaux importants, obtiendront nécessairement une bonne part dans la distribution des fonds qui me seront alloués. »

Les emprunts votés, ainsi que les autres allocations, on se souvient à peine du Limbourg, il n'est plus considéré comme faisant partie de la grande famille. En effet, voyons le langage que tient M. le ministre dans les nouveaux développements au budget, page 7 : « L’on peut inférer de ce qui précède que la somme qu'il sera possible d'affecter en 1842 aux travaux d'amélioration, aux constructions nouvelles et allocations de subsides ne dépassera pas 800,000 fr. »

On a soin d'ajouter en note : « Cette somme, si elle devait être répartie également entre les neuf provinces, donnerait en moyenne environ 90,000 fr. pour chacune d'elles, » et l'on continue : « Il est à remarquer, du reste, que des engagements déjà pris en ce moment s'élèvent pour 1842 à environ 600,000 fr. ; de sorte qu'il ne restera en réalité de véritablement disponible, pour des routes autres que celles décrétées, qu'une somme de 200,000 francs. » Et on termine par cette conclusion : « Le gouvernement se voit donc dans l'impossibilité de satisfaire aux demandes d'un grand nombre de localités qui, réclament, etc. La plupart de ces demandes ne pourront être prises en considération qu'autant qu'un crédit spécial pour constructions nouvelles soit accordé. »

Belle perspective pour le malheureux Limbourg ! Il y a des engagements pris dont il n'y a rien pour le Limbourg !

Je n'examinerai pas si les ministres sont en droit de prendre pareils engagements ; la chambre s'en est expliquée tout récemment dans une autre occurrence, mais je demanderai à M. le ministre pourquoi ne prend-on pas d'engagements envers le Limbourg ; cette partie du royaume doit-elle se contenter de vos paroles bienveillantes, est-ce tout ce que vous avez à lui donner ?

Et même quant aux engagements, je prouverai à M. le ministre qu'ils ne sont pas observés lorsqu'il s'agit du Limbourg ; les fonds engagés sont probablement employés ailleurs. En effet, je lis dans le rapport sur les routes de l'Etat de 1830-1840, présenté dans la séance du 4 février1841, annexe n. 1. « Province du Limbourg. - 2. Route de Hasselt à la Meuse. Imputations sur les crédits de 6 et 2 millions, 221,944 fr., et sur les produits des barrières de 1841 et années suivantes, 307,025 fr. 20 c. »' ; en 1840, 5,600 mètres ont été exécutés pour 160,000 fr. Voulez-vous savoir ce qui a été dépensé dans la campagne de 1841, malgré les instances de la députation du Limbourg ? Permettez-moi de vous dire en peu de mots ce qui s'est passé.

Le 30 avril, une adresse de la députation fut transmise au gouvernement pour exposer de nouveau les titres particuliers et les besoins du Limbourg, et pour insister afin qu'il ne soit pas oublié dans la répartition des fonds alloués pour améliorations et entretien des routes, et pour construction de routes nouvelles, et M. le ministre de faire connaître que rien ne pouvait être accordé à la province pour l'année 1841, que l'on devait se borner à s'occuper de la construction d'un pont à Lanklaar. On a fait ce pont qui, si je suis bien renseigné, a coûté 20,000 fr., et cependant je lis dans l'état détaillé des sommes employées sur l'exercice de 1841à des travaux de constructions de routes : « Limbourg, Hasselt vers la Meuse, 65,000 fr. », quoiqu'on n'ait rien fait, que je sache que le pont de Lanklaar qui, comme je le disais tout à l'heure, n'a coûté que 25,000 fr. Qu'on parle encore d'engagement, le ministre doit se borner en 1841 à une dépense de 25,000 fr., et il y a des engagements d'abord de 221,914 francs sur les 8 millions, et ensuite de 500,000 fr. sur les produits de barrières de 1841 et années suivantes, sommes dont 160,000 fr. étaient seulement employés : voici ma réponse, les engagements sont religieusement exécutés lorsqu'il s'agit de localités de prédilection, il n'en est pas de même à l'égard du Limbourg, cette province se contentera de promesses !!

On objectera peut-être que la province et les communes ne contribuent point ou faiblement dans les routes à construire ; mais de grâce ! ne connaît-on pas le budget de la province du Limbourg, ne sait-on pas que le budget en recette ne s'élève qu'à 140,000 fr., que la province est une des plus imposées du pays, (11 centimes additionnels sur le foncier et autant sur le personnel) :

Anvers : 9 (foncier), 9 (personnel)

Brabant : 7, 7

Flandre occidentale : 9, 9

Flandre orientale : 9, 6

Hainaut : 7, 7

Liége : 9 1/2, 9 ½

Luxembourg : 11 ½, 10 ½

Namur : 13, 13.

Ne sait-on pas qu'elle a dû établir une taxe au détriment des communes, qui la percevaient à leur profil, pour sortir de son embarras financier, que, malgré ce peu de ressources, elle alloue encore annuellement un subside de près de 20,000 francs, pour les grandes communications à établir dans la province ; et quant aux communes, que M. le ministre se fasse produire leurs budgets pour juger si elles peuvent contribuer et pour combien.

Certes, ce serait insulter au malheur et dire : Parce que vous n'avez rien, nous ne pouvons rien vous donner ; ce serait tenir ce raisonnement absurde, les autres provinces ont des voies de communications, elles sont peut-être, par ces moyens, parvenues à un certain degré de prospérité et de richesse, elles peuvent contribuer à rendre leur position encore meilleure. C'est pourquoi nous devons leur accorder tout, et cela à ses dépens !! Ne vous apitoyez plus sur le malheureux sort du Limbourg, sort que vous lui avez fait dans l'intérêt général ; ne lui permettez pas des faveurs lorsque vous lui refusez ce qui lui revient en toute justice.

De quel côté que l'on se tourne, on voit le Limbourg dans l'oubli, il ne figure que dans le budget des voies et moyens ; et lorsque des millions sont employés pour le chemin de fer dans d'autres provinces, on refuse au Limbourg ce qui est nécessaire pour conserver ce qui en reste encore. Mais, me dira-t-on, le Limbourg est lié au grand réseau du chemin de fer par l'embranchement de Landen à Saint-Trond, véritable dérision ! Ce n'est pas que je demande au moins pour le moment un prolongement, je désire auparavant la construction d’ouvrages plus utiles, plus indispensables, la canalisation de la Campine, l'amélioration des rives de la Meuse, et les communications dont une partie de la province est totalement privée ; pour ma part je voudrais que la moitié de ce qu'a coûté l'embranchement de Landen à Saint-Trond, eût été employé à ces ouvrages.

Je vous ai parlé de la canalisation de la Campine, d'autres membres vous ont déjà entretenu de cet objet important, je ne crois pas devoir m'y arrêter.

Je vous ai parlé, en second lieu, des travaux à exécuter aux rives de la Meuse ; nous présenterons un amendement lorsque nous en serons à l’article qui les concerne ; on examinera, au besoin, si c'est exceptionnellement, comme le dit M. le ministre, qu'en 1841 une somme de 60,000 francs a été accordée ; on demandera à M. le ministre ce qu'il entend par réparations urgentes pour lesquelles il ne lui resterait que 20,000 francs. M. le ministre nous promet un travail général, il nous fait attendre jusqu'à ce qu'il soit présenté ; nous lui demanderons. pourquoi il en décide autrement lorsqu'il s'agit d'une autre province ; nous lui demanderons si les travaux à exécuter dans le Limbourg ne tendent pas aussi à améliorer la navigation, s'il ne s'agit pas aussi d'exhaussement et de redressement des rives, de réparation des chemins de halage, nous lui demanderons s'il n'y a pas de rapport postérieur à celui du 20 juillet 1840, qui seul a été communiqué à la section centrale ; nous lui demanderons le résultat de l'examen qu'a fait l'inspecteur-général, si celui-ci n'a pas demandé une somme d'au moins 150,000 fr. sur l'exercice de 1842 pour le service de la Meuse dans le Limbourg ; on examinera si les réparations des voies dans le Limbourg incombent aux riverains ; pour le moment, je me bornerai à dire que c'est une question de dignité nationale et qu'il s'agit de prouver que ce ne sont pas de vaincs promesses que l'on a faites lors de la discussion des 24 articles, lorsqu'on disait : « La partie du Limbourg restant à la Belgique ne regrettera jamais le sort de celle qui passera sous la domination hollandaise. »

Après vous avoir entretenus des intérêts de la province, qu'il me soit permis d'ajouter quelques mots en faveur d'un de ses districts qui a le plus souffert et de la révolution et de l'exécution du traité de Londres, d'un district qui comprend la presque totalité de la Campine limbourgeoise ou liégeoise, d'un district privé de toute communication et où le besoin s'en fait le plus virement sentir, enfin d'un district qui, depuis ma révolution, n'a pas obtenu la moindre faveur et dans lequel, chose extraordinaire, pas un mètre de route n'a été ni exécuté ni même décrété, c'est le district de Maeseyck.

Depuis plusieurs années on demande avec instance une route de Beeringen par Hechtel, Peer et Brée, à Maeseyck, c'est le seul moyen de rendre justice à la partie la plus étendue et la plus malheureuse du Limbourg, c'est le seul moyen de favoriser et de tirer cette languissante Campine liégeoise de l'espèce de léthargie dans laquelle elle se trouve. Cette route présente le plus d'intérêt de toutes celles qu'on pourrait faire dans le Limbourg, cela est incontestable ; aussi le conseil provincial, dans sa première session en 1836, avait-il alloué un subside de 190,000 fr., subside qui excède nos ressources depuis la fatale cession ; les mandataires de la province ont voté adresse sur adresse en faveur de cette route en insistant sur sa prompte exécution ; la députation permanente dans l'exposé qu'elle a fait au conseil lors de la dernière session est des plus explicite. Voici comment elle s'exprime à la page 167, dudit exposé :

« La requête présentée au conseil provincial dans sa dernière session par les conseils communaux de Brée, Peer, Elicom, Wychmael, Grotebrogel, Kleinebrogel, Exel, Hechtel ct Lommel, tendant à obtenir la construction d'une route de Beeringen à Maeseyck par Peer et Brée, a fait l'objet d'une adresse au gouvernement, d'après la décision prise par le conseil.

« Les doléances des pétitionnaires ont été exposées, et l'on a cru devoir ajouter que la justice distributive exigeait impérieusement que la contrée comprise dans le triangle formé par la route de Tongres à Eyndhoven et de Tongres à Venloo, soit dotée enfin d'une route, alors que presque toutes les autres parties de la province possèdent déjà des voies de communication. »

Le conseil provincial dont j'ai eu l'honneur de faire partie, n'a jamais voulu se prononcer sur la priorité à accorder aux routes en projet ; mais, j'ose le dire, la députation a été le fidèle organe des intentions du conseil dans ce que je viens de vous prélire. Cela résulte surtout du rapport présenté dans la dernière session au nom de la quatrième commission composée de MM. Julliet, Monville, Daels, de Montaigne, Schaatsen, François de Corswaren, Kenens et de Woelmont.

Ce rapport faisant connaître d'une manière succincte les avantages de cette route et même son utilité et nécessité, je prends la liberté de vous en donner lecture.

« Vous avez envoyé à la 4e commission la pétition des conseils communaux de Brée, Peer, Hechtel, Ellicom et Wychmael, tendant à ce que le conseil provincial demande, avec de nouvelles instances, la construction de la route de Beeringen à Maeseyck par Hechtel, Peer, Brée etc., et la proposition faite par MM. Daels, Misotten, de Borman, Beckers, Gelders, G de Corswarem et Smeets, tendant à ce que le conseil alloue un subside à la construction de cette route de 45,000 frs. à prendre sur les fonds spécialement destinés à la construction de routes, pour être imputé par tiers sur trois exercices différents, savoir : le premier tiers sur l’exercice de 1842, pour devenir exigible lorsque le gouvernement aura ouvert une première section de cette route ; et les deux autres tiers sur des exercices subséquents pour devenir successivement exigibles chaque fois que le gouvernement ouvrira une nouvelle section.

« Votre commission s'est occupée avec une attention et une sollicitude toutes particulières de l'examen de ces propositions et m'a chargé de vous présenter le résultat de sa délibération.

« Déjà, messieurs, en 1826, les anciens états provinciaux se sont occupés de la voie de communication dont il est question, et l'ont placée parmi les routes à construire dans la province.

« Depuis, messieurs, ce projet n'a jamais été abandonné : il a fait l'objet des incessantes sollicitations des populations de la contrée, qu'elle doit traverser, et, à plusieurs reprises, celui de vos délibérations.

« Dans votre session de 1836, vous avez voté un subside de 190,000 francs pour la construction d'une route de Beeringen à Ruremonde, route qui, aujourd'hui, avec ce tracé, est impossible mais que celle qu'on réclame doit remplacer, ayant la même direction et présentant les mêmes avantages.

« L’année dernière, messieurs, vous avez adopté les conclusions d'un rapport tout favorable à la route projetée, émanant de votre commission, et vous avez chargé la députation permanente d’en demander au gouvernement la prompte construction,

« La députation s'est acquittée de ce soin et a fortement insisté sur la justice distributive qui exige impérieusement qu'une si grande contrée soit enfin dotée d'une route, lorsque toutes les parties du Limbourg en sont déjà pourvues.

« M. le commissaire de l'arrondissement de Maeseyk dans ses rapports annuels à la députation permanente de 1840 et 1841, à signalé la route en question comme le plus urgent besoin de l'arrondissement.

« Mais, messieurs, malgré toutes ces instances, le gouvernement n'a pas encore mis la main à l'œuvre. Il a fait faire les plans et les études de la partie de Beeringen à Hechtel, qui lui ont été transmis par M. l'ingénieur en chef des ponts et chaussées de la province, en 1840. La continuation de ces travaux préliminaires des autres parties de la route se poursuit activement.

« Ils seront bientôt terminés (ils le sont maintenant).

« Il est impossible, messieurs, de ne pas reconnaître les divers avantages qui résulteront de cette voie de communication, Votre commission les a de nouveau examinés avec beaucoup d'attention et ne peut que vous attribuer de nouveau que les allégations à cet égard, qui sont contenues dans les divers rapports et pétitions, sont entièrement exactes et fondées.

« Au nombre des avantages signalés, ceux qui suivent nous paraissent particulièrement mériter votre attention : d'établir une communication directe du Brabant et spécialement d'Anvers avec le canal, la Meuse et les pays du bas Rhin – de Liége, Tongres et Hasselt, au moyen de la chaussée de Bois-le-Duc, avec toute la Campine liégeoise et le canal ;

« De couper dans sa plus grande étendue la Campine liégeoise en traversant quatre cantons ;

« De faire communiquer ces cantons avec les chefs-lieux de leurs arrondissements administratif et judiciaire ;

« De donner une route à deux des trois seuls chefs-lieux de canton de la province qui en sont aujourd'hui dépourvus ; – d'intéresser enfin une population de 20,000 âmes payant fr. 41,0000 de contributions foncières.

« A ces considérations, qui découlent de la situation même des lieux, il faut en joindre quelques autres naissant particulièrement de la nature du pays que la route traversera et qui n'auraient pas autant de valeur dans d'autres contrées.

« La Campine, messieurs, est un pays ou les voies de communication produiraient plus que partout ailleurs de grands résultats ; vous le savez, messieurs, elle possède beaucoup de sapinières dont les produits ne pourront être consommés dans ces contrées et auxquelles les moyens de communication sont appelés à donner une valeur, en rendant possible leur transport dans d'autres pays dépourvus de bois. - Elle possède également beaucoup de bruyères qui bientôt seraient défrichées si on avait la certitude qu'une voie d'écoulement serait donnée à leurs produits. En un mot, messieurs, la construction de la route aurait cet effet qu'elle ferait doubler, tripler et plus la valeur du sol inculte qu'elle traversera, tout en portant le commerce et l'industrie au milieu d'une population avide de trouver chez elle les germes de prospérité dont la nature et les établissements des hommes ont si largement doté les autres parties de notre belle patrie.

« Il nous a paru de toute équité, messieurs, que les subsides que la province accorde pour l'ouverture de nouvelles routes soient employés dans les localités qui en sont privées. Cette destination est sacrée, les en détourner serait une injustice. Il faut, messieurs, dans tout État bien constitué que le bien-être se répande sur toutes les parties du territoire ; il faut que le gouvernement et la province partagent leurs affections et leurs sollicitudes entre tous les enfants de la patrie. En agissant ainsi, messieurs, nous avons la conviction que, sous peu d'années, on ne verra plus de contrées délaissées et dépourvues de ressources, comme l'est actuellement la Campine.

« D'après ces principes, messieurs, nous avons reconnu que l'arrondissement de Maeseyck, qui fait partie de l'association provinciale et qui paie sa part dans les charges, est aussi fondé à réclamer sa part dans les bénéfices ,etc. »

Je n'ajouterai pas d'autres considérations ; il est prouvé que cette route est la plus utile de toutes celles à construire dans le Limbourg et qu'elle est demandée à ce titre par les mandataires de la province.

Je ferai observer à M. le ministre qu'il n'est pas nécessaire que cette route se fasse en une année ; qu'on commence par la décréter, et la partie de Hechtel à Peer pourra se faire presque sans bourse délier, et voici comment : La route de Hasselt à Bois-le-Duc a perdu de son importance depuis la révolution ; elle est fort peu fréquentée, elle peut facilement être rétrécie ; la largeur de la chaussée, qui est de cinq mètres peut, sans inconvénient, être portée à trois mètres, et voilà les matériaux nécessaires pour l'embranchement de Hechtel sur Peer et même plus loin vers le canal de Bois-le-Duc, tous trouvés et sur les lieux. Ensuite on pourrait se borner pour 1842 à lier le canal soit avec Peer, soit avec Maeseyck ; cette partie de la route, dans laquelle on emploierait utilement le subside de la province, serait immédiatement en rapport,

La prospérité que cette institution ferait naître deviendrait une source de nouveaux produits, il y aura plus que compensation entre les dépenses de la route en question et les recettes, je m'explique : si les barrières ne rendent pas l'intérêt du capital employé, les développements que cette route donnera à l'agriculture , aux industries existantes et à naître ; les produits qu'elle créera en quelque sorte ; les transactions qu'elle provoquera ; les valeurs qu'elle fera acquérir à des biens qui n'en ont pas ; les richesses qu'elle répandra ; l'accroissement qu'elle introduira dans la consommation ; toutes ces circonstances diverses, indépendamment du bien-être général, qu'elle étendra et affermira, apporteront dans les caisses publiques un intérêt élevé du capital dont on fera l'avance ; cette opinion est basée sur les paroles mêmes de M. le ministre des finances. (Voir le rapport de la section centrale du budget des voies et moyens, p.12, à l'article enregistrement, greffe, hypothèque, etc.)

Cette augmentation, a dit M. le ministre des finances, est la conséquence de la continuation de l'état de paix et de la confiance qu'il inspire pour les transactions. Non seulement les valeurs vénales se soutiennent généralement, mais spécialement elles augmentent dans les parties du pays auxquelles les nouvelles routes, soit de l'Etat soit provinciales ouvrent des débouchés et des moyens de transport de leurs produits, et celui des engrais naturels et artificiels. Il cite les Campines d'Anvers et du Limbourg, les terrains vagues du Luxembourg, etc. ; tout cela est favorable aux droits d'enregistrement et aux droits de succession. « L’on se tromperait, ajoute-t-il, si l'on croyait cette progression à son apogée ; vienne la réalisation des projets de la route de Diest à Turnhout et autres dans les Campines, etc., et les valeurs que les projets seuls ont améliorées prendront un accroissement considérable. "

Comme je ne réclame aucune faveur pour le district de Maeseyck, mais que je demande qu'on soit équitable à son égard, qu'on lui donne ce à quoi il a droit d'après toutes les règles de l'équité et de justice distributive, j'espère que M. le ministre s'exprimera catégoriquement, s'il a l'intention de faire quelque chose pour ce district trop longtemps oublié.

M. Doignon. - Messieurs, chaque année, d'honorables membres de cette assemblée élèvent la voix pour appuyer le vaste projet de défrichement et de canalisation de la Campine. Je viens joindre ma voix a celle des partisans de cette entreprise.

Après le chemin de fer, qui est la grande œuvre nationale, je place en première ligne l’entreprise du défrichement de la Campine, et je la recommande tout particulièrement à la sérieuse attention de M. le ministre.

Au total, il s'agit, pour ainsi dire, de créer une province toute nouvelle, 150 à 200,000 hectares de terre, aujourd'hui incultes et improductifs, sont là près de nous qui attendent nos bras et nos besoins pour sortir de leur état de stérilité et devenir, une contrée aussi belle et aussi riche que le pays de Waes.

Tout a été dit sur ce point, mais ce qu'on peut dire de plus éloquent et de plus fort en faveur de cette entreprise, n'est pas comparable, selon moi, à la vue des lieux, au spectacle même de ce triste pays.

Lorsqu'il y a quelques années, je me suis trouvé au milieu de ces plaines immenses, couvertes de bruyères, au milieu de cette espèce de désert, je me suis demandé : Est-ce bien en Belgique où je suis en ce moment ? J'avoue que je n'ai pu me défendre d'une sorte de honte, de voir ainsi près d'Anvers, délaissée, abandonnée à son état sauvage, une aussi vaste étendue de notre territoire.

Cependant, ce qui prouve aux yeux de tout le monde que ce sol est susceptible d'être fertilisé, d'être façonné de la main de l'homme comme tous les autres, c'est qu'à certaines distances l'on y rencontre de beaux villages entourés d'excellentes terres, en pleine production.

Le sapinières y viennent volontiers ; mais si on continue, comme on l'a fait jusqu'ici, à abandonner ce pays à lui-même, il faudra peut-être un siècle ou un siècle et demi avant qu'on puisse le rendre partout bon et fertile.

Après avoir exploré cette contrée, je me suis dit : Pour moi, cette affaire est instruite ; que le gouvernement pétitionne quelques millions à reporter sur plusieurs exercices, pour rendre ce pays à l'agriculture, au commerce, à l'état de civilisation, je suis prêt à lui accorder ce qu'il demandera.

Le premier moyen de fertiliser ce pays, c'est l'usage des engrais. Il convient de faciliter tous les moyens possibles de transport, tels que canaux de petite navigation et d’irrigation. Dès qu'il y aura de l'engrais à suffisance, le défrichement y surviendra bientôt universel.

Anvers, dit-on, possède une grande quantité d'engrais que de temps immémorial on est dans l'habitude d'expédier vers le pays de Waes, lequel peut aujourd’hui se suffire à lui-même. Ne conviendrait-il pas de diriger aujourd’hui ces engrais vers la Campine, qui en a un besoin indispensable ?

Les distilleries produisent aussi beaucoup d’engrais. Il serait donc fort utile de favoriser dans ce pays ces sortes d’établissement en accordant notamment des faveurs à l’exportation de leurs produits.

J’engage donc le gouvernement à intervenir dans cette entreprise, et je lui en fais l’invitation d’autant plus pressante qu’il connaît l’impuissance où sont ces localités d’y prendre aucune part pécuniaire.

Il y a quelques années, il s’est formé une société composée de notabilités financières et administratives, afin de mettre la main à l’œuvre. Je prierai monsieur le ministre de vouloir bien s’aboucher, officieusement au moins, avec cette société ; ses membres me paraissent animés de sentiments désintéressés. Dans leur requête, ils déclarent qu’ils sont prêts à retirer leur demande, si le gouvernement prenait l’engagement de réaliser à son compte, dans un temps donné, leur projet libéral et patriotique, satisfaits que nous serions, disent-il, d’en avoir fait apprécier l’importance et l’urgence.

On a dit que cette société exigeait l’expropriation à son profit de terrains appartenant aux particuliers, situés le fond des canaux à construire. C’est là une erreur. Il ne s’agit, paraît-il, que de l’expropriation d’une partie de biens communaux. Le gouvernement aurait soin, dans tous les cas, de stipuler des péages modérés dans l’intérêt de l’agriculture, du commerce et de la navigation. Il aurait soin de stipuler le rachat des travaux d’art.

Ici je rappellerai au gouvernement que pour être maître des péages, il a dû racheté les canaux de Charleroy et d’Antoing. S’il entreprenait par lui-même le défrichement et la canalisation de la Campine, je suis persuadé qu’il trouverait dans l’accroissement des contributions de ce pays de quoi couvrir les intérêts d’un grand capital.

Je pense que cette grande affaire est suffisamment instruire aujourd’hui, et que le gouvernement est à même de se prononcer en ce moment, après toutefois avoir entendu de nouveau les parties intéressées. Tout le monde est d’accord sur ce principe : il ne s’agit que du mode d’exécution.

Depuis 1835, MM. Teichman et Masui ont formé des plans. Ces plans ont été livrés au jugement du public et de la presse, et, à quelques modifications près, ils paraissent présenter des vues très praticables. Le ministre précédent avait soumis ces projets à un autre ingénieur qui, si je suis bien informé, a donné son avis il y a plus d’un an, mais je crois qu’à l’heure qu’il est le projet est encore à l’avis d’un nouvel ingénieur.

J’engage instamment M. le ministre à s’arrêter dans cette instruction : il n’y aurait pas de raison d’en finir, car chaque ingénieur exige un an ou un an et demi pour élaborer son avis. De cette façon, l’instruction deviendrait interminable. Je prie M. le ministre d’y mettre un terme et de prononcer définitivement le plus tôt possible.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, c'est avec raison que plusieurs honorables orateurs ont fait remarquer que les travaux publics constituent de puissants moyens de protection en faveur de l'industrie, de l'agriculture et du commerce du pays, et qu'ils sont aussi une source de produits pour le trésor de l'Etat.

Tout le monde sait que nos provinces les plus riches doivent leurs richesses aux routes et aux communes dont elles sont parsemées. Je n'en citerai qu'un seul exemple que je prendrai parmi les canaux dont les revenus figurent au budget des voies et moyens, Cet exemple, qui est extrêmement frappant sous ce rapport, c'est celui du canal de Charleroy.

Vous le savez, messieurs, le canal a centuplé les richesses du bassin de Charleroi, et a fait naître un bassin d'exploitation de houillères et de matières métallurgiques (celui dit du Centre), non moins riche aujourd'hui que celui de Charleroi. Et cependant, le canal de Charleroi n'a été mis en navigation que depuis 1832. En 1832, le canal ne produisait que 600,000 fr., et a produit en 1841 1,320,000 fr. ; je ne parle pas des produits qu'on retirera plus tard des nombreuses et belles plantations qui bordent le canal.

Le budget des travaux publics, en ce qui concerne les dépenses, s'élève à la totalité de 10 à 11 millions. Eh bien, messieurs, les travaux publics figurent au budget des voies et moyens pour une somme de 16 à 17 millions. Vous voyez donc, messieurs, que c'est avec raison que d'honorables orateurs ont fait remarquer que rien ne vivifie plus un pays, tout en alimentant le trésor, que rien ne contribue plus à la prospérité nationale que les travaux publics.

C'est avec raison aussi que l'honorable M. d'Hoffschmidt a dit qu'il ne fallait pas s'effrayer de l'espèce de déficit qu'on rencontre aujourd'hui dans la balance des deux budgets du chemin de fer ; je veux parler de la balance entre les dépenses de l'exploitation ajoutées aux intérêts des capitaux engagés d'une part, et le budget des recettes du chemin de fer, d'autre part.

Messieurs, il y a eu en 1841 environ 66 lieues de chemins de fer exploitées. Les recettes se sont élevées à 6 millions et au-delà de 200 mille francs. Si le tarif du 17 août avait été en vigueur dès le commencement de l'année, on peut raisonnablement compter que les recettes se seraient élevées au moins à 6 millions 600 mille fr. Ainsi, dès à présent, le chemin de fer produit 100 mille francs par lieue. Lorsque l'on considère ensuite que toute nouvelle communication ne produit jamais dès l'abord tout ce qu'elle doit produire, et l'exemple que je viens de citer du canal de Charleroy, qui n'a produit en 1832 que 600 mille francs et produit aujourd'hui 1320 mille francs, en est une preuve bien frappante.

On peut donc espérer que les recettes du chemin de fer iront en augmentant à mesure que les nouvelles relations s'établiront.

Nous sommes d'autant plus fondés à l’espérer que les lieues exploitées ne sont pas les seules, qu'il y en aura bientôt de nouvelles qui le seront et vont nous mettre en rapport avec les nombreux chemins de fer de l'Allemagne, avec la France et avec l'Angleterre, et ses railways, si les propositions que le gouvernement aura l’honneur de présenter sous peu à la chambre sont admises.

Cependant, messieurs, si nous ne comptions que 100 mille fr. par lieue, comme c'est le cas actuellement pour le produit du chemin de fer, quand tout sera achevé, nous aurions alors pour 120 lieues exploitées, un revenu de douze millions.

Au moyen des économies que je me propose d'introduire dans le service d'exploitation, et qu'il est de mon devoir de rechercher, je crois ne pas me tromper en disant que, quand toutes les lignes en construction seront mises en exploitation, ce service ne montera pas à plus de cinq ou 6 millions.

Ainsi, vous le voyez, en supposant que chaque lieue ne produise que ce qu'elle produit actuellement, vous aurez 6 millions de boni pour payer les intérêts des capitaux engagés. .

Cependant, messieurs, ici nous partons, comme on l'a déjà fait remarquer, d'un principe bien moins large que celui dont on part chez d'autres nations, car on vous a cité des fragments de l'exposé des motifs présenté aux chambres françaises par le ministre des travaux publics, relativement à l'exécution des chemins de fer. Vous avez vu que là le gouvernement est d'avis que les chemins de fer produisent indirectement assez d'avantages, de toute espèce au pays pour ne pas exiger qu'ils paient tous les intérêts des frais de construction.

Messieurs, on a beaucoup parlé dans la discussion de la canalisation de la Campine et des canaux en général. La chambre sait qu'un ingénieur distingué, le constructeur même du canal de Charleroy, que je citais tout à l’heure, a été chargé d'un travail général sur les canaux et rivières ; la canalisation de la Campine a été jointe à ce travail, et je suis heureux de pouvoir annoncer aujourd'hui que tout le travail de cet ingénieur est terminé, qu'il s'occupe de la mise au net qui sera faite dans très peu de jours, de sorte que j'en serai saisi incessamment. Aussitôt que je l'aurai reçu, je le livrerai à l'impression, afin qu'il soit distribué à tous les membres de cette chambre.

Il est quelques autres détails dont il a été question, auxquels je me réserve de répondre plus spécialement au fur et à mesure que nous avancerons dans la discussion des articles. Je dirai seulement à l'honorable député de Turnhout, qui a parlé de plusieurs routes de son district et principalement de la route de Turnhout à Diest, que cette route eût été décrétée sans l'opposition qu'y a faite le département de la guerre, par des considérations stratégiques. J'espère encore pouvoir arriver à m'entendre à cet égard avec le département de la guerre, et si je réussis, cette route sera une de celles dont je m'occuperai autant que me le permettront les fonds disponibles.

Quant à un honorable député du Limbourg, qui s'est plaint de ce qu'on n'aurait, en 1841, pas fait d'autres dépenses dans le Limbourg que la construction du pont de Lanklaer, et que les 60,000 francs qui figurent à l'annexe de la section centrale comme employés à la construction de la route de Hasselt vers la Meuse n'auraient pas été dépensés, je répondrai qu'effectivement ces fonds n'ont pas été dépensés, mais qu'ils n'en sont pas moins acquis à cette route, en totalité, parce que l'arrêté royal qui les lui attribue a été fait en 1841 ; et au fur et à mesure que les travaux avanceront, ils seront dépensés.

On a parlé d'un fonds spécial à créer pour les routes et les canaux et améliorations aux rivières en général. C'est là une grande idée, une idée qui doit sans doute amener des résultats avantageux pour le pays, et dont, je dois le dire, je me suis déjà occupé depuis que je suis au département des travaux publics. Mais on sent qu'on ne peut pas enlever aux voies et moyens des ressources aussi considérables sans chercher à les remplacer par d'autres voies et moyens. Je crois cependant qu'il est possible d'y arriver, mais encore une fois, je ne pourrai dire quelque chose de précis à cet égard que lorsque je me serai occupé du travail général présenté par l'ingénieur Vifquain.

J'ai ordonné la construction d’une carte sur laquelle on a tracé toutes les routes ou plutôt les sections de routes qu'il serait bon de faire pour que les routes existantes puissent servir d’affluents aux diverses stations du chemin de fer. Cette carte se trouve confectionnée ; j'ai reçu un rapport du conseil des ponts et chaussées que je déposerai lundi sur le bureau, ainsi que la carte, afin que la chambre puisse en prendre connaissance, et j'engage, messieurs, les membres à me transmettre toutes les observations dont ce travail pourra être l'objet de leur part.

M. de Roo. - Il y a plusieurs sections des chemins de fer dont les produits sont très faibles, et j'en citerai une entre autres qui produit un déficit énorme, tandis qu'il y a moyen de la faire de manière qu'elle prod.ise immensément au trésor. Ce moyen a été indiqué et demandé par plusieurs pétitions présentées la chambre des pièces et des brochures ont été distribuées à tous les membres de cette assemblée. Des pétitions ont été envoyées par la chambre au ministre des travaux publics qui avait promis de faire un rapport sur cet objet. On a vainement réclamé ce rapport qui ne vous est pas encore parvenu. Je demanderai si M. le ministre est à même de vous faire un rapport pour le moment où nous nous occuperons du chemin de fer, afin de donner tous les apaisements aux parties intéressées.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - La pétition dont vient de parler l'honorable préopinant a été renvoyée au département des travaux publics dans la session dernière, lorsque je n'avais pas encore l'honneur d'être à la tête de ce département. Je dois le dire, on ne m'a pas remis cette pétition sous les yeux depuis que j'y suis. En rentrant, je me la ferai reproduire et j'espère que lundi je pourrai faire un rapport sur son objet.

M. Verhaegen. - Comme les postes font partie du budget des travaux publics, je crois nécessaire de faire au ministre de ce département une interpellation.

Si les renseignements qui me sont parvenus sont exacts, il s'est passé, il y a quelque temps, sous le ministère actuel un fait grave qui concerne les journaux.

Le fait est d'autant plus grave, que certaine opinion ne cache plus son désir ardent d'enchaîner la presse, et que le cabinet semble donner appui à ses velléités ; ce qui vient de se passer en est la preuve évidente. Il y a plusieurs mois, M. le ministre des travaux publics aurait envoyé à tous les percepteurs des postes du royaume deux tableaux à remplir : l'un devait indiquer le nombre des abonnements que chaque bureau avait eu pendant les 4 trimestres de 1841 aux différents journaux belges, avec indication du titre du journal, du nom, de la profession et de la demeure de chaque abonné. Un autre tableau servait à enregistrer ; 1° le nom de toutes les personnes recevant des journaux, 2° le titre du journal auquel ils sont abonnés ; 3° leur profession et leur demeure.

Pour mon compte, j'ai vu dans cette demande de renseignements des mesures inquisitoriales contre la presse, en attendant d'autres mesures plus odieuses encore et comme on a mis à l'index certains journaux, que l'opinion rétrograde appelle mauvais et dangereux, et qu'il ne serait pas impossible que le gouvernement, d'accord avec cette opinion, eût jugé à propos de savoir qu’elles sont les personnes abonnées à ces mauvais journaux, ou a eu recours à des moyens que l'institution de la poste condamne et que la morale réprouve.

Je viens donc prier M. le ministre des travaux publics de nous dire, par oui ou par non si le fait que je viens de signaler est exact et de nous donner les motifs de sa conduite dans l'occurence.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - On a demandé à tous les percepteurs des postes des renseignements sur les abonnements aux journaux, parce que le département des travaux publics s'occupe d'un travail sur les émoluments, travail qui dans ce moment est converti en projet de loi, et va être soumis à Sa Majesté, pour être présenté sous peu à la chambre. Il s'agit, par ce projet de loi, de faire rentrer dans le trésor toutes les recettes quelconques qui sont perçues par l'administration des postes.

Vous savez que, par la loi de 1835, on a fait rentrer au trésor les sommes provenant des affranchissements des journaux. Mais indépendamment des sommes provenant des affranchissements des journaux, il y a une autre espèce de taxe qui se perçoit d'une manière très irrégulière, Ainsi il y a tel journal qui paie le double de ce que paie un autre pour la remise dont se chargent les employés. Pourquoi cela ? Parce que la recette est en quelque sorte arbitraire, parce qu'elle n'est pas régularisée. Vous savez, messieurs, que la constitution veut que toutes les recettes soient versées au trésor, qu'elles figurent au budget des voies et moyens. C'est pour me conformer à ces prescriptions constitutionnelles, que j'aurai l'honneur, dès que j'y aurai été autorisé par le Roi, à présenter à la chambre un projet de loi à cet égard, et c'est pour rédiger ce projet de loi qu'il a été demandé des renseignements statistiques.

M. Verhaegen. - Je pense que, d'après la manière dont M. le ministre s'est expliqué, le fait que j'ai signalé est en aveu. J'en prends acte.

Mais si le fait est avoué, l'explication qui l'accompagne n'est pas satisfaisante. Je comprends très bien, et je suis d'accord sur ce point avec M. le ministre des travaux publics, qu'il peut convenir dans l'intérêt du trésor d'avoir des renseignements statistiques. Je comprends aussi qu'il convient dans le même intérêt de connaître quel est le nombre des journaux transportés par la poste.

Mais ce que je désire savoir, c'est par quel motif le gouvernement demande aux percepteurs des postes, les noms, prénoms, professions et demeure de toutes les personnes abonnées aux journaux des diverses couleurs.

Ainsi le ministère a voulu savoir quelles étaient les personnes, quels étaient par exemple ceux de ses employés qui étaient abonnés à tel ou tel journal, à tel ou tel journal, par exemple, qu'il appelle lui un mauvais journal. (Interruption.) J'entends qu'on dit que cela peut présenter en certains cas un avantage réel.

Je sais qu'il y a des personnes qui sont de cette opinion, et, pour cause. Mais je dis, moi, que c'est de l'inquisition. Je dis que cette mission n'appartient pas au gouvernement, que la soumission ne doit pas aller jusqu'à ce point de rendre compte de ses opinions intimes et de devoir se justifier d'un abonnement à tel journal. Mis à l’index par l'opinion cléricale ou gouvernementale. Ainsi le fait est avoué ; on a demande des renseignements à tous les percepteurs des postes sur les noms, demeures et qualités des personnes abonnées aux divers journaux. On n'avait pas besoin de cette donnée pour arriver au résultat qu'on se proposait. La statistique devait se borner au nombre des abonnements. Quant aux noms des personnes, M. le ministre des travaux publics s'est trouvé dans l'impossibilité de justifier sa conduite.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) – D’abord je déclare que je n'ai pas dénié que j'ai demandé des renseignements sur le nombre des abonnements. Mais quand bien même j'aurais demandé des renseignements sur les noms des personnes abonnées, je déclare que j'avais le droit de les demander. (Adhésion.) Je dis que le ministère pouvait les demander, j'assume volontiers la responsabilité de ce fait.

M. Verhaegen. (Pour un fait personnel.) - Je savais très bien que la mesure prise par M. le ministre des travaux publics trouverait de l'écho dans cette enceinte ; je m'attendais a cela. Riez, interrompez, murmurez. Tout cela m'est parfaitement égal. Mais j'ai signalé à la chambre un fait ; ce fait je le prouverai.

M. Peeters. - Ainsi l'inquisition existe en Belgique.

M. Verhaegen. - Elle existe de fait, si le gouvernement a pris la mesure ; que je viens d'indiquer ; et si vous approuvez cette mesure, je vous en fais mon compliment. (On rit.) Riez tant que vous voudrez, messieurs, cela ne m’intimidera point. Je remplis un devoir. Je le remplirai jusqu’au bout. J’ai signalé un fait, j'y ai donné la qualification qui lui convient ; la presse elle-même l'appréciera, car si des journaux de certaine couleur peuvent ne pas trouver mauyais ce que fait maintenant M. le ministre des travaux publics, il peut arriver un temps où ils en seront les premières victimes. Je vois dans cette mesure une atteinte portée à la liberté de la presse. M. le ministre des travaux publics a répondu, en le considérant comme vrai d’abord, mais en contestant le motif et en donnant des explications. J'al rencontré ces explications. Maintenant, comme ces explications ne lui paraissent plus à lui-même satisfaisantes, il est revenu sur le fait, et il l'a dénié. De deux choses l'une, on dénie le fait ou on ne le dénie pas. Si on le dénie, j'en rapporterai la preuve ; si on ne le dénie pas, on en appréciera la moralité. Je sais qu'un côté de la chambre, dans son aveuglement, pourra approuver la mesure ; je sais que, par son encouragement, il peut aggraver le mal ; mais à lui la responsabilité de l'avenir.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L'honorable M. Verhaegen avance toujours de prétendus faits comme s'ils existaient, et ensuite il en tire des conséquences. Rien n'est plus facile. Il dit que j'ai d'abord avoué le fait tel qu'il l'avait avancé ; j'ai dit qu'on avait demandé des renseignements statistiques, et j'ai dit dans quel but ; mais je n'ai pas dit qu'on eût demandé tous les renseignements statistiques dont a parlé M. Verhaegen.

M. Delfosse. - Vous auriez dû nier.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je ne suis entré dans aucun détail, dans ma première réponse ; j'ai dit qu'on avait demandé des renseignements statistiques pour préparer le projet de loi dont j'ai parlé à la chambre. Ensuite j'ai dit et je répète que si l'on avait demandé les noms (car il est possible que l'on ait été plus loin que mes intentions et que l'on ait demande les noms), il n'y aurait là rien de répréhensible ; car ce serait un moyen de contrôler les renseignements demandés. Au reste, je le déclare de nouveau, si les noms ont été demandés et renseignés, j'en prends volontiers la responsabilité ; je déclare même que ce qu’a dit l'honorable M. Verhaegen me déterminera maintenant à les exiger s'ils n'ont pas été fournis.

M. Verhaegen. - C'est très bien. Je vous en fais mon compliment.

M. Delfosse. - L'honorable M. Verhaegen avait interpellé M. le ministre sur deux faits qui lui avaient été signalés, et dont l'un paraît d'une nature grave à l'honorable membre ; M. le ministre aurait demandé des renseignements sur le nombre et sur le nom des abonnés aux divers journaux ; M. le ministre, sans nier aucun de ces deux faits, a donné des explications qui justifient le premier, mais qui ne justifient nullement le second ; l'honorable M. Verhaegen ayant fait remarquer que ces explications étaient incomplètes, qu'elles laissaient la demande relative au nom des abonnés sans justification, M. le ministre alors seulement a nié que l'on eût demandé le nom des abonnés ; toutefois cette dénégation n'a l'as été faite sans quelqu'embarras, car M. le ministre a parlé pour lui et non pour les employés de son département qui, peut être, dit-il, ont dépassé ses ordres ; M. le ministre devrait bien savoir ce que ses employés font, et dans tous les cas il aurait dû opposer plus tôt cette dénégation à l'honorable M. Verhaegen, cela eût rendu toute discussion ultérieure inutile, au moins jusqu'au moment où M. Verhaegen eût pu apporter la preuve du fait dénié.

M. Verhaegen. - J'apporterai les preuves.

- La clôture de la discussion générale est prononcée.

La séance est levée à 3 heures un quart.