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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 25 mai 1842

(Moniteur belge n°146 du 26 mai 1842 et Moniteur belge n°147 du 27 mai 1842)

(Moniteur belge n°146 du 26 mai 1842)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn procède à l'appel nominal à midi un quart.

M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Kervyn présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Des habitants de la commune de Rogne demandent que cette commune continue à faire partie du canton de Rochefort. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur les circonscriptions cantonales.


« Le sieur Grenier présente des observations concernant les projets de loi tendant à apporter des modifications à la loi communale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets.


« La veuve Wigny soumet à la chambre la décision que le conseil d'administration de la caisse de retraite a prise, sous la date du 12 mai 1842, relativement à sa demande de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi apportant des modifications à la loi communale, en ce qui concerne les bourgmestres

Discussion générale

M. Orts (pour un fait personnel). - Je demande la parole pour un fait personnel. Messieurs, en répondant, à la fin de la séance d'hier, à mon discours, l'honorable ministre de l'intérieur, a dit :

« Si l'enquête est insuffisante, comme le pense l'honorable M. Orts, tant mieux pour vous, qui voulez le rejet de la loi.

« Vous demanderez le rejet de la loi en disant au ministère, que l'enquête est insuffisante, pourquoi donc voulez-vous la faire compléter ? »

Ces paroles prouvent de deux choses l'une :

Ou le ministère comprend bien mal les devoirs d'un député, ou il me suppose capable de les violer.

Mon mandat m'impose l'obligation de ne pas voter en aveugle, pour ou contre la loi.

Il me fait un devoir de chercher à m'éclairer par tous les moyens légaux.

Placé entre une enquête insuffisante, émanée des agents du gouvernement, contredite par les députations permanentes des provinces, je demande un plus ample informé sur tous les projets de loi et amendements présentés ; que me répond-on ?

« Si vous ne voyez pas dans l'enquête administrative des gouverneurs et commissaires de district tout ce que moi, ministre, j'y découvre, tant mieux pour vous, vous demanderez le rejet de la loi. »

Ce qui se réduit à dire : Vous ferez aveuglement de l'opposition quand même.

Est-ce la conduite que tiendrait à ma place le ministre, s'il n'était, comme moi, que simple député ?

Il n'oserait dire oui. Dès lors la réponse est une injure gratuite, qu'il m'adresse.

Mais elle ne peut m'atteindre ; je fais mon devoir, je suis dans mon droit en sollicitant des renseignements plus précis et qui soient de nature à m'inspirer plus de confiance que ceux fournis par les agents du pouvoir exécutif.

Mes concitoyens apprécieront ma démarche, et jugeront ma conduite.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis étonné du sens que l'honorable préopinant attache aux paroles, d'ailleurs très exactes d'après la lecture qu'il en a faite...

M. Orts. - Et que j'avais recueillies à la séance d'hier.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous avez bien fait de les recueillir, je ne les désavoue pas. La chose est la plus simple du monde. Le gouvernement est demandeur : il s'adresse à la chambre pour obtenir des changements à une loi ; on lui répond que sa demande n'est pas suffisamment motivée, que l'instruction n'est pas complète. C'est ce que les adversaires du projet soutiennent ; qu'ils démontrent que les changements proposés ne sont pas suffisamment motivés, que l'instruction est incomplète, alors le rejet est complètement motivé. Ce n'est pas répondre en aveugles. C'est au gouvernement à apporter la preuve de la nécessité de la loi qu'il vous présente ; cette preuve il l'a apportée ; il la croit complète. L’honorable membre la croit incomplète ; je lui dis : tant mieux pour vous qui ne voulez pas de la loi, vous y puiserez des raisons pour engager la chambre à la rejeter.

L'honorable membre m'a interpellé et a demandé ce que je ferais en pareille circonstance. Je n'hésiterai pas à dire qu'en sa place je répondrais au gouvernement : Vous auriez dû, en demandant des modifications à une loi aussi importante que celle de l'organisation communale, arriver devant nous avec une instruction complète, avec une instruction non suspecte. Comme vous nous apportez une instruction incomplète et suspecte, je vote contre votre projet.

Voilà la position que je prendrais, et je ne croirais pas, en la prenant, me manquer a moi-même ; j'en appelle aux antécédents parlementaires de chacun de nous ; je demande si j'ai manqué à la dignité de la chambre ou à la dignité de l'un de nous en m'exprimant comme je l'ai fait dans la séance d'hier.

M. Fleussu. - Messieurs, deux propositions d'ajournement vous sont soumises. Ces deux propositions, bien qu'elles aient beaucoup d'analogie entre elles et paraissent se confondre, sont cependant essentiellement différentes.

La proposition de l'honorable M. Pirson tend à faire ajourner toute discussion des lois dont il s'agit jusqu'à la session prochaine, afin de laisser au gouvernement le temps de présenter un projet de loi complet ; ce sont les termes de la proposition.

Cette motion est un véritable rejet de la loi présentée.

Je ne suis pas partisan des mesures indirectes. Quand je veux le rejet d'une loi, je le dis formellement, je ne me prononce pas indirectement.

Quant à l'autre proposition de M. Pirson, elle tend à proroger les pouvoirs que les mandataires des communes tiennent des électeurs ; l’honorable M. de Theux a dit avec raison que ce serait se mettre au-dessus de la constitution, que de continuer ainsi les mandats des conseillers communaux. Il vous est arrivé de continuer des mandats donnés par le peuple, mais ç'a été dans des circonstances tour à fait extraordinaires. Avant l'organisation provinciale, nous avons, d’année en année, prorogé par une loi les pouvoirs des états provinciaux, jusqu'au vote de la loi provinciale, Mais, je le répète, cela pouvait se faire dans les circonstances extraordinaires où nous nous trouvions et ne peut plus se faire dans des temps réguliers.

Je me prononce donc contre la double proposition de M. Pirson. Mais il en est tout autrement de la proposition de M. Orts ; quant à celle-là, je la comprends ; je la regarde comme très fondée, comme très raisonnable. J'avoue même que si j'avais été incertain sur le vote à émettre sur cette proposition, la pauvreté des moyens qu'on a fait valoir pour la combattre m'aurait déterminé à voter pour son adoption.

Concevez-vous que ce soit par des fins de non-recevoir qu'on vienne combattre une semblable proposition ? Opposer des fins de non-recevoir quand il s'agit des intérêts du pays ! Prétendre que la chambre se serait mise dans une position telle qu'elle ne pourrait pas recevoir les renseignements dont elle aurait besoin !

On vous a dit qu'il y avait une espèce de préjugé, que la demande de renvoi aux sections était un ajournement déguisé. Nous avons demandé ce renvoi parce que les sections ne s'étaient pas occupées des nouvelles propositions faites par le ministre. La chambre, à une majorité très faible, a décidé que toutes les propositions seraient renvoyées à la section centrale comme amendements au projet primitif. La section centrale s'est chargée de donner raison à la minorité. Car ce qui lui avait été renvoyé comme amendements, elle le reproduit en projets différents.

Si ces amendements devaient faire l'objet de projets différents, il fallait observer le règlement, renvoyer ces propositions aux sections pour savoir si elles en autorisaient la lecture, en discuter la prise en considération, les renvoyer à l'examen des sections, et après le travail des sections attendre le rapport de la section centrale.

Voilà le règlement. Mais les questions de règlement pâlissent devant les questions graves qui se présentent en ce moment.

Du reste, je le répète, s'il y a eu manquement à la chose jugée, c'est de la part de la section centrale, car la chambre lui a renvoyé des amendements, et la section centrale les reproduit en en faisant l'objet de projets séparés. C'est ainsi qu'elle a manqué à la chose décidée.

Messieurs, on parle de la chose jugée ; mais lorsque la chambre a prononcé le renvoi à la section centrale et décidé que les sections ne s'occuperaient plus des propositions relatives à la loi communale, est-ce que la chambre connaissait la gravité des propositions qui ont été faites ? Non ; car c'est le lendemain seulement que toutes ces propositions se sont fait jour, de sorte que la chambre a renvoyé à la section centrale des propositions, sans en connaître l'importance. Maintenant que la gravité de ces propositions est connue, vous refuseriez d'interroger ceux qui peuvent donner des renseignements sur les abus qui peuvent exister et sur l'efficacité du remède à y apporter.

M. Orts, pour faire admettre sa proposition, a fait valoir les précédents de la chambre. Il vous a dit que la loi d'organisation judiciaire avait été renvoyée au corps de magistrature avant la discussion, que le projet portant des modifications au code pénal, projet qui date de loin, était depuis longtemps renvoyé aux cours ; il vous a parlé du projet concernant les circonscriptions cantonales qui leur a également été renvoyé ; il vous a dit enfin que le projet que vous avez converti en loi sur la voirie vicinale avait été soumis à l'examen préparatoire des députations provinciales. Il aurait pu aller plus loin, et je vais, autant que mes souvenirs me le permettent, compléter le tableau. Quand il s'est agi d'établir une ligne de navigation vers les Etats-Unis, le projet a été renvoyé aux chambres de commerce.

La loi sur les sucres, qui vous est soumise, n'a-t-elle pas été aussi renvoyée aux chambres de commerce pour avoir leurs avis. Il vous en arrive tous les jours, que M. le ministre des finances vous fait parvenir. La loi sur la répression de la fraude est encore soumise aux autorités qui peuvent donner des renseignements sur ce point.

S'agit-il de construire une route provinciale, on consulte les états provinciaux ; et quand il s'agit des intérêts les plus graves du pays, vous voulez discuter sans vous entourer des renseignements nécessaires. Non seulement il y a convenance à interroger les députations des états, je dis qu'il y a même nécessité pour votre propre dignité, à peine de voir éveiller les soupçons, la défiance, à peine de vous voir reprocher de manquer d'intérêt envers la commune, vous qui, en certaines circonstances, avez fait preuve d'une si vive sympathie pour elle.

J'ai vu un sourire sur les lèvres de certain député, quand j'ai parlé de vos sympathies. Je vais vous en donner la preuve. Vous la trouverez dans la revue rétrospective de ce qui s'est passé. La constitution, dans son art. 139, recommande à l'attention des prochaines législatures plusieurs objets auxquels il était nécessaire de pourvoir dans le plus court délai possible. Presque en tête de ces objets se trouve l'organisation provinciale et communale. Sous le régent, le ministre de l'intérieur (M. de Sauvage) s'est empressé de satisfaire à ce prescrit de la constitution, en présentant au congrès un projet de loi d'organisation provinciale et communale. Cette loi n'a pas été discutée, par suite de l'avènement du Roi ; comme c'était un nouveau pouvoir, il a fallu la présentation d'un nouveau projet de loi. Apres l'avènement du Roi, quel a été son premier soin ? De nommer une commission pour préparer un projet de loi relatif à l'organisation provinciale et communale. Lorsque cette commission eut terminé son travail, croyez-vous qu'il ait été soumis directement à la chambre ? Le travail a été renvoyé aux autorités provinciale et communale. Leurs observations ont été prises en considération ; le gouvernement a modifié le projet de la commission et l'a enfin présenté aux chambres. Voila ce qui s'est passé.

Maintenant qu'on veut renverser toute la loi, qu'on y touche dans toutes ses parties essentielles, vous pourriez, sans entrer dans une voie de réaction, passer outre à la demande qui vous est faite de continuer la discussion. Je vous prouverai dans un moment que le ministère n’a pas même fait une instruction sur le projet de loi qu'il est question de soumettre en premier lieu à vos délibérations.

J'ai dit que la loi communale est remise en question dans toutes ses parties essentielles. En effet, le premier projet présenté, celui du gouvernement, est relatif à la nomination du bourgmestre. M. le ministre de l'intérieur (il faut lui rendre cette justice) avait touché à la loi d’une main timide. Mais comme si le pays pliait sous le faix de ses libertés, voici ce que lui ont dit d’honorables membres : Puisque vous reprenez des libertés, reprenez-en davantage. Ce que vous faites ne suffit pas. Et M. le ministre de se laisser faire ; vous le concevez, M. le ministre a ainsi réalisé la prédiction de l’honorable M. Beyts. M. Beyts nous disait au congrès (je fais un appel au souvenir des honorable membres qui s’y trouvaient) :

« Pendant que vous avez la main dans le sac des libertés, prenez- en tant que vous pourrez ; car on vous en reprendra assez bien et assez tôt.» Voilà que la prédiction de M. Beyts se réalise au bout de 10 ans. Un changement dans la nomination en entraîne un autre dans les attributions ; c'était facile à prévoir. Je regrette d'avoir été aussi bon prophète. Il y a changement non seulement dans les attributions du bourgmestre, mais encore dans celles des échevins.

Dans une autre partie, le projet de loi touche aux finances ; car pour certaines communes (pour toutes celles où il y a un octroi) le gouvernement demande le droit d'approuver le budget de ces communes. Il est évident que cela met l'administration de ces communes à la discrétion du ministère qui a la faculté de refuser le budget tant que le conseil n'aura pas voté certaines dépenses qui plairont au gouvernement, ou bien qu'il n'aura pas rayé de son budget certaines dépenses qui ne seront point de son goût. Ainsi le conseil communal de Bruxelles accorde un subside à l'université libre ; la ville de Liége fait de grands sacrifices pour l'enseignement. Je suppose un ministère qui ne soit pas très favorable à ces dépenses, il pourra refuser l'approbation du budget de ces villes jusqu'à ce que ces dépenses aient été retirées.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On n'a pas refusé d'approuver le budget de la province du Brabant qui alloue un subside a l'université libre.

M. Fleussu**.** - Je ferai observer à M. le ministre qu'on peut faire ce qu’il n'a pas fait. M. Nothomb a été ministre longtemps sans porter la main sur la loi communale ; et il le fait aujourd’hui.

Ce n'est pas tout ! on va beaucoup plus loin : c'est une réforme électorale qu'on vous propose après avoir fait tant de difficultés quand elle était réclamée au nom des grandes villes. On veut, pour les élections, fractionner les communes par rues et bientôt par n°. Savez-vous pourquoi ? C'est facile à voir. Quand les élections auront lieu par sections, le gouvernement n'aura à exercer son influence que sur une partie des électeurs de la commune, et quand il parviendra à obtenir des conseillers dans l'une on l'autre de ces sections, c'est parmi eux qu'il choisira les échevins, et comme d'après le projet le choix du bourgmestre lui appartiendrait sans condition ni limites, l'administration communale se trouverait ainsi à la discrétion du pouvoir.

Il est vrai de dire que le ministre nous a dit que son projet n'avait pas cette portée. Il s'est plaint, en quelque sorte, d'avoir été débouté sur ce point. Mais si les propositions qui ont été faites ne plaisent pas au ministre, pourquoi s'y est-il rallié ? N'est-il pas vrai qu'en se ralliant aux propositions faites par un membre, le ministre les fait siennes et que par conséquent il doit en supporter toute la responsabilité.

Ainsi, ce n'est pas seulement à la loi communale que vous portez atteinte, que vous dérogez. Vous dérogez même à la loi provinciale ; car le droit de suspendre ou de révoquer un bourgmestre était dans les attributions du gouverneur, sauf avis préalable de la députation permanente. Maintenant, c'est un droit que le gouvernement exercera seul et sans contrôle.

Le budget des communes, c'était la députation provinciale qui l'approuvait, et pour certaines communes, cette approbation appartiendrait au gouvernement. Voilà donc encore une dérogation à la loi provinciale.

A propos d'attributions, je vous demande ce que seront vos échevins (je ne sais ce qu'on pourra me répondre), alors que vous attribuez au bourgmestre seul l'exécution des lois de police, l'exécution des lois, arrêtés et ordonnances de l'administration générale. Je sais que dans les villes il y a de quoi occuper plusieurs fonctionnaires : l'un se charge des travaux publics, un autre de la police, un troisième de l'étal, civil ; un quatrième est chargé des finances. C'est très bien pour les grandes villes. Mais dans les communes rurales, où l'administration est tout, où il n'y a un conseil délibérant que pour le budget, où tout est épuisé après cette délibération ; dans les communes rurales, où le conseil ne se réunit que très rarement, où, je le répète, le pouvoir administratif est tout, avec les attributions que vous donnez au bourgmestre, quelles seront celles des échevins ? Ils ne seront plus que des adjoints. On ferait mieux d'y mettre de la franchise, de rayer de la loi la dénomination de bourgmestre, de créer des maires payés par l'Etat et de leur donner des adjoints comme cela se faisait sous l'empire.

On nous objecte que nous avons l'enquête administrative ; l'enquête, ainsi que j'ai eu l'honneur de le faire observer, n'est pas relative au projet de loi qui concerne la nomination du bourgmestre. On n'a pas consulté les gouverneurs sur ce projet de loi ; on leur a demandé, au contraire, leur avis sur des abus soigneusement indiqués d'avance. Tous les gouverneurs ont fait de belles dissertations ; ils vous ont développé des considérations qui nous étaient très connues ; car il n'y a rien de neuf dans ce qu'ils ont dit. Lorsqu'on a discuté la question de la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil, on a dit que le bourgmestre ne serait pas entièrement indépendant, qu'il dépendrait du gouvernement d'une part et des électeurs de l'autre. Tout cela a été dit : si les gouverneurs s'étaient donné la peine de relire le Moniteur, ils auraient vu qu'ils n’ont rien appris de nouveau au ministre. Ils ont fait une belle dissertation sur un thème donner. Des faits ! c'étaient des faits qu'on demandait aux gouverneurs ; des faits, il n'y en a point. Oui, messieurs, on peut dire qu'il n'y en a point. J'ai lu fort attentivement l'enquête ; j'ai trouvé que dans 2,500 communes, si je ne me trompe, dans un espace de 5 ans, il y avait eu 12 à 15 faits irréguliers. (Je ne dis pas qu'il n'y en a pas eu d'autres, je ne parle que des faits qui ont été signalés.) Vous voyez que cela fait tout au plus quatre faits par année.

Mais voyons quels sont ces faits. Gardez-vous de croire que ce soient des méfaits, ni des forfaits. Ce sont des faits extrêmement innocents.

Par exemple, le bourgmestre d'une commune surprend à chasser dans le temps prohibé le fils d'un conseiller communal. Celui-ci va trouver le bourgmestre : « Gardez-vous (lui dit-il) de dresser procès-verbal ; car si vous le faites, j'intriguerai contre vous dans les élections. » Fait bien grave ! mais on ne nous dit pas si le bourgmestre a reculé devant la menace.

Un autre fait, c'est que dans une commune du Brabant, 3 conseillers communaux ont donné leur démission en même temps. Pourquoi ? Parce que le bourgmestre ne leur plaisait pas. Mais est-ce la faute de ces conseillers ? Est-ce la faute du choix du gouvernement ? Quand vous voulez faire délibérer des hommes côte à côte avec celui qui n'a pas leurs sympathies ; quand vous jetez la désunion dans la commune, quand vous prenez pour bourgmestre l'homme qui déplait à la majorité et qui est seul de son opinion dans le conseil, sont-ils donc à blâmer les membres du conseil communal qui, pour ne pas siéger à côté de lui, font usage du droit qu'ils ont de donner leur démission ?

Un autre fait est celui-ci : Dans une commune du Hainaut, il y avait une famille, exposée à tout le mauvais vouloir d'une autre famille, assez puissante pour entraver l'action de l'autorité locale, pour paralyser l'action de la gendarmerie.

Ah ! maintenant cela devient plus sérieux ; voilà, à coup sûr, des faits très graves ; mais quand je vois le remède qu'on a employé pour faire cesser ces excès, je me rassure. Savez-vous ce qu'il a fallu pour cela ? Il a fallu la présence du commissaire de district dans la commune. Cela est mis tout au long dans la lettre du gouvernement : le commissaire de district s'est transporté dans la commune, et il n'y a plus eu d’abus.

Mais il est une autre observation à faire : c'est que, dans cette même commune dont je vous parle, les personnes coupables étaient connues ; les autorités supérieures les connaissaient, et les autorités supérieures ne faisaient rien. Mais elles étaient donc complices de l'autorité inférieure ?

Cette enquête, messieurs, mais c'est un tissu de contradictions, même de la part de ceux qui ont donné les renseignements. Ainsi, par exemple, M. le ministre de l'intérieur disait hier : Nous avons surtout demandé des renseignements sur deux points, sur la milice et sur la police. Eh bien, examinons ce qui se trouve dans l'enquête sur la milice et sur la police.

Sur la milice, oh ! le gouverneur du Brabant s'en alarme beaucoup ; c'est un objet de grande injustice. Je ne puis même m'empêcher de vous faire connaître comment il s'explique :

« De grandes injustices, dont il est difficile de connaître le nombre et les détails se commettent dans la délivrance des certificats de milice ; souvent les certificats sont accordés avec la plus grande facilité, quelquefois refusés avec une excessive sévérité, et cela souvent par suite de la dépendance où se trouve le bourgmestre, à l'égard de ses électeurs. M. le commissaire de l'arrondissement de Nivelles me cite des communes où des certificats avaient été refusés à des miliciens qui, selon lui, y avaient droit.

Remarquez d’abord, messieurs, que la faculté d’accorder ou de ne pas accorder des certificats de milice est tout à fait dans les attributions des bourgmestres et des conseils communaux, et même des témoins ; que c’est une espèce de jugement qu’ils portent, que c’est contrôler leur jugement que de venir dire qu’ils ont forfait à leurs obligations.

Mais maintenant vous allez entendre le commissaire de district de Nivelles qui donne, lui, un démenti à M. le gouverneur du Brabant. Voici comment il s’explique :

« Il m’est bien difficile de répondre catégoriquement, et en citant des faits positifs à la dépêche ministérielle du 19 de ce mois, dont vous m’avez transmis copie par la vôtre du 22 n°45,421 D.

« D’abord, en ce qui concerne les certificats de milice, ce ne sont pas souvent les bourgmestres et échevins qui les signent seuls aux termes de l’art 185 de la loi du 8 janvier 1817, c’est le président de l’administration qui les délivre, mais conjointement aux deux membres du conseil communal. Or, quand ceux-ci ne sont pas échevins (et c’est le cas le plus commun) si la crainte de ne pas être réélus les engageait ou à refuser ces certificats ou à les accorder trop facilement, il n’y aurait pas de remède, car l’élection directe est pour eux un droit constitutionnel. »

Voilà, messieurs, comment raisonne, d’un côté, le gouverneur du Brabant, et comment lui répond, sans le savoir peut-être, le commissaire de district de Nivelles,

Après cela, messieurs, on nous a parlé de la police. Oh! pour la police, il est évident qu’elle ne se fait pas bien, parce que les bourgmestres n’osent pas l’exercer envers les électeurs influents. Ce sont précisément, à ce qu’il paraît, les électeurs qui se mettent le plus souvent en contradiction avec les lois de police. Eh bien ! voici ce que répond sur ce point un commissaire de district. C’est l’honorable M. Demonceau, commissaire de district de Liége, que j’aime à citer. Voici comment il s’explique :

« Malgré les renseignements que j’ai pris dans mes tournées, à la vérité on attribue bien, dans certaines communes, à la crainte de mécontenter les électeurs, la faiblesse de la police concernant l’entretien des chemins vicinaux et la fermeture des cabarets ; mais de tous temps il y a eu des influences qui ont paralysé l’action de la police; en pareil cas, et quel que soit le mode de nomination des bourgmestres, il y en aura toujours dans les communes rurales qui laisseront beaucoup à désirer sous ce rapport, parce qu’en général on trouve peu d’hommes indépendants par leur caractère et leur position et qui ne cèdent à l’amitié ou à des intérêts particuliers. Pour améliorer la police rurale, il faut plus que de bons bourgmestres, et je pense que le gouvernement devrait établir dans chaque canton judiciaire un commissaire spécial chargé de la recherche et poursuite des délits ruraux, ayant sous ses ordres de bons agents de police (pour remplacer les gardes-champêtres) et en nombre suffisant en rapport avec l’importance et l’étendue des cantons et qui pourraient agir dans toute l’étendue du canton. Quant aux certificats de milice que certains bourgmestres n’auraient osé délivrer, je dois faire observer que trois signatures, dont deux des conseillers communaux, sont nécessaires, et si j’ai pu croire dans certains cas que semblables certificats ont été refusés ou accordés trop facilement, c’est plutôt des influence de familles ou de parenté qui ont agi que la crainte des électeurs.

Sous ce rapport, quel que soit le mode des nominations des bourgmestres, l’avez-vous entendu, messieurs?

Eh bien ! voila ce qui se trouve dans l’enquête, alors qu’on vous dit que les lois de police sont en grande souffrance.

Vous ne trouvez, messieurs, dans l’enquête qu’une véritable dissertation, dissertation qui ne vous apprend rien de nouveau, parce que pendant trois sessions vous avez discuté la loi communale, et que le pour et le contre de toutes les parties de cette loi ont été suffisamment développés.

Mais félicitez-vous, dit M. le ministre de l’intérieur, de cet état des choses. Si l’enquête est insuffisante, comme le pense l’honorable M. Orts, tant mieux pour vous qui voulez le rejet de la loi vous demanderez le rejet de la loi en disant au ministère que l’enquête est insuffisante; pourquoi donc voulez-vous la faire compléter?

Messieurs, je n’accepte pas, moi, les félicitations de M. le ministre de l’intérieur, parce que, comme l’honorable M. Orts, je considère ces félicitations comme un outrage fort gratuit à nos intentions. Pourquoi, nous dit-il, demandez-vous à compléter l’instruction ? Pourquoi, messieurs ? Mais précisément pour vous donner des preuves de notre bonne foi. Vous faites éclater vos doléances sur l’insuffisance du pouvoir exécutif dans les communes. Eh bien nous voulons voir si ces doléances sont fondées. Vous ne l’avez pas établi jusqu’à présent; nous demandons un supplément d’enquête, et s’il en résulte que la part du pouvoir exécutif n’est pas assez forte, vous verrez si nous aussi nous ne voulons pas que le pouvoir exécutif soit respecté dans le pays et qu’il soit quelque chose dans l’administration des communes. Mais, ainsi que vous le disait l’honorable M. Orts, nous ne voulons procéder de cette manière que quand on nous aura signalé les abus et qu’on nous aura montré le remède efficace à ces abus.

Il y a, messieurs, une distance énorme entre une loi à faire et une loi faite. Quand vous discutez une loi, vous balancez tous les systèmes, et après les avoir balancés, vous adoptez celui qui vous paraît le plus convenable. C’est ce que vous avez fait lorsque vous avez discuté la loi communale. Mais pour démolir une loi, il faut, je le répète, que son insuffisance ait été attestée par des abus autrement graves que ceux qui vous sont signalés dans l’enquête. Il faut qu’on vous indique le remède à ces abus et que ce remède soit efficace.

Messieurs, ce n’est pas nous qui sommes des démolisseurs. Lorsque le ministère de M. de Theux est tombé, c’est qu’il est venu se heurter contre une question de dignité nationale. Si le ministère précédent est tombé, ce n’est pas nous qui avons délié sa conscience pour voir les sentiments religieux qui y dominaient ; c’est pas nous qui avons fait tomber ce ministère; et puisque nous voulons que nos institutions communales restent debout, ce n’est pas nous qui sommes les démolisseurs.

Mais, nous dit-on, vous voulez faire un appel des avis des gouverneurs à ceux des députations permanentes. Mais non, messieurs; car ce n’est pas le projet de loi qui a été soumis à l’avis des gouverneurs et des commissaires de district : on leur a fait une simple demande: y a-t-il des abus résultant du mode actuel de nomination des bourgmestres, ce mode est-il convenable? Et ils ont donné leur opinion, mais ont-ils donné leur opinion sur le projet? Non, nous ne faisons donc pas un appel des gouverneurs aux députations permanentes, et nous ne cherchons pas à établir un conflit entre les administrateurs etc la nation et ceux du pouvoir.

On vous dit, messieurs, que la nation est attentive à nos débats, que l’opinion publique est éveillée et qu’il faut que ces questions disparaissent d’une manière ou d’autre.

Oui, messieurs, la nation est attentive à nos débats; oui, l’opinion publique est éveillée. Mais qui donc l'a éveillée ? Sont-ce nos discussions ? Pas du tout ; ce sont les projets de loi du gouvernement et les propositions qui émanent de quelques membres de cette chambre. Et si vous voulez calmer l’opinion publique ; si vous voulez qu’elle ait confiance dans vos décisions ; eh bien ! donnez-lui la preuve que vous ne procédez qu'avec la plus grande circonspection ; donnez-lui la preuve que, quand vous modifiez une loi d'institution organique, c'est qu'il n'y a pas moyen de faire autrement. Et soyez sûrs que si vous remettez la discussion de la loi jusqu'à ce que des renseignements vous arrivent, l'opinion publique se calmera ; elle attendra le résultat de l'enquête à laquelle nous vous convions.

Et puis, messieurs, la loi communale n'est-elle pas une image de notre constitution ? N'est-elle pas une transaction entre le pouvoir exécutif et l'élément démocratique ? Et ne vous effrayez pas de ce mot ; la démocratie, c'est la partie intelligente de la nation ; ce n'est pas la démagogie.

Je dis donc que la loi communale est une transaction entre l'élément démocratique et le pouvoir exécutif. Pour rompre cette transaction, vous dites que vous avez consulté, qui ? Les hommes du gouvernement, les hommes du pouvoir. Mais comme il y a une transaction et que nous ne voulons pas la rompre sans avoir consulté toutes les parties intéressées, nous demandons que l'on consulte également les autorités administratives qui représentent l'élément démocratique ; nous demandons une chose fort juste, c'est de consulter à notre tour les représentants de la nation dans l'administration ; car nous ne sommes pas les représentants de la nation dans l'administration. Ce sont les conseils provinciaux, les députations permanentes qui sont ces représentants.

Eh bien ! si vous voulez rompre la transaction, si vous voulez en venir à une autre, mais permettez-nous de consulter à notre tour et dans notre intérêt, vous qui avez consulté dans le vôtre.

Messieurs, je vous avoue que je ne comprends pas que l'on puisse de bonne foi faire de l'opposition à la motion de l'honorable M. Orts. Si véritablement, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, ce projet de loi n'a pas de tendance à la réaction, si, comme il le dit, il ne masque pas une pensée politique, il est évident, messieurs, que ce que nous demandons est tout à fait rationnel. Nous demandons de plus amples éclaircissements. Nous demandons aussi que nous ayons le temps d'examiner la loi actuelle dans toutes ses fonctions. Car d'ici à la session prochaine, les élections auront eu lieu. Nous verrons comment aura fonctionné la loi ; nous verrons s'il y a véritablement des abus, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur.

Ou bien, M. le ministre de l'intérieur craindrait-il que le choix ses bourgmestres ne soit pas ratifié par les élections prochaines ? Eh bien, pour dire toute ma pensée, je crois que c'est là le véritable motif du projet. On n'a pas voulu que les choix du gouvernement fussent soumis à la ratification des électeurs. Et voila aussi pourquoi M. le ministre de l'intérieur s'oppose à la motion d'ordre.

Cependant, messieurs, il n'y a pas de péril en la demeure. En 1830, nous avons abrogé la loi fondamentale, et par là nous avons placé l'autorité supérieure désarmée devant l'autorité communale qui ne devait son élection qu'à l'autorité populaire ; et cependant nous avons été six ans sans nous presser de faire une loi communale. Et pourquoi, messieurs ? Parce qu'on a voulu procéder avec une sage lenteur, parce qu'on savait que la loi communale est la base des libertés dans un pays.

Maintenant, si les élections se font avant que votre projet ne soit converti en loi, eh bien ! nous aurons un argument de plus ou de moins à faire valoir contre lui ; et puis, que craignez vous ? Ce n'est qu'au mois de janvier 1843 que les nouveaux conseillers entreront en fonctions. Il n'y a donc aucune considération qui puisse militer contre la motion d'ajournement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il m'est extrêmement difficile de rendre compte de la marche que l'on veut suivre dans cette discussion ; à chaque moment, sous prétexte de défendre des motions d’ordre, on aborde le fond de la discussion, et non seulement on examine le fond des trois projets qui sont présentés, mais on a même porté l'examen sur les projets concernant la comptabilité communale. Ainsi, par une discussion anticipée, on cherche à faire naître des préventions de toute espèce ; on aurait beaucoup mieux fait de laisser arriver la discussion générale ; car quiconque assiste à cette discussion préliminaire doit s'y méprendre à chaque instant. Les deux tiers des arguments présentés par l'honorable préopinant appartiennent à la discussion du fond, et non seulement à la discussion du fond des trois projets présentés en premier lieu par la section centrale, mais même à la discussion des autres projets.

Très souvent, messieurs, on nous a accusé de transporter l'administration dans la chambre ; maintenant c'est tout le contraire qu'on nous propose de faire ; d'après le système qu'on veut faire prévaloir, il ne serait plus permis à la chambre d'exercer le pouvoir législatif sans avoir auparavant consulté toutes les autorités que l’on jugerait convenable de désigner. Le gouvernement a consulté ceux de ses agents qu'il a cru devoir consulter, les gouverneurs, mais il aurait pu ne pas les consulter ; il aurait pu présenter les propositions à la chambre sans faire auparavant l'espèce d'enquête administrative qu'il a faite.

Quoiqu'il en soit, messieurs, une enquête administrative a été faite ; on la trouve insuffisante ou suspecte ; on fait plus, on veut faire un appel des gouverneurs aux autorités électives. Mais, messieurs, on ne devrait pas s'arrêter là, on devrait faire un appel aux autorités électives en excluant cette fois les gouverneurs ; pour ne pas rendre la nouvelle instruction suspecte, on devrait demander que pour cette fois les députations ne fussent pas présidées par les gouverneurs ; c’est là qu on devrait en venir pour être conséquent.

L’honorable préopinant a combattu, comme je l'avais fait hier, l'ajournement proposé par M. Pirson. Il a considéré cet ajournement comme un véritable rejet. Je vous avoue, messieurs, qu'il m'a ensuite extrêmement étonné, et il aura étonné la plupart d'entre vous, lorsqu'il n'a plus voulu reconnaître le même caractère à l'ajournement proposé par l'honorable M. Orts. L'ajournement proposé par l'honorable M. Orts équivaut, à mes yeux, à un rejet, tout comme celui qui est proposé par l’honorable M. Pirson. Il présente tous les inconvénients de celui-ci, le renvoi à la session prochaine, d'abord.

M. Fleussu**.** - Du tout.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - Mais l'honorable préopinant lui-même, dans la dernière partie de son discours, admet le renvoi jusqu'à la session prochaine, après les élections du mois d'octobre ; d'ailleurs pour contester qu'il y aurait renvoi à la session prochaine, il faudrait soutenir que les députations permanentes vont répondre dans un délai assez rapproché pour que vous puissiez reprendre la discussion avant la clôture de la session ; or, c'est là chose complètement impossible.

Ainsi, messieurs, l'ajournement proposé par M. Orts, comme celui qui est proposé par l'honorable M.. Pirson, c'est le renvoi à la session prochaine, et l'honorable préopinant ne doit pas se dissimuler que le gouvernement ne peut pas accepter un semblable ajournement ; la raison de cela, je l’ai déjà dite hier ; on a fait de ces questions un moyen d’agitation dans le pays ; il est du devoir du gouvernement et de la législature de faire cesser cette cause d'agitation. Cette agitation, il est vrai, avec notre forme de gouvernement, se produira chaque fois qu'une question un peu grave est soumise aux chambres, mais il n'en est pas moins du devoir du gouvernement et de la chambre de ne pas la perpétuer. Si donc l'ajournement était adopté, soit dans la forme proposée par l'honorable M. Pirson, soit dans celle proposée par l'honorable M. Orts, ce qui est à mes yeux la même chose, au fond, le gouvernement devrait retirer les projets.

L'honorable préopinant vous a dit que la loi communale repose sur une transaction, et que cette transaction ne doit pas être rompue ; que c'est une transaction entre le pouvoir exécutif et ce qu'il a appelé l'élément démocratique.

Lorsque la loi communale a été discutée en 1834, 1835 et 1836, ceux qui demandaient ce que le gouvernement demande aujourd'hui en faveur du pouvoir exécutif, soutenaient que la transaction dont on parle n'existait pas ; la majorité a décidé le contraire, la majorité est aujourd'hui appelée à prononcer sur la révision que nous proposons. (Interruption.)

En 1834, 1835 et 1836, nous avons soutenu que la transaction n'existait pas, que le pouvoir exécutif n'était pas véritablement représenté dans la commune, et pour prouver cela, messieurs, il n'est pas besoin d’enquête, il suffit de la vie quotidienne de chacun de nous, de l'expérience journalière de chacun de nous. Le gouvernement central n'est pas représenté dans la commune ; l'agent qu'il y possède n’est pas réellement son agent, par suite de toutes les circonstances dans lesquelles il se trouve, par suite de son origine même. Je le répète, il ne faut pas d'enquête, il suffit de l'expérience journalière de chacun de nous pour prouver cela.

On a donc cru, en 1834 que l'on ne dérogeait pas au principe constitutionnel qui veut que le gouvernement central soit représenté dans la commune, mais les faits prouvent qu'il a été dérogé à ce principe. Cette simple considération de principe aurait suffi pour déterminer le gouvernement à nous faire les propositions qui nous sont soumises avant d'attendre l'épreuve du mois d'octobre prochain ; mais à cette considération de principe viennent se rattacher tous les faits qui sont signalés dans l'enquête. Je ne veux pas discuter ces faits maintenant, ce serait anticiper sur la discussion du fond. Je me borne pour le moment à demander que la chambre maintienne la décision qu'elle a prise, qu'elle exerce le pouvoir qui lui est attribué par la constitution, qu'elle n'ordonne pas de nouveaux renvois, mais qu elle passe à la discussion du fond.

M. Pirson**.** - Messieurs, l'honorable M. Fleussu, au début de son discours, a fait un parallèle entre la proposition que j'ai faite hier et celle de l'honorable M. Orts ; il a dit que ma proposition tendait à un rejet déguisé des projets qui nous sont soumis et qu'il fallait avoir le courage de son opinion ; que, quant à lui, il avait toujours ce courage et qu'il rejetterait les projets, s'il le croyait nécessaire. Je ne m'attendais pas, messieurs, à entendre l'honorable M. Fleussu me reprocher de ne pas avoir le courage de mon opinion, car j'ai bien souvent été accusé d’exprimer mon opinion avec trop de vivacité ; dans tous les cas je ne cherche jamais à la déguiser.

Maintenant, je demanderai la permission de répondre quelques mots à l’honorable M. de Theux qui a combattu hier ma proposition. L'honorable M. de Theux a dit que ma proposition soulève un scrupule constitutionnel ; or, un pareil scrupule doit avoir une grande influence dans cette chambre, et je désire que, sous ce rapport, tout le monde se montre toujours également susceptible. Je ne soupçonne personne de ne pas avoir de semblables scrupules chaque fois que quelque chose peut y donner lieu.

L'honorable M. de Theux a dit que l'ajournement du renouvellement partiel des conseils communaux, qui doit avoir lieu au mois d'octobre prochain, serait une violation de la constitution, parce que, dit-il, les pouvoirs des conseillers communaux doivent venir directement de l'élection. En bien, messieurs, ma proposition ne contrarie en rien la disposition constitutionnelle dont il s'agit.

Voici en effet, ce que dit la constitution :

« Les fonctions provinciales et municipales sont réglées par des lois ; ces lois consacrent l’application des principes suivants ;

« L'élection directe, etc. »

Eh bien, messieurs, l'élection directe a eu lieu : Le terme pendant lequel les administrations communales doivent continuer leurs fonctions est réglé par la loi ; la loi a fixé ce terme à six ans, et la moitié des conseillers communaux qui doivent sortir cette année auront fini ces six ans ; mais je crois que la loi peut fort bien prolonger ce terme d'une année, car l'honorable M. de Theux lui-même propose de fixer le terme à 8 années, et par conséquent ma proposition rentre dans celle de l'honorable M. de Theux. Ce que la loi a réglé, la loi peut le modifier. D'ailleurs, ma proposition n'empêche en aucune manière les conseillers municipaux de tenir leur mandat de l'élection directe, et dès lors la constitution ne serait pas violée.

Quant à ma proposition, vous vous rappellerez que je vous ai dit hier que si l'honorable M. Orts n'avait pas pris l’initiative, pour en faire une qui se rattachait jusqu’à un certain point à la mienne, j'aurais attendu la discussion pour présenter celle-ci.

M. Fleussu. - Je dirai à l'honorable M. Pirson, que, dans sa longue et honorable carrière il a fait trop souvent preuve d'un grand courage civique et d'indépendance, pour que ce soit moi qui vienne lui faire un reproche de n'avoir pas le courage de son opinion.

M. de Theux**.** - Messieurs, je répondrai en peu de mots aux griefs qui ont été articulés hier contre la section centrale par l'un de ses membres ; j’ajouterai ensuite quelques observations, quant à la motion d'ordre en discussion. Je serai très court.

L'honorable M. Verhaegen a regretté que la section centrale n'ait point consacré un temps plus long à l'examen des propositions dont il s'agit.

Je regrette, messieurs, que l'honorable membre n'ait pas présenté cette observation dans le sein même de la section centrale ; car je suis persuadé qu'elle eût fait droit à ce grief, et qu'elle eût écouté toutes les objections qu'il aurait voulu lui soumettre.

M. Verhaegen**.** - Je demande la parole.

M. de Theux**.** - La section centrale n'a pas précipité son travail, et ce travail n'est pas insuffisant.

C'est dans la séance du 14 mai que les divers amendements ont été présentés et développés, et c'est à la suite de ces développements que l'honorable M. Angillis insistait déjà pour que la discussion fût fixée au mercredi suivant, c'est-à-dire, au 18 mai, et cependant la section centrale n'a présenté son rapport que le 19 mai. On ne peut donc pas ici articuler contre elle le grief de précipitation.

Maintenant, pour apprécier si la section centrale a consacré un temps suffisant à l'examen des divers amendements, il suffit de lire les propositions qu'elle vous a soumises et les motifs qui les accompagnent. La section centrale a consacré six heures de travail consécutif à l'examen des divers projets et elle s'est décidée à le faire, parce que la chambre avait manifesté le désir d'avoir un rapport dans le plus bref délai possible : ce que je lui avais promis de ma part dans la séance du 14 mai.

Il est à remarquer que tous les faits avaient déjà été examinés lors du premier rapport de la section centrale ; il ne s'agissait donc plus que d'examiner les amendements en rapport avec les faits qui étaient établis et constants pour elle. La présentation de ces amendements avait été précédée d'une discussion de plusieurs jours dans laquelle divers principes, relativement à l'administration communale, avaient été développés ; dès lors, le travail de la section centrale était singulièrement facilité.

La section centrale n'a pas eu à s'occuper, comme le prétend l'honorable M. Verhaegen, de la révision entière de la loi communale. Il est très vrai que, par suite de la présentation du projet de M. le ministre de l'intérieur, divers amendements ont pu être présentés, soit pour restreindre ce projet, soit pour en élargir le cercle, parce que la véritable question dont la chambre est saisie est celle de l'examen des remèdes à apporter aux divers abus qui ont été signalés. Mais de ce que divers amendements ont pu être présentés à la loi communale, il ne s'ensuit pas que la section centrale ait dû examiner toute la loi communale ; son travail n'avait pour objet que les amendements proposés, auxquels elle a pu en joindre d'autres, suivant qu'elle le jugeait nécessaire.

Vous voyez donc, messieurs, que le travail de la section centrale, ainsi circonscrit, pouvait être très bien formulé dans un laps de temps de six heures pendant lequel, j'ose le dire, sans crainte d'être démenti, toutes les objections contre les amendements ont été présentées, ainsi que toutes les observations à l'appui des propositions qu'elle a soumises. Je m'en rapporte au témoignage des honorables membres qui ont assisté aux délibérations de la section centrale.

Un second grief articulé contre le travail de la section centrale, c'est la division des amendements en trois projets de loi ; eh bien, en cela encore, la section centrale n'a fait qu'imiter le précédent posé par M. le ministre de l'intérieur, qui avait saisi la chambre de quatre projets de loi apportant des modifications à la loi communale.

Je ferai remarquer de plus que lorsque les amendements ont été présentés en séance publique, M. le ministre de l’intérieur s'est réservé de demander la division de ces amendements en plusieurs projets ; et lors de l'énonciation de cette réserve, il n'a été fait aucune objection. Ainsi, la section centrale n'a rien fait d'insolite, en divisant les amendements en trois projets.

J'aborde maintenant quelques observations relatives à la motion d'ordre.

L'on a dit qu'il était d'autant plus essentiel de consulter les députations permanentes des conseils provinciaux, qu'elles sont en contradiction formelle avec les rapports adressés par les gouverneurs au ministre de l'intérieur.

Cette assertion ne me paraît pas exacte. Je ferai remarquer que les rapports des députations permanentes contiennent des réserves, Ainsi l'on a soin de dire : La plupart des administrations communales répondent au vœu de la loi. Je pourrai ajouter une autre objection, c'est que les rapports annuels des députations permanentes sont destinés à être envoyés à toutes les administrations communales, à être insérés dans le Mémorial administratif. Or, les députations permanentes, qui sont des autorités électives, ne saisissent pas cette occasion d'adresser un mauvais compliment aux administrations communales. Je pense qu'il est inutile d'en dire davantage sur ce point je serai facilement compris.

L'on a été plus loin, l'on a cité un gouverneur qui aurait déclaré que depuis qu'il était à la tète de l'administration de sa province, il n'avait aucun fait à signaler. Et cependant, veuillez le remarquer, ce gouverneur est un de ceux qui insistent le plus sur la nécessité d'apporter des modifications à la loi communale. Ce fonctionnaire serait-il en contradiction avec lui-même ? Non, messieurs, il n'en est pas ainsi ; mais ce fonctionnaire, qui avait connaissance des difficultés que le gouvernement avait rencontrées dans plusieurs localités de la province, pour la nomination des bourgmestres et échevins, n'a pas cru prudent d'articuler des faits qui étaient de nature à renouveler d'anciennes dissensions ; il a cru dès lors plus convenable de les passer sous silence, et d'ailleurs le gouvernement en était suffisamment informé.

Il est à remarquer que ceci s'applique aux rapports des gouverneurs en général. Il est, pour ainsi dire, impossible d'articuler des faits précis, sans soulever en même temps des questions de personne. Or, il est excessivement désagréable de soulever des questions personnelles dans des rapports qui peuvent acquérir de la publicité. C'est ainsi que les rapports ont été communiqués à la section centrale et livrés ensuite à l'impression. Je le demande, si les gouverneurs étaient entrés dans tous les détails administratifs qu'ils auraient pu signaler au gouvernement, cette communication n'aurait-elle pas donné ouverture à de graves inconvénients dans leurs provinces ? La réponse affirmative à cette question n'est pas douteuse.

Messieurs, on a encore objecté que les gouverneurs avaient été seulement consultés sur la nomination des bourgmestres.

Mais, messieurs, les gouverneurs ont signalé des faits, et dès lors le gouvernement et les chambres doivent apprécier si, en apportant des modifications au mode de nomination des bourgmestres, on aura détruit le mal, ou bien s'il est nécessaire d'apporter encore d'autres modifications à la loi communale Tel est véritablement l'objet du débat ; il nous suffit de connaître les faits, c'est à nous d'y appliquer le remède ; ce ne sont pas les gouverneurs, les députations permanentes qui ont à nous proposer des articles de loi : c'est là notre ouvrage ; les autorités provinciales doivent se borner à articuler des faits, c'est à nous à chercher le remède aux abus qui sont signalés.

On a été plus loin, on s'est prévalu du discours d'ouverture prononcé par le Roi en 1836.

Eh bien, messieurs, si l'on avait fait attention aux paroles du discours royal, l'on aurait reconnu que le Roi s'est borné à exprimer un vœu, à faire en quelque sorte une recommandation de modération aux diverses autorités. Voilà, messieurs, le vrai sens du discours d'ouverture ; je crois aussi que tel a été le sens des réponses des deux chambres.

Le sens que je viens d'indiquer est d'autant plus positif, que dans la longue discussion de la loi communale, commencée quand l'honorable M. Rogier était ministre de l'intérieur, et reprise lorsque j'étais aux affaires, M. Rogier et moi, avons toujours demandé pour le gouvernement plus de pouvoir que la chambre ne lui en avait accordé, parce que la chambre était encore sous l'influence des arrêtés du gouvernement provisoire, qui avaient établi partout l'élection directe. Je suppose que la chambre a voulu faire une épreuve du système qui a été consacré par la loi de 1836, avant d'aller aussi loin que le gouvernement le croyait nécessaire dès 1834.

Je ne suivrai pas les orateurs qui ont parlé, dans les observations qu'ils ont faites sur le fond du projet de loi, ce serait anticiper.. Cependant il est une objection que je dois repousser, c'est que, dans l'intention de la section centrale, l'on aurait donné un caractère politique aux modifications de la loi communale ; il n'en est rien, messieurs, la section centrale ne s'est occupée des modifications que dans le but d'améliorer l'administration communale ; mais à voir la tournure qu'a prise la discussion, nous sommes peut-être en droit de croire que les adversaires du projet veulent donner une importance politique aux institutions communales, en déplaçant en quelque sorte les influences que la constitution a établies ; car la constitution n'avait d'autre objet en décrétant les institutions communales que d'assurer une bonne administration des communes, une bonne administration des intérêts communaux, et non de faire aux communes une position politique et d'y transporter des discussions qui doivent se renfermer dans l'enceinte législative.

On a établi des comparaisons entre le projet du gouvernement et celui de la section centrale et la loi communale d'un pays voisin. C'est encore là une anticipation sur la discussion du fond. Quand cette discussion sera ouverte, je ne craindrai pas de l'aborder pour démontrer que la loi communale modifiée comme le propose la section centrale, est une institution plus libérale que celle dont jouisse aucun pays de l'Europe. Cette démonstration .sera très facile, il suffit de l'indiquer. Je ne veux pas la faire maintenant pour ne pas m'écarter de l'objet en discussion.

Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. Verhaegen. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - Sur quoi ?

M. Verhaegen. - On m'a attribué d’avoir dit ce qui s'était passé à la section centrale et de n'avoir pas été conforme à la vérité. C'est à cela que je veux répondre.

Je dis et je maintiens que, pour une question aussi grave que celle qui nous occupe, on n'a pas pris la peine de l'examiner. Quatre ans de discussion ont été consacrés à faire la loi de 1836, et quand il s'agit de renverser cette œuvre de quatre années de travaux, il suffit à la section centrale de l'examen d'un seul jour.

L'honorable M. de Theux me dit que la discussion a été libre au sein de la section centrale. Oui, j'ai pu y présenter toutes mes observations, mais je n'ai pas trouvé de contradicteurs. Il en a été à la section centrale comme il en paraît devoir en être ici ; tous les discours s'élèveront de nos bancs, on ne prendra pas la peine d'y répondre, et on consommera l’œuvre d'iniquité.

M. de Theux, rapporteur. - On a voulu comparer le travail de la section centrale avec celui de la chambre, quand il s'est agi de la confection de la loi communale. Vous concevez combien cette comparaison est fausse. Quand les chambres ont élaboré la loi communale, elles ont eu à faire un code complet. La section centrale, au contraire, n'avait que quelques articles à examiner ; elle a consacré six heures à cet examen, et ce n'est qu'après une longue discussion qu'elle a adopté chacune des propositions qu'elle vous présente.

Il est un deuxième point que je maintiens exact. L'honorable membre soutient qu'il lui a été permis de faire toutes ses observations au sein de la section centrale, mais que personne n'a pris la peine de le réfuter et qu'on a adopté les dispositions proposées.

Je déclare que les souvenirs de l'honorable membre le trompent, que, pour ma part, j'ai combattu ses observations et que les amendements ont été longuement discutés. J'en appelle à MM. Malou et Cools qui étaient présents.

Vous avez du reste le travail de la section centrale sous les yeux. Vous pouvez apprécier si les dispositions qu'elle vous présente sont bien coordonnées, et si les motifs qu'elle vous donne à l'appui vous paraissent fondés.

Je n'insisterai pas sur cette espèce de reproche de légèreté adressé à la section centrale, jamais travail n'a été plus consciencieux que celui qu'elle a fait sur les amendements qui lui ont été renvoyés.

- La clôture est prononcée.

M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. Orts, qui est ainsi conçue :

« Je demande le renvoi des divers projets de loi et des modifications présentées sous le nom d'amendements, aux députations permanentes des conseils provinciaux, pour avoir leur avis sur les résultats qu'a présentés la loi du 30 mars 1836 dans son exécution.

« Je demande que toute discussion des projets et des amendements actuellement soumis à la chambre soit suspendue, et le vote ajourné jusqu'après les rapports et avis des députations permanentes des conseils provinciaux.

- Plusieurs membres demandent l'appel nominal ; il est procédé à cette opération.

Nombre des votants, 83.

Se sont abstenus, 2 membres.

Ont répondu non, 49.

Ont répondu oui, 32.

En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.

M. Dumortier. - N'ayant pas assisté à la discussion et ne connaissant pas les motifs donnés pour ou contre la proposition, j’ai dû m’abstenir.

M. Pirson**.** - Je me suis abstenu parce que j'avais fait une proposition qui rentrait jusqu’à un certain point dans celle de M. Orts, mais je trouvais et je trouve encore que la mienne est aussi rationnelle, parce que ce n'est pas au corps législatif à demander des renseignements aux autorités provinciales. Nous pouvons bien renvoyer un projet au ministère avec invitation de nous présenter des renseignements, mais demander directement un rapport des députations provinciales, je crois que c'est sortir des attributions du corps législatif.

Ont répondu non : MM. Brabant, De la Coste, Cogels, Cools, Coppieters, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Kervyn, Lejeune, Liedts, Maertens, Malou, Mast de Vries, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Peeters, Raikem, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Vanden Eynde, Vandensteen, Vanderbelen, Van Volxem, Wallaert, Zoude et Fallon.

Ont répondu oui : MM. de Baillet, Delehaye, Delfosse, de Renesse, de Roo, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dumont, Duvivier, Fleussu, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Manilius, Mercier, Orts, Pirmez, Puissant, Raymaeckers, Rogier, Sigart, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Verhaegen.

M. le président**.** - Voici la proposition de M. Pirson :

« Je propose d'ajourner à la session prochaine toute discussion relative à des modifications à introduire à la loi communale, afin que le gouvernement puisse présenter un ensemble satisfaisant. »

M. Pirson propose, en attendant, un projet de loi ainsi conçu :

« LÉOPOLD, Roi des Belges, etc.

« Il est sursis, pour une année, au renouvellement partiel des membres des conseils communaux, qui devait avoir lieu au mois d'octobre prochain. »

M. Pirson. - Je demande la parole sur la position de la question. Je demande qu'on aille aux voix sur ma proposition entière. Cependant si quelques membres demandaient la division, il n'y a pas d'inconvénient à l'admettre. Je pense qu'il faut donner au gouvernement le temps de préparer un projet satisfaisant et en même temps lui donner le moyen d'éviter le danger qu'il trouve dans les élections.

- La proposition est mise aux voix dans son ensemble et n'est pas adoptée.

Motion d’ordre

(Moniteur belge n°147, du 27 mai 1842) M. Dolez**.** - Je demande la parole pour une motion d'ordre. Messieurs, la section centrale, en vous présentant son rapport, a fini par proposer à la chambre trois projets distincts. Voici en quels termes la section centrale fait cette proposition :

« La section centrale a décidé finalement, à la majorité de cinq voix contre une, un membre s'étant abstenu, que l'amendement de M. Malou et les amendements de M. le ministre, relatifs au bourgmestre et à ses attributions, doivent constituer un seul projet de loi ; que les amendements de son rapporteur, relatifs à la durée des fonctions des conseillers et des échevins et au fractionnement des élections dans les grandes communes, doivent former un projet séparé, et qu'il doit en être de même de l'amendement de M. de Brouckere, relatif aux secrétaires. En conséquence, la section a formulé les trois projets de loi ci-joints, pour être discutés successivement. »

La section centrale, vous l'entendez, nous signale de prime abord une question de forme. Cette question doit précéder tout débat au fond. J'ai donc l'honneur de proposer à la chambre : par motion d'ordre, avant de s'occuper de la discussion du fond, de décider qu'il y a lieu de maintenir l'unité du projet de loi.

Pour étayer ma proposition, j'aurai d'abord à faire appel aux antécédents posés par la chambre dans ce débat. Lorsque, dans la séance du 13, on est venu présenter à la chambre de nouvelles modifications à la loi communale, la chambre, sur les efforts de M. le ministre de l'intérieur lui-même, a décidé qu'il ne s'agissait que d'amendements, qu'en conséquence notre règlement autorisait le renvoi devant la section centrale. Cette section, au contraire, qui n'avait été saisie des nouvelles propositions que par suite de leur nature de simples amendements, nous propose trois projets de loi différents. Evidemment la marche qu'elle propose est en contradiction avec la décision de la chambre.

Si des antécédents posés par la chambre dans cette discussion, nous passons à ce que commande la nature des choses, vous verrez qu'elle proteste contre la marche proposée par la section centrale.

De quoi s'agit-il en effet ? De modifier une loi existante sur des propositions présentées à une même séance ou à deux jours d'intervalle. Il s'agit de délibérer sur des propositions qui n'ont fait l'objet que d'un seul renvoi à la section centrale, que d'un seul et même rapport de la part de cette section. Il s'agit de modifier une loi dont toutes les dispositions s'enchaînent et ont une telle connexité qu'il est impossible de toucher à l'une d'elles sans savoir les conséquences qu'auront ces modifications sur les autres. Si l'on suivait la marche proposée par la section centrale qu'en résulterait-il ? Il en résulterait qu'il nous serait impossible de voter librement sur les propositions qui nous sont soumises. C'est ainsi, par exemple, qu'à ma manière de voir il nous serait impossible de voter sur la disposition relative à la nomination du bourgmestre par le Roi, en dehors du conseil, sans savoir quel sera le sort de la proposition de M. de Theux, relative au fractionnement des collèges électoraux. Pour vous le prouver, je vais vous démontrer, comme l'honorable M. Fleussu l'a déjà indiqué, qu'il existe entre ces deux propositions un lien des plus intimes.

N'ayant point l'habitude de cacher ma pensée, je me hâte de dire que j'avais une grande propension à voter pour la proposition du gouvernement relative à la nomination du bourgmestre, avec certaines attributions spéciales, mais je déclare que je ne la voulais qu'à la condition qu'on n'apportât pas à la loi d'autres modifications qu'aucun intérêt gouvernemental ne réclame, et particulièrement à ses dispositions relatives aux élections. Suivant moi, cette proposition rend inadmissible celle du gouvernement, parce que, combinées ensemble, elles réduisent à rien l’intervention de la commune dans la gestion de ses intérêts. Pour le prouver, j'interroge la proposition de l'honorable membre ; elle est ainsi conçue :

« Dans les communes de 3,000 habitants et au-dessus, les élections se font par sections ; la répartition des conseillers à élire est faite d'après la population.

« Le nombre et les limites des sections seront fixées par arrêté royal, sur l'avis préalable du conseil communal et de la députation permanente du conseil provincial ; le nombre des sections ne pourra être inférieur à quatre. »

En suivant cette proportion, dans une commune de 90,000 habitants comme celle de Bruxelles par exemple, en combinant la population avec le nombre des conseillers communaux à élire, qui est de 30 ou 31, il y aura 30 sections qui auront chacune un conseiller communal à élire. Il y aura donc pour quatre sections de 3000 habitants, soit pour 12,000 habitants 4 conseillers élus, c'est-à-dire autant qu'il en faut pour composer le collège échevinal, dès lors, le gouvernement pourra prendre le bourgmestre en dehors du conseil ; il pourra prendre les échevins parmi les élus de 12,000 habitants seulement, élus qui peut-être seront antipathiques au reste de la commune, de sorte qu'on aura pour autorités communales dans la ville de Bruxelles un bourgmestre nommé par le gouvernement, en dehors des élus de la commune et quatre échevins qui seront les élus de 12,000 de ses habitants seulement. Un tel résultat, messieurs, c'est la négation de l'intervention efficace de la commune dans l'administration de ses intérêts.

Je ne puis donc consentir à voter sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur, qu'avec la certitude de ne pas voir admettre la proposition de l'honorable M. de Theux. C'est pour cela que je veux qu'il y ait non seulement vote sur les articles, mais encore vote sur l'ensemble.

Il en résultera que si les différents votes sur les articles amène un ensemble qui ne me convienne pas, j'aurai la ressource de voter contre cet ensemble, et de maintenir le statu quo.

Messieurs, la marche que j'ai l'honneur de proposer à la chambre, la constitution elle-même l'a prescrit. Il résulte des articles 39 et 41 de la constitution, qu'il doit y avoir un vote sur chaque article et sur l'ensemble des projets de loi. Si la marche proposée par la section centrale était admise, si l'on pouvait fractionner en plusieurs projets des propositions qui nous ont été soumises pour n'en former qu'un seul et qui ont entre elles une corrélation nécessaire, il en résulterait qu'on pourrait éluder les dispositions de la constitution ; au lieu de présenter un projet de loi en dix articles, on présentait dix projets distincts et par là le vœu de l'art. 41 de la constitution se trouverait éludé.

Je prie la chambre de ne pas perdre de vue qu'il s'agit de modifier des dispositions qui s'harmonisent, qui forment un ensemble et dont l'une doit nécessairement influer sur l'autre, cette vérité la section centrale l'a elle-même reconnut :Voici ce que dit l'honorable M. de Theux dans son rapport, et ce qui doit faire trouver fort étrange la conclusion de division qui le termine. « En prenant ces considérations pour point de départ de l'examen des divers amendements, la section centrale n'a point perdu de vue les observations qui lui ont été faites sur les abus possibles de la part du gouvernement ; l'ensemble des propositions qu'elle a adoptées lui semble de nature à concilier tous les intérêts. » Ainsi l'honorable rapporteur lui-même pense que ce n'est que l'ensemble des propositions qui peut concilier tous les intérêts. Il faut donc maintenir cet ensemble, et ne pas nous exposer à adopter d'une manière définitive des propositions dont nous voterions peut-être le rejet, si elles devaient marcher de pair avec d'autres contre lesquelles s'élèvent les convictions d'un grand nombre d'entre nous. Je crois, messieurs, que c'est un devoir pour la chambre, afin que tous nos votes soient libres, afin que chacun de nous puisse en apprécier la portée, de réunir en un seul les trois projets qui font l'objet du rapport de la section centrale.

Je dois le dire à la chambre, l'attitude qu'a prise le gouvernement dans ces débats me montre combien il est important de ne pas nous dépouiller des garanties que donne le vote sur l'ensemble. En effet, si j'avais vu le gouvernement prendre l'attitude que semblaient lui commander les principes de protection des idées modérées annoncées au début de sa carrière, si je l'avais vu dans un débat qui présente un caractère assez irritant pour une partie de cette chambre, user de son influence pour en restreindre les proportions dans les limites des propositions du gouvernement, si je l'avais vu repoussant toute proposition extrême et faisant appel aux idées modérées, j'aurais pu me lier à son concours et ne pas craindre, qu'après avoir voté pour la proposition du gouvernement, nous puissions, soit en adopter d'autres, qu'aucun intérêt gouvernemental ne réclame, et qui ne sont dictées que par des pensées politiques que je crois pouvoir taxer d'exagérées.

.Mais vous l'avez entendu, ce même ministère qui avait fait appel aux opinions modérées et s'était annoncé comme devant repousser toutes les prétentions extrêmes, a fait l'aveu de son impuissance à combattre des propositions qu'il ne désirait pas et qui modifient de fond en comble notre loi communale.

Vous vous rappellerez en effet, messieurs, que M. le ministre vous disait hier que ce débat avait pris des proportions qu'il n'avait pas dans sa pensée et qu'il n'avait point désirées. Et cependant quels efforts avez-vous faits, M. le ministre, pour restreindre ce débat dans ces limites que vous prétendiez lui assigner ? Si vous aviez été fidèle à votre programme, vous auriez compris que la modération, pour être efficace, devait être accompagnée de fermeté. Mais non. Ce que vous avez proposé suffisait au gouvernement, mais ne pouvait suffire à certaines opinions de cette chambre, et elle a saisi avec empressement l'occasion qui lui était donnée. De là des propositions exorbitantes, de nature à inquiéter les esprits les plus calmes.

Renonçant aux idées de modération dont vous vous étiez constitué l'apôtre, vous avez subi toutes les propositions de la section centrale. Nous en trouvons la preuve à la fin du rapport de cette section.

« M. le ministre de l'intérieur, porte-t-il, a appuyé cette division. Ainsi la discussion pourra s'établir, en premier lieu, sur le projet du gouvernement et sur les amendements de M. le ministre, de M. Malou et de la section centrale ; ensuite sur les projets de MM. de Theux et de Brouckere, auxquels M. le ministre a déclaré adhérer. »

Il est vrai que, dans la séance d'hier, interpellé par M. le président, s'il se ralliait aux propositions de la section centrale, M. le ministre de l'intérieur a répondu d'une manière évasive et douteuse. Il a répondu d'une manière telle que je ne sais, quant à moi, quelles sont les propositions qu'il appuie et quelles sont celles qu'il rejette. Eh bien, je vous demande, moi homme qui me crois éminemment modéré, moi qui ne demandais pas mieux que d'espérer, au début de la carrière du ministère, qu'en effet, nous pouvions trouver en lui impartialité et modération, je demande quelle position je puis prendre dans ce débat. Puis-je voter pour la proposition du gouvernement, alors qu'il va peut-être donner appui à d'autres propositions dont je ne veux à aucun prix, parce que je les considère comme exagérées, comme extrêmes ?

Dans une pareille position, je dois désirer qu'à défaut de la garantie que nous devrions trouver dans le gouvernement contre des prétentions exagérées, cette modération trouve son appui dans nos institutions ; et je vous ai démontre que cette garantie nous la trouvions dans l'article de la constitution, qui veut qu'après avoir voté d'abord sur les différentes parties d'un projet, il y ait un vote sur l'ensemble. Cet article nous donne la garantie que nous n'aurons pas à consacrer par notre vote une fraction d'un projet qui nous conviendrait, alors que ce vote aurait pour conséquence de prêter appui à l'adoption d'une autre partie qui ne nous conviendrait pas.

Voici dans quels termes j'ai l'honneur de présenter ma proposition :

« Je demande que la chambre décide que les diverses propositions sur lesquelles porte le rapport de la section centrale, doivent ne former qu'un seul projet de loi. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il fallait à toute force donner une carrière politique et extrême, pour me servir d'une expression de l'honorable préopinant, à la discussion qui devait s'ouvrir devant vous au sujet de la loi communale. Plusieurs tentatives ont été faites. Ce caractère politique et extrême, on a même longtemps cherché dans la proposition concernant l'approbation des budgets des villes, où il existe un octroi, et en désespoir de cause, c'est là qu'on aurait cherché l'expression et les voeux d'un parti s'il n'avait pas été fait de nouvelle proposition.

Aujourd'hui le point de mire, c'est la proposition de l'honorable M. de Theux ; c'est cette proposition nouvelle, inattendue, qui change tout ce débat, qui lui donne un caractère politique et extrême. Si cette proposition n'avait pas été faite, on se serait attaché à l'un ou à l'autre des projets qui vous sont soumis ; on se serait même renfermé, s'il l'avait fallu, dans la proposition concernant l'approbation des budgets des grandes villes. Vous ne devez donc pas être effrayés de cette marche de la discussion, il fallait vous y attendre.

La proposition de l'honorable M. de Theux est empruntée à la loi française ; elle se trouve textuellement dans la loi de mars 1831, si ma mémoire est exacte. Le fractionnement des communes dans les élections existe en France, et je ne sache pas que cette partie de la loi française soit considérée comme l'expression d'un parti en France. J'ignore comment cette mesure transportée en Belgique peut y devenir l'expression d'un parti. On a supposé en France que la représentation dans les grandes communes serait plus réelle, si la répartition des électeurs se faisait par sections et qu'à chaque section on assignât l'élection d'un certain nombre de conseillers. On vous soumet la même proposition en ce moment ; je suis convaincu que si cette proposition vous avait été soumise en 1836, on l'aurait considérée comme extrêmement simple, comme aussi simple que l'on considérait alors la nomination du bourgmestre hors du conseil. Cette dernière proposition a été combattue à cette époque au nom des libertés communales, mais non au nom de l'un ou l’autre parti que l'on invoque aujourd'hui. Eh bien la proposition de l'honorable M. de Theux aurait eu le même sort en 1836. On aurait considéré cette proposition en elle-même ; on aurait demandé : Cette proposition, mènera-t-elle dans les grandes communes, au moyen du vote par sections, par quartiers, une représentation plus réelle que le vote en quelque sorte collectif ?

Voilà ce qu'on se serait demandé. Je prierai la chambre de se reporter en arrière ; d'oublier les événements de ces derniers temps et de considérer cette proposition comme elle l'eût considérée en 1836.

Je pourrais, si je voulais anticiper sur cette discussion, invoquer encore d'autres arguments. Je ne le ferai pas. Les observations que je viens de présenter suffisent déjà pour vous prouver que la proposition n'a pas ce caractère extrême, ce caractère politique qu'on lui attribue, parce que de toute nécessité on a voulu et on veut que cette discussion ait ce caractère.

Pour être conséquent, l'honorable préopinant qui me reproche de ne pas être conséquent avec moi-même, aurait dû demander la réunion des six projets en un seul projet, et non seulement la réunion des trois derniers projets.

Une voix. - On le fera.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L'honorable préopinant a prétendu avoir pour lui les précédents de la chambre dans cette discussion même et la nature des choses. D'abord, quant aux précédents de la chambre il n'est pas sans exemple que la chambre ait, par des lois spéciales, statué sur des questions distinctes.

Six questions vous sont soumises et ces six questions sont distinctes. En ne m'attachant qu'au rapport sur les trois derniers projets, je dirai que les trois questions qu'ils embrassent sont essentiellement distinctes. Le premier concerne les bourgmestres ; le second concerne la manière de voter et la durée du mandat ; le troisième concerne la nomination des secrétaires. Ce sont là trois questions essentiellement distinctes, sans connexité entre elles.

Quand j'ai présenté le premier amendement, j'ai eu soin de faire remarquer qu'il y avait connexité entre les attributions et le mode de nomination des bourgmestres, et on n'a pu le nier. En effet, il y avait connexité, et les précédents de la chambre le prouvaient. J'ai rappelé à la chambre qu’en février 1836, avant de statuer définitivement sur la question de nomination, elle avait statué sur la question d’attributions, tant il est vrai que ces deux questions sont connexes.

Mais il n'en est pas de même de la nomination des secrétaires ni de la manière de voter ou de la durée du mandat. Ces deux dernières questions n'ont rien de commun avec la question des bourgmestres, questions que nous avons à examiner sous deux rapports, sous le rapport de la nomination et sous le rapport des attributions. Tout ce qui est en dehors de cette question des bourgmestres, envisagée sous ce double rapport, est en dehors du premier projet de loi.

Aussi, messieurs, quand l'honorable M. Malou, quand l'honorable M. de Brouckere, quand l'honorable M. de Theux vous ont soumis leurs amendements, ai-je eu soin de faire mes réserves, comme vous l'a rappelé l'honorable M. de Theux, il n'y a qu'un instant. J'ai eu soin de dire que ces amendements devaient faire des lois spéciales, et qu’ils ne devaient pas venir compliquer une question qui doit rester abandonnée à elle-même.

Il y a, dit l’honorable M. Dolez, impossibilité de voter, si tous les projets ne sont pas réunis. Je dis, au contraire, qu'il y a une grande facilite de voter, si les projets restent distincts.

L'honorable membre a cherché à établir un rapport entre l'amendement de l'honorable M. de Theux et le projet concernant les bourgmestres. Il a d'abord supposé qu'une ville comme Bruxelles pourrait être subdivisée en trente sections. Je crois que jamais subdivision de ce genre n'aura lieu. Il est dit dans la loi qu'il faut au moins quatre sections par grandes communes ; mais jamais on n'arriverait à une subdivision en trente sections.

Un membre. - On votera par rue.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On me dit qu'on votera par rue. Je sais qu'on donne ce caractère extrême à la proposition pour la rendre déraisonnable. D'ailleurs il n'y a aucune limite au maximum dans la loi. Eh bien ! vous pouvez stipuler cette limite ; vous pouvez insérer dans la loi qu'il n'y aura jamais une subdivision en plus de huit sections, par exemple ; et dès lors votre argumentation vient à tomber. Cette limite peut être insérée ; elle est dans la nature des choses. On n'ira jamais répartir la ville de Bruxelles en trente sections, si on y établit une division, on aura égard à la répartition par quartiers qui existe aujourd'hui et qui est aussi ancienne que la ville de Bruxelles.

Remarquez, d'ailleurs, que cette proposition est empruntée à la loi française d'après laquelle le Roi choisit le bourgmestre dans le sein du conseil communal. A plus forte raison devrait-on soutenir que le roi étant tenu de choisir dans tous les cas le bourgmestre dans le conseil, il doit y avoir vote collectif des villes, puisque le chef de l'administration doit être pris dans une représentation collective de la commune tout entière.

Voilà l'argument qu'on aurait pu présenter en France contre la disposition que nous empruntons à la loi française.

Nous demandons que la division des diverses propositions en trois projets, ou en six projets, en embrassant l'ensemble de la discussion, soit maintenue. Cette division met chacun à son aise Ce sont six questions différentes ; mais c'est précisément une raison pour maintenir les six projets.

Si, au contraire, quelques-uns de ces projets n'étaient pas adoptés, c'est que la chambre n'aurait pas reconnu qu'il y eût lieu de faire les six changements proposés. Ainsi, par exemple, pour parler de la deuxième partie des propositions, celle qui concerne la comptabilité, beaucoup de membres sont d'avis d'adopter le 2e projet et le 5e, et de ne pas adopter le premier ; eh bien, pour mettre ces membres à leur aise, il faut voter séparément sur ces trois projets.

Je crois donc, messieurs, que l'honorable préopinant n'est pas fondé à invoquer ni les précédents de la chambre, ni la nature des choses pour demander la réunion des six projets en un seul. Je demande, en conséquence, que la chambre maintienne la division telle qu'elle est proposée par le gouvernement, telle qu'elle est proposée par la section centrale, et je le demande précisément dans l'intérêt du libre vote de chacun de nous.

M. de Theux. - Messieurs, lorsque M. le ministre de l'intérieur nous a présenté son projet de loi tendant à accorder au roi la faculté de nommer les bourgmestres en dehors du conseil pour des motifs graves et après avoir consulté la députation permanente du conseil provincial, ce projet a rencontré dans les sections la même opposition que rencontrent aujourd'hui les nouvelles propositions de la section centrale. Je pense que rien n'est changé à cet égard.

Aujourd'hui, messieurs, on qualifie de proposition extrême à une disposition qui est empruntée à la loi française, qui a été votée par une chambre dont on nous a vanté dans la séance d'hier le libéralisme et dont on nous a convié à suivre les exemples. Je vous avoue, messieurs, que j'ai quelque sujet d’être étonné de la contradiction qui existe sous ce rapport entre les adversaires des propositions dont nous nous occupons.

Il est étonnant d'entendre qualifier de projet extrême un projet destiné à amener une représentation plus vraie dans le conseil communal, des diverses parties de la commune, qui ont un droit égal à faire débattre leurs intérêts dans le conseil communal. Je considère bien plutôt comme un système extrême celui qui tend à imposer aux électeurs d'une commune une liste générale d'hommes que souvent ils ne connaissent pas. Voilà ce que je considère plutôt comme un système extrême, comme un système qui n'est nullement équitable et qui n'est pas même en harmonie avec l'organisation du système représentatif pour les chambres et pour les conseils provinciaux.

L'honorable M. Dolez s'est servi des termes de mon rapport pour prouver qu'il y a contradiction entre ce rapport et les propositions faites par la section centrale, mais l'honorable membre n'a pas lu ce rapport avec assez d'attention, sans cela il n'en aurait pas tiré cette conclusion.

En effet, messieurs, que dit le rapport ?

« En prenant ces considérations pour point de départ de l'examen des divers amendements, la section centrale n'a point perdu de vue les observations qui out été faites sur les abus possibles de la part du gouvernement, l'ensemble des propositions qu'elle a adoptées lui semble de nature à concilier tous les intérêts. »

Évidemment l'ensemble des propositions, dont parle ici la section centrale, c'est l'ensemble des propositions qui d'une part semblent de nature à prévenir les abus qui ont été signalés comme possibles de la part du gouvernement, et qui, de l'autre, tendent à donner au pouvoir central l’action que chacun de nous doit reconnaître lui être nécessaire dans l'intérêt général du pays, et dans l'intérêt même de la commune.

Mais, messieurs, à quoi se rapportent les dispositions du premier projet ? Ce projet a pour objet tout ce qui concerne la nomination du bourgmestre, ses attributions, la durée de son mandat. Voilà, messieurs, l'ensemble des propositions auxquelles le rapport fait allusion.

En ce qui concerne le fractionnement des communes, il n'est pas possible que cela donne lieu à des abus de la part du gouvernement, et dès lors il est évident que les expressions dont il s'agit, n'ont aucun trait à cette proposition, On a dit que, d'après cette proposition, la ville de Bruxelles, par exemple, serait divisée en autant de sections qu'il y aurait de fois 3 mille habitants. Messieurs, les termes de la proposition n'autorisent en aucune manière cette supposition ; la proposition pose un minimum, mais elle ne dit pas que les communes seront divisées en fractions de 3 mille habitants et à cet égard je me réfère entièrement aux explications données par M. le ministre de l'intérieur, qui ne sont que l'expression exacte de ma pensée ; c'est d'ailleurs ainsi que les choses se pratiquent sous la loi française dont j'ai emprunté la disposition.

L'honorable M. Dolez pense qu'en divisant les diverses propositions en trois projets, la section centrale aurait eu en quelque sorte en vue de favoriser le succès de la disposition que j'ai présentée ; mais, messieurs, il n'en est rien, et je déclare que je considère comme parfaitement indifférent que la chambre vote séparément ou simultanément, sur les quatre projets de lois présentés par M. le ministre de l'intérieur, et sur les deux propositions nouvelles, faites par la section centrale. En effet, si nous votons simultanément, quelques membres qui seront disposés comme le dit l'honorable M. Dolez, à accorder au Roi le libre choix du bourgmestre pourraient cependant voter contre l'ensemble de la loi à raison du fractionnement, mais d'autres membres qui ne seraient pas disposés à voter le fractionnement, ne voudraient cependant pas repousser l'ensemble de la loi à cause de cet amendement, car il est évident que, dans l'opinion des membres qui considèrent comme indispensable de donner au Roi plus de liberté dans la nomination des bourgmestres, il ne peut nullement être question de rejeter la loi à cause d'un amendement qui n'a d'autre portée que d'établir une représentation plus égale dans la commune. Je ne vois pas qu'une semblable disposition puisse influencer le vote des membres qui croient devoir donner au Roi le libre choix des bourgmestres.

Il m'est donc parfaitement indifférent, en ce qui me concerne, que la chambre adopte ou n'adopte pas la proposition de l'honorable M. Dolez. Je pourrais même dire que, lorsque dans la section centrale on a proposé de faire des projets séparés de l'amendement de l'honorable M. de Brouckere, relatif aux secrétaires et de celui que j'ai proposé relativement à la division des communes en plusieurs collèges électoraux, je me suis abstenu de voter sur cette proposition. La proposition de la section centrale de diviser les amendements en 3 projets distincts n'a donc nullement la portée que lui attribue l'honorable M. Dolez.

Je dois toutefois déclarer que je me rallierai à la majorité des opinions émises à cet égard dans la section centrale, précisément parce que la division des propositions en divers projets de lois est un moyen de laisser à tous les membres de la chambre la possibilité d'émettre un vote libre sur chacun de ces projets.

On a dit, messieurs, que la section centrale avait contrevenu au mandat qui lui a été donné par la chambre ; que la chambre lui a donné .pour mandat de réunir toutes les propositions en un seul et même projet de loi. Mais on a déjà fait remarquer que lorsque les amendements ont été déposés, M. le ministre de l'intérieur a demandé qu'ils fissent l'objet de projets de lois séparés et qu'il ne s'est élevé, aucune objection contre cette proposition, La section centrale n'a donc pas pu voir dans le renvoi qui lui a été fait des diverses propositions, le mandat de réunir ces propositions en un seul et même projet de loi ; elle a dû croire d'autant moins que ce fût là l'intention de la chambre que lorsque M. le ministre de l'intérieur nous avait primitivement saisis de quatre projets de loi séparés, dont l'un était relatif à la nomination des bourgmestres, et les trois autres aux finances communales, malgré la connexité qu'il y avait entre ces trois derniers projets, ni dans les sections particulières, ni dans la discussion qui a été ouverte sur ces projets, on n'a point demandé la réunion de ces divers projets en un seul.

Ainsi la section centrale avait pour elle le double précédent de la présentation de quatre projets différents par M. le ministre de l'intérieur, et la réserve faite par le même ministre lorsque les amendements ont été présentés.

Il me semble donc, messieurs, que la motion de l'honorable M. Dolez n'est point fondée, surtout lorsqu'il prétend s’appuyer sur une décision antérieure de la chambre. Quant à moi, versant précisément dans l'opinion contraire de celle de l’honorable membre, je pense que, pour mettre chacun à même de voter librement sur les diverses propositions, il faut maintenir la division proposée, et, quoique je me sois abstenu de voter sur ce point dans la section centrale, je me rallie à l’opinion émise par la majorité de cette section.

M. Dolez. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur a cru devoir m'objecter d'abord que, dès le principe, il avait été dans l'intention d'une partie de la chambre d'ériger la question qui nous occupe en débat politique. Je ne sais si ce reproche s'adresse directement à moi ; s'il en était ainsi, je répondrais que le silence que j'ai gardé dans toutes les questions politiques qui ont été agitées dans le cours de cette session, proteste assez contre le désir qu'il me prêterait de susciter d'inutiles débats politiques dans cette enceinte. J'aime peu d'ordinaire les débats de cette espèce, et la chambre sait que, dans cette session, comme dans les autres, la part que j’y prends parfois est infiniment modeste.

Je n'accepte donc pas pour mon compte le reproche d'avoir voulu transformer une proposition administrative en une proposition politique ; d'avoir voulu soulever, à l'occasion d'une proposition administrative un débat d'opposition ; car c'est là la pensée de M. le ministre de l'intérieur.

A mon tour je dirai à M. le ministre que si ce débat prend aujourd'hui un inévitable caractère politique, c'est à lui seul que M. Nothomb doit l'imputer. En effet, si M. le ministre avait voulu maintenir à la question communale un caractère purement administratif, il aurait dû s'opposer franchement à toutes les propositions qui étaient de nature à changer le caractère de la discussion ; or, messieurs, il est incontestable que la proposition de l'honorable M. de Theux a une portée toute politique. Si M. le ministre de l'intérieur voulait maintenir aux débats le caractère d'une discussion de questions purement administrative il aurait dû combattre cette proposition et c'est ce qu'il n'a pas fait.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On s'expliquera sur ce projet.

M. Dolez.- Un point sur lequel il n'y a plus d'explications nécessaires c'est que vous avez adopté la proposition ; or cette proposition est évidemment une proposition politique.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C'est ce que je nie.

M. Dolez. - L'honorable ministre de l'intérieur, prétend que la proposition n'a point un caractère politique ; pour lui répondre je fais un appel à ce que vient de dire M. de Theux lui-même ; cet honorable membre a dit, en effet, que l'élection en masse des membres du conseil communal par la généralité des électeurs communaux avait pour résultat d'imposer aux fractions de la commune des représentants qui ne leur conviennent pas ; que sa proposition aurait précisément pour conséquence de prévenir ce résultat. Or, je vous le demande, n'est-ce pas imprimer un cachet politique à une proposition que d'avouer qu'elle doit avoir pour effet de faire produire aux élections communales des résultats différents ?

M. le ministre de l'intérieur, abordant le fond de la question que j'avais seulement indiquée, a cru me répondre d'une manière victorieuse, en disant que la proposition de l'honorable M. de Theux est empruntée à la loi française, et qu'en France, cette loi n'a pas suscité des réclamations bien vives.

Messieurs, je rends hommage à tout ce que la France présente de noble et de grand, et dans ses institutions et dans les hommes de haut talent qu'elles mettent en relief ; mais, je n'hésite point à le dire, j'ai pour mon pays la prétention de croire qu'il peut avoir des institutions à lui, j'ai la prétention de croire que nous ne devons pas adopter servilement tout ce qui se fait en France.

S’agit-il, d'ailleurs, de donner à notre pays la législation communale française ? Sûrement non. En France, la loi municipale restreint le gouvernement à choisir le maire dans le sein du conseil municipal, et c'est précisément ce que la première proposition qui nous est soumise tend à abolir chez nous. Je comprends qu'il puisse alors y avoir moins d'inconvénient dans le système d'élection proposé par l'honorable M. de Theux.

D’après la manière dont j'avais envisagé la question qui nous est soumise, j'avais pensé que nous pouvions accorder à l'autorité royale une plus grande part dans la direction des affaires de la commune que celle que lui accorde la loi communale actuelle. Je m'étais dit que, quand la commune avait la garantie d'échevins pris parmi ses élus, il pouvait être utile aux intérêts généraux du pays de donner au pouvoir central la faculté de choisir le bourgmestre même en dehors du conseil, quand il ne voyait pas dans le conseil un homme qui lui parût pleinement digne de sa confiance. Je trouvais en cela une balance des deux intérêts, de celui du pouvoir central d'une part, et de celui du pouvoir communal d'autre part.

Mais aujourd'hui, l'on prétend autoriser le pouvoir royal à prendre le bourgmestre en dehors du conseil ; l'on prétend ensuite, si le système de l'honorable M. de Theux est admis, l'on prétend l'autoriser à prendre les échevins parmi les élus d'une section de la commune ; dans un tel système, l’élément communal est sacrifié, l'élément central absorbe tout, la balance n'existe plus. J'avais donc raison de dire qu'il y avait une corrélation nécessaire entre la proposition de M. le ministre de l'intérieur et celle de l'honorable M. de Theux.

M. de Theux a prétendu que mes honorables amis et moi, nous étions en contradiction, puisque eux avaient préconisé hier le libéralisme de la loi municipale française, tandis que moi je m'élève aujourd'hui, au nom des franchises communales, contre une proposition empruntée à cette même loi.

Mais, messieurs, l'honorable membre oublie que, s'il veut argumenter de l'esprit libéral de la loi française, il faut du moins qu'il accepte cette loi telle qu'elle est. Eh bien, j'ai montré que l'ensemble de la loi municipale française pouvait fort bien garder un caractère libéral malgré l'élection par sections, tandis que la proposition de l'honorable M. de Theux, prenant une fraction de cette loi pour l'accoler à la proposition du gouvernement qui tend à faire nommer le bourgmestre en dehors du conseil, nous donnerait une loi essentiellement différente de celle qui régit nos voisins du Midi.

J'avais emprunté au rapport de l'honorable M. de Theux la preuve qu'il s'agissait en effet dans toutes les propositions qui nous sont soumises, d'un ensemble dont il était impossible de séparer les parties. L'honorable membre m'a répondu que j'avais mal saisi la portée de ses paroles, puisqu'elles ne s'appliquent qu'à la partie des projets, relative à la nomination des bourgmestres, et la preuve qu'il en donne, c'est qu'il n'y a point d'abus possibles quant au fractionnement des électeurs par sections.

Je ne puis partager l'opinion de l'honorable rapporteur. D'après son projet, c'est au gouvernement qu'il appartiendra d'indiquer la composition des sections électorales. Eh bien, je le demande, cette faculté, laissée aux mains du gouvernement, ne peut-elle point prêter à de véritables abus ? Le gouvernement ne pourrait-il pas, par exemple, composer les sections de manière à assurer l'élection des échevins qu'il voudrait imposer à la commune dont la majorité les repousserait ?

L’on a dit que ma proposition tend à enlever aux membres de la chambre la liberté de voter sur chacun des projets qui nous sont soumis, tandis que leur division consacre cette liberté de la manière la plus patente.

C'est là une évidente erreur. Chaque membre sera entièrement libre, alors que ces projets seront convertis en articles de loi, de voter pour ou contre chacun des ces articles ; mais d'autre part, chaque membre sera libre, d'après ma proposition, de contrôler l'ensemble des propositions adoptées article par article, au moyen du vote définitif sur la loi.

Et pourquoi ce mode de procéder ? La raison en est simple, c'est que nous sommes appelés à modifier un, système entier ; la loi communale forme un ensemble, elle établit un système d'administration intérieure ; il faut donc que nous puissions examiner si les propositions dont nous sommes saisis en ce moment créeront un système préférable à celui qui nous régit actuellement.

C'est entre deux systèmes que nous devons nous prononcer, et un vote sur l’ensemble, peut seul donner le moyen de nous prononcer sur le mérite relatif du système actuel et du système qu'on veut y substituer.

Dans le but de compléter ma proposition, je l'ai rédigée, ainsi qu'il suit :

« Je propose à la chambre de réunir en un seul projet de loi toutes les propositions modificatives de la loi communale qui lui sont soumises. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je ne m'attacherai qu'à l'objection que l'honorable préopinant a produite de nouveau. Il vous a dit : « Le Roi choisit les échevins dans le conseil ; il importe que ce choix se fasse dans une représentation aussi générale que possible de la commune : cette représentation n'existe plus dans le système de l'élection d'un certain nombre de conseillers par section. »

J'avais eu soin de faire remarquer que la même objection pouvait être faite, et à plus forte raison, contre la loi française, puisque, d'après cette loi, le Roi choisit le maire, chef unique de l'administration, dans le sein du conseil communal, lequel conseil est la réunion des conseillers choisis par section, et non pas par la commune collectivement.

Mais il est à observer, que quand on veut approfondir les choses, on trouve les mêmes inconvénients dans cette prétendue représentation par commune votant en masse. Je vais vous en donner la preuve.

La ville de Bruxelles, pour les élections communales, renferme environ 4,000 électeurs, si mes renseignements sont exacts. La majorité devrait donc être de 2 mille et quelques électeurs, en supposant tous les électeurs réunis. Ces 4,000 électeurs sont appelés à élire 16 conseillers une fois, et la fois suivante 15 : il y a 31 conseillers à Bruxelles.

Quel est maintenant le conseiller qu'on peut considérer comme appartenant à une représentation générale de la commune ? Ce serait le conseiller qui réunirait, non pas une simple majorité, mais une majorité telle, qu'on vînt à approcher de l'unanimité des électeurs.

. D'abord il y a rarement réunion de tous les électeurs, il y a ordinairement moins d'électeurs votants qu'il n'y a d'électeurs inscrits. Maintenant on peut supposer, et on pourrait même trouver que la majorité des conseillers est le résultat du choix de quelques parties de la ville, du bas de la ville, par exemple, ou du haut de la ville, de la partie ancienne de la ville ou de la partie nouvelle. Qu'en me dise maintenant comment on arrive à soutenir avec le système actuel qu'un conseiller appartient à une représentation générale dans la commune ? Un conseiller peut être et est ordinairement nommé à la majorité absolue, non pas de tous les électeurs, mais des électeurs présents, laquelle majorité peut très bien ne représenter et ne représenter souvent que la réunion des électeurs de certains quartiers. Ainsi le mode actuel présente les mêmes inconvénients que ceux qu'on trouve au mode nouveau ; et il y aurait dans ce dernier mode ce grand avantage, que chaque quartier serait appelé à nommer un certain nombre de conseillers ; il y aurait dès lors une représentation beaucoup plus réelle.

On parle beaucoup de la réunion des faubourgs à la ville de Bruxelles. Mais dans l'intérêt de celle idée, qui doit plaire à la capitale, dans l'espérance de cette réunion, on devrait accueillir la proposition qui vous est faite, Pensez-vous que les faubourgs soient très disposés à se voir réunis à la ville de Bruxelles, sans avoir la certitude d'être représentés dans le sein du conseil communal ?

Moi j'avoue que si j'habitais un des faubourgs de Bruxelles, je mettrais à la réunion la condition que le faubourg auquel j'appartiens sera appelé à nommer directement un certain nombre de conseillers, afin de ne pas être exposé à être englobé dans la masse comme cela arrive aujourd'hui.

M. de Mérode. - Messieurs, l'honorable M. Dolez s'est donné à lui-même un brevet de modéré ; c'est sans doute de sa part un très bon procédé envers sa personne. Mais pourquoi se donne-t il ce brevet, à l'exclusion de ceux qui ne pensent pas, comme lui, qu'il y ait plus de modération dans la disposition de la loi belge, qui fait voter les électeurs tout d'une pièce dans une ville de cent mille âmes, que dans la disposition de la loi française, qui établit le fractionnement ?

Il y a, par exemple, plus de quatre mille électeurs communaux dans la ville de Bruxelles, et peut-on dire que cette armée d’électeurs sache réellement ce qu'elle fait quand elle vote en masse sur une série de 16 personnes, que certainement elle ne connaît pas et ne peut connaître ; tandis que si l'opération électorale se divisait entre les huit sections, chaque section de 250 électeurs, terme moyen, aurait à nommer deux conseillers communaux et les nommerait certainement d'une manière plus éclairée que lorsqu’elle vote en masse.

Qu'arrive-t-il maintenant ? L'on rassemble une immense troupe électorale depuis la porte de Hal jusqu'a la porte de Laeken depuis la porte de Ninove jusqu'aux portes de Namur et de Louvain et on lui dit : Nommez 16 représentant ou conseillers ! C'est là, selon M. Dolez, un système modéré. Quant à moi, j'y vois un système de grande cohue où il est difficile de placer son vote. Je ne tiens pas absolument à ce que l’on change la loi sur cet article, mais je tiens à ne pas être regardé comme moins modéré que l'honorable M. Dolez, parce que je trouve le fractionnement de la loi française préférable au régime contraire de la loi belge actuelle.

M. de Theux, rapporteur. - L'honorable M. Dolez vient de faire une nouvelle motion d'ordre, et voilà que la discussion s'établit incidentellement d'une manière approfondie sur l'amendement que j'ai proposé, et que ma proposition, qui est un amendement, devient la proposition principale et a la priorité. Ceci est assez singulier. Je ne pense pas que ce soit conforme au règlement. Cependant je suis obligé de suivre l'honorable membre, parce qu'il a mal interprété mes intentions en prétendant que ma proposition a un caractère politique. Je demanderai la permission de retourner la proposition, et je dirai que je ne puis apercevoir qu’un but politique dans l'insistance qu'on met à maintenir un système d'élections qui tend à imposer une liste en masse aux grandes communes. Voilà en quoi consiste le caractère politique ; ce but n'existe point dans la proposition de donner à chaque section les moyens de faire librement son choix.

Je tiens à conserver aux conseils communaux leur caractère administratif, je ne veux pas que les conseils des grandes communes deviennent des corps politiques,.On dit qu'en France le maire est pris dans le conseil, qu'ici les bourgmestres seront pris en dehors des conseils et que les échevins pourront tous être pris parmi les élus d'une seule fraction de la commune.

On oublie qu'en France, toute l'administration communale appartient au maire, que, par conséquent, le gouvernement confie à cet élu d'une section toute l'autorité municipale, tandis que dans notre système, où les échevins concourent avec le bourgmestre à l'administration de la commune, il est impossible que le gouvernement choisisse les quatre échevins dans la même section. Vous voyez que les observations de l'honorable membre ne sont nullement fondées.

On vante beaucoup cette disposition libérale relative au maire. On a même vanté la durée de son mandat qui est de trois ans, Mais c'est là une disposition en faveur du gouvernement, parce que le maire, n'étant nommé que pour trois ans, peut être plus facilement changé tous les trois ans. Le mandat de conseiller est de 6 ans. Le mandat de maire est plus court que celui de conseiller. Cette disposition a un caractère gouvernemental, et non le caractère libéral qu'on a voulu lui attribuer.

On a dit que le gouvernement pourra abuser de la loi en divisant les électeurs en une infinité de sections. Je ne le crois pas, parce qu'il ne prononcera qu'après avoir entendu les conseils communaux et les députations provinciales. Ces décisions sont ensuite soumises au contrôle des chambres qui, s'il y avait abus, ne manqueraient pas d'en faire un grief au gouvernement.

Le gouvernement n'a pas intérêt à fractionner la commune d'une manière contraire à une division naturelle de quartiers ou de sections. Peu importe au gouvernement qu'un conseiller soit élu par telle réunion de rues ou telle autre qu'il pourrait imaginer. Cela est parfaitement indifférent. J'ai proposé de déférer l'exécution au gouvernement, parce que cette exécution lui appartient aux termes de la constitution et ne peut pas être dévolue aux conseils qui pourraient prononcer d'après leurs intérêts et leurs vues privés.

M. Devaux. - Je n'ai pas l'intention de discuter le mérite des amendements de M. de Theux, non plus que celui d'aucun des autres projets, tant du gouvernement que des membres de cette chambre. Quand le moment sera venu, j'espère entrer avec quelque étendue dans la discussion du fond. Que l'on considère la loi comme politique, ou comme administrative, ce qui me paraît également permis, il s'agit de régler nos débats, et sur cette question il me semble qu'heureusement nous sommes plus près d'être d'accord, car M. le ministre de l'intérieur n'a plus fait d'objection à la proposition en reprenant la parole et M. de Theux trouve la chose indifférente. Il ne s'y oppose que pour ne pas s'écarter des antécédents de la section centrale qui elle-même s'était fondée sur les antécédents des sections.

Pour moi, je pense que la seule manière régulière et raisonnable de procéder, pour que toutes les opinions sincères puissent s'émettre, c'est le mode indiqué par l'honorable M. Dolez, c'est de réunir en un seul tous les projets apportant des modifications à la loi communale.

Il y a six projets, et ces six projets ont pour but unique de changer une seule loi que les chambres avaient appréciée dans son ensemble, et sur laquelle elles avaient prononcé par un seul vote final.

Nous ne sommes qu'au début de la discussion et déjà, remarquez-le, les projets se sont multipliés. Nous n'en avons abordé encore qu'un seul qui a donne naissance à deux autres, et nous ne sommes pas encore à la fin de la discussion. Vous devez vous attendre à ce que les trois autres se multiplient également, car vous ne pouvez pas limiter la faculté de chacun de vous de présenter des amendements comme d'autres honorables membres l'ont fait ; chacun de nous ayant le même droit, pourra amender une partie spéciale de la loi communale ; vous devez donc vous attendre à un plus grand nombre de projets que vous n'avez maintenant sous les yeux.

Mais pourquoi six ou douze projets pour modifier une loi unique ? Jusqu'a présent vous l'avouerez, on n'avait eu aucune idée de système extraordinaire de faire six ou douze lois pour modifier une seule loi. Si l'on disait : le gouvernement va proposer de modifier la loi relative au traitement de l'ordre judiciaire ou la loi d'organisation provinciale, il ne viendrait à personne la pensée qu'on présenterait une série de lois, mais seulement que, pour modifier une loi, on présenterait une loi. C'est la première fois qu'on entre dans cette voie. C'est depuis 12 ans une complète innovation. C'est une chose tout à fait nouvelle, un changement complet. Je désirerais qu'on me citât un exemple de ce mode de procéder dans un pays ou une législature quelconque. J'avoue que je ne connais pas un pays où une seule loi ait été modifiée dans le même moment par six loi différentes.

Ma mémoire n'est pas en général très bonne, mais il me semble que lors de la discussion de la loi communale la proposition a été faite de diviser la loi en deux, dont l'une comprendrait le personnel et l'autre les attributions. Si cette motion a été faite comme je le crois, d'après mon souvenir, elle n'a pas été adoptée, car c'est en une seule loi que nous avons voté l’organisation communale.

Un membre. - La proposition a été adoptée.

M. Devaux. - Toujours est-il que si on a divisé la discussion, il n'y a eu en définitive qu'une seule loi. Voici du reste ce que je voulais dire, qu'on avait bien voulu demander la division entre la partie concernant le personnel et celle concernant les attributions ; mais personne ne s'est avisé de proposer de diviser le personnel en plusieurs fois et les attributions en plusieurs lois.

On reconnaît même si bien aujourd'hui que les attributions dépendent du personnel, qu'on met dans un seul projet la nomination du bourgmestre et ses attributions. C'est ainsi que M. Malou fait dépendre son amendement d'une question d'attributions. M. le ministre de l'intérieur, pour faire passer son premier projet, a dû faire changer les attributions du bourgmestre. Vous voyez la connexité qui existe entre le personnel et les attributions, qui avaient cependant paru des choses divisibles.

Quand on vote une loi d'institutions dans un pays, quand on fait une chose aussi grave, aussi importante, que ce soit l'organisation de l'ordre judiciaire, l'organisation des chambres ou l'institution communale, la première chose requise, n'est-ce pas de pouvoir apprécier l'organisation dans son ensemble après avoir réglé ses diverses parties, afin de voir si l'institution entière répond au vœu du législateur ne peut-il pas arriver qu'on adopte successivement certaines parties et qu'ensuite sur l'ensemble on ne soit plus d'accord ? N'est-ce pas le bon sens qui dit que quand on fait une institution, on doit l'apprécier dans son ensemble ? Mais si cela est vrai quand on crée une institution, cela est bien plus vrai quand on y apporte des changements. Comment ! on propose d'introduire des changements dans l'institution communale et quand ces changements seront adoptés on ne voudrait pas que chacun de nous pût se demander si l'ensemble des changements qu'on vient d'adopter vaut mieux que ce qui existe, et s'il n'est pas préférable de maintenir la législation existante ?

Et cependant n'est-ce pas la question que chacun de nous doit se faire ! chacun de nous, lorsqu'il s'agit de faire un changement aussi grave, qui a trait à l'administration de 2500 communes à 10 000 fonctionnaires communaux, chacun de nous ne doit-il pas évidemment se demander : ce que nous faisons vaut-il mieux que ce qui est ?

Le simple bon sens nous dit que telle disposition que nous allons voter à une très forte majorité, la croyant bonne, peut devenir mauvaise si dans un projet de loi subséquent on en change les conséquences. Quand vous aurez voté un projet de loi, il est tel ou tel amendement que vous n'aurez pas prévu qui peut en changer tout la portée et n'être introduit que dans un des projets suivants. Je dis que personne ne peut être sûr de ne pas se repentir de son vote, s'il ne peut apprécier la portée de toutes les dispositions qu'il s'agi de voter.

Ainsi plusieurs membres de la chambre hésitent à voter la disposition qui autoriserait la nomination du bourgmestre en dehors du conseil. Comment voulez-vous que cette hésitation n'augmente pas, lorsqu’il nous ignorons s’il ne surgira, lors de la discussion des autres projets, des amendements qui changent la portée de cette disposition ? Cependant vous ne pourrez alors revenir sur la disposition qui aura été adoptée, si ce sont des projets de loi séparés.

Cet inconvénient ne résulte pas seulement de l'attitude du gouvernement. Tout à l’heure on a reproché au gouvernement de ne pas résister aux amendements ; mais quand il y résisterait, le gouvernement n'est pas la chambre. Une majorité composée d'autres éléments que celle qui aura adopté le premier projet peut adopter des projets postérieurs qui changent le caractère de ce premier projet.

Il a circulé un bruit, par exemple, que lorsque le projet concernant les bourgmestres serait adopté, un changement serait introduit dans les attributions du conseil de régence en ce qui concerne l’enseignement. Une partie des attributions du conseil en matière d'enseignement serait transférée au bourgmestre. Une proposition pareille peut naître ; personne ne peut dire qu'elle ne naîtra pas. Il est certain qu'une telle proposition changerait le caractère de la disposition relative à la nomination du bourgmestre en dehors du conseil, de telle sorte qu'il pourrait se faire que ceux qui l'auraient adoptée s'en repentiraient et ne pourraient revenir sur leur vote et parce que le projet serait adopté. Je cite cet exemple, je pourrais en citer bien d'autres. Vous concevez que rien n'est plus facile que de changer par une disposition ultérieure de la loi le pouvoir du bourgmestre ; et par conséquent la portée de la disposition qui en donne la nomination au gouvernement.

Le projet de loi présenté a eu pour but, de l'aveu de tout le monde, l'extension de l'action du pouvoir central, et par conséquent, l'amoindrissement de l'indépendance de l'administration communale. Vous pouvez vous trouver dans une telle situation d'esprit que vous désirerez adopter une de ces mesures d'extension du pouvoir central, mais à la condition qu'on ne l'exagère pas par d'autres. Et comment pourrez-vous le savoir quand vous ignorez quels amendements surgiront, quels seront les projets de loi adoptés ? Il pourrait arriver que des majorités très fortes composées d'éléments différents se prononçassent pour les projets de loi, et que, lorsqu'ils seraient tous adoptés, il ne se trouvât pas vingt d'entre nous qui ne préférassent maintenir la législation existante. Vous vous seriez mis ainsi dans une position à faire ce que vous ne voudriez pas faire. Ce serait introduire le hasard dans la loi. Nous devons désirer tous que ce soit la volonté de la majorité qui prévale, que, s'il se fait, s'il se défait quelque chose dans nos institutions, ce soit l'ouvrage d'une majorité réelle.

La constitution a évidemment prévu ce cas ; elle l'a prévue, je dirai presque par hasard, car jamais on n'avait pensé qu'un doute pourrait s'élever sur la nécessité de voter sur l'ensemble des lois. Sous le gouvernement hollandais, on votait sur l'ensemble, on ne votait pas sur les articles, La disposition de la constitution a eu plutôt pour but de garantir le vote sur les articles que le vote sur l'ensemble, Mais ce serait un inconvénient bien autrement grave si on votait sur les articles et si on ne votait pas sur l’ensemble. Si vous adoptez la proposition de la section centrale, vous rayez en quelque sorte le vote sur l'ensemble des lois. Car qui empêchera le gouvernement, lorsqu'il aura un projet de 20 articles à présenter, de le diviser en quatre ou cinq projets de loi qui se multiplieront à la section centrale et dans la discussion, de sorte qu'on finisse par séparer en 20 projets de lois distincts des dispositions qui ne devaient en faire qu'un seul.

M. le ministre de l'intérieur vous dit qu'il s'agit de six questions distinctes. Ce ne sont pas des questions distinctes, elles sont parfaitement connexes, car on peut admettre l'une à la condition que les autres ne seront pas admises. Il n’y aurait pas de raison pour ne pas introduire aussi bien ce système dans le vote des budgets et au lieu de voter sur six budgets, on n'appelle les chambres à voter successivement autant de projets de loi qu'il y a de crédits de sorte qu'elles ne puissent apprécier l'ensemble des dépenses : Ce serait très facile pour le gouvernement ; mais je doute fort que nos finances gagnassent beaucoup à ce système.

Pour rendre la chose plus claire, je suppose la chambre divisée en trois fractions, il est évident que deux de ces fractions peuvent se réunir pour adopter chaque projet isolé, et qu'aucune d'elles ne veuille de la co-existence des trois projets.

Qu'arrivera-t-il dans ce cas ? Que la majorité sera d'accord pour préférer ce qui existe, et cependant les modifications seraient introduites, si l'on n'adopte la motion de M. Dolez. Ainsi, la majorité de la chambre sera complètement faussée ; les projets de loi deviendront une espèce de loterie ; l'habileté parlementaire, l'habileté ministérielle, consistera non plus à motiver l'ensemble des projets de loi, mais à en grouper avec adresse les dispositions en divers projets, de manière que tel projet réussisse à l'aide de telle partie de la chambre, tel autre a l'aide de telle autre partie. Je crois que ces considérations doivent nous engager tous (car nous ne voulons de violence pour personne ; nous voulons tous que le vœu de la majorité fasse loi) doivent nous engager tous, dis-je, dans l'intérêt de toutes les opinions, à adopter la proposition de l’honorable M. Dolez, contre laquelle aucun inconvénient n’a été indiqué.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L'honorable préopinant a fini par une supposition. J'en ferai une autre. Je suppose trois questions : la première a pour elle une très grande majorité ; les deux autres ont pour elles une très faible majorité, et en partie composée d'autres éléments. Il arrivera sur l'ensemble que la première question, la question capitale, sera résolue négativement, quoiqu’elle ait pour elle une très grande majorité de l'assemblée. Voilà comment je réponds à la supposition de l'honorable membre (Interruption).

J'ai écouté avec un religieux silence, et il ne m'est pas permis de dire trois mots, sans être interrompu.

M. Rogier. - Par qui ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Par tout le monde de votre côté.

Voilà la supposition que j'oppose à la supposition de l'honorable préopinant.

M. Devaux. - Je demande la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L'honorable préopinant a supposé qu'il y aurait douze projets nouveaux, et que la chambre serait encore forcée de statuer sur ces projets nouveaux. Il est évident que lorsque la discussion générale est, sinon ouverte, du moins sur le point de s'ouvrir, s'il arrive de nouveaux amendements n'ayant aucune connexité avec l'un ou l'autre projet en discussion, ils devront être renvoyés aux sections ou à la section centrale, pour être discutés ultérieurement.

L'honorable membre a cité un exemple où il y aurait connexité. Il a parlé d'un bruit qui aurait couru (j'avoue que ce bruit n'est pas venu jusqu'à moi) que l'on voudrait proposer de donner au bourgmestre des attributions nouvelles, quant à l'enseignement.

Cet amendement serait connexe à l'art. 1er principalement, lequel renferme non seulement la question de nominations, mais encore celle d'attributions. Il faudrait que cet amendement fût introduit dans le premier projet de loi ; s'il était présenté après le vote de ce projet de loi, il ne serait plus recevable. Ainsi l’honorable membre peut être complètement rassuré, si l'on soumettait à la chambre, ce que je ne crois pas, un amendement tendant à donner au bourgmestre nommé par le roi, dans les conditions déterminées par le projet de loi, des attributions nouvelles quant à l'enseignement, il faudrait que cet amendement fût discuté avant le vote sur l'ensemble du premier projet.

Je n'ai jamais nié la connexité entre la nomination du bourgmestre et ses attributions. Mais ce que j'ai nié c'est la connexité entre la disposition relative au bourgmestre et les cinq autres projets soumis à la chambre.

Quel rapport y a-t-il entre la question des bourgmestres et celle des secrétaires ? Quel rapport y a-t-il entre la question des bourgmestres et celle de la répartition des électeurs par section pour nommer les conseillers communaux ? Il a fallu un grand effort à l'honorable M. Dolez, l'auteur de la motion, pour établir cette connexité. Il est parti de la supposition que les échevins ne seraient pas nommés dans une représentation aussi générale qu’aujourd’hui. Moi, j'ai prétendu que la représentation était aussi générale qu'aujourd’hui. Il n’est d'ailleurs dit nulle part, dans le mode actuel, que les échevins seront nommés parmi les conseillers qui ont réuni le plus de voix, parmi les conseillers qui ont été nommés au premier tour de scrutin. Le mode actuel présente donc tous les inconvénients que l'honorable M. Dolez suppose au mode nouveau. Il peut y avoir des conseillers nommés par une simple fraction des électeurs considérés en masse. Cela arrive tous les jours ; nous en avons souvent des exemples sous les yeux.

Je ne me suis attaché qu'à ce dernier argument, en répondant à l'honorable M. Dolez. Je croirais abuser des moments de la chambre en entrant dans de plus longues considérations.

Je regarde la motion qui vous est faite comme très importante ; je la regarde comme capitale pour cette discussion. Si tous les projets sont réunis en un seul, je ne sais pas comment on sortira de la discussion. Les idées qui se présentent aujourd’hui avec simplicité se présenteront de la manière la plus compliquée. Il y a plus ; il y aura impossibilité de procéder à cette discussion sans grouper successivement les idées qui se rattachent à chacune de ces questions. Il suffit, messieurs, de lire les amendements tels qu’ils se trouvent imprimés à la suite du rapport de l’honorable M. de Theux ; vous verrez que l’art. 1er se rapporte à la nomination des bourgmestre. L’article suivant se rapporte, au contraire, aux élections, et ainsi de suite.

On dit que c’est une innovation. Mais c’est aussi la première fois que la chambre est appelée à modifier une loi aussi étendue que la loi d’organisation communale.

Un membre. - On a modifié la loi sur le jury.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On me dit que l'on a modifie la loi sur le jury. Mais on a modifié la loi sur le jury dans chacun de ses articles, du premier au dernier ; on a proposé une loi nouvelle.

Une voix. – Et la loi sur l’enseignement supérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il en est de même de la loi universitaire. On l’a changée d’un bout à l’autre.

Je dis que six questions distinctes vous sont soumises. Pour procéder avec régularité, j’engage la chambre à accepter ces six questions comme elles lui sont proposées. Il y a telle de ces questions, la première, par exemple, qui pourrait avoir une grande majorité, tandis que les autres en auraient une beaucoup moins forte, et dès lors la première se trouverait complètement compromise.

M. Cools. - Messieurs, les observations faites de part et d’autre depuis que l’honorable M. Dolez a présenté sa motion, suffiraient seules pour me démontrer que le projet de changer le système électoral est d’une grande portée, alors même que telle n’aurait pas été ma manière de voir dès le moment où la proposition en a été faite.

Depuis que l’honorable M. Dolez a fait sa motion, M. le ministre de l'intérieur a pris trois fois la parole. Je l’ai écouté chaque fois avec attention, et j’aurais désiré trouver dans les observations générales qu’il a fait valoir, un indice de la direction qu’il compte imprimer aux débats, lorsque nous aborderons le fond de la question.

Mais comme mon attente a été déçue, comme les paroles de M. le ministre de l'intérieur sont plutôt de nature à me donner des inquiétudes qu’à me rassurer, je suis obligé de lui adresser une interpellation pour me fixer sur le vote que je vais émettre. J’y suis forcé ; car me plaçant à tous égards sur le terrain de l’honorable député de Mons, j’ai besoin de pouvoir calculer avec quelque apparence de certitude les résultats de ce débat, pour pouvoir suivre une ligne de conduite.

Je demanderai donc à M. le ministre de l'intérieur si, lorsque nous aborderons la question spéciale que soulève l’amendement de l’honorable M. de Theux, il se prononcera sur cette question dans le sens d’un rejet ou d’un ajournement. La forme m’importe peu.

Ce que j'ai besoin de savoir, c'est quel sera le résultat de la discussion. Je lui demande, en un mot, si l'opinion du ministère sur cette proposition irritante se résumera dans un vote négatif.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je répondrai à l'instant même à l'honorable préopinant.

Je regarde le premier projet comme nécessaire, d'une urgente nécessité. Je regarde les deux autres projets comme utiles, et je fais une grande différence entre l'utilité et la nécessité (interruption). J'appuierai les deux autres projets, celui qui concerne les secrétaires et celui qui concerne les élections comme des projets utiles ; mais, je le répète, je ne leur reconnais pas le même degré de nécessité, d'urgente nécessité qu’à celui qui concerne les bourgmestres.

M. de Theux. - J'ai déclaré à l’instant que je me ralliais à l'ordre des débats présenté par la section centrale, et que les motifs qui m'y engagent, c'est que je désire que chaque membre de cette chambre ait plus de liberté dans son vote. J'ajouterai une autre considération qui ressort du débat même ; c'est qu'il importe d'éviter une confusion dans la discussion.

Or, à en juger d'après les proportions qu'on veut donner à cette discussion, il est évident que si vous réunissez dans une même discussion générale, la question des bourgmestres, la question du fractionnement, la question des secrétaires et celle des finances, vous aurez, messieurs, une discussion excessivement compliquée et dans laquelle il sera très difficile d'exposer d'une manière claire et succincte les diverses considérations qui militent pour ou contre chaque proposition.

Je pense donc que, pour l'ordre des discussions, il résultera un grand avantage à suivre le mode proposé par la section centrale, qui, comme je l'ai dit, est d'ailleurs conforme aux antécédents déjà posés.

Je n'en dirai pas davantage, parce que je crois que tout a été dit sur cette question.

Plusieurs voix. - La clôture !

M. Devaux. - Messieurs, je demande à répondre à M. le ministre de l"intérieur ; il me semble qu'il est dans l'ordre que l'on permette de répondre à un ministre ; du moins cela a toujours été observé jusqu'à présent.

M. le ministre de l'intérieur a fait, je crois, une seule objection ; il a dit : Il pourra arriver qu'une disposition importante aura été adoptée à une grande majorité, et que deux dispositions moins importantes auront été adoptées à une faible majorité, et que, dans le vote sur l'ensemble, les deux minorités, qui se sont prononcées contre les dispositions les moins importantes, se réunissent.

Cet argument de M. le ministre prouve précisément qu'il faut réunir les diverses propositions qui vous sont faites. Car quand on vote sur l'ensemble d’un projet, que fait la chambre ? Chaque membre considère si dans les dispositions adoptées il y en a d'assez bonnes pour compenser celles qu'il regarde comme mauvaises et qui ont été adoptées malgré lui. En un mot, chaque membre voit si dans l'ensemble le bien l'emporte sur le mal. M. le ministre de l'intérieur ne veut pas de cela ; il veut que lors même que le mauvais l'emporte sur le bon, le tout soit adopté.

Plusieurs membres. - Aux voix !

M. Devaux. - Messieurs, je crois ne pas abuser de la parole. Depuis l'ouverture de la session je ne vous ai pas souvent fatigué de mes discours ; les quelques membres qui m'interrompent n'ont pas crié aux voix tout à l’heure, quand l’honorable M. de Theux parlait ; et cependant il avait déjà été entendu trois ou quatre fois. D'ailleurs que ces membres se rassurent, je ne les impatienterai pas longtemps, j'ai peu de mots à ajouter.

M. le ministre de l'intérieur, disais-je, veut que, si l'opinion de la chambre était que les changements à introduire dans la loi communale sont mauvais dans leur ensemble, si la chambre entière préférait, après être arrivée au terme de la discussion, la loi telle qu'elle existe aux diverses dispositions adoptées, cependant ces diverses dispositions devraient être introduites dans l'institution communale. C'est-à-dire que l'institution communale serait bouleversée, malgré peut-être la presque unanimité de la chambre. Messieurs, quand un système avoue de pareils résultats, il me semble qu’il se juge lui-même.

M. le ministre de l'intérieur nous dit : « S'il arrivait des amendements qui n'eussent pas de connexité avec les projets présentés, ils seraient renvoyés aux sections. » Mais M. le ministre de l'intérieur doit savoir que, chacun ici, doit être un peu juge de la connexité qu'il attache aux diverses dispositions entre elles.

Ainsi, par exemple, pour l'honorable M. Dolez, pour l'honorable M. Cools, dont vous ne suspecterez certainement pas la sincérité, il y a une connexité, un lien qui n'existe pas, aux yeux d'autres membres, entre la proposition relative à la nomination des bourgmestres et la proposition de M. de Theux relative au fractionnement des communes. Ces messieurs n’ont-ils pas le droit de démontrer l'influence que cette connexité doit avoir sur leurs opinions ? Et cependant dans quelle position les mettez-vous ?

L'honorable M. Cools adresse une interpellation à M. le ministre de l'intérieur. Mais lors même que M. le ministre répondrait : je m'opposerai aux amendements de M. de Theux, qu'en résulterait-il ? L'opinion du ministre n'est pas celle de la chambre, ce serait la chambre qu'il faudrait interpeller. Et la chambre ne peut s'engager d'avance sur ce qu’elle fera de projets dont elle n’abordera la discussion que plus tard. D’ailleurs qui sait d'avance quels amendements peuvent encore surgir et être développés. Du moment que des amendements se rapportent à la loi communale, vous serez forcés par vos antécédents de les discuter, même sans les renvoyer aux sections, parce que vous n'avez pas suivi cette marche pour les amendements de l’honorable M. de Theux. Que vient de dire M. le ministre de l'intérieur lui-même ? Il vient de soutenir qu'il n'y a pas la moindre connexité entre les propositions de M. de Theux et la proposition relative aux bourgmestres. Comment voudriez-vous renvoyer aux sections d'autres amendements pour défaut de connexité avec les projets présentés, alors que ceux de M. de Theux ne l’ont pas été. Vous avez mis ainsi la loi tout entière en question, et tous les amendements qui se rattachent à cette loi réclament les mêmes privilèges que ceux de l’honorable M. de Theux.

Il faut, dit l'honorable M. Nothomb, que tous les amendements soient présentés avant la fermeture de la discussion générale sur le premier projet. Mais en vertu de quoi ? Quel est l’article du règlement, quel est l’article de la constitution qui nous oblige à agir ainsi ? Comment ! quand on discutera le troisième projet, par exemple, ne pourrai-je présenter d’amendement suscité par la discussion de ce projet, et me répondrait-on qu’il fallait le présenter lorsqu’on discutait un projet qui a rapport à d’autres dispositions de la loi ?

M. le ministre de l'intérieur trouve que de cette manière il sera difficile d’en finir. Il dit qu’en discutant même chaque proposition séparément, il y aura bien assez de difficultés. Je le conçois ; mais cela résulte de ce que chaque proposition forme partie d’un tout, et qu’il est bien difficile d’ôter une pierre d’un édifice sans examiner si les autres n’en seront pas ébranlées ou dérangées.

Il me semble donc qu’il ne doit pas rester de doute à cet égard et qu’il doit y avoir un vote sur l’ensemble des modifications que l’on propose.

M. le président. - La parole est à M. Verhaegen.

Plusieurs membres. – La clôture !

M. Verhaegen (contre la clôture) – Messieurs, ce que je disais tantôt vient de se confirmer ; je disais que l’on veut étouffer la discussion et la demande de clôture prouve que je disais vrai. Je n’ai pas encore parlé de l’incident actuel, et sur les bancs qui sont en face de moi, je n’entends que des collègues qui demandent avec instance que l’on aille aux voix. Cependant, l’honorable M. de Theux a parlé six fois, quoiqu’il soit dans les usages de la chambre de n’accorder que deux fois la parole à un orateur sur une même question.

Maintenant, si l’on prononce la clôture, j’aurai au moins constaté que l’on veut étouffer la discussion.

M. le président. - M. de Theux n'a pas parlé six fois sur la même question ; il a pris plusieurs fois la parole, mais c'était à propos de différentes propositions.

M. de Theux. - Loin d'avoir parlé six fois sur la même question, je ne crois pas même avoir parlé six fois dans toute la séance ; j'ai parlé sur les différentes motions qui ont été faites, mais je ne pense pas avoir enfreint la disposition du règlement qui défend de parler plus de deux fois sur une même question.

M. Verhaegen. - Je n'ai pas dit un mot sur l'incident, et je demande la parole pour présenter deux ou trois observations. C'est à la chambre de décider si elle veut me traiter autrement que mes collègues, c'est-à-dire si elle veut substituer le fait au droit.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

M. Verhaegen. - Ce n'est pas, messieurs, que je veuille abuser des moments de la chambre ; mais je désire répondre, non pas à l'honorable M. de Theux, qui vient de sortir de cette enceinte, mais à M. le ministre de l'intérieur ; M. le ministre de l'intérieur suppose trois questions mises en discussion : une question très importante, pour laquelle il pourrait espérer une grande majorité, et deux autres questions accessoires à l’égard desquelles il pourrait y avoir doute ; M. le ministre pense qu'il y aurait danger à réunir dans un même projet de loi ces trois questions qui n'auraient pas toutes les mêmes chances de succès.

L'honorable M. Devaux vous a déjà dit que la chambre aurait à examiner si les inconvénients qui pourraient résulter des propositions accessoires ne seraient pas assez graves pour l'engager à refuser son vote à la proposition principale, et qu'il faut, par conséquent que chaque membre puisse se prononcer sur l'ensemble. C'est, en effet, de cette manière que l'on vote, chaque fois qu'un projet est soumis à la législature.

Il s'agit ici d'une matière à tous égards indivisible ; il s'agit de la loi communale ; cette loi communale forme un tout, et c'est ce tout que l'on veut détruire en y substituant autre chose ; il faut bien que la majorité de la chambre vote sur une question complexe, c'est-à-dire sur la question de savoir s'il convient de remplacer ce qui est par ce que l'on propose d'établir, tant pour le principal que pour les accessoires. Agir autrement serait entraver la liberté des votes.

Je suis fâché, messieurs, que l'honorable rapporteur de la section centrale se soit absenté ; je ne sais pas si son but est de ne pas me répondre ; je demanderai donc aux autres honorables membres de la section centrale pourquoi la section n'a pas jugé à propos de donner les motifs de la division des propositions qui lui étaient soumises, en trois projets différents. Je vois bien dans le rapport que la section centrale a adopté la division qui lui a été proposée par M. le ministre, mais le motif de cette division n'est pas indiqué ; serait-il vrai qu'on ait eu des motifs qu'on n'a pas osé avouer ? J'aurais désiré que M. le rapporteur, et justement il vient de rentrer, voulût bien nous dire quels sont les motifs de la division dont il s'agit, car, je le répète, aucun de ces motifs n'est consigné dans le rapport.

J'ai une dernière observation à faire à M. le ministre de l'intérieur, qui paraît se trouver dans une position tant soit peu embarrassante, par suite de l'interpellation de l'honorable M. Cools ; M. le ministre tient, nous a-t-il dit, avant tout à son projet. Cependant son projet primitif a déjà été tant soit peu ébréché ; il ne demandait d'abord la nomination des bourgmestres hors du conseil que pour des motifs graves, et de l'avis de la députation permanente ; mais on lui a fait connaître que l'on ne voulait pas de ses restrictions, et M. Nothomb a obéi aux injonctions de ses prétendus amis ; ainsi, le projet primitif a déjà fait place à un projet nouveau.

En se ralliant aux propositions de la section centrale, M. le ministre assume une responsabilité énorme, aujourd'hui surtout qu'il a refusé de consulter les représentants du pays, siégeant dans les députations permanentes ; qu'il tienne donc pour son compte toutes les conséquences de sa démarche, il nous aura suffi à nous de lui montrer le précipice devant lequel il se trouve placé.

Mais non, M. le ministre est lui-même effrayé ; il recule, il considère son projet comme indispensable. Mais quant aux propositions de ceux qui se disent ses amis, et qui ne sont peut-être que ses amis du moment, il se borne à dire que ces propositions lui paraissent utiles et qu'il les appuiera. Il appuiera ces propositions, toutefois sans compromettre son projet primitif, ébréché déjà, comme nous l'avons fait observer. Mais il faut faire à chacun son compte, et je ne puis pas laisser passer sans réponse les observations qui ont été faites à cet égard par M. le ministre de l'intérieur ; il a semblé vouloir insinuer qu'il n’est pour rien dans les changements nouveaux qui ont été proposés par la section, J'étais à la section centrale, et j'ai tenu bonne note de ce qui s'y est passé ; fort heureusement le rapport constate qu'à la fin de la discussion, M. le ministre est venu proposer ce que je considère, moi, comme excessivement grave, ce que lui appelait alors la nomination à vie des bourgmestres ; on a changé depuis l’expression, et l'on a dit que c'était la nomination sans terme.

Dans tous les cas, je tiens à constater que cette proposition est venue de M. le ministre de l'intérieur, car il faut bien que la responsabilité lui en reste, et je ne pense pas que l'honorable M. de Theux adopte pour son compte ce qui appartient exclusivement à l'honorable M. Nothomb.

M. de Theux fait un signe négatif.

M. Verhaegen. - M. de Theux fait un signe négatif, et, en effet, il a tenu à constater dans son rapport que c'est de M. Nothomb qu'émane cette proposition qui est, à mes yeux, une proposition extrême et dont nous ferons apprécier toutes les conséquence lorsque nous discuterons le fond.

Maintenant, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il considère aussi la proposition dont je viens de parler comme indispensable, ou seulement comme utile, s'il la regarde comme devant faire partie de son projet auquel il tient avant tout, ou bien si elle n'est, d'après lui, qu'un accessoire, si enfin il subordonne le sort de son projet primitif à l'adoption de cette proposition, qu'il n'a présentée que pus tard.

M. le ministre n'est venu à la section centrale que sous le prétexte de donner des renseignements, et je ne m'attendais pas dès lors à lui voir faire une proposition nouvelle, et surtout une proposition aussi importante que celle dont il s’agit, mais c’était arrangé d'avance.

Mes observations, messieurs, n’ont d’autre but que de ne pas laisser ignorer au pays qu'il est inexact que M. le ministre de l'intérieur soit étranger à toutes les propositions nouvelles qui ont été faites au sein de la section centrale. Il faut qu'il ait le courage de prendre pour son compte ce qui émane de lui.

En définitive, il arrivera peut-être que ceux qui soutiennent aujourd'hui M. le ministre de l'intérieur, dans peu de temps d'ici profiteront de la position qu'il leur aura faite, et je ne serais pas du tout surpris que celui qui parviendrait à faire voter la loi ne fût pas appelé à l'exécuter.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la loi qui vous est soumise n'est pas demandée au profit du ministre de l'intérieur personnellement ; il ne demande rien à son profit, il a porté une question devant vous au profit du gouvernement central du pays, et ceux qui représentent le gouvernement central du pays useront de l'autorité qu'on demande pour eux, quels qu'ils soient ; je regrette que l'honorable préopinant ait mêlé à cette discussion, déjà fort longue et fort inutile, des personnalités que je regarde comme très déplacées et très inutiles. Je n'ai pas répudié la part que j'ai prise à la discussion de la section centrale, cette part il en est rendu compte dans le rapport, et dès lors il est inutile de revenir sur ces détails.

Je m'étonne qu'on ait confondu de nouveau toutes les questions. En répondant à l'interpellation de l'honorable M. Cools, j'ai dit que je considérais la proposition de l'honorable M. de Theux, relative aux élections et la proposition relative aux secrétaires, faite par l'honorable M. de Brouckere, que je considérai ces deux propositions comme utiles, mais que je ne leur reconnaissais pas le degré de nécessité urgente que je reconnais à la proposition concernant les bourgmestres, Voilà, messieurs, ce que j'ai dit, et mes observations ne portaient nullement sur la proposition relative à la durée des fonctions des bourgmestres. L'honorable membre a fait remarquer que jusqu'à présent l'on ne s'est pas occupé de cette question, dès lors il est tout simple que je n'en ai pas parlé. Il est très vrai que c'est moi qui cette fois, non dans l'intérêt du pouvoir central, mais dans l'intérêt des bourgmestres eux-mêmes, ai proposé que la nomination soit faite sans terme ; du reste un membre de la section centrale a eu soin d'instruire immédiatement le pays de cette énormité ; car le soir même nous l’avons appris par les journaux (on rit). Quand nous en serons là nous discuterons cette proposition et nous prouverons qu’elle n'est pas aussi extravagante qu'on le suppose ; nous prouverons dans tous les cas qu'elle n'est pas faite dans l'intérêt du pouvoir.

Elle est faite dans l'intérêt de la position du bourgmestre, choisi comme le propose l'honorable M. Malou. Du reste, c'est là anticiper.

M. de Theux. - Messieurs l'honorable M. Verhaegen se plaint que je n'aie pas exposé dans mon rapport les motifs pour lesquels la section centrale proposait trois projets de loi.

L’honorable membre a assisté aux délibérations de la section centrale, et notamment à la lecture de mon rapport ; il n'a pas désiré alors qu'on y mentionnât les motifs de cette décision de la section centrale. Ces motifs, je crois les voir exposés suffisamment dans cette séance en disant que la section centrale s'était conformée au précédent posé par M. le ministre qui avait présenté quatre projets de loi (aux voix ! aux voix !)

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la nouvelle proposition de M. Dolez, qui est ainsi conçue :

« Je propose à la chambre de réunir en un seul projet de loi toutes les propositions modificatives de la loi communale qui lui sont soumises. »

Plusieurs membres. - L'appel nominal !

Il est procédé à l’appel nominal.

86 membres y prennent part.

37 répondent oui.

49 répondent non.

En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.

Ont répondu oui : MM. Coghen, Cools, De Baillet, de Behr, Delehaye, Delfosse, de Roo, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dumont, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Manilius, Mercier, Orts, Pirmez, Pirson, Puissant, Raymaeckers, Rogier, Sigart, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Van Hoobrouck et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. Brabant, de La Coste, Cogels, Coppieters, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Man d'Attenrode, de Meer de Mortsel, de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Eloy de Burdinne, Fallon, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Kervyn, Lejeune, Liedts, Malou, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Peeters, Raikem, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Vanden Eynde, Vandensteen, Vanderbelen, Van Volxem, Wallaert et Zoude.


M. le président. - M. le ministre des finances a transmis à la chambre les avis de plusieurs chambres de commerce, concernant la discussion de la loi sur les sucres.

- Conformément aux antécédents, ces documents seront imprimés et distribués.


La commission chargée de l'examen du projet de loi concernant la délimitation des deux communes de Limbourg et de Jalhay, est composée comme suit : MM. Delfosse, Demonceau, Eloy de Burdinne, Fleussu, Lys, Raikem et Vandensteen.

- Sur la proposition de M. Delfosse, la chambre décide qu'elle se réunira demain en séance publique à une heure, pour laisser aux sections centrales le temps de vaquer à leurs travaux.

La séance est levée à 4 1/2 heures.