Accueil
Séances plénières Tables
des matières Biographies
Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du jeudi 1er septembre 1842
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi relatif à la convention conclue avec la ville de Bruxelles. Discussion
générale : Versement d’une rente par l’Etat pour le payement de la dette
communale et cession compensatoire de propriétés communales au gouvernement
(notamment porte de Hal, observatoire et voirie reprise par l’Etat) (de Baillet, Nothomb, Vandenbossche, Mercier, Eloy de Burdinne, Van Volxem, Lebeau, Van Volxem, Malou, (+loi sur les indemnités) Orts, Van Volxem, de Mérode, Nothomb)
(Moniteur belge n°245, du 2 septembre 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.
M.
Dedecker lit le procès-verbal de la séance
précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse donne lecture de deux lettres de M. David et M.
Delfosse qui demandent un congé.
- Ce congé est accordé.
Discussion générale
M. de Baillet. -
Messieurs, j’appartiens à l’un des arrondissements les plus éloignés de la
capitale, à l’un de ces arrondissements que je pourrais comparer aux cadets de
famille du temps passé, envers lesquels on croyait être juste quand on leur
avait assigné une mince légitime. C’est précisément pour cela que je tiens à
dire mon opinion en ce qui touche l’affaire de la capitale.
Je ne me sens en aucune façon
disposé à voir dans la convention qui nous occupe une étroite question de
chiffres. Je n’irai pas toiser la porte de Hal pour
savoir si elle contient pour 10 ou 100,000 fr. de briques. En réalité la ville,
n’eût-elle rien à nous offrir en compensation des sacrifices qu’elle nous
demande, ces sacrifices il faudrait les faire encore.
La question est une question
monarchique, une question d’honneur national, une question de crédit public. Je
ne puis pas l’envisager autrement. Mon vote dés lors n’est pas douteux.
La détresse de la ville de
Bruxelles est patente. Cette détresse a une cause principale : la révolution.
Nés de la révolution, ne soyons pas ingrats envers notre mère. A cette détresse
y a-t-il d’autres causes encore ? L’administration de la ville a-t-elle été
imprudente ? prenons nos mesures pour que les abus ne
se reproduisent pas ; mais ne faisons pas comme le pédagogue de la fable ;
sauvons la capitale, et nous prêcherons après.
M. le ministre de l’intérieur
nous a déclaré que, de tous les moyens proposés, la convention est le plus sûr
et le moins onéreux au trésor ; M. le ministre de l’intérieur a dû étudier la
question sous toutes ses faces, et j’ai assez de confiance dans son habileté
pour croire qu’il ne se trompe pas. Je voterai donc pour la convention.
D’un autre côté, quelques membres
paraissent croire que la somme du sacrifice peut être diminuée ; on annonce
même qu’une proposition doit être faite dans ce sens. Je l’attendrai. Je veux
être généreux sans prodigalité. Ce qu’il faut, c’est réparer le passé ; quant à
l’avenir, nous n’avons pas à nous en occuper. Si donc il m’est démontré que la
somme demandée peut être réduite, je voterai la réduction. Mais, messieurs, si
nous chicanons sur la somme, du moins ne prolongeons pas une situation
déplorable, déshonorante, moins pour la ville de Bruxelles que pour le pays.
Messieurs,
quand une chose est bonne, on la rend deux fois bonne en la faisant vite.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Messieurs, jusqu’à présent aucun
orateur n’a attaqué le but de la convention du 5 novembre. Personne n’est venu
vous dire : il ne faut rien faire pour la ville de Bruxelles ; il faut
abandonner la capitale à elle-même ; qu’elle se tire d’embarras, et elle le
peut. Au contraire, on reconnu qu’il y a quelque chose à faire pour Bruxelles.
Plusieurs orateurs que vous avez entendus hier et, entre autres, l’honorable
rapporteur de la section centrale, vous l’ont ouvertement déclaré. Ils ont été
plus loin, ils vous ont proposé des moyens ; ces moyens, nous les discuterons.
Mais en indiquant ces moyens, ils ont fait une réserve, il
ont cru devoir ajouter que, quant à eux, ils ne feraient aucune
proposition. C’est leur droit, sans doute, de ne pas faire de proposition ;
mais pensez-vous que la chambre puisse s’abstenir ; pensez-vous que la chambre
puisse se borner à rejeter la convention, en se refusant d’y substituer une
disposition quelconque ?
La conclusion rejetée, dit
l’honorable rapporteur, le gouvernement ouvrira de nouvelles négociations avec
la ville de Bruxelles, d’après les bases qui résulteront de l’ensemble de la
discussion. Une position semblable sera-t-elle acceptable et par le gouvernement
et par la ville de Bruxelles ? Je ne le pense pas.
Qu’est-ce d’abord que négocier d’après les bases résultant de l’ensemble
d’une discussion ? Mais le gouvernement, en concluant la convention avec la
ville de Bruxelles, a aussi pensé que les bases d’après lesquelles il allait
conclure étaient, jusqu’à un certain point, tacitement acceptées. Bien souvent
dans cette chambre, il a été question des embarras où se trouve la ville de
Bruxelles ; l’idée de venir à son secours, par l’achat de ses bâtiments et de
ses collections, est très ancienne ; elle a été souvent exprimée dans cette
chambre ; elle a semblé agréée par les différents ministères qui se sont
succédé. Et cependant, à peine le gouvernement avait-il conclu d’après ces
bases, que la convention a été attaquée ; elle devait l’être.
Si donc la convention est
rejetée, il y a, selon moi, impossibilité de négocier de nouveau avec la ville
de Bruxelles, à moins que cette fois l’autorisation formelle soit donnée au
gouvernement, de traiter d’après telles ou telles bases, sauf alors à la ville
de Bruxelles d’accepter ces bases ou non. Mais on ne peut plus marcher de
nouveau à l’aventure. Il a fallu cinq ans pour arriver à la convention du 5
novembre ; elle est présentée à la chambre depuis environ un au ; si la
convention est écartée sans que de nouvelles bases de négociation soient posées
par un acte législatif, vous négocierez de nouveau pendant je ne sais combien
d’années, ci vous arriverez encore dans la même incertitude devant la
législature avec une nouvelle convention, si tant est qu’on puisse en conclure
une. Et serez-vous plus heureux ? N’iriez-vous pas de négociation en
négociation, de convention en convention ?
Les honorables membres qui ont
indiqué d’autres moyens, ont sans doute le droit d’ajouter que, quant à eux,
ils ne feraient aucune proposition. Mais il m’est permis d’appeler l’attention
de la chambre sur la position où se trouverait le gouvernement si la convention
était purement et simplement rejetée, et qu’aucune base nouvelle de négociations
ne fût posée par un acte législatif. Au fond, ce serait dire qu’on ne vent rien
faire ; je pose en fait qu’il y aurait impossibilité d’ouvrir sérieusement une
nouvelle négociation avec la ville de Bruxelles.
Je vous disais qu’aucun orateur
n’avait encore essayé de prouver qu’il ne fallait rien faire pour la ville de
Bruxelles ; qu’abandonnée à elle-même elle pourrait se tirer d’embarras.
Admettons donc pour un moment, comme point de départ, qu’il faut venir au
secours de la ville de Bruxelles ; voyons comment.
Une pensée a dû d’abord dominer
le gouvernement et doit dominer la chambre ; c’est d’avoir recours à un moyen
qui ne devienne pas un précédent pour toutes les villes du royaume. Il faut laisser
intacte la loi du 10 vendémiaire an IV, loi que votre rapporteur a qualifiée de
loi sage et sociale. Pour laisser cette loi intacte, il faut recourir à un
moyen qu’aucune autre ville ne puisse invoquer à son tour, que la ville de
Bruxelles elle-même ne pourrait plus invoquer, si tant est que des malheurs que
nous avons eus à déplorer vinssent à se renouveler.
C’est précisément le caractère de
l’arrangement qui résulte de la convention du 5 novembre dernier ; il est
impossible qu’aucun autre acte présente au même point
ce caractère. La ville de Bruxelles obtient l’intervention pécuniaire du
gouvernement en lui cédant des bâtiments et des collections dont l’Etat a
besoin comme Etat. Il est en effet sans exemple qu’un gouvernement dans la
capitale ne soit pas propriétaire de certains bâtiments, de certaines
collections. Chaque Etat a ses bâtiments publics, a des collections qualifiées
de nationales.
Et vous-mêmes, messieurs, ne
l’avez-vous pas pensé en autorisant, il y a quelques années, le gouvernement à
acheter à un prix très élevé une bibliothèque qui est devenue le noyau d’une
bibliothèque nationale ? Vous avez donc cru qu’il fallait à un Etat, entre
autres, une bibliothèque nationale.
Vous autorisez chaque année le
gouvernement à acheter des tableaux. Il les dépose dans un musée qui lui est
étranger. Il contribue à augmenter les collections de la ville de Bruxelles, au
lieu d’employer les subsides que vous votez à former et augmenter des
collections qui seraient des collections véritablement nationales.
Voyez les capitales des moindres
Etats de l’Allemagne ; il y a dans ces villes certains bâtiments, certaines
collections appartenant à l’Etat comme Etat, et n’appartenant pas à la commune,
siège de la capitale.
Ce que je dis ici ne pourra se
dire d’aucune autre ville. En vain toute autre ville de la Belgique dirait :
« Venez également à mon secours, je m’offre à vous céder tels ou tels
bâtiments. » Ici, messieurs, on ne pourrait plus dire que le gouvernement a besoin des bâtiments qu’on lui offrirait ; ce n’est qu’à
Bruxelles que le gouvernement a besoin de ces sortes de bâtiments, ce n’est
qu’à Bruxelles où puissent se trouver les collections pouvant recevoir la
qualification de collections nationales. Et la ville de Bruxelles, une fois
dépouillée de ses bâtiments, une fois dépouillée de ses collections, ne
pourrait même plus, dans l’avenir, faire une offre de ce genre au gouvernement.
C’est donc un acte unique dans son genre, qui ne peut se renouveler nulle part,
pas même à Bruxelles.
Les autres remèdes que l’on
indique ne se présenteraient pas avec ce caractère ; la garantie d’emprunt,
chaque ville, chaque province même pourrait, dans un état de détresse,
l’invoquer ; et qu’auriez-vous à lui opposer ?
Nous partons donc de l’idée que,
dans un pays qui veut être une nation indépendante, qui veut avoir une
capitale, il est nécessaire que le gouvernement possède dans cette capitale
certains bâtiments, il est convenable qu’il possède certaines collections
qualifiées de nationales, et qu’aucune autre ville ne viendra vous dire :
« Je vous offre également des bâtiments, des collections dont vous avez
besoin comme gouvernement d’un Etat indépendant. »
Dans le rapport de la section
centrale, on s’est beaucoup, presque exclusivement attaché aux chiffres. On a
d’abord contesté la propriété des objets ; on a en de plus contesté
l’évaluation. Je n’entrerai pas, messieurs, dans tous les détails que
soulèveraient ces deux questions ; mais d’abord je dirai seulement, quant à la
propriété : qu’aurait-on à répondre à la ville de Bruxelles, si, la convention
étant rejetée, elle demandait à vendre certaines bâtiments, à vendre certaines
collections ? Qu’aurait-on à lui objecter, si elle indiquait ce moyen extrême
pour faire de l’argent ?
La propriété de la ville, dit-on,
n’est pas pleinement établie en quelques points ; mais ce qu’on n’a pas établi
d’un autre côté, c’est le titre d’un tiers quelconque à la propriété des objets
; de sorte qu’évidemment la ville restera propriétaire, sera réputée
propriétaire, jusqu’à ce qu’on lui prouve qu’un tiers quelconque a un droit
incontesté sur ces objets.
L’honorable rapporteur de la
section centrale, en critiquant, dans la séance d’hier, 1es évaluations, vous a
principalement signalé trois objets : la porte de Hal,
le terrain qui sert d’emplacement à l’observatoire et le terrain qui forme une
place publique entre les palais.
Je ne vous analyserai pas les
différentes expertises qui ont été faites. Il y a eu trois expertises, elles
ont été faites avec le plus grand soin.
La porte de Hal je conviens
qu’elle n’est pas d’une très grande valeur, je considère cet objet comme tout à
fait à part. Quant au terrain de l’observatoire, si l’emplacement appartient à
la ville (et au moins l’emplacement lui appartient), ce terrain offre
aujourd’hui une valeur considérable, et si la ville demandait que, quant à
elle, il n’y eût plus d’observatoire, si elle déclarait qu’elle ne veut plus
concourir à la dépense de l’observatoire, qu’elle laisse à l’Etat le soin de
maintenir l’observatoire ou de le supprimer, il faudrait bien faire un
arrangement avec la ville de Bruxelles pour l’indemniser de cette propriété.
Une voix. -
Elle ne peut pas supprimer l’observatoire.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - J’ignore comment l’on prouverait à la
ville de Bruxelles qu’elle ne peut pas exiger, quant à elle, la suppression de
l’observatoire ; il n’y a point de contrat qui la lie à ce point ; il a été
convenu que le gouvernement donnerait un subside pour l’observatoire ; mais si
la ville disait l’Etat : « Je suis dans la détresse, je dois faire argent de
tout, » ce serait sans doute un acte de vandalisme, mais lorsqu’on se trouve
dans une pénurie extrême on se permet tout.
Quant au terrain qui forme
l’emplacement entre les palais, il peut aussi être considéré comme pouvant
servir à l’emplacement de maisons, l’honorable rapporteur en est convenu, mais
il a pensé que d’après le plan, ce terrain ne pourrait être converti qu’en une
place publique. Ce terrain, messieurs, pourrait très convenablement être réuni
au palais du Roi. Il est vrai que sur le plan l’on a indiqué une rue entre ce
terrain et le jardin du Roi, mais il n’est pas fait mention de cette rue dans
la convention ; j’ai eu soin de supprimer cette mention ; j’ai voulu que le
gouvernement eût la liberté pleine et entière de réunir ce terrain au jardin du
palais du Roi. On établirait alors une rue de l’autre côté du jardin, et l’on
isolerait ainsi complètement le palais du Roi, en agrandissant le jardin. Il
faut espérer que tôt ou tard nous parviendrons à isoler le palais du Roi et
même à acquérir l’hôtel qui est aujourd’hui en partie enclavé dans ce jardin.
Ainsi, messieurs, ce terrain
constitue une véritable valeur pour le gouvernement ; il a d’ailleurs, dans
tous les cas, un grand prix pour la ville, car il pourrait se vendre très
avantageusement
Dans le rapport, ou s’est aussi
demandé quels seraient les frais qu’entraînerait pour l’Etat la possession des
bâtiments et des collections dont il s’agit.
On a prétendu qu’il en
résulterait une charge de plus de 150,000 fr. par an. On n’a pas indiqué les
éléments de ce calcul ; mais je pense, moi, que le personnel et l’entretien des
bâtiments n’exigeront pas une somme de plus de 30 à 40,000 fr. Si l’on a
indiqué une somme supérieure, c’est que l’on a supposé que le gouvernement
aurait à sa disposition des subsides très considérables pour l’augmentation des
collections et de la bibliothèque ; mais les chambres ne feront à cet égard pas
plus qu’elles ne font en ce moment ; elles voteront annuellement les subsides
qu’elles accordent pour l’augmentation de la bibliothèque royale, pour
l’augmentation des collections, pour l’achat ou la commande de tableaux.
Je regarde donc 1e chiffre de
150,000 francs, considéré comme représentant le montant de la charge à résulter
successivement de l’acquisition des bâtiments et des collections, je regarde ce
chiffre comme extrêmement exagéré. Il y aura un chiffre fixe pour le personnel,
qui est peu considérable et pour l’entretien des bâtiments qui sont en bon état.
Quant à l’augmentation des collections de la bibliothèque et du musée, vous
vous bornerez à porter annuellement au budget les sommes que vous y portez
maintenant. Si notre état financier vous permet un jour d’être plus généreux,
vous le serez librement, mais cela ne sera pas une conséquence nécessaire de
l’acquisition projetée.
Je ne m’attacherai pas davantage,
messieurs, aux questions de chiffres ; j’attendrai qu’on revienne sur ces
détails. J’attendrai aussi que les honorables orateurs qui ont annoncé qu’ils
proposeraient peut-être une réduction, aient fait et justifié cette
proposition. Il s’agit ici avant tout d’une question politique ; tout le monde
paraît d’accord qu’il faut faire quelque chose pour la ville de Bruxelles ; je
m’attache en ce moment à prouver que le meilleur moyen est la convention
conclue par le gouvernement.
D’autres moyens nous ont été
indiqués : on a parlé d’abord de la réunion des faubourgs ; mais l’honorable
rapporteur vous a fait voir combien cette affaire est peu instruite ; il vous a
énuméré toutes les questions administratives, financières, politiques, que
soulève cette proposition.
Je crois qu’il faudra encore bien
des années avant que cette affaire soit arrivée à maturité. Pour le moment je
ferai seulement remarquer quelles seraient les conséquences financières de
cette réunion : cette réunion, sur la base la plus large, vaudrait à la ville
de Bruxelles une augmentation de revenus de fr. 390,000, et l’enceinte nouvelle
exigerait une dépense de 2 à 3 millions, en supposant une clôture, non pas en
murs, mais en bois de sapin. Je ferai insérer au Moniteur le mémoire très remarquable qui a été rédigé sur cet objet
par l’inspecteur Vanderstraeten (Voir ci-après.) Ce n’est donc pas là le remède
auquel il faut songer pour tirer la ville de Bruxelles de la détresse où elle
se trouve.
C’est là une chose à laquelle on
pourra penser dans quelques années, lorsque la ville de Bruxelles se sera
relevée, ce n’est que lorsqu’elle aura restauré ses finances qu’elle pourra
tendre la main aux communes qui l’entourent et que ces communes consentiront
peut-être à ne pas repousser cette main ; mais ces communes vous sauraient
mauvais gré d’exiger aujourd’hui d’elles qu’elles s’associent à une ville qui
se trouve en quelque sorte en état de faillite. Avant que la ville de Bruxelles
puisse demander l’adjonction des faubourgs, avant que vous puissez
la prononcer sans injustice, il faut, je le répète, que les finances de la
ville de Bruxelles soient rétablies.
J’écarte donc ce moyen comme
inefficace et inopportun, et j’arrive à l’autre moyen qui a été indiqué, la
garantie des intérêts d’un emprunt.
Cette garantie, messieurs,
pourrait être pure et simple, ou bien elle pourrait être combinée avec un
système de remboursement. Je l’examinerai sous l’un et l’autre de ces rapports.
C’est sous ce dernier rapport que
l’a présenté M. Malou ; cet honorable membre a proposé de combiner la garantie
avec un système spécial de remboursement.
D’abord, messieurs,
demandons-nous quel serait le montant de l’emprunt qu’il faudrait garantir. On
a supposé que 6 millions suffiraient. C’est là une erreur, ce n’est pas un
emprunt de 6 millions qu’il faudrait garantir à la ville de Bruxelles mais un
emprunt de 12 millions environ ; 6 millions à peu près suffiraient pour
liquider la dette résultant des pillages, mais tout n’est pas fait alors, il
faut en outre que la ville se mette à même de refaire, sous tous les autres
rapports, sa position financière. La ville de Bruxelles a malheureusement
d’autres dettes que celle des pillages ; elle a des dettes antérieures et
postérieures à la révolution ; tous les détails s’en trouvent dans le rapport
de la section centrale. Il lui faudrait 12 millions environ pour se remettre,
comme on dit, à flot, et si vous joignez à la garantie d’un emprunt la réunion
des faubourgs, il faudra garantir 15 millions.
Mais, dira-t-on, s’il en est
ainsi, comment la rente de 400,000 fr., stipulée par la convention,
pourra-t-elle suffire ? Mais c’est parce que la ville de Bruxelles, recevant
cette rente de l’Etat, fera d’autres opérations à côté de celle-là ; elle se
propose en outre, soit de contracter un emprunt, soit de liquider une partie de
sa dette au moyen d’inscriptions nouvelles sur le livre de la dette publique.
Ces opérations deviennent possibles, du moment où l’Etat assure la ville de
Bruxelles une rente de 400,000 fr. ; cette rente la dégage suffisamment pour
lui permettre de faire l’une ou l’autre des opérations que je viens d’indiquer.
Mais voyez, au contraire, ce qui arrivera si l’on se borne à garantir un
emprunt de 6 millions de fr. : dans ce cas, la ville
de Bruxelles serait forcée de faire deux emprunts, un de 6 millions garanti par
l’Etat, et un autre aussi de 6 millions qui ne serait pas garanti par l’Etat.
Posons d’abord en fait que la garantie
ne devrait pas porter sur un emprunt de 6 millions seulement, mais sur un
emprunt beaucoup plus considérable, sur un emprunt qui pourrait aller jusqu’à
12 millions, même en laissant de côté la question de la réunion des faubourgs.
Nous avons dit qu’il pouvait y
avoir deux systèmes de garantie : vous avez d’abord la garantie pure et simple.
Le gouvernement ferait pendant un certain nombre d’années le service des
intérêts. Pour combien d’années le gouvernement devrait-il accepter cette
garantie ? Je crois que pour que l’emprunt pût se faire d’une manière
avantageuse, le gouvernement devrait accepter cette garantie pour tout le temps
nécessaire à l’amortissement de l’emprunt, c’est-à-dire que ce terme pourrait
être de 36 ans, à raison d’un amortissement de 1 p. c.
Si au contraire, vous bornez la
garantie à 10 ans, à 20 ans, vous vous exposez à faire un emprunt aux
conditions les plus onéreuses. Les créanciers se diraient : « Avec qui
traitons-nous ? Pour 10, pour 20 années, nous avons la garantie du gouvernement,
mais passé ce terme, nous ne sommes plus qu’en face de la ville de
Bruxelles. »
Il faudrait donc, pour avoir un
emprunt à des conditions avantageuses, accorder la garantie pour tout le terme
de l’amortissement, sauf au gouvernement à récupérer ses avances sur la ville
de Bruxelles, par tous les moyens qu’on pourrait mettre en son pouvoir.
Quels seraient maintenant ces
moyens ?
Le gouvernement, au bout d’un
certain temps rentrerait dans les avances qu’il a faites… Comment le
pourrait-il ? Il ne le pourrait qu’en augmentant les taxes de la ville de
Bruxelles ou en imposant directement les habitants.
Je vous ai déjà dit hier,
messieurs, quelle serait la position extrêmement difficile que vous feriez au
gouvernement dans la capitale.
Le jour viendrait donc que le
gouvernement devrait récupérer ses avances, et l’on dirait : Savez-vous
pourquoi la viande, la houille, sont d’un prix si élevé, c’est parce que le
gouvernement a augmenté l’octroi, pour recouvrer les avances qu’il a faites. Je
vous le demande, messieurs, si une position semblable est acceptable pour le
gouvernement, et surtout dans la capitale.
Il en sera de même, messieurs, si
vous mettez un terme à la garantie, si, par exemple, vous déclarez qu’au bout
de dix ans l’Etat ne fera plus le service des intérêts et que la ville fera ce
service à partir de la onzième année ; il faudra, pour cela, que le
gouvernement puisse créer des taxes nouvelles, augmenter l’octroi. Ainsi, à la
onzième année, le gouvernement se trouvera en présence des habitants qui diront
que si tous les objets de nécessité ont augmenté de prix, c’est parce que le
gouvernement s’est déchargé sur la ville de Bruxelles de la garantie de
l’emprunt.
Si vous voulez donc qu’un emprunt
se fasse à des conditions avantageuses, il faut le garantir jusqu’à
l’amortissement complet. Et alors vous avez devant vous une charge indéfinie ;
vous êtes dans la presqu’impossibilité, à moins de livrer un combat de tous les
jours, non pas à l’autorité municipale, mais à la population de Bruxelles ; vous
êtes, dis-je, dans la presqu’impossibilité de vous récupérer un jour de vos
avances.
Si vous voulez faire cesser la
garantie avant l’expiration du terme de l’amortissement, la position difficile
dans laquelle le gouvernement peut se trouver l’égard de la population de
Bruxelles viendra plus tôt. Le gouvernement aura à la fois à récupérer ses
avances et à exiger de la ville de Bruxelles qu’elle fasse à l’avenir le
service des intérêts de l’emprunt.
C’est aussi ce que l’honorable
rapporteur de la section centrale a très bien senti, c’est ce qui l’a conduit à
combiner le système de l’emprunt avec une acquisition subséquente des bâtiments
et des collections.
M. Malou. - J’ai parlé de cela comme d’une faculté pour le gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je sais que l’honorable membre s’est
servi de ce mot ; moi, je dis que cette acquisition serait une nécessité, parce
que vous n’oseriez pas braver la situation que j’ai indiquée tout à l’heure ;
vous seriez heureux de récupérer un jour vos avances en acceptant les bâtiments
et les collections ; car oseriez-vous vous engager avec la population de
Bruxelles dans cette lutte dangereuse ? Voudriez-vous dire au conseil communal
: Je n’userai pas de la faculté que j’ai de vendre les bâtiments et les
collections, je préfère me rembourser en argent, et pour me rembourser en
argent, vous augmenterez l’octroi.
L’honorable rapporteur ne veut
pas de l’achat immédiat ; il accepte la faculté, qui deviendra une nécessité,
suivant moi, la faculté d’un achat subséquent. Dès lors, à mes yeux, il n’y a
plus qu’une différence de chiffre à apprécier.
J’ai fait des calculs d’après
lesquels, en ne tenant aucun compte de la porte de Hal,
du terrain de l’observatoire, du terrain des palais, en admettant même une
réduction sur les autres objets, le gouvernement aurait la faculté d’acheter
pour une rente de 245,000 fr. environ. J’attendrai que des propositions de
réduction nous soient faites ; nous les discuterons, et nous verrons quelle
sera la différente entre le remède indiqué par l’honorable M. Malou et le
chiffre qu’on nous proposera pour l’achat immédiat.
Messieurs, la garantie d’un
emprunt est une idée qui m’avait souri également ; je dois même dire que la
plupart de ceux qui ont été aux affaires se sont momentanément arrêtés à cette
idée, comme à une proposition très simple, très naturelle. Mais quand on
examine les choses de plus près, on voit quelles sont les difficultés qui se
présentent dans l’exécution.
En premier lieu, je vous ai
démontré qu’il ne s’agissait pas de garantir un emprunt de 6 millions, mais un
emprunt du double à peu près.
En second lieu, restent les
moyens de récupérer les avances. Ces moyens, il faut les indiquer. L’honorable
M. Malou indique l’achat subséquent des bâtiments ; nous, nous proposons
l’achat immédiat, et nous croyons que l’achat immédiat termine l’affaire d’une
manière plus avantageuse pour l’Etat.
Dans le système de la garantie,
je le répète, c’est de 12 millions qu’il s’agit, et vous vous aventurez pour
une rente de 12 millions. Aujourd’hui, messieurs, au contraire, l’achat que
vous faites est une opération définitive ; vous savez quel sacrifice vous
imposez à l’Etat, et vous n’entrez pas dans une lutte dangereuse avec la population
de la capitale. C’est une position nette, sans péril, une position qui sera
prise irrévocablement.
Il serait surabondant, messieurs, de vous parler de Bruxelles comme
capitale, de vous dire ce que le pays doit à cette ville. Il y a douze ans que
dans cette période même de l’année se préparaient à Bruxelles les événements
qui ont amené la nationalité belge.
M. Vandenbossche. - Messieurs, notre capitale se trouve dans une crise financière ; tous
ses projets pour en sortir ont échoué. Elle a finalement conçu celui de vendre
à l’Etat les objets contenus dans la convention soumise à notre approbation. Y
a-t-il lieu de venir à son secours pour la tirer de la situation fâcheuse ou la
place l’état de ses finances ? Je pense que oui. Pour nous y décider,
devons-nous en rechercher les causes ? Je pense que non. Nous devons prendre la
situation telle qu’elle est ; s’il y a eu des fautes commises, nous ne pouvons
que prévenir, autant que possible, qu’elles ne se reproduisent plus à l’avenir.
Je ne me refuserai donc pas à
l’adoption de la convention ; toutefois ce serait là la dernière des mesures à
laquelle je pourrais me rallier. Le meilleur moyen pour assister notre capitale
à sortir de ses embarras financiers serait, à mon avis, de lui prêter, avec
dispense de payer les intérêts, la somme nécessaire. Le gouvernement nous
propose de lui acheter ses propriétés moyennant de lui payer une rente annuelle
de 400,000 francs ; je proposerai de lui en prêter le capital au denier 20,
soit 8,000,000 de francs, remboursables pendant un nombre déterminé d’années et
annuellement en proportion de ses ressources. A cet effet, on autoriserait le
gouvernement à modifier son budget et son compte pendant tout le temps qu’elle
n’aurait pas entièrement restitué la somme empruntée ; de cette manière, ceux
qui pensent que la capitale a des ressources et peut se suffire à elle-même
sans le secours de l’Etat, pourront être rassurés ; il n’y aurait plus de
dilapidations, dont on accuse les régences précédentes, et l’Etat ne tarderait
pas longtemps à rentrer dans ses fonds. Cette mesure serait préférable à celle
proposée par l’honorable M. Malou, de garantir un emprunt que la ville
elle-même ferait, attendu que celui-ci ne ferait qu’accroître son embarras financier,
s’il y a embarras réel, à moins que le gouvernement lui-même ne servît, pendant
une longue suite d’années, les intérêts à sa décharge. Mais dans ce cas le
résultat serait le même pour le trésor public. Au surplus, quelle que soit la
garantie que donnerait le gouvernement, la ville de Bruxelles n’obtiendrait pas
un emprunt à des conditions aussi favorables que l’Etat lui-même ne pourrait le
contracter ; on craint un débiteur malheureux, quelle que soit sa caution.
Cette mesure de prêter
directement le capital serait aussi préférable à une acquisition des bâtiments
et des collections de la ville, quelque favorable que pourrait en être le prix.
Dans tous les cas on ne les achèterait que pour les conserver à leur
destination actuelle.
Or, devenus la propriété de
l’Etat, leur conservation coûterait le double et le triple de ce qu’elle coûte
actuellement. Notre bibliothèque nationale en offre un échantillon. Son
personnel coûte 24,000 francs par an ; le personnel attaché à la bibliothèque
de Bruxelles, laquelle, je pense, est beaucoup plus considérable, ne coûte
peut-être pas le quart. Et que fait à l’intérêt des sciences, ou à la splendeur
de la capitale ou de l’Etat, que toutes ces collections appartiennent à la
ville ou au pays ? Rien, exactement rien. Dira-t-on que si la ville en reste la
propriétaire, elle peut en disposer, et enlever au pays ce que nous envisageons
tous devoir contribuer à sa splendeur ? Mais ceci n’est pas à supposer, car
elle enlèverait à elle-même la plus grande partie de sa magnificence. Le
gouvernement, dit-on, a besoin des bâtiments de la ville, toutes les fois qu’il
veut ouvrir une exposition d’objets d’art ou d’industrie ? Mais encore une fois
la ville a un intérêt à ce que ces expositions aient lieu, et, par conséquent,
à y prêter ses locaux. Au surplus, on pourrait faire des stipulations à ce
sujet ; la ville ne se refuserait pas à garantie au gouvernement la
conservation de toutes ses collections et de tous ses bâtiments à leur
destination actuelle.
La grande majorité est disposée à
faire quelque chose pour la ville de Bruxelles ; nous pouvons effectuer notre
secours. Nous n’avons pas la somme disponible au trésor, mais à la veille de
faire un emprunt, nous pouvons le majorer de toute la somme que nous lui
destinerons. L’emprunt ne s’effectuera pas moins à des conditions avantageuses.
Notre rente à 5 p. c. a été constamment au pair, ou même le dépasse ; en
émettant notre nouvel emprunt à la bourse, on ne la verra pas descendre,
surtout si nous montrons au pays que nous sommes finalement disposés à ne plus
laisser dilapider les deniers publics et à rassembler les ressources que nous
avons.
Je vous ai dit dans une autre
circonstance, messieurs, (le 29 janvier 1841), que nous avions encore à
récupérer sur la Hollande une somme de 68 millions de florins, indépendamment
de notre part dans le partage du syndicat d’amortissement ; j’en ai confié la
démonstration à M. le ministre des finances ; et je ne pense pas qu’il
contestera soit mes principes, soit mes chiffres.
J’ai proposé un projet de loi,
tendant à imposer les rente. Tout le monde est convenu
de l’équité de ma proposition ; la difficulté que l’on croit devoir trouver
dans son exécution a seule empêché d’en aborder l’examen. Cependant cette loi,
tout équitable, remédierait à tous nos déficits. Je conviens que ma proposition
est susceptible de plusieurs amendements ; mais si le principe est équitable,
il conviendrait au moins, dans la situation où nous sommes, qu’on l’admette,
tout en en corrigeant les défectuosités du projet.
J’ai réclamé, à différentes
reprises, la discussion des droits et action du gouvernement envers la société
générale, du chef des domaines ; on n’y a pas répondu.
Ah ! messieurs, si vous
persistez ainsi à mépriser les ressources de l’Etat, et si vous continuez à augmenter
ses dettes par des emprunts, avec la seule prévision d’augmenter les impôts
existant pour y faire face, alors il y a à trembler pour l’avenir que vous
réservez au pays.
Quel que soit l’accueil qu’on y a
toujours fait, mon devoir de représentant m’ordonne de la reproduire, non pas
pour qu’on la mette directement à l’ordre du jour pendant la session actuelle,
mais pour le commencement de la session prochaine. La certitude qu’aura le
public qu’elle sera discutée ne pourra qu’exercer une salutaire influence sue
l’emprunt que, de nouveau, nous nous proposons de contracter.
Mais je
me réserve de formuler ma motion lorsque nous arriverons à la discussion de
l’emprunt.
M. le président. - Voici l’amendement que M. Mercier a fait parvenir au bureau, et qui
doit former addition à la disposition du projet :
« Sous la condition que le prix
de cession stipulé dans l’art. 2 de ladite convention soit réduit à la somme de
300 mille francs de rente annuelle, et que l’Etat et la ville de Bruxelles
renoncent réciproquement à toute prétention qu’ils peuvent avoir à la date de
la présente loi, l’une à l’égard de l’autre, quelles qu’en soient l’origine et
la cause. »
M. Mercier. - La chambre
aura remarqué que la section centrale n’a pas été unanime dans la détermination
qu’elle a prise à l’égard de la convention qui nous est soumise. Le principe de
cette convention a été adopté par la minorité, sauf à apporter quelque
modification au chiffre proposé.
Messieurs, la minorité de la
section centrale a cru qu’il était non seulement de la dignité de la nation,
mais aussi de son intérêt de tirer la capitale des embarras financiers dans
lesquels elle se trouve. Nous avons pensé que le crédit public devait se
ressentir plus ou moins de ces embarras. La capitale, aux yeux de l’étranger,
représente souvent le pays tout entier. Il juge souvent de la richesse d’une
nation par la richesse et la prospérité de la capitale elle-même. Il me paraît
donc qu’à la veille de contracter un emprunt, il est opportun de prendre nue
décision et une décision favorable sur la convention qui nous est soumise.
L’honorable rapporteur de la
section centrale nous a parlé hier d’un autre moyen de venir en aide à la ville
de Bruxelles. Je ne puis donner mon approbation à la garantie d’un emprunt,
surtout d’un emprunt limité à 6 millions, comme l’a proposé l’honorable membre.
D’abord cet emprunt serait insuffisant, puisque la dette non consolidée de la
ville de Bruxelles va s’élever à environ 15 millions, et une garantie accordée
sur six millions seulement ne faciliterait guère à la ville les moyens de
contracter un emprunt de 15 millions. Ce n’est pas là le principal motif qui me
détermine à repousser ce mode ; ce qui surtout le rend inefficace à ms yeux,
c’est qu’avec une simple garantie les charges de la ville restent les mêmes ;
elle se trouvera sous le poids d’une dette énorme qu’à mon avis elle ne pourra
pas supporter.
L’honorable rapporteur, en
émettant son opinion personnelle, a cru que, dans l’arrangement qui serait pris
lorsque la garantie serait donnée, on pourrait stipuler que l’Etat conserverait
la faculté d’acquérir à un prix convenu certains immeubles et certaines
collections dont il est fait mention dans la convention. Je ne doute pas que le
résultat d’une semblable stipulation soit de mettre la ville en possession de
ces objets, non pas qu’il soit dans l’intention formelle de l’honorable membre
que l’Etat fasse cette acquisition, mais parce que tel serait l’effet inévitable
de la mesure qu’il a suggérée ; la ville dans les embarras qu’elle ne
manquerait pas d’éprouver nous dirait bientôt : Il m’est impossible de
satisfaire aux intérêts de l’emprunt, vous avez un gage, vous avez stipulé
certaines conditions, prenez le gage aux conditions stipulées. Au moyen d’un
tel arrangement, nous n’obtiendrions pas les avantages de la mesure proposée et
nous en aurions toutes les charges, si pas aujourd’hui, du moins dans un temps
assez rapproché.
J’ai dit, messieurs, que la capitale
ne pourrait pas faire face à toutes les charges qui lui incomberaient, si elle
devait supporter la totalité des intérêts d’un emprunt de 15 millions.
La dette constituée s’élève à 9,770,000 fr. pour lesquels la ville paye un intérêt de
309,000 fr. La dette non constituée est de 9,551,000
fr. L’intérêt à 5 p. c. serait de 477,000 fr. ; on ne peut pas s’attendre à ce
que la ville puisse emprunter à un intérêt inférieur, même avec la garantie du
gouvernement.
L’augmentation de la dette, par
suite de dévastations résultant d’événements politiques, s’élèverait, d’après
les renseignements fournis par le gouvernement à 7 millions. D’après d’autres
calculs approximatifs présentés par l’honorable rapporteur, elle ne serait que
de 6,660,000 fr. J’adopterai ce chiffre, pour suivre
le calcul de la section centrale je le réduirai d’un cinquième, parce qu’il y
aura probablement des réductions à faire sur les prétentions de ceux qui ont
souffert de ces dévastations. Le chiffre ne se trouvera plus être que de 5,328,000 fr.
Je l’ai déjà fait remarquer, on
ne peut espérer d’obtenir un emprunt à un intérêt inférieur à cinq pour cent ;
la rente à ajouter aux précédentes sera donc de 266,000 fr. C’est la même qu’a
renseignée M. le rapporteur, seulement il a laissé subsister le chiffre
intégral et porté l’intérêt à 4 p. c. Le résultat est le même.
Mais pour avoir quelque chance de
contracter un emprunt au pair, même à l’intérêt de 5 p. c.,
il faudra former un fonds d’amortissement, Ce fonds sur la nouvelle dette à
constituer portant à 1 p.c., serait de 148,000 francs. Récapitulant toutes
sommes, je trouve que la ville, seulement du chef de sa dette à supporter,
aurait à supporter une charge de 1,200,000 fr. Le
budget des recettes de 1842 est un des plus élevés que la ville ait eu jusqu’à
présent ; il s’élève à 3,250,000 fr, Les intérêts de
la dette payés, il ne resterait pour faire face à toutes les autres dépenses
que deux millions. Le budget des dépenses, après déduction de ce qui y figure
pour solder l’intérêt de la dette, reste à 2,650,000
fr., ce qui présente un déficit de plus de 600 mille francs.
L’octroi de Bruxelles est
tellement élevé qu’on ne peut plus guère penser à l’augmenter. Il en est de
même des centimes communaux, qui sont aussi très nombreux, de telle manière que
la ville ne pourrait pas augmenter considérablement ses ressources, pas assez
du moins pour atteindre le chiffre de 600,000 fr.
Je dois dire quelques mots aussi
de l’opinion qui a été exprimé relativement à la gestion financière de la ville
de Bruxelles. Je ne prétends pas qu’aucune faute n’a été commise. Mais je crois
qu’on est tombé à cet égard dans des exagérations.
Le découvert de la caisse de la
ville de Bruxelles depuis 1830, ou l’augmentation de sa dette, a été de 4,646,000 fr. La ville a été obligée de contracter deux
emprunts (dont celui de 7,500,000 fr. ; par suite des
événements politiques, elle n’a pu traiter que d’une manière onéreuse ; elle a
fait sur la réalisation de ces emprunts une perte de 1,320,000 fr.), les
circonstances ne lui ont pas permis de traiter d’une manière favorable.
Le déficit que présenteraient les
finances de la capitale depuis 1830 ne serait donc en réalité que de 3,346,000 fr. ; elle a eu à supporter différentes dépenses
extraordinaires que je vais signaler à la chambre, en partie du moins. Entre
autres, il en est une dont il est fait mention dans le rapport et qui s’élève à
445,000 fr. pour subside extraordinaire aux hospices. C’est une dépense ne se
représentera plus et qui prend sa source dans les événements de la révolution.
Les recettes de la ville de
Bruxelles, en 1830, 1831 et 1832, par suite des circonstances politiques, ont
été fortement altérées ; l’administration municipale estime à 1,286,000 fr. la perte essuyée comparativement avec les
recettes de 1829, de 1,220,000 fr.
Le rapporteur de la section
centrale a trouvé que l’on avait tort d’établir la comparaison avec la dernière
année, dont les recettes étaient les plus favorables, et qu’elle devait se
faire avec la moyenne des trois dernières années, puisque la perte portait
également sur trois exercices. D’après le calcul de l’honorable membre la perte
ne s’élève qu’à 989,000 fr, J’adopterai ce chiffre. Les travaux improductifs
faits aux boulevards pour occuper les ouvriers dans des temps d’émeute, se sont
élevés à 119,000 fr.
En 1832, il a été payé par la
ville pour frais nécessités, par suite de l’invasion du choléra et pour
dépenses de 1830 et des années antérieures une somme de 238,000 fr. En outre,
de 1833 à 1839, la ville a payé pour dépenses antérieures à 1830, 238,000 fr.
Enfin, elle a eu à subir pour dépenses extraordinaires pour achèvement des
boulevards, amélioration du canal et la construction de l’Abattoir, une charge
extraordinaire d’environ un million.
En réunissant ces différentes
sommes, nous trouvons un résultat supérieur au déficit de 3.3540,000 fr. que présentent les finances de Bruxelles depuis
1830.
Ce sont là des dépenses tellement
extraordinaires qu’elles ne se représenteront plus, et qui justifient jusqu’à
un certain point la situation financière de Bruxelles, autant quelle a rapport
à la balance des budgets depuis 1830.
Messieurs, la situation
financière de la ville de Bruxelles est principalement due à des circonstances
tout à fait extraordinaires et par ce motif je ne pourrai pas requérir qu’on la
range dans une situation exceptionnelle. Je ne pense pas qu’il y ait tant à
reprendre dans sa gestion, qu’il y ait à la soumettre à des mesures autres que
celles qui sont appliquées aux autres villes du royaume.
On a paru généralement d’accord
qu’il y a lieu de faire quelque chose pour la capitale ; mais jusqu’a présent
il y a divergence d’opinion sur les moyens de venir à son secours.
Un honorable membre a parlé de la
réunion des faubourgs. Je pourrais m’abstenir de m’expliquer sur ce point,
puisque M. le ministre de l’intérieur vient de prouver que de cette réunion ne
résulterait pas une augmentation immédiate des ressources de la ville. Le mur
d’enceinte coûterait déjà trois millions ; il ne faut pas penser à le
construire.
Si l’on substituait une
contribution directe à l’octroi, il serait impossible d’obtenir un revenu tel
que celui qu’on percevrait par l’octroi ; peut-être ne pourrait-on atteindre la
moitie de ce que ce dernier mode fournirait ; cependant l’accroissement de la
commune de Bruxelles, par la réunion des faubourgs, donnerait lieu à de fortes
dépenses. Ces nouvelles populations voudraient être traitées sur le même pied
que les habitants actuels de la ville de Bruxelles. Il faudrait, dans la
plupart des faubourgs, construire des aqueducs, des égouts ; il faudrait faire
des dépenses d’éclairage et de pavement ; il faudrait même construire des
églises dans certains quartiers qui en manquent. Pendant une longue suite
d’années, la ville ne trouverait aucune ressource dans la réunion des faubourgs.
Je crois même que cette réunion lui serait onéreuse.
Si les deux moyens que l’on a
indiqués jusqu’à présent sont illusoires, s’ils ne peuvent conduire à aucun
résultat efficace, que faudra-t-il faire pour venir en aide à la capitale ?
Faut-il lui accorder une rente annuelle ? faut-il en
fixer le chiffre à 400,000 francs ? En réduisant la somme totale de 8 millions
des différentes valeurs des terrains du boulevard, de l’observatoire et de la
porte de Hal, indiquées hier par l’honorable rapporteur de la section centrale,
resterait encore une somme de 7 millions environ ou de 6,400,000
francs, si l’on n’ajoute rien pour la valeur d’ensemble ; la rente sur les
capitaux serait de 320,000 ou 350,000 fr. Mais, d’un autre côté, la ville et
l’Etat ont des prétentions réciproques à charge l’un de l’autre. La ville
demande une indemnité pour dépossession de certaines routes et d’autres
prétentions encore. D’un autre côté, l’Etat a avancé certaines sommes à la
ville de Bruxelles, notamment dans les premiers temps de la révolution.
Je pense que tout en réduisant le
chiffre de la rente posé dans la convention, ainsi que je l’ai fait par
l’amendement dont M. le président a donné lecture, il y aurait lieu de stipuler
que la ville et l’Etat doivent renoncer à toute prétention réciproque.
La
rente, par mon amendement, serait réduite à 300,000 francs. La position de la
ville et de l’Etat serait nette. Celle de la ville serait régulière. Je pense
que, dans les circonstances actuelles, l’Etat s’en trouverait bien lui-même et
que la mesure qui aurait été adoptée ne pourrait qu’avoir une heureuse
influence sur les conditions de l’emprunt.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs je suis aussi de l’opinion de ceux qui croient que le
gouvernement doit venir au secours de la ville de Bruxelles, non parce qu’elle
est une grande ville, mais bien parce que Bruxelles est la capitale du royaume.
Si je partage cette opinion, que
je crois être celle de la majorité, je ne puis être d’accord avec le
gouvernement sur la convention du 5 novembre ; si elle ne subit pas une
modification importante, je lui refuserai mon assentiment. Je ferai remarquer
qu’il serait dangereux que le gouvernement devînt propriétaire de la
bibliothèque, du cabinet d’histoire naturelle, ainsi que la galerie des
tableaux. Je crois qu’un gouvernement doit posséder le moins possible des
propriétés mobilières et autres qui sont de nature à être enlevées.
Vous le savez, messieurs, la
Belgique, par sa position géographique, est exposée à être envahie, et il se
pourrait que ces objets, étant la propriété de l’Etat, l’ennemi, entrant
Bruxelles, les déclarât de bonne prise et les enlevât, tandis que restant la
propriété de la ville, ces objets seraient préservés et resteraient en Belgique
Les propriétés de l’Etat, de
l’espèce, appartiennent de droit au conquérant ; il n’en est pas de même des
propriétés des communes qui, en général, sont respectées.
Pour ces motifs, je crois qu’il
serait imprudent que l’Etat devînt propriétaire des propriétés qui sont de
l’espèce de celles qui peuvent être enlevées, et je me refuse à consentir
quelles deviennent la propriété de l’Etat.
Dans la séance précédente, on a
adressé une plainte à la législature, on lui a reproché qu’elle ne faisait rien
pour les monuments de Bruxelles ; cet honorable membre a sûrement perdu de vue
la dépense votée par les chambres pour la restauration de l’église de
Ste-Gudule, et on ne contestera certes pas que cette église ne soit un monument
appartenant à la ville de Bruxelles.
L’Etat n’a-t-il pas fait
construire la station des Bogards dans l’intérêt de
la ville de Bruxelles exclusivement ?
Une deuxième station pour les
voyageurs fut construite sur la ligne du nord, encore dans l’intérêt de Bruxelles.
Et l’on ne contestera pas que la
construction du chemin de fer, qui dans mon opinion sera une charge énorme pour
le pays, ne soit d’un grand avantage pour Bruxelles.
Je crois même pouvoir soutenir
que la capitale sera la seule ville du royaume qui en retirera un avantage
marquant.
Au moyen de ce mode de voyager
d’une manière accélérée, des centaines de mille individus visitent la capitale
annuellement et viennent y dépenser leur argent, au détriment des autres
villes, là où ils faisaient leurs emplettes et de la dépense avant l’érection
des chemins de fer. Je ne crois pas exagérer en avançant que la construction du
chemin de fer ne procure à la capitale un bien-être de plus d’un million
annuellement.
Ajoutons à ce bien-être un don de
40 mille francs annuellement alloué par la législature pour les fêtes de
septembre.
Et ces fêtes, vous le savez,
attirent une masse d’étrangers à la capitale, qui viennent y faire une dépense
considérable, toujours à l’avantage de Bruxelles.
On ne soigne pas les monuments
dans la capitale, vous a-t-on dit hier.
J’ai prouvé qu’on a fait une
dépense considérable, aux frais du trésor pour un monument (l’église de
Ste-Gudule).
Et j’ajouterai qu’on a construit
un monument qui a coûté fort cher sur la place des Martyrs ; le considère-t-on
pour rien, ce monument ?
J’aime à croire que telle n’est
pas la pensée de celui qui se plaint de ce qu’on négligeait les monuments de la
capitale.
L’Etat ne donne-t-il pas
annuellement 25 mille francs pour le jardin botanique, et le siège du gouvernement
n’est-il pas un immense avantage ?
Je n’abuserai pas davantage de
vos moments, messieurs, je me bornerai à ce que je viens de vous dire, pour
prouver que les plaintes proférées dans les séances précédentes ne sont
nullement fondées, et je terminerai mes observations en vous faisant remarquer
que ceux qui se plaignent sur le peu que le gouvernement fait pour la capitale
doivent être compares à ces enfants gâtés qui, à force de recevoir, deviennent
toujours plus exigeants et à qui plus on donne et plus ils veulent avoir.
Je pourrais faire remarquer que
si les finances de la ville de Bruxelles sont dans une position fâcheuse, la
cause pourrait bien en être attribuée à une mauvaise administration qui date de
nombre d’années.
Déjà, en 1827, on se plaignait du
désordre financier de la commune de Bruxelles ; ce n’est donc pas la révolution
qui l’a ruinée.
En 1833, m’a-t-on assuré, on doit
avoir proposé à l’administration de la ville de Bruxelles de se charger de sa
dette et de continuer à lui payer annuellement la même somme qu’elle recevait
de son octroi, si elle voulait céder à une société la perception (pour un temps
assez long à la vérité), de l’octroi à son profit d’après le tarif existant
alors, proposition qui fut repoussée.
Si ces faits sont exacts, et,
pour mon compte, je les crois vrais, en 1833, la ville de Bruxelles se serait
trouvée tout à fait liquidée. Je n’entrerai pas dans d’autres détails sur la
perception de l’octroi. Cette question est trop délicate ; mais je crois devoir
ajouter que, dans l’opinion de grand nombre de personnes, la ville ne reçoit au
plus que la moitié de ce que devrait produire l’octroi municipal. L’autre
moitié est fraudée, à ce que l’on prétend.
En terminant, je ne puis me
dispenser de dire que depuis un an le chef de l’administration actuelle fait
tout ce qu’il peut pour l’amélioration des recettes, et diriger
l’administration avec plus d’économie que précédemment. En résumé, je dois
déclarer ne pouvoir accepter la convention qui nous est présentée.
Si on nous fait une proposition
modérée, je l’accepterai, si toutefois, elle est acceptable dans ma manière de
voir, et pour autant que nos moyens nous le permettent.
Je pourrais entrer dans de plus
longs détails pour répondre à M. le ministre de l’intérieur, sur ce qu’il a prétendu
qu’un gouvernement devait posséder des bibliothèques, des tableaux, des
collections d’histoire naturelle, etc. S’il puise ses raisonnements dans ce qui
se passe à Londres, à Paris, à St-Petersbourg, je
serai peut-être de son avis ; car ni Londres, ni Paris, ni St-Petersbourg ne sont sujets, comme la Belgique, à être
envahis. Leurs cabinets d’histoire naturelle et leurs tableaux sont donc à
l’abri d’être enlevés par l’ennemi, puisque l’ennemi n’y va pas.
Je ne répondrai pas à ce qu’a dit
l’honorable M. Mercier, que l’ordre régnerait dans les finances de la ville de
Bruxelles, ou qu’on aurait exagéré le désordre. Je me permettrai cependant de
signaler un fait ; on a construit un abattoir ; il est resté quatre ans sans
être achevé. Un capital considérable y a été employé. Les bâtiments se sont
détériorés. Cependant on avait de l’argent pour les achever. Au lieu de les
achever, on a fait de très belles aubettes, comme si cela était aussi urgent
que la construction d’un abattoir qui devait produire immédiatement. D’après
cela, il est permis de dire que l’administration n’est pas à l’abri de
reproches.
Je pense avec l’honorable M. Mercier que l’octroi ne peut être augmenté ;
mais ce qu’il y aurait à faire, ce serait de recourir aux moyens propres à en
assurer la perception. Je crois être certain que la moitié tout au plus de
l’octroi se perçoit, et que l’autre moitié se fraude. Voilà ce que je crois
pouvoir assurer.
M.
le ministre de la justice (M. Van Volxem) - L’honorable
orateur qui vient de prendre la parole, a dit que, d’après les renseignements
qu’il avait reçus, une proposition avait été faite, en 1833, à l’administration
communale de Bruxelles, de se charger de toutes les dettes de cette ville, de
lui payer annuellement le montant des taxes municipales qu’elle percevait
alors, en maintenant le tarif tel qu’il existait, à charge que le contrat eût
été conclu pour quelques années. Je dois dire qu’ayant fait partie de
l’administration communale en 1833, je sais que pareille proposition n’a jamais
été communiquée ni au collège, ni au conseil. Je n’en ai même jamais entendu
parler ; et cependant je n’ai jamais cessé de fréquenter chaque jour
l’administration communale. Ce sont donc des renseignements inexacts qu’on a
donnés à l’honorable membre.
Il a prétendu que, d’après
d’autres renseignements qu’il a reçus, la moitié seulement des taxes
municipales rentrerait dans les caisses de la ville. Je pense que ses
renseignements sur ce point sont aussi exacts que les autres.
On a toujours parlé des fraudes
qui se commettraient au préjudice de l’octroi. Quand on a été aux recherches,
quand on a invité, sommé ceux qui en parlaient de faire connaître les
circonstances dans lesquelles elles se produisent, ils se sont trouvés dans
l’impossibilité de les indiquer. Il est impossible que dans une ville où il y a
8 ou 10 barrières, il ne se commette par-ci par-là quelques fraudes. Mais il
est impossible que, je ne dirai pas la moitié, mais la millième partie de
l’octroi, soit fraudée. Je suis obligé, d’après les connaissances que j’ai
puisées dans une gestion de 2 ans, de déclarer que l’honorable membre a été
induit en erreur. Il y a un moyen de fraude. L’administration le connaît, elle
a pris plusieurs mesures avec succès pour y obvier ; elle travaille encore à y
porter remède. Il est inutile que je le signale. Il s’agit là toutefois d’une
fraude qui est excessivement loin de celle qu’a signalé
le préopinant.
L’honorable membre a fait à
l’administration communale un grief de sa lenteur d’achever l’abattoir ; il a
fait l’éloge du chef actuel de l’administration communale, en disant que
c’était par ses soins que l’abattoir avait été achevé. Je dois déclarer que si
l’administration n’a pas fait achever cet édifice, c’est qu’elle n’en avait pas
les moyens. Elle le regrettait, chaque jour elle regrettait de ne pas jouir de
l’intérêt des fonds consacrés à sa construction, de ne pas entrer en jouissance
du produit de l’abattoir. Si elle ne l’a pas fait, c’est qu’elle y a été
obligée par la pénurie de ses finances. Au surplus, ce n’est pas au chef de
l’administration municipale (auquel d’ailleurs je rends toute justice, et dont
je reconnais avec empressement le zèle, l’activité et les connaissances) qu’est
dû l’achèvement de l’abattoir ; car, depuis plus de 3 ans on s’en occupait ;
chaque année une partie des constructions était mise en adjudication.
On a fait à l’administration
communale un grief de certaines dépenses. Mais on a pas fait attention que la
ville de Bruxelles est dans une position toute particulière, que sa qualité de
capitale l’oblige en quelque sorte à une représentation, à une foule de
dépenses auxquelles ne doivent pas songer des villes d’un autre ordre ; que
malgré la pénurie de ses finances, elle a été souvent obligée d’acquérir des
immeubles qui lui convenaient, qui lui étaient indispensables pour l’exécution
de divers travaux en projet et qui ne pouvaient encore être exécutés.
L’honorable
M. Mercier vous a donné le détail de différents chiffres tendant à démontrer
que le déficit n’est pas tel qu’on le dit. Mais il n’a pas parlé des nombreuses
acquisitions faites par la ville, lesquelles ont considérablement augmenté son
avoir. Si l’on faisait la balance des valeurs acquises avec les sommes restant
en dehors, on serait amené à un chiffre à peu près égal. Il a été démontré, par
le rapport soumis à la chambre, qu’au moment de la révolution la dette non
constituée de Bruxelles était d’environ 3 millions. L’augmentation qui a eu
lieu depuis lors est de très peu d’importance, d’après les observations qui
vous ont été soumises.
M. Lebeau. -
Chaque fois que des propositions de dépensé ont été faites à la chambre,
une considération a constamment pesé sur
ses délibérations ; cette considération, je n’en doute pas, pèse encore sur la
discussion actuelle. Je veux parler de l’état de nos finances.
Lorsque l’administration actuelle
a présenté les lois de voies et moyens, nous n’avons pu nous associer aux
prévisions un peu optimistes, à notre avis, de M. le ministre des finances, et
nous avons pensé que, si malheureusement l’événement venait tromper les
prévisions, il en résulterait une fâcheuse prévention contre toutes les lois à
l’exécution desquelles serait attachée une dépense, quelque équitable, quelque
utile qu’elle fût. Si j’en crois des renseignements qui malheureusement ne sont
pas officiels (car depuis longtemps on s’abstient, je ne sais pourquoi, de
publier le mouvement des recettes, le mouvement des impôts), les prévisions de
M. le ministre des finances n’auraient pas été complètement réalisées ; et tant
par l’effet des dépenses nouvelles votées depuis l’ouverture de l’exercice
courant que par suite de certains mécomptes dans l’appréciation des voies et
moyens, nous aborderions l’exercice prochain avec un déficit assez
considérable.
Ces faits, messieurs, on le voit
aujourd’hui, exercent une influence fâcheuse sur les délibérations de la
chambre, en ce sens qu’ils peuvent jeter l’assemblée dans des exagérations
d’économie qui ne lui permettraient pas d’examiner avec toute l’impartialité
désirable, les projets de loi par lesquels de nouvelles dépenses lui seraient
demandées.
Toutefois la chambre pense
probablement que si l’équilibre est rompu entre nos recettes et nos dépenses,
la Belgique présente assez de ressources pour que cet équilibre soit facilement
rétabli. A cet égard, je partage l’opinion que la Belgique peut aisément, sans
surcharger les contribuables, sans se mettre, eu égard aux pays qui
l’avoisinent, dans une position exceptionnelle, peut, dis-je, facilement
rétablir l’équilibre de ses finances. C’est apparemment ce qu’on pensé aussi
les honorables membres qui ont émis un vote favorable à la loi des indemnités,
ceux qui ont émis un vote favorable à la construction du canal de Zelzaete,
ceux qui n’ont pas reculé devant le troisième vote d’une somme de 100,000 fr.
en faveur d’un établissement qu’il s’agissait de relever et qui avait été
frappé par les effets du traité de paix.
C’est encore cette confiance, et
cette confiance fondée, je n’en doute pas, lorsque l’administration le voudra
sérieusement, et j’aime à croire qu’elle le veut ; c’est encore cette confiance
dans notre avenir financier qui nous a permis de faire naguère à l’existence, à
l’avenir de l’une de nos principales industries, le sacrifice annuel d’un
million de francs.
Je pense qu’il ne serait pas
juste, alors qu’on s’est affranchi de considérations que je viens d’indiquer,
lorsqu’il s’est agi de dépenses très considérables, de réserver à la ville de
Bruxelles seule la défaveur qui s’attacherait à cette situation financière à
laquelle un honorable préopinant vient encore de faire allusion. Je demande
qu’on examine la question relative à la ville de Bruxelles, dans la même
disposition d’esprit qui a permis de résoudre la question relative aux
indemnités, la question relative au canal de Zelzaete, la question relative au
petit séminaire de Rolduc, dans cette disposition d’esprit qui présidera, sans
doute, à la discussion de la loi d’emprunt, loi qui, si je ne me trompe et si
j’en crois certains indices, pourrait bien ne pas rester dans les limites du
projet ministériel.
Messieurs, tout le monde, à peu
près tout le monde (je n’ai pas la prétention de faire parler tout le monde),
s’accorde à dire qu’il y a quelque chose à faire pour la ville de Bruxelles.
Mais je voudrais que l’on sortît de ce vague. Bruxelles a besoin d’autre chose
que d’une déclaration d’amour. Il lui faut quelque chose de sérieux quelque
chose de positif, quelque chose de pratique. Il lui faut un emprunt où la
sanction de la convention intervenue entre le gouvernement et la ville.
Tout le monde dit qu’il y a
quelque chose à faire ; et ce n’est pas seulement dans la chambre que cela se
dit ; remarquez bien que tous les ministres ont tenu le même langage, et
l’honorable M. de Theux et l’honorable M. Liedts, et l’honorable M. Nothomb. Il
a pu y avoir entre ces honorables collègues divergence pour le choix les moyens
; mais quant au fait principal, quant au fait, à savoir que l’Etat ne peut
rester indifférent à la situation de la ville de Bruxelles, il y a eu
concordance de vues.
J’entends dire, lorsque Bruxelles
vient invoquer comme un titre à l’équité, ou si l’on veut, à la munificence
nationale, les services qu’elle a rendus à la révolution, j’entends dire que
Bruxelles en a été suffisamment récompensée par son inscription, comme capitale
du royaume, dans la constitution belge.
Mais, messieurs, Bruxelles était
capitale avant la révolution ; Bruxelles ne tient pas sa qualité de capitale de
la constitution belge ; je pense que personne n’a songé qu’on pût contester
cette qualité à Bruxelles ; il eût été étrange que Bruxelles, parce qu’elle
avait été le théâtre et l’artisan principal de notre régénération politique,
eût été dépossédée de sa qualité de capitale, et c’est ce qu’il eût fallu
faire, si la constitution n’eût pas reconnu la qualité de capitale dont
Bruxelles était en possession depuis 15 ans.
Bruxelles, il est vrai,
partageait l’honneur et les avantages d’être capitale avec une autre ville du
royaume des Pays-Bas. Mais remarquez bien que le siège de plusieurs grandes
administrations y était permanent ; qu’elle ne perdait pas tous les avantages
de capitale par l’émigration bisannuelle de la famille royale et des quelques
chefs d’administration publique. Remarquez encore que Bruxelles était en outre
la capitale d’un Etat de second ordre, tandis qu’elle est aujourd’hui la
capitale d’un Etat du troisième ordre.
On ne peut donc admettre qu’on
vienne mettre en balance avec les incontestables services que Bruxelles a
rendus à notre régénération politique, les avantages qu’elle recueillis comme
capitale, alors qu’elle avait cette qualité avant la révolution de septembre
1830.
Messieurs, si je m’étends sur ces
considérations, c’est parce que, comme l’ont dit avec raison et M. le ministre
de l’intérieur et M. le rapporteur de la section centrale lui-même, avec cette
rectitude d’esprit qui le caractérise, ce n’est pas ici une question de droit
ni une question de chiffres ; c’est une question politique, une question
d’équité, une question de convenance.
Ce n’est pas pour moi une
question de chiffres ; car je comprends tout d’abord que si on la plaçait sur
un semblable terrain, ou pourrait contester les chiffres. Ce n’est pas une
question de droit, parce que, si on la réduit à cette proportion, on peut
contester le droit.
Mais ce que personne ne
contestera, je pense (l’on peut varier sur la mesure, sur les résultats que son
adoption peut amener), ce que personne ne contestera, c’est qu’il y a des
considérations politiques très puissantes qui militent en faveur de
l’arrangement soumis à la chambre. Si même sous le point de vue du droit, sous
le point de vue des chiffres, on pouvait prétendre que la convention est une
bonne affaire, et bien dans cet ordre de chose nous devrions encore dire qu’il ne
faut pas la faire, que le pays n’est pas assez riche pour la faire.
Ce n’est donc pas une question de
droit, une question de chiffres, c’est, je le répète, une affaire de convenance
politique et de dignité nationale qui est soumise à votre appréciation.
Toutefois, messieurs, il est à
remarquer que ce n’est pas à titre purement gratuit que l’on viendra au secours
de la ville de Bruxelles. L’Etat a un besoin réel, sinon immédiat, du moins
prochain, de locaux. Tout le monde est d’accord sur ce point. L’Etat est
propriétaire d’une bibliothèque ; il est dans l’intention des chambres de la
maintenir au niveau de la science ; l’Etat est propriétaire d’une collection
d’objets d’art qu’il agrandit, qu’il enrichit tous les jours. Il faut cependant
placer ces collections quelque part ; il faut des locaux. Il nous en faut pour
les expositions de l’industrie ; il nous en faut pour les expositions d’objets
d’art, il nous en faut pour une multitude de solennités qui ne sont pas
municipales, mais essentiellement nationales.
Je ne conseillerais pas
toutefois, si cette acquisition ne se liait avec la position de la ville de
Bruxelles, de faire une pareille dépense en ce moment, et je ne présente
l’utilité de l’acquisition de ces locaux que comme une considération
accessoire. Mais il y a ici un intérêt d’un ordre plus élevé en présence.
Le crédit de la capitale à
l’étranger importe essentiellement au pays. Ce crédit, nous avons déjà eu
occasion de le dire hier, est plus ou moins lié à celui de l’Etat. Je ne veut
rien exagérer ; Je ne veux pas dire que l’unique cause de la différence qui
existe aujourd’hui, différence de plus de 10 p. c.,
entre la cote des fonds belges et la cote des fonds français, vient uniquement
de la position de la ville de Bruxelles, de la suspension de ses paiements. Je
ne crois pas que de notre côté personne se soit livré à de pareilles
exagérations ; mais je crois être dans le vrai en disant que le crédit belge,
qui se compose comme tout crédit national d’une foule d’éléments qui échappent
à l’analyse, a pu fort bien se ressentir dans une certaine mesure, de la
situation financière de la capitale.
On a critiqué la gestion les
affaires de la ville de Bruxelles. Je ne voudrais pas, messieurs, d’ailleurs
cela est en dehors de mes connaissances, entreprendre l’apologie de tout ce qui
s’est fait à Bruxelles dans l’administration municipale depuis 25 ans. Je ne
contesterai pas que l’état de malaise où se trouve la ville de Bruxelles ne
remonte bien au-delà de la révolution de 1830.
Mais remarquez, messieurs, que la
ville de Bruxelles ne demande pas que vous payiez toutes ses dettes, que vous
liquidiez tout son passif. La ville de Bruxelles voit figurer à son budget une
dette d’environ 23 millions. Depuis la révolution la dette de la ville de
Bruxelles s’est grossie d’environ 10 millions ; la ville de Bruxelles ne vient
pas demander que l’Etat prenne à sa charge la dette qu’elle a contractée depuis
la révolution de 1830 ; la ville de Bruxelles vient demander qu’on l’indemnise
des dépenses qui sont inhérentes, en quelque sorte, à la révolution mène, qui
en sont ou le résultat nécessaire ou le résultat accidentel, et la ville de
Bruxelles ne demande pas même un don, un subside ; elle fait tout ce qu’elle
peut ; elle dit : « Je vous abandonne tout ce que j’ai ; donnez m’en la valeur,
et mettez-moi à même, de cette manière, de payer mes dettes. »
« Bruxelles a perdu, dit-on,
par suite de la révolution, Bruxelles a aussi beaucoup gagné à ce grand
événement : voyez l’accroissement de sa population ; voyez les édifices qui s’élèvent
comme par enchantement depuis 1830. » Mais, messieurs, ce n’est pas dans
Bruxelles que ces édifices s’élèvent principalement ; c’est en dehors de
Bruxelles, et loin que cela lui soit favorable, je crois que l’on peut soutenir
précisément le contraire ; car à mesure que les faubourgs s’accroissent et
s’embellissent, l’émigration se fait de la ville vers les faubourgs, et cela
évidemment aux dépens des finances de la capitale. Les habitations qui se
multiplient à la vue des habitants de Bruxelles, à très peu d’exceptions près,
ne se construisent pas chez elle ; elles se construisent dans les faubourgs
qui, pour être juxtaposés, ne sont pas cependant une dépendance de la ville.
A ce propos, messieurs, on a
naturellement agité la question de la réunion des faubourgs. Je crois que l’on
ne peut pas traiter incidemment une question semblable. L’honorable rapporteur
de la section centrale vous a fait voir les difficultés que soulève cette
question ; je ne prétends pas que ces difficultés soient insurmontables ; je ne
prétends pas que l’administration de la ville et le gouvernement doivent cesser
de s’occuper d’une pareille éventualité ; je crois qu’il y a beaucoup à dire en
faveur de la réunion des faubourgs ; mais je crois que la question est très
grave, qu’elle doit être mûrement examinée et qu’elle ne peut être décidée
qu’avec beaucoup de ménagement et en prenant tout le temps nécessaire.
J’ai eu l’honneur de dire hier à
la chambre que je ne pensais pas que la question qui lui est soumise se trouvât
renfermée dans un chiffre inflexible ; je ne crois pas, quant à moi, que le
chiffre demandé par le gouvernement soit trop élevé, mais cependant si ce
chiffre n’était pas adopté, je ne serais pas éloigné de penser qu’en combinant
avec la réduction proposée par l’honorable M. Mercier la renonciation de l’Etat
à quelques créances qu’il a sur la ville, créances qui, sur la situation des
finances de celle-ci, ne doivent pas inspirer une trop grande confiance, je ne
serais pas, dis-je, éloigné de penser qu’en combinant la renonciation à ces
créances avec la réduction proposée par l’honorable M. Mercier, on pourrait
apaiser des scrupules, surmonter des répugnances.
Je ne verrais pas non plus
d’inconvénient à ce que, lorsque l’Etat intervient dans une proportion aussi
considérable en faveur des finances de la ville, il lui fût donné, pour quelque
temps au moins, des garanties d’une bonne application des ressources qu’elle
puiserait dans la convention qui nous est soumise. Quant à la nature de ces
garanties, qu’il appartient au gouvernement de stipuler en traitant avec la
ville, il ne m’appartient pas de l’indiquer.
Depuis 1825, il est certain,
messieurs, que la ville s’est livrée à des dépenses d’embellissement, je ne
dirai pas d’une manière inconsidérée, mais dans une proportion supérieure à ses
ressources et contraire aux lois d’une sévère prudence. Peut-être, au lieu
d’avoir été détournée de cette voie par le gouvernement du roi Guillaume, y
a-t-elle été poussée par celui-ci.
Je désirerais donc, si l’envie de
faire de semblables dépenses venait encore à s’emparer de l’esprit de
l’administration municipale, que le gouvernement, qui vient à son secours, eût
le droit d’examiner si les fonds qu’il mettrait à la disposition de la ville,
en vertu de la convention qui nous est soumise, ne recevraient pas une pareille
destination.
J’ai entendu citer, comme un
exemple de la facilité avec laquelle on dispose quelquefois des finances de la
capitale, un fait dont, en effet, je me rends difficilement compte : en 1833,
la ville de Bruxelles, dont l’état financier était déjà très fâcheux, a donné
des subsides de prés de 600,000 francs aux hospices. Je comprends difficilement
comment les hospices, qui sont riches, qui font bâtir des palais auprès
desquels lé palais du Roi paraît fort humble, viennent demander à la ville, qui
est, pour ainsi dire, en état de faillite, un subside de 600,000 fr. ; je
comprends difficilement que les hospices demandent ce subside et que la ville
l’accorde. Il se peut qu’il y ait pour cela de très bonnes raisons, mais je
vous avoue, messieurs, qu’il m’est difficile de deviner ces raisons.
M. le rapporteur de la section
centrale, qui combat la reprise par l’Etat des propriétés et des collections de
la ville, ne serait pas éloigné (et je crois qu’il en a presque fait la
proposition) d’autoriser le gouvernement à garantir un emprunt à contracter par
la ville de Bruxelles. Eh bien, messieurs, je crois que quand on arrête ou
quand on garantit un emprunt à quelqu’un qui est au-dessous de ses affaires, on
se met réellement dans le cas de payer de ses propres fonds, et que si l’on
prend hypothèque sur les propriétés et qu’on prenne en gage les collections
dont la ville offre la cession, c’est en réalité la même chose que si on les
achetait dès aujourd’hui. En dernière analyse, c’est là que vous arriverez, car
si la ville de Bruxelles ne paie pas (et si vous ne lui donnez pas de nouvelles
ressources, il est impossible qu’elle paie) il faudra bien que le gouvernement
finisse par se mettre en possession du gage qu’il aura pris pour sûreté de sa
garantie. Eh bien, il vaut mieux que le gouvernement se mette dès aujourd’hui
en possession de ce gage et qu’on mette une bonne fois l’ordre dans les
finances de la capitale, sans rien livrer aux incertitudes de l’avenir.
Messieurs, d’honorables membres
ayant demandé la parole, je ne m’étendrai pas davantage sur cette question.
J’ai dit que ce sont, avant tout, des raisons politiques qui doivent ici nous
guider. Je ne crois pas non plus que le précédent que nous poserions soit bien dangereux,
car je n’entends nullement que, dans le cas où la capitale aurait mal géré ses
affaires, l’Etat soit toujours tenu de venir à son secours : il s’agit ici de
faits relatifs à la révolution ; si l’on ne rattachait pas la demande faite par
la ville de Bruxelles aux événements de la révolution ; si la détresse
financière de cette ville résultait seulement d’une mauvaise gestion, je serais
le premier à déclarer que la chambre ne doit pas venir à son secours, ne doit
pas poser un pareil précédent ; que surtout elle ne devrait pas encourager une
mauvaise gestion.
Il y a, messieurs, certaines
affaires qui doivent être examinées sous un point de vue un peu élevé. Quand il
s’agit de dépenses d’un ordre purement matériel, si je puis parler ainsi, alors
je conçois que la chambre ne suive que les lois d’une stricte économie ; mais
quand il s’agit de certaines dépenses auxquelles la splendeur, la
considération, la dignité du pays tout entier sont attachées, il faut alors
s’élever un peu au-dessus de ces considérations, Si l’on jugeait certaines
questions au point de vue de la stricte économie, eh messieurs, on n’élèverait
ni monument de la place des Martyrs, ni observatoire, ni statues aux hommes qui
ont illustré la patrie. On ne ferait point restaurer les magnifiques tours de
Sainte-Gudule, on ne ferait point restaurer à grands frais la noble et si
élégante tour de St-Michel. À Paris, on trouverait
déplorable que l’on eût dépensé des millions pour construire la Madeleine et
l’arc de triomphe de l’Etoile. Eh mon Dieu, en admettant certain système
d’appréciation des dépenses d’une nation, et en le poursuivant dans toutes ses
conséquences, on arriverait jusqu’à dire qu’il faut couper les arbres du Parc
pour en tirer profit et qu’il faut en labourer le sol pour y planter des pommes
de terre.
M.
le ministre de la justice (M. Van Volxem) -
L’honorable préopinant a trouvé étrange qu’il eût été accordé à
l’administration des hospices un subside de 600,000 francs, alors que la ville
se trouvait dans un état d’obération tel que celui
dont il s’agit de la retirer. Il y a, messieurs, erreur dans le chiffre cité
par l’honorable membre ; le subside n’était, je crois, que de 1,466,000 francs.
Messieurs, voici comment les
choses se sont passées. Avant la révolution, l’administration communale portait
chaque année à son budget une allocation pour les hospices. Je ne pourrais pas
en déterminer le chiffre, mais chaque année elle était reconnue insuffisante
aux besoins des hospices, à tel point qu’au moment où la révolution a éclaté,
les différences successives entre les subsides accordés par la ville et les
déficits que présentaient les divers budgets de l’administration des hospices,
s’élevaient à un chiffre très élevé ; d’un autre côté, les événements de la
révolution ont exigé de la part de l’administration des hospices des dépenses
considérables, et cependant l’allocation était toujours la même. Dans cet état
de choses, l’administration des hospices, qui n’est, comme vous le savez,
qu’une émanation de la ville, dont les membres sont nommés par le conseil
communal, l’administration des hospices a fait valoir vis-à-vis de
l’administration de la ville que les octrois avaient été institués pour faire
face aux besoins des hospices lorsque leurs revenus seraient insuffisants ;
elle a fait voir, par les comptes qu’elle a établis successivement et qui ont
été approuvés, que les dépenses indispensables avaient excédé d’une somme très
forte l’allocation qu’elle avait obtenue de la ville, et elle a demandé ce qui
lui était dû de ce chef, ce qu’elle devait elle-même aux personnes qui lui
avaient fourni les denrées et tous les objets nécessaires. Le conseil communal
a chargé les jurisconsultes qui se trouvaient dans son sein d’examiner cette
affaire et tous ces jurisconsultes ont reconnu qu’il s’agissait ici d’une dette
des octrois de bienfaisance ; le conseil communal a ensuite reconnu, à
l’unanimité de tous les membres présents, la nécessité de payer l’arriéré dont
il s’agit.
Ce n’est donc pas un subside
qu’on a accordé à l’administration des hospices ; mais on a comblé un déficit
qu’on était obligé de combler. Après cela, on a porté, chaque année en compte,
d’après les prévisions des besoins des hospices établis d’après les comptes du
pénultième exercice, une somme de 200,000 francs, avec la réserve de suppléer
le déficit, s’il y en avait, lorsque les comptes seraient rendus, pour parfaire
ce qui serait indispensable,
Messieurs, on a fait observer que
l’administration des hospices avait construit de beaux monuments, des palais ;
certes, la ville de Bruxelles ne peut pas se plaindre qu’on érige des monuments
de ce genre dans son sein. Mais comment cela s’est-il fait ? D’abord, l’un de
ces établissements, celui qui est consacré à la vieillesse indigente, a été
construit avant la révolution. Quant à l’hôpital du boulevard, il était
indispensable qu’on le construisît, pour remplacer l’hôpital St-Jean qu’on ne
pouvait plus habiter avec sécurité.
Eh
bien, c’est au moyen de la vente de terrains qui ne rapportaient pas un p. c. à
l’administration des hospices, que ces constructions, ont été faites, mais ce
n’est pas au moyen de subsides de la ville ; c’est, je le répète, grâce au
produit de l’aliénation de quelques biens, aliénation qui n’a que très
faiblement influé sur les revenus des hospices.
M. Malou, rapporteur. - Messieurs, j’écarterai pour le moment de ce débat les questions de
droit, les questions de chiffres. Nous sommes, je pense, unanimes pour
reconnaitre que si des questions de chiffres doivent être posées, doivent être
traitées, les questions politiques, dans une affaire comme celle-ci, dominent
les autres.
Nous sommes tous unanimes aussi
sur la théorie de l’économie ; la pratique, nous ne l’entendons pas toujours,
ni tous de la même manière. Il est peu de dépenses proposées dans cette
chambre, qui n’y trouvent de l’appui. Je ne m’en étonne pas, je crois que c’est
la conséquence nécessaire de nos institutions, qui veulent que tous les
intérêts du pays puissent se faire jour dans cette chambre ; mais il faut aussi
que ces institutions restent vraies ; il ne faut pas que toutes les dépenses
puissent trouver une majorité dans cette chambre.
Messieurs, il n’entre pas dans
mon intention de traiter la question de notre situation financière ; j’indiquerai
seulement le point où nous sommes, j’indiquerai même les bases d’une
comparaison entre notre situation financière et celle de la ville de Bruxelles.
Après 12 années d’existence,
notre situation financière se résume en ceci : les intérêts de notre dette s’élèvent
environ à 31 millions. Cette somme forme à peu près le tiers de nos ressources.
Un autre tiers de ces ressources est absorbé, ou à peu prés, par les dépenses
nécessaires à l’entretien de l’armée. Il ne reste donc qu’un tiers de nos
ressources pour toutes les autres parties du service public, sans qu’il soit
possible d’en consacrer aucune partie à des dépenses dé luxe.
La ville de Bruxelles, ainsi
qu’on l’a déjà fait remarquer, a un budget de 3,200,000
fr. environ ; les intérêts de sa dette liquidée ne s’élèvent pas à un million ;
je ne pense pas non plus que la capitale doive, comme l’Etat, consacrer un
autre tiers de ses ressources à la force armée qu’elle entretient.
Chaque session, comme l’a fait
observer l’honorable orateur auquel je succède ; chaque session entraîne avec
elle quelques votes de dépenses. L’équilibre que nous cherchons, que les uns
ont nié, que d’autres ont espéré lors du vote du budget des voies et moyens, se
trouve rompu par les dépenses que nous votons dans le cours de la session.
Déjà, pendant cette session, nous
avons voté le canal de Zelzaete. La majorité de cette chambre a voté les
indemnités. La convention avec la France réduira peut-être nos ressources d’un
million.
Messieurs, je ne veux pas
discuter la nécessité, l’utilité de chacune de ces dépenses, je dirai seulement
un mot de la dernière.
Pourquoi me suis-je associé par
mon vote à la loi qui a approuvé la convention du 6 juillet ? C’est parce que
j’ai considéré cette convention comme un acte de douloureuse nécessité. Je n’y
ai pas vu simplement une question d’économie, j’y ai vu surtout une question
d’humanité ; j’ai vu aussi qu’à cette question d’humanité se rattachait une
grande question de tranquillité et d’ordre public.
Mais la dépense dont nous nous
occupons aujourd’hui, a un tout autre caractère : c’est une dépense de luxe ;
une dépense d’agrément. Je conçois que le riche se fasse un cabinet de
tableaux, un cabinet d’histoire naturelle, mais je le conçois plus
difficilement de celui qui, suivant une expression vulgaire, a quelque peine à
joindre les deux bouts de l’année.
Un autre fait aurait pu être
rappelé par l’honorable préopinant, c’est celui qui concerne l’augmentation
proposée pour les traitements de la magistrature.
De là doit résulter probablement
une augmentation de 4 à 600,000 francs. Qu’a fait le gouvernement en proposant
cette dépense aux chambres ? Il a présenté en même temps des voies et moyens.
La section centrale, dont j’ai l’honneur de faire partie, a cru que la question
des voies et moyens était liée pour cette dépense à la question de l’utilité,
de la possibilité de la dépense elle-même. Et cependant cette augmentation a
été réclamée depuis longtemps. Aucune voix ne s’est élevée contre la justice
des réclamations. C’est une dépense nécessaire pour un service public, pour des
fonctionnaires qui constituent un des pouvoirs de l’Etat. Pour une dépense de
luxe, au contraire, l’on ne se préoccupe nullement des voies et moyens ; il
semble que les millions pleuvent dans le trésor public.
Nous ne devons pourtant pas
perdre de vue, si nous avons quelque souci des intérêts de l’avenir de notre
pays, que beaucoup de nations souffrent plus d’une crise financière qu’elles ne
souffrent d’une crise politique ; les exemples, nous ne devons pas les chercher
dans le passé, nous les trouvons aujourd’hui dans un des grands Etats de
l’Europe méridionale.
Une crise politique est
nécessairement passagère, une crise financière est durable, parce qu’il faut
bien le dire, on ne prête qu’aux riches dans le siècle où nous sommes ; c’est
en considérant ainsi la convention du 5 novembre que je m’explique le sentiment
avec lequel elle a été accueillie dans les sections de la chambre ; et, j’ose
le dire, avec lequel elle a été aussi accueillie dans le pays. L’on y a vu une
dépense non nécessaire, une dépense considérable, une dépense pernicieuse.
Je sais que dans le discours du
trône l’on nous a dit que la ville de Bruxelles s’était résignée à faire des
sacrifices ; moi-même, je l’ai cru, j’ai attendu que ces sacrifices nous
fussent bien connus. Mais lorsque le projet non a été soumis, il m’a été
difficile de comprendre qu’on ait pu donner une telle qualification à l’acte du
5 novembre. Je crois, au contraire, s’il m’est permis de prendre dans un autre
sens une expression de l’honorable ministre de l’intérieur que c’est un fait
unique dans son genre.
Quel est le véritable caractère
de cet acte ? Où est le sacrifice ? Pour nous en rendre compte, il faut voir ce
que vend la ville et ce que l’Etat achète. L’Etat achète, suivant moi, en réduisant
le tout à sa plus simple expression, l’avantage de faire une dépense très
considérable à la décharge de la ville.
La hauteur de cette dépense a été
évaluée par quelques membres de la section centrale à 150,000 fr. M. le ministre
de l’intérieur, au début de cette séance, a exprimé l’opinion qu’il y avait
exagération dans ce calcul. Je ferai remarquer d’abord que ce n’est pas la
faute de la section centrale si elle a dû faire elle-même une évaluation. Vous
pouvez voir qu’elle a demandé à diverses reprises, des renseignements nombreux
pour pouvoir rendre compte à la chambre de cette partie importante de la
question.
Sur ce premier point donc, je
pense, qu’en égard à la situation financière où nous nous trouvons, et que je
ne veux montrer ni plus mauvaise ni plus belle qu’elle ne l’est ; je pense,
dis-je, que la chambre doit être très sobre de dépenses qui ne sont pas
nécessaires, de dépenses de luxe.
Messieurs, les motifs politiques
qui ont été indiqués à l’appui de l’approbation de la convention, se réduisent
aux suivants :
Bruxelles est victime de la
révolution. La considération nationale, le crédit national, sont liés à la
considération, au crédit de la capitale. Il faut que la Belgique ait une
capitale prospère.
Avant d’aborder chacune de ces
considérations, qu’il me soit permis d’arrêter un instant votre attention sur
un motif politique qui a été passé sous silence. Je veux parler, messieurs, des
conséquences d’un précédent, des conséquences d’un fait comme celui qu’on demande
à la chambre de poser.
Nous pourrions croire quelquefois
que les lois dans certaines circonstances ne sont que des expédients ; pour
moi, je pense que dans toutes les lois, qu’on le veuille ou qu’on le nie, il y
a un principe : que le fait a souvent plus d’autorité qu’un principe ; que
lorsqu’un fait a été une fois posé par une chambre, elle sera forcément amenée
à le poser encore.
J’avoue que c’est cette crainte
qui m’a fait hésiter longtemps avant de me prononcer pour une intervention
quelconque en faveur la capitale. Beaucoup de doutes m’ont assailli, et si hier
je me suis prononcé pour une intervention moins onéreuse que celle qui nous est
proposée, c’est parce que je crois aussi qu’il y a quelque chose à accorder à
la politique, parce que j’ai voulu en quelque sorte dissimuler à moi-même la
gravité d’un précédent.
Messieurs, il ne faut pourtant
pas s’exagérer la portée de quelques-unes des considérations politiques qui ont
été présentées. C’est ainsi qu’on vous représente le crédit de Bruxelles comme
lié intimement au crédit de l’Etat. Un grand nombre de faits qu’il n’est pas
besoin de citer tous, montrent que cette objection a peu de portée.
Les causes de la compression du
crédit sont parfaitement connues. Vous avez notamment le système d’amortissement.
Quelque favorables que soient les circonstances il enchaîne les fonds belges
autour du pair. Je ne crois pas que depuis cette année, au milieu des
circonstances les plus diverses, les fonds belges aient varié de plus de 10 p. c. ; le taux le plus élevé qu’ils aient atteint est de 104,
et la limite extrême à laquelle ils sont descendus dans la dernière crise
politique est de 94 ou de 95. La fluctuation des fonds belge a eu lieu entre
ces deux limites, non pas suivant l’état des finances de la ville de Bruxelles,
mais suivant les crises politiques qui réagissaient sur les fonds belges en
même temps que sur les fonds d’autres nations.
Vous vous rappellerez, messieurs,
que l’emprunt de 50 millions à 3 p. c. a été contracté au mois de juin 1838,
c’est-à-dire, un mois après que la crise financière de la capitale est devenue
publique, est devenue notoire pour tous. Jamais, quand il s’est agi d’examiner
les causes qui ont influé sur la négociation de cet emprunt, il n’a été fait
mention de l’état des finances de la capitale, quoiqu’alors la crise vînt
d’éclater, fût flagrante, et qu’il y eût dans tous les esprits incertitude sur
l’issue qu’elle devait avoir. En 1840 encore nous avons contracté un emprunt
très considérable. Je demanderai si l’on s’est préoccupé de la position de la
capitale. L’honorable M. Coghen me fait un signe affirmatif, je demanderai si
l’on été obligé de subir des conditions plus dures parce que les finances de la
capitale n’étaient pas prospères. Ce qui me fait douter encore de cette influence,
c’est que la ville de Bruxelles ne possède presque pas de fonds négociables, et
qu’il est presque impossible que les fonds d’une commune soient placés à
l’étranger. Je m’arrêterai un instant à ces deux points.
Plusieurs membres. -
Nous n’avons pas soutenu qu’il en soit ainsi. C’est une erreur.
M. Malou. - Je ne dis pas que d’honorables préopinants aient parlé de ces faits. Je
m’attache à établir que l’influence que l’on attribue au crédit de la capitale
sur celui de l’Etat est beaucoup exagérée. Je m’attache à prouver que la rente
de Bruxelles n’est pas placée à l’étranger, qu’il y en a une très grande partie
qui n’est pas un fonds de spéculation. La dette de Bruxelles se divise en trois
catégories. La première est la dette ancienne qui a été constitué en 1810, par
suite d’un décret de l’empereur, porté en 1810, elle est en moyenne à l’intérêt
de 3 p. c. ; elle n’est pas au porteur, mais inscrite
en nom personnel. Je crois que l’on peut poser en fait sans être téméraire, que
les porteurs de cette dette sont en Belgique.
Il est une autre catégorie de
dettes, dont je n’ai pas à m’occuper en ce moment, c’est celle qui résultera
des pillages. Elle ne peut pas être cotée, puisqu’elle n’existe pas. La
troisième catégorie, c’est la dette non constituée. Le capital de cette dette
s’élève maintenant à près de 9 millions de francs. Ce chiffre ne concorde pas
exactement avec celui du rapport, parce que je le puise dans le budget de 1842,
où l’on a déterminé quelle sera la situation au 31 décembre prochain. C’est là
mon point de départ. La partie la plus considérable de cette dette provient du
dernier emprunt, qui était de 4 millions, Cet emprunt a été contracté sous des
conditions spéciales. Il ne porte pas intérêt. Il s’est opéré au moyen d’un
système de primes, et d’après un tirage qui a suivi la conclusion de l’emprunt,
le sort de tous les porteurs de rente a été immédiatement fixé.
Je puis encore dire que cet
emprunt de quatre millions n’est pas une valeur négociable qui se cote à la
bourse. Je dirai la même chose d’une partie de l’emprunt de trois millions et
demi de 1832, qui forme une part de la dette non constituée. Il y a aussi pour
cet emprunt des primes que le sort a déterminées, et d’après les résultats des
tirages déjà effectués, des titres ont acquis une valeur déterminée qui doit
nécessairement rendre moins fréquentes les transactions. Ce serait faire une
part bien large, que de supposer qu’il se trouve à l’étranger plus d’un
demi-million de fonds de la ville de Bruxelles.
J’ai indiqué tantôt une autre
idée. Les fonds des communes sont naturellement retenus dans le pays. Quel est
en effet la pensée qui guide le rentier dans l’acquisition d’un fonds public.
Il veut pouvoir suivre, eu quelque sorte, les mouvements de son débiteur ; ii veut
pouvoir se rendre compte des variations que subit sa fortune, il veut en outre
pouvoir disposer facilement de la valeur acquise. A la bourse de Paris ou de
Londres, obtiendrait-il ce résultat au moyen des fonds de Bruxelles ? Il faut
qu’il s’en achète et s’en vende une certaine quantité sur une place, pour qu’un
fonds soit coursable, pour qu’il ait une valeur de
spéculation ou même une valeur de placement. Ces considérations me font croire
que l’on a beaucoup exagéré la portée de l’objection. Il y a plus, messieurs,
je pourrais avec avantage la retourner contre les partisans de la convention du
5 novembre.
Notre crédit, messieurs, est dans
un état prospère ; si les causes qui l’ont comprimé jusqu’à présent venaient à
disparaître, il se relèverait à la hauteur au moins du crédit de la France,
parce que, en Belgique, il y a de grandes ressources, ii y a une grande
moralité et dans nos institutions de fortes garanties pour les prêteurs.
Toutefois, nous ne devons pas abuser de cette position. Si la législature
pouvait laisser croire à l’étranger qu’elle est disposée à entrer trop loin
dans la voie des emprunts, si elle posait des actes qui pussent faire croire
qu’elle vient au secours des communes, qu’elle répare, aux frais du trésor
public, les conséquences d’une gestion dont personne, j’ose le dire, n’a pris
ici la défense, croyez-vous que le crédit national n’en serait pas ébranlé ;
croyez-vous que ce serait impunément qu’on pourrait poser un pareil précédent ?
Le deuxième motif qu’on a fait
valoir dans cette discussion, c’est que l’honneur national est engagé. Pour
moi, je ne puis admettre cette pensée. La nation heureusement n’est solidaire
que d’elle-même, n’est responsable que de ses engagements ; nul n’a jamais pu
soutenir que son honneur fût lié à celui de la gestion d’une commune, d’une
province ou d’un établissement public quelconque. Je ne nie pas, du reste, la
puissance que doit avoir dans cette chambre une autre considération ; quand on
a rappelé les souvenirs de la révolution et la part que Bruxelles a prise à
cette grande lutte, il est impossible de tout nier, de tout contester. Je
reconnais que cette part a été grande et glorieuse, mais je voudrais qu’il n’en
fût pas de la révolution comme de toutes les bonnes choses que chacun se vante
d’avoir faites, lui seul, quand elles sont faites.
On a beaucoup parle de la
prospérité de la capitale, de son existence même, car on a été jusqu’à supposer
que Bruxelles serait détruit, si la convention du 5 novembre n’était pas
approuvée. L’on est d’accord qu’il faut en Belgique une capitale. Mais il faut
s’entendre sur la position qu’a maintenant, sur la position que doit conserver
la capitale du royaume qui a été fondé en 1830. Je désire une capitale qui
n’absorbe pas le pays ; je veux qu’il y ait de la vie dans tout le pays, je
veux qu’une émeute à Bruxelles ne soit pas une révolution dans le pays.
La capitale périra, dit-on, si la
convention du 5 novembre n’est pas approuvée. Je conçois, et cette opinion
paraît généralement admise, qu’il sera difficile à la ville de Bruxelles de
sortir seule des embarras financiers où elle se trouve ; mats il ne me semble
pas qu’on ait démontré que l’acquisition de ses immeubles et de ses collections
soit liée à l’existence de la capitale ; si la convention du 5 novembre n’est pas
ratifiée, le gouvernement et la capitale elle-même, forte des sympathies
exprimées dans cette chambre, traiteront sur des bases nouvelles, et bientôt il
en sortira une convention moins onéreuse pour l’Etat et qui pourra être
acceptée par la législature.
Il faudrait, pour croire le sort
de la capitale lié à l’adoption ou au rejet de la convention, que tous les
éléments de prospérité que renferme Bruxelles et que la révolution lui a
donnés, ou du moins considérablement augmentés, n’existassent pas.
Il me reste à rencontrer
quelques-unes des observations faites par divers orateurs, et notamment par M.
le ministre de l’intérieur, depuis le commencement de cette séance.
Dans la séance d’hier, j’avais
indiqué comme préférable à l’acquisition proposée la garantie qui serait
accordée à un emprunt que la ville de Bruxelles contracterait. Pour juger de ce
moyen, il faut prouver deux choses : qu’il est moins onéreux pour l’Etat et
qu’il est suffisant pour Bruxelles.
Je ne m’arrêterai pas à une
troisième consistant à démontrer que ce moyen est praticable.
Ce moyen est-il moins onéreux que
l’acquisition des immeubles et meubles compris dans la convention du 5 novembre
? Je m’étonne d’avoir à insister sur ce point. Si la convention était admise
sans amendement, une rente perpétuelle de 400,000 fr., indépendamment d’une
charge annuelle, que je fixerai par transaction à 100,000 fr., obérerait le
budget de l’Etat, Si au contraire le système de garantie, d’après la base qui a
été indiquée hier, était adopté, il est possible, il est même probable que
l’Etat payerait peu de chose, et que ce qu’il payerait, il le recouvrerait. Je
dis que l’Etat payerait peu de chose ; peut-être même ne serait-il pas appelé à
payer ; car je n’admets pas l’opinion de ceux qui croient que la ville de
Bruxelles atteint aujourd’hui 1e maximum de ses revenus : le contraire me
paraît beaucoup plus vrai. Les centimes additionnels ne sont pas très élevés.
Il y a même des impôts directs qui ne sont pas grevés de centimes additionnels,
au profit de la commune. Je crois que les impôts directs, et notamment les
patentes, pourraient, sans nuire à aucun intérêt, être frappés de centimes
additionnels plus élevés.
Le moyen qu’on propose est plus
onéreux, en ce qu’il est perpétuel, et en ce que le budget serait à jamais
grevé de cette rente. Pour que l’Etat s’engageât de cette manière, il faudrait
qu’il y eût une crise permanente dans les finances de la ville de Bruxelles ;
or, toutes les pièces qui ont été communiquées et qui sont jointes au rapport
de la section centrale démontrent que la ville de Bruxelles est dans une crise
financière temporaire, et qu’elle serait bien près de se suffire a elle-même,
si son passé était liquidé. Ceci prouve clairement, selon moi, qu’il ne faut
pas engager l’Etat à perpétuité, lorsqu’un engagement temporaire suffit.
L’objection qu’on m’a faite, que
la faculté d’acheter dégénérerait en nécessité, est peu fondée, si ce que je
viens de dire est exact.
Il ne s’agit, quand on parle de
la garantie morale de l’Etat, que d’une garantie morale qui relèverait le
crédit de la ville de Bruxelles et lui permettrait d’emprunter, ce qu’elle ne
peut faire aujourd’hui. La somme de six millions que j’ai indiquée serait-elle
suffisante ? Veuillez remarquer, messieurs, que j’ai posé ce chiffre parce qu’il
me paraissait suffisant. Mais si le gouvernement pensait qu’il faut garantir 7
ou 8 millions, ce serait une question à examiner lorsque la convention nous
serait soumise. En indiquant une base, je n’ai rien voulu dire d’absolu ; je me
suis abstenu de toute proposition directe ; ainsi je n’ai pas même fixé le
chiffre de la rente qui serait inscrite au profit de la capitale, pour le
paiement des objets qui seraient cédés dans le cas où le gouvernement userait
de la faculté de rachat.
En stipulant cette faculté, l’on
ne sera nullement obligé d’en user. Je suppose que le gouvernement se trouvant
en avance vis-à-vis de la ville de Bruxelles, il ne lui convienne pas d’acheter
ses immeubles, rien ne l’empêchera de prendre hypothèque et d’attendre que
Bruxelles puisse rembourser. S’il le veut, il s’abstiendra d’acheter. D’un
autre côté, l’on évitera ainsi d’engager l’Etat dans des dépenses de simple
convenance, ou plutôt de luxe, si alors l’état des finances ne permet pas de
les faire.
J’avais également signalé hier
plusieurs des objets compris dans la convention, et qui ne me paraissaient pas
devoir y figurer. La porte de Hal, je n’ai plus besoin
d’en parler. L’honorable ministre de l’intérieur me paraît l’avoir abandonné à
son malheureux sort.
Quant à l’observatoire, on a
demandé ce que ferait le gouvernement si la ville refusait de concourir aux
dépenses qu’il occasionne. A cette question je répondrai par une autre question
; je demanderai si la ville de Bruxelles y contribue ; je n’en ai trouvé aucune
trace. En supposant même que la ville contribue, l’on pourrait fort bien
soutenir que d’après les stipulations intervenues, l’observatoire a été
construit à frais communs, et qu’il y a entre la ville et le gouvernement un
contrat que la ville seule ne peut dissoudre.
J’ai besoin, d’après les
observations de l’honorable ministre de l’intérieur, de m’expliquer encore sur
un autre point, sur le système de garantie. Cette garantie sera-t-elle combinée
avec un système de remboursement ? L’alternative, à mes yeux, n’existe
réellement pas. Il faut combiner la garantie avec un système de remboursement.
Je n’ai pas non plus mis en doute qu’il faille engager la garantie pendant tout
le temps de l’amortissement, parce que sans cela vous n’auriez rien fait d’efficace
; vous ne mettriez pas la ville à même d’emprunter.
En terminant, je dirai un mot de
l’amendement présenté par un honorable membre qui a fait partie de la section
centrale. D’après cet amendement, le montant de la rente serait réduit à
300,000 fr. ; la ville et le gouvernement renonceraient aux prétentions
réciproques qu’ils peuvent avoir l’un à l’égard de l’autre. Quant à la
réduction du chiffre, je conviens que la convention, ainsi modifiée, sera moins
mauvaise que si l’Etat était obligé à payer une rente de 400,000 fr. Mais, à
mon avis, la convention sera encore mauvaise et inacceptable.
La compensation des prétentions
réciproques annule, à mes yeux, une grande partie de la réduction du chiffre.
Quelles sont en effet ces prétentions ? D’un côté la ville a élevé, en 1838,
une prétention en indemnité du chef de la dépossession d’anciennes routes. Mais
une question, que je crois la même, a été jugée par la cour de cassation, et
les prétentions des villes ont été rejetées. Pour ces villes, si mes souvenirs
sont fidèles, la question se présentait ainsi : Des villes ont construit des
routes en vertu d’octrois accordés par les souverains du pays ; elles ont été
autorisées à emprunter et à établir en droit de barrière pour couvrir les
intérêts et l’amortissement des emprunts.
Lors de l’invasion française,
tout droit de barrières a été supprimé. Les communes n’ont pas réclamé ; elles
l’ont fait seulement en 1814 ou 1815 ; le gouvernement a laissé ces demandes en
instance jusqu’à la révolution. Depuis la révolution les tribunaux ont décidé
que les communes n’ayant pas réclamé en temps utile avaient encouru la
déchéance, aux termes d’un décret dont je ne me rappelle pas exactement la
date, mais qui était de 1809 ou 1810. S’il existait des différences essentielles
entre les moyens que la ville de Bruxelles invoque et ceux que les communes
condamnées ont fait valoir ; si l’on pouvait apprécier les chances qu’offrirait
à la ville de Bruxelles un procès du chef de dépossession de routes, cette
partie de l’amendement pourrait être considérée comme sérieuse.
Si les droits de la ville étaient
si bien établis, je m’étonnerais que, dans l’extrême pénurie de ses finances,
elle n’eût pas usé de son droit incontestable d’intenter au gouvernement un
procès. La cession que ferait la ville de Bruxelles à l’Etat, d’après la
deuxième partie de l’amendement de M. Mercier, serait donc la cession d’une
prétention qui, dans un cas que je crois analogue, a été rejetée. Pour le
gouvernement, il s’agit de renoncer à quelque à chose de beaucoup plus réel. Le
gouvernement, comme vous aurez pu vous en assurer, en parcourant le rapport de
la section centrale, a fait à la ville de Bruxelles, avant 1830, des prêts
remboursables en annuités et qui ne produisaient pas d’intérêt. Depuis la
révolution le gouvernement a donné à la ville de Bruxelles, à titre d’avances,
des sommes assez considérables ; je ne parle pas des sommes accordés à titre de
subside, parce que personne ne songe à en demander le remboursement. Mais il
est d’autres avances faites sous condition de remboursement, et que le
gouvernement serait fondé, même en justice réglée, à réclamer. Je citerai
notamment les 300,000 fr. que le gouvernement a avancés pour la construction de
la station des Bogards.
L’honorable auteur de
l’amendement a donc détruit d’une main ce qu’il fait de l’autre. il réduit de
100,000 fr., c’est-à-dire d’un capital de 2 mollions,
en calculant l’intérêt à 5 p. c., comme on l’a toujours fait à tort ou à
raison, tandis que par la 2ème partie de son amendement, en compensation des
prétentions que je considère comme non fondées, le gouvernement renoncerait à
réclamer des sommes qui s’élèveraient peut-être en réalité à 2 millions
environ.
Je
persiste à penser que la chambre ne peut ni ne doit accepter la proposition de
l’acquisition, que la chambre ne doit pas non plus, comme M. le ministre de
l’intérieur l’y a conviée, poser un premier jalon pour les négociations
futures. Ce serait une étrange chose que la chambre vînt dire à la ville de
Bruxelles : je vous offre la garantie de l’Etat pour les intérêts d’un emprunt
; voulez-vous bien daigner l’accepter ? Je ne conçois pas que la chambre puisse
prendre une pareille position ; je ne m’associerais du moins pas à un acte par
lequel elle la prendrait.
M.
Orts. - Messieurs, je ne m’attacherai pas à établir que
la ville de Bruxelles, à l’administration municipale de laquelle j’ai l’honneur
d’appartenir, ne peut vouloir que la convention du 5 novembre ; qu’un emprunt
avec garantie ne peut lui convenir sous aucun rapport,
pas plus que ce moyen ne convient au gouvernement. Pour ne pas abuser de vos
moments je m’en référerai sur ce point, à ce que vous a dit M. le ministre de
l’intérieur.
Mais il est un point, messieurs,
sur lequel il m’importe de fixer votre attention. Je me suis demandé comment se
fait-il qu’aujourd’hui on semble abandonner la mesure de cession-vente, pour se
lancer dans l’idée de l’emprunt avec garantie, lorsqu’on voit tous les cabinets
qui ont précédé, aussi bien que le cabinet actuel, s’être attachés uniquement à
l’idée de la négociation qui vous est soumise aujourd’hui ?
Messieurs, les négociations entre
la ville et le gouvernement ont commencé, sous le ministère, à la tête duquel
se trouvait l’honorable M. de Theux. Je vais vous prouver que l’idée de cet
honorable chef du ministère était non pas pour un emprunt, mais était
précisément pour la solution que l’on vous propose aujourd’hui.
Le conseil communal de la ville
de Bruxelles adressa une première dépêche, en date du 12 mars 1838, à M. le
ministre de l’intérieur et des affaires étrangères. J’y lis, messieurs, ce
passage dont j’ai besoin de vous donner connaissance, pour que vous saisissiez
bien toute la marche de cette négociation :
« Le conseil communal, délibérant
sur les moyens de faire face aux engagements pour lesquels il y avait
obligation la ville de s’acquitter, ne fut pas unanime sur l’adoption du projet
de cession, à faire à l’Etat, des bâtiments et dépendances du musée, avec les
diverses collections scientifiques qu’il contient, la bibliothèque, le palais
de l’industrie, la ci-devant orangerie de la cour et les maisons attenantes à
celle-ci.
« Si la majorité du conseil,
cédant à une cruelle et impérieuse nécessité, vota le principe de l’aliénation,
ce fut sous la condition que ces collections resteront toujours à Bruxelles, et
encore par la considération que le gouvernement, ayant le moyen de les enrichir
bien au-delà de ce que permettent les ressources pécuniaires de la ville, il en
résulterait un bienfait pour le pays entier ; ce fut d’ailleurs sous la réserve
d’en obtenir de justes et équitables indemnités. »
M. le ministre de l’intérieur et
des affaires étrangères répondit par la dépêche du 22 mars 1838. Je ne lirai
qu’un passage de cette réponse : .
« Après s’être formé une idée
exacte et complète de la situation actuelle de la capitale, il lui importe
encore, pour apprécier la portée et l’influence des mesures proposées ou à
proposer pour améliorer cette position, de porter un examen éclairé sur
l’avenir.
« Je vous prie donc, messieurs,
de vouloir bien me faire connaître le plan que vous croiriez convenable
d’adopter au cas où le gouvernement et la législature consentiraient à accorder
à la ville, en tout ou en partie, l’assistance que réclame le conseil communal,
pour éteindre les obligations dont l’amortissement immédiat ne pourrait avoir
lieu, pour alléger les charges annuelles, pour assurer à l’administration
municipale la liberté d’octroi dont elle a besoin, et pour arriver ainsi au
dégrèvement des droits d’octroi, but vers lequel doivent tendre tout nos
efforts. »
M. le ministre termine par ces
mots :
« Enfin, votre requête du 12
de ce mois m’a paru offrir encore diverses autres lacunes, notamment celle de
l’indication des autres immeubles dont la ville pourrait disposer, soit en
faveur du gouvernement, soit autrement, et dont le produit de la vente pourrait
lui venir en aide, et l’évaluation des produits de l’abattoir, qui doivent
également concourir à l’accroissement des ressources municipales. »
Répondant à cette demande par sa
lettre du 6 avril 1838, le collège des bourgmestre et
échevins disait :
« De la décision des
chambres, laquelle nous attendons avec anxiété, dépend l’opération dont nous
avons indiqué l’utilité ; son importance nous est trop bien connue pour ne pas
saisir la première occasion favorable qui se présentera de s’en occuper ; mais
jusque-là, il n’est pas permis d’y penser, faute d’une base certaine pour se
diriger. Cependant il est un autre moyen, monsieur le ministre, pour arriver au
même résultat ; nous croyons vous l’avoir indiqué dans la dernière partie de
notre mémoire, la cession des établissements scientifiques et des édifices qui
les renferment, et l’indemnité due à la ville pour les chaussées dont elle a
été dépossédée. Si le gouvernement accueille en effet l’arrangement qui a été
proposé, la question des pillages sera alors tranchée, et l’administration de
la ville, connaissant toute l’étendue de ses besoins passés, présents et
futurs, pourra, par la combinaison de sages mesures, y pourvoir avec assurance
de succès. Comme il est en votre pouvoir, monsieur le ministre, d’accélérer la
conclusion de la négociation, nous nous reposons avec toute confiance sur votre
sollicitude en faveur de la ville de Bruxelles pour atteindre promptement le
but que nous nous sommes réciproquement proposé. »
Ainsi, messieurs, il s’agissait
bien là de l’aliénation des bâtiments et collections de la ville.
Le ministre répond par sa lettre
du 21 janvier 1839, et voici ce qu’il dit :
« Messieurs,
« Le conseil de régence a
proposé au gouvernement la cession, à l’Etat, de divers immeubles, objets
d’arts et collections scientifiques.
« La correspondance sur ce projet
a été interrompue par des circonstances qu’il est inutile de rappeler.
Toutefois, me trouvant, ensuite des explications verbales que j’ai eues avec M.
l’échevin faisant fonctions de bourgmestre, disposé à reprendre la négociation
dont j’avais accueilli favorablement le principe, je pense qu’il y aurait lieu,
de ma part, à nommer une commission à laquelle vous pourriez communiquer tels
renseignements et documents dont la marche de la négociation indiquerait leur
nécessité pour l’amener à bonne fin. Cette commission préparerait les voies à
un arrangement définitif, équitable et avantageux pour les deux parties. »
Voici comment termine M. le
ministre :
« Je suis disposé à conclure
l’arrangement proposé, sous la réserve de l’allocation des fonds au budget de
l’Etat.
« Le ministre de l’intérieur et
des affaires étrangères,
« (Signé) de Theux. »
Vous le voyez donc, messieurs, le
principe de la cession-vente, dont il est question aujourd’hui, était adopté
par le ministère à cette époque ; les mêmes principes ont guidé le ministère
qui a suivi, et celui qui est aujourd’hui à la tête des affaires.
Je ne vous ai fait mention,
messieurs, de ce rétroacte que pour établir qu’il y a quelque chose de
singulier à ce qu’on revienne aujourd’hui sur la question d’emprunt avec
garantie, question abandonnée et dont les inconvénients et les dangers ont été
signalés, tant en ce qui concerne l’intérêt de l’Etat, qu’en ce qui concerne
l’intérêt de la ville de Bruxelles.
Maintenant, messieurs, je ne
suivrai pas non plus le rapport de la section centrale dans tout ce qui
constitue les chiffres. Je ne m’étendrai même pas sur la question de propriété
qu’on a contestée. Il ne s’agit pas ici d’une question de mur mitoyen ; nous ne
sommes pas devant les tribunaux ; mais si nous y étions, il ne me serait pas
difficile d’employer des moyens ; je dirais : nous avons pour nous des titres
exprès, et à défaut de titres exprès nous avons un titre qui y supplée ; la
prescription. Je dirais que la propriété de l’ancienne cour a été assurée à la
ville de Bruxelles par le décret impérial du 11 avril 1811, et que ce décret en
portait cession gratuite et en toute propriété ; je dirais qu’un décret du 23
avril 1810 a assuré à la ville la propriété des écuries de la cour, du terrain
situé derrière le palais du Roi, du terrain sur lequel est bâti l’observatoire
et de la porte de Hal ; je dirais enfin que la bibliothèque et la collection
des tableaux ont été assurées à la ville, dès 1802, par une disposition
formelle du pouvoir qui, alors tenait les rênes de l’Etat.
Mais enfin le code seul établit,
quand ces titres laisseraient quelque chose à désirer, et selon moi ils sont
complets, que la ville de Bruxelles aurait acquis par la prescription
trentenaire la propriété des bâtiments. Et quant aux collections, la ville a
ses titres inscrits dans le code civil. En fait de meubles, il vous dit qu’un individu,
porteur d’un titre postérieur, ne doit pas l’emporter sur celui qui a un titre
antérieur, d’où résulte pour lui la propriété de ce qui est meuble, lorsque
celui-ci a été de bonne foi.
Maintenant pouvez-vous douter que
la ville de Bruxelles n’ait possédé tous ces objets meubles sans qu’on n’ait
soulevé la question de propriété ; pouvez-vous douter qu’elle ne les ait
possédés de bonne foi ? Ce qui le prouverait, au besoin, c’est que depuis que
toutes ces collections lui ont été données, elle n’a cessé de les augmenter, de
les entretenir ; elle a géré comme un bon père de famille, comme celui qui
considère l’objet qu’il soigne, qu’il entretient, comme étant sa propriété.
Maintenant pour ce qui concerne
la ville de Bruxelles, on vous a parlé de la dette antérieure à la révolution.
Mais, messieurs, si l’on voulait se rendre compte à quels objets la ville de
Bruxelles a consacré, à cette époque, les dépenses qu’elle a faites, on ne les
critiquerait pas. C’était pour l’établissement de ses boulevards, pour son
canal, toutes sources de prospérité, non seulement pour la ville, mais pour la
Belgique entière, puisqu’alors la ville de Bruxelles était capitale pour les
provinces méridionales, comme La Haye l’était pour les provinces
septentrionales.
Mais est-ce bien sérieusement que
l’on vient critiquer la dépense que Bruxelles aurait faite antérieurement à la
révolution ? A-t-on oublié qu’avant la révolution, comme aujourd’hui, la ville,
de Bruxelles ne faisait pas de dépenses comme elle l’entendait, qu’à cette époque
son budget devait être soumis à l’autorité supérieure ? Dans cette
circonstance, la ville, agissant avec l’approbation de l’autorité
gouvernementale ne devait-elle pas se dire : Je suis dans le cas d’un mineur
pour lequel gère un tuteur ? il est évident que la
ville était, en quelque sorte, sous la tutelle du gouvernement, et que si les
dépenses qu’on critique avaient été des dépenses folles, et allant au-delà de
ses ressources, le gouvernement aurait arrêté la ville et aurait rayé de son
budget les dépenses auxquelles elle voulait sans raison se livrer.
Maintenant, messieurs, je ne puis
m’empêcher de vous citer ici un exemple puisé dans un fait qui s’est passé
pendant la présente session, pour vous prouver que, s’il pouvait y avoir en
strict droit quelque doute sur la propriété de la ville de Bruxelles à tous ses
immeubles et à toutes les collections mobilières dont il est question, il
faudrait encore que l’Etat, par mesure de haute politique, par mesure de
justice nationale, envisageât les choses comme le fait la convention,
c’est-à-dire considérât la ville de Bruxelles comme légitime propriétaire. Je
vous rappellerai ce qui s’est passé lors de la loi des indemnités. On vous a
établi, en invoquant les meilleures raisons, que vous ne deviez rien pour les
dommages, résultat de la guerre. Vous avez cependant non seulement alloué des
indemnités pour ces dommages, pour lesquels en strict droit vous ne deviez
rien, mais vous avez été plus loin.
Vous avez, messieurs, décidé que
les étrangers qui avaient souffert de l’incendie d’Anvers seraient indemnisés
sur le même pied que les nationaux. Il n’y avait aucun principe de droit
positif qui commandât une pareille faveur, mais vous avez pris cette mesure
dans l’intérêt du pays ; ce sont des considérations politiques qui nous y ont
portés. Eh bien, messieurs, ce que vous avez accordé à des étrangers, à des
Américains, à des Anglais, le refuserez-vous à la capitale du royaume ?
Et grande, messieurs, est encore
la différence : dans l’espèce que je vous cite, vous ne receviez rien des
étrangers auxquels vous accordiez une indemnité ; vous faisiez un acte de pure
libéralité ; vous faisiez une donation gratuite ; ici, ce n’est pas une
donation que la ville de Bruxelles réclame de vous, c’est l’approbation d’un
contrat à titre onéreux. Cette rente de 400,000 francs n’est que le prix des
propriétés mobilières et immobilières que la ville offre de nous céder ; et ce
prix a été fixé après une expertise contradictoire dans laquelle on a pris, de
part et d’autre, toutes les précautions nécessaires pour sauvegarder les
intérêts des deux parties. Eh bien, messieurs, lorsqu’on rattache cette
question à tous les antécédents qui ont été posés dans la présente session,
lorsqu’on la rapproche des indemnités, de ce que nous avons fait pour les deux
Flandres en décrétant le canal de Zelzaete, de tout ce que nous avons fait pour
d’autres parties du royaume qui ont souffert des malheurs de la guerre,
n’est-il pas juste que cette dernière réparation soit aussi accordée à la
capitale ?
Il n’est personne d’entre vous,
messieurs, qui n’ait été témoin des événements de la révolution et qui n’ait pu
apprécier l’influence désastreuse que ces événements ont exercée sur la
position financière de la capitale. Non seulement les événements de la révolution
ont occasionné à la ville de Bruxelles des pertes immenses, mais il en est
encore résulté que lorsqu’elle aurait peut-être pu plus tard tirer parti de
quelques-unes de ses propriétés immobilières (je ne parle point ici de celles
de ces propriétés qui ont une destination fixe), elle a vu tout à coup toutes
ses propriétés frappées d’une hypothèque judiciaire générale, et la cour de
cassation est venue consacrer le principe que cette hypothèque était
valablement prise, quoiqu’elle ne pût jamais entraîner une expropriation.
Relativement à cette position de la ville, je parlais hier d’un particulier (et
je désire qu’on ne donne pas à mes paroles une portée qu’elles n’ont pas) ; je
faisais remarquer que lorsqu’un particulier se trouve dans l’impossibilité de
faire honneur à ses affaires il se déclare en état de faillite, ou, s’il n’est
pas négociant, demande le bénéfice de la cession de ses biens.
Eh bien, la ville de Bruxelles,
qui tient à cœur de payer ses dettes, se trouve, par un enchaînement fatal de
circonstances, dans l’impossibilité de pouvoir faire argent ; et que
propose-t-elle ? Elle propose à l’Etat, qui seul peut acheter d’elle, de lui
céder ses propriétés tant mobilières qu’immobilières. Il me semble que, dans
cet état de choses, il est impossible que l’Etat ne vienne pas à son secours.
Que ferait la ville, si cela devait rester dans cette position, ne pouvant
d’une part, d’aucune manière, faire argent de ses propriétés, et ne trouvant
pas, d’une autre part, dans ses revenus les ressources nécessaires pour
satisfaire ses créanciers ? Mais je n’ai pas besoin de dire ce que la ville de
Bruxelles serait forcée de faire, si l’Etat ne venait pas à sou secours ; les
porteurs de ses obligations pourraient peut-être, à cet égard, nous exprimer
leurs craintes. Moi, je ne veux pas anticiper sur rien, mais je dis que celui
qui ne peut trouver aucun moyen de satisfaire ses créanciers n’a plus d’autres
ressources que de déposer son bilan.
Eh bien, messieurs, si la ville
de Bruxelles devait en venir à une extrémité semblable, ce ne serait pas
seulement la ruine du crédit de la capitale, mais cela influerait encore d’une
manière très défavorable sur le crédit de l’Etat.
On vous a dit, messieurs, que la
convention du 5 novembre n’est pas un sacrifice que fait la ville de Bruxelles,
et qu’il s’agit ici pour l’Etat d’une dépense de luxe. Je ne sais sur quel
esprit de semblables allégations pourraient produire de l’effet. Je demanderai
si, lorsque la capitale se trouve forcée de payer une indemnité considérable,
du chef de pillages qu’elle a tâché d’empêcher par tous les moyens qui étaient
à sa disposition, je demanderai si alors on peut considérer comme une dépense
de luxe une acquisition qui est le seul moyen de mettre la ville à même de
satisfaire à ses obligations.
Je demanderai, d’un autre côté,
si, lorsque le congrès a décrété que la ville de Bruxelles continuerait à être
la capitale de la Belgique, et qu’ils voulu ainsi la récompenser des services
qu’elle a rendus à la révolution, je demanderai si alors on peut appeler dépense
de luxe la somme que l’Etat paierait à la ville pour ses propriétés, afin de la
retirer de la position désastreuse où elle se trouve ? Je crois qu’au lieu
d’appeler cela une dépense de luxe, on devrait bien plutôt l’appeler un acte de
justice, un acte de réparation nationale.
Je dirai bien plus ; ce ne serait
que le prix du sang de ses citoyens qui, dans les derniers jours d’août 1830 et
pendant les journées de septembre se sont exposés les premiers pour assurer
l’indépendance de la Belgique, pour nous assurer la constitution dont nous
jouissons, en un mot, pour nous faire ce que nous sommes.
Vous pèserez, messieurs, ces considérations ; quant à moi, en raison de ma
position, je ne puis faire autre chose que d’appuyer la convention du 5
novembre, telle qu’elle a été formulée. Je ne me prononce pas sur l’amendement
qui a été proposé ; d’autres orateurs pourront s’expliquer à cet égard ; quant
à moi, ma position de membre du conseil communal me rend un peu difficile toute
explication à cet égard. J’entendrai ce que d’autres membres pourront dire sur
ce point. Quant à mon vote, je l’émettrai comme député de la nation, lorsque le
moment en sera venu.
M.
le ministre de la justice (M. Van Volxem) - J’ai
demandé la parole pour donner quelques explications relativement aux routes
dont l’Etat a pris possession. L’honorable M. Malou a cité un jugement du
tribunal de première instance de Namur, confirmé par la cour de Liége, et il a
fait valoir que le pourvoi, qui avait été formé contre ce jugement, avait été
rejeté. Messieurs, la ville de Bruxelles a toujours soutenu qu’il n’y avait
point d’analogie entre sa position et celle des autres villes qui ont été en
cause dans les différents procès qui ont eu lieu relativement à la question
dont il s’agit. Voici, messieurs, en quoi consiste la différence.
Dans les jugements et arrêts
auxquels on a fait allusion, on a décidé que les villes qui étaient en cause
étaient déchues de tout droit, parce qu’elles n’ont pas fait valoir leurs
droits dans le délai prescrit par le décret impérial. La ville de Bruxelles
prétend, elle, qu’elle a fait toutes les diligences nécessaires pour maintenir
ses droits. Elle a soutenu qu’il y avait lieu à lui restituer ses routes ou à
l’indemniser ; elle a soutenu cela avant la révolution, elle l’a soutenu
depuis, et c’est en cela que consiste la différence qu’elle dit exister entre
sa position et celle des autres villes dont il s’agit. Elle prétend qu’il n’y a
aucune analogie entre la position de ces villes et sa position à elle, et que
par conséquent les principes qui ont dicté les jugements rendus contre
différentes villes, ne peuvent aucunement lui être appliqués.
J’ai cru, messieurs, devoir donner immédiatement ces explications pour
détruire l’influence que l’observation de l’honorable M. Malou aurait pu
exercer sur l’esprit de quelques-uns d’entre nous.
M. de Mérode. - Messieurs, je ne voterai pas pour la convention, parce qu’au lieu
d’acquérir les objets divers qu’elle comprend avec de l’argent dont le trésor
peut disposer, on charge l’avenir d’un nouvel emprunt de 8 millions. C’est en
vain qu’on me dirait : vous n’aurez à payer que 400 mille francs par an, c’est
là le langage de tous les prodigues, de tous ceux qui font de mauvaises
affaires. Ils se rejettent sur l’intérêt pour s’aveugler sur le montant du
capital dépensé. Celui qui achète une maison de 400 mille francs tiendrait un
langage absurde, s’il disait ma maison ne me coûte que 16 mille francs parce que
je trouve de l’argent à 4 p. c. ; et c’est là pourtant
l’argument que nous servent depuis un grand nombre d’années tous les ministres
qui ne songent qu’à végéter eux-mêmes financièrement, au jour le jour, et sans
aucune prévoyance de l’avenir.
Je ne voterai pas pour la
convention parce qu’elle serait l’occasion de modifier la loi de vendémiaire an
IV dont les dispositions sont iniques, impraticables, et que MM. les ministres
ne veulent point la rectifier, préférant la laisser avec toutes ses défectuosités
que de prendre la peine d’une révision que le bon sens et la justice commandent
évidemment.
Je ne voterai pas pour la
convention, parce que pas un seul arrangement n’est pris avec la ville de
Bruxelles, quant à son administration financière, qu’aucun examen n’a eu lieu
pour savoir si l’on tire de l’octroi tout le parti possible et qu’aucune
précaution législative n’assure à l’avenir une meilleure gestion. L’Etat venant
en aide à la ville de Bruxelles, il serait convenable qu’il fût conféré au
gouvernement des droits de surveillance spéciaux sur la régie des finances de
la ville ; le gouvernement n’a rien stipulé à cet égard. C’est encore, à mes
yeux, une négligence qui me lie les mains.
Je ne voterai pas pour la
convention, parce que l’administration communale, mise de suite à même de payer
les indemnités résultant des pillages, n’entrera plus en composition avec les
créanciers de cette catégorie, dont plusieurs ont provoqué ces excès
déplorables par des provocations impolitiques. Un article du code porte :
Quiconque, par négligence ou par imprudence, provoque un désastre, en est
responsable ; et l’administration de la ville n’a fait aucun effort devant les
tribunaux afin de faire prévaloir en sa faveur un article jugé applicable à M.
de Curzay, préfet de la Gironde, par la cour royale de Bordeaux ; de Bordeaux,
situé en France, pays d’origine de la loi indigeste de vendémiaire an IV.
Je ne voterai pas pour la
convention, parce que le gouvernement n’a, dans les circonstances présentés, si
favorables pour obtenir des voies et moyens préalables à un emprunt, rien fait
dans l’intérêt du trésor public. Jamais le gouvernement n’obtiendra ces voies
et moyens nouveaux, indispensables, que quand l’urgence s’en fera sentir, que
quand la majorité des chambres se sentira forcée de les voter ou de voir
ajourner les divers travaux dont la plupart des représentants et sénateurs et
leurs commettants désirent l’achèvement. L’expérience l’a prouvé, du reste, un
accroissement des voies et moyens ne s’accordera point après la réalisation
d’un emprunt, qui remplira les caisses publiques ; toujours on opposera aux
projets concernant des augmentations d’impôts une fin de non-recevoir, fondée
sur ce que l’on attend des projets meilleurs, des projets combinés sur des
bases prétendument préférables. Nous avons voté, cette année, une loi plus
fiscale sur les distilleries ; mais immédiatement après nous perdions un
million sur les vins, plus quelques centaines de mille francs de droits perçus
que l’on va restituer aux marchands qui exploitent cette branche de commerce
Je ne voterai donc point pour la
convention, parce que si je regrette infiniment de voir la ville de Bruxelles
dans une situation financière très mauvaise, je crains encore plus de voir
l’Etat tout entier tomber dans cette position par la mollesse constante du
ministère et des chambres, dès qu’il s’agit d’équilibrer les recettes et les
dépenses.
La détresse de l’Angleterre,
emprunteuse par excellence, m’effraie à bon droit pour nos compatriotes que
l’on trompe aujourd’hui et qui plus tard seront foulés par un excès de
contributions vexatoires, si l’on veut payer avec exactitude la dette publique,
devenue énorme en peu d’années.
Tant qu’on maintiendra toutes les
dispositions mauvaises de la loi de vendémiaire an IV ; tant qu’on augmentera
les emprunts pour conduire, à meilleur marché que partout ailleurs, des
promeneurs sur des chemins de fer avec des convois de luxe, multipliés sans
besoin réel ; tant qu’on abandonnera à la discrétion des ingénieurs décorés en
raison de l’argent qu’ils dévorent, des frais de construction portés à prés
d’un million par kilomètre de voie ferrée ; tant qu’on abandonnera à la
discrétion du ministre des travaux publics la fixation du traitement d’une
masse d’employés, plus chèrement rétribués que des magistrats
ou des militaires de haut grade ; tant qu’on fera toutes ces magnificences
inutiles sans les payer autrement que par des dettes, je m’abstiendrai de voter
les 8 millions réclamés pour la ville de Bruxelles, que je suis prêt à aider
dès qu’on aura recours à de véritables moyens d’économie et de recette
équivalente à la dépense que l’on propose.
Plusieurs
membres. - A demain.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je désire déposer deux paragraphes additionnels,
me réservant de répondre demain aux honorables MM. Malou et de Mérode.
Voici les deux paragraphes que je
propose :
« Les droits attribués en
matière de comptabilité à la députation permanente du conseil provincial, par
la loi du 30 mars 1836, seront, quant à la ville de Bruxelles, exercés par le
gouvernement, la députation permanente entendue.
« A défaut, par le conseil
communal, soit de dresser les budgets à l’époque fixée par la loi, soit de
discuter les impositions communales, directes ou indirectes suffisantes pour
couvrir les dépenses, il y sera pourvu d’office par le gouvernement, la
députation permanente entendue. »
J’expliquerai demain cet
amendement.
La séance est levée à 4 1/2
heures.