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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 3
décembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à la contribution
personnelle (Verhaegen), à l’impôt sur la bière (Dedecker). Insertion des pétitions au Moniteur (de Garcia)
2)
Projet de loi portant des modifications à la loi des boissons
distillées
3) Motion d’ordre relative
aux droits de sortie sur les peaux et les cuirs (David)
4) Projet de loi
portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1843. Discussion des
articles. (A : contribution personnelle ; B : droit sur le
café ; C : tarif général des douanes, droits de sortie et d’entrée). A
Savart-Martel, centimes additionnels sur la contribution
personnelle, les patentes et la bière (Smits), question
politique (Delfosse, Nothomb, Verhaegen, Demonceau, Nothomb), A (de Garcia, Dubus (aîné)), B (Smits, Osy, Nothomb), C (Eloy
de Burdinne), reproche adressé à Eloy de Burdinne (Delfosse,
Eloy de Burdinne), B (Nothomb, Rodenbach, Demonceau, Angillis, Mercier), droit sur le
coton, répression de la fraude et estampille (Manilius),
répression de la fraude et estampille (Mercier), droit
sur le coton (Eloy de Burdinne), B (Hye-Hoys,
d’Huart), B, C (de Garcia), B,
droit sur les laines, C (Demonceau), B (Verhaegen, Desmaisières, de Mérode, Smits, Rogier,
Smits, Verhaegen, Smits, Mast de Vries, Rogier, Smits, Mercier,
Demonceau, Desmaisières, Smits), C (Smits, Demonceau,
Smits, Mercier, Osy,
Smits), droits d’enregistrement (Angillis),
droits d’enregistrement, traitements de la magistrature (Delfosse,
Rodenbach, Verhaegen, Smits, Van Volxem, Demonceau, Delehaye, Nothomb, Malou, de
Garcia, de Mérode, Verhaegen,
Dumortier, Verhaegen))
(Moniteur belge n°338, du 4 décembre 1842)
(Présidence
de M. Raikem.)
M. de Renesse fait
l’appel nominal à midi et demi.
M. Dedecker lit le
procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse
communique les pièces de la correspondance :
«
Plusieurs habitants de Bruxelles réclament contre la répartition des impôts et
prient la chambre de s’occuper du projet de loi sur la contribution
personnelle. »
Renvoi à
la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet, et dépôt sur le
bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
La
chambre, sur la proposition de M. Verhaegen, en
ordonne en outre l’impression au Moniteur.
_______________________
« Le sieur
Behr, administrateur de la société des Brasseries Belges à Louvain, prie la
chambre de rejeter toute majoration de centimes additionnels sur le principal
de l’accise des bières. »
- Dépôt
sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
______________________
« Des brasseurs de la banlieue de Bruxelles présentent des
observations contre les projets de loi tendant, l’un à majorer les centimes
additionnels sur les bières, et l’autre, à modifier les bases de 1’impôt sur
cet article. »
« Mêmes
observations des brasseurs d’Eeekeren, Poperinghe et communes environnantes, St.-Amand, Hal, Borheim, du district de Verviers, de la ville de Namur, de
Termonde et de ses environs. »
M. Dedecker. - M. le
secrétaire vient de présenter l’analyse d’une pétition des brasseurs de
Termonde et des environs de cette ville. Il paraît que la proposition des 10
centimes additionnels sur l’accise des bières, et le projet spécial modifiant
les bases de l’impôt sur cet article, a produit dans cet arrondissement la
fâcheuse impression qu’elle a faite dans le reste du pays. Je ne m’étendrai pas
sur les considérations que les pétitionnaires font valoir, elles vous ont été
présentées dans les pétitions émanées d’une foule d’autres localités, elles
sont donc suffisamment connues de vous tous ; je demanderai seulement que,
conformément à une décision antérieure, la chambre fasse imprimer cette
pétition au Moniteur, et en ordonne
le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens,
ainsi que le renvoi à la section centrale, qui sera chargée de l’examen du
projet de loi sur les bières.
M. Lys. - Je
fais la même demande pour la pétition des brasseurs de Verviers.
M. Brabant. - Et
moi, pour la pétition des brasseurs de la ville de Namur.
M. Henot. - Et
moi, pour la pétition des brasseurs de Bornhem et de
St-Amand.
M. Verhaegen. Je demande
que la décision s’applique à toutes les pétitions de l’espèce.
M. Lys. - Je
demande qu’elle s’applique aussi aux pétitions que la chambre a reçues hier,
entre autres, à la pétition du canton de Herve.
M. le président. - Il
n’y a pas d’opposition, je pense, à ce que les pétitions relatives à l’accise
sur la bière soient déposées sur le bureau pendant la discussion du budget des
voies et moyens, et renvoyées à l’examen de la section centrale qui sera chargée
de l’examen du projet de loi sur les bières. (Non ! non !) Ainsi, ce dépôt et ce renvoi sont ordonnés. Maintenant
il s’agit de statuer sur l’insertion de toutes ces pétitions au Moniteur.
M. de Garcia. - Je demande
la parole. Messieurs, je conçois l’utilité qu’il peut y avoir à renvoyer les
pétitions, soit à la commission, soit aux sections centrales, chargées de
l’examen des matières auxquelles ces pétitions se rapportent ; mais je ne vois
pas quel intérêt peut présenter l’insertion de toutes les pétitions dans le Moniteur. Si nous continuons à faire
insérer au Moniteur toutes les
pétitions qui nous sont présentées, les colonnes ordinaires du Moniteur ne pourront plus suffire, et la
feuille officielle se transformera en une brochure volumineuse pendant toute la
durée des sessions, et deviendra dès lors une grande charge pour le pays. Il
entre déjà tant de choses inutiles dans le Moniteur
qu’on ne le lit guère ! Je m’opposerai dorénavant à l’insertion de toute pétition
dans le Moniteur, à moins que des
raisons toutes spéciales ne commandent cette insertion.
- La
chambre consultée décide que les pétitions relatives à l’accise sur les bières
ne seront pas insérées au Moniteur.
________________________
« Le
conseil communal de Wonck et les autorités des
communes environnantes demandent que la route de Liége à Maeseyck passe par Wonck, au lieu de passer par Bassenge. »
- Renvoi
à la commission des pétitions.
________________________
«
Plusieurs habitants de Bruxelles prient la chambre d’aviser au moyen de faire
contribuer aux charges publiques la fortune de chaque propriétaire. »
Renvoi à
la commission des pétitions.
_________________________
Par
dépêche en date du 30 novembre 184, M.
le ministre de la guerre (M. de Liem) transmet des
explications sur les pétitions du soldat réformé Blavier.
- Pris
pour notification.
PROJET DE LOI
PORTANT DES MODIFICATIONS À
M. Mast de Vries dépose le
rapport de la section centrale qui été chargée d’examiner les modifications à
la loi des boissons distillées.
- La
discussion de ce rapport, qui sera imprimé et distribué, sera ultérieurement
fixée.
M. David. - Nous
sommes saisis d’un projet conçu par MM. les ministres de l’intérieur et des
finances, qui amène des changements sur les droits d’entrée en Belgique de
diverses matières.
A
diverses reprises, dans cette chambre, j’ai signalé, messieurs, l’opportunité
qu’il y aurait à augmenter le droit à la sortie du pays sur les peaux et cuirs
frais indigènes.
Jusqu’à
présent je n’avais présenté cette opportunité que sons le rapport de l’intérêt
commercial et industriel ; aujourd’hui, que nous nous occupons à créer de
nouvelles ressources, je trouve dans ma proposition un double avantage, celui
de venir en aide aux finances.
L’exportation
au taux actuel de sortie sur les cuirs indigènes favorise les tanneries de France,
d’Angleterre et de Prusse, à notre véritable détriment. La France surtout, qui
en tire la plus grande quantité, nous les renvoie fabriqués, et d’un autre côté
frappe notre production similaire d’un droit prohibitif à son entrée chez elle.
Maintenant,
messieurs, l’objet de ma motion d’ordre est de savoir si M. le ministre des
finances a songé à faire étudier la portée de ma proposition. Je désirerais
que, soit à la discussion des droits d’entrée, soit peut-être à celle des voies
et moyens, qui nous occupe en ce moment, M. le ministre des finances se
déterminât à demander une augmentation considérable à la sortie des cuirs du
pays.
Avant de
pousser mes observations plus loin, je demanderai à la chambre et à M. le
ministre en particulier, s’il paraît plus convenable d’aborder la question lors
de la spécialité du changement des droits proposés, ou bien à la discussion des
voies et moyens. J’espère que, par la même occasion, on pourra frapper aussi
d’un droit double de ce qu’il est aujourd’hui les os à l’exportation. C’est une
mesure reconnue comme parfaitement utile à notre agriculture. Je crois que M.
le ministre des finances en est lui-même un acte partisan,
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Messieurs, le gouvernement a proposé une
augmentation de droit sur la sortie des os. Quant à la question des cuirs, elle
se rattache également au projet qui a été présenté à la chambre, relativement à
l’abolition de certains droits de sortie, de manière qu’elle ne pourrait pas
être discutée maintenant Du reste, nous nous sommes occupés de cette question,
nous ferons même une communication à la section centrale.
M. David. - Je
désire qu’on fasse étudier cette question ; elle est très importante.
Discussion
des articles
Personnel
M. Savart-Martel. - Je
désire savoir si en votant le projet qui nous est soumis, ce sera sans préjudice
de l’amendement que j’ai déposé.
M. le président. - Mon
intention était, après la lecture de article personnel, de rappeler
l’amendement de M. Savart et de consulter la chambre sur ce qu’il fallait faire
cet égard, soit pour le discuter immédiatement, soit pour en remettre la
discussion à un autre moment. Ainsi, nous allons passer à l’article personnel.
«
Principal, fr. 7,727,720
« 10
centimes additionnels extraordinaires : fr. 772,772
« 10
cent. additionnels extraordinaires pour 1843 : fr. 772,772. »
La
section centrale admet les deux premiers numéros et n’adopte pas le troisième.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, d’après le vote d’hier, je déclare renoncer aux propositions de
centimes additionnels sur les articles personnel,
patentes et bières. Nous nous
réservons de vous faire, s’il y a lieu, d’autres propositions.
M. Delfosse. - Je
demande la parole.
M. le président. - Je
dois rappeler ici l’amendement de M. Savart. La chambre entend-elle le discuter
immédiatement, ou en renvoyer la discussion à un autre moment ?
C’est un
paragraphe additionnel à l’art. 1er ; il est ainsi conçu :
« Les
chevaux employés habituellement à l’agriculture ne sont point soumis à l’impôt,
sauf le cas où ils seraient attelées à une voiture suspendue. »
M. Delfosse. - Le
vote d’hier est un fait inouï dans les fastes parlementaires ; dans aucun temps,
dans aucun pays, je pense, on n’a vu un ministère se trouver absolument seul
pour appuyer une proposition et ne pas rencontrer dans la représentation
nationale une seule voix amie ; après un échec aussi humiliant, le ministère,
s’il avait le moindre sentiment de dignité, ne devrait pas se borner à retirer
les projets, il devrait se retirer lui-même ; si la même situation se
présentait en France ou en Angleterre, la démission des ministres ne se ferait
pas attendre vingt quatre heures.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, c’est
au ministère d’apprécier, comme il le juge convenable, le vote qui a été émis
hier (oui ! oui !), et chaque membre
de la chambre l’appréciera également.
M. Verhaegen. -
Messieurs, ce qui se passe en ce moment prouve que j’avais raison hier, et que
les observations, tout au moins déplacées de M. le ministre
de l’intérieur, n’avaient aucun fondement. J’ai parlé d’une comédie qu’on
faisait jouer à la législature et dans laquelle je ne voulais pas prendre de
rôle ; l’événement a prouvé que j’ai bien vu, car si le ministère avait pris la
chose au sérieux, le vote d’hier était le signal de sa retraite.
M. de Garcia. - Je ne
prends pas la parole pour rencontrer les observations qui viennent d’être
faites ; cela n’en vaut pas la peine. La chambre et les ministre savent ce
qu’ils ont à faire par suite du vote qui a été émis hier. Si l’on veut
provoquer une question de cabinet, on doit la poser directement.
Quant à
l’amendement de l’honorable M. Savart-Martel, je regrette ne pas pouvoir
l’appuyer.
M. le président. -
L’amendement n’est pas en discussion.
M. de Garcia. - Je le
sais, M. le président ; mais j’ai demandé la parole précisément à propos de la
question de savoir, s’il était opportun d’examiner cet amendement dans le
moment actuel.
Je
commence par dire, que je partage au fond l’opinion de l’honorable M.
Savart-Martel. Mais je dis qu’à l’occasion d’un budget, on ne peut pas changer
une loi.
Il y a
une loi sur le personnel, et les chevaux y figurent dans un article spécial qui
a déjà été amendé sous le ministère de l’honorable M. d’Huart. L’amendement de
l’honorable M. Savart-Martel tend à apporter un changement à une loi. Or, ce
n’est pas par une proposition au budget qu’on peut modifier une loi…
M. le président. - Je
ferai observer à l’orateur qu’il s’agit pour le moment de la seule question de
savoir si l’on mettra l’amendement en discussion ; si la disposition est mise
en discussion, chaque membre de la chambre sera libre de faire telle
proposition qu’il jugera convenable.
M. Demonceau. -
Messieurs, je devrais peut-être attendre que M. Savart ait développé sa
proposition avant de prendre la parole, cependant je crois devoir dire
maintenant quelques mots en réponse aux paroles des honorables MM. Delfosse et
Verhaegen.
M. de Mérode. - C’est
inutile !
M. Demonceau. - Je
dois dire que si, dans cette circonstance, j’ai cru devoir faire opposition au
ministère, ce n’était certainement pas pour m’associer à eux.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Nous verrons dans quelques jours qui a joué la comédie ; quand il s’agira de mettre à l’ordre du
jour l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire et de fixer l’époque
où elle aura lieu, nous verrons quelle opinion émettra l’honorable M.
Verhaegen.
M. le président. -
Est-on dans l’intention de discuter maintenant la proposition de M. Savart ?
M. Dubus (aîné). - Je
crois que c’est le moment de s’occuper de cette proposition, puisque nous
abordons le chiffre de l’impôt personnel et qu’il s’agit d’expliquer la loi
concernant cet impôt. La discussion est tout à fait opportune. Je demande que
la parole soit donnée à l’auteur de la proposition. Mon intention est de
l’appuyer.
- La
chambre, consultée sur la proposition de savoir si elle s’occupera de la
proposition de M. Savart maintenant ou lors de la discussion de l’art. la
renvoie à la discussion de l’art. 1er.
« Personnel.
« Principal
: fr. 7,727,720
« Additionnels
: fr. 772,772
« Ensemble
: fr. 8,500,492. »
- Adopté.
Patentes
« Principal : fr. 2,614,616
« Additionnels
: fr. 261,461
« Ensemble
: fr. 2,876,077 »
- Adopté.
Redevances sur les mines
« Principal : fr. 187,000
« 10
centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 18,700
« 5
centimes pour frais de perception : fr. 10,285
« Ensemble
: fr. 215,985 »
Douanes (proposition du
gouvernement)
« Douanes (Proposition du gouvernement.)
« Droits
d’entrée (16 cent. add.) : fr. 9,537,172
« Droits
de sortie (id.) : fr. 400,000
« Droits
de transit (id.) : fr. 90,000
« Droits
de tonnage (id.) : fr. 350,000
« Timbres
: fr. 37,000
« Ensemble
: fr. 10,414,172 »
Douanes (Proposition de la
section centrale)
« Droits
d’entrée (16 cent. add.) : fr. 9,300,000
« Droits
de sortie (id.) : fr. 550.000
« Droits
de transit (id.) : fr. 150,000
« Droits
de tonnage (id.) : fr. 360,000
« Timbres
: fr. 37,000
« Ensemble
: 10,397,000 »
M. le président. - Les
motifs des propositions de la section centrale sont expliqués dans le
rapport. J’appellerai d’abord l’attention de la chambre sur ce que la section
centrale propose de renvoyer à une autre loi séparée l’augmentation du droit de
douane sur le café.
M. le
ministre se rallie-t-il à cette proposition ?
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je
pense que l’augmentation sur le café pourrait être discutée immédiatement. La
section centrale en a proposé le renvoi à la discussion qui doit avoir lieu sur
les droits différentiels. Rien n’empêche de modifier les tarifs maintenant ; il
est important que les recettes se fassent. D’ailleurs rien n’est préjugé, on
pourra voter une modification au droit quand on s’occupera des droits
différentiels, dans l’intérêt de nos relations avec les puissances étrangères.
M. Osy. - Vous
savez que M. le ministre demande une augmentation de 2 fr. sur les cafés. Les
sections se sont déjà occupées du projet de loi sur les droits d’entrée, et
plusieurs sections ont demandé que la discussion de ce projet fût ajournée
jusqu’a la discussion du rapport de la commission d’enquête. Si nous allons
aujourd’hui nous occuper de l’augmentation de droit sur le café et la discuter,
nous anticiperons sur la discussion du projet de loi relatif aux droits
d’entrée et au rapport de la commission d’enquête. Si aujourd’hui vous
augmentez de 2 fr. le droit sur le café, dans un mois peut-être vous serez
obligés de bouleverser ce que vous aurez fait, Je crois qu’il faut attendre la discussion
du projet de loi sur les droits d’entrée ; alors on décidera si on doit
attendre la discussion du rapport de la commission d’enquête.
Je propose d’ajourner la proposition de M. le ministre des finances.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Voici la marche que l’on propose. Le ministère a
demande une augmentation sur le café au budget des voies et moyens, comme
ressource nécessaire, à partir du 1er janvier prochain. Il est vrai que la
chambre est saisie d’un projet de loi spéciale d’augmentation de droits
d’entrée. Dans ce projet, on a rappelé cet article du café, mais seulement pour
que l’ensemble du projet fût connu et pour rendre la disposition permanente. On
demande le renvoi de l’article du budget à cette loi spéciale ; mais ce n’est
pas tout, on vous prévient qu’alors on vous demandera un nouveau renvoi, le
renvoi à la discussion de la question des droits différentiels. Je ne sais pas
alors quand on s’occupera de la discussion de cet article. (Interruption.) Je sais que le café est
un des objets qui tombent dans le domaine des droits différentiels.
L’essentiel, il ne faut pas le perdre de vue, c’est qu’il faut des ressources,
à partir du premier janvier prochain. Il vous a semblé que le café était
susceptible d’une augmentation de droit. Nous en avons proposé
une bien légère. Il s’agit d’une augmentation de deux francs, vous renvoyez ce
article à la discussion du projet de loi sur les droits d’entrée, je vous
préviens qu’on demandera alors le renvoi à la discussion de la question des
droits différentiels. Je vous demande ce que devient alors la ressource qu’il
nous faut, à partir du 1er janvier prochain.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois aussi
qu’en votant la suppression des centimes additionnels, je l’ai votée, non pour
déverser un blâme sur le ministère, mais bien pour éviter une augmentation sur
les contributions directes, que je crois aujourd’hui suffisamment élevées. Non.
mon intention n’a pas été du tout de dire au ministère qu’il se retire. Le
ministère tel qu’il est composé me convient. S’il se trompe, c’est ce que tout
homme est sujet a faire. Quel est celui de vous qui ne peut pas se tromper ?
Vous en conviendrez, le ministère est trop occupé, harcelé, chicané, vexé, pour
qu’il lui reste le temps convenable pour soigner les intérêts du pays. Voilà ma
pensée, je la dis avec autant de franchise que ceux qui ne pensent pas comme
moi.
Messieurs,
si j’ai voté contre les centimes additionnels, c’est par le motif que je crois
qu’on peut trouver le moyen de procurer des ressources au pays, ressources qui
pèseraient en partie sur les producteurs étrangers en même temps qu’elles
pèseraient sur les consommateurs, et principalement les consommateurs de
denrées introduites par l’étranger, c’est-à- dire par la classe aisée.
Je l’ai
déjà dit dans la discussion générale, cherchons à améliorer notre situation en
frappant les produits venant de l’étranger. Quand on propose une augmentation
sur tel ou tel produit, on s’écrie aussitôt : prenez-y garde, la fraude viendra
introduire dans le pays, elle la perdra plus qu’il ne pourrait gagner.
Voilà
l’argument que l’on emploie contre les propositions d’augmentation d’impôt sur
les produits étrangers. Saris doute, il faut éviter la fraude ; mais nous avons
des moyens pour éviter la fraude. Ayons une loi sévère contre les fraudeurs,
que moi j’appelle des voleurs ; prenons des mesures pour flétrir la conduite
des hommes bien placés qui ne se font pas scrupule d’employer des malheureux
pour voler le gouvernement. Vous avez, dites-vous, le commerce interlope, mais
c’est un métier de voleur. Qui vole son pays, ou un pays voisin, est toujours
un voleur. Telle est ma pensée ; je la dirai toujours franchement.
Je vous le
demande, est-il plus permis de voler l’étranger que ses propres concitoyens ?
On
concevra toutefois que lorsqu’on prive le gouvernement d’impôts qu’il est en
droit d’exiger, c’est en définitive les particuliers que l’on vole. Or, je le
demande, si un Belge prenait dans la poche d’un Français une somme quelconque,
ce belge, ne serait-il pas poursuivi devant les tribunaux. Attachons-nous donc,
messieurs, à flétrir cette industrie immorale, ce sera déjà là un moyen
puissant d’empêcher la fraude.
On
invoque toujours la nécessité de ne pas encourager la fraude, mais on n’a pas
craint la fraude, messieurs, lorsqu’on a frappé le sel de droits qui équivalent
à quatre fois la valeur de cet objet ; je suis de ceux, messieurs, qui veulent
favoriser les industries du pays, mais je favoriserai toujours celles qui
s’alimentent des produits du sol avant celles qui s’approvisionnent de matières
premières venant de l’étranger. Une industrie que je favoriserai toujours
volontiers, c’est l’industrie cotonnière ; cependant je ne voudrais la
favoriser que pour autant qu’elle puisse exporter ses produits, et l’intérêt
que nous portons à cette industrie ne devrait pas nous empêcher d’imposer le
coton brut à l’entrée, parce que ce serait là un impôt qui pèserait sur ceux
qui veulent user de coton. Remarquez-le, messieurs, le coton a fait un tort
immense, à l’industrie linière, il a fait abandonner les toiles de lin, de
chanvre et d’étoupes, pour les vêtements, le linge de table, etc. Or, je le
demande, messieurs, faut-il ruiner une industrie toute morale comme l’industrie
linière, pour favoriser une industrie qui ne produit pas le quart des avantages
que produit l’industrie linière.
Il y a,
messieurs, un autre motif qui doit nous engager à frapper les produits
étrangers, c’est que nous devons encourager avant tout la consommation des
produits, de notre pays. J’ai déjà dit plusieurs fois, et je le répéterai à
satiété, la balance commerciale est ruineuse pour
Au
surplus, messieurs, les droits d’entrée sur les produits étrangers sont
supportés par les nations chez lesquelles il y a trop plein de ces produits ;
cela est si vrai que les industries de notre pays ne cessent de demander des
traités de commerce pour obtenir l’abaissement des tarifs étrangers qui
frappent leurs produits.
Remarquez-le
bien, messieurs, il vous serait très facile de porter à 30 millions environ le
revenu des douanes qui ne donne aujourd’hui que 10 millions, En Angleterre le
revenu des douanes équivaut à 37 fr. par tête ; eh bien si nos douanes
rapportaient 30 millions, cela ne représenterait que 7 francs de centimes par
tête. Vous voyez donc que mon système est bien modéré, si on le compare au
système adopté chez nos voisins.
Je
recommande à l’attention du gouvernement et de la chambre les considérations
que j’ai présentées, à plusieurs reprises, relativement aux douanes. C’est sur
les produits étrangers surtout que nous devons nous procurer des ressources. Je
sais que cela ne conviendra pas à certaines industries, ni à certain comme ce
qui gagne une commission sur les produits étrangers importés dans le pays ;
mais vous ne porterez aucune loi fiscale qui ne déplaise à l’une ou à l’autre
industrie, qui ne dérange l’une ou l’autre position. Il est une chose que nous
devons considérer avant tout, c’est l’intérêt du trésor, et nous devons, comme
nos voisins les Anglais et les Français, chercher à faire peser autant que
possible nos impôts sur les producteurs étrangers. Si l’étranger a un excédant
de marchandises, il faut qu’il déverse cet excédant quelque part, et il va
naturellement le déverser dans le pays où les droits d’entrée sont le plus faibles.
En suivant le système que je propose, nous empêcherions les nations qui sont
nos rivales en industrie de déverser leur trop-plein sur notre marché ; nous
procurerions au trésor un revenu de 30 millions sur les douanes, et nos droits
d’entrée seraient encore loin d’être aussi élevés que ceux qui se perçoivent en
France et en Angleterre.
J’adopterai
donc, messieurs, toute proposition qui aura pour but d’imposer les produits
étrangers, tels que le café, le tabac, les bois étrangers. En Angleterre, on perçoit
sur les bois de construction et de teinture 41 millions On dira que les bois de
teinture soit une matière première ; mais celui qui voudra porter des vêtements
teints avec du bois du Brésil, par exemple, paiera l’impôt dont le bois sera
frappé ; je ne vois pas quel inconvénient il y a à cela.
Ainsi messieurs, je demande que l’on se hâte d’apporter des
modifications à nos lois de douanes ; je voudrais même que l’on s’en occupât
toute affaire cessante. Nous procurerions ainsi au trésor des ressources bien
plus que suffisantes pour remplacer les centimes additionnels demandés sur les
contributions directes.
M. Delfosse. -
L’honorable M. Eloy de Burdinne vient de reprocher à l’opposition de faire
perdre du temps à la chambre par des discussions inutiles ; ma réponse à
l’honorable membre sera brève ; si quelqu’un fait perdre du temps à la chambre,
ce n’est certes pas moi, qui parle rarement, mais c’est l’honorable M. Eloy de
Burdinne, dont les discours sont dix fois plus nombreux que les miens ; si
quelqu’un fait perdre du temps à la chambre, ce n’est pas moi, qui ne parle
guère plus d’un quart d’heure à la fois, mais c’est l’honorable M. Eloy de
Burdinne qui parle jusqu’à trois jours de suite sur une seule question.
M. Eloy de Burdinne. -
Messieurs, il est inexact de dire que j’ai parlé pendant trois jours. J’ai
parle dans trois séances, mais non pendant trois jours ; j’ai eu la parole à la
fin de la séance du premier jour et j’ai terminé au commencement de la séance
du troisième jour, et la question que j’ai traitée alors valait bien la peine
d’y employer le temps que j’y ai employé. Du reste, le temps qui est consacré
au développement d’un système tel que celui que je viens de développer, ne peut
pas être considéré comme du temps perdu ; si le gouvernement fait attention à
ce système, ce temps, ainsi employé, rendrait infiniment plus de service au
pays que des discours proférés souvent dans cette enceinte par quelques
collègues que je ne désignerai pas et que je ne nommerai
pas, et qui n’ont et ne peuvent avoir d’autres résultats que de faire quitter
les places occupées par les ministres, en vue peut-être de les occuper
soi-même.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, nous discutons le n° 1 de la partie du tableau qui concerne les
douanes ; ce numéro est intitulé : « Droits d’entrée », et il est en
rapport avec l’art. 5 du projet de loi, qui est ainsi conçu :
« A
partir du 1er janvier 1843, le droit sur le café sera perçu, en principal, à
raison de 10 fr, par 100 kilog. déclarés en consommation. »
C’est-à-dire
qu’il y a augmentation de 2 francs par 100 kilog. de café.
Le
chiffre qui figure au projet du gouvernement est de 9,537,172 francs. Ce
chiffre a été calculé dans la supposition de l’adoption de l’art. 5 du projet
de loi. La section centrale propose de retrancher l’art. 5 ; elle propose aussi
une réduction sur le chiffre ; mais cette réduction sur le chiffre n’est pas
présentée comme la conséquence du retranchement de l’art. 5 du projet ; la
réduction qu’elle propose, est une véritable rectification ; elle dit, page 9
de son rapport :
« Quant
au droit d’entrée, elle réduit le chiffre de 257,172 fr., réduction égale, ou à
peu près, à la perte que le trésor éprouve sur les droits d’entrée dont étaient
frappés les vins étrangers avant l’adoption des conventions faites avec nos
voisins. »
La
section centrale réduit donc le chiffre de 237,172 fr., réduction qui se
rattache au changement fait au tarif des douanes, quant à l’entrée des vins
étrangers.
J’ai dit
qu’elle retranchait l’art. 5 du projet de loi. Mais ne faut-il pas encore faire
ici une nouvelle réduction ? Le gouvernement comptait, par suite de
l’augmentation sur les droits d’entrée pour le café, sur une recette nouvelle
de 300,000 fr. environ, Ne faudrait-il donc pas retrancher du chiffre une somme
de 300,000 fr., lorsqu’on admet, avec la section centrale, qu’il ne faut pas
statuer dès à présent sur l’augmentation de droits, quant au café. Je désire
avoir une explication sur ce point. Comment maintenez-vous les prévisions du
gouvernement, en ne maintenant pas l’art. 5 du projet de loi ? Comment
justifie-t-on encore le chiffre de 9,300,000 francs ? Ce renseignement nous est
indispensable.
Nous persistons à croire que l’on peut sans inconvénient voter l’article
5 du projet de loi, et accorder au trésor public cette nouvelle ressource, à
partir du 1er janvier prochain. Si on ne le fait pas, on laisse tout dans le
vague. Nul ne peut dire quand la loi qui consacrera le système des droits
différentiels sera votée, ou au moins quand il sera appliqué. Il est possible
que cette loi, si elle est votée, ne reçoive pas son application immédiate.
M.
Rodenbach. - Je pense, messieurs, que le droit sur le
café est susceptible d’une augmentation ; et ce n’est pas de cette année que
j’ai cette opinion. Car sous le précédent ministère, j’ai moi-même proposé une
augmentation ; au lieu de 10 fr., j’avais proposé le chiffre de 12 fr., et il
ne s’en est fallu que de 4 ou 5 voix que ma proposition fût adoptée. Ainsi, il
ne s’agit pas ici du ministère passé ni du ministère présent. Je reste
convaincu qu’on peut porter le droit sur le café à 12 fr., mais puisque la proposition
n’en est pas faite, j’adopterai le chiffre de 10 fr.
Messieurs,
j’ai développé, l’année dernière, mon amendement ; j’ai voulu convaincre la
chambre que le droit de 12 fr. ne serait pas même un obstacle au commerce
interlope. En effet, je pense qu’en Europe il n’y a que
L’augmentation
de droits peut rapporter 300,000 francs. Nous sommes, d’un autre côté, en
présence d’un déficit qui existe sous ce ministère comme sous le précédent ; il
faut combler ce déficit par tous les moyens qui ne froissent pas l’intérêt
général du pays. Or, je crois que le café est un des premiers articles que l’on
peut imposer.
Messieurs,
je crois que nous ne pourrons aborder la discussion de la question des droits
différentiels avant deux mois ; car nous devons avant tout voter les budgets.
Mais on peut détacher la question du café du grand projet de la commission
d’enquête et le discuter séparément. On peut faire pour le café comme pour les
sucres. Toutes les opinions ont demandé que l’on discutât promptement la loi
des sucres. Eh bien ! là, la question des droits différentiels se présente
également. Il n’y a donc pas plus de motifs pour ajourner la discussion de la
question des cafés que pour ajourner la discussion de la question des sucres.
Messieurs, puisque nous sommes en présence d’un déficit de 2 à 3
millions, une augmentation de ressources de 300,000 fr. n’est pas à dédaigner ;
aussi voterai-je pour la proposition du gouvernement.
M. Demonceau, rapporteur. -
Messieurs, je commencerai par donner quelques explications relativement au
travail de la section centrale ; j’ai cru m’apercevoir que M. le ministre de
l’intérieur ne l’avait pas très bien compris.
Voici
comment la section centrale a établi son tableau. Elle a procédé d’après la
législation actuellement en vigueur. Or, d’après cette législation, le café
n’est imposé que d’un droit de 8 fr. Elle a supposé, d’après un document
communiqué aux chambres, sous le ministère de l’honorable M. Mercier, que
l’introduction du café en Belgique serait de 12 millions de kilogrammes. Nous
nous sommes dit que 12 millions de kilogrammes, à 2 fr. par cent, ferait
240,000 fr. Eh bien, nous avons déduit 257,000 fr. du chiffre propose par le
gouvernement.
Comment
avons-nous constaté le chiffre de 9,300,000 fr. ou plutôt celui de
10,397,000 fr. pour l’ensemble de l’article douanes
?
Après
avoir distrait 240,000 fr. du chiffre droit
d’entrée ; nous n’avons pas cru devoir supposer l’adoption du projet que le
ministère avait présenté, qui a pour but de diminuer les droits de sortie sur
plusieurs articles ; nous avons donc rétabli le chiffre pour les droits de sortie
tel qu’il serait si le projet dont je viens de vous parler n’était pas adopté.
Aussi, au lieu de fixer ce chiffre à 400 mille francs, comme le proposait M. le
ministre des finances, nous l’avons rétabli à 550 mille francs.
Vous
voyez que nous avons procédé logiquement. Nous n’avons, d’une part, pas voulu
adopter, en recettes, des droits basés sur une loi non adoptée ; d’autre part,
nous n’avons pas voulu admettre des diminutions basées sur une loi non adoptée.
Maintenant
voulez-vous savoir comment nous sommes parvenus au chiffre de 10,397,000 fr.
Nous avons pris pour base les deux derniers mois de l’exercice 1841 et les 10
premiers mois de l’exercice 1842, et en défalquant une somme de 230,000 fr.
environ que nous avons supposé devoir être la diminution à résulter sur les
droits d’entrée pour les vins étrangers, nous sommes arrivés à un chiffre
absolument égal à celui que nous vous avons proposé.
Voici le
chiffre des 2 derniers mois de l’exercice 1841 et des 10 premiers mois de
l’exercice 1842. Il est, sauf erreur, pour l’ensemble du chapitre douane de
10,670,000 fr.
J’arrive
maintenant à la question relative au café, et je dirai ce qui s’est passé sur
ce point au sein de la section centrale.
La
section centrale a pensé différemment que l’honorable M. Osy. La majorité a cru
que l’on pourrait discuter une loi relative à l’augmentation des droits sur les
cafés, sans aborder pour cela le projet entier de la commission d’enquête. Elle
a pensé que l’on pourrait s’occuper des droits sur les cafés lors de la discussion
du projet de loi qui a pour but d’augmenter les droits d’entrée sur certains
articles. Si, d’un autre côté, la section centrale avait eu à émettre une
opinion sur le fond, je crois qu’elle aurait adopté le chiffre proposé par M.
le ministre des finances, et que peut-être même ce chiffre aurait été majoré.
Je ne puis toutefois rien dire de précis à cet égard ; mais un membre aurait
voulu le droit de 15 fr., d’autres auraient voulu celui de 12, d’autres
peut-être n’auraient pas voulu d’augmentation. Mais je dois résumer les
opinions, et si je fais attention que, dans une circonstance très rapprochée,
plusieurs de mes honorables collègues de la section centrale avaient voté des
droits supérieurs à 10 francs, je dois avouer que le droit de 10 francs aurait
été admis, sinon majoré, par le plus grand nombre.
Mais
voici les motifs pour lesquels la majorité de la section centrale a demandé que
cette augmentation fît l’objet d’une loi spéciale. Vous savez que, dans
l’opinion qui a toujours prévalu à la chambre, le budget des voies et moyens
n’est que l’application des lois en vigueur au moment de l’exercice et chaque
fois que l’on a fait une proposition spéciale applicable au budget des voies et
moyens, on a toujours eu soin d’en faire des lois séparées.
Ainsi,
par exemple, si dans ce moment vous adoptiez l’art. 5 du projet du
gouvernement, et si, à l’ouverture de l’exercice 1844 vous n’adoptiez pas une
loi spéciale pour régler le droit d’entrée sur les cafés, vous devriez
renouveler cette disposition, parce que le budget est une loi annale, tandis
que les lois de douane existent jusqu’à révocation.
C’est la chambre à savoir si elle veut, dans cette circonstance,
s’écarter de tous les précédents. Je la préviens que, quelle que soit sa
résolution, il faudra qu’elle s’occupe du projet de loi relatif aux droits
d’entrée, comprenant un droit sur les cafés, si elle veut qu’à l’avenir le café
supporte un droit supérieur à celui existant.
M. Angillis. -
L’honorable M. Eloy de Burdinne s’est livré à une discussion un peu longue sur
les lois futures. Les lois présentées à la chambre ne sont pas à l’ordre du
jour. Comme l’honorable membre a dit de très bonnes choses, je l’ai écouté avec
beaucoup d’attention ; mais je lui demanderai la permission de lui faire
observer que ces discussions prématurées prolongent nos séances, sans résultat.
Venant à
la question en discussion, je pense qu’il n’y a aucun inconvénient à adopter
dès à présent la proposition du gouvernement. Il y aurait au contraire des inconvénients
à ne pas l’adopter. En effet, de quoi s’agit-il ?
Ce sont des évaluations. Ces évaluations viennent se modifier en plus ou
en moins. Moi, j’espère que ce sera en plus, parce que nous voterons les lois
qui ont été présentées. Pour mettre le gouvernement à même de faire face à
toutes les dépenses, après le rejet des nouveaux centimes additionnels
demandés, j’espère que la chambre s’occupera le plus tôt possible de la
discussion de ces lois. Si l’on attend que les lois soient votées pour modifier
les évaluations, il en résultera qu’il faudra un temps plus ou moins long pour
que ces lois produisent leurs effets. Je demande donc que la chambre adopte de
suite la proposition du gouvernement.
M. Mercier. - Dans
la section dont je faisais partie, la majorité a voté, sur le café, un droit de
15 fr. Dans la section centrale, nous avons été unanimes pour repousser
l’augmentation, bien que nous ne l’ayons pas été sur les motifs du rejet. Pour
ce qui me concerne, je ne me suis réuni à mes collègues que parce que
j’espérais que la chambre, mieux éclairée sur les besoins du trésor après la
discussion des lois de budget, reconnaîtrait l’insuffisance du chiffre de 10
fr. Je sais tout ce qui a été allégué contre un droit plus élevé sur le café.
Je me rappelle très bien que M. le ministre des finances soutenant, il n’y a
pas très longtemps que le droit de 8 fr. était la limite extrême, qu’on ne
pouvait dépasser sans anéantir le commerce interlope, qualifié tout à l’heure
par l’honorable M. Eloy de Burdinne.
Quoi
qu’il en soit, sans rien préjuger pour l’avenir, je ne veux pas entraver le
vote du chiffre proposé aujourd’hui. Je le crois insuffisant en raison de nos
besoins ; je le voterai cependant. Comme la proposition que je ferais d’un droit
plus fort n’aurait pas l’appui du gouvernement, je m’abstiendrai de la produire. Un droit de 15 fr. ne serait pas d’ailleurs fatal à ce
commerce dont on a parlé ; car dans tous les Etats voisins, sauf
M. Manilius. - Je
pense avec l’honorable M. Angillis, que le vote que nous allons émettre sur un
chiffres du tableau des voies et moyens ne préjuge rien sur la question des
cafés. S’il en était autrement, je pourrais répondre à l’honorable M. Eloy de
Burdinne, qui a traité cette question. Mais je pense que mes observations
seront mieux placées dans la discussion de la loi sur les cafés. Seulement je
répondrai à une assertion relative aux contributions qui devraient peser,
d’après lui, sur d’autres matières.
Il a dit
que le coton devrait payer un droit à l’entrée. Je crois que cela serait vrai,
si l’industrie cotonnière était mise dans la même position qu’en France et en
Angleterre il est certain que dans ces deux pays le droit sur les cotons est
d’un grand produit ; mais aussi, dans ces deux pays, l’industrie cotonnière est
efficacement protégée ; elle possède seule le marché intérieur ; les Anglais et
les Français sont maîtres chez eux ; leurs exportations sont favorisées. Si
l’industrie belge était dans cette position, on conçoit qu’un droit sur la
matière première ne l’effrayerai pas.
Je
répondrai à l’honorable M. Eloy de Burdinne que je le crois dans l’erreur lorsqu’il
considère l’industrie cotonnière comme une industrie immorale ; qui a détruit
en partie l’industrie linière. Vous êtes tous convaincus du contraire. Car il y
a des établissements d’industrie cotonnière dans plusieurs localités où il y a
beaucoup d’ordre, et qui ne souffriraient pas d’immoralité ; s’il y e des
exceptions, ce n’est pas la règle.
L’honorable
membre a ajouté que l’industrie linière était une industrie très morale et que
l’industrie cotonnière lui faisait grand tort. Je suis fâché de devoir répondre
à cela. Je me rappellerai que quand l’industrie linière était aux abois, avant
que le gouvernement fût venu à son secours, quand elle n’avait plus à occuper
ses ouvriers, c’est l’industrie cotonnière qui leur a donné des ressources et
du travail.
Puisque
j’ai la parole, je dirai aussi quelques mots concernant la douane. Je ne
répéterai pas ce que j’ai dit à cet égard l’an passé. Tout est resté debout ; nous sommes dans la même position qu’alors ; on peut me
répondre encore qu’il y a un projet de loi ; je répondrai à mon tour que le
gouvernement pourrait en presser la discussion. Le gouvernement n’ignore pas
que la chambre est très complaisante, quand le gouvernement veut presser la
discussion d’un projet de loi. Dans ce moment, le rapport est prêt. Je suis
convaincu que si le gouvernement témoignait le désir qu’il fût mis à l’ordre du
jour, la chambre ne manquerait pas de s’y prêter.
M. Mercier. - Il a
été convenu avec l’honorable M. Fallon qui préside les deux sections centrales
réunies, chargées comme commission de l’examen du projet de loi relatif à la
répression de la fraude et de la question de l’estampille, que ces deux
sections se réuniraient au premier jour, pour entendre la lecture du rapport
qui est terminé. Ainsi, au commencement de la semaine prochaine, le rapport
pourra être déposé.
M. Eloy de Burdinne (pour un fait
personnel). - Je regrette que l’honorable M Manilius ait mal entendu mes paroles.
Je n’ai pas voulu adresser à l’industrie cotonnière le reproche d’un moralité.
Si j’ai été mal compris, ou si je me suis mal expliqué, de manière à ce que
l’on pût me supposer cette intention, je tiens à m’en expliquer. J’ai dit que
l’industrie cotonnière nuit à l’industrie linière, qui est une industrie toute
morale. Ce n’est pas dire que l’industrie cotonnière soit une industrie
immorale. J’ai regretté que la toile ait été remplacée par les tissus de coton.
Quand j’ai parlé d’immoralité, je n’avais en vue que de signaler le
commerce interlope dont on vient de parler et que je considère comme une fraude
et comme un vol.
M. Hye-Hoys. - Si
l’intention du gouvernement est de se contenter du droit de 10 fr. sur le café,
je n’ai rien à dire. Mais s’il veut élever le droit à 15 ou 18 fr., je dirai
que c’est inopportun, vu que nous aurons à nous occuper de droits
différentiels, qui seront probablement à l’ordre du jour dans cette session.
M. d’Huart. - Je
crois que nous sommes tous d’accord sur ce point, que le café est une matière
éminemment imposable. Déjà récemment, sur ma proposition, vous avez doublé le
droit sur cette denrée ; vous avez porté le droit de 4 à 8 francs. Maintenant
on vous propose d’ajouter, à dater du 1er janvier prochain, 2 fr ce droit. Je
crois cette demande très modérée ; je l’appuierai tous mes efforts. Soyez
persuadés qu’un droit de 2 francs de plus sur le café ne sera rien pour le
consommateur, qu’il ne s’en apercevra, en aucune façon. En effet, lorsque vous
avez doublé le droit, cela n’a pas réduit la consommation. Après que vous avez
eu porté le droit de 4 à 8 francs, la consommation a plutôt augmenté ;
c’est-à-dire que cela n’a rien fait du tout. L’aisance du consommateur continuant,
il a continué à user et à abuser du café comme par le passé. Je dis donc que
nous pouvons accepter comme minimum un droit de 10 francs sur le café.
On oppose
à cela une question de forme ; on dit qu’il faut proposer cela dans une loi
spéciale et non dans la loi annale du budget. D’abord, la section centrale
propose des dispositions qui sont aussi spéciales.
Ainsi,
dans un nouvel article 3, on propose d’autoriser le gouvernement à vendre
certaines rentes et parcelles domaniales. C’est aussi une disposition spéciale.
On pourrait prétendre dès lors avec autant de fondement que cette disposition
ne doit pas trouver place dans le budget des voies et moyens, Je pourrais
indiquer dans le budget des voies et moyens de chacune des années précédentes
des dispositions analogues celle qui est soumise en ce moment à la chambre,
relativement au café. Il n’y a donc rien de disparate à admettre un droit de 10
fr. sur le café dans le budget des voies et moyens.
Mais un
grand avantage dont la considération doit engager la chambre à adopter, à
partir du 1er janvier, la disposition qui est proposée, c’est que vous
empêcherez les approvisionnements qui ne tarderaient pas à se faire et qui
tourneraient au profit, non pas du consommateur, mais de quelques grands
négociants qui feraient venir à temps de grandes masses de café et qui
gagneraient les 2 c. par kilog. dont vous frapperiez cette denrée en plus. Tous
les motifs se réunissent donc pour que cette augmentation pèse sur cet article,
au moins à partir du 1er janvier prochain.
Au reste,
la nouvelle disposition concernant l’article café serait reportée dans le tarif dont on a parlé. Lors de la
discussion de ce tarif, ceux qui pensent qu’un droit de 10 fr. n’est pas
suffisant, en proposeront un de 11 ou de 12 fr. ; la chambre examinera alors
s’il y a lieu d’aller au-delà d’un droit de 10 francs. Quant à moi, je déclare
à l’avance que je serai opposé à un droit très élevé sur le café qui est
aujourd’hui un objet de première nécessité parmi les gens du peuple.
Messieurs, on a parlé du sucre. On a demandé pourquoi on ne portait pas
de ce chef un chiffre plus élevé. Mais la question est toute différente. On
n’est pas encore d’accord sur le mode d’impôt, ni sur le taux du droit qu’il y
aurait lieu d’établir sur cette denrée. Il n’y a dès lors aucune comparaison à
faire ici entre le sucre et le café.
J’appuierai
donc de tous mes efforts l’art. 5 du projet du gouvernement.
M. de Garcia. -
Messieurs, je voterai aussi la proposition du gouvernement quant au café.
Cependant je dois reconnaître que ce mode d’impôt n’est pas régulier ; je
partage l’opinion de l’honorable M. Demonceau, et les raisons qu’on a fait
valoir pour réfuter cette opinion n’ont pas porté la conviction dans mon
esprit. Je regarde comme contraire à une bonne administration, d’établir
incidemment des impôts par voie de budgets. Je reconnais toutefois que dans le
cas spécial dont il s’agit maintenant, et comme nous sommes saisis d’un projet
de loi tendant à imposer le café d’une manière permanente, jusqu’à concurrence
des chiffres portés an budget ; je reconnais, dis-je, qu’on peut faire une
exception à la règle générale que j’ai indiquée.
Messieurs,
je regrette que le gouvernement n’ait pas satisfait au programme qu’il nous a
fait connaître dans le discours du Trône. Le gouvernement avait promis de
réviser le tarif de tous les droits d’entrée ; je vois avec peine qu’il n’a
proposé cette révision que pour un très petit nombre d’articles, tandis que les
fabriques de toute espèce jettent des cris de détresse sur tous les points du
pays, tandis que le trésor est dans un véritable état de misère.
Je suis
étonné que, dans l’intérêt de l’industrie et dans l’intérêt du trésor, le
gouvernement n’ait pas satisfait aux promesses qu’il avait mises dans la bouche
du Roi ; je suis étonné d’avoir entendu M. le ministre de l’intérieur nous
déclarer qu’en dépit du programme ministériel, la révision générale du tarif ne
serait pas prochaine. Mais, messieurs, cette déclaration est vraiment désolante
pour l’industrie. Déjà l’honorable M. Manilius a exprimé ses regrets de la
lenteur qu’on met à discuter les lois qui ont pour objet la répression de la
fraude ; je m’associe à ces regrets, et je déplore qu’on ne songe pas à
protéger par des droits modérés l’industrie nationale. Je n’en dirai pas
davantage pour le moment sur cet objet ; j’y reviendrai lorsqu’on s’occupera de
la discussion de la loi spéciale concernant les droits d’entrée.
En
attendant, je convie le gouvernement à nous présenter un ensemble de
dispositions à cet égard ; je n’admets pas les motifs sur lesquels il s’appuie
pour différer la présentation de ces dispositions ; il dit que l’ajournement
est motivé sur la discussion prochaine de la question des droits différentiels,
ainsi que sur les traités qui sont en voie d’être négociés.
Messieurs, ces raisons d’ajournement n’en sont pas pour moi. Une règle
générale doit être posée avant les exceptions. Or, les droits différentiels,
les traités sont des exceptions au tarif général ; si donc vous voulez établir
vos droits différentiels d’une manière nette, négocier des traités avec fruit,
il faut commencer par poser des règles positives dans le tarif général. Il y a
quelques jours, nous discutions le projet de traité avec l’Espagne. Que
répondait-on aux interpellations que j’adressais au gouvernement ? On disait :
Il y a un tarif général en Espagne, et le traité soumis à votre sanction est
une exception à ce tarif. Eh bien, messieurs, mettons-nous en position de tenir
un semblable langage aux nations qui veulent traiter avec nous.
J’adjure
donc de nouveau le gouvernement de nous présenter le plus tôt possible un
projet de loi complet sur les droits d’entrée de toute nature.
M. Demonceau, rapporteur. - Je
dirai à l’honorable M. d’Huart que j’ai fait chaque année partie de la section
centrale du budget des voies et moyens, du moins depuis que je siège dans cette
chambre, et jamais nous n’avons proposé à la chambre des lois spéciales à
l’occasion de ce budget. Il est vrai que, chaque année, nous avons été obligés
de renouveler une loi spéciale, mais c’est là précisément l’inconvénient que
nous avons signalé. Ainsi, nous proposons de renouveler encore cette année une
loi spéciale, parce que sans cela le gouvernement ne pourrait plus continuer de
percevoir les droits qui en résultent au profit du trésor public. Et le danger
est si grand que le gouvernement avait perdu cette loi de vue, et que si la
section centrale ne l’avait pas reproduite, le gouvernement aurait ouvert
l’exercice de 1843 sans être armé de la faculté de percevoir ce à quoi il a
droit. La disposition à laquelle je fais allusion concerne les provinces et les
communes qui n’ont pas souscrit d’abonnements administratifs pour la poste aux
lettres.
L’honorable
M. d’Huart pense que la section centrale avait dérogé au principe que je viens
de proclamer, en proposant de donner pour cette année l’autorisation au
gouvernement de vendre des rentes et des domaines. Mais c’est précisément parce
que c’est une autorisation spéciale que nous la portons dans une loi spéciale.
Nous ne voulons pas accorder au gouvernement le droit d’aliéner tous les
domaines, nous lui désignons les domaines qu’il peut vendre, et nous lui disons
: Vous appliquerez le produit de cette vente à l’exercice 1843.
Maintenant,
la chambre veut-elle déroger à ses précédents. Quant à moi, je n’attache à cela
aucune importance ; mais je déclare cependant que si, avant l’ouverture de
l’exercice 1844, vous n’avez pas pris une disposition à propos de l’article café, vous serez encore obligés de
renouveler cette disposition.
Voulez-vous,
messieurs, que je vous signale tout le danger qu’il y a pour le gouvernement à
faire de semblables dispositions ? C’est que si la section centrale n’était pas
restée conséquente avec elle-même, le gouvernement se serait vu dans la
nécessité de se défendre contre des propositions qui lui seraient venues de la
section centrale ; en effet, si le gouvernement pense qu’un droit de 10 fr. est
suffisant (et M. le ministre des finances, pour peu qu’il se souvienne de ses
précédents, doit être convaincu de cette suffisance, car il faut toujours être
vrai), et si la majorité de la section centrale eût proposé un droit de 12 fr.,
le gouvernement aurait dû, dans ce cas, faire de l’opposition à la section
centrale. Voilà où existe le danger pour le gouvernement qui peut se voir
déborder. Le conseil que la section centrale a donné au gouvernement, est un
conseil d’administration régulière, et je répète de nouveau que si le
gouvernement ne veut pas être débordé, il doit s’abstenir de faire des
propositions de ce genre.
Et voyez
donc quelle proposition le gouvernement est venu intercaler dans le budget des
voies et moyens. Cette proposition ne tend à rien moins qu’à changer
entièrement les droits en matière de succession.
Mais,
messieurs, cette question est très délicate, et le gouvernement veut la
trancher à l’occasion d’un article du budget des voies et moyens ; mais qu’il y
prenne garde, on pourrait bien présenter un amendement, dont l’approbation, loin
d’être favorable au trésor, lui serait préjudiciable.
Puisqu’il
faut indispensablement créer des ressources pour faire face aux dépenses de
l’Etat, je m’associe à mes collègues qui ont exprimé au gouvernement le regret
de ce qu’il n’ait pas pris de résolution à l’égard des droits d’entrée dont
devaient être frappés certains tissus étrangers. L’industrie ne vous
crie-t-elle pas de toutes parts qu’elle n’a pas le marché intérieur ? On vous
dit : « Le commerce et l’industrie languissent, ils ne sont pas protégés ; nous
sommes exclus de tous les marchés voisins, et nous recevons les produits de
tous les pays voisins. » L’honorable M. Manilius nous a dit avec raison
que nous sommes entourés de nations qui établissent des droits d’entrée sur les
matières premières, mais qui accordent des primes supérieures aux droits. Ainsi
nous avons à nos portes un État puissant qui grève d’un droit énorme l’entrée
des laines, et qui établit à la sortie des primes qui sont le double du droit
d’entrée établi chez nous. Il est certain que les tissus de laine étrangers
entrent en Belgique avec une prime supérieure au droit d’entrée qu’on nous
paie. Ainsi, quand un changement au tarif sur ce point n’aurait d’autre
résultat que de protéger l’industrie, ce serait déjà là un très heureux
résultat ; mais supposé même que l’industrie ne fût pas protégée par ces
modifications, le trésor public en profiterait au moins.
Dans la
discussion générale, je me suis borné à indiquer un seul article, l’article des
tissus de laine. J’ai dit que si l’introduction étrangère ne dépassait pas les
proportions de l’importation d’aujourd’hui, avec un droit qui, en moyenne,
serait inférieur à celui qui existe chez nos différents voisins, le trésor
public belge recevrait annuellement 500,000 fr. de plus.
J’appelle donc de nouveau toute l’attention du gouvernement sur ce
point, et j’espère qu’il ne laissera pas la session se clore sans nous faire
des propositions à cet égard.
M. Verhaegen. -
Messieurs, j’adopte à tous égards l’opinion de l’honorable M. d’Huart. Je
voterai le droit sur le café ; je voterais même un droit plus élevé, s’il était
proposé. J’ai voté sous le ministère de M. Mercier un droit de 14 francs, et à
plus forte raison voterai-je le droit de 10 francs qu’on nous demande
aujourd’hui. Dans ma manière de voir, le café est une matière essentiellement
imposable ; je ne le considère pas à proprement parler comme la boisson du
pauvre ; cette boisson pour le pauvre n’a que le nom de café, car elle se
compose presque en grande partie de chicorée, L’augmentation proposée sera
imperceptible pour le pauvre. Sous ce rapport donc j’ai mes apaisements, et je
le répète, la matière par elle-même est de nature à procurer des ressources au
trésor.
Ici
s’offre pour moi l’occasion de répondre à un reproche que me faisait tantôt
l’honorable M. Nothomb. Il me disait : Mais vous votez constamment des dépenses
et vous ne voulez pas accorder au gouvernement les moyens d’y faire face. Nous
verrons dans quelques jours, ajoutait-il, ce que fera M. Verhaegen, quand il
s’agira de l’augmentation du traitement des membres de l’ordre judiciaire. Vous
voyez, messieurs, que je ne tourne pas l’objection, je la rencontre de front.
Je suis d’accord avec M. le ministre qu’en votant des dépenses, nous devons
donner au gouvernement les moyens d’y faire face ; mais c’est au gouvernement à
choisir de bons moyens et à ne pas nous en présenter de mauvais. Je crois que
le vote d’hier nous a donné la conviction que les moyens proposés étaient des
plus mauvais, que le gouvernement n’avait pas été heureux dans son choix, car,
sauf les quatre ministres, personne n’a voulu des centimes additionnels. Le
reproche qui m’a été adressé est donc dénué de fondement.
On
propose un droit sur le café, je l’adopte, j’adopterais même un droit plus
fort. Il y a ici une différence entre M. le ministre de l’intérieur et moi,
c’est qu’il avait voté sous le ministère Lebeau contre l’impôt auquel moi j’ai
donné alors et je donne encore aujourd’hui mon approbation. Ma conviction n’a
pas changé ; un changement de ministère n’influe en rien sur ma détermination.
Je reste d’accord avec moi-même. Je désire que MM. les ministres puissent
expliquer leur revirement d’opinion.
L’occasion
se présentant, pour chacun de nous, de faire connaître quels sont les moyens de
faire face aux dépenses, je dirai d’abord, avec mon honorable ami M. Delfosse,
que tout d’abord il faut viser à des économies, à beaucoup d’économies, mais
que, pour les dépenses reconnues indispensables, il se présente des voies et moyens
en masse.
Comme je
l’ai dit il n’y a qu’un instant, je ne refuse pas l’impôt sur le café, je ne
refuse pas non plus l’impôt sur le sucre, ni celui sur le tabac, sauf le
monopole dont je ne veux pas. (Erratum
Moniteur belge n° 340, du 6 décembre 1841 :) Je suis loin de refuser des
augmentations sur les droits d’entrée. En procurant des ressources au trésor,
en consentant à une augmentation du tarif des douanes, je resterai d’ailleurs
d’accord avec le système que j’ai développé dès mon entrée dans cette enceinte
; j’ai toujours pensé que nous devons donner protection à certaines industries
et leur assurer le marché intérieur.
Je
voterai les centimes additionnels sur l’enregistrement, les hypothèques, les
droits de greffe et de succession, à condition que ces centimes conservent leur
destination spéciale.
Veut-on
d’autres ressources, je ne me refuserai pas à imposer des droits sur les titres
de noblesse, sur les lettres de naturalisation ; veut-on des ressources plus
grandes encore, quoique celles que je viens d’indiquer soient suffisantes déjà
pour le présent, en un mot veut-on des ressources pour l’avenir, qu’on revoie
les dispositions relatives au degré successible, qu’on examine s’il n’y a pas
moyen de le réduire ; il y a, en effet, quelque chose d’exorbitant dans un
droit qui s’étend à un degré où l’on ne se connaît plus (au 12ème degré.) On
trouverait là beaucoup de ressources pour le trésor.
Ainsi, en me résumant, moi qui ai proposé des
dépenses, j’indique des matières imposables à l’égard desquelles mon vote est
acquis au gouvernement, mais je lui fais la recommandation de choisir de bons
moyens. Si j’ai voté naguère contre l’augmentation des droits existants sur les
eaux-de-vie indigènes et si je vote encore aujourd’hui contre celle concernant
la bière, c’est que j’ai cru et que je crois encore que ce n’étaient pas des
matières imposables que l’industrie et l’agriculture ne permettaient pas de
frapper ces objets. Sous ce point de vue, je reste d’accord avec moi-même,
Depuis l’augmentation du droit sur les eaux-de-vie indigènes, la fabrication a
presque disparu ; si on en fait autant à l’égard de la bière, on arrivera
peut-être aux mêmes résultats. Les reproches de M. le ministre étaient donc
dénués de fondement. On voit de quel côté est la contradiction.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - L’honorable préopinant prétendu que mon
honorable collègue M. le ministre de l’intérieur et moi nous étions en
contradiction avec nous-mêmes. Il nous a pris à partie pour le vote que nous
avions émis l’année dernière, et il l’a comparé à la demande que nous faisons
cette année sur le café. Je dois faire observer à l’honorable membre que cette
prétendue contradiction n’existe aucunement. L’année dernière, qu’avons-nous fait
? Nous avons voté contre un droit sur les cafés qui avait été proposé per le
ministère d’alors à 20 fr., et lorsqu’il s’est agi du vote, le ministère n’a
pas voulu descendre au-dessous de 14 fr. Ce chiffre-là a été effectivement
rejeté par nous. Mais ce chiffre se trouve plus élevé que celui que nous
proposons aujourd’hui.
Je le
répète, le chiffre d’aujourd’hui n’a pas été proposé l’année dernière.
Ainsi,
vous voyez que nous sommes loin d’être en contradiction avec nous-mêmes. Si le
cabinet n’a proposé qu’un droit dé 10 fr., c’est précisément parce qu’au-delà
de ce chiffre il ne nous serait plus permis de faire le commerce d’infiltration
dans les pays voisins, commerce qu’une différence assez grande entre nos droits
d’entrée et ceux de l’étranger permet seul de pratiquer. Je n’entends pas
préconiser le commerce interlope, je t’ai toujours trouvé en principe blâmable.
Mais alors que nos puissants voisins, qui nous entourent, ferment leurs portes
à nos produits et pratiquent largement le commerce interlope à notre égard, il
me paraît que nous devons riposter par les mêmes moyens.
Tout le monde le sait, cela a été prouvé l’année dernière, d’une manière
irréfutable, que les importations de café dans le pays qui, après avoir
acquitté les droits d’entrée, servent aux infiltrations dans les pays voisins,
sont plus considérables que la consommation intérieure. Par conséquent, si vous
éleviez trop le droit, ces infiltrations n’auraient plus lieu, et au lieu de
recevoir plus, on recevrait moins. Il faut donc être prudent. C’est de cette
prudence que nous avons voulu user en proposant le droit de 10 fr.
M. de Mérode. - Je
regrette qu’on n’adopte pas la proposition de M. Mercier, de mettre sur le café
un droit plus élevé que celui proposé par le gouvernement, malgré ce qu’on dit
du commerce interlope. Il y a une si grande différence entre le droit de fr. et
le droit payé dans les pays voisins, que la spéculation aurait encore assez à
gagner pour ne pas cesser les infiltrations sur lesquelles on compte pour avoir
un plus grand revenu.
Quant à
moi, je n’ose pas faire seul la proposition d’élever le droit à 12 fr. ; mais
si quelque autre membre voulait s’unir à moi pour cela, je la ferai très
volontiers, et je suis persuadé que le commerce interlope n’y perdrait pas. Le
trésor aurait 600 mille fr., au lieu de 500, ce qui serait un grand avantage.
M. le ministre des finances (M. Smits) - En
matière de douane, on le sait, deux et deux ne font pas toujours quatre. L’honorable
M. d’Huart a rappelé qu’en 1836 le droit sur le café a été porté au double de
ce qu’il est en Hollande, de 4 à 8 fr. Ces droits étaient déjà très
considérables ; car bien que les Etats qui nous entourent, la France et
l’Allemagne, laissent encore par leurs droits de la marge pour le commerce
interlope, nous avons une autre crainte à avoir, c’est celle des infiltrations
par
La France
consomme 11 millions de kilogrammes de café. D’après le tableau officiel, les
importations en France sont plus considérables, mais la consommation annuelle
est de 11 millions, En Belgique, les importations sont de 16 millions, en
moyenne, qui, bien certainement, ne se consomment pas dans le pays. La
consommation étant en France de 11 millions, il est impossible que quatre
millions de Belges consomment autant de café que 36 millions de Français.
Aujourd’hui le droit est payé sur toute la quantité ou partie, c’est-à-dire sur
les 16 millions. Si vous élevez le droit, si vous forcez le négociant à déclarer
le café en entrepôt, qu’il n’ait plus la libre disposition de sa marchandise,
la taxe ne portera plus sur 16 millions, mais sur la consommation réelle
seulement, donc sur une quantité beaucoup moins forte. Le droit sera élevé,
mais la recette diminuera. C’est pour prévenir cette conséquence qu’il faut
procéder avec prudence et circonspection.
Si
l’expérience nous prouve que le droit de 10 fr. n’a pas porté une atteinte
fâcheuse au commerce, nous pourrons modifier le tarif. En attendant, il est
prudent de procéder graduellement et, comme je le disais tout à l’heure, avec
beaucoup de prudence et de circonspection.
M. Rogier. - Il
importe à la chambre, et surtout au commerce, d’être fixé sur la portée de
l’article en discussion. S’agit-il d’une mesure purement temporaire, ou d’une
mesure permanente ? s’agit-il d’admettre pour plusieurs années, ou pour un an
seulement, une augmentation de 2 francs sur le café ? Je ne pense pas que ce
soit là l’opinion du ministère. Si telle n’est pas son opinion, je demanderai
au moins s’il a l’intention de se tenir pour l’avenir au chiffre de 10 francs,
au-delà duquel un membre du cabinet vient de déclarer qu’on ne pouvait aller
sans anéantir une branche de commerce assez intéressante.
On vient
de nous dire que, l’année dernière, on a repoussé le droit sur le café, parce
qu’il s’agissait de le porter à 12 francs, que si on l’admet aujourd’hui, c’est
qu’il ne s’agit plus que d’un droit de 10 francs. D’où il faut conclure que si
l’on proposait une nouvelle augmentation de 2 francs, l’opinion contre
l’augmentation se reproduirait dans toute sa force. Je suis d’avis d’accorder
un droit de 10 francs, j’irai même plus loin ; j’accorderai au besoin 12 fr.
Mais ce que je demande, c’est que le droit que vous allez établir soit fixe,
que le commerce sache à quoi s’en tenir, qu’on ne vote pas aujourd’hui 10 fr.
et, dans 3 mois, 14 ou 15 fr. Il est impossible que des opérations commerciales
se basent sur une pareille instabilité législative.
Remarquez
que, comme l’a fait observer l’honorable M. d’Huart le droit sur le café a été
porté, sur sa proposition de 4 à 8 fr. Il y a deux ans, en présence des
nécessités du trésor, nous avions fait en quelque sorte le sacrifice de notre
opinion pour porter le droit sur le café à 20 fr. Ce droit a été repoussé. Un
droit de 12 fr., proposé par l’honorable M. Rodenbach fut également repoussé.
Si dans 3 mois on doit admettre une nouvelle augmentation, il vaut mieux
adopter de suite une augmentation plus considérable et définitive.
Quant au
droit en lui-même, du moment qu’il sera entré dans le budget des voies et
moyens, je demande qu’il y reste ; car, pour 1843, ou je me trompe fort, ou
l’augmentation de droit sera illusoire, à raison des approvisionnements
considérables en café qui se feront en Hollande, et des cafés maintenant en
entrepôt qui seront déclarés en consommation avant le premier janvier prochain.
Je
demande donc à M. le ministre des finances, qui vient de dire que l’impôt
devait être augmenté graduellement, s’il entend graduer le droit sur le café de
manière que dans quelques mois ce droit subisse une nouvelle augmentation.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Dans
notre pensée, le nouveau droit sur le café doit être permanent. Cependant il n’y
a rien de permanent d’une manière absolue, en matière de douane. Un tarif se
rectifie d’après les circonstances, les nécessités de l’industrie et du trésor.
Nous ne pouvons d’ailleurs préjuger la décision que prendra la chambre sur la
question des droits différentiels ; quel sera le système qu’on adoptera pour
faciliter les relations directs avec les pays étrangers ? On craint que, quand
il s’agira des droits différentiels, le tarif sur le café ne doive subir une
modification ; nécessairement il devra la subir, car il
y aura des droits différents pour les arrivages directs par navire national et
par navire étranger, pour les arrivages des ports européens sous les deux
pavillons. Ainsi les arrivages directs par navires belges seront plus favorisés
et les navires étrangers paieront nécessairement plus. Toutefois, sauf les
circonstances qui peuvent modifier notre opinion, le droit de 10 fr. est un
droit que nous considérons comme devant être permanent.
M. Verhaegen. – La
question prend un caractère assez grave. A la manière dont les choses se
présentent, la législature se lierait en quelque sorte ; elle prendrait la
résolution de ne pas frapper le café d’un droit de plus de 10 fr. Cependant
nous sommes tous d’accord que le café est une matière éminemment imposable.
Puisqu’on nous fait le reproche de ne pas vouloir voter les ressources
nécessaires, nous devons bien expliquer comment nous voulons faire en aide du
trésor.
Il vaudrait
mieux renvoyer la question à la discussion d’une loi spéciale, que de nous lier
d’une manière permanente ; car le trésor y perdrait trop.
En 1841,
on avait proposé de porter le droit sur le café de 8 à 20 fr., puis à 14 fr.
L’honorable M Rodenbach avait proposé un amendement tendant à le porter à 12
fr. Les membres qui siègent au banc des ministres ont voté contre toutes ces
propositions. On vous disait tout à l’heure que les deux membres du cabinet
auxquels j’ai fait allusions n’avaient voté que contre les 14 fr. ; ils ont
vote aussi contre les 12 fr. Lisez les discours de ces messieurs ; vous verrez
notamment que l’honorable M. Smits trouvait que si l’on augmentait l’impôt sur
le café, ce commerce serait détruit et que la fraude emporterait le tout. J’ai
sous les yeux le discours de l’honorable M. Smits. Depuis lors sa position est
changée, et par suite il a cru devoir changer de système.
L’honorable
M. Smits qui trouvait qu’une augmentation de droits serait la mort du commerce
et que la fraude emporterait le tout, vous propose maintenant un droit de 10
fr. Il se donne ainsi un démenti à lui-même. Mais qu’il aille un peu plus loin
; qu’il propose un droit de 12 fr. Puisque le trésor a besoin de fonds et qu’on
trouve une matière imposable, ne reculons point. Si l’on veut que le droit soit
permanent, il faut de suite le fixer à 12 fr.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - Je tiens à constater que je ne suis nullement
en contradiction avec moi-même. L’opinion que j’ai émise sur la question du
café, je la professe encore. Je crois toute augmentation exagérée plutôt
défavorable qu’utile au trésor. J’ai raisonné l’année dernière dans l’hypothèse
d’une augmentation plus considérable que celle que j’ai proposée. De 10 à 12,
il y a une grande différence ; c’est 50 p. c. Sur une matière pareille, c’est
quelque chose. Si nous avions pensé qu’un droit de 12 fr. pût être proposé,
nous l’eussions proposé. C’est parce que nous croyons ce droit trop
considérable que nous proposons un droit de 10 p. c. Il n’y a donc rien de
contradictoire entre la proposition que je soutiens et l’opinion que j’ai émise
l’année dernière.
M. Mast de Vries. - Il
est évident qu’il y aurait des inconvénients à frapper le café de droits trop
élevés. Dans mon opinion, ce n’est pas un droit de 12 fr. que nous devons
mettre sur le café, mais un droit de 10 fr. Voici pourquoi il y aurait, dis-je,
des inconvénients à élever le droit de 8 à 12 fr., parce qu’avec la facilité
que l’on a de faire venir des cafés de
Quant au
commerce de fraude, il y a deux écueils. D’un côté, nous devons éviter la
fraude à l’entrée en Belgique. D’un autre côte nous devons éviter d’entraver le
commerce interlope ave les pays voisins. Ce n’est pas un droit de 10 ou de 12
francs qui entravera le commerce interlope, ou qui offrira une prime à la
fraude en Belgique.
Je
saisirai cette occasion de déclarer que depuis un an la fraude a singulièrement
diminué. Dans la localité que j’habite, il y a des maisons qui recevaient en
fraude, en un seul mois, jusqu’à cent ballots d’étoffes de Hollande, et où il
n’en est pas arrivé depuis longtemps.
La fraude
du bétail, qui était immense il y a quelques années, n’existe presque plus ;
tellement la douane est améliorée, tellement la fraude doit se faire sur un
plus petit pied.
Quant au
café, je le répète, je crois qu’on peut fort bien se borner à voter cette année
un droit de 10 fr,, sauf à voter l’année prochaine celui de 12 fr., et cela
sans inconséquence.
M. Rogier. -
Messieurs, M. le ministre des finances vient de nous dire que le droit de 10
fr. resterait le même, jusqu’à la discussion des propositions de la commission
d’enquête, quant aux droits différentiels. Mais il y a une proposition du
ministère ; c’est un projet de loi établissant l’augmentation de certains
droits d’entrée et la diminution de certains droits de sortie. Eh bien ! dans
ce projet de loi, par une espèce de double emploi, on a compris le café avec le
droit de 10 fr. Je demande si, lorsque la discussion de ce projet arrivera dans
six semaines ou deux mois, le droit de 10 fr. que nous allons introduire dans
le budget, sera maintenu ; si le commerce peut compter au moins sur une année
de fixité.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Certainement, on l’a dit.
M. Rogier. - On
s’en est pas expliqué.
J’aimerais
mieux adopter dès maintenant le droit de 12 fr. et donner de la fixité aux
opérations commerciales, que de le porter aujourd’hui à 10 fr. et dans deux
mois à 12 fr. Cette marche me paraît de la mauvaise administration, très
fâcheuse pour le commerce.
S’il est
bien entendu, que lorsque la discussion sur le projet de loi relatif aux droits
d’entrée et de sortie se présentera, messieurs les ministres s’opposeront à
toute augmentation nouvelle, je voterai en sécurité le droit de 10 fr. Mais si
le gouvernement allait adopter, en cédant à l’initiative de quelques membres,
une nouvelle augmentation, je déclare que dès maintenant j’appuierai
l’ajournement de toute la discussion jusqu’à celle sur le projet de loi
d’entrée et de sortie. Cela me semble indiqué par la prudence. Je demande donc
à messieurs les ministres un engagement formel sur ce point.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, en reportant dans le projet de tarif dont vient de parler
l’honorable M. Rogier, le droit de 10 fr. sur le café, nous avons désiré avoir
un tarif d’ensemble, si je puis m’exprimer ainsi. Mais ce n’est pas là un double
emploi.
Notre intention est de maintenir le droit de 10fr, et de le maintenir
ainsi en permanence jusqu’à ce que nous ayons acquis la conviction qu’il
pourrait être modifié dans les intérêts réciproques du commerce et du trésor.
M. Mercier. - Je ne
crois pas que ce soit sérieusement que l’on vienne soutenir qu’un droit de 12
francs offrirait de grands dangers pour le commerce, tandis qu’un droit de 10
francs n’en présenterait pas. Je ne sais si je dois réfuter sérieusement une
pareille assertion.
On
craint, dit-on, les infiltrations de
Il en est
de même en ce qui concerne la frontière de l’Allemagne bien que, par rapport à
ce pays, la différence soit moins grande, elle est toutefois beaucoup plus
considérable que pour la frontière de Hollande ; car la différence entre le
droit de 48 fr. établi en Allemagne et celui de 12 fr est encore de 36 fr.
Les craintes que l’on a manifestées sont donc illusoires ; et en
présence des besoins du trésor, en présence de la pénurie de ses ressources, je
ne comprends pas comment on ne propose pas un droit plus élevé sur le café.
M. Demonceau, rapporteur -
Messieurs, cette discussion justifie complètement la section centrale de la
prudente qu’elle a mise à proposer un projet de loi spécial, et je tiens à
constater que dans cette circonstance la section centrale a agi avec sagesse et
dans l’intérêt bien entendu du commerce et du trésor.
J’entends
toujours invoquer l’intérêt du commerce. Mais pourquoi n’invoque-t-on pas un
peu l’intérêt du consommateur ? Est-ce que le café n’est pas la boisson du
pauvre ? Vous en parlez facilement ; mais l’ouvrier boit du café. Vous avez
fait attention aux plaintes de MM. les brasseurs mais nos pauvres ouvriers, nos
pauvres campagnards ne boivent que de l’eau et du café. Le droit que vous
demandez au sucre ne vient pas à 10 fr. ; et vous voulez demander au café un
droit qui dépasse 10 fr
Messieurs,
voyez votre législation sur les sucres ; il s’introduit en Belgique 25 millions
de kil, de sucre ; je réduis, si vous le voulez, le chiffre 20 millions de
kil., sur lesquels vous établissez fictivement un
droit de 40 fr. environ. Vous êtes donc censés recevoir sur le sucre un droit
de 4 millions de fr. Eh bien ! voyez ce qui sort de votre trésor ; vous
trouverez qu’il ne vous reste que 600,000 fr.
Et savez
vous combien vous produira le café, si vous adoptez les 10 fr. ? Le café vous
donnera 1,400,000 fr.
Un membre. - Ce
n’est pas beaucoup.
M. Demonceau, rapporteur. - Ce
n’est pas beaucoup dites-vous. Mais je me permettrai de répéter encore
aujourd’hui ce que je disais dans la discussion générale relativement au droit
que vous établissez sur d’autres matières, sur la bière, par exemple ; c’est
encore trop. Comparez le droit sur le café à celui qui vous reste sur le sucre,
et voyez la différence.
Au reste,
messieurs, je n’attache aucune importance à voir que dans cette circonstance,
vous n’adoptiez pas le système que je persiste à défendre, bien que je regrette
que le gouvernement ne l’admette pas, et voici pourquoi : le gouvernement a
proposé un projet de loi qui apporte plusieurs changements à notre tarif de
droits d’entrée. Si vous adoptez la fraction de ce projet, relative au café,
peut-être n’examinera-t-on pas le projet entier ; j’aurais
voulu quant à moi, qu’on l’examinât, de manière à ce qu’il pût être mis en
vigueur au 1er janvier prochain. Qu’aura gagné le gouvernement à avoir un
chiffre supérieur de 300,000 fr., au lieu que, par le système que je voudrais
voir adopter, il en aurait obtenu 600,000. Pourquoi ne discuterait-on pas aussi
bien l’article café lorsqu’il s’agira du projet dont je viens de parler,
qu’aujourd’hui qu’il s’agit du budget des voies et moyens ? Je n’y vois aucun
avantage ni pour le gouvernement ni pour le trésor.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - Je n’occuperai pas longtemps la chambre ;
je veux seulement répondre à une observation que vous a faite l’honorable M.
Mercier.
Cet
honorable membre vous a demandé si c’était bien sérieusement qu’on ne voulait
pas porter un droit de dix fr. à douze, c’est-à-dire, si c’était bien
sérieusement qu’on ne voulait pas augmenter de deux fr. un droit de dix fr.
Mais, messieurs, deux fr. sur dix font d’abord 20 p. c.. et comme déjà, par
notre proposition, nous portons le droit de huit fr. à dix, ce qui présente une
augmentation de 25 p. c., je m’étonnerai à mon tour de
ce que M. Mercier ait pu présenter un pareil argument comme sérieux.
Je sais
que l’honorable M. Mercier voudrait, de cette manière, arriver à son système,
c’est-à-dire au droit de vingt fr., parce que, une fois arrivé à douze fr., il
dirait, en suivant le même système d’argumentation : « Mais 2 fr.
d’augmentation sur 12, c’est, relativement, encore moins que 2 sur 10,
puisqu’ici la majoration est le cinquième du droit, et que pour 12 fr. une
augmentation de 2 fr. n’est que le sixième ; il faut donc aller à 14 fr. Il
irait ainsi à seize et jusqu’à vingt, droit qu’il nous avait proposé, et qui,
tout en ruinant notre commerce, aurait atténué en outre les recettes de l’Etat
par suite de la grande diminution des importations qu’il aurait amenée.
Mais ce
n’est pas ainsi, qu’il faut considérer la question ; il y a ici, comme en
toutes choses, une limite extrême à trouver et qu’on ne saurait dépasser, sans
risquer de compromettre nos intérêts commerciaux. Nous considérons le droit de
dix fr. comme étant cette limite. En d’autres termes, c’est là un droit que
nous considérons comme maximum et au-delà duquel les infiltrations en pays
étrangers, au profit de notre commerce, pourraient être, selon nous, fortement
compromises.
- La
clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Je
crois qu’il y a lieu de voter d’abord sur l’art. 5, puisque c’est d’après le
vote qu’émettra la chambre sur cet article, que l’on pourra fixer le chiffre
qui doit figurer au tableau. Cet art. est ainsi conçu :
« Art,
La
section centrale propose le renvoi de cet article à une loi spéciale. C’est une
question d’ajournement que je dois d’abord mettre aux voix.
- La
chambre, consultée, rejette l’ajournement et adopte l’art. 5, proposé par le
gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
D’après le vote que la chambre vient d’émettre, je proposerai de rétablir le
chiffre du gouvernement, c’est-à-dire celui de 9,537,172
fr. Voici messieurs, comment ce chiffre a été établi : les recettes réelles se
sont élevées à 8,071,700 fr. ; le droit sur le café doit produire 320,000 fr.
de plus ; de ces deux sommes réunies, il faut retrancher 135,000 fr. du chef de
la réduction opérée sur les vins de France, et 51,000 fr. du chef de la
diminution du droit sur les soieries venant du même pays ; il faut ensuite
ajouter à la somme qui reste 1,315,000 fr. du chef des centimes additionnels,
et vous obtiendrez ainsi le chiffre de 9,537,172 francs, que nous avons eu
l’honneur de vous proposer.
-
Le chiffre de 9,557,172
francs est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Nous
avons maintenant les droits de sortie qui figurent au projet du gouvernement
pour 400,000 francs ; mais la section centrale propose le chiffre de 550,000
fr.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - Je crois, messieurs, qu’il convient de maintenir
le chiffre de 400 mille fr., puisque nous avons l’espoir que la loi réduisant
les droits de sortie sur divers objets sera adoptée, et que le chiffre de 400
mille francs a été calculé dans cette prévision.
M. Demonceau, rapporteur. - Si
vous adoptiez, messieurs, l’opinion de M. le ministre des finances, il faut
convenir que vous feriez un singulier budget. Admettre le chiffre de 400,000
francs, cc serait préjuger l’adoption de la loi dont vient de parler M. le
ministre ; or, c’est ce que vous ne pouvez pas faire. Je puis prouver que cette
loi ne convient nullement, un autre peut démontrer la même chose. Vous ne
pouvez donc pas calculer dès à présent un chiffre du budget dans la prévision
de l’adoption de cette loi. D’après la législation actuelle, les droits de
sortie donnent 550,000 francs ; eh bien, vous ne pouvez avoir égard qu’à la
législation actuelle. Mais, si vous suiviez la marche indiquée par M. le
ministre des finances, vous devriez donc aussi majorer de deux millions le
chiffre de l’accise sur les sucres, parce que l’honorable M. Mercier suppose
que la loi sur le sucre fera rentrer deux millions de plus dans la caisse de
l’Etat. De cette manière vous auriez bientôt fait un budget fictif, et c’est
alors que vous en viendriez à une situation à laquelle vous ne comprendriez
plus rien. Il n’est pas étonnant que vous ayez majoré le chiffre des droits
d’entrée : vous veniez de voter une disposition qui augmente le droit sur cette
denrée, de 2 fr. par 100 kilog, dès lors vous deviez nécessairement élever le
chiffre du budget dans la même proportion ; mais ce n’est pas parce que vous êtes saisis d’un simple projet tendant à séduire
certains droits de sortie, que vous pouvez abaisser le chiffre du budget qui
concerne ces droits. Un budget doit, autant que possible, se rapprocher de la
réalité.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, un budget se compose de prévisions, et en établissant ces
prévisions, il faut nécessairement tenir compte des résultats des lois soumises
à la chambre.
Les droits de sortie ont produit, en 1842, 547,000 francs ; mais le
gouvernement vous a proposé un projet de loi tendant à réduire quelques-uns de
ces droits ; il faut nécessairement déduire du chiffre de 547,000 francs ce que
le trésor percevra en moins par l’adoption probable de ce projet. Si la chambre
n’adoptait pas le projet, eh bien alors, la recette dépassera la prévision du
budget, et je ne vois pas quel inconvénient il peut en résulter.
M. Mercier. -
Messieurs, l’art. 1er de la loi du budget des voies et moyens maintient les
impôts existants et l’art. 6 porte : « D’après les dispositions qui
précèdent, le budget de l’exercice 1843 est évalué à la somme de … ; le tout
conformément au tableau ci-annexé. » Le tableau fait donc partie inhérente de
l’article. Or, les propositions dont parle M. le ministre des finances ne sont
pas encore converties en loi, et dès lors vous ne pouvez en tenir compte dans
la fixation des chiffres du tableau du budget. Ce tableau doit être établi
d’après les loi existantes, et non pas d’après des lois futures ou éventuelles.
Cela serait contraire à la saine raison et à toute idée d’ordre et de
régularité. J’entends dire ici qu’il ne s’agit pas d’une somme considérable ;
mais le principe est le même pour cent mille francs que pour
des millions. Si le gouvernement avait proposé un projet de loi tendant à
procurer deux millions au trésor, il faudrait donc aussi porter ces deux
millions au budget, même avant l’examen du projet de loi ? Evidemment,
messieurs, cela n’est pas soutenable.
M. Osy. - Je
dois appuyer les observations de l’honorable M. Demonceau. Si nous adoptions
l’opinion de M. le ministre des finances, nous préjugerions l’adoption de la
loi relative aux droits de sortie. Mais, dans ce cas, je proposerais de revenir
sur le chiffre qui vient d’être adopté ; nous voulons tous une augmentation du
droit, sur les tabacs, par exemple ; eh bien, nous devrions alors augmenter le
chiffre des droits d’entrée d’après la prévision d’une loi frappant les tabacs
de droits plus élevés, et, de cette manière, nous compenserions la réduction
que nous aurions opérée sur le chiffre des droits de sortie. Mais une semblable
marche, messieurs, serait irrégulière, et je crois que nous devons adopter le
chiffre de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, nous n’attachons pas une très grande importance à ce chiffre ; ce
n’est pas à une somme de 100,000 fr. sur un budget de 105 millions que nous
devons singulièrement tenir. Cependant je ferai remarquer à l’honorable M.
Mercier que nous avons supposé que le projet concernant les droits de sortie
serait adopté avant le 31 décembre ; or ; dans ce cas, le chiffre dont il
s’agit aurait bien réellement été établi d’après les lois existantes au moment
le la promulgation de la loi du budget ; quoi qu’il en soit, puisqu’on s’oppose
au chiffre de 550,000 fr., je n’y tiens pas.
- Le
chiffre proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.
« Droit
de transit : fr. 150,000 »
- Adopté.
« Droit
de tonnage : fr. 360,000 »
- Adopté.
« Timbres
: fr. 37,000 »
- Adopté.
Droits de consommation sur les
boissons distillées
« Droits
de consommation sur les boissons distillées : fr. 1,080,000. »
La
section centrale propose le chiffre de 960,000 fr.
- Ce
dernier chiffre est mis aux voix et adopté.
Accises
« Sel
(26 centimes additionnels) : fr. 4,000,000. »
- Adopté.
« Vins
étrangers (id.) : fr. 1,850,000. »
- Adopté.
« Eaux-de-vie
étrangères (sans addit.) : fr. 240,000. »
- Adopté.
« Eaux-de-vie indigènes (sans addit.)
: fr. 4,800,000. »
- Adopté.
« Bières
et vinaigres (26 centimes additionnels) : fr. 6,411,000
fr. »
M. Henot. -
J’avais demandé la parole pour combattre la proposition du gouvernement tendant
à augmenter de 10 centimes additionnels extraordinaires l’accise sur les bières
; mais M. le ministre des finances ayant déclaré qu’il retirait cette proposition,
j’y renonce.
M. Lange. - Je
voulais aussi combattre les nouveaux centimes additionnels dont le gouvernement
proposait de surcharger les brasseurs ; mais puisque le gouvernement a retiré
sa proposition, je renonce à la parole.
- Le
chiffre de 6,411,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Sucres
(26 centimes additionnels) : fr. 1,140,000 fr. -
La
section centrale propose le chiffre de 640,000 le.
M. le ministre des finances (M. Smits) déclare
se rallier à la proposition de la section centrale.
- Le
chiffre de 640,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Timbres
sur les quittances : fr. 1,389,500 »
« Timbres
sur les permis de circulation : fr. 14,000 fr. »
La
section centrale propose de réduire le premier chiffre à 1,300,000 fr.
M. Demonceau, rapporteur. - Je
n’ai pas la certitude, messieurs, que le chiffre de 1300,000 fr. soit
mathématiquement exact ; mais nous avons calculé la réduction de 89,300 fr. que
nous proposons d’après les réductions que nous avions opérées sur les bières et
sur les sucres, et qui ont été adoptées par la chambre.
M. le ministre des finances (M. Smits) déclare
se rallier à la proposition de la section centrale.
- Cette proposition
est adoptée.
Garanties
« Droits
de marque des matières d’or et d’argent : fr. 150,000. »
- Adopté.
Recettes diverses
« Droits
d’entrepôts, y compris ceux de l’entrepôt d’Anvers : fr. 150,000 »
« Recettes
extraordinaires et accidentelles : fr. 12,000. »
« Ensemble
: fr. 162,000. »
- Adopté.
Enregistrement, domaines et
forêts
Droits additionnels et
amendes y relatives
«
Enregistrement (30 p. c. additionnels) : fr. 11,000,000.
»
Le
chiffre adopté par la section centrale est le même que celui proposé par le
gouvernement.
M. Angillis. -
Messieurs, j’ai déjà voté contre les nouveaux additionnels aux contributions
foncière, personnelle, patentes, bières et vinaigres, et maintenant je voterai
contre les 4 nouveaux additionnels sur l’enregistrement, greffe, hypothèque et
successions. Je refuse ces secours extraordinaires, parce qu’ils ne me
paraissent pas strictement nécessaires pour l’exercice prochain dans la
supposition même que les dépenses soient presque toutes allouées, encore que
paraît-il que la majoration que l’on demande n’est pas indispensable. J’ai
aussi fait mes calculs, je ne les exposerai pas ; on en a tant exposé ; il me
suffit qu’ils m’ont donné la preuve de ce que j’avance.
Je
voterai donc aussi contre les 4 extraordinaires sur l’enregistrement et
compagnie. L’enregistrement, messieurs, est un impôt accablant, il supporte
déjà une subvention extraordinaire de 26 p. c.
Je dis
que l’enregistrement est un impôt accablant, car rien n’échappe à son contrôle
; il frappe toutes les mutations et partages des propriétés mobilières et
immobilières ; il suit le mouvement de tous les capitaux ; il lève un impôt sur
toutes les actions sociales, et à l’aide de la loi sur les successions, le fisc
n’abandonne son homme que 6 mois et 12 semaines après son décès.
La loi du
24 mai
Une autre
considération, messieurs, c’est que les droits d’enregistrement devront porter
sur les transactions de toute nature entre les hommes. La loi qui en règle la
perception est nécessairement subordonné aux lois civiles ; or la loi du 22
frimaire an VII, qui est de beaucoup antérieure à la promulgation du Code
civil, loi qui été faite pour une législation qui existait en l’an VII, ne peut
s’appliquer que très difficilement et par de simples analogies, souvent sans
application à notre législation actuelle. De cet état de choses résultent des
contestations nombreuses pour régler les droits, des procès ruineux pour les
contribuables et scandaleux pour le fisc.
Toutes
ces causes, les difficultés continuelles de l’application d’une loi faite pour
un autre temps, ainsi que de nombreuses décisions bien ou mal rendues, aux cas particuliers,
la rigueur de l’interprétation, et les procédures poursuivies presque toujours
par l’administration jusqu’en cassation, sollicitent, non pas une aggravation
de l’impôt, mais une bonne révision de cette matière importante.
Quant aux
droits sur les successions, ces droits sont déjà très élevés et mal établis.
Mais ce qu’il y a de plus fort, c’est que les revenus de l’enregistrement
commencent à se mettre au-dessus de la loi, en rejetant des déclarations toutes
les dettes qui ne sont pas justifiées par des actes ! Vous savez,
messieurs, que la loi du 27 décembre 1817 admet la déduction des dettes sans
exiger aucune justification. Cependant, les agents de l’enregistrement, qui, probablement, ne connaissent d’autres lois que l’opinion bien
ou mal fondée de leurs chefs, rejettent toutes les déclarations qui ne sont pas
justifiées par des titres, dont ils se réservent encore le droit de les
admettre ou de les rejeter. Voilà, messieurs, comment les employés du fisc
exécutent la loi. M. le ministre des finances, désirant donner une teinte
légale aux exigences illégales de ses agents, vient de vous présenter un projet
de loi tendant à n’admettre dans les déclarations des successions aucune dette
qui ne soit pas justifiée par des actes authentiques, absurdité sans exemple !
Selon moi, un tel projet mérite l’honneur d’un vote négatif sans de grands
développements. Mais je ne veux pas anticiper sur la délibération ; j ai voulu
faire connaître à l’assemblée que non seulement la loi est onéreuse pour le
public, mais que l’exécution de cette loi est encore très vexatoire.
M. Delfosse. - Comme
l’honorable M. Angillis, je voterai contre les quatre centimes additionnels
extraordinaires qui sont demandés sur les droits d’enregistrement ; comme lui
aussi, je ferai du rejet de cette augmentation la condition de mon vote sur
l’ensemble du budget ; je suis ici en désaccord avec mon honorable ami M.
Verhaegen, qui a déclaré qu’il voterait pour ces quatre centimes additionnels ;
c’est une preuve à ajouter à celles que nous avons déjà données, que chacun de
nous vote consciencieusement et non par esprit de parti.
Ce qui
engage mon honorable ami à voter pour ces quatre centimes additionnels, c’est
qu’ils sont destinés à couvrir l’augmentation des traitements de l’ordre
judiciaire. Je crois que mon honorable ami est dans l’erreur. Tous les revenus
portés au budget des voies et moyens, y compris les quatre centimes
additionnels dont il s’agit, sont absorbés par les allocations déjà portées aux
budgets des dépenses, et il y a en outre un déficit ; ces quatre centimes
additionnels ont donc une autre destination que celle qui est indiquée par mon
honorable ami.
Mais en
supposant même qu’ils eussent cette destination, ce que je n’admets en aucune
manière, je les refuserais encore ; je ne veux pas préjuger en ce moment le
sort qui attend le projet de loi relatif aux traitements des membres de l’ordre
judiciaire, mais il y a deux moyens de faire face à l’augmentation de ces
traitements, si elle est admise par la législature. On peut y faire face par un
accroissement d’impôts ou par la suppression de dépenses inutiles ; quant à
moi, je préfère le second moyen ; je crois que l’augmentation des traitements
de l’ordre judiciaire serait bien plus populaire, si on la couvrait par des
économies sur d’autres dépenses, au lieu de la couvrir par de nouveaux impôts.
Je prie
la chambre de ne pas perdre de vue que les droits d’enregistrement pèsent
toujours sur le vendeur ; celui qui veut acheter un immeuble calcule le prix qu’il
peut en donner, et plus il doit donner au fisc, moins il donne au vendeur ; or,
celui-ci est presque toujours dans le besoin, c’est quand on est dans le besoin
qu’on est réduit à vendre, c’est donc encore le pauvre que vous allez frapper.
S’il faut absolument de nouvelles ressources, ce que je conteste,
puisque des économies sont possibles, on peut en trouver de plus justifiables
que celle-là.
M.
Rodenbach. - Messieurs, je partage l’opinion qui a été
exprimée par l’honorable M. Angillis et l’honorable M. Delfosse, et je
m’associe aux motifs exposés par ces messieurs, pour repousser la majoration
demandée.
Le
ministère a déclaré que ces 4 nouveaux additionnels étaient destinés à
augmenter les traitements des membres de l’ordre judiciaire ; mais, messieurs,
c’est là préjuger le vote de la loi qui n’a pas encore été discutée. Pour ma
part, je ne crois pas que, dans un moment où nous sommes en présence d’un
déficit de 3 à 4 millions, l’on puisse songer à accorder cette année, une
augmentation de traitement aux membres de la magistrature. Je l’ai déjà dit, et
je le répète, je suis convaincu que la magistrature belge a trop de patriotisme
et trop de délicatesse pour vouloir accepter en ce moment une augmentation de traitement,
au prix d’une surcharge d’impôts pour le peuple.
Je me
suis opposé, l’année dernière, et je m’oppose encore cette année-ci à cette
augmentation. J’ai demandé et je demande encore un ajournement. Dès que nos
finances seront dans une situation plus favorable, je serai le premier à voter
une augmentation pour certains magistrats. Il y a d’autres catégories
d’employés et de fonctionnaires du gouvernement qui ont les titres les plus
fondés à une augmentation de traitement ; je citerai, entre autres, les
percepteurs de contributions, dans les campagnes ; depuis la révolution, on a
diminué leurs traitements qui sont tellement minimes, qu’ils ne peuvent pas
suffire à leur existence, et l’on s’étonne que parmi eux il se trouve des
hommes qui commettent parfois des actes d’improbité !
Quant aux traitements des membres de l’ordre judiciaire, ils ont été
augmentés depuis la révolution ; et si le projet de loi dont nous sommes saisis
est accepté, nos juges auront un traitement double de celui dont jouissent les juges
en France. Ainsi, il n’est pas exact de dire qu’on a traité nos juges avec
lésinerie depuis la révolution.
M. Verhaegen. -
Messieurs, l’honorable M. Rodenbach s’oppose, comme à l’ordinaire, à ce qu’on
fasse pour la magistrature, ce que depuis plusieurs années, ou aurait dû faire
pour elle, c’est-à-dire à ce qu’on lui rende justice, car elle ne demande que
cela.
L’honorable
M. Rodenbach vient de parler des percepteurs de contributions. Il ne manquerait
plus que de faire un autre parallèle et de parler des douaniers, des
gardes-champêtres, etc. Tout ce que je puis dire, c’est que la comparaison
n’est pas heureuse. Si les percepteurs des campagnes méritent nos sympathies,
et je n’hésite pas à leur accorder la mienne, ce n’est pas une raison pour
renvoyer aux calendes grecques les membres de l’ordre judiciaire. Je n’entrerai
pas dans l’examen du mérite du projet de loi concernant la magistrature, dont
vous êtes saisis, ce serait prendre inutilement votre temps. Ce projet a été mis
à l’ordre du jour, et je dois exprimer mon étonnement de ce que cet ordre du
jour, fixé solennellement, ait été interverti. Il avait été convenu que le
projet de loi relatif au traitement de l’ordre judiciaire serait discuté
immédiatement après le vote du budget des voies et moyens Par la lecture du
procès-verbal, j’ai vu qu’on avait interverti cet ordre pour intercaler le
budget de la justice.
Quant aux
quatre centimes additionnels, dont il s’agit pour le moment, je ne me dissimule
pas la difficulté de ma position, et je vais la dessiner nettement. Je
comprends la position de mon ami M. Delfosse, et je respecte son opinion sur
les centimes additionnels. Il ne les votera pas, il a pour cela des motifs et
sans doute des motifs très plausibles. Ma position est différente, mais elle
est difficile, j’en conviens. Je voudrais bien voter les 4 centimes
additionnels pour autant que je les considère comme nécessaires pour subvenir
aux dépenses que nécessitera le projet de loi auquel je fais allusion. Mais
quelle garantie puis-je avoir qu’ils auront cet emploi ? On ne peut pas donner
une affectation spéciale à ces centimes, parce qu’il faudrait pour cela que le
projet sur la magistrature fût adopté. J’aurais beau proposer une addition à
cet article du budget, il serait difficile de l’admettre, parce que légalement
parlant, on ne peut pas prononcer l’affectation d’une recette à une dépense qui
n’est pas encore votée. Si je refuse de voter les 4 centimes, quand le projet
de loi sur la magistrature sera adopté, on me dira que les moyens de faire face
à la dépense pour l’année 1843 ne sont pas faits, et par cela même, l’honorable
M. Rodenbach obtiendrait gain de cause.
Il
entrait dans mes intentions, pour éviter ce prétendu reproche d’impopularité,
adressé au projet de loi par M. Rodenbach, de mettre à côté de la dépense des
voies et moyens spéciaux. Je m étais dis qu’autrefois la justice faisait face à
ses dépenses, qu’elle se payait elle-même au moyen des épices. Cela présentait,
il est vrai, des inconvénients. Mais je voulais remplacer les épices par
quelque chose d’analogue, je voulais obtenir le même résultat en parant aux
inconvénients. Mes épices étaient celles-ci : Les tribunaux, les cours, etc.,
par suite de la besogne qui s’y fait journellement donnent au trésor des
ressources considérables : la justice produit plus qu’elle ne coûte.
On
demande une augmentation de traitement pour la magistrature. (Il n’est pas
juste de dire, comme l’honorable M. Rodenbach, que les appointements de la
magistrature ont été augmentés, mais au contraire diminués depuis la
révolution. On a réduit les appointements des conseillers et des avocats
généraux) Je disais : puisqu’il faut augmenter les appointements de la
magistrature, augmentons les ressources que procure au trésor l’ordre judiciaire.
J’avais donc proposé d’augmenter les droits d’enregistrement, de greffe,
d’hypothèque.
Le petit
aperçu que j’avais fait de ces ressources allait au-delà de la dépense
d’augmentation.
Le
gouvernement était entré dans ces vues, et je désire qu’il y persévère.
Je
demanderai donc à M. le ministre des finances de vouloir à cet égard me donner
une explication franche ; je ferai la même demande à M. le ministre de la
justice : Entre-t-il dans les intentions du gouvernement de faire droit aux
justes réclamations de la magistrature, et d’employer les quatre centimes dont
il s’agit à faire face aux dépenses que nécessitera cette mesure ?
Je ne
puis, je le sais, leur demander un engagement formel, je ne puis que me
rapporter à la réponse qu’ils voudront bien me faire, et qui sera consignée au Moniteur. Je me réserve alors de faire
ce que commanderont les circonstances
J’ai
exposé d’une manière franche et nette ma position. Je crois que mon honorable
ami, M. Delfosse aura la conviction qu’il m’était impossible d’agir d’une
manière autre, pour ne pas être en désaccord avec mes précédents.
M. le ministre des finances (M. Smits) - S’il
n’était pas entré dans les intentions du gouvernement d’augmenter les traitements
de l’ordre judiciaire, il ne serait pas venu vous présenter un projet de loi.
Ce projet était accompagné d’un autre projet tendant à majorer de 4 c. les
droits d’enregistrement, de succession, etc. Cette augmentation était destinée,
dans notre pensée, à couvrir la dépense devant résulter de la loi proposée par
le ministre de la justice. D’après notre projet, l’excédant du budget de 1843,
devait servir à cette destination, car nous ne pouvions pas faire figurer la
dépense au budget, la loi n’étant pas votée.
La section centrale a proposé un autre budget des voies et moyens. Par
là le projet du gouvernement est venu à disparaître. Dans son système les 4
centimes que nous voulons réserver doivent être affectés aux dépenses générales
du royaume. Maintenant, c’est à la chambre à décider si les 4 centimes doivent
recevoir cette destination.
M. le ministre de la justice (M. Van
Volxem) - L’honorable M. Verhaegen a demandé à M. le
ministre des finances et au ministre de la justice, si leur intention était de
faire enfin droit aux justes réclamations de la magistrature. M. le ministre
des finances a déjà répondu que le gouvernement a cette intention, puisqu’il a
présenté un projet de loi dans ce but.
Je ne puis que me référer à ce qu’a dit M. le ministre des finances. Je
déclare que je suis prêt à discuter le projet de loi que j’ai eu l’honneur de
présenter, quand la chambre voudra le mettre à l’ordre du jour ; j’ajouterai
que quand cette discussion aura lieu, on aura à examiner, d’après l’état du
budget, s’il y a possibilité ou quand il y aura possibilité de mettre la loi à
exécution.
M. Demonceau. - La
position du rapporteur de la section centrale est excessivement délicate. Vous
comprenez que, magistrat, il ne pouvait rien faire pour compromettre la
position de ses collègues, mais étant avant tout représentant de la nation, en
voyant la situation du trésor, il a dû s’exprimer en représentant de la nation,
il a été obligé de présenter un rapport admettant les 4 centimes, niais pour
être affectés aux dépenses générales du pays. Ce n’est pas que, dans l’opinion
du rapporteur, il faille postposer la discussion importante sur le traitement
de la magistrature.
Il est
vrai qu’à la section centrale plusieurs collègues pensaient que la magistrature
devait attendre.
M.
Rodenbach. - Moi, j’ai été de cette opinion.
M. Demonceau. - Nous
n’avons pas discuté longuement, mais je connais trop bien leurs sentiments,
pour dire qu’ils ne consentent pas à changer la position de la magistrature.
Ainsi, je
me permettrai de dire à l’honorable M. Rodenbach que les juges de paix ne sont
certainement pas payés comme ils devraient l’être. Eh bien, savez-vous la part qu’ils
prennent dans l’augmentation proposée ? Au-delà de la moitié.
Quant aux
tribunaux de première instance et aux cours d’appel, ne vous effrayez pas
beaucoup de l’augmentation qui devrait en résulter. Je ne sais si j’exprime ici
l’opinion de tous les membres de la magistrature, mais je pense qu’une fois
qu’une décision sera prise définitivement, la magistrature s’imposerait, s’il
le fallait, des privations, en considération de la position actuelle de nos
finances. Mais au moins qu’on adopte une loi qui ait ses effets à dater d’une
époque à fixer. Du reste, mon opinion est que la magistrature soit payée sur
les fonds généraux de l’Etat.
Je ne
crois pas qu’il soit nécessaire d’entrer dans de longs développements pour
justifier la proposition de la section centrale. Il fallait absolument faire de
l’argent. Vous avez voulu toutes les dépenses votées. Vous pourrez sans doute
faire quelques économies sur les budgets de dépenses ; mais vous n’en trouvera
pas beaucoup parce que les augmentations frappent principalement le budget qui
ne supporte pas de réduction, celui de la dette publique. Vous ne pouvez pas
vous dispenser de payer les intérêts de vos emprunts et les rentes mises à
votre charge.
Ainsi, de quelque manière que vous envisagiez la question, il faudra nécessairement
que vous constatiez un déficit bien supérieur à celui constaté par la section
centrale, ou que vous admettiez les 4 centimes additionnels sur
l’enregistrement. Pour moi, j’admettrai volontiers les centimes additionnels
sur les hypothèques, aussi bien que sur les autres produits.
M. Delehaye. -
Puisque les observations de l’honorable M. Rodenbach se rattachent en grande
partie à un projet de loi mis à l’ordre du jour, je pourrais peut-être me
dispenser de lui répondre. Cependant, comme rapporteur, je crois devoir
répondre à la comparaison entre les magistrats et d’autres fonctionnaires. Je
crois, si vous comparez les traitements des magistrats à ceux de quelques
fonctionnaires que ce soit, vous serez frappés de l’exiguïté des traitements
des premiers.
L’honorable
membre a parlé des receveurs ; à mon tour, je parlerai des juges de paix, et je
demanderai à l’honorable membre s’il ne pense pas qu’il faudrait faire une
meilleure position aux juges de paix ; il y a un grand nombre de juges de paix
des cantons ruraux qui n’ont que de 1000 à 1100 francs de traitement, il y en a
qui n’ont pas 1,000 francs de traitement. Peut-on comparer un juge de paix de
cette catégorie à un receveur des contributions ? assurément non ; car il n’y a
pas de receveur, si minime que soit sa recette, qui n’ait un traitement
supérieur.
L’honorable
membre vous a dit : « Faisons un appel à la délicatesse des membres le la
magistrature. » J’ai la conviction intime que si l’on invoquait auprès des
membres de la magistrature la pénurie du trésor, ils renonceraient à
l’augmentation de traitement à laquelle ils ont droit. Mais il y a cependant un
sentiment auquel ils doivent obéir, c’est le sentiment de la paternité. Il y en
a qui n’ont pas de quoi élever dignement leur famille. D’un autre côté, ce
n’est pas seulement dans l’intérêt de la magistrature, c’est dans l’intérêt de
la société qu’il faut rétribuer convenablement la magistrature.
L’honorable
membre est dans l’erreur, lorsqu’il croit que tous les membres de l’ordre
judiciaire ont vu leur position s’améliorer depuis la révolution. Il a cité les
membres des cours d’appel ; je citerai encore les juges de paix, dont les
minimes traitements n’ont reçu aucune augmentation depuis la révolution.
Puisque j’ai la parole, je demanderai une explication ; car, vraiment je
doute des bonnes intentions du gouvernement, pour l’ordre judiciaire. J’avais
cru que 4 c. additionnels étaient affectés à l’augmentation des traitements de
la magistrature. Si l’on fait entrer 4 c. dans les fonds généraux, il y aura
donc 8 c. additionnels (Dénégation au
banc de MM. les ministres.) Je suis heureux d’avoir provoqué cette
explication. D’après cela, mon observation vient à tomber. il
est entendu que le projet de loi spécial relatif aux 4 c. additionnels présenté
l’été dernier, est retiré.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Il y a une espèce de changement de système. Les
4 centimes additionnels avaient été proposés l’été dernier, avec une
destination spéciale pour 1842. Mais tout cela est changé. Il faut au moins
comprendre la portée du vote d’hier. C’est un système que vous avez voté hier ;
c’est l’ensemble des propositions de la section centrale. La section centrale a
dit : « Je vous propose un budget présentant un déficit de 1,073,000
fr. ; mais ce déficit ne m’effraie pas, parce que diverses lois de finances
sont présentées. » Mais, pour réduire ce déficit à 1,073,000 fr., la
section centrale a compris dans les ressources ordinaires, les 4 centimes
additionnels à l’enregistrement, et n’a pas compris dans les dépenses à faire
la somme nécessaire pour l’augmentation des traitements des membres de l’ordre
judiciaire.
M. Rogier. - Mais
le projet de loi n’est pas retiré !
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Non ; mais reste l’examen des moyens
d’exécution.
M. Delehaye. - Et le
projet de loi des 4 centimes additionnels spéciaux ?
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Celui-là est retiré. En cela, l’honorable M.
Delehaye a raison. Mais il a tort de croire que les 4 centimes additionnels
conservent définitivement la destination qu’on leur donnait l’été dernier. Si
l’on adopte les 4 centimes additionnels, il n’y a rien de préjugé, quant au
vote de la loi relative à l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire.
Mais quant à l’exécution il faudra aviser à d’autres moyens que ceux proposés
l’été dernier. Il faut être d’accord là-dessus. C’est ce qui avait été dit par
les ministres des finances et de la justice.
M. Malou. - La
chambre avait mis à l’ordre du jour, immédiatement après le budget des voies et
moyens, le projet de loi relatif à l’augmentation de traitement des membres de
l’ordre judiciaire. C’est sur la proposition que j’ai faite en déposant le
rapport sur le budget du département de la justice, qu’on a postposé cette
discussion. Les motifs qui m’ont guidé sont très simples.. J’ai pensé que, nous
trouvant à une époque très avancée de l’année, il était de l’intérêt des
travaux de la chambre de donner aux budgets dont les rapports ont été déposés,
la priorité sur tous autres projets.
J’ai
pensé aussi que, dans l’intérêt même de la magistrature, nous ne devions pas
aborder, en ce moment, l’examen du projet de loi. J’ai regretté que le jour de
la discussion ait été fixé lorsque le rapport a été présenté.
Les
observations qui ont surgi à l’occasion du budget des voies et moyens m’ont
confirmé dans cette opinion. Déjà il a été question des lois d’impôt qui seront
discutées après le budget des voies et moyens. Il me semble que la discussion
de ces lois devrait précéder celle de la loi relative aux traitements des
membres de l’ordre judiciaire.
En
discutant cette dernière loi, nous examinerons les droits des magistrats à une
augmentation de traitement. Aujourd’hui la question se réduit à savoir s’il y a
lieu d’admettre des centimes additionnels sur les droits d’enregistrement.
Toute la question est là. Jamais il n’a été question d’affecter ces centimes
additionnels à une destination spéciale. Je connais le projet qui a été
présenté ; il ne s’agissait pas de faire un fonds spécial ; ces 4 centimes
additionnels se confondaient avec les autres recettes de l’Etat ; le projet
n’avait d’autre but que de maintenir l’équilibre entre les recettes et les
dépenses.
Il est
évident qu’un changement de système a été introduit par suite de la proposition
de la section centrale du budget des voies et moyens et du vote unanime de la
chambre. Mais ce changement ne doit exercer aucune influence sur la décision à
prendre relativement à l’augmentation de traitement de membres de l’ordre
judiciaire En effet, les différentes lois d’impôt qui sont proposées doivent
couvrir, et au delà, le déficit qu’il y aura d’après la proposition faite à la
chambre. Lorsque nous aborderons l’examen de la loi relative à l’augmentation
des traitements des membres de l’ordre judiciaire, nous apprécierons
les droits des magistrats, et nous verrons si les fonds généraux dans lesquels
seront compris les 4 centimes additionnels, suffiront pour couvrir cette
dépense nouvelle. Nous examinerons donc si la dépense est justifiée, et après
l’avoir admise, nous déciderons comment elle sera couverte. Aujourd’hui, il ne
s’agit pas de cela. Il ne faut pas créer de préjugés, ni pour, ni contré la
loi.
M.
de Garcia. - La discussion avait pris une tournure un peu excentrique
et telle que je désirais prendre la parole sur le projet de loi concernant
l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire. Mais d’après
les explications données par l’honorable M. Malou et par le gouvernement, je
renoncerai à la parole. Le moment de discuter cet objet se présentera lors de
l’examen de la loi qui nous est soumise.
M. de Mérode. -
Récemment nous avons entendu parler d’une pétition des médecins qui demandent à
être assimiles aux avocats, quant à la patente. Je crois que les médecins
savent bien que le trésor public a besoin de ressources, et qu’on ne peut les
dégrever de leur patente. D’autres disent que leur intention était plutôt que
les avocats fussent assimilés aux médecins, afin d’obtenir des ressources pour
le trésor public. Il me semble que ces ressources seraient parfaitement
applicables à l’augmentation des traitements des membres de la magistrature,
qu’elles pourraient figurer dans nos recettes et faciliter l’adoption de la proposition
qui vous est faite.
Du reste, il me semble que les explications que vient de donner
l’honorable M. Malou doivent suffire pour le moment, et je ne veux rien
préjuger ni pour, ni contre le projet de loi sur les traitements des membres de
l’ordre judiciaire.
M. Verhaegen. -
Messieurs, c’est encore une plaisanterie de l’honorable comte de Mérode ; je ne
sais s’il entre dans l’intention de l’honorable comte de faire payer la
magistrature par l’ordre des avocats. Si c’est là ce qu’il veut, je ne lui
répondrai pas, car je pourrais être intéressé dans la question.
Je
remercie les deux membres du cabinet qui viennent de prendre la parole de la
réponse qu’ils ont faite à mon interpellation. Au moins je sais maintenant à
quoi m’en tenir ; ma ligne de conduite est dès lors tracée, et le parti que
j’ai à prendre est tout différent de celui que j’aurais pris dans l’incertitude
où je me trouvais tantôt.
Je prie
la chambre de bien vouloir me donner quelques instants d’attention. Je ne serai
pas long.
L’on
convient que l’on avait proposé 4 centimes additionnels sur l’enregistrement,
le greffe, les hypothèques, les successions, le timbre et les amendes, pour
subvenir aux besoins qui auraient été le résultat du vote du projet concernant la
magistrature. M. le ministre de l’intérieur nous l’a dit, M. le ministre de la
justice nous l’a confirmé par un signe de tête, et on avait reporté, comme on
le devait, ces 4 centimes additionnels dans le budget des voies et moyens.
Sur une
interpellation de mon honorable ami M. Delehaye, on vous a déclaré que ce
n’était pas un double emploi, qu’il ne s’agissait que de voter une fois et non
deux fois ces 4 centimes additionnels qui avaient été demandés par M. le
ministre des finances, par un projet de loi spécial comme corollaire du projet
présenté par son collègue M. le ministre de la justice. Le budget des voies et
moyens présentait, vous a-t-on dit, un ensemble. C’était un système complet,
mais un système mauvais d’après le vote d’hier, puisque tous les centimes
additionnels ont été rejetés. Mais maintenant voici où nous arrivons parce
qu’on a présenté un mauvais système, parce que tous les centimes additionnels
ont été rejetés, il faut maintenant formuler un système nouveau, et les 4
centimes additionnels qui avaient une destination fixe dans la première opinion
de M. le ministre des finances, doivent être fondus dans l’ensemble du budget
et doivent servir à couvrir le déficit. Tel est bien le système du
gouvernement.
Mais,
messieurs, la magistrature, pour laquelle je ne réclame pas de faveur, quoi
qu’on en dise, mais dont je soutiens les droits, se trouve maintenant dans une
position bien plus défavorable que si l’on n’avait fait aucune proposition dans
le principe, car on vient retirer les ressources qui lui étaient destinées pour
les attribuer à d’autres besoins. Je prie M. le ministre de justice de se
mettre d’accord avec son collègue des finances ; qu’il ne le perde pas de vue,
l’adoption du système de son collègue des finances est le rejet de sa proposition
concernant la magistrature.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je
demande la parole.
M. Verhaegen. - Là où
il n’y a pas de ressources, il est impossible de satisfaire à des besoins ; il faut
que les besoins soient couverts par les ressources. Vous l’avez dit vous-même ;
il y avait un équilibre entre les recettes et les dépenses concernant la
magistrature ; mais maintenant qu’est-ce qui arrive ? Il arrive que vous
conservez les ressources et que vous rayez les dépenses. Car vous ne portez
rien à votre budget en faveur de la magistrature.
Le projet
de loi de M. le ministre des finances disparaît ; dès lors le projet de M. le
ministre de la justice, n’ayant plus son corollaire indispensable, disparaît
aussi. Le système vient à tomber par sa base ; l’équilibre n’existe plus.
Je
demanderai à mes honorables collègues de la section centrale et surtout à
l’honorable rapporteur, pourquoi, si les 4 centimes additionnels dont il s’agit
n’ont plus une affectation spéciale, on les accorderait de préférence à ceux
qui nous avaient été demandés sur le foncier, sur le personnel et sur les
patentes, et qui ont été rejetés à l’unanimité.
Veuillez
remarquer, messieurs, que l’enregistrement paie déjà 26 c. additionnels.
Pourquoi augmenteriez-vous encore ces 26 p.c. de 4 nouveaux centimes ? Il y a,
messieurs, je le dis avec conviction, moins de raison de frapper de 4 nouveaux
centimes additionnels les droits d’enregistrement, de greffe, d’hypothèques et
de successions qu’il n’y en avait de frapper le foncier, le personnel et les
patentes.
Il y a
plus, et ici je réclame encore un moment votre attention. Vous avez refusé les
centimes additionnels sur le foncier, et vous allez le frapper d’une manière bien
plus forte en grevant outre mesure les droits d’enregistrement ; vous allez
frapper le malheureux au détriment du riche. Le propriétaire qui est dans
l’aisance, qui conserve ses propriétés, ne paiera pas d’additionnels
extraordinaires, tandis que le malheureux qui est dans le besoin, qui doit
vendre ses propriétés, en paiera. Car c’est toujours le vendeur qui paie les
droits d’enregistrement. Est-ce là de la justice distributive ?
Je le
répète, il y a moins de motifs pour frapper d’additionnels les droits
d’enregistrement, de greffe, d’hypothèque, etc., qu’il n’y en avait pour en
établir sur le foncier, le personnel et les patentes. Jusqu’à ce que
l’honorable collègue auquel je me suis adressé, m’ait dit la raison de la
différence, quant aux diverses propositions de la section centrale, je ne puis
que persister dans l’opinion que le rejet des centimes additionnels sur le
foncier, le personnel et les patentes doit nécessairement entrainer le rejet
des centimes additionnels sur l’enregistrement, bien entendu abstraction faite
des besoins pour la magistrature.
Pour me
résumer donc, les 4 centimes additionnels demandés avaient une destination
spéciale ; cette destination spéciale, on la met de côté ; le corollaire du
projet de M. le ministre de la justice venant à disparaître, ainsi que MM. les
ministres eux-mêmes l’ont avoué, le projet principal disparaît aussi, et autant
vaudrait que M. le ministre de la justice le retirât. Au moins le gouvernement
serait conséquent avec lui-même. Laisser subsister le projet principal, alors
que le corollaire vient à disparaître, c’est un leurre, c’est tromper la
magistrature ; c’est lui faire entrevoir une augmentation possible de
traitement, tandis que le ministère est convaincu qu’il ne sera rien fait.
M. Dumortier. - Les avocats sont
là.
M. Verhaegen. - Je ne
réponds pas à des plaisanteries.
Ce n’est
pas seulement de l’intérêt de la magistrature qu’il s’agit ici ; c’est, comme
vous l’a dit mon honorable collègue M. Delehaye, de notre intérêt à nous tous ;
il faut que la magistrature conserve sa condition d’indépendance, qu’elle ne
soit pas obligée de changer cette condition d’indépendance en celle de
dépendance, et de se mettre à la merci du gouvernement. Je le répète, c’est
dans l’intérêt générait que je parle.
Maintenant,
sachant à quoi m’en tenir, et ma position devenant plus nette, je propose
l’amendement suivant :
« Je
propose de réduire les 30 centimes additionnels à 26, et de surseoir au vote
des 4 centimes additionnels restants jusqu’après le vote sur le projet de loi
concernant la magistrature. »
On me dira qu’il y a un déficit qu’il faut combler ; mais d’après les
propositions de la section centrale, il y a aussi un déficit ; il sera un peu
plus grand, et voilà tout. Pourquoi d’ailleurs ne pas couvrir ce déficit par
les ressources que nous avons indiquées, par les droits sur les sucres, sur le
café et par une augmentation de droits d’entrée que tout le monde réclame. On
n’aura pas besoin d’absorber une ressource spéciale qui avait été proposée dans
l’intérêt de la magistrature.
M. Dumortier. - Je demande la
parole pour un fait personnel.
Messieurs,
je dois deux mots de réponse à mon honorable collègue M. Verhaegen. Je pense
qu’il se trompe lorsqu’il envisage l’observation que vous a faite l’honorable
M. de Mérode comme une plaisanterie ; je la regarde, quant à moi, comme très
sérieuse. Il ne me paraît pas qu’il doive y avoir de privilège pour personne en
Belgique ; la constitution veut qu’il n’y ait pas de privilège en matière
d’impôts. Or, je n’ai jamais compris comment il se faisait qu’une classe
d’industriels de la société était exempte de payer sa part d’impôts.
Les
médecins ont demandé d’être assimilés aux avocats ; ils ont eu raison de
réclamer sur ce point. Si vous ne faites pas payer de patente aux avocats, il
faut supprimer celle des médecins. Il me semble conséquent qu’ils soient placés
sur la même ligne.
Ce n’est pas tout. Vous avez là un moyen de vous créer des ressources.
Mais n’en avez-vous pas d’autres ? Ne pourriez-vous pas augmenter les frais de
justice ? Vous trouveriez là les moyens de faire face à tous les besoins, même
pour satisfaire à l’augmentation de traitement des membres de l’ordre
judiciaire, et surtout de ceux des juges de paix qui réclament cette
augmentation, et qui la réclament avec justice.
M. Verhaegen. -
Messieurs, j’ai dit à l’honorable M. Dumortier, lorsqu’il m’interrompait, il
n’y a qu’un instant, qu’il plaisantait, et je maintiens ce que j’ai dit.
M.
Dumortier veut frapper d’une patente toutes les professions libérales, il veut
mettre les avocats sur la même ligne que les médecins, qui, d’après moi, ont
droit de se plaindre. Eh bien, nous examinerons en temps et lieu cette
proposition. Mais qu’on y prenne garde. Si tous ceux qui reçoivent quelques
émoluments commue équivalents des services qu’ils rendent à leurs concitoyens,
doivent payer patente, on ira beaucoup plus loin qu’on ne le pense, et surtout
qu’on ne le veut. Certains individus privilégiés aujourd’hui, qui jouissent de
tous les droits de citoyens, et qui sont soustraits à toutes les charges,
devraient par la même raison payer patente. Je n’ai pas besoin d’en
dire davantage ; on me comprendra du reste.
De toutes parts. - A lundi.
Plusieurs membres. - A 2 heures.
- La chambre décide
qu’elle ne se réunira lundi qu’à 2 heures.
La séance est levée à 4
heures et un quart.