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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 11 mai 1844

(Moniteur belge n°133, du 12 mai 1844)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et un quart.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Deroubaix, blanchisseur de cire à Bruxelles, prie la chambre de ne prendre aucune décision sur la pétition du sieur Quanone, avant que les fabricants de cire aient pu lui présenter leurs observations. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport.

Projets de loi de naturalisation

M. le président. - Ce projet est ainsi conçu :

« LÉOPOLD, Roi des Belges, « A tous présents et à venir, salut.

« Vu la demande du sieur Pierre-Emmanuel-Félix Chazal, général-major commandant la province du Hainaut, né à Tarbes (France), le 1er janvier 1808, tendant à obtenir la grande naturalisation pour services éminents rendus à l’Etat ;

« Vu l’art. 2 de la loi du 27 septembre 1835 ;

« Attendu que les formalités prescrites par les art. 7 et 8 de cette loi ont été observées, et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur cette demande ;

« Attendu qu’il est suffisamment justifié des services éminents rendus à l’Etat par le général Chazal ;

« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :

« Article unique. La grande naturalisation est accordée au général-major Pierre-Emmanuel-Félix Chazal.

« Mandons et ordonnons, etc. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet est adopté à l’unanimité des 48 membres qui ont répondu à l’appel.

Il sera transmis au sénat.

Les membres qui ont répondu à l’appel nominal sont :

MM. Smits, Thyrion, Van Cutsem, Vandensteen, Verwilghen Wallaert, Zoude, Brabant, Coghen, David, de Brouckere, de Corswarem, de la Coste, Delehaye, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Nef, de Renesse, de Saegher, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Goblet, Henot, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart et Liedts.


M. le président. - « LÉOPOLD, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Vu la demande du sieur Jean-Jacques-Edouard Chapelié, colonel d’état-major, commandant et directeur de l’école militaire à Bruxelles, né à Marseille (France), le 13 octobre 1792, tendant à obtenir la grande naturalisation, pour services éminents rendus à l’Etat ;

« Vu l’art. 2 de la loi du 27 septembre 1835 ;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de cette loi ont été observées, et qu’il y a lieu, de statuer définitivement sur cette demande ;

« Attendu qu’il est suffisamment justifié des services éminents rendus à l’Etat par le colonel Chapelié ;

« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :

« Article unique. La grande naturalisation est accordée au colonel Jean-Jacques-Edouard Chapelié.

« Mandons et ordonnons, etc. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet est adopté à l’unanimité des 49 membres qui ont répondu à l’appel nominal.

Il sera transmis au sénat.

Les 49 membres qui ont répondu à l’appel sont :

MM. Smits, Thyrion, Van Cutsem, Vandensteen Verwilghen, Wallaert, Zoude, Brabant, Coghen, David, de Brouckere de Corswarem, de La Coste, Delehaye, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Nef, de Renesse, de Saegher, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dumont, Castiau, Devaux, Eloy de Burdinne, Goblet, Henot, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, et Liedts.


M. le président. - Ce projet est ainsi conçu :

« LEOPOLD, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Vu la demande du sieur Xavier-Charles-Joseph Collins, major au deuxième régiment de lanciers, ne à Huppaye (Brabant), le 24 novembre 1793, tendant à obtenir la grande naturalisation

« Vu la deuxième disposition de l’art. 2 de la loi du 27 septembre 1835, portée en faveur de Belges qui ont perdu la qualité de Belges aux termes de l’art. 21 du code civil ;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de cette loi ont été observées, et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur cette demande ;

« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :

« Art. unique. La grande naturalisation est accordée au major Xavier-Charles-Joseph Collins. »

« Mandons et ordonnons, etc. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet est adopté à l’unanimité des 50 membres qui ont répondu à l’appel.

Il sera transmis au sénat.

Les membres qui ont répondu à l’appel nominal, sont :

MM. Smits, Thyrion, Van Cutsem, Van den Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Brabant, Coghen, David, de Brouckere, de Corswarem, de la Coste, Delehaye, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Nef, de Renesse, de Saegher, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Goblet, Henot, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart et Liedts.


M. le président. - Ce projet est ainsi conçu :

« LEOPOLD, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir salut.

« Vu la demande du sieur Victor de Laroche-Blin, propriétaire, domicilié à Barvaux-sur-Ourthe (Luxembourg), né à Périgueux (France), le 14 mai 1801, tendant à être relevé de la déchéance prononcée par l’art. 133 de la constitution ;

« Vu l’art. 16 de la loi du 27 septembre 1835 ;

« Attendu que les formalités prescrites par les art. 7 et 8 de cette loi ont été observées, et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur cette demande ;

« Attendu qu’il est suffisamment justifié que c’est par des circonstances indépendantes de sa volonté que le sieur de Laroche-Blin n’a pas fait la déclaration prescrite par l’art. 133 de la constitution ;

« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit ;

« Article unique. La grande naturalisation est accordée au sieur Victor de Laroche-Blin.

« Mandons et ordonnons, etc.»

M. Malou. - Les renseignements donnés à la commission des naturalisations sur la personne qui sollicite la grande naturalisation sont des plus favorables. Si donc je prends la parole contre le projet de loi, ce n’est par aucun motif personnel, c’est par un motif puisé dans la question de droit.

M.de Laroche-Blin aurait pu faire la déclaration prescrite par l’art. 133 de la constitution. Il a cru que c’était inutile, Il a versé, comme on dit, dans une erreur de droit. L’art. 10 de la loi des naturalisations autorise le pouvoir législatif à accorder la grande naturalisation aux étrangers qui, dans le cas prévu par l’art. 133 de la constitution, n’ont pas fait la déclaration prescrite par cet article, et qui justifient que des circonstances indépendantes de leur volonté les ont empêchés de faire cette déclaration dans le terme prescrit. La question est donc de savoir si l’erreur de droit peut être considérée comme une erreur indépendante de la volonté. Or, poser cette question, c’est, je crois, la résoudre. La circonstance indépendante de la volonté, c’est l’obstacle matériel et non pas l’erreur dans laquelle sont tombées les personnes qui n’ont pas fait la déclaration.

Je tenais à dire ces quelques mots pour expliquer mon vote négatif, parce que s’il avait été négatif sans être expliqué, on aurait pu l’attribuer à d’autres motifs que les motifs réels.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne pense pas que l’on doive se montrer aussi rigoureux dans l’application de la loi. On doit avoir égard aux circonstances et les circonstances sont extrêmement favorables au réclamant ; car il s’agit d’une réclamation pour être relevé d’une déchéance. M. de Laroche-Blin est connu d’un grand nombre d’entre vous, je le connais depuis plus de 25 ans. Je l’ai toujours considéré comme Belge.

M. Lys. - Je crois que la question qui se présente ici s’est déjà présentée, et que la chambre l’a résolue en accordant la grande naturalisation.

En 1840, ou 1841, M. Joseph Zurstrassen, négociant domicilié à Verviers, né Allemand, mais habitant le pays antérieurement à 1815, pouvant par conséquent obtenir l’indigénat en faisant la déclaration prescrite par l’art. 133 de la constitution, avait négligé de remplir cette formalité. C’était, comme dans le cas qui nous occupe, une erreur de droit. Néanmoins la chambre a accordé la grande naturalisation.

M. Eloy de Burdinne. - Il est vrai que la constitution prescrit pour obtenir l’indigénat une déclaration que le réclamant n’a pas faite. Mais veuillez remarquer que M. de Laroche-Blin était enfant, qu’à peine il commençait à parler, qu’il a été élevé dans la famille de sa mère belge, ignorant peut-être même qu’il avait reçu le jour, non pas en Belgique, mais dans le Périgord ; dans tous les cas se considérant non pas comme Périgourdin, mais comme Belge d’autant plus qu’il remplissait en Belgique tous les devoirs de citoyen, ne se croyant donc pas astreint à faire une déclaration pour être considéré comme Belge.

It est donc vrai de dire que c’est par des circonstances indépendantes de sa volonté que le réclamant n’a pas fait la déclaration.

L’honorable préopinant vient de citer un précédent en faveur de M. de Laroche-Blin. J’en citerai un autre, c’est celui de M. le comte de Briey qui, pour prendre du service à l’étranger, avait négligé de se faire autoriser par le Roi. Comme dans le cas qui nous occupe, il avait négligé de remplir une formalité prescrite par la loi. Il a demandé la grande naturalisation et il l’a obtenue, quoiqu’il n’eût pas rendu des services éminents à l’Etat.

Voilà les motifs qui militent en faveur de M. de Laroche-Blin.

M. Savart-Martel. - Je ne considère pas cette question comme bien sérieuse. Sans doute, en strict droit, une erreur de droit ne peut-être admise comme une circonstance indépendante, de la volonté de celui qui la commet. Mais la chambre, omnipotente en cette matière, est juge des circonstances. C’est une question de circonstances, de bonne foi plutôt, qu’une question de droit. Il peut arriver que les mêmes raisons qui font excuser le réclamant ne fussent pas valables vis-à-vis d’un autre.

Je pense que ce serait pousser le puritanisme extrêmement loin que refuser la grande naturalisation dans le cas actuel ; car tous ceux qui connaissent le réclamant l’ont toujours considéré comme Belge.

M. de Tornaco. - J’appuie les observations qui viennent d’être présentées en faveur de la demande de M. de Laroche-Blin. Comme l’a fort bien dit l’honorable M. Savart, c’est une question de bonne foi.

On conçoit que M. de Laroche-Blin, habitant le pays depuis son enfance, ayant rempli tous les devoirs de citoyen, ayant satisfait aux lois sur la milice et sur la garde civique, se soit considéré comme Belge.

Pour ne pas avoir rempli une formalité, il a encouru une déchéance, dont il convient de le relever.

- Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi. Voici le résultat du vote :

Nombre des votants, 50.

45 votent pour l’adoption.

5 votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l’adoption :

MM. Smits, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vanden Steen, Verhaegen, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Brabant, Coghen, David, de Corswarem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Nef, de Renesse, de Saegher, de Terbecq. de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dumont, Eloy de Burdinne, Jadot, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Maertens, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart-Martel et Sigart.

On voté contre :

MM. Van den Eynde, de Brouckere, Henot, Malou et Scheyven.

Commission d'enquête parlementaire sur la situation du commerce extérieur

Discussion générale sur les conclusions

M. le président. - La parole est à M. Eloy de Burdinne.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne doute nullement que chacun de vous n’ait pris connaissance de l’amendement que j’ai eu l’honneur de présenter.

Cet amendement est ainsi conçu :

« Le navire qui exportera des produits de notre industrie ou de notre sol, et qui en retour importera des produits étrangers, quel que soit le lieu de provenance, ne sera imposé à l’entrée que d’un droit de moitié de celui dont il aurait été passible s’il importait sans exporter. »

Pour vous donner une idée de l’importance de cet amendement, je prendrai pour exemple le café.

Le café importé directement des pays de production paye un droit de 9 fr. par navire belge, et par navire étranger, 11 50.

En adoptant cette première catégorie, d’après mon amendement, le droit serait de 4 50 et de 5 75 par 100 kil.

Si on veut réunir les deux premières catégories, alors le taux moyen du droit serait de 10 25 par navire belge ; par navire étranger de 12 50. D’après mon amendement, le droit serait de 5 fr. 12 1/2 cent, par navire belge, et de 6 fr. 25 c. par navire étranger. En vous soumettant mon amendement, mon but est de favoriser l’exportation des produits belges.

Dans toutes les circonstances où nos industries réclamaient une protection efficace, je ne fus pas le dernier à appuyer leurs réclamations.

J’ai pour principe que nous devons protection aux industriels et aux commerçants indigènes, en même temps qu’aux navigateurs, mais toujours en proportion du degré de bien-être qu’ils procurent au pays.

On ne me contestera pas que le commerçant qui doit être le plus protégé est celui qui exporte les produits de nos industries ou de notre sol ; celui-ci a bien d’autres titres à nos sympathies que le commerce qui nous importe sans exporter ; ce dernier fait ses affaires et celles de l’étranger ; il ne fait pas les nôtres.

Tels sont les motifs qui m’ont engagé à vous soumettre l’amendement sur la réduction des droits à l’importation, quand en même temps on exportera des produits belges.

Je dois vous déclarer que je me trouve heureux d’être sur ce point d’accord avec un honorable sénateur (M. Cassiers), armateur en même temps qu’il est Anversois, et c’est principalement en ce sens que j’ai compris les droits différentiels depuis que la proposition en fut faite dans cette chambre ; c’est assez vous dire que mon amendement ne m’a pas été suggéré par le mémoire de M. Cassiers.

Avant 1839, j’aurais voté contre une loi de droits différentiels, je la considérais alors comme impolitique, même comme dangereuse pour le port d’Anvers principalement. Aujourd’hui que nous sommes constitués, je suis d’avis que je peux voter en faveur de la loi, pour autant que mon amendement soit adopté ou tout autre qui remplirait mon but, lequel tend à favoriser l’exportation de nos produits.

Je n’ai pas la prétention de croire que cette disposition aura un résultat complet, mais j’ai plus d’espoir dans cette mesure que dans l’encouragement propose à la navigation de long cours.

On pourrait me dire que la réduction de la moitié du droit dont seront frappées les marchandises étrangères qui nous seront importées, sera de peu d’importance et que cette minime faveur encouragera peu l’exportation.

Si on me faisait cette observation, je répondrais que si on croit qu’il faut une plus forte protection, nous avons le moyen de l’accorder ; pour cela il ne s’agit que d’augmenter les droits dont sont frappés les produits étrangers à l’entrée, et l’exportation obtiendra une protection proportionnée à l’augmentation. C’est ainsi que si le café était frappé d’un droit de 20 fr. à l’entrée, il y aurait un avantage pour celui qui exporterait, dix francs de faveur par cent kilogrammes de café qu’il importerait en retour.

Il est temps, messieurs, de songer aux intérêts du pays ; il est temps d’encourager la production et le travail indigènes ; consommons le plus que possible les produits belges, particulièrement ceux dont la grande partie du prix est le résultat de la main-d’œuvre.

Cherchons à placer notre trop plein à l’étranger, afin de rétablir notre balance commerciale si désastreuse pour nous dans le moment actuel, comme on l’a très bien démontré dans cette discussion.

Je terminerai, messieurs, en vous déclarant que je ne tiens pas à l’adoption de mon amendement ; si on trouve un autre moyen qui nous assure l’exportation de nos fabricats et le produit de notre sol, qu’on en fasse la proposition et je m’y rallierai.

M. Rodenbach. - Pour jouir de la réduction de droits, faudra-t-il exporter une cargaison entière ?

M. Eloy de Burdinne. - J’entends que la valeur de l’exportation soit en rapport avec la valeur de l’importation ; c’est-à-dire que l’on exporte pour une valeur de 100,000 francs ; on jouira de la réduction de droits sur une valeur importée de 100,000 fr.

Je me proposais de prendre une part beaucoup plus grande dans cette discussion ; mais, j’en suis persuadé, chacun de nous est convaincu qu’il serait difficile de nous donner du nouveau sur cette matière.

Nous pourrions aborder les articles après avoir discuté les amendements. Je crois que si nous voulons abréger la discussion, on ferait bien de commencer par mon amendement. S’il était adopté, je pourrais voter les articles de la loi ; s’il est rejeté, je devrai voter contre ; et, par conséquent, je me trouverai force de repousser le projet de loi qui renferme cependant des dispositions que je puis appuyer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable préopinant a dit avec raison que sa proposition n’est pas nouvelle ; ce système a été préconisé très souvent ; il présente en effet quelque chose de séduisant.

Si je prends la parole pour un moment, c’est pour faire comprendre en quoi ce système est défectueux. On n’est jamais parvenu à l’organiser, si je puis me servir de ce terme ; j’ai prié beaucoup de personnes de l’essayer ; elles ne sont pas parvenues à trouver ce que j’appellerai la formule législative.

Deux questions se présentent : l’une a déjà été faite par l’honorable M. Rodenbach ; Que faudra-t-il avoir exporté, des matières premières ou des objets fabriqués, des briques ou des tissus, et pour quelle valeur ? Faut-il un rapport entre la valeur des objets importés et la valeur des objets exportés.

Mais une deuxième question plus grave que la première est celle-ci : En quelle qualité doit-on avoir exporté ? (Interruption.) On peut exporter en plusieurs qualités. Faut-il avoir exporté en quelque sorte matériellement comme armateur ; c’est-à-dire, suffira-t-il que l’armateur ait offert son navire pour servir à l’exportation ? Ces conditions seraient très favorables à l’armateur. Il n’en est aucun qui ne consentît à être matériellement l’intermédiaire des exportations. Alors, il n’est qu’armateur proprement dit. Mais on peut exporter en une autre qualité. Faut-il qu’il ait été l’entrepreneur de l’exportation, c’est-à-dire qu’il ait acheté des produits pour les exporter à ses risques et périls ?

On peut encore exporter en une autre qualité, c’est comme associe du correspondant dans les pays transatlantiques, ou du fabricant, en Belgique ; ou bien comme associé à la fois de l’un et de l’autre.

Tout cela doit être examiné. Aucun de ceux qui ont cherché à résoudre ces diverses questions n’est parvenu à organiser le système. Je me permets d’appeler l’attention de la chambre et de l’honorable préopinant sur ces difficultés.

Pour que le système eût quelque effet, il faudrait que l’expéditeur fût entrepreneur de l’exportation, qu’il la prît à ses risques et périls. Alors vous n’accorderiez la prime qu’à quelques armateurs très riches. Il leur faudrait faire des achats, faire des avances de quelques centaines de mille francs et courir des risques dans les pays d’outre-mer. Pour qu’ils courussent ces risques, vous seriez forcés de donner des droits différentiels assez considérables.

La chambre de commerce d’Anvers a examiné ce système ; elle l’a discuté dans son rapport du 6 août 1842, page 221 des documents de l’enquête. J’ai fait faire un extrait de cette partie du rapport. Je le ferai insérer au Moniteur.

Pour le moment, j’ai seulement voulu attirer l’attention de la chambre sur les défectuosités du système, sur les difficultés qui se présentent lorsqu’on veut l’organiser d’une manière efficace. La première idée est très séduisante ; mais on ne peut s’arrêter à une première idée vague, quand on fait une loi.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne doute nullement que mon idée ne donne matière à beaucoup d’observations. Pour que ce fût sérieux, dit M. le ministre, il faudrait bien des conditions. Il demande ce qu’il faudra avoir exporté. Je lui répondrai qu’il suffira qu’on ait exporté des produits fabriqués ou des matières premières, lorsque le besoin ne s’en fait pas sentir dans le pays, pour que l’exportateur ait le droit d’introduire des fabricats étrangers avec demi-droit. En quelle qualité, demande-t-il, faudra-t-il avoir exporté ? Est-ce comme armateur, ou comme commerçant ? Je ne fais pas de distinction ; lorsqu’il apportera de bon café, il jouira sur ce café de la remise de la moitié des droits, s’il exporte nos produits. Voilà la seule observation que je voulais faire.

Au surplus, je prie mes honorables collègues d’examiner la question attentivement. Dans toutes les questions, il y a des difficultés. Il me paraît que l’on peut simplifier, si l’on ne veut y mettre trop de prétention.

Dans mon opinion, il suffit que l’on ait importé des produits étrangers et que l’on ait exporté des produits de notre industrie ou de notre sol, de quelque qualité qu’ils soient, pour avoir droit à la réduction de la moitié des droits.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, l’honorable préopinant n’a pas saisi ma deuxième question. Je sais bien qu’il ne faut pas prendre en considération la nationalité de celui qui exporte. Ce n’est pas là ce que l’ai dit. J’ai demandé : « En quelle qualité faut-il avoir exporté : est-ce comme armateur ? » Tous les armateurs accepteront vos produits pour les exporter, mais ils ne les exporteront pas à leurs risques et périls ; eh bien, dans ce cas, vous n’aurez rien obtenu. L’armateur qui se charge d’exporter vos produits uniquement pour les déposer sur le sol étranger, cet armateur n’est qu’un intermédiaire passif. Je demande : Faut-il que l’exportateur soit plus qu’armateur, faut-il qu’il soit encore entrepreneur de l’exportation en ce sens qu’il aura acheté des objets en Belgique, qu’il aura payé ces objets soit en argent, soit en effets ? faut-il qu’il se charge de la vente des objets exportés, à ses risques et périls ?

Il y a, messieurs, une troisième question que je n’avais pas soulevée pour ne pas trop compliquer ce débat. Où faut-il qu’il ait exporté ? Car autre chose est d’exporter dans tels parages ou dans tels autres ; autre chose est d’exporter, par exemple, au-delà du cap de Bonne-Espérance, autre chose d’exporter dans un des parages de la Méditerranée ; les conditions d’exportation sont encore ici différentes.

De sorte, messieurs, qu’on peut dire qu’il y a ici trois questions à examiner, quand on veut approfondir le système. Première question : Que faut-il exporter ? Deuxième question : En quelle qualité faut-il exporter ? Est-ce comme armateur prêtant matériellement son navire, ou est-ce comme entrepreneur de l’exportation, la prenant à ses risques et périls, on au moins comme associé, soit du fabricant belge, soit du correspondant dans le pays transatlantique ? Troisième question : Où faut-il exporter ?

Voilà, messieurs, trois questions qu’il faut examiner pour approfondir le système présenté par l’honorable membre, et lorsqu’on examine ces trois questions, on découvre toutes les difficultés de ce système, qui, j’en conviens, se présente de prime abord d’une manière très séduisante.

M. Pirmez. - (Note du webmaster : Le Moniteur belge du 12 mai 1844 fait état du fait que ce discours serait publié dans une édition postérieure. Il n’a toutefois pas été retrouvé.)

(Moniteur belge n°133, du 12 mai 1844) M. de Haerne. - Messieurs, déjà à plusieurs reprises dans les séances précédentes, et encore dans la séance de ce jour, plusieurs honorables membres ont dit que parmi les partisans des droits différentiels, il n’y avait que doute et hésitation. Les amendements qui ont été proposés dans la séance d’hier, et celui que vient de développer l’honorable M. Eloy de Burdinne, pourraient faire croire que cette objection est fondée.

Cependant, messieurs, il n’en est rien, quand nous examinons les choses à fond. Car, s’il est difficile de s’entendre sur les détails, c’est là une circonstance qui se présente dans la discussion de tous les projets de loi un peu importants. Mais il n’en résulte pas que l’on ne soit pas d’accord sur le principe.

Je dirai, en passant, un mot de l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Je crois qu’il confond les provenances, et par là, il renverse en quelque sorte le principe fondamental sur lequel repose le système des droits différentiels. Je crois que l’amendement confond les objets fabriqués avec les produits du sol venant de l’étranger.

M. Eloy de Burdinne. - Oui.

M. de Haerne. - S’il en est réellement ainsi, je dois déclarer que je trouve l’amendement fort dangereux.

En effet, voici ce qui arrivera :

Comme, d’après l’amendement, on peut arriver de tous les ports quelconques, avec la réduction de moitié, les navires anglais viendront nous apporter tous leurs fabricats et partiront avec nos matières premières. C’est la conséquence très dangereuse et inévitable de l’amendement, et, pour cette seule raison, je ne saurais donner mon assentiment à la disposition.

M. Eloy de Burdinne. - Le tarif est là.

M. de Haerne. - Je sais que le tarif peut, à certains égards, faire disparaître cet inconvénient, mais alors vous détruisez d’une main ce que vous édifiez de l’autre. Vous arrêtez, par le tarif, ce que vous semblez admettre par vos droits différentiels. L’étranger n’en sera pas dupe.

Messieurs, on a beaucoup parlé de la liberté commerciale ; il a été répondu longuement aux arguments qui ont été allégués en faveur de cette théorie. Moi aussi je suis partisan de la liberté commerciale : je crois aussi que c’est un principe de progrès, un principe d’avenir. Je dirai plus, puisqu’on a fait intervenir dans cette discussion, à propos de la liberté commerciale, le caractère sacerdotal, je dirai que c’est au point de vue du caractère dont je suis revêtu, que je suis partisan de la liberté commerciale, En effet, j’envisage cette liberté comme un principe de paix, de civilisation matérielle, de civilisation morale et religieuse, et dès lors je suis fondé à dire que c’est un principe catholique, un principe qui tend à unir tous les peuples par gradation et sans secousse.

Mais, messieurs, faut-il que la Belgique soit la seule parmi les nations à proclamer ce beau principe, au risque de le proclamer à ses dépens ? Je ne le crois pas. Lorsque ce principe est appliqué à un peuple seul, à un peuple isolé au milieu des autres peuples, il a pour conséquence d’entraîner les ruines et la misère de ce peuple. Les faits ne sont que trop palpables ; la balance commerciale le prouve suffisamment. L’honorable M. Dumortier et d’autres membres ont appelé votre attention sur les conséquences défavorables de la balance commerciale telle qu’elle existe dans notre pays.

Je crois devoir ajouter encore une réflexion à cet égard, car il me semble qu’on n’a pas détruit entièrement l’objection qui a été faite par l’honorable M. David, relativement à la balance commerciale. Cet honorable membre nous a dit :

« Mais si les résultats défavorables qu’on reproche à la balance commerciale sont tels qu’on le dit, il faudrait que depuis 1830, des capitaux, jusqu’à concurrence de 800 millions, fussent sortis du pays. Cela est impossible. »

Ce chiffre, j’en conviens, est énorme, mais il est facile de l’expliquer, sans supposer même qu’il est exagéré ; c’est que les peuples vivent longtemps sur les richesses qu’ils ont accumulées pendant des siècles.

Nous en avons un exemple frappant dans la Hollande qui, il faut bien le reconnaître, marche depuis quelque temps vers sa décadence, et qui cependant est toujours en possession d’immenses capitaux, parce qu’elle a des fonds placés à l’étranger, qui sont le fruit de ses immenses opérations commerciales et dont elle retire les intérêts.

Eh bien, messieurs, la Belgique est dans la même position à certains égards ; la Belgique a été riche et prospère aussi, elle a eu des capitaux immenses accumulés dans son sein, et la Belgique vit encore sur ces capitaux.

Il y a eu une époque où l’on disait à Anvers, en forme de proverbe, à propos des métalliques autrichiennes qui y étaient en très grande abondance, que si l’on avait entassé à la bourse toutes les métalliques autrichiennes en circulation à Anvers, on aurait rempli la bourse jusqu’aux combles. C’était une exagération ; mais cette exagération fait connaître l’opinion qu’on avait des immenses capitaux qui étaient sur cette place.

Or, ces fonds publics ont été placés dans d’autres pays, mais contre des espèces qui ont été réalisées soit en biens-fonds, soit en d’autres fonds publics dont nous tirons encore les intérêts.

C’est ainsi que, dans une autre discussion, l’honorable M. Meeus a démontré d’une manière fort claire que nous tirions de l’étranger des intérêts pour une valeur de 100 millions. Or, s’il entre tant de capitaux dans le pays, on ne trouvera pas de contradiction à alléguer, que nous perdons par la défaveur de la balance commerciale jusqu’à 68 millions par an. Mais il n’en est pas moins vrai de dire que par ce système de défaveur entre les importations et les exportations, nous nous épuisons continuellement, et qu’à la fin il arrivera une époque où il y aura manque de numéraire et où le pays sera complètement ruiné.

Il est donc temps, grand temps que la Belgique sorte d’un système dans lequel elle est engagée depuis de longues années ; depuis trop longtemps, la Belgique a été le jouet des puissances étrangères ; il est temps, dis-je, qu’elle finisse de jouer le rôle de l’agneau vis-à-vis du loup.

Messieurs, j’ai cru devoir appeler votre attention sur ce principe, parce qu’il me semblait qu’il manquait quelque chose à la réponse qui avait été donnée à nos honorables adversaires sur ce point. Je vous ai dit en même temps qu’en thèse générale je suis partisan de la liberté de commerce. Je proclame hautement ce principe, pourvu qu’il soit général, pourvu qu’il y ait égalité à cet égard entre les diverses nations.

Je viens proclamer le principe d’égalité au même titre que j’ai proclamé le principe de liberté en matière de commerce. Ce principe d’égalité est un principe de haute civilisation. L’égalité devant Dieu, en entrant dans les mœurs des peuples, a produit l’égalité devant la loi ; en pénétrant dans les mœurs internationales, elle a produit l’égalité devant le droit des nations. C’est cette égalité générale que j’invoque ; oui, il faut qu’il y ait égalité entre les nations, si vous voulez proclamer la liberté de commerce, sinon la liberté de commerce est une duperie, un non sens.

Je vais plus loin : si l’égalité n’existe pas, il y a oppression pour les peuples qui proclament la liberté de commerce. La belle liberté, en effet ! Vous dites à tout le monde : « Entrez chez nous. » Et personne ne vous dit : « Entrez chez moi. »

Le principe : laissez faire, laissez passer, était vrai dans le système du docteur Quenoy, parce que celui-ci faisait consister toutes les richesses dans les produits du sol, et qu’il n’avait besoin, par conséquent, que de l’exportation des matières premières, exportation que l’étranger ne fait guère difficulté d’admettre ; mais si vous venez à appliquer ce principe à toutes les industries, vous tombez alors dans une grave erreur. Il ne faut plus dire : laisses faire, laisses passer, mais il faut dire : laissez entrer.

Messieurs, on croirait à entendre certains partisans de la liberté commerciale, je ne dirai pas dans cette enceinte, mais en général et surtout à propos de cette grave question des droits différentiels ; on croirait que la Belgique n’a plus besoin de rien, que le statu quo est tout ce qu’on peut désirer, que tout y va pour le mieux ; on dirait que la Belgique est devenue une espèce de pays de Cocagne, une espèce d’Eldorado, en attendant, sans doute, que si la liberté était pleine et entière, si toutes ses douanes venaient à disparaître ; la Belgique serait convertie en une espèce de paradis terrestre.

Ne nous faisons pas illusion, ne formons pas les yeux sur la plaie du paupérisme qui va toujours s’élargissant et saignant davantage. Voyons, de sang-froid, ce qui se passe dans notre pays, et je pense que nous ne pourrons plus tenir ce langage. Comment ! la Belgique n’aurait pas de changement à apporter à son tarif, ni à son régime de navigation, tandis que la misère nous dévore ! Oui, messieurs, la misère est telle qu’il n’y a pas longtemps nous entendions des plaintes générales ; toutes les industries faisaient entendre de vives réclamations, toutes s’adressaient au gouvernement, aux chambres, pour qu’on vînt à leur secours ; et maintenant que le ministère vient présenter un moyen, on voudrait reculer ! Je conçois qu’on se trouve plus ou moins dans le doute sur l’application du système ; mais il faudrait au moins adopter le principe. La misère frappe toutes les industries du pays ; si elle n’existe pas partout maintenant, on peut dire, sans pouvoir être taxe de témérité, qu’elle est à la porte, là même où l’industrie paraît encore prospère, en présence de la concurrence qui nous presse de toutes parts. Et c’est dans un pareil état de choses qu’on ne demanderait pas de protection ! C’est surtout dans nos provinces, messieurs, que la misère est à son comble. Je ne veux pas exagérer ; notre habitude n’est pas d’outrer les choses. Je citerai un organe de la Flandre centrale, un des meilleurs représentants des partisans de l’ancienne industrie linière de Thieltenaer, qui dit, dans un de ses derniers numéros, que ce serait exagérer les choses que de dire qu’il n’y a pas eu une légère amélioration depuis quelque temps. Mais, dans d’autres localités, du côté d’Audenarde, par exemple, la misère est toujours la même. Je vous citerai un journal de cette ville qui dit qu’il n’y a pas de semaine où il ne se trouve des personnes qui meurent littéralement de faim dans les environs. Voila la position où l’on se trouve dans les Flandres !

J’ai été péniblement affecté d’entendre dire dans cette discussion qu’une seule province n’avait pas besoin d’aumônes.

C’était une allusion à ce subside qui a été voté en faveur des Flandres, en faveur de l’industrie linière souffrante et pour lequel elle doit de la reconnaissance à la législature ; mais il ne fallait pas faire une insinuation qui a l’air d’être un reproche.

Il n’est pas vrai de dire que la province de Liége soit la seule qui n’ait pas eu besoin de subside. Elle a eu aussi besoin de secours, (je ne veux pas me servir du mot aumône). Rappelez-vous ce qu’on a donné à Seraing. Si pour trois ou quatre mille ouvriers on a pu donner un million, on peut bien pour 3 ou 400 mille ouvriers des Flandres, allouer 150 mille fr.

J’entends dire à mes côtés que c’était un prêt. N’importe, c’était un secours pour empêcher que les ouvriers fussent jetés sur le pavé. C’était en faveur de la classe indigente de la province de Liège qu’on faisait cette avance ; c’est aussi en faveur de la classe indigente des Flandres que nous invoquons les secours du gouvernement, qui d’ailleurs sont très fructueux. D ailleurs, si vous voulez vous contenter du don qui nous a été fait, nous accepterons volontiers l’avance que vous avez reçue.

On a dit que, pour subvenir à la misère, pour se créer des débouchés à l’étranger, le bon marché devait suffire. Je ne puis pas admettre ce principe, il me suffira, pour le renverser, de citer un fait qui, je crois, a déjà été rapporté mais sur lequel on n’a pas insisté avec assez de force : c’est que la France exporte aux Etats-Unis pour 3 millions de toiles.

Si la France peut exporter pour trois millions de toiles, elle doit vendre ses toiles plus cher que nous ne vendrions les nôtres, parce que notre industrie linière est supérieure à celle de la France ; car, malgré les droits énormes qu’on nous impose à l’entrée, nous livrons à la France une grande quantité de toiles ; c’est notre principal débouché. Il est probable même que, parmi les toiles qu’exporte la France, il se trouve des toiles belges. Quant à nos draps, ils paient en Amérique 50 p. c. de la valeur pour frais de commission, faute de comptoirs qu’on ne peut établir que par les droits différentiels.

L’honorable M. Delfosse a répondu à l’argument que M. le ministre de l’intérieur avait tiré des intérêts du littoral ; il a dit que si le littoral réclamait pour qu’il n’y eût plus de droit sur le fer et sur la houille, il fallait répondre que le littoral avait reçu des faveurs qui se rapportent aux différents ports, à celui d’Ostende et à celui d’Anvers. J’entends, moi, par littoral, non seulement les ports, mais les villes et villages qui avoisinent les ports, les campagnes qui sont dans une certaine zone à partir du littoral. C’est là que le sacrifice qu’on fait en faveur des houilles et des produits métallurgiques de Liège est réel, et sans faveur réciproque. Je ne veux pas dire qu’il ne faille pas mettre de droit sur la houille et le fer étrangers ; mais je soutiens que, s’il y a protection d’un côté, il faut aussi qu’il y en ait de l’autre, et qu’on a mauvaise grâce à vouloir s’opposer à ce que réclame l’intérêt de cette localité, intérêt qui se confond d’ailleurs avec celui du pays.

Je crois qu’il y a de l’imprudence au moins à invoquer sans cesse le principe de la liberté de commerce sans la considérer avec cette réciprocité que j’envisage comme la condition nécessaire de ce régime ; je crois, dis-je, qu’il y a au moins de l’imprudence.

Je me permettrai de présenter une réflexion à mes honorables adversaires. Probablement le moment arrivera où ces honorables membres se trouveront dans la position où nous sommes maintenant, c’est-à-dire qu’ils seront appelés à défendre l’industrie de leur localité. Si, à cette époque, leurs réclamations paraissent exagérées au ministère, qu’arrivera-t-il ? Le ministère profitera des arguments avancés par eux dans cette discussion en faveur de ce beau principe de liberté commerciale ; il tournera contre eux les armes qu’ils emploient maintenant.

Ne serait-ce pas une circonstance extraordinaire que les intérêts de Liége dussent être défendus par les députés des autres provinces, parce que les députés de Liège seraient plus ou moins frappés d’impuissance à cause de leurs antécédents ? J’ose dire que, dans un cas pareil, vous placerez vos adversaires et le ministère dans une position bien facile. Vous incitez le ministère à son aise, vous faites dès à présent du banc ministériel un lit de roses. Je m’aperçois que MM. les ministres semblent douter de ce que j’avance. Eh bien, soit. Je ne soutiens pas qu’il faille faire du banc ministériel un lit d’épines mais il est reconnu dans tous les gouvernements constitutionnels, que le ministère cherche à marcher entre deux opinions extrêmes et que, s’il n’était pas un peu poussé, un peu aiguillonné, il profiterait de cette position pour ne rien faire, ou pour ne faire que peu de chose. C’est un service qu’on doit lui rendre, et pour lui donner cette impulsion salutaire, il faut que les partis s’unissent dans l’intérêt commun.

On a parlé de la Saxe et de la Suisse. La controverse parait épuisée sur ce point, cependant je crois devoir ajouter quelques mots. La Saxe et la Suisse sont deux petits pays. Je pourrais dire d’abord, en me servant d’une expression un peu triviale, mais vraie, qu’il n’est pas rare que les petits soient mangés par les grands. C’est ce qui arrive presque toujours dans le monde. Je ne sais pas si les honorables membres qui ont parlé de ces deux Etats pour argumenter en faveur de la liberté absolue de commerce, ont eu beaucoup de rapports avec ces pays. Quant à la Saxe, on s’y plaint, on y fait entendre les mêmes réclamations qu’en Belgique et dans d’autres pays ; on dit qu’on y est exploité par l’étranger et que ce sont les influences diplomatiques qui empêchent de sortir de la situation où l’on se trouve. Ces plaintes ne se font pas partout également jour, parce que la Prusse n’est pas partout libre comme en Belgique.

Quant à la Suisse, c’est un pays libre sans doute, mais c’est aussi un pays bien divisé. Les 22 cantons sont bien loin de s’entendre. Je ne parlerai pas du bon marché, de la vie, ni du bas salaire ; c’est une considération qui a déjà été présentée et qui suffit pour réfuter ce qui a été dit à cet égard ; mais je dirai que la Suisse trouve une ressource particulière et des richesses immenses dans la beauté de la nature ; le charme de ses vallées, de ses lacs, dans la majesté de ses montagnes, de ses chutes d’eau, de ses glaciers, en un mot, dans ces merveilles qui font de la Suisse, pendant quatre mois de l’été, le rendez-vous du tous les fashionables, de tous les artistes, de tous les amateurs, de tous les valétudinaires aisés de l’Europe, qui versent d’immenses capitaux dans ce pays. Depuis le mois de mai jusqu’au mois de septembre, on rencontre dans les plus petits villages, comme Interlaken, un luxe exorbitant. Ces villages sont convertis, en quelque sorte, en capitale, et je dois vous dire que je n ai pas rencontré à Londres et à Paris un luxe plus grand que dans ces vallées, au milieu des neiges et des rochers stériles. Voila ce qui fait la richesse de la Suisse, messieurs. La Suisse ! mais c’est une fourmi qui fait pendant l’été ses provisions d’hiver. Vous voyez qu’on ne peut pas toujours argumenter d’un pays à un autre.

D’ailleurs, pour ce qui concerne cet Etat, je vous dirai encore que j’y eus des rapports avec des hommes distingués ; j’en ai eu notamment avec notre envoyé, M. Constantin Rodenbach ; et ils m’ont dit les motifs pour lesquels il n’y a pas de douanes en Suisse ; c’est que les cantons ne s’entendent pas plus sur cette question que sur celle des couvents d’Argovie ; mais on est loin de repousser généralement le principe de la protection commerciale.

Messieurs, nous pouvons, nous, de nos propres forces, établir l’égalité, cette égalité qui est la première condition pour arriver à la liberté commerciale. Nous pouvons l’établir en reformant notre tarif ; en faisant comme les autres peuples, en amenant un équilibre entre nos intérêts et les intérêts des autres pays, et en établissant des droits différentiels.

Nous devons y tendre, messieurs, y pousser avec vigueur, et quoique dans les diverses propositions qui vous sont faites, nous soyons encore loin d’atteindre les chiffres de l’Angleterre et les chiffres de la France, cependant c’est un grand pas de fait.

Je dis, messieurs, que vous n’arriverez à la liberté commerciale que lorsque vous aurez établi l’égalité, parce que c’est seulement sur le pied de l’égalité, de la réciprocité que vous pourrez vous faire respecter des autres puissances et les faire revenir des rigueurs qu’elles exercent maintenant contre vous.

Messieurs, nous ne pouvons rien par notre exemple. On semble dire : maintenez le statu quo, et vous serez applaudi de tout le monde. Il faut espérer que les autres puissances vous imiteront, mais, je vous le demande, qu’est-ce que l’exemple de la Suisse et de la Saxe ont fait sur la France, l’Angleterre, l’Allemagne même et les autres nations. Absolument rien. Maintenir l’état actuel des choses, c’est vous faire vilipender, c’est vous attirer les moqueries des autres peuples. Et cela va plus loin. En agissant ainsi vous vous rendez victimes, parce que, par votre faiblesse, vous autorisez les autres nations à renchérir encore sur leurs prétentions, à marcher toujours en avant dans leur système de prohibitions contre vous.

Mais si nous ne pouvons rien par notre exemple, par nos belles paroles et les belles théories que l’on professe ici, nous pouvons beaucoup par l’établissement de droits différentiels, par l’élévation de notre tarif. C’est ainsi que nous pourrons agir sur les autres puissances, que nous pourrons faire un appel, non pas à leur générosité, car il ne faut pas compter sur des générosités entre nations, mais à leurs intérêts.

Messieurs, permettez-moi de vous citer un exemple et de revenir sur ce que vous disait, dans une séance précédente, M. le ministre de l’intérieur. La France, par la nature de ses produits, nous offre de grands avantages. M. le ministre de l’intérieur vous a rappelé, en citant l’autorité d’un grand homme d’Etat anglais, Pitt, qu’à l’époque de 1786, l’Angleterre disait : La France est un pays éminemment agricole et par conséquent nous pouvons traiter avec elle. Elle nous enverra ses matières premières, ses denrées, ses vins, etc., et nous exporterons chez elle nos produits fabriqués. Messieurs, la France a été dupe du traité qu’elle fit alors, parce que les vins français étaient peu goûtés en Angleterre et que les produis anglais étaient goûtés en France.

Mais voici sur quoi je désire fixer un moment votre attention. Pitt admit alors une grande vérité ; La France est un pays éminemment agricole ; et quoiqu’elle soit moins avancée sur ce point que la Belgique, on peut dire, politiquement parlant, qu’elle est plus agricole que la Belgique. Car elle a des produits qui doivent être nécessairement exportés, ses vins, et que la Belgique ne produit pas. Notre pays est un de ses meilleurs marchés ; il y a donc là un moyen, et un moyen très efficace de traiter avec elle. Il fallait depuis longtemps, dans nos négociations avec la France, faire intervenir cet intérêt, le mettre dans la balance.

Un membre. - Il y a un traité.

M. de Haerne. - Je sais qu’il existe un traité ; mais je parle d’une époque antérieure à ce traité. D’ailleurs il n’est que temporaire, on ne sait ce qui peut arriver par la suite.

Messieurs, il y a aussi un autre article très important pour la France, ce sont les articles de Paris. Je n’entends pas parler de ces articles que l’on fraude facilement, mais d’articles encombrants, tels que les bronzes et les glaces. Je crois que c’est encore là un objet sur lequel on pourrait négocier d’autant plus facilement que l’on connaît l’influence de Paris sur le reste du pays, et qu’il suffirait de susciter des plaintes à Paris pour être écouté de toute la France.

Ce sont là des considérations que l’on pourrait, je crois, invoquer dans les négociations que l’on entamera avec la France, quant aux droits différentiels, pour ce qui regarde la faveur que l’on veut accorder à ses entrepôts de la Méditerranée, pour les provenances du Levant. Je crois qu’on pourrait, en retour, obtenir quelques concessions de la France, qu’on pourrait, par exemple, en obtenir pour nos toiles, que l’on renonçât à l’amendement Delespaul et à l’ordonnance sur les blondines.

J’en dirai autant quant à l’Espagne, qui a aussi des ports dans la Méditerranée. Nous pourrions également réclamer d’elle des concessions. Dans ce moment on paie en Espagne, sur l’introduction de nos toiles, un droit qui, en réalité, équivaut à 74 p. c., droit prohibitif, s’il en fût jamais, et cependant, messieurs, l’Espagne a toujours été un de nos meilleurs marchés pour les toiles.

Messieurs j’aimerais de dire aussi un mot des représailles. Un fait extrêmement important a été cité dans cette discussion par l’honorable baron Osy. Il vous a dit qu’il existait un traité de navigation entre les Pays-Bas et la Belgique, portant la date du 5 novembre 1842, et que, d’après ce traité, il avait été convenu qu’on pourrait établir des droits différentiels de part et d’autre. Je ne sais pas jusqu’à quel point ce fait est fondé : je n’ai pas vu le traité ; mais j’ai été frappé de l’observation de l’honorable M. Osy ; je crois que, s’il en est ainsi, nous n’avons pas de représailles à craindre de la part de la Hollande.

Mais, messieurs, lorsqu’on parle de représailles, on semble toujours envisager la Hollande seule, il semble que les intérêts de la seule province de Liége soient en jeu. Cependant un honorable membre, l’honorable M. David, si je ne me trompe, a été plus conséquent à cet égard, et il vous a fait voir que les représailles sont peut-être à craindre de la part de toutes les puissances. Il vous a dit que par les droits différentiels on obstruerait, en quelque sorte, la Meuse vers son embouchure et vers sa source. Cela fait bien entendre que des représailles seraient à craindre de la part de la France, tout aussi bien que de la part de la Hollande ; et en ce qui concerne la France, il y aurait d’autres intérêts en jeu que ceux des riverains de la Meuse. Nous exportons par la Meuse en France pour 2,240,000 francs. C’est quelque chose, sans doute, mais les Flandres auraient en jeu un intérêt de plus de 12 millions pour les toiles seules, et je pense que cet intérêt peut bien être mis en balance avec celui de la province de Liége.

Si donc nous demandons l’établissement de droits différentiels, ne croyez pas qu’il y ait chez nous de l’égoïsme ; ne croyez pas, que s’il y a un sacrifice à faire, nous prétendions n’y être pour rien. Si des représailles sont exercées contre nous, ce ne sera pas seulement une province, ce sera le pays tout entier qui aura des sacrifices à supporter. Eh bien ! malgré cette perspective, les Flandres ont été unanimes à réclamer l’établissement de droits différentiels. Toutes les chambres de commerce des Flandres, tous les industriels, tous les organes de l’opinion publique se sont prononcés dans ce sens. Et pourquoi ? Parce que c’est là une nécessite, parce qu’il faut entrer dans la voie que suivent toutes les autres puissances, si l’on veut se placer dans une position favorable pour le commerce et pour l’industrie.

Mais, messieurs, je ne pense pas qu’il y ait des représailles à craindre ; ou bien, si elles ont lieu, je ne crois pas qu’elles dureront longtemps, parce que nous serons toujours à même de les repousser, surtout vis-à-vis de la Hollande.

On vous a cité le chiffre de nos exportations en Hollande, ainsi que le chiffre des exportations de la Hollande chez nous. Or, ce dernier est beaucoup plus élevé que le premier, il est de 38 millions tandis que nous n’y exportons que pour 10 millions. Il y a une autre observation à faite, messieurs, c’est que ces chiffres doivent être pris en raison de la population des deux pays, et celle de la Hollande n’est que la moitie de la nôtre, et par conséquent, pour avoir la balance qu’il y aurait entre les intérêts froissés de part et d’autre, il faut retrancher les 10 millions des 38 millions, reste 28 millions, ensuite il faut doubler ce dernier chiffre, ce qui donne 56.

Il y a donc une probabilité de 1 à 56 que la Hollande ne prendra pas de mesures de représailles contre nous, ou que, si elle en prend, ce sera elle qui cédera la première.

En tous cas, et l’honorable M. Delfosse en est convenu, ces représailles ne seraient que momentanées. Les ouvriers, vous a dit cet honorable membre, souffriront de part et d’autre ; reste à savoir ceux qui auraient le plus de longanimité. Il y a toute probabilité, messieurs, comme je viens d’avoir l’honneur de vous le démontrer, que ce seraient les ouvriers hollandais qui en auraient le moins.

D’ailleurs, messieurs, lorsqu’il s’agit d’actes de cette importance, d’actes qui sont, en quelque sorte, une révolution en fait d’industrie et de commerce, il faut avoir du courage, il faut savoir subir une crise, et je dis que le peuple qui, placé dans les circonstances où nous nous trouvons, n’ose pas braver les inconvénients d’une crise, est un peuple qui s’expose a être effacé du nombre des nations.

Je la répète il faut imiter, messieurs, les grandes nations et nous constituer commercialement, car jusqu’ici nous avons vécu dans une espèce d’anarchie commerciale, à la merci de tous ceux qui voulaient nous exploiter. Nous pouvons le faire, car personne ne peut nous contester le droit d’établir chez nous ce qu’on a établi partout ailleurs.

Les droits différentiels, messieurs, sont, comme je vous l’ai déjà dit, un des moyens par lesquels nous devons tâcher de nous élever à la hauteur où se trouvent les autres nations, par lesquels nous devons établir l’égalité entre la Belgique et les autres peuples, égalité qui, par suite des progrès de la civilisation, pourra nous conduire un jour à des unions douanières et à la liberté de commerce.

Messieurs, pour parler au fond sur la question des droits différentiels, j’ai d’abord une réflexion à faire. Il me semble que plusieurs partisans des droits différentiels, aussi bien que les adversaires de cette mesure, en ont exagéré et les avantages et les inconvénients.

Plusieurs partisans des droits différentiels ont semblé dire qu’il suffisait de développer la marine, et que ce développement amènerait celui de notre commerce et de notre industrie. Les adversaires des droits différentiels vous ont dit, au contraire, que l’établissement de ces droits ne ferait aucun bien à l’industrie, que peut-être il produirait du mal. Je crois, je le répète, qu’il y a de l’exagération dans ces deux allégations.

D’abord, je suis d’opinion que les droits différentiels sont favorables au développement de la marine et de l’industrie. Il y a à cet égard, messieurs, des chiffres qui sont extrêmement significatifs et qui me paraissent plus éloquents que tous ce qu’on peut dire à cet égard, ce sont les chiffres qui vous ont été cités dans une séance précédente et que l’on peut résumer en disant que sur 58 millions importés aux pays transatlantiques, 9 seulement l’ont été par pavillon national ; c’est 16 p. c. ; et que, sur 7 millions exportés, 5, c’est-à-dire 71 p. c. l’ont été par pavillon national, c’est 71 p. c.

En France, les importations en 1841 ont été par navires français, de 397 navires, par navires des pays de production de 400, par navires étrangers, de 28 ; et les exportations ont été par navires français de 359, par navires des pays de production de 319 et par navires étrangers de 105. Ces chiffres parlent assez haut, ils n’ont pas besoin de commentaire. C’est le résultat du système des droits différentiels.

Si vous recherchez, messieurs, les causes auxquelles en doit attribuer ce résultat, je crois que l’on peut dire que cela tient aux facilités que rencontre l’armateur dans le pays auquel il appartient et aussi en grande partie à la confiance qu’il inspire. Car il est connu des négociants et dès lors ceux ci sont plus portés à lui confier leurs marchandises.

Il me paraît donc évident, messieurs, que les droits différentiels doivent être favorables au commerce et à l’industrie. Mais d’un autre côté n’a-t-on pas exagéré, lorsqu’on vous a dit que les droits différentiels suffiraient à eux seuls, non seulement pour développer la marine nationale, mais encore pour entraîner dans sa sphère d’activité tout le commerce et toute l’industrie belge ; surtout si l’on n’adopte pas un système plus protecteur, plus efficace, que ceux qui sont proposés ?

Je crois, messieurs, que c’est là une exagération. Si chez les autres nations les droits différentiels ont produit un résultat aussi extraordinaire, c’est qu’ils y sont plus efficaces. Ainsi, en Angleterre, la faveur accordée au pavillon national est, dans certains cas, de 450 fr. ; en France, elle peut aller jusqu’à 300 fr. Avec de tels avantages, il n’est pas étonnant que l’industrie soit prospère et qu’elle fleurisse à l’ombre d’un tel système différentiel.

Mais ce n’est pas là le système que l’on nous propose. Ce système est loin d’être aussi efficace, et c’est pourquoi je doute beaucoup de l’importance qu’on semble y attacher. Je ne pense pas que ni le système du gouvernement, ni celui de la commission, et encore moins celui de la chambre de commerce d’Anvers, puisse nous amener les résultats qu’ont obtenus d’autres nations.

Je crois, messieurs, que pour assurer la prospérité de l’industrie, il y a un autre système qui est beaucoup plus favorable ; c’est celui qui vous a été proposé par l’honorable sénateur, M. Cassiers ; ce système favorise directement l’industrie, et il faut le dire, c’est l’industrie qui appelle avant tout notre attention.

Je sais qu’on objecte contre ce système, qu’il est nouveau ; mais, messieurs, nous sommes aussi dans une position toute particulière, puisque nous n’avons pas de colonies, tandis que les pays qui ont établi des droits différentiels, sont des pays à colonies, qui vivent avant tout de leurs colonies. C’est là la grande différence. Les pays à colonies doivent favoriser leurs produits coloniaux et ont en même temps, dans leurs colonies, un débouché certain pour les produits de la mère patrie. Nous ne sommes pas dans cette position. C’est pourquoi nous devons favoriser davantage os exportations et nous devons les favoriser d’une manière directe.

Avant de développer toutes mes idées à l’égard de ce système, je dois faire une réflexion sur un passage du rapport de la commission d’enquête. Vous savez, messieurs, que toutes les chambres de commerce du pays ont été consultées sur la grave question des droits différentiels. La chambre de commerce de l’arrondissement dont j’ai reçu mon mandat, a également été consultée. La chambre de commerce de Courtray, messieurs, a demandé des droits efficaces, parce qu’elle veut aussi arriver, elle, à cette égalité qui doit exister entre toutes les nations. J’ai été extrêmement surpris de voir que la commission d’enquête a traité l’opinion de la chambre de commerce d Courtray, avec une certaine légèreté, et qu’elle n’a pas assez approfondi, selon moi, les idées présentées par cette chambre de commerce dans laquelle figurent des hommes éminemment pratiques, des hommes éclairés et distingués.

La commission d’enquête s’est contentée de dire que la chambre de commerce de Courtray était exagérée dans ses prétentions, et que, d’ailleurs, les chiffres qu’elle demandait étaient en quelque sorte une prime donnée à l’étranger, pour avantager l’exportation des produits étrangers, des produits de l’Angleterre, par exemple, dans les pays transatlantiques. La commission d’enquête n’a pas remarqué que c’est là une objection que l’on fera également contre le système qu’elle propose. Si le système de l’honorable M. Cassiers est écarté, cette objection tombe de tout son poids sur la commission d’enquête.

Il est une autre question (et c’est une question de principe) qui a été posée par la chambre de commerce de Courtray. Cette chambre, qui défend avant tout le petit commerce, a compris tous les avantages qu’il y aurait à transformer les armateurs en industriels ou en négociants, et la commission d’enquête répond que c’est là une chose pour ainsi dire inconnue. Je vous avoue, messieurs, qu’à la première lecture des observations faites par la commission d’enquête, j’étais plus ou moins ébranlé dans la conviction que je m’étais formée auparavant à cet égard, mais depuis quelques jours je suis raffermi dans ma première opinion ; c’est surtout après avoir entendu le discours si lumineux prononcé par l’honorable M. Donny, dans une séance précédente.

L’honorable M. Donny, faisant l’historique de plusieurs navires qui sont partis d’Ostende pour les pays transatlantiques, nous a fait voir, messieurs, que des armateurs se sont constitués négociants, qu’ils ont rempli le creux de leurs navires pour leur propre compte. Or, messieurs, c’est là, à mes yeux, un très grand avantage pour le commerce intermédiaire, pour le petit commerce, qui ne peut pas aller se jeter dans les opérations aventureuses qui se font avec les pays d’outre-mer. Lorsque l’armateur veut bien faire son chargement pour son compte, il prend la place du négociant, de l’industriel qui, sans cela, n’oserait pas tenter l’entreprise, faute de confiance, Des exemples récents, comme l’affaire Comaille, le prouvent.

Eh bien, messieurs, c’est là ce que demande la chambre de commerce de Courtray ; elle désire autant que possible que l’armateur se charge de faire des expéditions pour son compte. Or, messieurs, je trouve sous ce rapport, que le système de l’honorable M. Cassiers est le plus favorable. En effet, M. Cassiers exige que l’armateur, pour jouir de l’intégralité de la prime ou de la remise, prenne une cargaison de marchandises du pays, et qu’avant de partir il soit obligé de rester en charge pendant un mois. Or, messieurs, si pendant cet intervalle, les négociants et industriels du pays ne lui confient pas des marchandises en quantité suffisante, évidemment il sera de l’intérêt de l’armateur de faire un chargement pour son propre compte, afin de pouvoir partir le plus tôt possible et de profiter le plus souvent possible de la remise qui lui serait faite dans le cas où il exporterait des produits belges. Je trouve, messieurs, que sous ce rapport le système de l’honorable M. Cassiers atteint en grande partie le but de la chambre de commerce de Courtray.

Sous le rapport de l’efficacité, messieurs, je trouve encore un point de ressemblance entre l’opinion de la chambre de commerce de Courtray et le système de l’honorable M. Cassiers quoique cette chambre ne se soit pas prononcée sur ce système. Je dois dire que c’est à mes yeux le système le plus efficace de tous ceux qui sont proposés, et cela sans être aucunement hostile à la marine, sans empêcher la marine nationale de se développer. Il encourage même la marine nationale, puisque le pavillon national est toujours en première ligne, pour les arrivages directs, avec les navires étrangers qui arrivent des pays de production ; d’un autre côté la marine nationale aura ces avantages que les armateurs trouvent toujours dans le pays où ils ont leur résidence ; elle sera de plus favorisée parce qu’elle pourra exploiter les entrepôts de Liverpool, du Havre, etc. ; car dans le système de l’honorable M. Cassiers, les lignes indirectes seront exploitées par la marine nationale.

Il y a plus, messieurs, les grandes lignes directes vers l’Amérique du Sud, où il n’y a pas une marine aussi développée que dans l’Amérique du Nord, ces grandes lignes transatlantiques seront encore réservées à la marine nationale. Ainsi, messieurs, la marine nationale se trouve suffisamment favorisée par ce système, qui, d’un autre côté, présente tous les avantages pour l’exportation de nos produits. En outre ce système donne un droit différentiel efficace. Pour le café par exemple, dans le système du gouvernement les avantages du tarif vont jusqu’à 55 fr., et dans le système de M. Cassiers, la différence entre le pavillon national et le pavillon étranger placé dans la position la moins avantageuse pourrait aller jusqu’à 150 fr.

Cette différence n’existerait pas entre le pavillon national venant directement du pays de production, et la catégorie qui suit immédiatement, car là il n’y aurait qu’une différence de 15 fr, mais la différence de 150 fr. existerait entre les deux catégories extrêmes. Eh bien, messieurs, je dis que c’est là un droit efficace.

Je trouve d’ailleurs, messieurs, dans le système de l’honorable M. Cassiers un autre avantage, c’est la simplicité. Vous savez que l’honorable M. Cassiers procède par catégories, qu’il n’établit pas un principe pour chaque chiffre. Or, messieurs, s’il nous faut discuter chaque chiffre à part, s’il faut invoquer un principe pour chaque chiffre à part, ce sera une discussion interminable, et si nous avons déjà pris trois semaines à peu près pour la discussion générale, je ne sais pas quand nous finirons avec la discussion des chiffres

Le grand et le petit cabotage, messieurs, sont aussi favorisés par le système de l’honorable M. Cassiers, à cause des relations directes qu’il favorise avec les ports d’Europe. Le cabotage jouit aussi d’une faveur pour le pavillon national.

Mais, messieurs, une autre considération qui se rattache au système de M. Cassiers, qui se rapporte à un principe général que j’ai déjà invoqué bien des fois dans cette enceinte et donc je viens de parler tout à l’heure, c’est qu’avec ce système il y aurait moins de chances de représailles. La chose est facile à démontrer.

En effet, vous allez faire vous-même des offres aux étrangers ; vous allez leur dire : « J’accepte votre pavillon chez moi aux mêmes conditions que mon propre pavillon, pour les provenances directes du pays de production, à la condition que vous me traitiez de la même manière. » Eh bien, dans ce système, comment serait-il possible que l’on voulût user de représailles ?

Sous le rapport des représailles, il résulte encore un autre avantage du système de l’honorable M. Cassiers ; c’est que ce système est très productif pour le trésor ; d’après le calcul de l’honorable sénateur, son système doit donner au trésor jusqu’à six ou sept millions.

Dans la séance d’hier, l’honorable M. Dumortier vous a dit qu’il ne faisait pas de la question des droits différentiels une question fiscale ; je n’en fais pas non plus une question fiscale ; mais, cependant, il faut tout considérer, et lorsqu’on peut tout à la fois servir les intérêts du trésor et les intérêts du commerce et de l’industrie, je crois qu’il y a de fortes raisons pour adopter un système qui réunit ces deux avantages Or, messieurs, tel est le cas.

Si nous parvenions à réaliser au moyen des droits différentiels un revenu de 6 ou 7 millions, je vous demande si le déficit ne serait pas comblé ? Le déficit n’est que de 3 millions, si je ne me trompe. Il nous resterait donc une belle réserve qu’on pourrait destiner à donner des primes d’exportation. C’est là un point sur lequel j’appelle surtout l’attention de la chambre. Je parle de primes directes et non pas de primes indirectes, qui consistent dans les remises que l’honorable M. Cassiers donne avant tout. (Je vois que M. Eloy de Burdinne fait un signe négatif.) Je suis convaincu que lorsque l’honorable M. Eloy de Burdinne aura approfondi cette question, il ne tardera pas à être de mon avis.

Je dis, messieurs, qu’il y a, dans cette possibilité d’accorder des primes directes d’exportation, une grande garantie contre les représailles. A quoi servirait-il, en effet, à l’étranger, de prendre des mesures de représailles, lorsque par les primes d’exportation nous pouvons neutraliser tout ce qu’il ferait sous ce rapport ?

Je ne suis pas, messieurs, partisan des primes d’exportation en général ; je ne voudrais pas qu’on fît des primes d’exportation un système permanent, mais je dis que les primes d’exportation sont une très bonne mesure, une mesure nécessaire, pour paralyser des mesures de rigueur prises contre nous par les gouvernements étrangers.

Je généraliserai même mon observation à cet égard, et je dirai que j’accorderais des primes d’exportation à toutes les industries souffrantes, surtout aux industries frappées, à l’étranger, d’une manière injuste et trop rigoureuse. Ainsi, je répondrais par des primes d’exportation à toutes les vexations que la France exerce contre nos toiles ; je répondrais par des primes d’exportation au funeste amendement Delespaul, je répondrais au moyen de primes d’exportation à la mesure par laquelle la France a assimilé nos toiles blondines aux toiles blanchies et cela jusqu’à ce que justice nous soit faite.

Voilà, messieurs, comment j’entends les primes d’exportation. Ce ne serait pas une mesure permanente, car la France, aussi bien que la Hollande, ne tarderaient pas à revenir sur leurs mesures de rigueur. La France, si d’ailleurs on lui renoncer en même temps par des rigueurs réciproques, ne tarderait pas à se réunir à ce système au moyen duquel elle veut anéantir chez nous cette grande, cette belle industrie, l’industrie linière, qui, malgré son abaissement, est toujours la première industrie du pays. La France admet maintenant, à des conditions assez avantageuses, nos fils mécaniques ; mais pourquoi le fait-elle ? Pour arriver à fabriquer les toiles d’une manière plus économique qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent, dans l’espoir que, lorsque son industrie toilière sera assez développée, elle pourra élever aussi les droits sur les fils, afin de jouir à elle seule des avantages de cette industrie.

Eh, bien, messieurs, dans un cas semblable, lorsqu’une puissance a connu un système ruineux pour notre industrie, je dis qu’il faut employer tous les moyens praticables pour contrarier ce système. Il ne s’agit pas alors de principes d’économie politique, ni de théories nébuleuses et qui n’ont de réel que la ruine et le néant ; il s’agit de sauver notre industrie par tous les moyens possibles, par ceux qu’on adopte partout ailleurs en pareil cas.

D’ailleurs, lorsque les primes ne coûtent rien au trésor, je ne sais pas pourquoi par de simples idées théoriques, on hésiterait à donner quelques primes d’exportation.

Je ferai encore une autre observation sur les avantages du système de l’honorable M. Cassiers, sous le rapport fiscal. Si vous parvenez de cette manière à combler le déficit (et vous y parviendrez), alors vous n’auriez pas besoin de venir proposer des lois telles que cette qui a été présentée il y a quelque temps, et que l’honorable M. Dumortier a qualifiée d’une manière assez forte, dans une séance précédente. Eh bien, je dis, tout en m’opposant à l’honorable M. Dumortier, quant à la tendance fiscale du système différentiel, qu’alors cet honorable membre verrait ses vœux se réaliser sur la question du tabac ; alors vous ne devriez pas, par une loi sur le tabac, exposer à une ruine certaine, la fabrication du tabac aussi bien que la culture de cette plante.

Messieurs, il y a encore une observation assez importante que je dois faire relativement au système de M. Cassiers. Cette observation se rapporte aux entrepôts flottants.

Dans les trois systèmes que l’appellerai officiels, je veux parler des trois systèmes de la commission d’enquête, de la chambre de commerce d’Anvers et du gouvernement, les entrepôts flottants sont plus ou moins favorisés, eu égard aux entrepôts fixes.

Cet inconvénient n’existe pas dans le système de M. Cassiers. Je crois qu’il y a un grand inconvénient à favoriser les entrepôts flottants, parce que les entrepôts flottants peuvent nous causer un plus grand préjudice que les entrepôts fixes. L’entrepôt flottant qui nous fournit des denrées coloniales est tenu à moins de frais que l’entrepôt fixe. Si le café, le sucre, etc. vous arrivent des entrepôts fixes de Liverpool, du Havre, etc., il faut des frais de déchargement, de réembarquement, de primes d’assurance, de correspondance ; ces frais n’existent pas pour l’entrepôt flottant, dès lors l’entrepôt flottant peut plus facilement vous livrer ces denrées, et plus facilement aussi partir sur lest, pour aller prendre des cargaisons de retour, soit en France, soit en Angleterre, soit ailleurs. Je ne comprends pas, ou plutôt je comprends très bien pourquoi la chambre de commerce d’Anvers est entrée dans ce plan ; c’est ici l’intérêt de la commission qui est en jeu. Cet intérêt est contraire au petit commerce, au commerce intermédiaire, que je voudrais favoriser particulièrement, dans l’intérêt de l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter, et en définitive c’est bien le commerce intermédiaire, le petit commerce qui est le commerce le plus important ; c’est aussi celui qui a trouvé un éloquent défenseur dans l’honorable M. David, et, sous ce rapport, j’appuie de toutes mes forces les observations de l’honorable membre.

Messieurs, il y encore un autre avantage dans le système de M. Cassiers ; les relations directes avec les ports d’Europe sont favorisées d’une manière particulière, aussi bien que les relations avec les pays transatlantiques, pour le cas où l’on tirerait de ces pays des productions qui en sont originaires.

Les relations directes avec les ports d’Europe, avec la France, par exemple, peuvent être très favorables à l’exportation de nos produits, et en particulier de nos fers et de nos houilles. La France nous apportera ses vins, et nous importerons en France nos houilles et nos produits métallurgiques. Ce sont là des relations très régulières, et des précédents font voir que la chose est très probable.

On objectera peut-être le traité qui existe entre la France et la Belgique. Je dirai qu’on pourrait accorder une réduction sur l’entrée des vins, en proportion de l’augmentation des droits qui résulterait de l’établissement du système. Cette réduction pourrait encore facilement se trouver sur les revenus qui seraient réalisées par l’adoption des droits différentiels, Nous pourrions nous créer ainsi un nouveau débouché pour nos fers et nos houilles.

Je vous demanderai la permission de vous lire, à cet égard, un passage d’un document qui est émané, dans le temps, de la chambre de commerce de Liège et qui m’a paru significatif, à cet égard. La chambre de commerce de Liège fait voir tout l’avantage qu’offriraient pour cette province des communications directes entre la Belgique, la France et d’autres pays. C’est un rapport adressé à MM. les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, le 30 août 1839 ; la chambre de commerce se plaint des mesures restrictives du gouvernement hollandais contre le batelage de la Meuse, puis elle dit :

« L’intermédiaire, qu’offriraient les villes maritimes, serait d’autant plus important, qu’il ne se rencontre que bien rarement à Anvers des navires qui puissent se charger de nos expéditions pour les contrées que nous venons d’indiquer.

« C’est ainsi, pour ne citer qu’un exemple, que depuis 1830 (déjà pendant dix années consécutives), nos fabricants d’armes sont obligés de confier leurs chargements au roulage, qui les voitures au Havre, d’où on les embarque pour les Etats-Unis.

« Outre cet inutile et dispendieux circuit, les fabricants sont soumis à de nombreuses visites douanières, et sujets à essuyer les détériorations inséparables des déchargements successifs que nécessite le mode de transport par roulage.

« Cependant il le faut, nous le répétons, de toute nécessité, pour rendre possible la concurrence sur les marchés de l’extérieur, que l’exportation de nos produits puisse s’effectuer à l’aide de moyens de transports aussi prompts, aussi économiques que ceux dont jouissent les pays les plus favorisés sous ce rapport. »

Eh bien, je crois que ces moyens de transport, ces facilités de communication, se trouveraient dans le système des droits différentiels, tel qu il a été proposé par M. Cassiers.

Je répondrai en peu de mots aux diverses objections qui ont été faites contre le système de M. Cassiers.

On vous a dit que ce système ne favoriserait pas l’exportation de vos produits, parce que nous rencontrerions à l’étranger des barrières douanières, des tarifs rigoureux. Je répondrai d’abord que ce système favorisera l’exportation de nos produits, car ce qu’il importe de considérer, c’est la remise qui, d’après le premier projet de M. Cassiers, est de 60 p c. pour les pays transatlantiques, et qui, d’après les modifications qu’il a introduites récemment dans son système, pourrait aller jusqu’à 90 p. c. Eh bien, vous accordez cette faveur pour l’exportation de nos produits, et par conséquent, c’est déjà là un moyen de lutter contre les rigueurs des tarifs étrangers. Après cela, si les tarifs étrangers sont trop exorbitants, nous pouvons encore répondre par des mesures analogues. Il me semble donc que cette objection n’est pas fondée.

On a dit encore que le système des droits différentiels rencontrerait une grande opposition de la part de ceux qui veulent une nombreuse marine marchande ; or, de ce que notre marine n’est pas assez développée et qu’elle ne pourrait pas suffire aux relations à établir par les droits différentiels, il en résulterait, dans l’opinion de ces personnes, un inconvénient pour le commerce, un renchérissement dans les produits.

Je réponds à cela qu’il s’établirait nécessairement dans les pays transatlantiques et même dans les ports d’Europe avec lesquels nous correspondrions, une réduction dans le fret, en proportion de la faveur qui serait accordée aux navires qui viendraient directement.

Il est vrai qu’il y aurait toujours un avantage pour le pavillon national, et pour le pavillon venant directement des pays de production. Mais d’autre part il n’en est pas moins vrai qu’il y aurait concurrence entre le navire belge et le navire venant directement des lieux de production d’un côté, et le navire de provenance indirecte d’un autre côté. D’une part on aurait la valeur de la prime, et d’autre part on ferait une réduction sur le fret ; de manière que l’objection que l’on puise dans la prétendue insuffisance des navires n’est nullement fondée.

Messieurs, je viens de vous développer les motifs qui dictent la préférence que j’ai pour ce système. Dans mon opinion, les droits différentiels doivent avoir un caractère industriel avant tout. C’est une vérité proclamée depuis longtemps, et dans cette discussion M. le ministre de l’intérieur en particulier a insisté là-dessus. Sous ce rapport, je vous prie, messieurs, de vouloir bien examiner mûrement le système en lui-même, et je pense qu’en l’étudiant, vous y trouverez les avantages qu’il m’a paru offrir.

D’ailleurs, je ne suis pas absolu à cet égard. J’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, le système des droits différentiels doit avoir un avantage, pour ce qui regarde le développement de la marine et de l’industrie. Cet avantage me semble assuré dans le système de l’honorable M. Cassiers. La seule question à résoudre, c’est celle de savoir jusqu’à quel point le système qu’on adoptera sera avantageux. En ceci, je vous prierai de remarquer les paroles que M. le ministre de l’intérieur a prononcées : il ne vous a pas dit qu’il tenait pour certain que l’exportation allait augmenter par suite de l’établissement des droits, mais il a dit que la chose était probable. Moi, je veux quelque chose de plus qu’une probabilité, je veux une certitude, et c’est là la différence qui existe sur ce point entre M. le ministre de l'intérieur et moi. Je désire avoir une certitude, car l’industrie a souffert depuis assez longtemps, pour qu’on lui assure un meilleur sort.

Le système que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer, messieurs, est un système de protection. Mais, je le répète, je ne demande pas les droits pour les droits ; je les demande dans le but de nous mettre au niveau des autres puissances, et d’amener, s’il est possible, par l’égalité, des unions de douanes compatibles avec notre indépendance nationale, d’amener même la liberté commerciale qui ne pourrait, après tout, qu’être avantageuse à la Belgique. J’ai dit.

M. le président. - M. Dumortier vient de déposer un amendement. (Nous donnerons cet amendement.)

M. Dumortier. - Un honorable membre ayant présenté comme sien un amendement que j’avais annoncé et dont j’avais développé les bases dans mon discours (je ne m’en plains pas, car c’est une preuve qu’il en a trouvé la pensée bonne), je crois que, comme j’en avais eu l’initiative, devoir présenter une proposition formelle.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Comme je vois qu’on se dispute de brevet d’invention de l’amendement, je demanderai la permission de faire une observation. Je demande comment ce système progressif recevra son exécution : Je prends cette proposition : Les surtaxes recevront leur application par cinquième d’année en année ; je substitue le mot surtaxes aux mots droits différentiels, parce que les mots droits différentiels présentent un double sens. En effet, les droits différentiels existent en faveur de celui qui jouit de la remise comme ils existent contre celui à l’égard de qui ils établissent une aggravation.

M. Dumortier. - C’est la même chose.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce n’est pas la même chose. Les surtaxes recevront leur application par cinquième d’année en année d’après M. Mast de Vries. Ouvrons le projet de loi, prenons l’article Café. D’après l’amendement du gouvernement, le café arrivant du lieu de production par pavillon national payera 9 fr. Le café arrivant du lieu de production par pavillon étranger payera 11 50. La surtaxe est donc de 2 50. Le cinquième, c’est 50 c.

M. Dumortier. - Ce n’est pas cela, je demande la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Permettez-moi de démontrer que la proposition n’est pas susceptible d’être appliquée.

M. le président. - Convient-il de discuter maintenant cet amendement ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On prétend que la chose est très simple, je trouve, au contraire, qu’elle est très compliquée.

Prenons donc cette proposition que la surtaxe sera appliquée par cinquième, le café arrivant du lieu de production par pavillon étranger, payera 9,50 la première année. Or, il se trouve qu’aujourd’hui il paye 10 fr. et le pavillon belge 9 ; vous voyez qu’il y a quelque chose qui n’est pas bien exprimé, qu’il y a une rédaction vicieuse. En adoptant la proposition de M. Mast de Vries que je regrette de ne pas voir à sa place, il résulterait du nouveau tarif que la première année il y aurait un dégrèvement de 50 centimes pour le pavillon étranger, la deuxième année on reviendrait au chiffre actuel, la troisième il y aurait une augmentation de 50 centimes, la quatrième année une augmentation nouvelle de 50 centimes, et enfin, la cinquième année, la totalité de la surtaxe serait établie, le droit serait de 11,50.

C’est ainsi que je comprends la proposition faite hier par l’honorable M. Mast de Vries. Essayez d’appliquer au projet de loi la proposition de M. Dumortier, vous verrez quelles difficultés vous rencontrerez aussi. Encore une fois, cette idée se présente sans être accompagnée de la rédaction nécessaire, il faudrait une formule complète. Le pavillon belge doit, dans tous les cas, jouir d’une différence égale à la remise actuelle du dixième.

M. Dumortier. - Je dois répondre à ce qu’a dit M. le ministre de l’intérieur pour donner une apparence de ridicule à mon amendement, que j’en réclamais le brevet d’invention. Je n’en fais pas de question d’amour-propre ; mais quand j’ai vu un système que j’avais développé, reproduit par un honorable collègue avec une légère modification, sans se donner la peine de dire un mot des observations que j’avais présentées, il m’était bien permis, en formulant ma proposition, de rappeler que je l’avais annoncée et développée. Je dois dire que la conduite de cet honorable membre me paraît tout à fait insolite dans cette assemblée.

Je ferai observer maintenant que les observations de M. le ministre de l’intérieur se rapportent très bien à l’amendement de M. Mast de Vries, car il a propose un système qu’il n’avait pas compris. L’amendement que je propose, au contraire, recevra toujours son application. Au lieu de 5 années pour l’établissement de la totalité de la surtaxe, j’en propose trois ; de manière qu’en 1844 la surtaxe en faveur de la marine belge, sur le pavillon étranger sera de la moitié, en 1845 des 3/4 et en 1846 dans son intégrité. C’est par conséquent un système progressif créé dans le double but d’empêcher d’une part l’élévation du fret, tant que nous n’avons pas assez de vaisseaux pour nos besoins ; en second lieu, pour ne pas soulever de réclamations trop vives de la part des localités qui peuvent vous fournir des marchandises coloniales. Plus le système sera échelonné, moins il donnera lieu à des réclamations. De quelque manière qu’on envisage le système que j’ai développé, on y trouve des avantages pour le pays.

Les observations de M. le ministre de l’intérieur ne lui sont pas applicables ; car, d’après mon système, pour 1844, le droit sur le café étant de 9 fr. par pavillon belge, serait de 10 fr. 25 par pavillon étranger. La critique de la proposition de M. Mast de Vries ne s’applique donc pas à mon système.

J’ai ajouté que le gouvernement, par arrêté royal, fixerait le tarif chaque année jusqu’à ce qu’on soit arrivé au taux définitif. Cette proposition s’applique à tous les chiffres qu’on pourra admettre aussi bien à celui de la commission qu’à celui du gouvernement ou de la chambre de commerce d’Anvers. On peut donc toujours adopter cette donnée. Je viens d’en démontrer les avantages. La seconde partie de ma proposition a pour but de faire cesser les réclamations des négociants de Liège. Ils se sont plaint de ce que, pour le système proposé, on arrivait à la fermeture de la Meuse en ce qui concerne l’introduction des denrées coloniales que cette province tire de la Hollande,et on faisait quelque chose qui ressemblait à une hostilité envers la Hollande.

Il m’a paru qu’il fallait porter remède à cette réclamation et à l’encombrement signalés. Pour cela, je demande que les droits d’entrée sur les denrées coloniales arrivant par la Meuse soient les mêmes que ceux sur les denrées coloniales arrivant à Anvers par cabotage. La différence entre la proposition de M. Mast de Vries et la mienne, consiste en ce qu’il demande que les denrées coloniales arrivant par la Meuse soient reçues sur le même pied que celles qui arrivent du pays de provenance par pavillon étranger. Il arriverait que tout négociant d’Anvers qui voudrait acheter du café, devrait aller le chercher à Liége, car il arriverait à Liège à meilleur marché qu’à Anvers. Vous voyez que le système n’avait pas été conçu.

En mettant la Meuse sur le même pied qu’Ostende et Anvers, pour les denrées arrivant des ports d’Europe, vous faites disparaître toute apparence d’hostilité. Cela rentre dans les propositions de la chambre de commerce d’Anvers et du gouvernement.

Le troisième point, c’est l’assimilation de tous les points de l’Europe. J’ai déjà indiqué qu’en donnant des privilèges à des puissances européennes, et en les refusant à d’autres, on fait acte de mauvais voisinage, et on peut s’exposer à des mesures réactionnaires. En établissant des droits différentiels, il faut ôter jusqu’à l’apparence d’hostilité contre aucune puissance, écarter avec un soin minutieux tout ce qui pourrait avoir une semblable apparence. Quand nous mettons tout le monde dans le droit commun, quand la mesure prise s’applique à tout le monde, personne ne peut y voir d’hostilité. D’ailleurs, le droit ne portera que sur notre consommation, les nations étrangères pourront continuer le commerce de transit et le commerce d’entrepôt à l’égard desquels rien n’est changé.

Je crois que ces dispositions, lorsqu’elles seront mises aux voix, seront parfaitement goûtées par l’assemblée, et j’espère qu’elle leur donnera son assentiment. C’est un moyen de concilier toutes les opinions.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable préopinant veut bien trouver mes observations fondées, lorsqu’elles s’appliquent à la proposition de l’honorable M. Mast de Vries ; mais je crois qu’elles sont aussi fondées lorsqu’elles s’appliquent à la proposition de l’honorable membre lui-même.

Dans tous les systèmes on est d’accord qu’il ne faut pas augmenter les droits sur les matières premières. Je prends l’article Coton. Le droit actuel est de 1 fr. 69 ; disons 1 fr. 70. Nous sommes d’accord, dans tous les systèmes, qu’il ne faut pas augmenter les droits sur le coton. Ainsi, le navire national payera sur le coton 1 c. et le pavillon étranger 1 fr. 70 ; surtaxe, 1 fr. 69.

Que propose l’honorable M. Dumortier ? Il propose de n’appliquer la surtaxe qu’à raison de la moitié pour la première année, des 3/4 pour la seconde, et de la totalité pour la troisième.

Il se trouvera donc que le pavillon étranger qui, aujourd’hui, en important du coton, paie 1 fr. 70, payera la moitié de la surtaxe, c’est-à-dire 84 1/2 centimes, la première année, les ¾ de la surtaxe, c’est-à-dire 1 fr. 26 la seconde année, et enfin 1 fr. 70 la troisième année.

M. Dumortier. - Quel mal y a-t-il à cela ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne dis pas qu’il y ait du mal ; mais je veux faire ressortir une des applications de votre système.

Je dis donc que votre proposition appliquée aux matières premières dans tous les systèmes, amènera pour le pavillon étranger pendant deux ans une position plus favorable que celle dont il jouit maintenant.

M. Dumortier. - C’est complètement inexact.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mais mes chiffres sont exacts. Il est certain que le pavillon étranger payera sur le coton pendant deux ans moins qu’il ne paye aujourd’hui.

M. Dumortier. - Tant mieux pour l’industrie.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je le veux bien, mais avouez la justesse de mes observations. Si c’est là ce que vous voulez, dites-le.

Toutes ces observations de ma part tendent à vous prouver combien il est facile de critiquer ce que nous savons tous parfaitement. Mais quand on veut formuler des propositions, on devrait les formuler complètement et en montrer l’application dans toutes les hypothèses.

Ces explications suffiront pour que chacun de vous, à l’aide d’un travail très simple, voie ce que deviendrait le projet, soit avec la proposition de l’honorable M. Mast de Vries, soit avec celle de l’honorable M. Dumortier.

Du reste, je prie l’honorable M. Dumortier de croire qu’il n’y a dans mes intentions rien de désobligeant à son égard.

M. Dumortier. - Messieurs, j’ai eu l’honneur de vous démontrer tout à l’heure, que, quant au café, les observations de M. le ministre de l’intérieur ne s’appliquaient pas au système que je viens de proposer et que j’avais développé dans la séance d’avant-hier. Je vais maintenant répondre à M. le ministre quant à ce qui est des matières premières.

M. le ministre vous a parlé des cotons. Le droit actuel sur les cotons est de 1 fr. 70. Il sera, d’après le projet, de 1 centime par pavillon national, de 1 fr. 70 par pavillon étranger ; mais, comme d’après mon amendement, la surtaxe ne sera, la première année, que de moitié, le pavillon étranger ne payera en 1845 que 84 centimes. Dès lors, dit-on, il payera moins qu’aujourd’hui.

Mais quel mal y a-t-il, messieurs, à ce que l’industrie obtienne la matière première un peu moins cher qu’aujourd’hui ? Déjà vous avez entendu les plaintes que vous a adressées la ville de Gand par l’organe des honorables MM. Manilius et Delehaye, sur la position où se trouveraient les fabriques de coton, en devant, les premières années, passer par des conditions moins favorables qu’aujourd’hui. Ces réclamations disparaissent par mon amendement.

Le trésor, messieurs, éprouvera-t-il un préjudice même avec mon amendement ? Et c’est ici que je vais rencontrer une observation que voulait me faire, je crois, l’honorable comte de Mérode, Le trésor n’éprouvera aucun préjudice, parce que les différences en plus qu’amèneront les droits différentiels sur les objets de consommation, compenseront et au-delà les réductions sur la matière première.

Avec mon amendement, messieurs, vous arriverez au chiffre normal sans secousse, sans blesser l’industrie, sans amener une augmentation de fret, qui est toujours très préjudiciable à l’industrie.

De plus, vous ne vous exposerez pas à des représailles, car, remarquez-le bien, moins sera violent le choc que le commerce de Londres, d’Amsterdam, de Rotterdam et des autres ports étrangers aurait à subir, moins il fera entendre de réclamations et les réclamations des ports de mer dominent quelquefois le gouvernement.

Vous voyez donc, messieurs, que sous tous les rapports le système d’un droit progressif est ce qu’il peut y avoir de plus heureux pour la Belgique.

Je n’en dirai pas davantage, parce que mon amendement n’est pas en ce moment en discussion. Mais je crois que lorsque M. le ministre de l’intérieur l’aura examiné attentivement, il sera le premier à l’adopter. Puisqu’il veut des droits différentiels, et nous ne pouvons plus en douter après ce qu’il nous a dit, il doit aussi vouloir tous les moyens les plus favorables pour atteindre le résultat.

M. David. - Je désirerais obtenir de l’honorable M. Eloy le Burdinne une explication relative à l’amendement qu’il a présenté.

J’avouerai qu’à la suite de la discussion qui s’est établie sur cet amendement et des réflexions que j’ai faites, il me paraît inadmissible, parce qu’il n’est pas complet ; il ne stipule pas les quantités relatives. Mais ce n’est pas à ce point que je m’arrêterai. Voici les doutes que l’amendement a fait naître chez moi.

J’expédie, je suppose, une cargaison de 100,000 fr, de produits belges. Mais il faut calculer que ces 100,000 fr. de produits, arrivés à leur destination, seront augmentés des frais de transport, des bénéfices, des assurances, des droits de douane que vous aurez à payer dans le pays étranger, et ces droits sont quelquefois très considérables. Ainsi, dans l’Amérique du Nord et au Mexique, ils vont jusqu’à 25, 30 et 40 p. c. Ainsi une cargaison qui, en partant d’Europe, valait 100,000 francs, représentera à l’arrivée une valeur de 175 à 180,000 francs.

Je demanderai à l’honorable M. Eloy de Burdinne si celui qui aura exporté cette cargaison aura le droit d’importer, avec la faveur de 50 p. c. de remise, pour 75 mille francs de plus qu’il n’a exporté c’est-à-dire pour 175,000 francs ?

M. Eloy de Burdinne. - Non.

M. David. - Ainsi, vous n’aurez le droit d’importer que pour la somme que vous avez exporté. Mais dans ce cas votre amendement ne me paraît pas favorable à l’industrie.

Il peut se présenter un autre inconvénient avec cet amendement.

J’aurai fait des exportations dans l’Inde ; mais je ne puis y compléter ma cargaison de retour on je ne puis rien y acheter du tout.

Je reviens donc avec du numéraire, avec des fonds, je suppose, sur l’Angleterre. J’entre dans un port anglais et j’y remplis la cale de mon navire de marchandises qui s’y trouvent en entrepôt. D’après votre amendement, j’obtiendrai sur cette cargaison la remise de 50 p. c. Mais vous voyez qu’alors vous renversez le système des droits différentiels et que vous nuisez au trésor.

Il me paraît que le système de l’honorable M. Eloy de Burdinne ne repose sur aucune base certaine, et qu’il est inacceptable.

M. Eloy de Burdinne. - Je crois, messieurs, que ces explications viendront plus à propos lorsqu’on discutera mon amendement. Cependant je puis dire à l’honorable M. David qu’il n’y a pas lieu de craindre qu’un navire qui aura importé de nos produits doive revenir sur lest. Il entre très peu de navires sur lest en Belgique ; il n’en entre pas un sur quatre qui sortent.

L’honorable M. David nous dit qu’une cargaison estimée 100,000 fr., lorsqu’elle quitte la Belgique, peut valoir 175,000 fr. lorsqu’elle est arrivée au lieu de destination, Mais les marchandises que l’on importera en retour, auront aussi acquis une valeur plus grande lorsqu’elles arriveront sur notre marché, et j’entends qu’on n’estime ces marchandises qu’à la valeur qu’elles avaient au lieu de départ.

M. David. - Je renonce pour le moment à mon observation. Je vois que vous ne m’avez pas tout à fait compris.

M. le président. - Il n’y a plus d’orateurs inscrits ; mais la chambre n’étant pas en nombre, nous ne pouvons clore la discussion générale.

- La séance est levée à 4 heures.