Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 17 janvier 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 517) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et un quart.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse communique l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs fabricants de clous demandent la révision de la loi sur les sucres. »

- Renvoi à la commission permanente d’industrie.


« Le sieur Céa, secrétaire du commissariat d’arrondissement de Soignies, demande que les chefs de bureaux des commissariats d’arrondissement soient nommés par le gouvernement et salariés par l’Etat. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur.


« Le sieur Gellens, major pensionné, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les propriétaires et industriels de la commune de Rethy présentent des observations contre le canal de Turnhout, projeté par le gouvernement. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi de crédit et de concession pour l’exécution de divers travaux publics.


« Le sieur Alex. Aleaume, surveillant principal à l’arsenal de la station du chemin de fer à Malines, né à Paris, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Les sieurs Demat et comp. demandent que les impressions des actes des chambres législatives, du Moniteur et du Bulletin des Lois soient mis en adjudication publique. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au mode de promulgation et de publication des lois.

M. Rodenbach – Je demande qu’on donne lecture de cette pétition puisque la chambre va s’occuper d’un objet qui s’y rapporte.

- Cette proposition est acceptée.

M. de Renesse donne lecture de cette pétition.

Projet de loi prescrivant un nouveau mode de sanction, de promulgation et de publication des lois et arrêtés

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

La parole est à M. Desmet.

M. Desmet – Messieurs, le projet de loi qui nous est soumis contient différentes dispositions. Le but principal du projet est de consacrer un nouveau mode de sanction et de promulgation des lois, de leur impression et de leur distribution. Le projet s’occupe encore de l’impression et de la distribution du Moniteur, ainsi que de la suppression du timbre pour le journal officiel.

Je m’attacherai seulement à l’impression du Moniteur, j’abandonnerai à d’autres honorables collègues le soin de critiquer le changement qu’on veut porter à la formule du sanctionnement et de la promulgation des lois.

Je me demande si, avec le nouveau mode qu’on propose, il y aura avantage, s’il y aura économie.

Messieurs, le principal reproche qu’on fait au système actuel, c’est que les lois et arrêtés ne sont pas imprimés et distribués immédiatement après la promulgation. Ce n’est pas la faute de la loi, ce n’est pas la faute de l’arrêté du 5 octobre 1830, puisque cet arrêté prescrit l’impression et la publication des lois et arrêtés, immédiatement après leur promulgation. Or, si cela n’a pas eu lieu jusqu’à présent, c’est que la loi n’a pas été ponctuellement exécutée.

On a porté dans le format du Recueil des lois un changement que je ne puis approuver. Le format ancien était le format in-12 ; ce format était fort commode, mais le format nouveau me paraît un système bâtard, qu’on pouvait peut-être adopter pour le Moniteur, qui ne doit pas être manié comme un volume. On me répondra que la publication des lois fera partie intégrante du Moniteur. Cela n’est pas exact : il y aura un recueil distinct pour le Moniteur, et un autre pour les lois et arrêtés, d’après une modification apportée par la section centrale dans le projet du gouvernement. Je ne vois donc aucun avantage dans le changement du format.

Y aura-t-il de l’économie ? Je ne le pense pas : aujourd’hui l’impression du Bulletin ne coûte pas même 23,000 fr., et il est porté dans le budget des voies et moyens une somme de 41,000 fr. du chef des abonnements, et je crains seulement que la publication du deuxième volume du Moniteur, celui qui contiendra les lois et arrêtés, coûtera à l’Etat plus que les 23,000 francs, qu’elle en coûtera bien de 30 à 35 mille francs ; le temps vous l’apprendra si on n’apporte pas de changement à ce qui se fait depuis le 1er janvier dernier.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je demande la parole.

M. Desmet – Au lieu donc de réaliser une économie, vous aurez une dépense plus considérable.

Messieurs, un objet important qu’il ne faut pas perdre de vue dans la publication des lois, c’est la traduction. Je demanderai à cet égard si le gouvernement est disposé à rapporter l’arrêté du 1er janvier 1844. L’article 23 de la constitution s’oppose d’une manière formelle à ce qu’on substitue un idiome à un autre dans la publication des actes officiels, à ce qu’on y remplace le flamand par le hollandais : une mesure aussi importante ne peut être prescrite que par une loi ; je reviendrai sur cet objet important quand on sera arrivé à l’article qui concerne la traduction.

Le second point dont s’occupe le projet de loi, c’est le Moniteur. Je ne désapprouve pas complètement le format nouveau qu’on a adopté, quoique, dans cette forme, le Moniteur ressemble plus à une brochure qu’à un journal.

Je demanderai maintenant s’il est besoin aujourd’hui de supprimer le timbre pour le Moniteur. Ceux qui lisent le Moniteur peuvent très-bien, payer le timbre. Qu’est-ce qui arrivera, d’après ce système ? C’est que le Moniteur, distribué gratuitement, présentera une sorte de privilège pour l’opinion du gouvernement. Je ne blâme pas que le gouvernement ait et défende son opinion : mais il ne faut pas qu’elle ait un privilège au détriment des autres organes de l’opinion. Je ne puis donc approuver la suppression du timbre, et je voterai contre cette suppression. Et, messieurs, vous le voyez tous les jours, ce n’est pas le gouvernement proprement dit que le Moniteur défend, mais très-souvent la cause ou l’opinion de l’un ou l’autre ministre.

Il y a dans le projet une autre disposition à laquelle je ne puis pas non plus donner mon assentiment ; c’est celle qui attribue au gouvernement la faculté d’envoyer gratuitement le Moniteur aux fonctionnaires qu’il désignera. Je crois que ces fonctionnaires doivent être désignés dans la loi ; sinon, le gouvernement pourrait envoyer son journal à tous les fonctionnaires indistinctement, et ce serait encore un privilège en faveur de l’organe de l’opinion du gouvernement. Je voterai donc aussi contre cette disposition.

J’ai une dernière observation à faire. Le Bulletin officiel des lois et arrêtés s’est imprimé jusqu’ici chez un imprimeur de Bruxelles, qui était chargé de cette publication sous le gouvernement provisoire, qui faisait paraître le Bulletin, alors qu’on se battait au Parc, alors que les boulets de canon arrivaient jusque dans ses ateliers. Depuis le 1er janvier, on lui a ôté cette impression, pour la joindre au Moniteur et pour la donner indirectement à l’impression d’un journal.

Et voyez, messieurs, avec quel empressement on a ôté le Bulletin à l’ancien imprimeur, on l’a fait avant que le projet de loi fût voté. Je ne m’explique pas cet empressement ! j’ai dit !

Motion d’ordre

Soutien de l'industrie cotonnière, via une société anversoise

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je demande à la chambre la permission d’interrompre un moment la discussion.

La chambre a ordonné au gouvernement un rapport sur les opérations commerciales faites au sujet de l’industrie cotonnière avec le concours de la banque d’industrie d’Anvers. Je dépose ce rapport sur le bureau ; je crois qu’il pourrait être imprimé avec les pièces. Si donc la chambre le désire, il n’y a aucun inconvénient à ce que ce travail soit livré à l’impression.

- La chambre consultée décide que le rapport et les pièces seront imprimées dans le format ordinaire et distribués aux membres de la chambre.

M. Devaux – A cette occasion, je rappellerai à M. le ministre de l'intérieur qu’il a également promis un rapport sur les relations du gouvernement avec la société du Guatemala.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne me rappelle pas avoir fait cette promesse à la chambre. J’ai seulement dit que c’était une question que le gouvernement examinait. Depuis lors, la chambre a été saisie d’une pétition, et je dois dire que, même eu égard à cette pétition, le gouvernement ne serait pas à même, quant à présent, de faire un rapport.

M. Devaux – Je ne sais pas quel est celui des ministres qui a fait la promesse, mais je me rappelle très bien que l’on nous a promis un rapport général sur les relations du gouvernement avec la compagnie de colonisation.

Projet de loi prescrivant un nouveau mode de sanction, de promulgation et de publication des lois et arrêtés

Discussion générale

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, le système actuel de publication des lois est évidemment vicieux. Toutes les sections en ont reconnu les inconvénients, et toutes ont applaudi aux modifications que le gouvernement propose d’y introduire par le projet de loi qui est soumis à la chambre.

Je vais, en peu de mots, vous répéter quels sont les inconvénients du système actuel ; j’exposerai les motifs qui ont engagé le gouvernement à adopter le système qu’il propose ; j’indiquerai les avantages que ce système présente.

La publication des lois et arrêtés royaux est régie par trois dispositions (page 518) différentes : la loi du mois de septembre 1831, relative aux lois ; l’arrêté du 5 octobre 1830, relatif aux arrêtés généraux, et enfin, l’avis du conseil d’Etat du 23 prairial an XIII, relatif à certains arrêtés spéciaux.

Il n’y a pas uniformité dans le mode de publication, et l’on doit rechercher dans les dispositions quelles sont les mesures à prendre pour publier les lois et les arrêtés.

En peu de mots, je ferai voir à la chambre quels sont les inconvénients de ces trois dispositions différentes.

D’abord, quant à la loi de 1831, loi qui n’est relative qu’à la publication des lois, elle confond évidemment et la promulgation et la publication ; cette loi fait courir le délai, à dater duquel les lois deviennent obligatoires, de la promulgation. Or, la promulgation est un fait clandestin, personne ne le connaît au moment où il est posé ; il consiste dans l’ordre du Roi contre-signé par un ministre de publier la loi. Or, rien ne fait connaître l’époque à laquelle cet ordre est émané du Roi. Ainsi le point de départ pour faire courir le délai endéans lequel la loi devient obligatoire n’est connu de personne. Il pourrait arriver, d’après la loi de la loi de 1831, que des lois devinssent obligatoires avant d’avoir été publiées, ce qui serait contraire à l’art. 129 de la Constitution ; car peu d’instants après que la loi est sanctionnée, elle peut devenir obligatoire. Si les chambres, par exemple, ont décidé qu’une loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation, et si le Roi la sanctionne à 11 heures du soir, elle sera obligatoire le lendemain sans avoir pu être publiée au Bulletin officiel ; dans ce cas la loi serait obligatoire sans avoir été publiée , ce qui serait une véritable inconstitutionnalité. Ce peu de mots montre qu’il est indispensable de modifier la loi de 1831.

L’arrêté du 5 octobre 1830 est la disposition relative à la publication des arrêtés. D’après cet arrêté, les arrêtés deviennent obligatoires trois jours après l’arrivée du Bulletin officiel au chef-lieu de la province. L’arrêté ne donne pas au gouvernement le pouvoir d’abréger les délais que la loi provinciale et la loi communale ont accordés aux autorités provinciales et communales de rendre leurs arrêtés obligatoires dans un délai rapproché. Cette faculté le gouvernement ne l’a pas ; il faut toujours un délai de trois jours, non-seulement après le contre-seing du ministre, mais après que le bulletin qui contient l’arrêté est arrivé au chef-lieu de la province.

Ce système peut avoir des inconvénients très-graves ; il suffit de les signaler à la chambre pour la décider à le modifier.

La troisième disposition que j’ai indiquée en commençant, est l’avis du conseil d’Etat du 23 prairial an XIII. Cet avis a été, par différents arrêts de la Cour de cassation, déclaré obligatoire en Belgique. En vertu de cet avis, certains arrêtés deviennent obligatoires à dater de la notification qui est faite aux individus que ces arrêtés concernent. Mais cet avis n’indique pas d’une manière bien claire, bien catégorique, les arrêtés auxquels il s’applique ; il contient ensuite d’autres formes de notification qu’il ne convient pas de laisser subsister : telles que l’affiche et autres moyens qu’il paraît préférable de remplacer par la notification à la personne que l’arrêté concerne.

Voilà quelles sont les dispositions qui règlent la matière dont s’occupe la loi soumise à votre examen. Nous avons pensé qu’il était nécessaire de refondre ces dispositions dans une loi générale et d’y introduire les modifications dont je vais présenter l’analyse à la chambre.

Nous proposons de substituer, quant à la publication, le Moniteur au Bulletin. Le Moniteur paraît tous les jours. La régularité de la publication est donc assurée. Dès l’instant où un numéro du Moniteur paraît, chacun peut être assuré que si le Moniteur ne contient aucune loi ou arrêté, aucun délai ne court à partir duquel une loi ou un arrêté sera obligatoire. Cette sécurité n’existe pas avec le Bulletin officiel, parce que le Bulletin, ne paraissant que quand il y a des lois ou arrêtés à insérer, n’a pas une publication régulière et ne présente pas ainsi cette certitude de date qu’offre un journal qui paraît tous les jours.

Il importe beaucoup sans doute d’avoir une date fixe sur laquelle il n’y ait pas de contestation possible ; il est donc préférable de prendre l’insertion au Moniteur, dont la publication est régulière, comme point de départ pour le délai légal.

Si l’on voulait faire courir ce délai à dater de la publication par le Bulletin officiel, des contestations pourraient s’élever ; on pourrait soutenir qu’un bulletin portant la date du 2 janvier, n’a paru que le lendemain, etc. etc. Par la publication au Moniteur, cette contestation n’est pas possible. Le Moniteur ayant paru le 2, il y aurait impossibilité d’antidater le journal qui, paraissant postérieurement contiendrait une loi ou un arrêté. Ainsi, quant à la certitude de la date, chose si importante, il ne peut y avoir de doute que la publication par le Moniteur présente de grands avantages sur la publication par le Bulletin officiel.

Il y a un autre obstacle encore à la régularité de la publication par le Bulletin officiel ; c’est la nécessité des traductions. Ces traductions ne sont pas faites du jour au lendemain. Il y a des lois assez longues qu’il faut traduire ; il serait impossible d’exiger que le Bulletin parût toujours le lendemain du jour où la loi est sanctionnée ; cela serait même impossible quand la loi est sanctionnée le jour même du vote.

Voilà les motifs sur lesquels le gouvernement s’est appuyé pour substituer le Moniteur au Bulletin officiel. Pour faire cette substitution, il faut donner au Moniteur un caractère légalement officiel qu’il n’a pas maintenant. Quand les lois et arrêtés seront insérés au Moniteur ils ne sont pas légalement publiés. L’insertion qui se fait au Moniteur est inutile au point de vue de la publication légale ; cette publication n’existe que par l’insertion au Bulletin officiel. L’insertion préalable au Moniteur constitue un double emploi. La division opérée par l’arrêté du 1er janvier 1844 rend évidente l’inutilité de ce double emploi.

Quand le Moniteur deviendra un organe légal, l’on pourra se borner à insérer au recueil ce qui compose maintenant la première partie du Bulletin.

Messieurs, en présentant le projet, le gouvernement a été mû par la pensée qu’il était convenable d’envoyer le Moniteur dans toutes les communes, de faire connaître ainsi la loi et le commentaire de la loi, de mettre les administrations communales à même de bien connaître les motifs de la loi, par les discussions qui l’avaient précédée, et de leur communiquer d’une manière complète l’esprit et la portée des dispositions législatives. On a craint que cela ne donnât lieu à des abus et n’occasionnât des dépenses trop fortes, soit pour les communes, soit pour l’Etat.

Les observations qui m’ont été faites à ce sujet dans le sein de la section centrale m’ont engagé à renoncer à l’envoi du Moniteur dans toutes les communes, en rendant seulement l’abonnement facultatif pour les administrations communales. J’ai renoncé à cette partie du projet, qui pouvait être abandonnée sans faire perdre aux autres dispositions du projet leur caractère d’utilité. Cette modification que la section centrale, d’accord avec moi, a introduite au projet, en nécessite une autre quant au Recueil officiel ; du moment où le Moniteur n’est plus envoyé à toutes les communes, il devient nécessaire d’imprimer dans le Recueil les lois et arrêtés généraux sans exception, tandis que dans le principe les lois et arrêtés d’une application usuelle auraient dû seules y être insérées.

Ainsi la seule modification véritable qui soit apportée à l’état de choses actuel est celui-ci : le délai, à dater duquel les lois et arrêtés royaux deviendront obligatoires, commencera à courir du jour de l’insertion au Moniteur ; cette insertion, fait patent, sera substituée à un fait qui restait inconnu : celui de la promulgation.

On donnera de la publicité à un fait qu’il est important de connaître, et qui maintenant n’en a aucune ; on évitera ainsi l’inconvénient grave que présente la loi de septembre 1831. en un mot, l’insertion au Moniteur indiquera d’une manière publique, et non contestable que la loi votée par les chambres a été sanctionnée par le Roi.

Voilà la modification essentielle, apportée par le projet de loi à la loi de 1831 ; cette modification constitue en quelque sorte toute la loi, elle me semble conforme à tous les principes sur la promulgation et la publication des lois.

L’insertion au Moniteur est nécessaire, mais elle est insuffisante par deux motifs : 1° par le motif que j’ai indiqué que le Moniteur ne sera pas envoyé à toutes les communes ; 2° parce que le Moniteur devant contenir non-seulement les lois et arrêtés royaux d’une application générale, mais encore toutes les lois et tous les arrêtés concernant seulement des localités ou des individus, les recherches dans le Moniteur seraient très-difficles. Une espèce de code est donc indispensable ; il contiendra toutes les lois, tous les arrêtés généraux, il aura la même authenticité que le Moniteur, sans renfermer les dispositions qui n’offrent aucun intérêt général.

Dans le projet de loi, le gouvernement avait dit :

« Art. 5. Le gouvernement fera réimprimer, dans un recueil spécial, les lois et arrêtés d’une application usuelle, avec une traduction flamande ou allemande, pour les communes où l’on parle ces langues. »

Je répète ce que je disais tout à l’heure : Si le Moniteur avait été le seul organe légalement officiel, s’il avait été envoyé partout où le Bulletin est envoyé maintenant, cette disposition aurait dû être maintenue, parce qu’il suffisait alors, pour l’usage qu’on pouvait en faire, d’avoir un recueil comprenant toutes les lois et tous les arrêtés qui peuvent usuellement s’appliquer.

Maintenant que le Moniteur n’est pas envoyé à toutes les communes, il est évident qu’il faut insérer dans ce recueil d’autres lois que celles qui sont d’une application usuelle. Ainsi les budgets, qui ne sont pas des lois usuelles, mais des lois annales, devront être insérées au Recueil. Il en est de même de plusieurs arrêtés qui peuvent n’avoir qu’une application temporaire, quoique générale.

Je propose donc de modifier ainsi la rédaction de l’art. 5. :

« Art. 5. Le gouvernement fera imprimer dans un recueil spécial les lois et arrêtés avec une traduction flamande pour les communes où l’on parle cette langue.

« Néanmoins ne seront pas insérés dans ce recueil, les lois et arrêtés dont l’objet sera purement individuel ou local. »

Messieurs, ce que je propose ici n’est pas une innovation ; c’est tout simplement rétablir ce qui existait jadis en vertu de toutes les dispositions antérieures qui avaient créé un Bulletin des lois. C’est ainsi que le décret du 7 juillet 1791, avait déjà indiqué que l’on ne devait imprimer dans le recueil que les lois et arrêtés d’une exécution générale. Semblable principe avait été établi par le décret de frimaire an II, le décret de thermidor an II et la loi du 12 vendémiaire an IV, en enfin par l’avis du 7 janvier 1813. Sous le royaume des Pays-Bas, la même disposition a été établie par un arrêté du 10 décembre 1830, elle a été maintenue par le gouvernement provisoire. Ainsi le Recueil sera véritablement rendu à sa destination primitive. On n’y insérera que ce qui doit y être inséré, c’est-à-dire, les lois et les arrêtés d’une application générale, et quant aux dispositions d’un intérêt purement local, d’un intérêt purement individuel, on pourra se borner à les insérer dans le Moniteur, et à les notifier aux individus que la chose concerne spécialement.

Messieurs je me réserve de justifier les différents articles du projet de loi, quand nous serons arrivés à la discussion des articles. Je demande seulement la permission à la chambre de répondre dès à présent un mot à ce (page 519) qu’a dit l’honorable M. Desmet qui ne me paraît pas partisan du projet qui vous est soumis.

D’abord, messieurs, l’honorable membre a critiqué le format actuel du Moniteur. Il me semble cependant que ce format est infiniment plus commode que celui qui existait jadis. Le format du Moniteur actuel, quant à la hauteur, est celui des pièces de la chambre ; ce sera donc le format de toute la collection législative.

L’ancien format du Moniteur était excessivement difficile pour les recherches ; si l’on considérait le Moniteur comme un autre journal, si l’on se bornait à le lire pour ne plus y recourir plus tard, évidemment l’ancien format serait tout aussi bon que le nouveau. Mais l’honorable M. Desmet a probablement déjà fait des recherches dans l’ancien Moniteur et il a pu remarquer combien ces recherches sont difficiles. Il aura aussi remarqué qu’avant le 1er janvier, le Moniteur n’était pas divisé en deux parties, que les discussions de la chambre occupaient souvent une partie des premières colonnes. Or, maintenant les discussions des chambres sont publiées séparément. Il y aura des tables séparées et pour le Moniteur et pour les discussions des chambres et les recherches seront infiniment moins fastidieuses.

D’après le format actuel du Moniteur il sera possible de n’en publier que la moitié quand il y aura absence de lois et d’arrêtés ou de communications intéressantes. D’un autre côté, les discussions des chambres seront toujours publiées séparément.

Le Moniteur contiendra donc deux collections séparées, ce qui sera un grand avantage, et, d’un autre côté, il n’y aura pas accroissement de dépenses, puisque quand les discussions des chambres exigeront des suppléments nombreux et qu’il n’y aura pas, soit des nouvelles intéressantes à communiquer, soit de lois ou arrêtés à publier, le Moniteur pourra être imprimé sur demi-feuille. Ainsi, il y aura avantage sous le rapport de la facilité des recherches, et il n’y aura aucune augmentation de dépenses.

Remarquez, messieurs, que le Moniteur et le Bulletin officiel seront maintenus imprimés dans le même local et que la composition du Moniteur servira à l’impression du Bulletin officiel, ce qui procurera une économie notable pour l’impression de ces deux recueils.

L’honorable M. Desmet ne croit pas à cette économie ; il croit, au contraire, à une augmentation de dépenses ; mais l’honorable membre part d’un fait tout à fait inexact ; il dit que le Bulletin officiel rapporte maintenant au gouvernement, que le gouvernement a des abonnés à ce Recueil. C’est là une erreur. Le gouvernement n’a pas d’abonnés au Bulletin officiel, c’est l’imprimeur qui a des abonnés et qui en profite.

M. Desmet – Il rapporte par les communes.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Si le Bulletin officiel rapporte par les communes, le nouveau Recueil rapportera également par les communes.

Il n’y aura qu’une seule innovation sous ce rapport : c’est que le nouveau Recueil sera moins volumineux que le Bulletin officiel ; et que, par conséquent, le prix de l’abonnement pourra être diminué ; voilà la différence qu’il y aura. J’ai, du reste, des calculs pour établir quel sera le prix du Moniteur et du Recueil ; je ferai usage de ces calculs lorsque nous serons arrivés aux articles qui concernent les abonnements.

L’honorable membre ne veut pas de l’exemption du timbre pour le Moniteur ; il prétend qu’il ne faut pas donner au gouvernement une faveur qui lui permettrait de lutter à armes inégales contre la presse. Si le Moniteur était simplement un journal, l’honorable membre aurait parfaitement raison ; mais le Moniteur n’est journal qu’accessoirement ; la mission première du Moniteur, c’est de reproduire les lois et arrêtés, de les reproduire d’une manière légale, officielle. Or, le Bulletin des lois est exempt dès maintenant de la formalité du timbre, et je ne vois pas pourquoi, lorsqu’on donne une existence légale au Moniteur, on irait établir le timbre pour cette publication destinée principalement, je le répète, à reproduire les lois et les arrêtés.

Les suppléments du Moniteur, ainsi que ceux des autres journaux, qui contiennent le compte-rendu des discussions des chambres, sont déjà exempts du timbre. Ainsi les deux parties les plus importantes du Moniteur, sont dès aujourd’hui affranchies du timbre, et ce serait pour quelques nouvelles qui se trouvent dans le journal que le journal tout entier serait soumis au timbre.

Je ferai remarquer, messieurs, que cette question est assez peu importante, car le Moniteur est envoyé gratis à la plupart des fonctionnaires, et dès lors le timbre ne rapporte, en définitive, rien au gouvernement.

L’honorable M. Desmet voudrait que la loi désignât les fonctionnaires qui doivent recevoir le Moniteur ; car, dit-il, on pourrait abuser de la loi, on pourrait envoyer le Moniteur à une foule de fonctionnaires ; on pourrait même l’envoyer à des bourgmestres. Messieurs, si on envoyait gratuitement le Moniteur aux bourgmestres, on enfreindrait évidemment la loi, puisqu’elle porte que l’abonnement est facultatif pour les communes.

L’intention de la chambre et du gouvernement relativement à cette disposition, n’est nullement douteuse, puisque c’est précisément pour interdire l’envoi gratuit aux communes que la disposition a été introduite par amendement. L’abus que redoute l’honorable M. Desmet est donc tout à fait impossible. Les chambre exerceront tous les ans leur contrôle sur la manière dont la loi sera exécutée par le gouvernement. Le budget comprend chaque année une somme destinée au Moniteur, il est facile d’établir combien de numéros on peut tirer au moyen de la somme qui est accordée, et dès lors la seule fixation de cette somme suffira pour empêcher l’abus que l’honorable membre redoute.

Il est donc tout à fait inutile de dire dans la loi quels sont les fonctionnaires qui pourront recevoir le Moniteur ; cela serait, du reste, peu désirable, car dans le cours de l’année certains fonctionnaires qui ne reçoivent pas encore le Moniteur, demandent à le recevoir ; quelquefois ces réclamations sont reconnues fondées, et alors on y fait droit. Or, cela deviendrait impossible si les fonctionnaires qui doivent recevoir le Moniteur étaient désignés par la loi.

Enfin, messieurs, l’honorable membre a terminé en avançant un fait que je dois relever, parce qu’il n’est pas du tout exact. L’honorable M. Desmet, prenant en main les intérêts de l’ancien imprimeur du Bulletin officiel, a dit que cette impression lui avait été enlevée pour être donnée à l’imprimeur d’un journal ; ce fait est inexact, le local où se compose le Moniteur est également celui où se compose le Bulletin officiel ; c’est l’imprimeur qui depuis 1834 est chargé de l’impression du Moniteur et qui continue de l’imprimer, qui est en même temps chargé de l’impression du Bulletin officiel. La composition se fait dans l’imprimerie du Moniteur, dans un local appartenant à l’Etat.

M. Verhaegen – Les planches se transportent dans l’imprimerie d’un journal et ce journal en profite.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Si le journal en profite et profitait déjà de l’impression du Moniteur depuis que cette impression se fait dans ses ateliers, voici le motif pour lequel l’impression du Moniteur se fait dans les ateliers où s’imprime également le journal auquel M. Verhaegen fait allusion : c’est qu’il existe dans ces ateliers une presse mécanique, tandis qu’il n’en existe pas encore dans les ateliers du Moniteur. On a été forcé de recourir à cette presse mécanique à cause de l’époque fixe à laquelle le Moniteur doit paraître. Certes, les membres de la chambre seraient les premiers à se plaindre si le Moniteur ne paraissait pas exactement et régulièrement.

Le tirage du Moniteur a donc lieu dans des ateliers où s’imprime encore un autre journal ; mais cela n’est que provisoire, le tirage du Bulletin aura provisoirement lieu de la même manière ; mais plus tard une adjudication publique sera annoncée, et tous les intérêts pourront concourir. Il est donc impossible de voir dans ce qui s’est passé la moindre arrière-pensée ; il est impossible de supposer que les mesures qui ont été prises l’ont été en vue de favoriser quelqu’un au détriment d’un autre. Je repousse de la manière la plus formelle tout reproche semblable qui me serait adressé, et j’espère qu’en faisant cette déclaration, je serai cru de la chambre. Du reste, ce qui est plus formel encore, c’est la déclaration que je renouvelle, que je suis très-loin d’être décidé à maintenir le contrat qui existe entre le gouvernement et l’imprimeur du Moniteur et que très-probablement, si la loi est votée, il y aura une adjudication publique, non pas cette année, ce serait impossible, mais l’année prochaine. Il est donc impossible de me supposer l’intention qu’on me prête, et la chambre ne s’associera pas sans doute à la supposition de l’honorable M. Verhaegen.

M. Rodenbach – Messieurs, la majorité des sections a demandé un autre mode de promulgation des lois et arrêtés ; M. le ministre vient de prouver la nécessité d’une innovation à cet égard. Je ne m’occuperai donc point de la question d’utilité ; je ne m’occuperai que de la question financière. J’apprends avec infiniment de plaisir, dans l’intérêt de l’Etat, que M. le ministre se propose d’adjuger publiquement l’impression du Moniteur. Si l’on suit ce mode, l’opération financière ne sera pas mauvaise, mais si l’on continue à faire imprimer le Moniteur pour compte du gouvernement, je crois qu’elle serait détestable.

Maintenant le Moniteur coûte 70,000 fr. et quoi qu’on en ait dit le Bulletin officiel donne un bénéfice de plus de 17,000 fr. ; car, d’après le contrat avec l’imprimeur, le gouvernement ne paye que 23,500 fr. et la vente du Bulletin rapporte 41,000 fr. Il faut déduire ce bénéfice de ce que coûte le Moniteur. Ainsi il ne coûte guère plus de 50,000 fr.

Mais avec le système du projet de loi en discussion, il me paraît évident qu’il faudra moitié plus de papier qu’à présent. On augmentera ainsi beaucoup les frais ; car pour un journal qui a un assez fort tirage, les frais de composition sont relativement insignifiants ; c’est le papier qui est la plus grande dépense.

Je crois qu’avec ce système la somme que coûte le Moniteur pourrait bien être doublée.

J’apprends que l’intention formelle de M. le ministre est d’adjuger publiquement l’impression du Moniteur. Voilà pourquoi je suis porté à donner mon assentiment à plusieurs articles de la loi.

Quant à l’exemption du timbre, s’il n’y avait pas d’adjudication publique, ce serait pour l’imprimeur un avantage ; ce pourrait être la source de grands bénéfices. Mais puisqu’il y aura adjudication publique, la modification me paraît bonne.

M. Desmet – Je désire répondre un mot à l’honorable ministre de la justice.

D’abord nous sommes d’accord que la composition se fait dans les ateliers du Moniteur, appartenant au gouvernement, et que l’impression se fait ailleurs. M. le ministre de la justice sait où elle se fait ; elle est faite par une société ; dans les mêmes ateliers où s’imprime le Moniteur, il s’imprime également un autre journal.

Il est un fait constant, c’est qu’on a brusquement enlevé l’impression du Bulletin officiel à l’ancien imprimeur de ce recueil, même avant le vote de la loi.

Mais ce qui est important, c’est la vente des exemplaires. Qui fait cette vente depuis le 1er janvier ? Il faut pour cela un contrat quelconque.

(page 520) L’honorable ministre de la justice, pour répondre à notre observation portant sur ce qu’il y aurait de dangereux à supprimer le timbre, dit que les suppléments des journaux qui contiennent le compte-rendu des débats des chambres ne sont pas timbrés et qu’un recueil de lois et d’arrêtés ne doit pas être timbré. Si le Moniteur ne contenait pas autre chose, je ne serais pas opposé à la suppression du timbre. Mais il n’en est pas ainsi ; j’ai entre les mains un numéro du Moniteur. Après quelques lignes d’officiel, j’y lis entre les débats des chambres françaises et des articles de fonds.

Le Moniteur est un journal qui contient des articles de fond, qui défend l’opinion du gouvernement. Il doit donc être soumis au timbre comme les autres journaux, pour qu’il n’y ait pas d’atteinte portée à la libre concurrence.

M. Verhaegen – J’ai demandé la parole, parce qu’il m’importe tout d’abord de déclarer que, dans la section centrale, j’ai combattu le principe du projet, comme je le combattrai encore aujourd’hui.

Messieurs, il faut réduire le projet à ses véritables éléments : de la manière dont on vous le présente maintenant, après les changements qu’on y a apportés, je n’y vois autre chose que la substitution d’une imprimerie à une autre. Toutefois j’y trouve une disposition, celle de l’art. 7, qui porte atteinte aux droits de la presse indépendante.

Je dois une réponse à une insinuation que s’est permise à mon égard M. le ministre de la justice. Messieurs, c’est une chose vraiment singulière, lorsqu’on articule des faits et qu’on en déduit des conséquences, que l’on fasse le reproche de suspecter les intentions et cependant le plus souvent on ne s’occupe pas des intentions, comme, en effet, dans l’espèce, on ne s’est pas occupé le moins du monde de l’intention de M. le ministre de la justice.

L’honorable M. Desmet a articulé un fait ; j’ai corroboré ses assertions sans attaquer les intentions de l’honorable M. d’Anethan. Le fait est exact, on le reconnaît, et les conséquences que nous en déduisons sont tellement logiques, que le ministre vient de promettre de faire cesser l’abus au moyen d’une adjudication publique.

Toutefois, remarquons que la réponse faite à M. Desmet par M. le ministre de la justice ne détruit pas l’objection, car avant l’existence du journal auquel il a été fait allusion, le Moniteur s’imprimait quelque part ; M. le ministre de la justice sait probablement où, et nous pouvons demander naturellement comment il se fait que l’imprimerie de ce journal ait été, pour l’impression du Moniteur, substituée à l’imprimerie qui existait dans le local de l’Etat. L’observation de M. Desmet est donc restée entière, et M. le ministre de la justice n’y a pas répondu. Encore une fois je ne veux pas suspecter les intentions mais les faits sont là, et parlent assez haut pour que toutes réflexions soient inutiles.

Et voyez, messieurs, d’après l’article 7 du projet, le Moniteur est exempt de la formation du timbre et circule en franchise, on doit reconnaître que les rapports du Moniteur avec un journal ministériel présentent de graves dangers en ce que la concurrence à la presse indépendante est dès lors très-possible de la part du gouvernement.

Il ne faut pas voir, messieurs, la position telle qu’elle se dessine aujourd’hui, il faut la voir telle qu’elle pourra exister dans un an, dans deux ans et plus, et à ce point de vue toutes les opinions sont intéressées au débat.

Le Moniteur, objecte M. le ministre, n’est un journal proprement dit qu’accessoirement…. Aujourd’hui, c’est possible. Mais ce qui n’est que l’accessoire aujourd’hui, pourra être le principal demain. Qui empêcherait, par exemple, le gouvernement de prendre à son service un homme qui manie bien les ciseaux et un rédacteur qui fît de bons articles de fonds ? Si l’on trouvait dans le Moniteur des nouvelles bien arrangées et de bons articles de fonds, pourquoi ceux à qui conviendrait l’opinion dominante, l’opinion qui dominerait dans la rédaction, ne s’y abonneraient-ils pas comme à tout autre journal ? d’autant plus, qu’outre les articles de fonds bien rédigés, et les nouvelles, ils y trouveraient encore les débats des chambres ; évidemment ce serait une concurrence à laquelle la presse indépendante ne résisterait point.

Ce droit de franchise de timbre est donc un droit exorbitant, à moins qu’il ne soit posé comme jalon à la suppression complète du timbre, auquel cas j’en veux bien ; car je considère comme une injustice criante l’impôt perçu sur la manifestation des opinions par la presse.

Messieurs, des intérêts privés sont froissés d’ailleurs par le projet du gouvernement ; et la question de principe, la seule qui donnait quelqu’intérêt à la mesure proposée a disparu ; d’après le projet, l’abonnement au Moniteur était obligatoire pour toutes les communes, et j’approuvais cette idée. Je trouve, en effet, qu’il serait convenable d’éclairer le pays sur tout ce qui se passe au sein de la représentation nationale ; cette disposition si sage et si utile, le ministre l’a rayée et il l’a remplacée par un article qui ne rend obligatoire que l’abonnement à un extrait du Moniteur, très-imparfait d’ailleurs.

Mais alors pourquoi fallait-il faire disparaître le recueil qui a existé jusqu’aujourd’hui et qui était imprimée par une ancienne famille, respectable à tous égards et qui a fait des sacrifices dans les premiers temps de la révolution On veut ruiner cette famille en attribuant à d’autres ce qui constitue sa dernière ressource ; je sais, messieurs, que nous ne devons pas nous occuper ici d’intérêts privés ; mais lorsqu’il s’agit d’un simple déplacement d’intérêts de cette nature, je crois que cette observation peut trouver ici sa place.

Je termine mes observations générales ; car je me réserve de revenir sur les articles, et de vous démontrer, entre autres, que l’économie qu’on vous annonce, est illusoire. Je dirai dès à présent, qu’en imprimant le Moniteur en deux parties, les dépenses seront nécessairement plus fortes, car il faudra souvent du remplissage ou pour la première ou pour la seconde partie, tandis qu’en confondant les blancs seront toujours utilisés.

M. de Theux – Messieurs, j’approuve la pensée du gouvernement, en tant qu’elle concerne la publicité plus prompte et plus régulière des lois et des arrêtés d’intérêt général. Mais à part cette disposition, le projet me paraît susceptible de diverses critiques.

En premier lieu, je demanderai pourquoi on change la forme de la publication des lois. Cette formule a été adoptée par les chambres législatives qui ont succédé immédiatement au congrès et qui étaient composées en grande partie des anciens membres du congrès national. Les chambres ont cru devoir exprimer, par la formule de publication, la part que prenait le Roi dans le pouvoir législatif.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je demande la parole.

M. de Theux – Ainsi, il était dit : « Nous avons de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit. » Or, le nouveau projet ne laisse plus entrevoir la part que le Roi prend au pouvoir législatif. Il semblerait même que la loi est parfaite par le seul vote des chambres et que le Roi ne fait qu’en ordonner la publication. Telle n’est pas cependant la position de l’autorité royale en Belgique. L’exercice du pouvoir législatif est d’une telle importance qu’il fat que la part que les chambres et le Roi y prennent, soit constamment sous les yeux du peuple. Je pense donc que c’est une malheureuse innovation qu’on a présentée à cet égard.

D’autre part, messieurs, le pouvoir exécutif appartient au Roi, et c’est précisément à cause de cette disposition de la Constitution que la loi de 1831 ajoutait la formule : « Mandons et ordonnons que les présentes revêtues du sceau de l’Etat, soient adressées aux cours, tribunaux et aux autorités administratives, pour qu’ils les observent et fassent observer comme loi du royaume. »

Or, voilà encore une disposition qui disparaît du nouveau projet.

J’arrive maintenant à l’objection qui a été faite par les honorables MM. Desmet et Verhaegen, en ce qui concerne l’impression du Moniteur. Je crois que cette impression devrait être adjugée publiquement ; je crois aussi que, pour éviter des critiques semblables à celle qui vient d’être faite, il faudrait qu’il fût inséré dans les conditions de l’adjudication que l’imprimeur du Moniteur ne pourra imprimer aucun autre journal. Alors disparaîtra complètement tout soupçon de partialité.

J’arrive à l’exemption du timbre.

Il est évident que le recueil des lois et arrêtés doit être exempt du timbre, mais il n’en est pas de même en ce qui concerne le Moniteur-Journal ; le Moniteur-Journal doit être dans les mêmes conditions que les autres journaux ; il faut qu’il soit passible du timbre comme il l’a été jusqu’ici ; c’est alors que les conditions d’égalité seront observées pour tous les organes de l’opinion. Le Moniteur, dont le gouvernement se sert, à bon droit, pour faire des communications au public, pour expliquer ses actes, doit se trouver dans la même position que les autres journaux ; il faut que les abonnés du Moniteur payent un prix analogue à celui que payent les abonnés des autres journaux.

Pour rendre ma pensée plus sensible, je désirerais que M. le ministre de la justice nous donnât des renseignements sur les frais d’abonnement, tant du Moniteur-Recueil des lois et des arrêtés que du Moniteur-Journal. J’ai lieu de croire que ces frais, moyennant l’exemption du timbre, en ce qui concerne le journal, seraient extrêmement faibles, et que dès lors l’abonnement pourrait être à très bas prix. Cela justifierait complètement l’observation que j’ai présentée.

Maintenant, en ce qui concerne l’abonnement des communes, je pense que le Moniteur ne doit pas être envoyé gratuitement aux communes, et que si celles-ci veulent s’abonner au Moniteur, elles ne peuvent le faire qu’en vertu d’une délibération du conseil communal. Il s’agit d’une dépense à la charge de la commune, elle ne peut donc être votée que par le conseil communal, et cette dépense, comme toutes les autres dépenses communales, doit être soumise à la formalité de l’approbation. La rédaction du rapport de la section centrale laisse, à cet égard, quelqu’incertitude. Nous nous en occuperons quand nous seront arrivés à l’article.

Je n’en dirai pas davantage dans la discussion générale. Je me réserve de prendre la parole, lors de la discussion des articles.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, je commencerai par répondre un mot à ce qu’a dit l’honorable M. Rodenbach. L’honorable membre a semblé craindre que le Moniteur coûtât maintenant plus cher que par le passé, si l’on y insérait toutes les lois et tous les arrêtés. Messieurs, cette insertion a déjà lieu aujourd’hui ; il n’y a en cela aucune innovation ; la dépense ne sera donc pas augmentée.

Il y a plus, c’est que le format actuel du Moniteur permet de n’en publier que la moitié ; jadis, lorsque le Moniteur était in-folio, il fallait, en l’absence des chambres, que les quatre pages du journal fussent remplies ; aujourd’hui, il est possible de n’en publier que la moitié. Il y aura donc là un grand progrès. L’observation de l’honorable M. Rodenbach n’est donc pas fondée.

Répondant à une observation de l’honorable M. Desmet, je ferai remarquer que le Bulletin est envoyé et remis au gouvernement. Le contrat provisoire qui a été passé, concerne l’impression du Recueil ; mais c’est le gouvernement qui servira les abonnés, comme il sert les abonnés du Moniteur. Le contrat provisoire qui autorise l’impression du recueil dans les ateliers du Moniteur, ne donne pas à l’imprimeur le droit qu’avait l’ancien imprimeur du Recueil, d’en vendre des numéros à son profit.

L’honorable M. Verhaegen a trouvé extraordinaire que je me sois élevé contre l’intention qu’il me prêtait. « Je ne vous ai pas prêté d’intention, m’a-t-il dit, j’ai cité des faits et j’en ai déduit des conséquences. »

(page 521) La conséquence que l’honorable M. Verhaegen en déduisait, entre autres, était que le gouvernement avait eu l’intention de favoriser une personne, au détriment d’une autre, et l’honorable M. de Theux l’a si bien compris ainsi, qu’il a engagé le gouvernement à ouvrir une adjudication publique pour prévenir les reproches de partialité qui étaient adressés au gouvernement.

Revenant sur ce qui avait été dit relativement à l’impression du Moniteur, l’honorable M. Verhaegen a fait observer qu’avant l’existence du journal auquel il faisait allusion, le Moniteur s’imprimait dans les ateliers où il est composé, et qu’il ne voyait pas pourquoi l’on avait changé ce qui se faisait alors.

Je ferai remarquer, à mon tour, à l’honorable membre que, depuis quatre ans, et par conséquent bien avant l’apparition du journal dont il s’agit, le Moniteur n’est plus imprimé dans les ateliers du Moniteur, que le tirage se fait au moyen d’une presse mécanique, à la suite d’un arrangement intervenu entre le propriétaire de cette presse et l’imprimeur du Moniteur. Le motif qui a porté l’imprimeur du Moniteur à faire cet arrangement, c’est la nécessité que lui impose le contrat passé avec le gouvernement, de faire paraître régulièrement le Moniteur. Du reste, c’est un arrangement dans lequel le gouvernement n’est pas entré et ne devait pas entrer : c’est une question tout à fait en dehors du contrat que le gouvernement a fait avec l’imprimeur qui est chargé, depuis 1834, de l’impression du Moniteur. Du reste, ce qui se passe ici, se passe également en France. A Paris, il n’est pas rare de voir le tirage de journaux de couleur différente s’effectuer dans les mêmes ateliers par une presse mécanique.

L’honorable membre auquel je réponds a dit encore que le projet est maintenant tout à fait défiguré, et il n’y voit même plus qu’un déplacement d’intérêts privés.

D’abord, je ne conçois pas comment on peut venir parler d’intérêts privés, alors que j’ai annoncé qu’il y aurait une adjudication publique, et que le particulier qui est momentanément lésé pourra y prendre part comme tous les autres imprimeurs. Je ne conçois pas davantage comment l’honorable membre ne voit plus rien dans le projet, depuis la modification à laquelle j’ai consenti. Mais il me semble que les avantages que j’ai signalés dans mon premier discours, restent debout, et sont d’une telle importance que le sort du projet de loi ne peut être douteux à mes yeux.

L’honorable M. Verhaegen voudrait que le Moniteur ne contînt que les lois et les arrêtés. Ce serait supprimer le Moniteur en réalité, ce serait perdre les avantages d’un journal paraissant quotidiennement ; vous n’auriez du Moniteur que le titre, vous auriez en fait le Bulletin seul. Ainsi, tous les inconvénients qui se rattachent à la publication actuelle des lois, subsisteraient dans le système de l’honorable M. Verhaegen.

L’honorable M. de Theux est d’accord avec l’honorable M. Verhaegen pour combattre la suppression du timbre que j’ai proposée.

J’ai dit que cette suppression était réellement peu importante. En effet, la plupart des numéros du Moniteur sont envoyés gratuitement aux fonctionnaires publics ; le nombre des abonnés est excessivement restreint ; la question pourrait présenter plus d’intérêt, si par la suite, le nombre des abonnés venait à s’accroître.

Mais le motif pour lequel je pense qu’il n’est pas convenable de maintenir le timbre, c’est que le Moniteur deviendra réellement un journal officiel et légal, chargé de la publication des lois et des actes du gouvernement. Sous ce rapport, je crois qu’il n’est pas nécessaire d’imprimer le sceau du timbre sur le journal officiel.

Le journal officiel, comme bulletin des lois et arrêtés, doit être exempt du droit de timbre ; la dernière partie, celle qui comprend les débats des chambres, en est également exempte. Si des lois et arrêtés remplissent entièrement la première partie, on s’écarterait de la législation existante en la soumettant au timbre.

J’ai pensé que le Moniteur étant principalement destiné à la publication des lois et des débats des chambres, il était préférable de faire dominer ces deux parties et qu’elles devaient amener la suppression du timbre pour tout le journal ; pourquoi, en effet, faire dominer la partie la moins importante et soumettre le journal au timbre en vue de celle-ci ?

Je pense que les avantages du nouveau système proposé sont saillants. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit, parce que je pense qu’aucun des arguments que j’ai fait valoir pour établir ces avantages n’a été réfuté.

Il me reste à répondre à l’honorable M. de Theux qui trouve le projet mauvais en tant qu’il modifie la formule de promulgation des lois. L’honorable membre prétend que, d’après la formule que je propose, la royauté serait en quelque sorte effacée ; l’honorable membre prétend que, d’après cette formule, on pourrait croire qu’il suffit du vote des chambres pour que la loi soit parfaite. Ce reproche n’est nullement fondé. La prérogative du Roi, dans la formule proposée, apparaît d’une manière bien tranchée et comme il convient, sous notre régime constitutionnel.

J’ai suivi à la lettre la Constitution, je pense qu’on ne pouvait pas prendre de meilleur guide. L’art. 69 dit : « Le Roi sanctionne et promulgue les lois. » Ce sont les expressions dont je me suis servi ; je dis : « Les chambre ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit : »

N’est-ce pas la marche constitutionnelle de la confection des lois ? Peut-on dire que la formule de la loi de 1831 soit meilleure ? Elle porte : « Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et ordonnons ce qui suit : »

Cette formule n’est sans doute ni meilleure ni plus logique que celle que je propose. Le Roi ne décrète pas de commun accord avec les chambres. Les chambres adoptent ; et quand elles ont adopté, vient la sanction royale qui seule donne au projet le caractère de loi ; la formule proposée constate donc elle-même qu’après l’adoption des chambres rien n’est fait, si la sanction du Roi manque ; l’intervention des pouvoirs qui collectivement font la loi est définie et respectée, la prérogative royale est mentionnée en termes bien formels. Le Roi annonce que les chambre ont adopté et qu’il sanctionne la loi dont la teneur suit. Après que cette sanction est donnée, usant de ses prérogatives, le Roi promulgue la loi, c’est-à-dire qu’il ordonne qu’elle soit revêtue du sceau de l’authenticité et qu’elle sera publiée par la voie du Moniteur ; je pense qu’il ne faut pas en dire davantage. Laisser subsister la formule de la loi de 1831 me paraît inutile ; du moment que la loi existe, elle devient obligatoire par sa propre force, sans que le Roi doive en ordonner l’exécution à laquelle aucun citoyen ne peut se soustraire.

La formule de la loi de 1831 laisse donc à désirer ; j’ai cherché à la modifier suivant l’esprit et les termes de la Constitution. Je crois que les critiques de l’honorable membre manquent de fondement. Dans toute circonstance, je respecterai et défendrai les prérogatives constitutionnelles du Roi. Dans le cas actuel, je n’ai pas manqué à ce devoir.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, comme plusieurs honorables préopinants, je reconnais qu’il y a quelque chose à faire pour améliorer la partie de la législation dont nous nous occupons maintenant. Je pense qu’en effet le mode actuel de publication des lois laisse beaucoup à désirer ; des améliorations doivent nécessairement y être introduites. Mais je ne pense pas qu’il faille pour cela adopter le projet qui vous est soumis par le gouvernement, ni même celui que vous propose la section centrale. Je pense qu’on a dépassé le but, qu’on a été plus loin que les améliorations auxquelles on aurait dû se restreindre. D’abord, par l’art. 1er, on change la formule adoptée depuis 1831. Je dis plus, adoptée (erratum, p. 597) depuis près de 30 ans pour la promulgation des lois.

On fait ce changement sans indiquer aucun motif plausible. Voilà une formule à laquelle nous sommes habitués, qui ne présente aucun inconvénient, on juge à propos d’y en substituer une autre ; on prétend que les termes dont on s’est servi dans la nouvelle formule reviennent à ceux de la formule précédente, qu’ils signifient que le Roi fait partie du pouvoir législatif, qu’il prend part à la confection des lois.

Si la nouvelle formule dit cela aussi bien que l’ancienne, prouve-t-on qu’elle le dise mieux ? En aucune façon. Alors pourquoi changer ? La formule claire et précise de la loi de 1831 a été exécutée depuis cette époque sans inconvénient, comme elle l’avait été sans inconvénient depuis 1815. Je demande pourquoi le changement qu’on propose ?

La loi de 1815 était la loi fondamentale ; elle portait : « A ces causes, votre conseil d’Etat entendu, et de commun accord avec les Etats-Généraux, nous avons statué comme nous statuons par les présentes, etc. »

La Constitution de 1815 accordait également au Roi le droit de sanctionner les lois et de les promulguer ; c’était la forme adoptée par la Constitution pour la sanction et la promulgation. Personne a-t-il trouvé que cela n’exprimait pas d’une manière assez claire que le Roi sanctionnait et promulguait ?

En 1831, les trois branches du pouvoir législatif, alors qu’on faisait une nouvelle loi sur la sanction et la promulgation des lois, ont trouvé convenable d’adopter la même formule qui, depuis 15 ans, était employée dans le pays : « Nous avons, de commun accord avec les Chambre, décrété et nous ordonnons ce qui suit : » Cela explique que la loi n’est pas seulement l’œuvre des chambres, mais du (erratum, p. 597) Roi et des deux chambres. Puisque cela exprime cette vérité de la manière la plus claire, cette rédaction est bonne. (erratum, p. 597) On n’a trouvé en 1831 aucune bonne raison pour changer cette formule, dont le sens n’offrait de difficulté pour personne. Je trouve même que cette rédaction est beaucoup plus conforme à l’art. 26 de la Constitution qu’on a eu certainement sous les yeux quand on a rédigé la loi de 1831 :

« Le pouvoir législatif s’exerce collectivement par le Roi, la chambre des représentants et le sénat. »

Quelle meilleure expression pour dire que la loi a été rendue par le pouvoir législatif s’exerçant collectivement par le Roi et les chambres, que de mettre dans la bouche du Roi qui proclame la loi :

« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit » ?

Je pense que c’était là l’expression la plus convenable ; et celle qu’on veut y substituer, fût-elle aussi convenable, ce n’est pas un motif pour la changer. Par cela seul je repousserai la proposition qui vous est faite.

La formule de la loi de 1831 se terminait de la manière suivante :

« Mandons et ordonnons que les présentes, revêtues du sceau de l’Etat, insérées au Bulletin officiel, soient adressées aux cours, tribunaux et aux autorités administratives, pour qu’ils les observent et fassent observer comme loi du royaume. »

Ce « mandons et ordonnons » qui a été ajouté à toutes les lois depuis 1831, qui l’a été également aux lois de l’Empire, on le supprime. Pourquoi ? Ni le projet ni le rapport de la section centrale ne nous en donnent les motifs, cependant il faut convenir que ce langage que l’on donne au chef de l’Etat promulguant la loi a quelque dignité, quelque majesté, qu’il n’y avait pas de motif plausible pour retrancher cette disposition de la loi, puisqu’on ne l’a pas retranchée en 1831. En 1831 cependant alors qu’on était encore bien près d’une révolution, on n’a pas été effrayé de prêter au chef de l’Etat un langage digne, un langage qui eût de la majesté. Aujourd’hui on veut réduire son langage à ces expressions si sèches :

« Promulguons la présente loi, ordonnons qu’elle soit revêtue du sceau de l’Etat et publiée par la voie du Moniteur. »

Je demande que l’on justifie un pareil changement.

On dit qu’on a suivi l’ordre logique de la Constitution. La Constitution (page 522) dit (art. 69) que « le Roi sanctionne et promulgue les lois. » Voici quelle serait, d’après le projet de loi, la formule de sanction et de promulgation :

« Les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit : (loi) Promulguons la présente loi, ordonnons qu’elle soit revêtue du sceau de l’Etat et publiée par la voie du moniteur. »

Mais est-ce que tout cela ne se trouve pas dans le même ordre logique dans la formule déterminée par la loi du 19 septembre 1831 ? Lorsque le Roi dit : « Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit, » n’est-il pas évident qu’il sanctionne la loi ? Lorsqu’il ajoute : « Mandons et ordonnons que les présentes, revêtues du sceau de l’Etat, insérées au Bulletin officiel, soient adressées aux cours, tribunaux et aux autorités administratives, pour qu’ils les observent et fassent observer comme loi du royaume. », n’est-il pas évident qu’il promulgue la loi ? Car, qu’est-ce que la promulgation, sinon le mandement du chef de l’Etat, par lequel il ordonne la publication de la loi et son envoi à toutes les autorités ? Ainsi, le mode actuel de promulgation est parfaitement convenable ; (erratum, p. 597) le projet ne présente sous ce rapport aucune amélioration.

La loi du 19 septembre 1831 contient, du reste, une disposition qui, je le reconnais, présente de graves inconvénients : au lieu de faire partir du jour de la publication le délai à dater duquel la loi est obligatoire, comme le fait le projet de loi, la loi de 1831 fait courir ce délai du jour de la promulgation ; de sorte que s’il arrivait que, par une circonstance quelconque, la promulgation de la loi ou l’arrivée du Bulletin officiel dans les provinces eût été retardée, la loi se trouverait obligatoire avant qu’elle dût être raisonnablement réputée connue. Il est vrai que c’est un grave inconvénient, le projet de loi a pour but d’y parer ; il contient une disposition qui tend à faire courir le délai à dater de la date de la publication. J’admets cette disposition.

La publication officielle des lois et arrêtés a lieu maintenant dans le Bulletin officiel. D’après le projet de loi, le Moniteur remplacerait le Bulletin pour cette publication. Je n’admets pas cette disposition ; je ne pense pas qu’il y ait des motifs suffisants pour cette substitution.

Sur ce point, je ferai d’abord une observation ; aujourd’hui c’est le Bulletin qui est l’organe de la publication des lois ; mais aussi c’est le Bulletin qui est adressé aux autorités et aux communes. C’est tout à fait logique. Aujourd’hui ce serait le Moniteur qui serait l’organe officiel, et ce serait le Bulletin, ne contenant qu’une réimpression de la loi qui serait imposé aux communes. Il y a dans cette combinaison quelque chose d’illogique. Puisque c’est le Bulletin qui est imposé aux communes, il est l’organe officiel pour la publication. C’est de la date du Bulletin qu’on doit faire courir le délai.

Je crois que l’on doit nécessairement admettre cette conséquence. Est-il vrai d’ailleurs qu’il y ait dans le mode actuel de publication des inconvénients auxquels on ne puis pas remédier ?

On dit que, par le Moniteur, la publication sera plus prompte, plus assurée que par le Bulletin ? Pourquoi cela ? Parce que, dit-on, le Moniteur porte sa date, que c’est un journal expédié quotidiennement avec exactitude. Mais il est possible qu’il en soit de même pour le Bulletin. Est-ce que le Bulletin ne pourrait pas porter sa date comme le Moniteur ! Je me suis aperçu que maintenant, ou plutôt pendant les années qui viennent de s’écouler, car maintenant on ne distribue plus de Bulletin officiel, ce Recueil porte sa date.

Est-ce qu’il est impossible que le Bulletin soit expédié avec la même exactitude qu’un journal ? On n’a pas dit un mot pour contester cette possibilité.

Il est vrai que le mode suivi, ces années écoulées, est tout à fait vicieux ; mais il n’est vicieux que dans l’exécution. Pourquoi ? Parce qu’après que le Bulletin est imprimé, il est envoyé au ministre de la justice, qui le fait expédier à de hauts fonctionnaires, lesquels le distribuent à d’autres fonctionnaires, lesquels, à leur tout, le distribuent aux communes.

Ainsi, un numéro du Bulletin, avant de parvenir aux communes, passe par trois ou quatre mains, est l’objet de trois ou quatre envois successifs ; ce qui occasionne une perte de temps considérable. Mais est-il nécessaire qu’il en soit ainsi ? ne serait-il pas aisé d’expédier directement le Bulletin de l’imprimerie aux communes ? Que faudrait-il pour cela ? Que l’on eût à l’imprimerie du Bulletin la liste des personnes qui doivent le recevoir, que l’on fît des bandes et qu’on expédiât sous bandes le Bulletin à ces personnes.

Vous voyez donc que les inconvénients que l’on met en avant ne sont pas réels. Il ne faut pas substituer le Moniteur au Bulletin, pour amener un changement favorable.

On a dit, en deuxième lieu, que ce qui exigeait des délais, c’était la nécessité des traductions. Mais je crois que la traduction des lois doit être bientôt faite, surtout si vous considérez que la loi est connue avant qu’elle soit sanctionnée. Avant que la loi soit soumise à la sanction du Roi, il faut le concours des deux chambres, elle a dû être adoptée par une des deux chambres avant d’être soumise à l’adoption de l’autre chambre. Vous concevez que, dans cet intervalle, on a tout le temps de faire la traduction de la loi. Ainsi il doit être facile au gouvernement d’avoir une traduction toute prête pour la moment de la sanction, surtout dans les cas urgents. Dans ceux qui ne présentent pas un caractère d’urgence, on n’insérera la loi au Bulletin que quand on aura la traduction. Un retard d’un jour ne présentera, dans ce cas, aucun inconvénient.

En troisième lieu, on a fait valoir que le Moniteur est plus répandu que le Bulletin, qu’il donnera plus de publicité à la loi. Si c’est le motif déterminant, je demande pourquoi c’est le Moniteur qu’on choisi pour organe de la publication de la loi ? Pourquoi ne s’informe-t-on pas quel est le journal le plus répandu de la Belgique, pour lui donner la préférence ? car le Moniteur n’est certainement pas le journal le plus répandu.

On dit que le Moniteur est adressé à certains fonctionnaires, mais ces fonctionnaires (notamment dans l’ordre administratif et dans l’ordre judiciaire) reçoivent également le Bulletin officiel. Ce n’est donc pas sous ce rapport qu’il y a plus de publicité dans un cas que dans l’autre.

Quant au public, il lit toutes sortes de journaux qui publient les lois ; car chaque journal les recueille et les publie.

S’il fallait un journal, et un journal répandu pour publier officiellement les lois, c’est le journal le plus répandu qu’il faudrait prendre.

Je ne trouve donc pas d’avantage à la substitution du Moniteur au Bulletin. J’y trouve, au contraire, un inconvénient grave, surtout d’après le projet primitif, qui imposerait le Moniteur à toutes les communes, qui accorderait au journal du gouvernement un privilège exorbitant.

Mais je trouve un inconvénient qui n’est guère moins grave dans le projet de la section centrale ; car que résulterait-il de ce projet ? Que le journal du gouvernement aurait le privilège d’être livré à bas prix, à un prix si bas qu’il serait impossible aux autres journaux de soutenir la concurrence contre ce journal privilégié. Vous devez refuser votre assentiment à une mesure qui serait une véritable atteinte à la liberté de la presse ; en effet, le gouvernement confisquerait ainsi à son profit le monopole de la presse ; car son journal aurait sur les autres journaux un avantage marqué, puisqu’il serait dispensé du timbre, qui est la grande dépense des journaux.

J’ai entendu un honorable membre dire qu’il admettrait cette suppression du timbre, si c’était un acheminement à la suppression du timbre de tous les journaux.

Messieurs, nous ne devons pas admettre de disposition semblable, sous prétexte que ce serait un acheminement à la suppression du timbre des journaux ; parce que s’il était question de supprimer le timbre de tous les journaux, il devrait être proposé, à cet égard, une disposition formelle qui serait l’objet d’une discussion spéciale. S’il y a des motifs à donner pour la suppression, il y a des motifs à donner contre, et de motifs très-graves, entre autres l’intérêt du trésor public. Cette question ne doit pas être emportée ainsi en quelque sorte par l’adoption d’un préliminaire inaperçu. Il faut qu’une disposition semblable soit annoncée franchement, discutée, et votée librement et en pleine connaissance de cause. Je pense, d’ailleurs, que telle est aussi l’intention de l’honorable membre auquel je réponds.

M. Verhaegen – Certainement.

M. Dubus (aîné) – Je ne pense donc pas, messieurs, que vous puissiez voter la disposition de la section centrale qui accorde au Moniteur, au journal de l’Etat un privilège que je ne puis admettre. On dira que ce journal contient rarement des articles de fonds, qu’il ne se livre presque jamais à la polémique habituelle des journaux. Mais une fois que le gouvernement sera armé d’un pareil moyen, lorsqu’il aura à sa disposition un journal qu’il pourra faire préférer partout aux autres journaux, il sera grandement tenté d’en faire un instrument de sa politique.

Un honorable membre, tout en s’opposant au projet de loi, a fait remarquer que cependant il, y avait dans le projet primitif des dispositions qui avaient un côté favorable en ce qu’elles initieraient tout le pays, les habitants du moindre hameau, aux débats politiques. Il trouvait à cela un grand avantage.

Messieurs, je ne suis pas convaincu que ce soit là un grand avantage. Aujourd’hui, dans l’état actuel de la presse, tout ceux qui ont quelques loisirs et quelque aisance, ont le temps, les moyens et l’occasion de s’initier à tous les débats politiques. Mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire de provoquer à le faire les habitants des moindres hameaux, qui n’y pensent pas, qui ont d’autres occupations dont il ne me parait nullement utile de les distraire pour les contraindre, en quelque sorte, à faire de la politique malgré eux. Je ne pense pas qu’une pareille mesure soit une mesure véritablement gouvernementale.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. La sanction et la promulgation des lois se feront de la manière suivante :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut,

« les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit :

(Loi)

« Promulguons la présente loi, ordonnons qu’elle soit revêtue du sceau de l’Etat et publiée par la voie du Moniteur. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, nous arrivons à l’article 1er. Il me donne l’occasion de répondre à ce que vient de dire l’honorable M. Dubus, qui a critiqué la formule que je propose pour la sanction et la promulgation des lois.

L’honorable membre prétend qu’il n’y avait aucun motif de changer ce qui existait dans la loi de 1831. Il a prétendu que ce qui existait dans cette loi existait déjà depuis 1815 et qu’il n’y avait pas de raisons d’innover, alors que l’innovation n’était nullement justifiée. L’honorable membre s’est appuyé sur l’art. 26 de la constitution pour soutenir que la formule de la loi de 1831 était aussi logique que celle que je propose et était tout aussi conforme à l’esprit et à la marche tracée, pour la confection des lois, par la Constitution.

Cet art. 26 porte : « Le pouvoir législatif s’exerce collectivement par le Roi, la chambre des représentants et le sénat. »

Mais, messieurs, en citant l’art. 26, l’honorable membre aurait dû faire attention au texte de l’art. 69 de la Constitution qui détermine très-clairement (page 523) la manière dont le pouvoir de faire les lois s’exerce par le Roi et par les chambres. Certes, il faut la réunion des trois volontés, il faut la réunion de la volonté du sénat et de la volonté du Roi pour qu’une loi soit parfaite. Mais de quelle manière s’annoncent ces volontés ? C’est ce que nous indique l’art. 69 : le Roi doit sanctionner la loi pour qu’elle ait force et vigueur, après qu’elle a été adoptée par les chambres. Il est dès lors évident que c’est le projet qui vous est soumis qui se trouve dans l’ordre logique et constitutionnel et non la loi de 1831. Je ne conçois pas pourquoi on n’adopterait pas la formule que je propose et qui est littéralement copiée sur la Constitution.

Certes, messieurs, s’il ne s’était pas agi de changer ce qui s’est pratiqué jusqu’à présent quant à la publication des lois et des arrêtés, personne n’aurait pensé à vous présenter un projet de loi spécial pour donner une rédaction plus logique à la formule de sanction et de promulgation des lois. Mais il me paraît que dès l’instant où l’on apportait des modifications essentielles à la loi de 1831, c’était le cas de voir si la formule en usage était convenable et s’il n’y avait pas lieu de la modifier. C’est ce qui s’est fait presque toujours, lorsqu’on s’est occupé de la publication des lois ; c’est ce qui, entre autres, s’est fait en France depuis 1830, où l’on a adopté aussi une nouvelle formule de sanction et de promulgation des lois.

Ce que je viens de dire se rapporte à la première partie de la formule : « les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit, » est ce qui indique de la manière la plus claire qu’il y a un acte séparé, un acte émanant uniquement du pouvoir exécutif qui est la sanction…

M. d’Huart – Il adopte collectivement avec les chambres.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Le roi n’adopte pas les lois ; aux termes de la Constitution il les sanctionne et les promulgue ; mais il est impossible, me paraît-il, de dire que le Roi adopte. Cela ne serait certainement pas constitutionnel. Le Roi peut faire proposer les lois par ses ministres, et puis il les sanctionne ; mais ce sont les chambres seules qui adoptent. Il me semble que cela est évident aux termes de la Constitution ; il me paraît impossible d’admettre une formule où l’on mettrait que le Roi a adopté avec les chambres.

M. d’Huart – Voyez l’art. 26 de la Constitution.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – L’article 26 parle de l’exercice du pouvoir législatif en général. Il dit que le Roi, ainsi que les chambres, doit intervenir dans la confection des lois. Or, le Roi intervient en les faisant proposer et défendre par ses ministres. Après cela, les chambres adoptent les lois, et les ministres qui les défendent, au nom du Roi, peuvent ne pas faire partie de la législature, et, par conséquent, ne pas concourir à leur adoption. Evidemment, on ne peut pas dire que le pouvoir exécutif adopte. Le pouvoir exécutif concourt à la loi, mais il y concourt d’après les pouvoirs que lui donne la Constitution, c’est-à-dire par la présentation et par la sanction. Je ne conçois donc pas comment, en présence de l’art. 69 de la Constitution, on pourrait rejeter la formule que je propose et qui est calquée sur l’art. 69 lui-même.

Vient ensuite la promulgation ou l’ordonnance de publier la loi.

Le projet propose cette formule : « Promulguons la présente loi, ordonnons qu’elle soit revêtue du sceau de l’Etat et publiée par la voie du Moniteur. »

L’honorable M. Dubus trouve que ce mandement n’est pas convenable. Il dit que la formule de la loi de 1831 est infiniment préférable, que celle que je vous propose est excessivement sèche. Je persiste à soutenir que la formule que je propose est préférable à celle de la loi de 1831, d’abord parce qu’au lieu de ces mots : « Mandons et ordonnons que la présente loi », on se sert des termes de la Constitution et on dit : « Promulguons la présente loi. » Ainsi, ce sont les termes de la Constitution que nous employons, et il me semble qu’il est impossible de mieux faire.

Je ne conçois donc pas en quoi l’on peut trouver que la formule que je propose est trop sèche, est moins digne que la formule employée jusqu’ici.

Après ces mots : « Promulguons la présente loi, » nous suivons le même ordre que la loi de 1831. Celle-ci disait : « Ordonnons qu’elle soit revêtue du sceau de l’Etat et insérée au Bulletin officiel. » Nous disons : « Ordonnons qu’elle soit revêtue du sceau de l’Etat et publiée par la voie du Moniteur. » Ici, il n’y a donc aucune espèce de différence, si ce n’est la suppression des mots : « qu’elle soit adressée aux cours, tribunaux et aux autorités administratives pour qu’ils les observent et fassent observer comme loi du royaume. »

Eh bien, messieurs, j’avoue que je ne comprends pas le motif de cette addition : la loi elle-même indique que les lois devront être envoyées aux cours et tribunaux, et je ne vois pas réellement pourquoi on insérerait cela dans la formule de la promulgation. Ce ne sont pas seulement les cours et tribunaux qui doivent observer la loi ; tous les citoyens doivent l’observer ; la formule de la loi de 1831 serait donc incomplète, si elle n’était pas inutile. Je pense qu’il devient maintenant nécessaire de donner au Bulletin un caractère officiel. Je proposerai à cet égard une disposition qui trouvera sa place à la fin de la loi ; peut-être pourrait-on même ajouter, à la fin de la formule après les mots : « et publiée par la voie du Moniteur, » ceux-ci : « et du Recueil des lois. »

On demande ce qui arriverait si les deux textes n’étaient pas d’accord. Les deux textes seront toujours d’accord, puisque la même composition servira pour le Moniteur et pour le recueil. Il pourrait arriver cependant que le Recueil ne fût imprimé que le lendemain et qu’on s’aperçût dans l’intervalle qu’une faute se serait glissée dans le Moniteur ; alors on corrigerait la faute dans le Recueil et on insérerait le même jour un erratum au Moniteur.

Je ferai voir tout à l’heure qu’il y a à donner à la publication par le Moniteur un caractère officiel et les grands inconvénients qui résulteraient de l’adoption d’une autre marche.

Je pense donc, messieurs, que la formule que j’ai proposée doit être maintenue et je persiste à croire qu’elle est plus logique et plus constitutionnelle que celle qu’elle est destinée à remplacer.

M. Lys, rapporteur – Messieurs, la section centrale a donné, à l’unanimité, son assentiment à l’art. 1er. (Réclamations de la part de M. Verhaegen.) Si l’honorable membre ne se trouvait pas à la réunion, je ne pense pas que cela m’empêche de dire qu l’article a été adopté à l’unanimité, je m’y croyais d’autant plus autorisé, que dans une séance précédente à laquelle il assistait, il n’a pas fait la moindre objection.

Je dirai donc que la disposition a été adoptée à l’unanimité des membres présents. Certainement s’il ne s’était pas agi de changer le mode de publication des lois, on n’aurait pas songé à changer la formule de promulgation ; mais puisque des modifications étaient nécessaires dans le mode de publication, nous avons pensé qu’il fallait saisir cette occasion pour améliorer également ce qui concerne la promulgation. C’est ainsi que nous avons supprimé le « Mandons et ordonnons » comme une chose tout à fait inutile ; ce sont là des longueurs qui n’ont aucun intérêt quelconque. Il suffisait à la section centrale que la nouvelle proposition fût, mot pour mot, conforme à l’art. 69 de la Constitution. En effet ce n’est pas selon moi, l’art. 26 qu’il fallait consulter, car le Roi peut proposer une loi, cette loi peut recevoir l’assentiment des chambres, elle ne sera pas pour cela obligatoire, elle ne sera pas loi avant que le Roi ne l’ait sanctionnée. Je crois donc, je le répète, que c’est l’art. 69 de la Constitution qu’il faut consulter dans cette circonstance. Or, cet article se borne à dire : « Le Roi sanctionne et promulgue les lois. » Eh bien, le projet suit littéralement ces expressions et c’est, je pense, ce qu’on pouvait faire de mieux, car il ne faut pas insérer dans la loi des choses dont l’inutilité peut-être généralement reconnue.

Je pense donc, messieurs, que l’art. 1er doit être adopté tel qu’il est proposé.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, j’ai peine à m’expliquer pourquoi l’on viendrait changer une formule de promulgation des lois, qui est en usage depuis si longtemps, et qui, à ma connaissance, n’avait jamais donné lieu à aucune critique. J’ai peine à m’expliquer cela ; car, en définitive, je ne vois dans les motifs allégués à l’appui du changement proposé, qu’une vaine dispute de mots, un puéril jeu de mots. Parce que la Constitution dit que le Roi sanctionne et promulgue les lois, on veut que le Roi dise : « Je sanctionne ; » qu’il dise : « Je promulgue ». Mais si le Roi, sans se servir des mots : « Je sanctionne, je promulgue, » sanctionne et promulgue en effet, je crois que cela suffit. Qu’est-ce que la promulgation ? Suivant les auteurs, c’est l’acte par lequel le Roi atteste au corps social l’existence de la loi, lorsqu’il en ordonne l’exécution, il n’est pas nécessaire qu’il se serve des expressions : « Je promulgue. » Il en est de même de la sanction. Qu’est-ce que (erratum, p. 597) la sanction ? c’est l’acte par lequel le Roi approuve la loi ; eh bien, s’il l’approuve, est-il indispensable qu’il emploie l’expression : « Je sanctionne ? » On ne fait donc pas la critique de la formule suivie jusqu’ici et adoptée, non-seulement sous le régime actuel, mais encore sous le régime précédent ; on n’en fait pas la critique lorsqu’on dit que la Constitution se sert des mots : « sanctionne et promulgue. » Ces mots ont une signification et si cette signification se trouve dans la formule en vigueur, c’est tout ce qu’on peut exiger.

Du reste, messieurs, cette formule est parfaitement d’accord avec l’art. 26 de la Constitution, et je persiste à croire que c’est cet article qui doit être invoqué ici. Dans d’autres articles, la Constitution dit de quelle manière chaque branche du pouvoir législatif concourt à la confection des lois, mais l’art. 26 n’est que le résumé de ces articles ; il porte : « Le pouvoir législatif est exercé collectivement par le Roi et les chambres. » Eh bien, si le pouvoir constituant a fait un bon résumé, le pouvoir législatif a fait également un bon résumé dans la loi du 19 septembre 1831 ; car il a employé à peu près les mêmes expressions. Si, au lieu de ces expressions qui résument tout, vous voulez des détails, mettez alors des détails complets ; dites : « Nous avons proposé aux chambres, elles ont adopté, article par article, puis par un vote sur l’ensemble, et nous sanctionnons… »

Un membre – Et l’initiative des chambres…

M. Dubus (aîné) – Eh bien, alors on distinguera les circonstances où l’initiatives a été prise par le Roi et celles où l’initiative aura été prise par l’une ou l’autre des deux chambres ; mais il est inutile d’entrer dans tous ces détails et l’on a fait, au contraire, très-sagement, de s’en tenir au résumé de l’art. 26. A ce résumé, vous voulez substituer une espèce d’énumération et vous la faites incomplète.

Quant au reste de la formule que l’on critique en disant que les mots : « mandons et ordonnons » sont des redondances, je ferai remarquer que ce sont des redondances auxquelles nous sommes habitués depuis 30 ans, et je ne vois aucun motif de les supprimer. Nous sommes d’autant plus habitués à ces expressions qu’elles se trouvent même dans les formules des jugements et des arrêts. Voilà qu’à la suite de cette loi il faudra aussi changer la formule qui est adoptée pour ordonner l’exécution des jugements et arrêts, formule encore bien plus ancienne, et cela sous prétexte de redondance. Mais à quoi bon changer ce qui est adopté depuis longtemps et qui ne présente pas le moindre inconvénient ?

On allègue encore qu’il est inutile de dire dans la formule que la loi sera adressée aux cours et tribunaux ; mais alors il est inutile aussi de dire qu’elle sera revêtue du sceau de l’Etat et insérée soit au Moniteur soit au (page 523) Bulletin officiel, dites cela dans l’un ou l’autre article de la loi et supprimez entièrement cette formule sous prétexte qu’elle est inutile. Ce sera tout aussi conséquent que ce qu’on propose ; mais, je le répète, cette formule est usitée depuis longtemps, elle a d’ailleurs quelque dignité, quelque majesté, et dès lors je ne vois aucun motif de la changer.

Je m’opposerai donc à l’adoption de l’art. 1er ; il me paraît que la disposition de la loi du 19 septembre 1831 suffit, et qu’il n’y a aucun changement à y apporter.

- L’art. 1er est mis aux voix ; deux épreuve sont douteuses.

On procède au vote par appel nominal. En voici le résultat :

65 membres ont répondu à l’appel.

33 ont répondu oui.

32 ont répondu non.

En conséquence, l’art. 1er est adopté.

Ont répondu oui : MM. Cogels, Coghen, d’Anethan , de Corswarem, de La Coste, de Meester, de Prey, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Donny, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Kervyn, Lys, Meeus, Mercier, Nothomb, Pirmez, Pirson, Sigart, Smits, Thyrion, Van Cutsem, Van Volxem, Zoude, Liedts et Dechamps.

Ont répondu non : MM. Brabant, David, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Naeyer, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux, d’Huart, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Fleussu, Lesoinne, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Morel-Danheel, Orts, Osy, Rodenbach, Scheyven, Simons, Vanden Eynde, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII et Wallaert.

Motion d'ordre

M. Verhaegen – Je demande la parole pour une motion d’ordre.

Messieurs, il se présente ici une question digne de fixer votre attention et dont la chambre s’est occupée déjà lorsqu’elle a adopté un mode nouveau d’appel nominal.

M. le ministre des travaux publics est entré dans la salle, après que son nom avait été appelé ; son tour était donc passé, je pense dès lors qu’il ne lui état plus permis de voter. Dans l’appel nominal qui vient d’avoir lieu, il y a 33 voix, y compris celle de M. le ministre des travaux publics qui s’est prononcé pour, et 32 contre. Or, sans la voix de M. le ministre des travaux publics, il y avait 32 voix pour et 32 contre, et la proposition était rejetée.

La question est en définitive de savoir si M. le ministre des travaux publics en arrivant ici après l’appel nominal, pouvait encore voter ? Messieurs, en décidant que l’on tirerait au sort le député par le nom duquel commencerait l’appel nominal, la chambre a voulu qu’on ne pût pas spéculer sur le vote qu’on avait à émettre.

M. le président – Aux termes de l’art. 27 du règlement, le bureau devrait, à la rigueur, faire un réappel pour tous les membres qui n’ont pas répondu au premier tour. Ainsi, d’après cet article, le membre qui n’a pas répondu au premier tour, peut répondre au réappel.

M. Verhaegen – Alors, la chambre n’a rien fait en déclarant que l’on tirerait au sort le député par le nom duquel commencerait l’appel nominal ; rien n’empêche, dans ce cas, d’aller dans l’antichambre, pour revenir au réappel, voter dans tel ou tel sens, selon les circonstances, selon les convenances, et de spéculer sur le résultat.

Du reste, mon observation constate que, sans l’arrivée de M. le ministre des travaux publics, la proposition du gouvernement était rejetée.

Rapport sur une pétition

M. Manilius, au nom de la commission permanente d’industrie – Messieurs, dans votre séance du 15 janvier courant, une commission signée de plus d’un millier d’ouvriers de Gand, attachés aux raffineries travaillant les sucres exotiques ou indigènes, a été renvoyée à votre commission permanente d’industrie,avec demande d’un prompt rapport.

Après examen de cette pétition, votre commission a décidé qu’attendu que ces travailleurs belges usaient du droit de se plaindre, par pétition, d’un manque de travail, il convenait de soumettre cette supplique à la sollicitude du gouvernement, qui, par respect pour l’ordre, ne peut manquer d’y fixer son attention.

Le gouvernement, d’ailleurs, ayant déclaré qu’il s’occupait de la loi concernant cette industrie, il est convenable qu’il examine la question relative à la situation fâcheuse des ouvriers pétitionnaires.

Votre commission conclut donc, messieurs, sans rien préjuger sur la question des sucres en elle-même, à demander à la chambre le renvoi de cette pétition aux ministres de l’intérieur et des finances ; de même pour une pétition datée de Bruxelles, et signée par six fabricants de noir animal qui, par les mêmes causes, réclament pour atteindre le même but : le travail.

- Le double renvoi est ordonné par la chambre.

Projet de loi prescrivant un nouveau mode de sanction, de promulgation et de publication des lois et arrêtés

Discussion des articles

Article 2

M. le président – Nous sommes arrivés à l’art. 2, ainsi conçu :

« Art 2. Les lois, aussitôt après leur promulgation, seront insérées au Moniteur, qui remplacera, pour la publication, le Bulletin officiel.

« Elles seront obligatoires dans tout le royaume le 10e jour, après celui de la publication, à moins que la loi n’ait fixé un autre délai. »

La section centrale propose dans le 1er paragraphe de substituer le mot « immédiatement » à celui « aussitôt ».

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) déclare se rallier à ce changement.

M. Dubus (aîné) – Je me borne à insister sur les motifs que d’honorables membres et moi avons fait valoir tout à l’heure, pour m’opposer à la substitution du Moniteur au Bulletin officiel. Je continue à penser que le Bulletin doit demeurer le véritable organe pour la publication des lois, qu’il n’y a aucun avantage à y substituer le Moniteur ; qu’il peut, au contraire, y avoir de très-graves inconvénients à cette substitution. Comme il n’y a qu’un moment que j’ai développé mes motifs, je ne les reproduirai pas.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, lorsque j’ai soutenu le principe même de la loi, j’ai développé les motifs qui m’avaient engagé à proposer de substituer le Moniteur au Bulletin officiel.

L’honorable M. Dubus (aîné) a d’abord qualifié cette substitution d’illogique, parce que, dit-il, le Recueil, et non le Moniteur, étant envoyé aux communes, c’est le Recueil et non le Moniteur qui devrait être officiel.

J’ai déjà répondu à l’objection de l’honorable membre, en lui faisant remarquer que, d’après la proposition que je soumettrai à la chambre, quand nous serons arrivés au dernier article de la loi, j’établirai alors que le Bulletin officiel doit, comme le Moniteur, être considéré comme un organe officiel.

Mais quant à la publication proprement dite, je persiste à penser que la date à partir de laquelle commence le délai à l’expiration duquel la loi devient obligatoire, que cette date est celle qui se trouve au Moniteur, et que c’est, par conséquent, du jour de l’insertion au Moniteur, que doit courir le délai.

J’ai exprimé tout à l’heure les motifs de mon opinion ; j’ai dit, et on n’a pas répondu à cette observation, j’ai dit qu’il était impossible d’avoir la même régularité par la publication du Bulletin officiel. Le Bulletin ne paraît que lorsqu’il y a des lois et des arrêtés à publier, et, par conséquent, il ne présente pas, quant à la date, la même certitude qui résulte de l’insertion au Moniteur.

Du reste, si l’on ne donne pas au Moniteur le caractère officiel que je propose de lui donner, si le Moniteur n’acquérait aucun caractère officiel, je dois répéter que les inconvénients qui existent aujourd’hui continueraient à subsister. Le Moniteur contiendrait en vain les lois et les arrêtés d’intérêt général, les lois et les arrêtés d’intérêt local ou individuel, cette insertion ne ferait pas cesser la nécessité de publier, en outre, toutes ces dispositions dans le Bulletin officiel. Nous aurions le double emploi qui existe maintenant : l’insertion sans résultat légal au Moniteur et l’insertion légale au Bulletin officiel. C’est ce double emploi que nous voulons faire cesser. Nous voulons limiter le Bulletin officiel aux lois et arrêtés d’intérêt général, et nous dispenser d’y insérer les autres dispositions qui ne sont pas d’intérêt général. Il faut, à cette fin, qu’il existe un organe légal où ces derniers arrêtés soient insérés ; cet organe, nous l’aurons dans le Moniteur. Le Moniteur et le Recueil sont tous deux officiels. Je n’aperçois pas de motif pour s’opposer à ce que le délai à dater duquel la loi est obligatoire courre de l’insertion au Moniteur ; il court aujourd’hui non de l’insertion au Bulletin officiel mais d’un fait que personne ne connaît : de la promulgation.

Il me semble que les avantages que j’ai signalés comme résultant de l’insertion au Moniteur pour faire commencer le délai légal sont très grands, et ne se rencontrent pas dans l’insertion au Bulletin officiel, à laquelle on attribuerait les mêmes effets ; j’en ai déjà indiqué les raisons.

Au reste, le Recueil officiel contiendra les lois et arrêtés d’intérêt général ; il sera envoyé à toutes les communes, et comme il sera imprimé à l’aide de la composition du Moniteur, il n’y a aucune crainte qu’il y ait la moindre différence entre le texte du Moniteur et celui du Recueil. Je ne puis donc trouver fondées aucune des objections que présente l’honorable M. Dubus.

M. le président – M. Dubus vient de déposer l’amendement suivant :

« (erratum, p. 597. Avant l’erratum, une exception était également prévues pour les communes germanophones) Les lois, immédiatement après leur promulgation, seront insérées au Bulletin officiel avec une traduction flamande pour les communes où l’on parle cette langue ; le texte français demeurera le seul officiel. »

M. Dubus (aîné) – Messieurs, la disposition que je propose n’est que la reproduction d’une disposition semblable qui se trouve dans la loi du 19 septembre 1831 ; c’est-à-dire que je demande qu’on ne change pas ce qui se pratique, que le Bulletin officiel demeure l’organe officiel de la publication des lois. Je ne propose de modification qu’au 1er § de l’article ; le second paragraphe fait partir le délai après lequel les lois sont obligatoires, non plus de la promulgation, mais de la publication même de la loi. Je persiste à penser que cette publication se fera plus convenablement par le Bulletin officiel que par le Moniteur. Je ne vois pas de motif pour changer ce qui se pratique aujourd’hui, j’en vois au contraire pour le maintenir. J’ai fait voir que les véritables inconvénients dont on se plaint on peut y porter remède sans faire la substitution qu’on propose, parce qu’il est aussi aisé de donner une date au Bulletin officiel qu’au Moniteur, qu’il est aussi aisé de faire que cette date soit une vérité pour le Bulletin que pour le Moniteur.

S’il est possible d’expédier un journal le jour de sa date, il est aussi facile d’expédier le Bulletin officiel le jour de sa date ; s’il est possible d’expédier le journal directement de l’imprimerie aux personnes qui doivent le recevoir, sans l’emploi d’intermédiaires qui en retardent l’arrivée, cela se peut également pour le Bulletin officiel. De sorte que les principaux motifs mis en avant pour justifier le changement proposé, manquent de réalité.

Ce que je n’admets pas, c’est que l’organe de la publication des lois soit un journal qui, indépendamment des lois et arrêtés qui doivent être communiqués aux autorités, contienne une foule de choses qu’il est inutile de leur faire connaître. Ce que je ne veux pas, c’est qu’on accorde au gouvernement le (page 525) privilège d’avoir un journal qui serait en même temps l’organe légal de la publication des lois, de sorte qu’il serait nécessairement préféré aux autres journaux.

Puisqu’il faut un journal pour la publication des lois et arrêtés, il faut que ce journal ne concerne que les lois et arrêtés. C’est ce qui existe maintenant, c’est ce que je demande qu’on maintienne, tout en portant remède aux inconvénients dont on se plaint, ce qui est très-facile.

Il y aurait, dit-on, économie, puisqu’on se servirait, pour le Bulletin, de la composition du Moniteur. Mais puisqu’on imprimera les lois et arrêtés au Moniteur, il y aura toujours la même faculté de se servir de la même composition pour les deux autres publications ; il n’est pas nécessaire pour cela de substituer l’un à l’autre, comme organe de la publication des lois. J’insiste sur ce motif que j’ai mis en avant et qui ne me paraît pas avoir été réfuté. Puisque c’est le Bulletin officiel qui sera l’organe obligé de la publication pour les communes, il faut en conclure que ce doit être là le véritable organe officiel.

Ce n’est pas une simple réimpression qui doit être l’organe officiel, un journal auquel les communes ne sont pas tenues de s’abonner, mais c’est le journal que vous imposez. Pourquoi imposez-vous aux communes l’abonnement au Bulletin officiel ? Pour leur donner connaissance officielle de la loi. Dès lors c’est là le véritable journal officiel de la publication des lois et non celui auquel il leur est loisible de ne pas s’abonner. Je ne pense pas qu’on puisse répondre quelque chose de solide à cet argument.

Plusieurs membres – A demain ! à demain !

La séance est levée à 4 ½ heures.