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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 mars 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 989) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners fait l’appel nominal à une heure un quart – La séance est ouverte

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les sieurs Ad. Walhen et compagnie, typographes à Bruxelles, demandent que les impressions ordonnées par la chambre soient mises en adjudication publique ».

- Renvoi à la commission des pétitions


« Le collège des bourgmestres et échevins de la ville de Liége présente des observations en faveur du projet de construction du canal latéral de Liége, de Liége à Maestricht ».

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de canal.


« Les sieurs Braconnier, Adolphe Lesoinne, et autres membres de la commission des charbonnages liégeois présentent des observations en faveur du tracé du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres ».

M. de Renesse – Par pétition datée du 26 février 1845, la commission des charbonnages liégeois s’adresse à la chambre pour appuyer le tracé du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres, dont la concession a été demandée par les sieurs Blyckaerts et Detiège ; la commission pense que cette direction du chemin de fer, à décréter dans le Limbourg, satisfait une plus grande masse de populations et d’industries, que le projet par St-Trond, qui lui paraît d’un intérêt plus secondaire et beaucoup plus exclusif ; que les chemins de fer sont, bien moins que les routes, destinés à desservir respectivement des intérêts des localités, qu’à étendre au loin les relations commerciales et à ouvrir un plus vaste débouché aux richesses industrielles de la Belgique. Elle espère que la représentation nationale donnera la préférence au projet de chemin de fer par Tongres.

J’ai l’honneur de proposer à la chambre de vouloir ordonner le renvoi de cette pétition à la section centrale, chargée d’examiner le projet de loi relatif aux chemins de fer de Jurbise et de St-Trond.

- La chambre ordonne le renvoi de la pétition à la section centrale chargée d’examiner le projet de chemin de fer de Hasselt.


Message du sénat faisant connaître l’adoption par cette chambre des projets de loi relatifs : 1° à un crédit de 300,000 fr. pour rétablir la circulation sur la section du chemin de fer de Louvain à Tirlemont ; 2° à la concession du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse et de ses embranchements.

– Pris pour notification.


Lettre de M. Donny qui demande un congé de trois jours.

- Accordé.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Maertens au nom de la commission des nationalisations, dépose 40 rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces rapports.


M. Delehaye, au nom de la commission des naturalisations, dépose un projet de loi relatif à la naturalisation ordinaire du sieur A.B. Mallet.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi.

Rapports sur des pétitions

M. Cogels, au nom de la commission permanente d’industrie, présente le rapport suivant :

Messieurs, par une pétition en date du 21 janvier, et que vous avez renvoyée à notre examen, MM. Godtschalk et Philips, fabricants de cigares à Bruxelles, demandent un remboursement de droits à l’exportation des cigares fabriqués en Belgique.

La loi relative à un nouvel impôt sur les tabacs, prononcée, en premier lieu par le gouvernement, établissait un droit d’accise fort considérable, aussi bien sur le tabac indigène que sur les tabacs exotiques. La conséquence naturelle de ce système était un remboursement de droit à la sortie, lorsque l’exportation avait lieu régulièrement, par les bureaux de douanes.

C’est la reproduction de cette disposition, écartée par la chambre, par suite des modifications que la loi a subies, que les pétitionnaires ont réclamée du gouvernement, et pour laquelle ils sollicitent l’appui de la législature.

Cette réclamation, au premier aperçu, peut paraître fondée. Si on pouvait s’assurer, en effet, les moyens de ne restituer, à la sortie, que la quotité exacte des droits perçus à l’entrée, on accorderait une juste proportion à une industrie fort intéressante, sans s’exposer à porter le moindre préjudice aux intérêts du trésor.

Votre commission a recherché les moyens d’atteindre ce but, mais elle a reconnu bientôt que les tabacs indigènes n’étant soumis à aucun droit, et les tabacs exotiques, employés à la fabrication des cigares, étant, de l’aveu même des pétitionnaires, soumis à des droits dont le taux est extrêmement variable, il serait difficile de déterminer, avec quelque exactitude, la quotité des droits à rembourser.

Votre commission d’industrie a pris en considération d’ailleurs que, dans notre système actuel, la restitution de droits à la sortie, pour des objets soumis à une fabrication dans le pays, n’était appliquée qu’aux droits d’accise, et qu’on n’en avait fait jusqu’ici aucune application aux droits de douane.

Nous pensons, en conséquence, qu’il serait fort difficile de faire droit à la réclamation des pétitionnaires ; mais cette réclamation, renfermant des renseignements qui pourront être utilement médités par le gouvernement, nous avons l’honneur de vous en proposer le renvoi à M. le ministre des finances.

- Ce renvoi est ordonné.


M. de Saegher, rapporteur de la commission des pétitions – Plusieurs laitiers des environs de Gand ont adressé une pétition à la chambre dans laquelle ils exposent : que depuis la promulgation de la loi du 18 mars 1833 sur la perception du droit de barrière, les laitiers habitant les environs des villes ont toujours transporté leurs produits dans les villes sans avoir été astreints au payement des droits de barrière conformément à l’art 7, §15, de la loi, qui exempte de ces droits les voitures ou animaux transportant directement au marché des légumes, du laitage, etc.

Cependant, dans le courant de l’année 1842, un préposé de barrière des environs d’Anvers dressa procès-verbal à charge d’un laitier, sous prétexte que celui-ci ne transportait point son lait directement au marché, mais le débitant de maison en maison, n’était point exempt du droit. Le tribunal de simple police d’Anvers renvoya l’inculpé de la plainte par le motif qu’en établissant l’exception du § 15 de l’art. 7 de la loi, le législateur avait eu évidemment pour but de favoriser l’agriculture et l’approvisionnement des villes ; que d’ailleurs il n’existait pas de marché au lait à Anvers, et qu’ainsi le prévenu s’était trouvé dans l’impossibilité de satisfaire au prescrit littéral de la loi.

La question ayant été soumise à l’appréciation de la cour de cassation, y reçut une toute autre solution. La Cour décida que le § 15 de l’article 7 précité n’accordant d’exemption qu’aux voitures transportant du laitage dans les villes « directement au marché », il suffit que cette circonstance n’existe pas pour qu’il n’y ait point lieu à l’exemption réclamée.

Cette décision ayant donné l’éveil à d’autre percepteurs des droits de barrière, les laitiers des environs de Gand furent à leur tour l’objet de poursuites judiciaires. Pour leur défense, ils firent valoir les arguments tirés de l’esprit de la loi, de l’usage également admis à Gand d’acheter le lait de porte en porte, ce qui doit faire envisager toute la ville comme ne formant qu’un marché ; enfin de la non-existence d’un emplacement déterminé par l’autorité locale pour y vendre le lait. Le premier juge donna de nouveau gain de cause aux laitiers, mais son jugement, porté devant la cour de cassation, y fut cassé.

C’est dans ces circonstances que les pétitionnaires s’adressent à la chambre afin d’obtenir de la législature une interprétation du § 15 de l’article 7 précité, de manière à exempter les laitiers des droits de barrière.

A l’appui de cette demande, ils développent les arguments qu’ils ont fait valoir devant le premier juge et que nous venons d’indiquer.

Votre commission, messieurs, a reconnu que la question soulevée par les pétitionnaires présente un doute sérieux (page 990), mais elle pense que jusqu’ici il n’y a pas lieu de l’interpréter par voie législative.

En effet, l’art. 23 de la loi du 4 août 1832 porte : qu’il y a lieu à interprétation, lorsqu’après une cassation, le second jugement ou arrêt est attaqué par les mêmes moyens que le premier, et que la cour de cassation, chambres réunies, annule le second arrêt ou jugement.

Or, en l’espèce, la cause dont il s’agit n’a pas été portée devant les chambres réunies de la cour de cassation. Les pétitionnaires ne font pas même reconnaître si le tribunal, auquel la cause a été renvoyée par la cour, a rendu une décision.

La demande des pétitionnaires ne peut donc être accueillie.

Cependant la commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice, afin qu’il examine la réclamation des pétitionnaires et propose, s’il y a lieu, une modification de la loi.

M. Delehaye – Messieurs, je ne comprends pas à quoi se rapporte le correctif placé à côté des conclusions de la commission des pétitions : « s’il y a lieu ». Si la commission veut le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice, pour qu’il propose une loi interprétative, s’il y a lieu ; le renvoi est inutile puisque, comme le dit la commission, il n’y a pas lieu et ne peut y avoir lieu à interprétation.

Ce qu’il faut aux cultivateurs et ce qu’ils demandent, c’est qu’on modifie la loi, en ce qu’elle leur impose un fardeau contraire aux intérêts agricoles. Cette modification n’entre point dans les attributions du ministre de la justice, mais dans celle de l’un de ses collègues, le ministre des finances : ce serait donc à lui que nous devrions envoyer la requête. Je demanderai à M. le rapporteur qu’il veuille bien nous dire ce que, dans son opinion, signifie l’adjonction des mots : « s’il y a lieu ».

M. de Saegher, rapporteur – L’explication est très-facile : les pétitionnaires se sont adressés à la chambre ; ils ont demandé formellement qu’une décision interprétative intervint sur une question de droit. Or, votre commission a reconnu qu’il n’y avait pas lieu à une décision interprétative, puisque la demande des pétitionnaires est formellement contraire à la loi organique de l’ordre judiciaire. Ainsi, tout ce que la commission pouvait faire, c’était d’envoyez la pétition à M. le ministre de la justice.

Par les mots « s’il y a lieu », nous voulons donc laisser à M. le ministre le soin d’examiner la question de droit et de présenter incessamment à la chambre si la réclamation est trouvée fondée, un nouveau projet.

De deux choses l’une : l’initiative doit venir du ministre ou d’un membre de la chambre. Puisque les pétitionnaires se sont adressés à la chambre, la commission a pensé qu’il convenait de renvoyer leur pétition à M. le ministre, attendu qu’aucun membre de la chambre n’a pris l’initiative. Je le répète, c’est tout ce que la commission pouvait faire, et en faisant ce qu’elle a pu faire elle ne s’est pas montrée, je pense, hostile à l’agriculture. Le renvoi ne paralyse d’ailleurs nullement le droit d’initiative qui appartient à tous les membres de la chambre.

M. Delehaye – Messieurs, l’on conçoit facilement que des gens de la campagne qui, tous les jours, portent le laitage en ville, ne comprennent point la différence qu’il y a entre une loi interprétative et une loi modifiant une autre loi ; c’est à nous à suppléer à ce qui manque à leur connaissance de ce chef et à rechercher ce qu’ils demandent. Or, messieurs, dans l’espèce ils demandent qu’on supprime l’impôt qu’on prélève sur leur industrie. Chacun de nous a l’initiative de la mesure qu’ils sollicitent, mais en général nous ne voulons en faire usage, qu’alors que le gouvernement se refuse à faire droit aux réclamations que nous trouvons fondées. Telle est aussi l’intention de la commission. Mais qu’il me soit permis de le dire, ce but ne peut être atteint par le renvoi que l’on propose. M. le ministre de la justice vous répondra qu’il n’y a lieu à interprétation, et il aura satisfait à tout ce qu’on peut exiger de lui. Si, dans sa sollicitude pour l’agriculture, la chambre veut que la réclamation des pétitionnaires soit favorablement accueillie, il faudrait la renvoyer à celui dans les attributions duquel entre l’objet en question ; le ministre des finances devrait donc également être saisi de la pétition ; et si, contre toute attente, le ministère se refusait aux modifications sollicitées, chacun de nous pourrait alors user de son droit d’initiative.

M. de Saegher, rapporteur - L’honorable membre ne juge pas à propos d’user de son initiative pour présenter un projet modificatif, et cependant il critique la commission de ce qu’elle n’a pas trouvé convenable d’entrer dans la question de droit qui a été débattue dans la pétition. Or, je vous le demande, était-il possible à la commission de débattre une question de droit relativement à laquelle une décision de la cour de cassation est intervenue contraire à deux décisions de tribunaux de justice de paix, question de droit dont la chambre n’est pas régulièrement saisie ?

Je crois, messieurs, que dans l’état actuel des choses, ce n’était pas à la commission à examiner cette question. Encore une fois les membres de la chambre ont un droit d’initiative. Le gouvernement peut également vous présenter une proposition. Tout ce que la commission avait à faire, c’était de vous présenter le rapport dans le sens qu’elle l’a fait. Je crois que c’est tout ce qu’il y avait à faire, et vous remarquerez que l’honorable préopinant lui-même est d’accord de point en point avec la commission.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi sur les étrangers

Rapport de la section centrale

Projet de loi qui autorise l'institution d'un conseil de prud'hommes, à Roulers

Rapport de la section centrale

M. Van Cutsem – J’ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur les étrangers, ainsi que le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi autorisant le gouvernement à instituer un conseil de prud’hommes à Roulers.

- Les rapports seront imprimés et distribués. La Chambre met ces deux projets à la suite de son ordre du jour.

Projet de loi réorganisant la poste aux chevaux et les autres services de transport en dehors du chemin de fer

Rapport de la section centrale

M. Lesoinne – J’ai l’honneur de vous présenter le rapport de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à l’organisation de la poste à chevaux et des transports en dehors du chemin de fer.

- Ce rapport est imprimé et distribué.

M. Rodenbach – Messieurs, je demande qu’on veuille bien s’occuper de l’examen de ce projet aussitôt que possible. Peut-être pourrait-on le discuter, après le vote du budget des travaux publics.

Ce projet, messieurs, est aussi urgent qu’important. Voilà huit à dix ans que les maîtres de poste réclament cette loi. Depuis trop longtemps on a négligé leurs réclamations.

M. le président – On propose de faire figurer ce projet à la suite des objets de l’ordre du jour.

M. de Garcia – Messieurs, le projet dont il s’agit a subi l’élaboration de deux ministères. Il a passé déjà aux épreuves de deux sections centrales. Il présente d’ailleurs un certain degré d’urgence, parce que depuis longtemps la poste aux chevaux dans le pays se trouve mal desservie. Cependant ce service est indispensable.

J’appuie donc la proposition de l’honorable M. Rodenbach, tendant à ce que le projet soit discuté autant que possible, après le budget des travaux publics, sauf cependant à respecter l’ordre du jour qui vient d’être fixé pour la loi sur les étrangers.

M. Lys – J’appuie la proposition faite par l’honorable préopinant. Il est d’autant plus urgent d’examiner ce projet de loi, que des charges énormes pèsent sur les maîtres de poste. J’en citerai un seul exemple : le maître de poste de Henri-Chapelle reçoit 2 fr. par poste pour le transport du gouvernement et pour cela il fournit deux chevaux, une voiture, un courrier et un postillon.

- La chambre décide que le projet sera discuté à la suite des objets qui se trouvent déjà à l’ordre du jour.

Motions d’ordre

Distribution du Moniteur belge

M. de Renesse – Messieurs, je désire faire quelques observations sur la distribution du moniteur. Hier, il n’est arrivé à la chambre qu’à une heure et demie ; aujourd’hui il nous est parvenu à midi et demi. Comment voulez-vous que les membres examinent les discours auxquels ils désirent répondre ? Je demande que la questure prenne des mesures pour que dorénavant le moniteur soit distribué au domicile des membres de la chambre à 10 heures au plus tard. Nous devons être dans les sections à 10 heures et ½ et il faut bien que nous puissions examiner le moniteur avant de nous rendre à la chambre.

Je dois dire que ce n’est nullement la faute de MM. les sténographes ; ils remettent en temps utile les discours qu’ils sont chargés de recueillir, mais il arrive parfois que MM. les ministres et d’autres membres retiennent trop longtemps leurs discours pour les revoir.

C’est peut-être là une des causes des retards qu’éprouve la distribution du moniteur. MM. les questeurs pourraient fixer une heure à laquelle tous les discours devraient être renvoyés, faute de quoi l’insertion en serait remise à un autre jour.

Je demande qu’on prenne des mesures pour faire cesser l’état de choses dont je me plains. Il faut que les membres de la chambre puisse lire le moniteur avant de se rendre à la séance.

M. de Garcia – J’appuie l’observation de l’honorable M. de Renesse, mais je crois que pour faire cesser les abus qui existent, il faudrait un règlement déterminant les devoirs de chacun. C’est, je pense, le seul moyen de faire marcher les choses avec régularité. Je prierai le gouvernement de bien vouloir s’occuper de cet objet.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je suis entièrement de l’avis des honorables préopinants, en ce sens qu’il faudrait arrêter que tous les discours qui ne seraient pas restitués au moniteur, par exemple vers 10 heures du soir, ne seraient pas insérés, ou seraient insérés tels qu’ils auraient été rédigés par les sténographes. Quant à moi, je n’accepte pas le reproche qu’a fait tout à l’heure l’honorable M. de Renesse.

M. de Corswarem – Messieurs, la questure a déjà prévenu le désir exprimé par l’honorable M. de Garcia. Il y a plusieurs mois, M. le ministre de la justice nous avait proposé une espèce de règlement relatif aux sténographes ; mais nous avons trouvé qu’il fallait un règlement aussi bien pour les membres de la chambre et pour la direction du moniteur, que pour les sténographes. Nous avons demandé à M. le ministre qu’il voulût bien faire un projet de règlement dans ce sens, et, il y a peu de temps qu’il m’a dit que ce projet serait prêt au premier jour.

Nous avons la conviction que MM. les sténographes ne sont jamais en défaut de remettre leur travail en temps utile ; mais il arrive très-souvent, messieurs, que des membres de la chambre gardent très-longtemps leurs discours pour les revoir ; quelquefois ils les changent complètement, effacent tout d’un bout à l’autre, sans laisser subsister une seule ligne. Rentrés chez eux ils écrivent à tête reposée un nouveau discours, qui n’est souvent remis au moniteur qu’après minuit, ou même le lendemain. Voilà pourquoi nous avons demandé que le règlement obligeât aussi les membres de la chambre. Nous croyons même que ce règlement devra être soumis à l’assemblée, car ni la questure ni le gouvernement n’ont le droit d’imposer des devoirs aux membres de la chambre.

M. de Man d’Attenrode – Depuis longtemps, messieurs, j’avais l’intention de me plaindre de la manière dont le Moniteur est composé. Je me figurais qu’à la suite de la loi qui a été votée récemment, il y aurait au moins quelques améliorations, mais j’ai été trompé dans mon attente (page 991) Il y a quelques jours, c’était une page terminée par un article peu digne du Moniteur, et dont le verso commençait par une fin de nouvelle qui n’avait aucun sens ; tantôt on donne deux fois la même chose, tantôt des pièces importantes sont omises, souvent des mots sont remplacés par d’autres, qui n’ont aucune espèce de sens, la correction se fait de la manière la plus défectueuse. Le fonctionnaire qui est chargé du moniteur vient d’être nommé directeur et cette nomination coïncide précisément avec l’une des incorrections très-graves que je viens de signaler. Je voudrais qu’il fût pris des mesures pour éviter tous ces inconvénients. Les épreuves devraient être revues. La chose est d’autant plus importante que le moniteur remplace maintenant le Journal officiel, qu’on y insère des documents dont l’impression devrait être surveillée avec l’exactitude la plus scrupuleuse.

Industrie du raffinage du sucre

M. Cogels – Messieurs, il y a quelques jours, l’honorable M. Smits a déposé, au nom de la commission d’industrie, un rapport sur des pétitions de raffineurs de sucre et de plusieurs autres industries qui se rattachent à celle-là. Il n’a pas pu donner lecture de ce rapport, et l’on a remis à un autre jour la discussion des conclusions. Comme la question présente un caractère d’urgence, je pense que la chambre voudra bien fixer un jour pour cette discussion. Le rapport a été distribué et tous les membres de la chambre ont pu l’examiner.

M. Eloy de Burdinne – Je demanderai qu’il ne soit statué sur la proposition de l’honorable M. Cogels, que lorsque M. le ministre des finances sera présent.

M. Cogels – Je ne m’y oppose pas.

M. Lys – Messieurs, le 16 janvier 1844, le gouvernement nous a présenté un projet de loi tendant à libérer du nouveau droit une importation de sucre effectuée postérieurement à la loi du 4 avril 1843. Quatre sections sur six ont repoussé ce projet ; la section centrale l’a également repoussé ; cinq membres l’ont rejeté formellement et les deux autres membres se sont abstenus. J’ai présenté ce rapport le 16 février 1844. Vous savez, messieurs, qu’on est venu dire dernièrement que nous avons besoin d’émettre des bons du trésor pour une somme de 300,000 fr. ; il y a ici une somme assez forte à récupérer, et je crois, qu’il y a lieu de mettre le projet dont je viens de parler, à l’ordre du jour, à la suite des objets qui s’y trouvent déjà.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du département des travaux publics de l’exercice 1845

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et Chaussées; canaux, rivières et polders; ports et côtes; bâtiments civils; personnel des ponts et chaussées

Section I. Ponts et chaussées
Article premier

« Article premier.

« A. Entretien des routes d’après les baux existants et ceux à intervenir pour 1845 : fr. 1,762,306 ;

« B. Salaires des préposés aux ponts à bascule : fr. 26,820 ;

« C. Etudes de projets, frais de levées de plans, achats et réparations d’instruments, matériel et impressions du service actif : fr. 20,000 ;

« D. Travaux d’amélioration, réparation extraordinaires et constructions de routes nouvelles : fr. 885,274 »

M. de La Coste – Je veux seulement dire un mot pour appuyer les observations présentées hier, par l’honorable M. de Man d’Attenrode relativement à la route de Léau vers Haelen. Je pense que ces observations méritent toute l’attention de M. le ministre des travaux publics. Il s’agit, pour ainsi dire, de la continuation de la route décrétée par le gouvernement, de Hannut vers Landen. De Dormael cette route sera en quelque sorte, prolongée par une route provinciale jusqu’à Léau. On demande maintenant une section de Léau vers Haelen, et cette section serait ensuite continuée vers Diest. C’est là une route, messieurs, qui rendrait les plus grands services à l’agriculture ; elle traverse une contrée susceptible d’une grande fertilité, mais qui manque de voies de communication. Je prierai M. le ministre des travaux publics de bien vouloir fixer son attention sur cet objet.

- L’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2 Frais d’entretien des plantations et établissement de plantations nouvelles sur les routes de l’Etat : fr. 50,000. »

M. Huveners – Messieurs, je ne dirai que quelques mots sur les plantations le long des routes de l’Etat.

Je ferai observer à M. le ministre qu’on n’est pas très-heureux dans le choix d’essences qu’on fait pour ces plantations. C’est ainsi que dans le Limbourg, sur la route de jonction de Riemst à Mechelen, on vient de planter, en rase campagne, des mélèzes, des larix, qui ne réussissent qu’en groupe, dans les bois ou lorsqu’ils sont garantis des vents.

On y a aussi planté des arbres fruitiers : des noyers. Je ne puis approuver ces essais dans notre pays : lorsqu’on n’est pas à même de préserver les autres essences d’arbres contre la malveillance, contre la destruction, qu’en sera-t-il des arbres fruitiers ? Je ne contesterai pas aux conservateurs des plantations des connaissances en agronomie ; mais je pense qu’ils feraient bien de suivre, en fait de plantations, l’exemple des propriétaires, et de s’en tenir aux essences qui conviennent aux différentes qualités de terrains et qu’on voit parfaitement réussir dans les environs.

Messieurs, j’ai demandé principalement la parole pour appeler l’attention du gouvernement sur un fait plus important, je veux parler du choix des sujets à planter. Sur la route que je viens de citer, les neuf dixièmes ne sont pas droits ou ils sont trop faibles ; ils ne promettent aucun avenir. On ne peut comprendre comment les agents du gouvernement aient pu les accepter ; aussi dit-on généralement que le gouvernement est indignement trompé dans les plantations. J’engage M. le ministre des travaux publics à prendre des mesures pour que de pareils abus ne se renouvellent point.

M. Rodenbach. - Messieurs, dans la Flandre occidentale et notamment dans l’arrondissement qui m’a envoyé dans cette enceinte, les meuniers demandent en vertu de quelle disposition le gouvernement exige 75 centimes par an pour chaque arbre qu’il consent à ne pas planter dans le voisinage de leurs moulins. Il faut certainement qu’on plante des arbres le long des grandes routes, mais on ne peut pas planter ces arbres de manière à empêcher l’exercice d’une industrie. Or, les meuniers sont évidemment lésés lorsqu’ils ont devant leur moulin des peupliers du Canada par exemple, qui retiennent le vent dont cette industrie a besoin.

Lorsqu’il est nécessaire qu’ils aient le vent, que l’on abatte des arbres, on leur fait payer 75 c. par arbre. C’est un impôt qu’on prélève. Je ne sais si l’on peut, en vertu d’une instruction ministérielle, percevoir un impôt sur le vent. Je trouve que c’est un impôt vexatoire et arbitraire.

M. de Garcia – Je regrette de devoir attaquer une mesure prise par le gouvernement ; je veux parler de l’institution d’inspecteurs des plantations le long des chemins de fer, des routes de l’Etat et des canaux. Je le regrette d’autant plus que, pour faire de l’opposition, il faut que je sois entraîné par la force des choses et par une profonde conviction.

M. de Haerne – C’est la meilleure opposition.

M. de Garcia – Je ne puis me rendre compte de l’utilité ni de la nécessité d’inspecteurs pour les plantations sur les routes, les canaux et les chemins de fer.

D’abord, pour les chemins de fer, il est évident que c’est complètement inutile ; car, d’après la loi sur la police des chemins de fer, on ne peut planter qu’à une distance de 30 mètres, par conséquent en dehors de la propriété de l’Etat.

Quant aux plantations le long des canaux et des routes, je ne vois ni l’utilité, ni la nécessité d’inspecteurs spéciaux pour les surveiller. En effet, si ces plantations sont nécessaires, elles font partie du domaine public. Or, vous avez pour sa surveillance, l’administration forestière dont le travail est singulièrement réduit par suite de la vente des forêts nationales, et qui cependant est restée ce qu’elle était lorsque nous avions de vastes forêts ; sa besogne, il faut le reconnaître, consiste presque exclusivement aujourd’hui dans la surveillance des bois communaux. Je ne conçois donc pas que l’on crée des inspecteurs spéciaux pour les plantations dans l’administration des travaux publics.

Je le regrette mais il m’est impossible de ne pas critiquer la création de ces fonctions ; leur inutilité est telle, que je dois en induire qu’il y a dans l’administration, beaucoup d’autres fonctions inutiles. Je le demande encore une fois, messieurs, et je pense qu’il est impossible de répondre d’une manière satisfaisante à cette question, à quoi peut servir l’inspection des plantations le long des grands routes et des canaux ? Si l’on veut utiliser ces plantations, ce n’est pas des inspecteurs qu’il faut, mais de bons jardiniers au traitement de 500 fr., qui préviennent les inconvénients signalés par l’honorable M. Huveners, c’est-à-dire qu’ils choisissent bien les sujets à planter et les essences convenant à chaque localité. Ajoutez à cela de bons gardes pour la conservation des plantations, et vous aurez tout ce qu’il y a à faire ; pour l’inspection des plantations et la surveillance de leur bon entretien, vous avez l’administration forestière, les inspecteurs-généraux, les gardes-généraux. A leurs attributions vous ajouterez celles-ci. Ce ne sera pas même nécessaire ; car les routes et les canaux font partie du domaine public, et devront tout naturellement rentrer dans les attributions de l’administration forestière. C’est à tel point vrai, qu’il y a très-peu de jours l’on soutenait qu’il conviendrait de compléter le système de nos routes, en vendant nos forêts, ce qui ne serait qu’une conversion d’un domaine public en un autre domaine public. Quant à moi, je partage depuis longtemps cette opinion ; je l’ai développée à diverses reprises dans cette enceinte.

Je regrette, à un autre point de vue de devoir critiquer la mesure prise par le gouvernement. J’ai l’honneur de connaître un des fonctionnaires compris dans la mesure que j’attaque, fonctionnaire auquel je porte une grande estime. Je le répète donc, messieurs, c’est donc avec un vif regret que j’attaque la conduite du gouvernement. Mais l’intérêt public passe avant tout. Dans cette position, je n’ai pu m’abstenir de critiquer des actes que rien ne peut justifier.

M. Savart-Martel – Je ne saurais admettre la suppression des 2 ou 3 conservateurs qu’a nommés le ministère dans l’intérêt des plantations de l’Etat.

Nous possédons environ mille lieues de terrains longeant nos routes, canaux et chemins de fer, ou peu s’en faut. Les côtés, berges et rives doivent être utilisés au profit de l’Etat par des plantations amies du terrain, et non point par des plantations aventureuses comme on en voit souvent.

En général, et au long des routes surtout, on peut planter à 8 mètres, soit cependant 10 mètres, en prenant égard que parfois il doit y avoir solution de continuité. Nous trouverions donc facilement par lieue de 5,000 mètres, cinq cents arbres, soit mille à raison des deux côtés de la route, soit un million de plantes, sans nuite à la viabilité des chemins.

Mais, comme il faut prévoir les mutilations, brisures et autres accidents assez nombreux provenant soit de la malveillance, soit de l’intempérie des saisons, qu’il faut compter aussi qu’il existe des terrains rebelles à toutes plantations utiles, nous ôterons 1/5 qui réduirait notre aperçu à 800,000 pieds d’arbres de bonne venue.

Aujourd’hui surtout où l’on ne plante plus guère que des bois tendres, cinquante années suffisent pour obtenir un arbre fait.

(page 992) Déjà, paraît-il, nous avons le long des canaux et des routes, au-delà de 400,000 plantes de diverses essences et de différents âges en pleine croissance. Il suffirait de continuer les plantations, et de mettre le tout en coupes réglées pour créer un revenu fixe pour nous et nos arrières-neveux.

En effet, supposer que les plantations déjà en pleine croissance puissent être exploitées dans les 20 ans, c’est-à-dire que dans 20 ans nous abattions périodiquement 8,000 arbres, mis en coupe réglée, et que nous continuions de même en ce qui concerne la nouvelle plantation, dont la réunion nous permettrait d’abattre, à certaines périodes, 16,000 arbres annuellement, l’Etat trouverait un revenu de 480,000 francs, car je ne pense point qu’il y ait exagération dans une évaluation de 30 francs, l’un parmi l’autre, d’arbres âgés de 50 ans.

Ce n’est pas tout, l’Etat possède aussi grand nombre de terrains, non-seulement comme terres vaines et vagues, mais aussi le long des voies ferrées, lesquels sont susceptibles d’être plantés en taillis. Comme il y aurait parfois des inconvénients graves à ce qu’au long des chemins de fer on laissât croître ce taillis au delà-de 12 à 15 ans, j’en suppose la coupe à 15 ans à raison de 90 fr. l’hectare (6 fr. par an), évaluation modérée, on trouverait encore un revenu annuel de 9,000 fr., s’il est vrai que ces terrains peuvent s’étendre à un millier d’hectares, ainsi qu’il m’a été dit.

Sans doute, pour obtenir la mise en coupe réglée, il est nécessaire de remplacer au fur et à mesure des abattis, de manière à obtenir une continuité d’aménagement.

Il faut, de plus, pour la nouvelle plantation, une mise de fonds ; aussi allouons-nous cette année 50,000 fr. comme nous l’avions fait en 1844 ce qui paraît suffire, et d’ailleurs le coût de la plantation sera toujours peu de chose en comparaison du résultat.

Quant au repeuplement ou plutôt au remplacement, la dépense est facile à prévoir, je la supposerais de 16,000 fr. par année eu égard à la garantie, c’est-à-dire à un franc l’arbre armé.

D’ailleurs, si dans diverses localités, on établissait des pépinières, cette dépense finirait par être nulle.

Au surplus, quand on réduirait de 80,000 fr. mon produit présumé, et c’est pour faire face aux éventualités, aux remplacements, à l’intérêt d’une première mise de fonds, aux quelques milliers de francs de traitements de 3 ou 4 conservateurs, à quelques menues dépenses d’absolue nécessité et à une prime que je voudrais allouer à quiconque ferait connaître l’auteur d’abattis ou de mutilation des arbres de l’Etat, le produit serait encore considérable.

Ce qui ruine la propriété boisée, ce qui absorbe le produit des forêts, ce sont : 1° les frais de gardiennat ; 2° ce sont les contributions annuelles ; 3° ce sont les vols presque impunis commis sous l’empire d’une loi déplorable qui parfois laisse encore certains bénéfices au brigand qu’atteint la justice.

L’Etat est dans une position toute particulière pour ses plantations le long des routes et canaux : c’est ce qu’on ne doit pas perdre de vue.

1° Il a pour gardiens tous les employés des ponts et chaussées, outre les policiers de police judiciaire. Un nouveau corps comme gardiens, serait donc superfétation : Dieu nous en garde !

2° L’Etat ne paye aucune contribution.

3° Et quoique le vol soit plus facile dans un bois que le long des routes, le Code pénal, art. 445 et suivants, protège d’une manière spéciale ces sortes de plantations, tandis que la loi abandonne encore à l’ordonnance de 1669, les forêts de l’Etat et les bois particuliers. Telle est l’énorme différence entre les plantations forestières, et celles le long des routes, canaux et rivières.

Mais, messieurs, si la surveillance est très-bien placée dans les employés du corps des ponts et chaussées, on ne peut exiger que ces fonctionnaires soient en même temps agronomes. Cependant il ne s’agit point seulement de planter, mais il faut le faire avec art et connaissance ; une sage conservation même ne peut émaner que d’hommes spéciaux. J’en infère la nécessité de maintenir l’idée de leur attribuer à chacun une division ; c’est le moyen d’exciter leur zèle et de les soumettre à une sorte de responsabilité morale.

Préparation du terrain, choix des essences et des sujets, la saison, les dispositions préalables et concomitantes à la plantation et le mode de plantation ; affermissement des plantations dans un pays où règnent souvent les vents qui remuent les jeunes plantes et les empêchent de se lier au terrain ; l’élagage, l’émondage, et notamment la création de pépinières pour servir au repeuplement, voilà, à mes yeux du moins, les fonctions des conservateurs.

C’est vous démonter suffisamment la nécessité d’hommes spéciaux, la nécessité d’agronomes proprement dits, qui puissent servir les intérêts de l’Etat, non-seulement avec dévouement mais aussi avec intelligence, et avec cet amour de l’agronomie dont les résultats heureux sont une véritable jouissance.

Messieurs, je ne prétends point que mes calculs, que mes prévisions soient inattaquables ; je ne puis que les recommander au zèle et à la sollicitude du ministère. Si déjà l’on est entré dans cette voie, je désire qu’on la continue, qu’il y ait plantation partout où faire se pourra ; qu’il y ait aménagement, et surtout que les plantations se fassent par les soins et sous les yeux d’hommes spéciaux qui seront aussi chargés des travaux de conservation dans l’intérêt d’une bonne venue.

On m’objecte que les fonctions de conservateur pourraient être remplies par notre administration forestière ; mais cette administration est sur le point de cesser, puisqu’il ne nous reste guère de forêts. Or, ne vaut-il pas mieux salarier 2 ou 3 personnes spéciales, c’est-à-dire dépenser cinq ou six mille francs, que de conserver une administration qui coûterait au-delà de cent mille francs.

C’est à la Belgique surtout de ne point laisser infructueux un pouce de terrain susceptible d’être boisé.

A nos forêts semble s’attacher le génie du mal ; et à la manière dont nous les traitons, nous devons compter que (sauf peut-être dans un coin reculé du pays) sous peu d’années, il n’en existera plus.

Ici et dans l’autre chambre surtout, il a été démontré et reconnu que les propriétés boisées appartenant à des particuliers suffisent à peine à leurs charges. Quant aux forêts de l’Etat, on sait qu’elles sont onéreuses au trésor.

Alors, sous la dépendance de l’étranger, qui pourra facilement nous rançonner vous payerez à tous prix le bois de construction dont vous aurez besoin. Alors nous sentirons tout ce qu’a d’impolitique l’acharnement actuel contre la propriété boisée.

Ne fût-ce que dans la prévision de ces tardifs regrets, utilisons nos routes, berges, chemins, varechaires, terrains non susceptibles de culture ; utilisons-les non-seulement comme l’un des premiers besoins, mais aussi dans l’intérêt de nos ouvriers en bois qui ne comprendront rien à vos nouvelles théories qui tendent à discréditer tout ce que nous possédons, en faveur d’un commerce d’outre-mer, véritable utopie puisque nous n’avons ni comptoir, ni marins, ni marine ; et que de nos jours le commerce belge est loin d’avoir cet esprit aventureux qui lui ferait compromettre le certain pour l’incertain. Voyez ce qui arrive à l’égard du Guatemala : aucune de nos maisons de commerce, aucune absolument n’y a pris part.

Je fais cette dernière réflexion puisqu’on en parle à mes côtés.

Je voterai donc pour le chiffre proposé de 50,000 francs sans aucune restriction, ni modification.

M. Desmet - Messieurs, on ne peut pas contester que les plantations sur les routes ne soient d’une grande importance pour l’Etat. Dans mon opinion, ces plantations, bien dirigées, bien soignées, pourraient produire un demi-million année commune. Je crois dès lors qu’il est fort utile d’avoir des conservateurs. Je sais bien que le personnel du corps des ponts et chaussées est nombreux, mais il faut des hommes spéciaux pour ce service spécial.

Un autre point important en cette matière, c’est le choix des essences pour les plantations. L’année dernière, j’ai voyagé dans une de nos provinces où j’ai vu des routes de deuxième classe plantées latéralement de sorbiers ; ces fruits ne sont pas de grand produit pour le bois, ils ne sont utiles que pour les fruits qui servent à prendre les grives ; et je ne pense pas que la vente de ces fruits procurera un grand revenu à l’Etat.

Je signalerai un autre abus. Là où l’on plante le chêne, on plante alternativement des peupliers du Canada : comme la croissance de ces peupliers est beaucoup plus rapide que celle du chêne, il arrive que les chênes, au lieu de croire, périssent ou au moins ne font que végéter.

Il est aussi fort important d’avoir de bons plançons, et pour cela, le gouvernement devrait avoir des pépinières à lui ; maintenant vous payez vos plançons fort cher, ils sont souvent mauvais et il faut les renouveler très-souvent ; si le gouvernement avait des pépinières, il aurait de bons plants, il les aurait à bas prix. C’est un sujet très-important, et je dois le recommander à M. le ministre.

Je dois appuyer la réclamation faite par l’honorable M. Rodenbach. Je ne sais pourquoi les ponts et chaussées se montrent si exigeants pour les meuniers qui ont des moulins à proximité des grandes routes. Je pense qu’on devrait laisser la liberté à ces moulins sans exiger un impôt. Un pareil impôt n’est pas légal ; comme je le crois, il se perçoit arbitrairement, dans telle localité on ne paye rien, et dans d’autres on exige une somme assez élevée. Cela dépend souvent des dispositions personnelles des employés.

Puisque j’ai la parole, je demanderai la permission de revenir sur les ponts à bascule, compris dans l’article qui vient d’être voté.

Je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir bien faire placer un pont à bascule sur l’embranchement de la route de Bruxelles vers Alost et Termonde. Il n’y a pas longtemps, au moment du dégel, une voiture fort chargée passait sur cette route ; le conducteur l’a fait décharger et peser à défaut de pont à bascule. On a dressé un procès-verbal ; la plainte a été déférée au tribunal, mais une condamnation n’a pu intervenir, parce que la voiture n’a pas été pesée sur un pont à bascule. Ce qui nuit le plus considérablement aux routes, c’est le passage des voitures chargées au delà du poids légal pendant le dégel.

L’honorable ministre des travaux publics a dit hier que, dans son opinion, on pourrait réaliser une économie sur l’entretien des routes. Je n’ai pas bien saisi les paroles de M. le ministre, je ne sais si son intention est d’apporter des modifications au mode d’entretien des routes. Il paraît que souvent on néglige les routes, et surtout celles qui sont parallèles au chemin de fer : je réclame contre cette négligence de tout mon pouvoir ; les contrées qui n’ont pas le bonheur de profiter du chemin de fer, doivent avoir au moins des routes bien entretenues. Je citerai la route de Bruxelles à Alost ; c’est une route de première classe et qui est souvent très-mal entretenue.

Il paraît que M. le ministre des travaux publics a l’intention de faire réparer les routes par régie. C’est d’après moi, un bon système ; je voudrais que dans le nouveau cahier des charges, on stipulât que la main-d’œuvre sera faire par régie. Le travail sera bien fait, et vous auriez réalisé une forte économie.

M. Mast de Vries, rapporteur – La section centrale n’a pas contesté le chiffre de 50,000 fr. demandé par le gouvernement pour les plantations (page 993) le long des routes, canaux et rivières de l’Etat ; mais ce à quoi la section centrale n’a pas donné son assentiment, c’est l’usage que le gouvernement veut faire de ce crédit pour les conservateurs des plantations ; la décision de la section centrale fait l’objet de la réserve qui se trouve dans le dernier paragraphe du rapport.

Je pense que si le gouvernement avait demandé à la chambre, indépendamment du crédit de 50,000 fr., une allocation de quelques milliers de francs pour les conservateurs des plantations des routes, ce crédit eût été rejeté à une immense majorité. Mais le gouvernement a mieux fait, si je puis m’exprimer ainsi, il a doré la pilule (On rit.) On nous a dit : Vous avez voté jusqu’ici 50,000 fr. pour les plantations sur les grandes routes ; eh bien, nous vous demandons encore 50,000 fr. cette année, mais à l’aide de ce crédit, nous allons nommer des conservateurs pour ces plantations.

La section centrale a été quelque peu étonnée de cette proposition, et elle s’est souvenue de ce qui s’est passé, lorsqu’on a nommé un conservateur des plantations le long des chemins de fer. On disait : « La création d’un conservateur des plantations le long du chemin de fer est indispensable : ces plantations sont si importantes ! ». Eh bien, qu’arrive-t-il aujourd’hui ? C’est qu’on est à peu près d’accord sur ce point, qu’il y aurait du danger à planter des arbres de haute futaie sur le chemin de fer ; quant à la basse futaie qu’on y plante, on la coupe à trois ou quatre pieds d’élévation ; si c’était pour veiller à ce mince intérêt que la place de conservateur des plantations du chemin de fer a été créée, il faut convenir qu’on aurait pu facilement s’en passer.

Cette première mesure prise, on a songé à l’appliquer aux plantations sur les routes ordinaires. Je pense que le personnel du corps des ponts et chaussées est assez nombreux, pour qu’il ne soit pas besoin de créer de nouveaux employés. Je crois qu’un conservateur quelconque ne pourrait pas améliorer beaucoup les plantations sur les routes. Qu’est-ce qui a lieu lorsqu’on veut planter sur les routes ? On s’adresse aux administrations communales pour l’indication de l’essence des arbres qui convient le mieux au sol ; et ces administrations sont plus à même que les conservateurs de fournir ce renseignement. Que voulez-vous que le conservateur fasse de plus ? Ou bien aurait-il la prétention de décider ces questions sans consulter personne ? Nous avons donc pensé, messieurs, que les résultats seraient les mêmes, et que nous n’aurions qu’une nouvelle catégorie d’employés de plus. La section centrale n’a pas cru devoir se prêter à cette combinaison, et elle vous a proposé de vote le crédit dans le sens indiqué dans son rapport.

Je demanderai la permission à la chambre de présenter quelques observations qui ne sont pas sans importance, sur l’article : « Ponts à bascule », compris dans celui qui vient d’être voté.

Ce n'est pas tout de faire des routes, il faut encore les entretenir et surtout les garder en bon état de viabilité. Or, les ponts à bascule, tels qu'ils existent aujourd'hui, ne servent à rien. Sous l'empire, nous avions des routes qui conduisaient à certaines grandes villes; ces routes étaient très fréquentées, et les ponts à bascule y produisaient de bons effets. Aujourd'hui, à quoi servent les ponts à bascule? Je prends pour exemple une route que je connais mieux que personne, la route d'Anvers à Bruxelles. Un pont à bascule est établi à Malines; eh bien quand une voiture de Bruxelles, en destination pour Anvers, est surchargée, que fait-on ? Au lieu de passer par le pont à bascule à Malines, on prend une autre porte de Malines, on rejoint la chaussée de Dussel, et on se rend à Anvers par Lierre. Il en résulte que de nombreuses contraventions se commettent sur les chaussées intermédiaires; on a labouré quelques lieues de routes et il n'y a aucun procès-verbal.

J'appellerai donc l'attention spéciale de M. le ministre des travaux publics sur les ponts à bascule. Si l'on veut des ponts à bascule, il faut les placer à la sortie des grandes villes.

Il y a autre chose qui nuit à la bonne viabilité des routes. Dans la saison actuelle, par exemple, aussitôt qu'il y aura dégel, on verra se renouveler ce qui s'est passé déjà plusieurs fois: des convois énormes de charbon sont expédiés par le chemin de fer, ils ne s'arrêtent pas tous aux grandes villes, quelques-uns restent aux stations intermédiaires à proximité desquelles il n'y a pas de bascule, et on transporte la houille aux villes voisines, lorsque les barrières sont sur le point d'être fermées, par charges doubles, et on détruit encore des routes intermédiaires construites en petits grès.

Je voudrais que M. le ministre autorisât les chefs de stations intermédiaires à constater ces délits, et même à empêcher la délivrance des chargements de marchandises pondéreuses, pendant la fermeture des barrières, autrement que par charges licites, selon chaque genre de voitures employées au transport.

Ces observations ne sont pas sans importance. C'est au mauvais système adopté pour constater les délits et au mauvais emplacement des bascules que nous devons attribuer la dégradation de nos routes. Il est à remarquer qu'aujourd'hui que nos routes sont moins fréquentées, les frais d'entretien sont plus considérables, tandis que le contraire devrait nécessairement avoir lieu.

D'après ces considérations, j'espère que le gouvernement prendra de nouvelles mesures, et je pense que le crédit demandé devra être augmenté pour l'année prochaine afin d'établir un système de surveillance plus étendu. Cette dépense sera en définitive une grande économie.

M. de Garcia - L’honorable M. Savart s’est attaché à démontrer l’utilité des plantations le long des routes et des canaux. Je n’ai jamais contesté cette utilité, elle est, je crois, reconnue par tout le monde. Ce que j’ai contesté, c’est que la nomination des trois inspecteurs de plantation doive conduire à ce résultat. Cette nomination m’a paru superflue et complètement inutile avec les administrations que nous avons dans le pays et notamment avec l’administration forestière spéciale sur la matière. L’honorable M. Savart a dit qu’il ne voudrait pas de la formation d’un nouveau corps de huit inspecteurs des plantations, vous auriez une administration nouvelle dans l’administration des travaux publics ; vous ne pouvez supporter que huit fonctionnaires suffisent à cette besogne, car ils ne se chargeront sans doute pas de la plantation et de l’élagage de vos arbres. Je repousserai un système qui peut inutilement conduire à des dépenses considérables et inutiles.

Je persiste à croire que l’administration forestière n’ayant presque rien à faire aujourd’hui, nos forêts étant détruites, on aurait pu employer ses agents, fonctionnaires instruits et très-spéciaux dans la matière, à faire les inspections dont il s’agit ; je suis convaincu qu’en agissant de cette manière, les avantages qu’on se propose eussent été beaucoup mieux atteints en confiant cette inspection à l’administration forestière, à moins qu’on ne veuille créer un corps forestier dans l’administration des travaux publics, dépense frustratoires et complètement inutiles. Je ne dirai pas davantage. Je pense qu’il est évident pour tout le monde que par la nomination des trois inspecteurs des plantations, on n’atteindra pas le but qu’on s’est proposé, qu’on ne retirera pas de la plantation des bords des routes et des canaux, l’utilité qu’on pourrait en espérer.

Dans les pays où les routes sont larges comme en France, et surtout dans les environs de Paris, où on remarque de si belles plantations, on peut planter comme on se propose de le faire ; mais sur des routes étroites comme les nôtres, vous comprenez le grave préjudice qui en résulterait. Vous ne pouvez pas y planter à moins de dix mètres de distance, afin de laisser agir l’action du vent et le soleil qui, comme on l’a dit, sont de grands ingénieurs.

Je n’en dirai pas davantage. Je crois en avoir dit assez pour démontrer l’utilité de charger l’administration forestière de la surveillance des plantations sur les routes et les canaux.

M. de Man d’Attenrode – J’ai demandé la parole pour dire quelques mots concernant les plantations de grandes routes. Les discussions des années précédentes, celle qui nous occupe dans ce moment, sont de nature à nous convaincre que les plantations des routes de l’Etat, sont très-négligées. J’ai souvent remarqué que les élagages sont faits sans intelligence, du reste, il ne peut en être autrement tant que ce soin restera confié à des hommes qui ont pour salaire le produit de l’élagage et dont l’intérêt est de faire du bois le plus que possible. Aussi ne s’inquiètent-ils guère si les arbres souffrent de ces élagages immodérés. L’honorable M. Desmet a fait remarquer avec raison qu’on emploie des essences qui n’ont aucun avenir ; il a cité le sorbier qu’on ne peut avoir planté que pour attirer les grives au moyen de ses fruits.

J’ai remarqué, de mon côté, qu’on fait usage de plants qui souvent sont trop élancés, parce qu’ils sont restés trop longtemps en pépinière ; quand ils sont plantés le long des routes, isolés et exposés au vent, ils se courbent et n’ont aucune chance de se redresser.

Les plantations des grandes routes méritent tous les soins de l’administration, car ces plantations pourraient rapporter, selon les uns, 300,000 fr. et selon d’autres, 400,000 fr. par an. Nous avons encore le long de nos canaux, le long de nos communications des terrains perdus, qui s’élèvent à 800 hectares sur lesquels on pourrait planter des taillis qui donneraient de bons produits.

Il est donc incontestable que c’est faire acte de bonne administration que de surveiller nos plantations, que de les améliorer. Mais il paraît que les membres du corps des ponts et chaussées n’ont pas les connaissances nécessaires pour cet objet ; car ce ne peut être que pour suppléer à leur insuffisance que M. le ministre a nommé trois inspecteurs en dehors de ce corps. J’ai lieu de m’en plaindre, car le personnel n’est déjà que trop nombreux et constitue une charge fort lourde pour le trésor. Mais puisqu’il semble que le corps des ingénieurs n’offre pas d’hommes capables pour faire ce service, je me vois forcé d’approuver les nominations faites par le gouvernement. Je crois que ce qui a été jeté de la défaveur de cette mesure, c’est qu’elle a été confondue avec celle qui a été critiquée maintes fois dans cette enceinte, qui l’a été avec fondement, et qui avait pour but de nommer des inspecteurs pour les plantations des chemins de fer, tandis qu’il était reconnu que les plantations, le long d’un railway, offrent de grands dangers, car il suffirait d’un coup de vent pour renverser un arbre, et intercepter la circulation de la manière la plus inopinée.

Il me semble avoir ouï dire que l’inspecteur des plantations des chemins de fer a été nommé inspecteur des plantations des grandes routes, où il trouvera une besogne plus réelle. Je demanderai cependant à M. le ministre des travaux publics de vouloir s’en expliquer.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, le service des plantations depuis plusieurs années a fait l’objet de plaintes qu’on vient de renouveler aujourd’hui. J’ai la conviction que le nouveau mode d’inspection que j’ai organisé, et qui a rencontré la critique de quelques membres est une mesure de haute utilité. Ce service de plantations, qui peut devenir très important dans l’avenir, était confié précédemment exclusivement aux ingénieurs en chef des ponts et chaussées dans les provinces. Ces hauts fonctionnaires remplissaient ces fonctions avec zèle, j’en conviens, mais s’il est un service spécial pour lequel des connaissances spéciales sont nécessaires, c’est le service des plantations.

Un ingénieur n’a pas de connaissances en agronomie, parce qu’il est ingénieur, il faut pour cela faire des études particulières qui n’entrent pas (page 994) dans le cadre de celles exigées des membres du corps des ponts et chaussées.

Dans l’état ancien des choses, les conducteurs des ponts et chaussées, qui étaient chargés de la surveillance active des plantations devaient recourir le plus souvent aux administrations communales, pour diriger l’élagage et le plantage. Il ne pouvait dès lors y avoir l’unité d’action qu’on pouvait désirer. En présence de ces inconvénients, et des plaintes réitérées qui ont retenti dans cette enceinte, un de mes honorables prédécesseurs a formé le projet de créer un corps spécial des plantations, et de le confier à un ingénieur distingué qui avait acquis une savante expérience en agronomie, à l’ingénieur Urban, dont nous déplorons tous la perte. Cet ingénieur avait inspecté toutes les routes du pays avant de se mettre à la tête du service des plantations qu’on voulait organiser. Ce système était préférable à celui que j’ai adopté, mais l’élément m’a manqué. Je n’avais plus à ma disposition cet homme spécial ayant dans cette matière des connaissances approfondies. Dans le rapport présenté par cet ingénieur après l’inspection qu’il fit, il signala toute l’importance que pourrait avoir ce service de plantations, au point de vue des revenus à obtenir.

Ainsi, je vois que 400,000 pieds d’arbre de toute essence étaient plantés en 1841 sur les routes et les canaux ayant un développement de 980 lieues ; qu’il restait à planter 320,000 pieds d’arbres nouveaux. En calculant l’aménagement des coupes, l’ingénieur arrivait à conclure que si le service des plantations était bien dirigé, d’après des vues d’ensemble, outre la somme de 600,000 fr. que procurerait la vente des arbres mûrs, on pourrait retenir dans l’avenir un revenu annuel d’au moins 440,000 fr.

Depuis 1841, des routes nouvelles ont été construites, de sorte qu’on peut sans exagération évaluer le revenu possible à un demi-million, quand le service aura reçu tous les développement que le gouvernement veut lui donner. Ne pouvant pas créer un service spécial concentré dans une main unique, j’ai dû adopter un autre système, j’ai réuni les éléments que j’avais à ma disposition pour en tirer plus d’utilité ; j’ai chargé des inspecteurs divisionnaires de la haute surveillance de ce service ; j’ai supprimé le service spécial du chemin de fer. Je me suis aperçu que quelques membres pensaient qu’il y avait encore un service de surveillance des plantations pour le chemin de fer ; non, cette fonction a été supprimée, et l’inspecteur nommé par un de mes prédécesseurs est l’un des trois conservateurs qui, sous le contrôle supérieur des inspecteurs divisionnaires, sont chargés de surveiller les plantations sur les routes et le chemin de fer.

Veuillez bien remarquer que je n’ai pas demandé, comme le prétend l’honorable rapporteur de la section centrale, une majoration du chiffre. J’ai cru que de la dépense de 50,000 fr. affectée aux plantations, je pouvais utilement distraire 5 à 6 mille francs nécessaire pour rétribuer des conservateurs de ces plantations ; les services que j’attendais d’eux compenseront amplement la diminution du chiffre destiné aux plantations elles-mêmes.

M. de Theux – A quelle somme s’élèvent leurs traitements ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – A 5,000 fr. Le traitement de l’ancien inspecteur des plantations du chemins de fer est de 3,000 fr. ; mais ce traitement continue à être payé sur les fonds du chemin de fer ; les deux autres ont chacun un traitement de 2,500 fr. Il y a des frais de tournée ; je ne m’en rappelle pas le montant ; mais il ne sont pas considérables.

M. Mast de Vries, rapporteur – Les frais de tournée pour l’inspection de toutes les routes doivent être considérables.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Il n’y a, je le répète, aucune charge nouvelle. Je suis convaincu que ce service sera fort utile. Du reste, l’expérience en décidera.

M. Pirmez – Je pense qu’il y a une grande exagération dans le produit qu’on suppose que donneront les plantations, vous pouvez vous en faire une idée d’après le revenu d’une forêt. Ainsi il y a la forêt de Soignes qui est dans un très-bon sol, et qui présente certes sans aucune comparaison plus d’espace que n’en présente le bord de toutes nos routes réservé aux plantations. Vous voyez, d’après cela, qu’un revenu de quatre à cinq cent mille francs excède de beaucoup celui que l’on pourrait atteindre, c’est une énorme exagération. Ce n’est pas par la comparaison que l’on peut en juger. On ne peut d’ailleurs se faire une idée exacte de ce que produiront ces arbres dans un demi-siècle : car il faut porter en compte leur entretien et tous les intérêts.

Je crois que les plantations au bord des routes sont plutôt préjudiciables que profitables. Notre pays est extrêmement humide ; il y pleut à peu près la moitié de l’année. Si vous examinez les routes, vous verrez quel tort y font, lors qu’elles sont humides, les voitures lourdement chargées. Le dommage dans ce cas excède de beaucoup le bénéfice qui peut résulter de la vente des arbres.

Quant aux considérations présentées par un ingénieur, je ferais remarquer qu’il était chargé d’organiser un service. Un chef qui organise un service le présente toujours sous l’aspect le plus favorable. Nous sommes habitués à cela.

Je crois que nous ne devons pas créer une nouvelle administration. Maintenant elle ne fait que naître ; plus tard, elle grandirait et deviendrait une charge énorme pour le trésor.

M. Meeus – Je ne saurais partager l’opinion de l’honorable préopinant. Je crois que des plantations le long des routes, canaux, et rivières ne seraient pas autre chose que l’appropriation d’une richesse qu’on laisse véritablement improductive. La comparaison qu’a faite l’honorable préopinant entre les plantations des routes et les forêts et spécialement la forêt de Soignes manque de justesse. Je me suis occupé assez longtemps de forêts et j’ai bientôt reconnu qu’en général les forêts de haute futaie sont les plus improductives, par cette raison fort simple que l’air est la première condition d’une végétation grande et rapide ; or, dans la forêt de Soignes, les arbres trop serrés s’étouffent les uns les autres. C’est pour cela que la production centenaire est si peu considérable.

Le long des routes, les arbres profitent de l’alluvion des routes, si je puis m’exprimer ainsi, et ils ont de l’air en abondance. Aussi, quand la malveillance n’y porte pas atteinte, donnent-ils, au bout de quelques années, d’excellents résultats. Les particuliers ont pu d’ailleurs en faire l’expérience. Il n’est pas propriétaire qui n’ait planté une avenue, et ne se soit vu, au bout de 30 ans, propriétaire d’un petit capital.

Les sociétés qui sont propriétaires des canaux et des petites routes ont reconnu que les plantations le long de ces propriétés donnent au bout d’un certain nombre d’années un revenu assez considérable.

Pourquoi le gouvernement ne ferait-il pas ce que font avec succès les particuliers et les sociétés ?

Je sais que pour les plantations que ferait le gouvernement, il y a une objection, tirée de la malveillance publique, de cet esprit de destruction qui existe dans beaucoup de localités, et qui fait qu’on ne respecte pas ce qui appartient à tout le monde. Il faut que les autorités locales payassent par leur vigilance cet esprit de destruction qui existe plus en Belgique qu’ailleurs ; je dois qu’il existe plus en Belgique qu’ailleurs parce qu’en Hollande, jamais un particulier ne touche aux propriétés communales le long des routes et des canaux. Il y a des plantations magnifiques, qui sont parfaitement conservées. Les autorités communales y veillent. Il pourrait en être de même dans ce pays. Cela aurait un but moral.

M. Pirmez – De ce que vient de dire l’honorable M. Meeus, il résulte seulement que la forêt de Soignes donnerait des résultats plus avantageux, si les arbres y étaient plantés à une distance de dix mètres ; car je pense même que dans ce système il y aurait autant d’espace à planter dans ce qui composait cette forêt le long des routes.

Quant aux canaux, je n’ai rien à dire. Mais il n’y a pas été répondu à l’observation que j’ai présentée pour les routes. Il est positif que là le bénéfice n’est pas en rapport avec le dommage que causent les arbres ; je crois que c’est un très-faux calcul de planter des arbres sur les routes qui doivent porter de fort fardeaux.

M. Rodenbach – Je suis aussi de l’opinion que l’honorable préopinant que, sur les routes pavées, mieux vaudrait ne pas avoir d’arbres, parce que dans un pays humide comme le nôtre, l’air alors circule mieux, le pavé sèche plus vite. Quand il y a des arbres, le dommage que la pluie cause au pavé est plus considérable.

M. le ministre des travaux publics n’a pas répondu à l’observation que j’ai faite sur cette taxe de 75 c. par arbre imposée aux meuniers dans certaines localités, en vertu d’une instruction ministérielle. Le gouvernement grève ainsi l’industrie qu’il est de son devoir de protéger. Je persiste à dire que c’est un impôt vexatoire et arbitraire.

M. Mast de Vries, rapporteur – Je prie la chambre de ne pas faire de dépenses à ce titre. M. le ministre dit que le produit sera de 400,000 francs. Mais veuillez remarquer que le produit de la vente des arbres de tous les domaines de l’Etat ne s’élève qu’à 500,000 francs.

Ainsi, je vous assure que si vous comptez encore sur un revenu de 500,000 fr. de vos plantations sur les routes, vous vous trompez grandement, et que vous pourrez faire des dépenses assez fortes dans un espoir qui ne se réalisera pas.

M. de Mérode – Messieurs, lorsqu’on a des principes absolus, on risque de proclamer des erreurs. Ainsi, il est certain que dans les terrains bas et humides, les plantations le long des routes peuvent être nuisibles ; et il serait peut-être mieux de ne pas y planter ou de laisser une distance plus grande entre les arbres. Mais dans les localités sablonneuses, il est prouvé que loin de nuire, les plantations ne font qu’affermir le sol. C’est au gouvernement, c’est à l’administration des ponts et chaussées à distinguer entre les localités. Mais, en général, on peut dire que des routes plantées sont plus belles que des routes où il n’y a pas d’arbres. En beaucoup d’occasions ces arbres servent à guider les voyageurs dans l’obscurité et la tempête.

Quant au chemin de fer, on pourrait, me semble-t-il, y planter des petits têtards de chênes qui ne risqueraient pas d’être renversés par le vent sur le chemin et qui plus tard serviraient à faire des billes pour poser les rails.

A l’égard de la question d’une administration spéciale pour les plantations, je serais tenté de partager l’opinion de l’honorable M. de Garcia que puisque nous avons une administration forestière, on pourrait la charger de diriger les plantations le long des routes. Il ne me paraît pas qu’il soit nécessaire de créer une multitude de places qui augmentent les frais de l’administration et ne rapportent rien à l’Etat.

M. Desmet – J’ai demandé la parole pour répondre deux mots à l’honorable M. Rodenbach.

Il me semble que cet honorable membre ignore que, dans les plantations sur les routes, on doit laisser une distance de 10 mètres entre chaque arbre. Or, lorsque vous avez une pareille distance entre chaque arbre, l’air peut facilement circuler.

L’honorable membre doit savoir que l’expérience a démontré que quand on veut dessécher un chemin ou une route, on y plante souvent des peupliers du Canada. On a acquis l’expérience que ces plantations sur les accotements des routes les séchaient extrêmement.

Je répondrai aussi deux mots à l’honorable M. Mast de Vries qui vous dit qu’il ne faut pas compter sur les calculs de M. le ministre relativement aux revenus que les plantations peuvent produire. Messieurs, on ne peut contester (page 995) que nous avons déjà 5,000 kilomètres de routes achevées ; cela fait 5 millions de mètres.

Sur ces 5 millions, on peut planter 500,000 pieds d’arbre. Or, il est prouvé qu’un pied d’arbre donne, année commune, un revenu d’un franc. Il en résulte que vos 500,000 arbres peuvent très-bien vous rapporter un revenu annuel de 500,000 francs ; voilà pour les routes, ou pour les plantations latérales de canaux, etc.

M. de Brouckere – J’avais demandé la parole au moment où j’entendais un honorable préopinant se plaindre, comme d’un abus, d’un usage que je regarde comme parfaitement juste. Je veux parler de l’usage qui consiste à exiger de la part du meunier qui a son moulin situé près d’une grande route, et qui pense que les plantations de cette route gênent l’action du vent sur son moulin, qui consiste, dis-je, à exiger de ce meunier une certaine rétribution par arbre que l’on coupe et qu’on ne remplace pas pour favoriser son usine.

Je ne trouve rien de plus juste que cela.

Un particulier obtient la permission de placer un moulin à une certaine distance d’une grande route. Les plantations aux abords du moulin le gênent ; il demande qu’on laisse un certain nombre de mètres de la route sans plantations. Que lui répond le gouvernement ? Très-volontiers ; mais vous me payerez une indemnité pour la perte que je fais en ne plantant pas. Et quelle est cette indemnité ? Messieurs, elle est ordinairement de 50 cent. Par arbre et par an. Or, on vient de vous dire que les plantations peuvent produire un franc par arbre et par an ; vous voyez donc que le gouvernement est très modéré dans la manière dont il évalue le dommage qu’on lui occasionne.

Du reste, je suis assez ancien dans l’administration, et je n’ai jamais entendu la moindre plainte de ce chef. Les meuniers font la demande. On leur explique les conditions et ils y souscrivent. Je ne pense pas, messieurs, qu’il y ait aucun particulier qui fasse autrement que le gouvernement.

- La discussion est close.

L’art. 2 est mis aux voix et adopté.

M. Mast de Vries, rapporteur – La section centrale a mis une réserve : c’est qu’elle n’admet le chiffre que dans le sens dans lequel il avait été adopté au budget précédent.

M. le président – C’est une observation que j’ai lue dans le rapport ; mais je ne puis mettre le rapport aux voix.

M. Mast de Vries, rapporteur – Je demanderai comment M. le ministre entend le vote de l’article.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je donne au chiffre l’interprétation que je viens de lui donner ; c’est-à-dire que mon intention est de maintenir l’institution des conservateurs de plantations.

M. Mast de Vries, rapporteur – En agissant ainsi, il sera possible, avec un peu de bonne volonté, d’employer tout le crédit pour créer de nouvelles positions, et voilà.

Section II. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Discussion générale

M. le président – La discussion générale est ouverte sur cette section.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La section centrale a proposé de faire un article distinct pour chacun des quatre canaux compris dans les littera A, B, C et D de l’art. 3 du projet du gouvernement, et un autre article spécial pour le personnel attaché à chacun des canaux. Je me rallie volontiers à la première partie de cette proposition, c’est-à-dire à celle qui tend à former un article distinct pour chacun des quatre canaux compris dans les littera A, B, C et D de l’art. 3. Mais je ne puis me rallier à la partie de cette proposition qui tend à former des articles distincts pour le personnel attaché à chacun de ces canaux, et je vais en dire les motifs à la chambre.

Messieurs, l’intention de la section centrale, c’est d’éviter les abus qui pourraient résulter de l’allocation d’un chiffre global et qui permet au gouvernement d’opérer des transferts et de ne pas suivre les indications fournies par les prévisions du budget. Mais, messieurs, pour remédier à cet inconvénient, il ne faut pas tomber dans un autre inconvénient que je considère comme plus grave, c’est d’opérer une subdivision tellement restreinte, que l’on pourrait ainsi gêner complètement l’action administrative en l’assujettissant à des règles dans lesquelles cette action n’aurait aucune liberté. Ainsi, le service d’un canal ou d’une rivière peut nécessiter pendant l’exercice courant une augmentation du personnel qui serait opérée sur une autre voie navigable. Il est impossible que les prévisions du budget aient une exactitude complètement mathématique, et l’action de l’administration ne peut pas être enfermée dans un cercle aussi étroit.

Mais, messieurs, il y aurait un moyen de déférer au vœu de la section centrale et qui n’entraînerait pas les inconvénients dont je viens de parler : ce serait de réunir en une seule allocation toutes les allocations partielles pour le personnel des canaux et des rivières, comme cela a lieu au budget pour l’administration des ponts et chaussées et pour l’administration des mines. De cette manière, la dépense du personnel, pour le chapitre que nous discutons, s’élèverait à la somme de 228,531 fr. 33 c.

De cette manière, messieurs, ce que la section centrale a voulu éviter, sera évité, il n’y aura pas de transfert possible entre les dépenses pour le personnel, et les dépenses relatives à l’entretien même des canaux et des rivières.

Il pourrait d’ailleurs être rendu compte, lors de la présentation du budget de l’année suivante, de l’emploi de ce crédit global, en renseignant les dépenses du personnel pour chaque service particulier.

Je pense qu’ainsi j’aurai satisfait aux vœux de la section centrale.

(page 999) M. de Saegher – Messieurs, depuis très-longtemps des réclamations ont été faites auprès des différents gouvernements qui se sont succédé, au sujet des inondations extraordinaires causées par le débordement des rives de l’Escaut, inondations qui occasionnent des pertes immenses à l’agriculture. Mais c’est surtout dans ces dernières années, et lorsqu’il a été reconnu que des travaux récents, exécutés en France, ont fait accroître sensiblement ce fléau, que les réclamations ont été plus pressantes, que les plaintes sont devenues plus vives et sont enfin parvenues à leur comble. Dans ces derniers temps, aux plaintes des habitants des bords de l’Escaut sont venues se joindre celles des habitants et des propriétaires des bords de la Lys qui, depuis quelques années aussi, souffrent des inondations désastreuses causées par le débordement de cette rivière. A partir de l’organisation des conseils provinciaux, chaque année le conseil provincial de la Flandre orientale a fait entendre sa voix pour réclamer des mesures propres à remédier au mal qui devient de jour en jour plus intolérable.

Je viens, messieurs, appeler l’attention spéciale du gouvernement sur cet objet, qui intéresse à un si haut degré trois de nos plus importantes provinces.

Quelles sont les causes des inondations extraordinaires d’été sur les rives du Haut-Escaut et de la Lys ?

Quels peuvent être les moyens de remédier à ces inondations désastreuses ?

Voilà des questions sur lesquelles il est temps, je pense, de fixer l’attention du pays et du gouvernement.

Et d’abord, à quelles causes doivent être attribuées les inondations désastreuses des rives du Haut-Escaut ?

Je vais, messieurs, avoir l’honneur d’en indiquer plusieurs, dont les unes sont principales et générales, les autres accessoires et locales.

Depuis plusieurs années, notamment de 1817 à 1825, on a exécuté sur la partie de l’Escaut située sur le territoire français, des ouvrages importants d’amélioration, soit par la construction de nouvelles écluses, soit par l’exécution des travaux dans le lit du fleuve.

On a notamment canalisé l’Escaut de Valenciennes à Mortagne, dernier village français situé à notre frontière ; on a endigué le fleuve, on en a coupé toutes les sinuosités, de manière que l’Escaut parcourt aujourd’hui, en ligne presque droite, le territoire français jusqu’aux limites de notre territoire. Pour se rendre maître des eaux, on a construit à Rodignies, à quelques centaines de pas de notre frontière, une grande écluse à sas. Cette écluse se trouve souvent fermée pour les besoins de la navigation ; mais, lors des fortes crues d’été, on ouvre les écluses et l’on déverse ainsi inopinément et en une fois, sur notre territoire, une masse considérable d’eau.

Il est inutile de démontrer, messieurs, que ces travaux de rectification ou de canalisation ont dû certainement accélérer la rapidité du courant, et que la manœuvre de l’écluse de Rodignies, faite uniquement dans l’intérêt des terrains supérieurs a eu pour résultat d’augmenter les inondations en Belgique.

Une deuxième cause générale des inondations extraordinaires dont on se plaint, réside dans les travaux de canalisation de la Scarpe.

Cette rivière se jette dans l’Escaut à Mortagne, près de notre frontière à peu de distance de l’écluse de Rodignies, elle parcourt depuis Douai jusqu’à son confluent, une grande étendue de terrain très-bas qui ne formait autrefois que des marais.

En 1834, s’est constituée en France une société sous le nom de Commission de dessèchement de la vallée de la Scarpe.

Cette société a entrepris de dessécher les marais dont nous venons de parler. A cet effet, elle a exécuté des travaux considérables sur la Scarpe depuis Douai jusqu’à Mortagne ; elle a fait creuser dans la vallée un grand nombre de rigoles et de canaux d’écoulement pour amener les eaux stagnantes de ces immenses marais dans la rivière, qui a été rectifiée, élargie, endiguée, et sur laquelle on a établi différentes écluses. Au moyen de ces travaux, on est parvenu à réunir les eaux de ces marais dans la Scarpe, et à les chasser ensuite dans l’Escaut.

On comprend facilement, messieurs, quelle abondance d’eau ce nouvel état de choses à dû amener sur la Belgique.

Ainsi, augmentation de la rapidité du courant de l’Escaut en France, manœuvre de l’écluse de Rodignies contraire aux intérêts de la Belgique, accroissement considérable de la quantité d’eau amenée par la Scarpe, accélération du courant de cette rivière ; voilà les causes principales et générales de l’augmentation des inondations sur l’Escaut en Belgique.

Ces causes sont universellement reconnues, elles sont constatées tant par les habitants des bords du fleuve que par une commission que le gouvernement a instituée, et par les ingénieurs belges.

Il existe, messieurs, d’autres causes secondaires et locales.

Je citerai comme exemples :

1° L’état de la rivière entre Antoing et Tournay, notamment à l’endroit nommé le château Gaillard où l’Escaut est très-rétréci et forme une espèce d’entonnoir ;

2° quelques obstacles à l’écoulement des eaux qui existent dans la ville de Tournay et dans les environs,

3° entre Audenarde et Gand principalement dans la commune de Gavre. On a négligé les travaux qui avaient été établis sous l’ancien régime pour l’écoulement des eaux. Il est également nécessaire de faire des travaux en cet endroit pour faire écouler les eaux. Aujourd’hui, une grande partie des communes de Gavre, Asperluysse, Auweghem, Eecke est souvent inondée et les récoltes détruites.

4° avant d’entrer dans la ville de Gand, l’Escaut est trop rétréci, notamment aux villages de Zwynaerde et de Meirelbeke.

Je viens, messieurs, de vous signaler les causes principales des inondations de l’Escaut, venons-en maintenant aux inondations de la Lys.

Les causes de ces inondations de la Lys résident, encore une fois, messieurs, dans les travaux de canalisation et de perfectionnement, exécutés en France sur la Lys et sur la Basse Deule. C’est encore là qu’il faut chercher la principale cause de cette augmentation considérable des inondations dont nous souffrons depuis quelques années seulement. Je ne vous citerai, messieurs, qu’un seul fait. Depuis peu d’années, on a établi, on reconstruit des écluses sur la Basse-Deule et sur la Lys. L’écluse sas de Deulemont est établie sur la Deule, à mille mètres environ du confluent de la Deule et de la Lys, et sert de débouché de la Deule dans la Lys. D’un autre côté, on a fait sur la Scarpe des écluses, qui ont pour effet que, dans les fortes inondations, les eaux de la Scarpe peuvent être déversées dans la Deule, et de la Deule dans la Lys. Ainsi, nous recevons par la Lys, non-seulement les eaux de la Deule, mais encore, dans certaines occasions, une partie des eaux de la Scarpe.

Il existe également, messieurs, sur la Lys, quelques causes accessoires que l’on trouve sur les lieux mêmes des inondations. Ainsi, messieurs, les véritables causes des inondations sont bien connues. Elles résident dans les travaux de rectification de la canalisation exécutés en France sur l’Escaut, la Scarpe, la Deule et la Lys.

Quelles sont, messieurs, les conséquences d’un semblable état de choses ? D’abord, il est évident que, puisque l’on a successivement augmenté en France la quantité d’eau qui nous arrive ; que, puisque d’un autre côté, on a accéléré le courant des deux rivières dont il s’agit, au moyen des rectifications que l’on y a faites ; il est évident, dis-je, qu’on a dû successivement aussi augmenter d’une manière considérable les inondations sur les bords de la Lys et de l’Escaut dans le Hainaut, dans la Flandre occidentale, mais surtout dans la Flandre orientale, en reportant sur Gand, où l’Escaut vient se réunir à la Lys, cette masse d’eau qui nous vient de la France.

Et cependant, depuis un grand nombre d’années, messieurs, aucun changement n’a été apporté dans notre pays pour favoriser l’écoulement des eaux de l’Escaut et de la Lys ; à Gand, où la Lys vient se jeter dans l’Escaut, aucun travail efficace n’a été fait pour chasser vers la mer cette surabondance d’eau.

Ainsi, pour remédier aux calamités existantes, il est devenu nécessaire et urgent que nous fassions, à notre tour, des travaux importants, de nature à faciliter l’écoulement des eaux vers la mer.

L’exécution de ces travaux doit commencer nécessairement en aval. Sans cela, on ne ferait que déplacer le mal. C’est ainsi, messieurs, que si l’on voulait aujourd’hui accélérer l’écoulement des eaux en amont de Tournay, en pratiquant des voies d’écoulement aux environs de cette ville seulement on augmenterait infailliblement les inondations en aval de Tournay ; on irait submerger Audenarde, et si l’on prenait des mesures à Audenarde, alors on augmenterait les inondations aux environs de Gand. Vous voyez donc, messieurs, qu’il est indispensable de commencer des travaux et des travaux importants en aval de la ville de Gand.

C’est du reste, messieurs, l’opinion de tous les ingénieurs qui se sont occupés de cet objet. Je me contenterai de vous citer les paroles d’un ingénieur justement estimé pour ses connaissances spéciales en matière de travaux hydrauliques. M. Wolters, ingénieur en chef de la Flandre orientale, dit dans un de ses rapports :

« Le seul moyen à employer pour remédier aux inconvénients qui pourraient résulter d’une augmentation des débouchés sur la Lys supérieure me semble consister dans la création de nouvelles voies de décharges propres à soulager le bassin de Gand. C’est toujours là le nœud de toutes les questions d’inondation entre le Nord de la France, le Hainaut et les deux Flandres. C’est aussi le but vers lequel tendent depuis longtemps toutes mes études. »

A la suite de ces observations, l’ingénieur Wolters présentait différents projets dont j’aurai l’honneur de dire tantôt quelques mots.

Je viens, messieurs, d’indiquer les causes du mal, et je pense qu’il est temps de songer aux moyens d’y porter remède. Déjà, sur les réclamations incessantes du conseil provincial de la Flandre orientale, le gouvernement, par un arrêté du 20 juillet 1841, a institué une commission dont j’ai l’honneur de faire partie, chargée de rechercher les causes des inondations et de proposer des moyens pour y remédier.

Ici messieurs, je répondrai en partie à quelques interpellations faites dans une séance précédente par les honorables membres Delehaye et de Villegas. Cette commission a nommé dans son sein une sous-commission qui était chargée d’aller sur les lieux constater les causes des inondations et de proposer les moyens de les prévenir. Cette haute commission a présenté son rapport à la commission, et ce rapport a été imprimé. La commission a délibéré sur le rapport de la sous-commission et elle s’est proposé notamment l’examen et la solution de deux questions, la première concernant les causes principales des inondations, et les moyens d’améliorer le cours de la rivière, la deuxième qui est relative aux défauts accessoires existants sur les lieux mêmes des inondations.

Quant à la première question, c’est-à-dire, quant aux mesures à prendre par le gouvernement pour améliorer le cours de la rivière, la commission a cru devoir demander, avant de se prononcer, les avis des ingénieurs au mois de novembre 1843, et M. l’inspecteur en chef de la Flandre orientale à émis son opinion à cet égard dans une note dont j’aurai l’honneur de citer quelques lignes qui me paraissent importantes.

« L’Escaut, pendant ses grandes crues, produit des inondations non-seulement (page 1000) à Antoing, Tournay et Audenarde, mais encore à Gand et dans les communes de Ledeberg, Oostacker, Destelbergen, Heusden, Melle et Wetteren, situées jusqu’à trois et quatre lieues en aval de cette ville.

« Partout l’engorgement, l’insuffisance du lit sont les mêmes. Ce n’est qu’entre Schellebelle et Termonde, que le mouvement de la marée parvient à faire rester la rivière dans ses bords.

« Dans cet état de choses il n’y a donc aucun avantage à accélérer, par des coupures, des canaux de dérivation ou des maîtresses rigoles, l’arrivée des eaux de l’amont vers l’aval. Car ce n’est que déplacer le mal sans le guérir, et en continuant d’en agir ainsi, on finirait par accumuler toutes les eaux autour de Gand, et reporter sur cette ville de 100,000 âmes de population, des calamités dont l’effet serait réellement incalculable.

« Fournir à l’Escaut et à son affluent principal, la Lys, des voies auxiliaires de décharge, tel est, à mon avis, le premier but que la commission doit se proposer.

« Il existe aujourd’hui deux de ces voies auxiliaires, le canal de Terneuzen et le canal de Bruges ; mais ils ne suffisent pas au besoin : de nouveaux moyens doivent être ajoutés.

« Dans un mémoire que je viens de présenter au département des travaux publics, j’indique trois moyens auxquels on pourrait avoir recours ; savoir :

1° Les portes de flot à Termonde et Hamme ;

2° Un canal de décharge par le Moervaert et débouchant dans l’Escaut à Calloo ;

3° Un canal latéral au canal de Selzaete débouchant dans la mer du Nord ».

Ainsi, messieurs, comme vous venez de l’entendre, M. l’ingénieur en chef de la Flandre orientale a présenté trois projets dont l’effet serait de sauver la Flandre orientale, la Flandre occidentale et le Hainaut, des désastres fréquents dont ces provinces ont à se plaindre.

Ces projets, messieurs, ont été communiqués le 22 août 1844, à la commission avec des cartes à l’appui.

La commission a émis son avis sur les trois systèmes, au premier duquel elle a donné la préférence.

Subsidiairement cependant, elle a également émis un avis favorable pour les deux autres systèmes qui sont proposés.

Voici, messieurs, en peu de mots, en quoi consistent ces projets.

D’après le premier projet, il s’agissait de creuser un canal de la Lys à partir de Deynze par Reggersbek et le canal de Nedel, jusqu’au canal de Bruges à Scheepdouck.

De là, on établirait un canal jusqu’à la Lieve à Oosrwynckel, la Lieve serait recreusée jusqu’aux limites de la Flandre occidentale ; à partir de ce point, on conduirait les eaux par un canal latéral au canal de Selzaete (canal d’écoulement) jusqu’à la mer du Nord.

Messieurs, les avantages de ce système sont immenses ; par ce moyen on pourrait soustraire le bassin de Gand aux inconvénients résultant de la surabondance d’eau de la Lys, car ce sont les eaux réunies de l’Escaut et de la Lys qui causent les fréquentes inondations. Le bas Escaut, une fois débarrassé des eaux de la Lys, suffirait alors pour l’écoulement des eaux de l’Escaut supérieur.

Le deuxième système consisterait à creuser le même canal de Deynze par le canal de Névèle jusqu’au canal de Bruges. De là on suivrait le canal de Bruges et la Caele jusqu’au canal de Terneuzen (note de bas de page : On creuserait un canal de décharge par le Moervaert jusqu’au fort Ste-Marie.)

Ce projet est beaucoup moins avantageux que le premier. Dans ce système, le chemin est plus long, et il est à remarquer que la marée basse est plus haute au fort Ste-Marie. Mais à défaut du premier système, ce second produirait encore des avantages immenses.

Le troisième projet consisterait encore à recreuser le canal de Nevèle en ce qui concerne la Lys. Quant à l’Escaut, on conduirait les eaux par le canal de Terneuzen, le Moervaert recreusé et la Durme jusqu’à Hamme et par le bas Escaut jusqu’à Termonde ; à Hamme et à Termonde on établirait des portes de flot. Dans ce système, il y aurait différents travaux accessoires, tels qu’une coupure de Zwynaerde vers Melle, une coupure de Destelbergen vers Calcken, puis la rectification de l’Escaut entre Tournay et Gand.

Messieurs, comme vous le voyez, tous les systèmes qui ont été proposés par les ingénieurs tendent à débarrasser le bassin de Gand des eaux surabondantes. Aussi longtemps qu’on n’aura pas fait les travaux qui puissent avoir ce résultat, il est impossible de remédier efficacement au mal qui résulte des inondations de l’Escaut et de la Lys.

Vous avez vu, messieurs, par la note dont j’ai eu l’honneur de vous donner lecture, que les ingénieurs sont d’accord sur ce point, qu’il n’y aurait aucun avantage mais, au contraire, de grands inconvénients à accélérer, par des coupures, l’arrivée des eaux de l’amont vers l’aval.

Vous vous rappellerez qu’il a été résolu, pour rectifier le cours de l’Escaut, de pratiquer des coupures là où les sinuosités sont les plus fortes. Déjà des rectifications ont eu lieu, l’une à Autrive, l’autre à Seevergem. Eh bien, la commission, d’accord avec les ingénieurs, a été unanime pour supplier le gouvernement de ne pas continuer ces travaux sur l’Escaut, attendu qu’il est prouvé aujourd’hui que la continuation de ces travaux ne ferait qu’aggraver le mal. La commission a également eu connaissance qu’il existait un projet de convention avec la France, relativement à l’écoulement des eaux de la Lys. Il s’agissait encore une fois d’accélérer l’écoulement des eaux. Eh bien, la commission a été unanime encore pour ne donner, jusqu’à présent, aucune suite à ce projet de convention, attendu qu’il était prouvé que l’exécution d’une semblable convention ne tendrait encore une fois qu’à aggraver le mal sur différents du cours de cette rivière.

Vous le voyez donc, messieurs, la plus grande urgence existe pour que ces travaux soient commencés. Cela est si vrai que les ouvrages qui sont déjà arrêtés, ne peuvent continuer a être exécutés, et que les conventions qui étaient en projet ne peuvent être sanctionnés, sans causer un préjudice considérable, notamment à la Flandre orientale.

J’engage donc le gouvernement à examiner promptement cette affaire importante. L’instruction est complète, les rapports des ingénieurs sont parvenus au gouvernement ; le rapport de la commission ne tardera pas non plus à lui être adressé, la commission, ou plutôt le rapporteur de la commission, a été arrêté dans son travail, parce que les cartes qui ont été faites spécialement pour cet objet, n’avaient pas été lithographiées à temps, et ne sont parvenues à la commission qu’à la fin du mois de décembre.

Nous osons donc espérer que dans le cours de cette année le gouvernement prendra une résolution définitive sur le point de savoir auquel des trois projets il faut donner la préférence ; et qu’au budget de 1846, il demandera un crédit pour pouvoir commencer les travaux au printemps de cette année. Ces travaux peuvent être exécutés partiellement. On pourrait, par exemple, commencer par creuser le canal de Deynze vers le canal de Bruges ; ce serait déjà une grande amélioration qui ne donnerait pas lieu à une forte dépense.

On pourrait également faire des travaux de recreusement sur la Lieve ; on pourrait peut-être, selon le projet qui sera adopté, s’occuper du canal d’écoulement de Destelbergen vers Calcken, qui doit procurer un si grand soulagement au bassin de Gand pour le cas où les deux premiers projets ne seraient pas adoptés. – J’ai dit.

Ordre des travaux de la chambre

(page 995) M. Cogels – M. le ministre des finances étant présent, la chambre jugera à propos, sans doute, de fixer le jour de la discussion du rapport de M. Smits sur les pétitions des raffineurs de sucre.

M. de Theux – Je pense qu’on ne doit s’occuper de la fixation de cet ordre du jour qu’après le vote du budget des travaux publics.

M. Osy – Je propose de mettre cet objet à l’ordre du jour de samedi

M. Eloy de Burdinne – Je ne m’oppose pas à la motion ; mais je crains fort que par suite du rapport, il ne s’élève une discussion qui ne durera pas moins de quinze jours. D’ailleurs, je ferai remarquer qu’une commission a été entendue, il y a deux jours, des raffineurs de Gand, qui s’entendent avec les producteurs de la betterave, pour se rallier à un système commun.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – La discussion du rapport de l’honorable M. Smits ne sera pas aussi longue que le présume l’honorable M. Eloy de Burdinne ; cependant, elle ne se terminera pas en un instant, et il y aurait dès lors de l’inconvénient à interrompre la discussion du budget des travaux publics. On pourrait mettre cet objet à l’ordre du jour entre les deux votes de ce budget.

M. Osy – Je me rallie à cette proposition…

M. de Theux – Il est entendu que le canal de Terneuzen conservera la priorité.

M. Delehaye – je dois faire remarquer à l’honorable M. Eloy de Burdinne qu’il est dans l’erreur quant aux raffineurs de Gand. Il n’est pas exact de dire que tous les raffineurs de Gand sont d’accord avec les producteurs de la betterave ; il y en a quelques-uns, je le sais. On n’a appelé dans le sein de la commission que les raffineurs de Gand qui partagent l’opinion que l’honorable M. Eloy de Burdinne, involontairement sans doute, a prêtée à tous les raffineurs de cette ville.

M. Cogels – Messieurs, on est assez généralement dans l’habitude de discuter les conclusions d’un rapport sur une pétition, le jour même de la lecture. Si cela n’a pas eu lieu dans le cas actuel, c’est que le rapport étant très volumineux et l’honorable M. Smits se trouvant indisposé, il n’a pas été possible d’en donner lecture. Par conséquent, je ne comprends pas comment on voudrait maintenant ajourner d’une manière indéfinie la discussion des conclusions de la commission d’industrie. Je me rallierai à la proposition de M. le ministre des finances de les discuter entre les deux votes du budget des travaux publics, et après le canal de Turnhout, puisque la priorité lui a été accordée.

M. Eloy de Burdinne – je n’ai pas dit, comme le pense l’honorable MM. Delehaye, que tous les raffineurs de Gand étaient d’accord avec les fabricants de sucre de betterave. J’ai seulement fait remarquer que les fabricants de sucre indigène étaient d’accord avec « des » raffineurs de Gand. Je ne prétends pas qu’il en soit ainsi de tous les raffineurs de Gand : ne les connaissant pas tous, je ne puis pas savoir quelle est leur opinion.

- La chambre, consultée, fixe la discussion du rapport de M. Smits entre les deux votes du budget des travaux publics, après le canal de la Campine.

M. le président – Nous reprenons l’ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du département des travaux publics de l’exercice 1845

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et Chaussées; canaux, rivières et polders; ports et côtes; bâtiments civils; personnel des ponts et chaussées

Section II. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders.
Discussion générale

M. Osy – Le gouvernement avait proposé par le budget, un seul article comprenant le canal de Gand au Sas-de-Gand, le canal de Maestricht à Bois-le-Duc, le canal de Pommeroeul à Antoing et à la Sambre canalisée. La section centrale avait proposé de faire quatre articles pour ces quatre canaux, et de plus un article spécial pour le personnel de chaque canal pour qu’il n’y ait pas confusion des sommes votées pour les travaux avec celles allouées pour le personnel.

M. le ministre des travaux publics, dans la discussion a dit qu’il consentait à faire un article séparé pour chaque canal mais qu’il désirait que le personnel de tous les canaux fût réuni dans un seul article et qu’on votât pour cet objet une somme de 200 et quelque mille francs. C’était trop s’éloigner de la pensée qui nous avait fait demander la division de l’article 3. j’ai proposé par amendement de diviser l’art. 3 en cinq articles au lieu de 8 : quatre articles pour les travaux des quatre canaux et un seul article pour le personnel de ces canaux ; de sorte qu’au lieu de 228 mille fr. pour le personnel de tous les canaux, je propose un article de 747,200-50 pour le personnel de ces quatre canaux. Cette proposition est d’accord avec celle du gouvernement pour le canal de Bruxelles à Charleroy.

M. le président – M. Osy propose de réunir les articles 4, 6, 8 et 10 de la section centrale en un seul article dont le chiffre serait de 74,207-50 et porterait le n°7, les articles 5, 7 et 9 porteraient les n°4, 5 et 6.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Ma proposition avait pour but de satisfaire au vœu émis par la section centrale, qui était d’allouer une somme spéciale pour le personnel, afin qu’il ne pût pas y avoir de confusion entre l’allocation pour le personnel et celle pour travaux et entretien des canaux. Ma proposition avait son analogie dans le chapitre relatif au personnel des ponts et chaussées et celui relatif au personnel des mines. J’avais là trouvé un précédent que j’avais cru pouvoir étendre. Je n’insisterai pas pour faire adopter cette proposition ; je ne vois pas d’inconvénient à me rallier à celle de l’honorable M. Osy, qui consiste à faire une somme globale pour le personnel de l’art. 3 du projet de budget.

M. Mast de Vries, rapporteur – Je ne voyais aucun avantage dans la proposition annoncée par M. le ministre des travaux publics, mais celle de l’honorable M. Osy me paraît une amélioration sur ce qui existe aujourd’hui ; vous aurez un article séparé pour les travaux aux canaux, et un article (page 996) spécial pour le personnel. Mais il me semble que l’honorable membre n’a pas tenu compte de la réduction proposée par la section centrale. Pour le personnel de la Sambre, le gouvernement demande 36,470 fr. La section centrale propose de n’allouer que 35,030 fr. La différence provient de ce que la section centrale n’admet pas la majoration de 700 à 840 fr. du traitement des sergents d’eau.

La section centrale n’admet pas non plus une majoration de 600 francs destinée à faire un fonds de réserve. Quant à ce qui regarde les sergents d’eau, la section centrale en propose le rejet, parce que, sur d’autres points, ils ne sont payés qu’en raison de 700 francs. Nous n’avons pas pensé qu’on dût accorder une augmentation à ceux de la Sambre, surtout parce que leur besogne, au lieu d’augmenter, va aller en diminuant, par suite du chemin de fer. Quant aux 600 mille francs pour faire un fonds de réserve, je ne puis qu’engager la chambre à ne pas entrer dans cette voie, car c’est un mauvais précédent ; quand des fonds sont en réserve, les prétentions surgissent et on les bientôt épuisés.

J’admets donc la proposition de M. Osy, pourvu qu’on en réduise le chiffre de 1,440 francs.

M. de Haerne – Je ne me propose pas de parler sur l’amendement de l’honorable M. Osy, je n’ai pas d’idée arrêtée à cet égard, je me prononcerai d’après la discussion. Je viens appuyer de toutes mes forces les observations présentées par l’honorable M. de Saegher, relativement aux inondations…

M. Osy – Il vaudrait mieux discuter chaque article séparément.

M. de Haerne – L’objet traité par l’honorable M. de Saegher ne s’applique pas à une seule rivière ; il se rapporte à l’Escaut et à la Lys. Ce sont des observations qui doivent rentrer dans la discussion générale.

M. Dumortier – Si on ne suit pas l’ordre proposé par l’honorable M. Osy, il y aura confusion : on parlera de la Lys, de comptabilité, de personnel, de l’Escaut, et on aboutira à la confusion des langues.

M. de Haerne – Il a été décidé qu’il y aurait une discussion générale par chapitre.

M. Dumortier – Il n’y a pas d’obligation d’avoir une discussion générale sur chaque chapitre ; j’ai à parler aussi sur un article de ce chapitre, c’est pourquoi je demande qu’on discute chaque article séparément. Si l’on établit une discussion générale, quand on arrivera à chaque article, on répétera ce qu’on aura dit. Il y aura confusion et perte de temps.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’appuie l’observation de M. Dumortier. Les années précédentes, on n’a pas ouvert de discussion générale sur chaque chapitre du budget des travaux publics, mais seulement sur celui relatif au chemin de fer, parce que l’administration du chemin de fer a une importance telle que l’on comprend qu’on en fasse l’objet d’une discussion générale. La chambre gagnerait du temps en discutant les articles l’un après l’autre, et la discussion gagnerait en clarté.

M. de Haerne – Je ne m’oppose pas à ce que cette marche soit suivie mais qu’on ne vienne pas me dire, quand nous serons arrivés à l’article où je voudrais présenter mes observations, que j’aurais dû les faire dans la discussion générale.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – je me suis rallié à la proposition de M. Osy, mais je ne puis me rallier à la proposition de la section centrale. J’attendrai que nous en soyons à la Sambre canalisée pour présenter mes observations.

Articles 3 à 5

« Article 3. Canal de Gand au Sas de Gand. Travaux d’entretien ordinaire : fr. 7,593

« Travaux de dévasement pour entretenir le canal à sa profondeur normale : fr : 12,000

« Travaux de renforcement et de restauration des bords : fr. 10,000

« Renouvellement du double pont tournant à Meulestede : fr 10,000 »

- Adopté


« Art.5 (devenu art. 4). Canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Entretien ordinaire : fr. 27,000

« Pour une moitié du crédit nécessaire au renouvellement en maçonnerie, des bajoyers de l’écluse de Hocht : fr. 38,000. »

- Adopté.


« Art. 7 (devenu article 5). Canal de Pommeroeul à Antoing. Entretien ordinaire : fr. 24,000

« Travaux d’entretien extraordinaire et d’amélioration, alimentation des machines à vapeur : fr. : 72,489 »

- Adopté.

Article 6

« Art. 9. Sambre canalisée. Travaux d’entretien ordinaire et de dragage (120,412) »

M. de Garcia – Dans la discussion générale, j’ai invité M. le ministre à dire s’il était dans l’intention du gouvernement de diminuer les péages sur la Sambre inférieure. J’insiste sur cette demande parce que depuis le vote du budget des voies et moyens, on a voté la concession d’un chemin de fer, qui doit diminuer considérablement les transports par cette voie navigable, et porter un grand préjudice à la province de Namur et à une classe nombreuse de citoyens, vivant de la navigation sur la Sambre et sur la Meuse.

J’ai présenté des considérations, qui me semblent devoir déterminer un abaissement sur ces péages. Je demande donc à M. le ministre quelles sont les intentions du gouvernement à l’égard de la diminution du droit de péage que je réclame, sur la navigation de la Sambre en aval de Charleroy.

M. Dumortier – Ces questions de péages sont extrêmement graves, on ne peut trancher ainsi. Les péages constituent une partie notable du revenu public. Si on les diminue, il faudra de nouveaux impôts. Pour moi, je n’aime pas que l’on engage le gouvernement à diminuer les péages. D’ailleurs il ne le peut pas ; il est autorisé à réduire les péages pour les importations. Pour le reste, il faut une loi.

Il serait déplorable que, par un vote d’entraînement, on diminuât le revenu public et que, pour remplacer ces ressources, il fallût de nouveaux impôts, pesant sur tous les citoyens ; car assurément, l’on ne diminuerait pas pour cela les dépenses.

Les péages sont d’ailleurs des ressources très-légitimes. S’ils avaient été concédés à perpétuité comme en Angleterre, il ne pourrait être question de les réduire. Ils doivent continuer d’être perçus à la décharge des contributions. Il est tout naturel que celui qui reçoit par une voie navigable de la houille, du fer, du bois, etc., paye un droit de péage. C’est pour lui un impôt indirect à peine sensible.

M. de Garcia – Si l’honorable M. Dumortier avait été présent à la séance où j’ai fait mon observation, il se serait sans doute évité la peine de me combattre. Cette observation qu’il ne connaît pas, j’en ai la conviction par tout ce qu’il vient de dire, est celle-ci. Dans l’état actuel des choses, les péages sont plus élevés sur la Sambre que sur le chemin de fer. Or, dans les intérêts mêmes de la chose publique, c’est ce qui ne devrait jamais arriver, parce que les canaux rapportent à l’Etat sans frais de traction. J’ai fait observer en outre que le matériel du chemin de fer était insuffisant, et que la preuve s’en trouvait dans la demande de trois millions pétitionnés pour le compléter. Ce matériel pourtant, je n’hésite pas à le dire, et j’en suis convaincu, sera encore insuffisant. Il faut ne pas le perdre de vue, messieurs, les frais de locomotion pour le chemin de fer sont considérables, tandis que pour l’Etat, les frais de transport par navigation sont insignifiants et se réduisent à des frais d’entretien, qui existent toujours, soit qu’on navigue ou qu’on ne navigue pas.

Que l’honorable M. Dumortier veuille donc se tranquilliser sur les revenus du trésor, et surtout qu’il ne craigne pas qu’un abaissement dans le péage signalé diminue les revenus publics : une crainte semblable ne peut exister que dans une fausse appréciation de l’ensemble des faits et des circonstances ; loin que la mesure que je propose puisse avoir un tel résultat, j’ai la conviction que son adoption serait avantageuse au trésor en procurant d’un côté des économies dans les frais de traction et du matériel du chemin de fer, et donnant, d’un autre côté, un péage net et sans frais pour l’Etat sur le canal de la Sambre. Je sais que je ne puis obtenir aujourd’hui ce que je voudrais, aussi me suis-je borné à demander les intentions du gouvernement sur cet objet.

M. de Mérode – J’ai plusieurs fois parlé de la taxe très-faible que supportent les transports sur les chemins de fer. D’après ce que vient de dire l’honorable M. de Garcia, il paraît que j’ai bien raison puisque le prix des transports est moindre que sur la Sambre.

Au lieu de diminuer les péages sur la Sambre, j’augmenterais les péages sur le chemin de fer. Il en résulterait peut-être que la dépense de 300,000 francs que l’on a votée dernièrement pour réparer l’éboulement du tunnel de Cumptich serait couverte ainsi au lieu de l’être par des bons du trésor ; ce qui vaudrait beaucoup mieux.

M. Dumortier – L’honorable M. de Garcia prétend que les péages sur la Sambre sont plus élevés que sur le chemin de fer. C’est ce que je voudrais voir démontrer : c’est ce que j’ignore. Mais il ne faut pas confondre les péages avec le prix de revient des transports, et il n’est pas douteux que le transport ne soit beaucoup plus économique par eau que par chemin de fer.

Je maintiens qu’il est inutile de diminuer le revenu public par une réduction de péages.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Cette question de la réduction des péages sur la Sambre inférieure a été longuement discutée l’année dernière. J’ai développé alors les motifs qui me font penser que le gouvernement n’a pas, en vertu de la loi du 1er septembre 1840, les pouvoirs nécessaires pour opérer la réduction des péages sur la Sambre inférieure. J’ai dit comment le gouvernement interprétait la loi de 1840, qui n’avait pour objet que la réduction des péages sur la Sambre supérieure vers Paris, réduction qui ne pouvait avoir lieu qu’à mesure que des modérations analogues seraient apportées sur la Sambre française.

J’avais ajouté que je me réservais d’examiner si le gouvernement avait le droit d’appliquer à la Sambre inférieure la loi du 30 juin 1842, qui autorise les réductions pour certains produits exportés. Mais dans quel intérêt admettrait-on ces réductions ? Il y a deux intérêts dont a parlé l’honorable M. de Garcia. Le premier est celui des consommateurs de la province de Namur. A ce point de vue, le gouvernement ne trouve aucun pouvoir dans la loi de 1842 ; car cette loi n’autorise les réductions que pour les exportations. Or, pour l’exportation des houilles vers les Ardennes françaises, la chambre a adopté le projet de loi relatif au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, qui atteindra ce résultat d’une manière bien plus convenable que ne pourraient le faire des péages plus réduits sur la Sambre inférieure. Aussi l’honorable M. de Garcia s’est surtout préoccupé de l’intérêt des consommateurs de la province de Namur ; or le gouvernement est sans pouvoir. Il faudrait donc recourir à une loi.

- L’art 9, qui devient l’art. 6, est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Article 7. Personnel des services désignés aux articles 3, 4, 5 et 6.»

La chambre passe à l’art. 10 : Personnel, qui devient l’art. 7, et qui est formé par la réunion des anciens art. 4, 6, 8 et 10.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Le gouvernement propose d’élever de 740 à 800 fr. le traitement des six sergents d’eau, chargés du service de la Sambre. Ils sont chargés d’un service très pénible, et souvent dangereux, pendant la saison de la crue des eaux ; ce service exige des déplacements continuels le jour et la nuit. Cependant la position de ces employés est moins avantageuse que celle de leurs subordonnés : c’est-à-dire les éclusiers et les gardes-déversoirs. Ceux-ci jouissent de l’avantage d’un logement, dont ne jouissent pas les sergents d’eau.

La section centrale allègue que les sergents d’eau ne reçoivent qu’un traitement de 700 fr. sur les autres canaux et rivières. C’est une erreur. Ces traitements sont en général plus élevés. Les sergents d’eaux des canaux de Pommeroeul à Antoing et de Condé, sont tous payés à raison de 800 fr.

Le motif principal qui a porté le gouvernement à demander cette majoration, c’est que les sergents d’eau de la Sambre recevaient une indemnité de 2 fr. par jour lorsqu’ils dirigeaient les opérations du bateau dragueur ; or, depuis sa suppression, ils ne jouissent plus de cette indemnité. Cependant le système de dragage à la main leur donne beaucoup plus de besogne que quand le dragage se faisait par le bateau dragueur. C’est cette considération qui a porté le gouvernement à demander que le traitement des sergents d’eau fût élevé à 800 fr., ce qui serait leur traitement normal.

La section centrale a cru que les 600 fr. tenus en réserve étaient demandés dans l’intention de majorer le traitement des préposés de la Sambre. Il n’en est rien. Mais pendant les fortes eaux, il est souvent nécessaire de salarier des aides pour la manœuvre des poutrelles, les préposés ne pouvant suffire à la besogne. Ce sont des travaux extraordinaires. Tel est l’objet de ce crédit.

Du reste, la majoration n’est qu’apparente ; il n’y a, comparativement avec le budget de 1844, qu’une majoration de 40 fr., par suite de la suppression de l’emploi du machinisme du bateau-dragueur, à qui il était alloués 1,500 fr.

M. Mast de Vries, rapporteur – D’après l’observation que vient de faire M. le ministre, vous voyez qu’on a pu supprimer un machiniste. Parce qu’on a pu supprimer cette dépense, on ne trouve rien mieux à faire que d’augmenter les traitements des sergents d’eau et d’avoir 600 fr. en réserve pour des aides, dans les cas de crue extraordinaire. M. le ministre dit qu’il en a toujours été ainsi. Vous aviez donc les fonds nécessaires, et vous n’avez pas besoin de demander, comme vous le faites, une véritable majoration. Je vous dis, messieurs, que si vous portez aujourd’hui le traitement des sergents d’eau de la Sambre à 840 fr., vous le portez au chiffre maximum, et que l’année prochaine, on viendra vous dire : Les sergents d’eau de la Sambre ont 840 fr., pourquoi les sergents d’eau de l’Escaut n’auraient-ils pas le même traitement ?

Il y a plus, messieurs, vous voyez à la page 23 des développement du budget un sergent d’eau sur l’Escaut, qui est receveur, et auquel vous ne donnez que 800 fr., qu’un autre sergent d’eau n’a que 700 fr. Si vous augmentez les sergents d’eau de la Sambre, quelle raison donnerez-vous l’année prochaine pour refuser une augmentation à ceux des autres rivières ?

Messieurs, j’ai sous les yeux les procès-verbaux des sections. Je remarque que dans les sections, les membres de la chambre sont tout feu pour avoir des économies ; tout le monde en veut ; dans les procès-verbaux des sections, il ne s’agit que d’économies. Ici au contraire, lorsque des économies sont réclamées par la section centrale, on est encore tout feu, mais c’est pour voter des dépenses. Sous ce rapport, la position du gouvernement est excellente ; mais celle du rapporteur devient en quelque sorte ridicule. Nous proposions des économies réclamées par toutes les sections ; et non seulement, elles sont rejetées, mais on vote des augmentations sur les allocations réclamées par le gouvernement. Je crois, messieurs, que ce qu’il y aurait à l’avenir de mieux à faire pour un rapporteur, ce serait de donner simplement son visa, de dire : Vu et accepté. L’année dernière le budget a été augmenté d’une somme de . . . ; cette année celui de l’intérieur l’a été aussi d’une somme considérable et j’ai lieu de craindre qu’il n’en soit de même pour le budget des travaux publics.

- La chambre n’est plus en nombre.

La séance est levée à 4 heures ½.