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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 28 avril 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 1495) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à 2 heures.

M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur F.-Chambre. Burckenstein, capitaine de navire à Anvers, né à Lubeck, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Plusieurs fermiers cultivateurs du canton d’Asch demandent des mesures de protection pour la culture des céréales. »

« Le conseil communal et plusieurs propriétaires de Stockheim demandent l’adoption de la proposition de loi sur les céréales, signée par 21 représentants. »

« Même demande des conseils communaux et habitants notables de Vucht, Lanklaer, Gotthem et Neerrepen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les céréales.


« Le conseil communal de Thiels demande que le chemin de fer projeté de Bruges à Courtray passe par Thielt, avec un embranchement d’Ingelmunster à Roulers. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la construction de ce chemin de fer.


« L’administration communale de Rotselaer demande que l’embranchement projeté du chemin de fer de Louvain à Diest et Jemeppe passe par Aerschot. »

« Même demande de l’administration communale d’Aerschot, Langdorp, Beggynendyck et Rillaer. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« La chambre de commerce de Liége présente des observations en réponse aux considérations exposées par MM. Lamarche et Borguet, pour obtenir la concession d’un chemin de fer de Liége à Maestricht. »

Sur la demande de M. Lesoinne, cette pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le canal latéral à la Meuse.


« L’administration communale de Thieu demande la prompte exécution du chemin de fer de manage à Mons. »

« Même demande du conseil communal de St-Waast. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen de ce projet.


« Plusieurs habitants de Schoorisse, réduits à la misère par suite de la décadence de l’industrie linière, prie la chambre d’aviser aux moyens d’améliorer leur sort. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal et plusieurs électeurs de Moxhe demandent une loi pour empêcher les fraudes dans les élections communales. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) transmet à la chambre des explications sur la réclamation du sieur Lecharlier.

- Dépôt au bureau des renseignements.

Motion d’ordre

Projet de canal latéral à la Meuse et de concession ferroviaire entre Liége et Maestricht

M. David – Je suis heureux, messieurs, de pouvoir, à l’ouverture de cette séance, donner une grande et bonne nouvelle à mon pays.

Je sors d’une conférence avec l’un des chefs d’une puissante société anglaise et je suis autorité à venir déclarer ici qu’il est au pouvoir de M. le ministre des travaux publics, de signer, ce soir même, une convention par laquelle le canal latéral de la Meuse sera, ainsi que le chemin de fer, entrepris gratuitement aux frais, risques et périls des concessionnaires.

Les concessionnaires s’engageront, pour le canal jusqu’à concurrence de 3 millions 600 mille francs.

Par cette splendide transaction vient à cesser, messieurs, une dissidence qui eût été fâcheuse entre mes honorables collègues de la province de Liége et moi. J’ose croire maintenant que le résultat d’une motion que l’on a qualifiée à la fois d’intempestive et de prématurée, me réconciliera avec tout le monde.

M. Delfosse – Pour savoir si la nouvelle est aussi bonne que l’honorable M. David l’assure, il faudrait avoir des renseignements qu’il ne nous donne pas ; il faudrait connaître, entre autres choses, quel sera le tarif de la compagnie.

M. de La Coste – Je prie la chambre de réfléchir sur le point de savoir s’il ne serait pas convenable que la discussion du canal latéral à la Meuse fût différée de quelques jours. La discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Jemeppe à Louvain se rattache à celle qui nous occupe depuis quelques jours ; ne serait-il pas préférable de changer notre ordre du jour et de postposer la discussion du canal latéral à la Meuse qui va susciter des discussions assez longues.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si cet ordre ne lui paraît pas plus convenable. La discussion actuelle étant une sorte de discussion générale sur les concessions, l’examen du projet relatif au chemin de fer de Jemeppe viendrait plus à propos immédiatement après les délibérations sur celui de Jurbise.

M. Delfosse – Je dois combattre la proposition de l’honorable M. de La Coste. La chambre a décidé qu’elle s’occuperait du canal latéral à la Meuse, immédiatement après le vote du chemin de fer de Tournay à Jurbise et de St-Trond à Hasselt. Je demande que cette décision soit maintenue.

L’honorable M. David vient de nous apprendre qu’une compagnie va se présenter pour construire à la fois un canal et un chemin de fer entre Liége et Maestricht. Je le crois sur parole, mais quelles garanties la compagnie offrira-t-elle ? à quelles conditions fera-t-elle l’entreprise ? quel sera son tarif ? C’est ce que l’honorable M. David ne nous a pas dit.

Ce n’est pas sur une déclaration aussi vague que la chambre doit changer son ordre du jour ; lorsque des propositions seront faites par la compagnie, nous les examinerons, jusque-là nous n’avons pas à nous en occuper.

N’oubliez pas, messieurs, que les travaux du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse vont commencer, et que le canal latéral à la Meuse n’est qu’une faible compensation du préjudice qui résultera, pour la province de Liége, de l’établissement de ce chemin de fer. Il faut qu’à l’instant où le débouché des Ardennes françaises sera perdu pour la province de Liége, elle puisse reconquérir une partie du marché hollandais. Si la chambre adoptait la proposition de l’honorable M. de La Coste, le vote du canal latéral à la Meuse pourrait être renvoyé à la session prochaine ; il y aurait, dans ce retard, quelque chose de contraire à l’équité, il froisserait des espérances légitimes. J’insiste pour le maintien de l’ordre du jour.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’ai quelque lieu de m’étonner de la motion de l’honorable M. David. Il n’est pas ordinaire qu’une négociation soit entamée à la tribune sans que le ministre en ait connaissance. Une négociation est chose sérieuse et plus ou moins longue ; il faut que le gouvernement s’assure du sérieux de la compagnie et des garanties qu’elle présente ; en second lieu, il faut examiner les conditions ; en troisième lieu il faut savoir jusqu’à quel point le gouvernement peut se dessaisir d’un canal destiné à compléter le système de canalisation de la Campine, à nous relier la Hollande.

Un quatrième point est à examiner.

Le gouvernement belge est en pourparlers avec le gouvernement hollandais pour la construction de ce canal ; le principe est admis par les deux gouvernements ; la convention sera signée sans de longs délais, nous l’espérons ; mais j’ignore si le gouvernement hollandais, qui a consenti à admettre le principe de l’exécution par l’Etat belge, admettra également l’exécution par une compagnie. Ce sont là des questions que j’indique, qui ne peuvent pas être discutées immédiatement. Si des propositions sont faites, je les examinerai avec soin mais je ne puis traiter une négociation à l’improviste à la tribune.

M. David – Je ne me rallie pas à la proposition qui vous est faite, car ma motion d’ordre n’est pas subversive de l’ordre du jour. Il doit être maintenu tel qu’il a été arrêté. L’honorable M. Delfosse et M. le ministre des travaux publics viennent de présenter quelques objections relativement aux conditions que proposent les concessionnaires.

M. le président – Nous ne pouvons pas entamer cette discussion.

M. David – On me dit qu’on ne sait pas à quelles conditions est faite l’offre dont je viens de parler ; vous ne voulez pas que je m’explique.

Je ne puis pas dire maintenant quelles sont les conditions ; elles me sont inconnues. Mais il me semble que quand on admet le prix de 3,600,000 fr., c’est le principal, car le point important c‘est l’argent. Quant aux autres questions, on n’a fait aucune objection. Je dois supposer qu’on doit s’en référer au tarif, au cahier des charges.

J’ai été autorisé à déclarer, qu’on ferait gratuitement ce canal et le chemin de fer. Voilà, selon moi, une admirable condition pour le pays ; je crois que les autres conditions pourront être arrêtées ce soir même par M. le ministre.

L’impatience ne doit pas nous gagner. Les négociations pourront être assez longues. Quant il sera reconnu que la proposition est utile au pays, voudra-t-on encore mettre des bâtons dans les roues ?

M. le ministre disait tout à l’heure que la proposition que je venais de faire tombait comme du ciel, qu’on ne pouvait s’y attendre, qu’elle devait être l’objet d’une délibération sérieuse et lente. M. le ministre n’a pas toujours apporté tant de prudente lenteur dans ses résolutions, car dans ces derniers temps, pour une quantité de concessions de chemins de fer, il a été très-vite en besogne. Pendant le temps que nous devons encore être réunis, il peut encore prendre une résolution sur une proposition de la nature de celle que je viens d’annoncer.

Plusieurs voix – L’ordre du jour ! l’ordre du jour !

M. le président – M. de La Coste persiste-t-il dans sa proposition ?

M. de La Coste – Je croyais qu’elle simplifierait nos débats, mais puisqu’elle rencontre de l’opposition et que personne ne l’appuie, pas même M. le ministre des travaux publics, je n’insiste pas.

Projet de loi autorisant la concession des chemins de fer de Tournay à Jurbise et de St-Trond à Hasselt

Discussion générale

(page 1496) M. Coghen – Messieurs, à la séance de samedi dernier, je devais succéder à l’éloquent orateur de Tournay. J’ai cédé mon tour de parole à l’honorable M. d’Elhoungne, je ne croyais pas pouvoir la prendre après un discours aussi vif, aussi éloquent que celui qui vous veniez d’entendre. Je crains la fatigue de la chambre ; je résumerai brièvement mon opinion ; je tiens non-seulement à motiver mon vote, mais à exprimer toute ma pensée à propos de la discussion spéciale qui nous occupe, parce qu’elle s’applique également à tous les chemins de fer dont on demande la concession.

J’ai écouté avec beaucoup d’attention les différents systèmes qui ont été soutenus, développés avec habilité dans cette enceinte. En 1834, j’ai secondé avec beaucoup de force l’honorable M. Rogier dans ses efforts pour obtenir la création des chemins de fer, ce monument national qui honore le pays. Je désirais alors que l’exécution eût lieu par l’Etat. Je savais que ce n’était pas le moyen le plus économique ; je savais aussi qu’il y avait beaucoup d’essais à faire, qu’il y avait beaucoup à apprendre. Je préférerais que ces essais fussent faits par l’Etat. J’ai voté pour que l’exploitation se fît aussi par le gouvernement. Je me réjouis de ce que ce système ait été adopté, parce que la nation entière peut faire des sacrifices quand l’intérêt public le réclame ; là où les particuliers nous auraient rançonnés, là où l’égoïsme aurait imposé des conditions bien dures à l’industrie du pays et aurait rendu les développement dont nous sommes témoins, peut-être impossible.

Lors de la discussion du projet de loi au chemin d’Entre-Sambre-et-Meuse, j’ai applaudi au système dans lequel le gouvernement entrait ; je désirais seulement que l’achèvement de la ligne de Landen à Hasselt et l’exécution de celle de Jurbise à Tournay se fissent par l’Etat, parce que je les regardais comme le complément de notre grand réseau et pour ne pas introduire d’intérêt étranger dans notre administration. Toutefois, bien que je ne soit pas effrayé des huit millions que nous eussions dû emprunter et des dépenses à faire pour d’autres travaux publics que le gouvernement demande à exécuter, toutefois je dois dire que j’ai profondément médité notre état financier. J’ai vu notre position actuelle, j’ai médité sur son avenir, j’ai vu sa situation dans l’état de paix, j’ai considéré aussi sa position possible en temps de guerre. Aujourd’hui, vos impôts sont déjà élevés ; les augmenter davantage serait accabler le pays. Maintenir votre budget des voies et moyens, c’est tout ce que nous pouvons faire. Je sais qu’il y a des économies possibles, parce que si le gouvernement hollandais nous a légué des charges, la révolution aussi nous a imposé des sacrifices, mais ils disparaîtront avec le temps. Les populations augmentent, les frais d’administration doivent augmenter. Et si vous parveniez à introduire des économies dans le budget des dépenses, de manière à pouvoir suffire à l’ensemble de l’administration générale d’une population aussi grande sans augmentation d’impôt, je trouverais que ce serait un très-grand résultat.

Dans cet état de choses, vouloir nous lancer de nouveau, pour des sommes énormes, dans des entreprises de travaux publics pour compte de l’Etat, ce serait, je crois, commettre une grande imprudence, compromettre l’avenir financier du pays.

Nous avons, par le budget de la guerre, fixé le chiffre de l’armée à un contingent de 32 mille hommes et la dépense à une somme de 28 millions de francs. Mais il peut surgir un événement politique. La moindre susceptibilité entre les nations peut replonger l’Europe dans une conflagration générale. Heureusement que les princes qui gouvernent ne le veulent pas, et que les nations, pénétrées de leurs vrais intérêts, sont d’accord pour éviter une collision toujours déplorable pour l’humanité.

Mais, enfin, dans la supposition d’une guerre, vous devez immédiatement porter votre armée à 80 mille hommes ; vous devez, par suite, augmenter votre budget de 50 millions de fr. Et dans quel moment ? Quand vos ressources diminueraient ; quand, par suite de la crise politique, vous ne pourriez le faire qu’à des conditions ruineuses ; quand vous en seriez réduit à revenir sur le contribuable, à lui demander ce qui vous manquerait quant à l’impôt, et ce qui vous serait nécessaire pour augmenter votre armée.

La conséquence, c’est que, pour éviter des embarras financiers, des emprunts ruineux ou un accablement insupportable d’impôt, le gouvernement doit dorénavant s’abstenir de l’exécution de travaux publics de quelque importance. Je désire qu’on laisse faire aux capitaux étrangers, aux intérêts des particuliers. Ainsi, vous serez moins à la merci des événements ; vous aurez moins à les redouter.

Un honorable orateur a craint de l’entraînement ; il a craint que les capitaux étrangers, venus dans le pays, ne fissent subir des mécomptes ; il craint une trop grande activité, suivie d’un manque de travail. Je ne partage pas ses appréhensions. Je désire ardemment du travail pour la classe ouvrière ; et pour les mécomptes j’ai bien examiné toutes les lignes dont on demande la concession ; toutes sont utiles au pays ; mais toutes ne seront pas également profitables pour les entrepreneurs ; je les crois toutes bonnes ; mais il y aura nécessairement de grandes différences dans leur résultat.

Il ne faut pas se le dissimuler, si le jeu, si l’appât du gain peut porter à ces entreprises, il faut aussi reconnaître qu’il y a en Angleterre une masse de capitaux dont le placement avantageux est difficile, est presque impossible ; que l’intérêt y est si bas qu’on veut moins exposer ses capitaux dans les fonds publics, toujours très-élevés dans ce pays, et qu’il est très-naturel que les capitalistes anglais tâchent de se reporter sur le continent pour y trouver une application favorable aux nombreux capitaux qu’ils veulent utiliser ; les succès obtenus dans ce pays, d’ailleurs, les encouragent à de nouvelles opérations.

Il ne faut pas croire que ces demandes de concession aient été faites aveuglément et sans la connaissance de nos ressources, de l’avenir de notre pays, de l’avenir de son industrie. Je crois que les hommes haut placés qui s’en sont occupés, se sont enquis de ce qui a été fait et de ce qui est possible. Je crois que l’exécution de chemins de fer dans le pays même, création à laquelle j’ai concouru, et qui a donné de très-beaux résultats, n’a pas été sans influence sur leur détermination. Un chemin de fer dont le devis était 1,500,000 fr. et qui a coûté au-delà de 3 millions, donne déjà 7 p.c. Un autre chemin qui a coûté 60 p.c. au-delà de l’évaluation des ingénieurs donne, bien qu’il ne soit exploité que depuis 3 ans, 8 ½ du capital employé. Il ne faut donc pas désespérer des entreprises que les étrangers feraient dans le pays, et craindre qu’il y aura de grands mécomptes.

Une autre considération, messieurs, que l’on peut faire valoir, c’est que par suite des dernières opérations financières, notre pays s’est appauvri de beaucoup de capitaux numéraires. Je crois que l’on peut évaluer sans exagération à cent millions les capitaux qui, depuis quelques mois, sont sortis de la Belgique. Il en est résulté, messieurs, au détriment du commerce, au détriment de l’industrie, une augmentation de la valeur de l’argent. Les escomptes se sont élevés de 3 et 4 ½ p.c. à 5 p.c.

Si les capitaux étrangers affluent, il est évident que l’abondance de l’argent fera baisser l’escompte, et ce tout à l’avantage de l’industrie, de l’agriculture et du commerce.

Messieurs, un honorable orateur vous a parlé de la métallurgie. En effet, la métallurgie se relève par suite de la hausse du prix des fers en Angleterre, et par suite du traité avec le Zollverein. Nos nombreuses usines commencent à reprendre de l’activité.

On a perdu pendant sept ans. Les populations ouvrières qui vivent du travail du fer ont été dans une position bien malheureuse. Depuis six semaines à peine la prospérité renaît, le courage revient et nous n’avons qu’à nous en applaudir dans l’intérêt de la classe ouvrière et dans celui de la fortune publique.

On pourrait craindre que de cet élan il résulte encore les mêmes inconvénients qui sont nés en 1836 et 1837 de la construction de trop nombreuses usines. Nous n’avons pas à craindre, messieurs, cet événement. La fabrication du fer au coke à ses limites parce que le charbon pour faire le coke ne se trouve que dans une proportion bornée dans le pays ; et la hausse, résultat inévitable d’une grande consommation, empêcherait la création d’un plus grand nombre de hauts fourneaux.

Toutefois, messieurs, cette reprise pour la métallurgie n’est pas générale ; celle au moins de la province de Luxembourg n’a pas encore repris son activité, et sauf quelques fabriques assez favorablement placées pour pouvoir fournir à l’Allemagne, les autres sont encore inactives au grand détriment de la classe ouvrière des localités qui les entourent et aussi de la propriété boisée.

Je crains, messieurs, d’avoir déjà abusé de vos moments ; je me hâte de résumer mon opinion.

Pour l’avenir tous les grands travaux publics abandonnés à l’intervention des capitaux et à l’intelligence des particuliers ; concessions accordées en débattant les conditions avec toute la rigueur nécessaire ; mesures à prendre contre les concessionnaires, afin de ne pas leur donner la possibilité de tyranniser ceux qui doivent faire usage des voies concédées ; et dans le cas particulier qui nous occupe, je voterai pour le projet de loi amendé, comme base d’un nouveau contrat à intervenir entre le gouvernement et les demandes en concession, contrat qui, par les soins intelligents de M. le ministre des travaux publics, sera, je l’espère, encore plus favorable que la loi même que nous allons voter.

M. David – Messieurs, je viens répondre quelques mots à un discours qui a été prononcé les jours derniers par l’honorable M. Rogier. Je lui aurais répondu plus tôt ; si un grand nombre d’orateurs n’avaient été inscrits avant moi. Je pense cependant que les observations que j’avais à présenter trouveront encore avantageusement leur place.

Je suis fâché de ne pouvoir cette fois partager l’opinion de l’honorable M. Rogier, en ce qui concerne les dangers de voir amoindrir les recettes des grandes lignes du chemin de fer de l’Etat, par certains affluents dangereux ou lignes à peu près parallèles audit chemin de fer.

M. Rogier a attribué hier à l’honorable ministre des travaux publics ce que j’avais indiqué dans une séance précédente avec les tableaux du compte rendu de 1844 à la main, relativement au transit des voyageurs et des marchandises. Je viens donc ajouter quelques mots à l’explication que j’ai essayé de donner à la chambre, pour rassurer ceux de ses membres qui craignent l’appauvrissement de nos recettes, par le système des concessions.

Quant à moi, messieurs, ; et déjà j’ose le dire, je vous avoue que je ne comprends pas une seule ligne de chemin de fer qui ne soit destinée à enrichir la grande artère des chemins de fer de l’Etat. Je vais peut-être fort loin, mais voici sur quoi je fonde mon opinion.

M. le ministre vient de vous le dire, messieurs, et avec beaucoup de justesse : la question à examiner c’est celle de savoir si le gouvernement est indemne dans les frais d’exploitation.

Le moyen de se rendre compte est donc de consulter le tableau XXXVII, du compte rendu de 1844, dont j’ai déjà effleuré quelques lignes il y a huit jours : on y voit, concernant les voyageurs, que le mouvement international de la France vers la Belgique par Lille se compose de 66,200 voyageurs.

(page 1497) De ces 66,200 voyageurs, 24,800 ont Courtray pour destination ; 12,800 Tournay ; 10,900, Gand. Ensemble pour ces trois villes seules, 48,500.

Vous voyez que tout le mouvement international se fait, pour ainsi dire, avec les villes limitrophes, et en raison de courtes distances ; et c’est si vrai que les voyageurs de la France pour Bruxelles ne comportent déjà plus que 5,700 pour la capitale ; pour Anvers, y compris ceux qui se dirigent vers les bateaux à vapeur, que 1,700.

Le succès de notre grande ligne reste donc essentiellement dû au mouvement intérieur entre les villes de la Belgique, de ville en ville, et pour le mouvement international, des villes rapprochées des deux frontières. C’est ainsi qu’en parcourant toute la ligne du tableau n°XXXVIII, on finit par reconnaître que les voyageurs en transit ne sont portés à Herbesthal, en venant de Mouscron, que pour 200. L’honorable M. Rogier peut donc se rassurer pour ce qui se passera entre Berlin et Paris, dont il a parlé.

Ainsi n’attachons pas la moindre importance au transport des voyageurs en transit, il ne sera jamais qu’un excessivement faible accessoire.

Le véritable mouvement du chemin de fer est celui de ville à ville les plus rapprochées entre elles, car sans cela comment expliqueriez-vous qu’entre Gand et Bruxelles, les deux villes les plus importantes du pays, on ne trouve que 39,400 voyageurs, tandis qu’entre Malines et Bruxelles on en trouve 74,700. Il devient clair pour moi, de ce que je viens de déduire, que si Gand était à la même distance de Bruxelles que Malines, ce ne seraient pas 39,400 voyageurs qu’elle fournirait, mais au-delà de 200 mille. Hérésie ! L’autre jour, messieurs, en quittant a séance, l’honorable M. Nothomb, en m’accostant, me dit avec le fin sourire que vous lui connaissez :

« M. David, nous avons été Romains, nous avons appartenu à l’Espagne, nous avons été Autrichiens, nous avons été Français, nous avons été Hollandais, aujourd’hui nous sommes Belges, mais nous allons devenir Anglais. »

L’honorable ministre de l’intérieur pensait bien peu ce qu’il disait là.

Il sait trop bien qu’une nouvelle consécration de notre existence politique, de notre neutralité sera l’effet de l’affluence des capitaux anglais sur notre sol.

Laissez-les venir, messieurs, ces capitaux. La puissante nation qui les déverse sur notre territoire, les y suivra. Dans quelques années, vous verrez 50 mille Anglais chez nous, dans notre heureux pays, qui viendront y dépenser 1 liv. st. par jour pour y faire des économies.

Laissez-les venir, et arrive alors le jour où nous soyons menacés par quelque crise politique, nous serons, je pense, forts de la protection de la grande nation, qui nous fait aujourd’hui déjà tant de bien et qui ne permettra pas facilement que l’on nous froisse.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ne reviendrai pas, messieurs, sur les considérations générales qui ont été présentées dans les séances précédentes ; je pense avoir répondu suffisamment aux objections générales qui ont été faites, ainsi qu’aux calculs qui vous ont été soumis relativement à l’opération, considérée sur le plan financier. Du reste, lorsque nous examinerons les articles de la convention, nous pourrons aborder certains détails qui ne trouvent que difficilement leur place dans la discussion générale.

Mais il est un point, messieurs, sur lequel je ne me suis pas encore expliqué : une objection a été faite par divers orateurs et particulièrement par l’honorable M. Castiau, relativement à une question assez sérieuse pour que la chambre l’examine à fond ; je veux parler de la publicité de la concurrence, de l’adjudication.

Messieurs, vous remarquerez d’abord que d’après la rédaction du projet présenté par la section centrale, le gouvernement a la faculté de recourir à la concurrence et à l’adjudication s’il n’y trouve pas de danger, s’il le trouve utile aux intérêts généraux du pays, mais la section centrale n’en a pas fait une obligation au gouvernement. Je crois, messieurs, que la section centrale a bien fait. Je crois, et je vais tâcher de vous le démontrer, qu’il y a utilité à laisser cette faculté au gouvernement, mais qu’il y aurait des dangers graves, dans les circonstances qui nous entourent, à faire de l’adjudication une obligation pour le gouvernement.

Messieurs, en fait de concessions, il y a deux systèmes possibles. Quand le gouvernement est autorisé par une loi générale, comme il l’était en 1842, à accorder des concessions, sans qu’il faille une loi pour chaque concession spéciale, alors il faut entourer ce pouvoir illimité donné au gouvernement, il faut l’entourer de beaucoup de conditions, il faut en soumettre l’exercice à des règles sévères. C’est ce qui a été fait, messieurs, par l’arrêté royal de 1836. cet arrêté pose deux bases, c’est l’enquête préalable, c’est l’adjudication publique. En effet, messieurs, lorsqu’on donne ici blanc-seing au gouvernement, lorsqu’on lui accorde un pouvoir illimité de ce genre, il est évident qu’il faut une enquête préalable, que tous les intérêts doivent être entendus, qu’il faut une adjudication publique ; sans cela on ouvrirait une large porte aux abus de tout genre.

Mais, messieurs, il est un autre système que la chambre admet de préférence, depuis quelques temps et auquel elle a donné une nouvelle sanction lorsqu’elle a discuté en dernier lieu la loi relative aux concessions de péages, c’est d’exiger une loi pour chaque concession d’un chemin de fer ou d’un canal. C’est le système anglais, et en l’adoptant on a substitué à l’instruction purement administrative organisée par l’arrêté de 1836, on y a substitué ce que j’appellerai l’instruction parlementaire. Dans ce système le gouvernement a d’abord instruit l’affaire par des négociations ; il présente ensuite une loi qui est examinée, soit par une section centrale, soir par une commission, soit par les sections. Enfin, on appelle sur ce projet les lumières de la discussion publique. Il est évident qu’on arrive ainsi à la publicité la plus large ; tous les intérêts ont le temps de se faire entendre et se font entendre en effet ; tout se fait au grand jour à la tribune ; vous avez et la concurrence et la publicité. J’ai dit tout à l’heure que c’est le système anglais, c’est aussi celui de l’Allemagne, où il n’y a pas non plus d’adjudication publique. En Angleterre, c’est le comité des travaux publics du moment qui instruit les projets présentés par le gouvernement, et qui les soumet ensuite, comme la section centrale le fait en Belgique, à la discussion publique des chambres.

On demande la concurrence et la publicité au moyen de l’adjudication publique, et d’un autre côté on demande que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour éviter l’agiotage. Eh bien, messieurs, c’est une chose impossible dans les circonstances actuelles ; l’adjudication publique est inséparable et de l’agiotage et des dangers de la spéculation. En effet, si vous voulez recourir à l’adjudication publique ordinaire, conformément à l’arrêté de 1836, dans la fièvre qui règne actuellement dans les pays qui nous avoisinent, vous verrez à l’instant même une foule de compagnies qui viendront proposer des rabais fous, parce que leur intention ne sera pas d’exécuter les travaux, mais de gagner la prime sur les actions qu’ils émettraient à la bourse. Alors le gouvernement se trouverait en face des victimes, et les chemins de fer ne s’exécuteraient pas.

On me dira :Vous n’aurez pas recours à l’adjudication publique sans restriction ; vous ferez ce qu’on fait en France ; le gouvernement sera autorisé à choisir entre certaines compagnies sérieuses auxquelles on imposerait certaines conditions. Mais, messieurs, qu’est-il arrivé en France ? Pour que le gouvernement puisse s’assurer si une compagnie est sérieuse, la première condition est de savoir i le capital social est constitué. C’est là la première chose que les compagnies devront constater.

Eh bien, cela suppose l’ouverture d’une souscription, c’est-à-dire l’émission préalable des actions, car on n’exigera pas d’un particulier ou de quelques particuliers, la formation du capital très-considérable qui est nécessaire pour l’entreprise d’une ligne de chemins de fer. Il est évident que l’exemple de la France prouve que dans le système de l’adjudication publique il faut autoriser les compagnies, préalablement à toute négociation à ouvrir une souscription, à émettre des actions, et par cela même vous tombez dans tous les dangers de la spéculation et de l’agiotage. En effet, messieurs, comme on l’a bien dit des fois dans la discussion, lorsque tout est imprévu, lorsque la plus grande incertitude pèse sur l’opération, alors l’agiotage existe dans toute sa force.

Ainsi, messieurs, dans le système de l’adjudication publique, on ne pourrait pas plus en Belgique qu’en France refuser aux compagnies l’autorisation d’ouvrir d’abord des souscriptions et d’émettre des actions préalables à toute autre opération. Vous ne pourriez pas non plus interdire aux porteurs de ces actions de négocier les titres sur lesquels un premier versement aurait été fait, car ces titres sont une propriété, et ce serait porter une atteinte directe à la propriété que d’interdire, comme le comte Daru le proposait en France, que d’interdire la négociation des titres sur lesquels le premier versement a été opéré.

Qu’est-il arrivé en France ? Il s’est formé 4, 5, 10 compagnies pour la même entreprise ; le capital a donc été réuni 4, 5, 10 fois. Il y a là d’abord un grand inconvénient c’est le déplacement stérile de capitaux considérables qui sont momentanément enlevés à l’industrie et aux fonds publics. Le premier versement est exigé 4, 5, 10 fois pour une même entreprise de travaux publics. De là, messieurs, ce que nous voyons en France : ces promesses d’actions, ces éventualités d’actions, ces récépissés d’actions, qui sont cotés à la bourse de Paris, car on cote à la bourse de Paris les promesses d’actions, et ce qu’on appelle les éventualités d’actions qui se présentent pour une même entreprise.

Vous avez les éventualités . . . . , les éventualités Rothschild ; et qu’arrive-t-il ? C’est qu’évidemment les cinq sixièmes de ces versements de capital devront être restitués le lendemain du jour où l’adjudication aura lieu. De là, débâcle inévitable. Je trouve dans un article très-remarquable du Journal des Débats, sur la proposition du comte Daru, les réflexions suivantes : « Tout le monde était d’accord que la loi ne saurait trop prévenir le public contre tous les abus, contre toutes les fraudes dont sa confiance, quelquefois mal éclairée, peut être victime ; et, sous ce rapport, on applaudissait à l’esprit de ces projets. Mais les personnes les moins passionnées reconnaissaient en même temps que , pour remédier à l’abus, il ne fallait pas entraver la liberté des transactions qui, en France, ainsi qu’en Angleterre, est l’indispensable condition de tous les progrès industriels et financiers. Au surplus, personne ne s’y trompe et n’ignore que la source du mal, la véritable cause des abus auxquels on a voulu remédier en s’écartant des principes de liberté, sans lesquels aucune entreprise considérable n’est possible, réside uniquement dans le système d’adjudication qui a été récemment adopté pour des travaux de cette importance, système qui a, en outre, l’inconvénient de détourner pendant longtemps, des autres branches de l’industrie, une masse de capitaux beaucoup plus considérable que celle dont on a besoin. »

La proposition du comte Daru avait principalement pour objet de prévenir les inconvénients de ce système. Ainsi, il voulait interdire l’ouverture préalable d’une souscription. La chambre des pairs, les chambres françaises n’ont pas cru pouvoir donner les mains aux réserves que le comte Daru voulait apporter aux transactions industrielles.

Dans le système admis en Belgique, nous avons plus de garanties, et nous évitons tous les dangers de l’agiotage. Une garantie que nous avons et qu’on n’a pas en France, c’est la solidarité, la responsabilité des capitalistes (page 1498) qui interviennent dans la convention passée entre la compagnie et le gouvernement.

Dans le système de l’adjudication publique,vous n’avez pas cette garantie la plus importante de toutes, la responsabilité, la solidarité des capitalistes qui se sont engagés vis-à-vis du gouvernement. Ainsi nous avons plus de garantie.

Nous avons la même garantie relativement au cautionnement d’un dixième qu’on exige en France. Cette garantie est consignée dans le cahier des charges qui vous est soumis. Mais l’immense différence entre le système français et le nôtre, c’est que, comme je viens de le dire, dans le système français, il est impossible d‘empêcher l’ouverture préalable d’une souscription, tandis qu’en Belgique il n’y a émission d’actions que quand on a versé le tiers du capital, et il est interdit de les coter aux bourses belges, avant l’exécution totale, c’est-à-dire quand l’agiotage est impossible. Dans notre système, il est impossible ; dans le système français, il est nécessaire, il est inévitable.

Avec le système admis en Angleterre, nous avons plus de garanties, parce qu’au lieu de la garantie de l’adjudication, ils ont celle de l’instruction publique, de l’instruction parlementaire. En Allemagne, on ne connaît pas l’adjudication publique. En Hollande elle n’est admise qu’exceptionnellement. En France, il n’y a pas de système absolu ; on a flotté entre tous les systèmes ; ce n’est que récemment qu’on a admis, d’une manière absolue, le système des adjudications ; et vous voyez qu’on se débat dans les dangers et les inconvénients du système où l’on voudrait jeter la Belgique.

Je le répète, si vous voulez l’adjudication publique, vous devez vouloir la souscription préalable. Je ne vois pas que vous puissiez empêcher la négociation de titres sur lesquels il y a des versements, c’est-à-dire une propriété transmissible.

Du reste, je le répète, ce ne sont pas des idées absolues que je présente à la chambre. Je comprends que dans les circonstances ordinaires l’adjudication peut être nécessaire. Mais je crois que dans les circonstances où nous sommes placés, à cause même de cette fièvre qui règne sur les places qui nous environnent, il aurait danger, grand danger à faire au gouvernement une obligation de l’adjudication publique. Je crois qu’il faut laisser cette faculté au gouvernement et ne pas lui en faire une obligation.

M. Rogier – Dans une précédente séance, j’avais présenté des considérations générales en faveur du système de l’intervention de l’Etat dans les travaux publics ; au lieu de me répondre comme devrait le faire un homme d’Etat sérieux, M. le ministre, s’attachant cette fois aux petits côtés de la question, s’est particulièrement efforcé de me mettre en contradiction avec mes propres principes, et de me représenter comme passant du côté de mes adversaires, comme abandonnant ce que je puis appeler le point culminant de ma politique. Je prends la parole, non pour relever un reproche qui ne peut avoir d’importance venant d’une autorité assez faible en pareille matière ; mais pour préciser nettement ma position dans ces débats.

Le système que je défends est celui-ci : 1° intervention de l’Etat dans la construction et l’exploitation des chemins de fer qui ont un caractère d’utilité nationale et générale ; 2° abandon à l’intérêt privé, sous des garanties suffisantes, des communications secondaires.

Ceux qui abandonnent le système après l’avoir appuyé de leurs discours et de leurs votes, ceux-là son en contradiction avec eux-mêmes ; ceux-là sont aujourd’hui mes adversaires. Ceux, au contraire, qui après l’avoir combattu, l’adoptent aujourd’hui, ceux-là sont venus à nos idées ; ce n’est pas nous qui nous sommes convertis aux leurs.

J’ai dit qu’il fallait laisser à l’Etat les grandes lignes, les lignes nationales, et que je combattrais les propositions qui peuvent altérer ce système ; mais je ne me montre pas, et je ne me suis jamais montré l’adversaire absolu des concessions.

Dans l’exposé des motif du projet de loi de chemins de fer de 1834, voici comment je m’expliquais quant aux lignes principales et aux lignes secondaires.

« L’opinion de quelques économistes et l’exemple de l’Angleterre entourent sans doute le système des concessions d’apparences favorables ; mais s’il peut être utile de l’adopter pour toutes les communications secondaires qui naîtront de la communication principale, il ne l’est certainement pas pour la grande route commerciale.

« Cette entreprise vraiment nationale ne saurait être abandonnée à l’exploitation particulière, aux caprices ou à l’avidité de l’intérêt privé. Prolongement de la mer et de nos deux principaux fleuves, une telle communication doit rester dans le domaine public. »

Voilà, messieurs, comment je m’expliquais quant aux lignes principales, quant aux lignes nationales, faisant une réserve pour les communications secondaires, qui sans nuire aux grandes artères, devaient venir s’y rattacher.

En présence de l’entraînement qui semble général vers la construction des chemins de fer, en présence de cette pluie de demandes en concession dont nous sommes inondés, j’ai dit à la chambre : « Ne repoussez pas tout ; mais avant d’accepter, examinez, réfléchissez mûrement. »

Je me suis opposé à des entraînements irréfléchis. Ce n’est pas à dire que j’aie voulu repousser toute proposition quelle qu’elle fût ; et ce langage que je tiens sur les bancs de l’opposition, je le tenais aussi alors que placé sur d’autres bancs, j’aurais pu aussi être entraîné (et la résistance était difficile) vers des travaux publics exagérés ou mal conçus.

Voici, messieurs, ce que je disais, comme membre de l’administration de 1840 et de 1841 : « Tant que nous aurons la direction des travaux publics, nous veillerons avec soin à ce que le pays ne soit pas entraîné dans des dépenses au-dessus de ses ressources, non pas que nous considérons les dépenses en travaux publics comme perdues, nous croyons au contraire que ce sont des dépenses utiles et reproductives, contribuant largement à la richesse et à la prospérité publiques :mais nous ne pensons pas qu’il faut tout faire en un jour. Il ne faut pas, à la vérité, s’arrêter ; mais il ne faut pas non plus toujours courir : avancer lentement, améliorer en conservant, voilà le système dont nous ne nous départirons pas. »

Ce langage, que je tenais alors qu’il était si difficile de résister à des entraînements, je le tiens encore aujourd’hui. Je dis au gouvernement : Ne courez pas ; avancez lentement ; améliorez en conservant.

Pour avoir tenu ce langage, j’ai presque été accusé par M. le ministre de figurer dans des rangs rétrogrades. Et parce que j’ai demandé pour le gouvernement une large part d’intervention dans les travaux d’intérêt national, l’honorable M. Castiau a été jusqu’à prétendre que mon opinion remontait, je pense, au système suranné du moyen âge.

J’aurai occasion de revenir sur cette partie du discours de mon bienveillant et honorable adversaire. Je tenais seulement à établir que j’étais resté complètement d’accord avec les antécédents.

J’avais droit, messieurs, d’attendre de la part du gouvernement une réponse plus sérieuse. J’avais montré le danger d’abandonner légèrement et sans examen, ce que je puis appeler aujourd’hui la politique belge quant à l’intervention de l’Etat ; j’avais insisté sur la nécessité de ne procéder qu’avec maturité et réflexion quant aux demandes de concessions.

Au lieu de rencontrer sur les bancs ministériels un appui à cette politique que j’ose dire à la fois progressive et conservatrice, à cette politique que d’autres pays nous envient ou nous ont empruntée, je n’ai trouvé qu’incertitudes, vacillations, contradictions, facilité à abandonner les principes les plus caractéristiques de la politique belge, et pour tout dire, une espèce d’étourderie donnant tête baissée dans la fièvre de l’industrialisme, sans prendre la précaution de laisser mûrir les projets qu celui-ci improvise ; de les tenir au moins soumis quelque temps au contrôle d’une raison calme.

En face de ce renoncement de l’Etat à ses propres principes et de ce revirement de système, au milieu de ce débordement de demandes en concessions, de projets que le matin voit éclore et que le soir trouve convertis en contrats ; j’ai besoin, je le répète, d’établir nettement ma position.

Pour tous les projets de concessions qui, tout en se combinant avec le système général, ne tiendraient pas à ses entrailles, pour toutes les branches qui, sans amoindrir le tronc, peuvent, s’en détacher, je surveillerai, j’avertirai, je modérerai, j’adopterai enfin, lorsqu’il m’aura été démontré que ces lignes peuvent être accordées sans inconvénient pour l’Etat.

Pour les lignes, au contraire, qui, abandonnées à l’intérêt privé, pourraient porter une atteinte grave au système général, pour les lignes qui, par leur importance, par leur direction, doivent invinciblement demeurer dans le domaine public, pour celles-là, j’ai cherché et je chercherai encore à faire prévaloir le système de l’intervention de l’Etat.

Ces principes étant posés, dans quelle catégorie de travaux devons-nous rangés la ligne de Tournay à Jurbise que nous discutons en ce moment, route qu’il ne faut pas détacher de celle de Namur à Liége avec laquelle elle formera ce grand courant du midi en concurrence avec le grand courant du nord qui a été décrété par la loi de 1834 ? On ne peut nier que la ligne de Jurbise, continuée par celle de Namur à Liége, ne constitue une grande route nationale. L’opinion de l’honorable M. Nothomb, rappelée par l’honorable M. de Man dans une séance précédente, était positive à cet égard ; l’honorable M. Nothomb la déclarait dans les termes suivants :

« Je suppose les chemins de fer concédés de Tournay à Mons, de Mons à Charleroy, de Charleroy à Namur, de Namur à Liége. Je suppose que quatre sociétés soient concessionnaires, et elles se présenteront ; ces quatre sociétés, en se réunissant, peuvent détourner à leur profit le transit de la France et de l’Allemagne ; les voyageurs et les marchandises venant de l’Allemagne ne feraient plus un détour pour se rendre en France par Malines et par Gand ; mais, arrivés à Liége, s’y rendraient, directement par les quatre sections concédées que je viens d’indiquer, et réciproquement. »

Voilà, messieurs, quelle était l’opinion du gouvernement sur l’importance de cette ligne qu’il s’agit aujourd’hui de concéder. Je vous le demande : si en 1833, alors que le gouvernement venait vous demander la ligne nationale d’Ostende à Verviers, la jonction de l’Escaut au Rhin, à travers toute la partie septentrionale du royaume ; si, en même temps, dis-je, il était venu vous proposer d’accorder par concession une ligne concurrente, au midi du royaume, un pareil projet aurait-il eu la moindre chance de succès dans cette enceinte ? C’est cependant ce qu’on nous demande aujourd’hui.

Qu’est-ce que cette ligne qu’il s’agit de livrer aux concessionnaires ? C’est un grand fleuve, un fleuve qui fera concurrence sur une grande partie de son cours à la Meuse ; et je vous le demande, si l’on venait vous proposer de concéder à deux ou trois concessionnaires une rivière comme la Meuse, de la leur partager par portions congrues, de les autoriser à rançonner les passagers et les marchandises sur ce fleuve, ne diriez-vous pas que l’on veut retourner au moyen âge, et rétablir l’ancienne féodalité avec ses abus ? Vous diriez que ce système est de tous les systèmes qui ont été mis en avant le plus rétrograde qui se puisse imaginer.

J’appelle l’attention de l’honorable M. Castiau sur cette partie de mon discours qui s’adresse particulièrement à lui. Voilà la politique rétrograde, la politique du moyen âge, de cette époque où les grandes lignes de navigation étaient exploitées par les seigneurs.

La liberté de l’industrie est une belle chose ; mais la liberté de l’industrie ne doit pas être plus illimitée que les autres libertés. Je suis grand (page 1499) partisan des liberté mais, à côté de la liberté, je veux l’ordre, l’égalité, l’harmonie ; je ne veux pas que la liberté, dans ses exagérations, pousse au monopole ; je veux que la liberté soit une garantie pour toutes les classes de la société, et qu’elle n’aille pas se transformer, en quelques mains privilégiées, en un moyen de molester ces classes moyennes, ces classes pauvres auxquelles l’honorable orateur auquel je réponds, porte un si vif, un si juste intérêt.

Comment ! le pays et le gouvernement, depuis quelques années, ont senti la nécessité de reprendre l’administration des grandes voies de navigation. On trouvait qu’aux mains mêmes de provinces, les rivières, comme l’Escaut, la Meuse n’offraient pas assez de garanties dans l’intérêt général ; l’on craignait de voir les provinces exploiter à leur profit particulier l’intérêt public ; on leur a donc retiré l’exploitation des fleuves et des rivières, on a fait rentrer ces grandes artères du pays dans le domaine public.

Et aujourd’hui que vous allez créer un grand courant, un grand fleuve au midi du pays, de gaieté de cœur, avec préméditation, vous concédez ce grand fleuve à des intérêts particuliers ! Mais il y a évidemment contradiction dans une pareille politique ; rendez alors les fleuves aux provinces, et que les provinces les rendent, à leur tour, à leurs anciens seigneurs suzerains. Mais si, avec grande raison, vous voulez laisser les fleuves dans le domaine public, laissez-y aussi les autres grandes artères du pays, soit qu’elles soient en eau, soit qu’elles soient en pierre, soit qu’elles soient en fer.

C’est avec un profond regret que je vois le gouvernement abandonner cette politique progressive de l’intervention dans les travaux publics. Cette politique provoque, ailleurs que dans cette enceinte, des éloges que l’honorable M. Castiau ne pourra pas qualifier d’éloges de la servitude, d’éloges rétrogrades. En Angleterre, dans ce pays qu’on vous a cité comme un pays modèle en matière de travaux publics ; en Angleterre, on vous l’a dit, il se manifeste une réaction puissante contre l’intervention des sociétés particulières, contre ce système de liberté illimitée, sans ordre, sans garanties, sans contrôle, que l’honorable membre a préconisé. J’ai déjà mis sous les yeux de la chambre des extraits d’écrits qui ne sont pas des écrits rétrogrades. Je renvoie à la brochure intitulée Railway-Reform : l’auteur y parle du système belge, il en parle en meilleurs termes que l’honorable représentant auquel je réponds.

En France, l’opinion que je soutiens est défendue par les organes de la démocratie la plus avancée, non pas seulement de cette vieille démocratie qui remonte à 93, mais de la démocratie moderne. Tous les journaux qui représentent plus particulièrement les opinions de l’honorable membre, notamment dans les sympathies qu’il éprouve pour les classes inférieures ; tous ces journaux sont unanimes pour demander l’intervention de l’Etat dans les travaux publics. Et cependant ils ont à vaincre la répugnance que leur inspire le gouvernement d’aujourd’hui ; ils voudraient l’affaiblir, l’amoindrir, le déconsidérer. Et bien, malgré cette répugnance que le gouvernement leur inspire, malgré les avantages passagers que leur cause pourrait retirer de l’affaiblissement du gouvernement, il sont tellement convaincus que le système d’intervention gouvernementale en matière de travaux publics se lie entièrement au bien-être des clases populaires, qu’ils ne cessent de réclamer pour l’Etat l’application de ce système.

Voilà, messieurs, l’opinion de la portion la plus avancée de la démocratie moderne en France. Moi aussi, si je demande l’intervention de l’Etat c’est parce que je ne veux pas voir les intérêts des classes inférieures devenir le monopole d’une féodalité nouvelle ; je confie ces intérêts au gouvernement, sous l’inspection des chambres, sous le contrôle de la presse, sous le double stimulant de la publicité et de la responsabilité.

Je sais, messieurs, que contre les abus qui ont été signalés, et qui n’existent que trop réellement dans le système illimité de concessions ; je sais qu’on apporte aujourd’hui une espèce de remède, on nous dit : Les sociétés particulières ne pourront plus exploiter suivant leurs intérêts ; elles ne pourront plus exploiter le pauvre peuple ; elles ne pourront plus exploiter, comme elles le font en Angleterre, le commerce, l’industrie et l’agriculture, parce qu’en vertu du contrat qui vous est proposé, le gouvernement exploite lui-même. Que voulez-vous de plus ? Votre but n’est sans doute pas de faire des chemins de fer, votre but est de les faire exploiter par l’Etat.

Mais, à mon tour, je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il pense que le but sera rempli, s’il pense que le rôle du gouvernement sera parfaitement accompli, quand il aura fait rouler des locomotives et des voitures sur le chemin de fer ? Le but essentiel du système n’est pas de faire des chemins de fer, de faire rouler des voitures sur le chemin de fer ; le but, c’est de transporter à bon compte et d’après un tarif variant suivant les besoins. Or, dans son système nouveau, d’après quels tarifs M. le ministre des travaux publics continuera-t-il à transporter, à faire rouler les voitures ? D’après des tarifs immobilisés pour 90 ans dans les mains d’une société.

Je crois que M. le ministre me fait un signe négatif.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Pardon.

M. Rogier – Le gouvernement transportera donc les marchandises et les voyageurs, d’après les tarifs de la société, et pour le compte de la société ; nous examinerons plus tard à quelles conditions pécuniaires il le fera.

Eh bien, ceci n’est pas un système heureux. Au pont de vue de messieurs Pirmez et Castiau, ce système à tous les inconvénients moraux du système de l’intervention de l’Etat dans la construction et l’exploitation des chemins de fer ; et il n’en a pas les avantages administratifs ; je vais le démontrer. Quel est le bon côté de l’exploitation par l’Etat ? C’est de pouvoir transporter choses et personnes à un tarif modéré, de pouvoir pondérer les différents intérêts, d’équilibrer autant que possible ces intérêts de manière que l ’un ne se trouve pas sacrifié à l’autre. Voilà les avantages de l’intervention de l’Etat dans l’exploitation au moyen de tarifs arrêtés et modifiables par la législature.

Dans la combinaison qu’on nous propose, ces avantages cessent : les tarifs sont immobilisés dans les mains des sociétés particulières, et si on veut y introduire des modifications, il faut les acheter à des conditions onéreuses. Quels sont les inconvénients reprochés au système de l’intervention de l’Etat ? On lui reproche d’entraîner la corruption et la désaffectation. Quand il ouvre un exploitation, les pétitions arrivent de toutes parts, les demandes de places l’assiègent ; le gouvernement ne peut pas résister ; il est obligé de répondre par des promesses ou par des refus ; de là, des mécomptes, des mécontentements, des ambitions déçues, enfin, tout le tableau que l’honorable M. Pirmez a tracé sous des couleurs si noires. Est-il possible, qu’avec cette frayeur que vous inspire l’exploitation par l’Etat vous puissiez accorder ce que vous demande le projet de loi ? Car l’Etat demeurant exploitant, tous ces inconvénients que vous redoutez subsistent. Il y a plus, il y a double chance de corruption. Quand le gouvernement construit et exploite lui-même, il n’y a là que des places à donner ou à refuser. Qu’il s’abaisse à corrompre par des places, cela peut être, et c’est un mal, j’en conviens ; mais dans le système combiné de la concession à des particuliers pour la construction, et de l’exploitation par l’Etat, ne voyez-vous pas qu’il y a commencement de corruption avant même l’intervention de l’Etat ? Ne voyez-vous pas qu’il peut arriver que des concessionnaires jaloux d’obtenir d’un parlement, d’une administration qui serait plus ou moins corrompue dans quelques-uns de ses membres, ne voyez-vous pas qu’ils peuvent faire jouer des ressorts bien puissants ? Ne voyez-vous pas que la corruption ne tomberait pas seulement cette fois dans les régions inférieures, sur les solliciteurs de places, la corruption remonterait plus haut. Cela aussi doit donner à réfléchir, car tout n’est pas pur et saint dans toutes les demandes en concession ; il pourrait arriver que l’avidité, se cachant sous les formes de l’intérêt public, trouvât sa satisfaction dans ce système de concession que vous préconisez. Alors vous auriez deux fois la corruption ; vous auriez la corruption à son principe, combinée avec des demandes de concession qui ne sont, après tout, que des spéculations qu’on veut faire réussir à tout prix ; vous l’auriez ensuite dans l’exploitation qui serait, selon vous, administrée d’une manière fatale à la moralité du pays.

Dans vos craintes, il y a un côté très sérieux, très-honorable ; mais à plus forte raison devez-vous repousser le système proposé aujourd’hui.

Je crois maintenant m’être suffisamment expliqué sur la ligne de conduite que j’entends tenir dans cette grave et solennelle discussion ; je le répéterai une dernière fois. Pour toutes les lignes secondaires des chemins de fer qui, après avoir été bien étudiées et mûrement examinées dans leurs cahiers des charges, me paraîtront de nature à se concilier avec l’intérêt général du pays, je donnerai mon adhésion. Au contraire, pour toute ligne qui ferait partie intégrante des artères principales et du réseau général qui doit rester dans le domaine public comme nos fleuves et rivières, pour celles-là il me sera impossible de donner mon approbation soit à la concession simple, soit à la concession combinée comme celle qui vous est proposée aujourd’hui.

M. Desmaisières – Messieurs, tant de discours remarquables ont été prononcés dans cette discussion, la discussion a été si longue et tellement approfondie que je crois pouvoir me borner à quelques considérations pour résumer la discussion en qualité de rapporteur de la section centrale.

Les diverses questions qui ont été soulevées sont de deux espèces ; savoir : les questions de détail et les questions de principe. Je m’occuperais d’abord des questions de détail, parce que leur solution vient évidemment en aide à celle des questions de principe.

Les conditions imposées à l’Etat par la convention Mackenzie, en ce qui concerne le chemin de fer du Limbourg, ont été trouvées trop onéreuses.

On a trouvé aussi qu’accorder aux concessionnaires, en ce qui concerne le chemin de fer de Jurbise, 10 p.c. des recettes brutes pour indemniser la compagnie de la construction de la deuxième voie, c’était beaucoup trop. Enfin, vient une dernière objection de détail qui est relative aux tarifs. Les tarifs, a-t-on dit, d’après le système de la compagnie Mackenzie, comme d’après le système de la section centrale ne peuvent être modifiés dans l’intérêt du commerce, de l’industrie et de l’agriculture du pays, que du consentement des concessionnaires. Telles sont les principales objections de détail que l’on a opposées à l’adoption du projet de loi ministériel, aussi bien que de celui de la section centrale.

En ce qui concerne le chemin de fer du Limbourg, c’est surtout le subside de 200,000 francs qui a fait l’objet des observations présentées. On a trouvé que ce subside était beaucoup trop élevé. Messieurs, c’est là une objection qui aujourd’hui est en quelque sorte écartée par l’annonce que vous a faite, dans une séance précédente, un honorable membre, qu’il serait présenté un amendement pour retrancher de ce subside la partie qui incombe à l’Etat. Vous aurez remarqué, messieurs, que ces 200 mille francs se composent de 72 mille francs donnés par la ville de Hasselt et de 128,000 francs à fournir par le gouvernement. Eh bien, l’honorable M. Dumortier vous a dit que, de concert avec l’honorable M. de Theux, il présenterait un amendement pour réduire le subside à la somme votée par le conseil communal de Hasselt. Ainsi, je crois qu’il n’y a plus à s’occuper de cette objection.

Quant aux 10 p.c., sur les recettes brutes du chemin de fer de Jurbise que la section centrale, d’accord avec le gouvernement, vous propose d’attribuer à la compagnie concessionnaire, pour lui servir d’indemnité du chef de la construction de la deuxième voie, déjà nous vous avons fait connaître dans notre rapport sur quels calculs nous nous sommes basés pour fixer (page 1500) cette indemnité à dix pour cent. Je viens maintenant vous soumettre encore d’autres calculs.

Messieurs, tout le monde, et les orateurs qui ont parlé contre le projet et ceux qui ont parlé en faveur ont rendu un juste hommage aux calculs et au mémoire lumineux qui vous ont été faits par l’ingénieur distingué, M. Desart, sur le chemin de fer de Jurbise. Personne n’a contredit ces calculs ; tout le monde les a trouvés consciencieusement établis et d’une exactitude que l’on a pensé devoir se vérifier probablement dans les faits.

Eh bien, cet ingénieur évalue la recette directe du chemin de fer de Jurbise à 644 mille francs. Dix pour cent font 64,400 fr. C’est donc un revenu annuel de 64,400 fr. qui est attribué au concessionnaire pour les indemnités du chemin de fer de la construction de la seconde voie. Il est certain qu’avec le prix actuel du fer et la hausse qui a lieu journellement, les concessionnaires ne pourront pas arriver à construire la deuxième voie du chemin de fer de Jurbise, sans y employer au moins deux millions. Or, 64,400 fr. font à peine 3 ¼ p.c. sur deux millions. Ainsi, au lieu d’être excessivement onéreuse pour l’Etat, l’indemnité est peut-être calculée trop bas pour que les intérêts des concessionnaires soient raisonnablement pris en considération. Cependant l’honorable M. Dumortier vous a annoncé un amendement qui réduira encore de beaucoup cette indemnité. Il vous a annoncé qu’il proposerait d’abord de n’attribuer aux concessionnaires des 10 p.c. sur les recettes brutes que pendant les dix premières années de la concession, et ensuite de diminuer ces 10 p.c. chaque année d’un pour cent, à partir de la onzième année, pour arriver à zéro, la vingtième année.

C’est donc là encore une objection écartée et je crois par suite ne pas devoir lui donner de plus amples justifications sur ce point.

Oui, messieurs, il est stipulé dans la convention Mackenzie, comme dans le cahier des charges présenté par la section centrale que le tarif ne peut être modifié que du consentement des deux parties ; il est stipulé par conséquent qu’il ne pourra être abaissé en faveur de l’industrie, du commerce et de l’agriculture, que du consentement des concessionnaires.

Mais il ne faut pas perdre de vue que le point de départ c’est le tarif actuel et modéré du chemin de fer de l’Etat, et que la section centrale a ajouté à l’art. 5 de la convention, le § suivant :

« Les modérations et exemptions de taxes établies sur les chemins de fer de l’Etat, en faveur du service de la poste aux lettres et des transports de militaires, de détenus, de douaniers, de condamnés, de mendiants arrêtés et de fonctionnaires et employés des chemins de fer de l’Etat, seront applicables aux lignes concédées de Tournay à Jurbise et de Landen à Hasselt. »

Vous voyez que nous avons eu soin de stipuler toutes les garanties possibles en faveur de l’Etat.

Je passe maintenant aux questions de principe.

Les questions de principe qu’on a soulevées sont les suivantes : Il y a d’abord la question de disjonction, ensuite la construction par l’Etat et enfin la publicité et la concurrence.

Quant à la disjonction, elle n’a été réclamée que par un seul orateur, qui à la vérité a parlé pour deux. (On rit.) Messieurs, je ne prétends pas qu’il ait parlé longuement ; je veux parler de l’honorable M. Simons qui a parlé pour lui-même et pour son collègue du Limbourg, l’honorable comte de Renesse, que je regrette savoir éloigné de nos travaux par une indisposition. Cet honorable orateur, pour justifier sa proposition de disjonction, a insisté sur les clauses onéreuses, selon lui, pour l’Etat, qui ont été stipulées dans la convention Mackenzie, à l’égard du prolongement du chemin de fer de Landen à St-Trond jusqu’à Hasselt.

Mais le but de ces honorables membres (ils vous l’ont d’ailleurs fait connaître) c’est d’arriver à substituer au prolongement de ce tronçon actuel du chemin de fer de Landen, un autre chemin de fer qui partirait d’Ans et se dirigerait par Tongres sur Hasselt. Je crois que cette disjonction serait tout à fait contraire à l’une et à l’autre fraction du Limbourg, et à Hasselt, Maeseyck et St-Trond qui demandent le prolongement du chemin de fer jusqu’à Hasselt, et à l’autre partie de la province qui demande une nouvelle section partant d’Ans et se dirigeant par Tongres vers Hasselt.

En effet, il pourrait fort bien arriver que le gouvernement et la législature ne s’étant engagés, en 1837, à doter le Limbourg d’un chemin de fer, qu’à la condition que la construction de ce chemin de fer ne serait pas trouvée onéreuse à l’Etat, il pourrait, dis-je, arriver si l’on séparait le chemin de fer de Limbourg, de celui de Tournay, celui du Limbourg, ne serait pas construit du tout.

Ainsi le Limbourg se trouverait entièrement privé de chemin de fer. Or, je crois que tel n’est pas le but de MM. Simons et de Renesse ; car encore une fois, ce chemin de fer du Limbourg, si la disjonction demandée par les honorables membres était adoptée, serait renvoyé à ce que l’on appelle les calendes grecques, et je ne pense pas que ce soit là ce que veulent MM. Simons et de Renesse.

Les concessionnaires de la compagnie Mackenzie, de même que la compagnie concurrente qui se présente, se sont expliqués là-dessus ; ils ne veulent pas construire seulement le chemin de fer du Limbourg ; ils n’en veulent que si on les laisse aussi construire le chemin de fer de Jurbise.

Vient maintenant la question de la construction du chemin de fer de Jurbise par l’Etat. Tout le monde en convient, ce qu’il faut, avant tout, c’est l’exploitation par l’Etat. Pourquoi ? parce qu’il faut avant tout l’unité de l’exploitation, et que cette unité d’exploitation ne peut avoir lieu qu’entre les mains de l’Etat. Cette unité d’exploitation, personne, je crois, ne le contestera, est entièrement acquise par le projet de la section centrale. Mais il y a plus ici, selon moi, c’est que réellement le mode de concession de la compagnie Mackenzie et du projet de la section centrale, c’est la construction par l’Etat, et je vais vous l’expliquer.

En effet, comment les chose se sont-elle passées à l’égard des chemins de fer actuels de l’Etat ? Il y a eu des entrepreneurs pour la construction et il y a eu des prêteurs pour fournir les sommes nécessaires pour cette construction. Eh bien, dans le mode de concession qui vous est présentée, pour la construction des chemins de fer de Jurbise et de Hasselt, il y a aussi des entrepreneurs et des prêteurs. Les concessionnaires ne sont pas autre chose. Le propriétaire réel c’est véritablement l’Etat, puisque c’est lui qui exploite et que c’est encore lui qui entretient la route ; l’Etat se réserve donc complètement le rôle du propriétaire. Il n’y a de différence avec le mode qui a été suivi pour la construction des chemins de fer de l’Etat que dans le mode d’emprunt.

Pour le chemin de fer actuel de l’Etat, le gouvernement a ouvert lui-même l’emprunt ; il a payé et paye encore les intérêts et l’amortissement de l’emprunt par des annuités qui figurent au budget de la dette publique ; par conséquent, ces dépenses sont prélevées sur toutes les ressources du budget des voies et moyens. Lors donc qu’il y a déficit, ce déficit doit être couvert par les autres revenus de l’Etat, c’est-à-dire par les impôts tandis qu’ici dans le système proposé qui revient à faire construire aux frais de l’Etat, aussi bien que le mode suivi jusqu’à ce jour, les autres revenus du trésor, et par conséquent les impôts ne sont aucunement engagés ; car vous stipulez que vous payerez les annuités composées de l’intérêt et de l’amortissement de l’emprunt que vous font les concessionnaires, en leur abandonnant une partie des recettes brutes des chemins de fer eux-mêmes qu’il s’agit de construire pour vous et pour votre usage.

Nous avons employé maintenant environ 150 millions pour la construction du chemin de fer actuel de l’Etat. Nous payons, terme moyen, en annuités de remboursement et d’intérêt pour ces 150 millions, environ 6 p.c., soit 9 millions. Le revenu du chemin de fer de l’Etat est de 11 millions. Mais si l’on en déduit les 6 millions de frais d’exploitation, il ne reste plus en recettes réelles que 5 millions. C’est 4 millions par conséquent qui vous manquent encore aujourd’hui pour que vous puissiez payer chaque année les annuités de neuf millions pour intérêt et amortissement. Ces 4 millions, vous êtes obligés de les prélever sur les autres revenus de l’Etat, sur les impôts, tandis que, par le mode de concession présenté, vous arriverez à avoir votre chemin de fer sans engagement aucunement les produits des impôts et des autres revenus de l’Etat ; vous n’engagez, je le répète, qu’une partie des recettes du chemin de fer qu’il s’agit de construire. Sans vouloir prétendre qu’il faut toujours préférer ce mode nouveau pour les emprunts et pour les entreprises de construction des chemins de fer de l’Etat, je crois que pour les chemins de fer de Jurbise et de Hasselt, on a bien fait de se décider en faveur de ce mode.

Quant à la question de publicité et de concurrence, l’honorable ministre des travaux publics vous a déjà rappelé que la section centrale a présenté un amendement à l’article unique du projet de loi, par lequel elle a cru devoir accorder au gouvernement la faculté de recourir à la publicité et à la concurrence, afin de pouvoir combattre les concessionnaires qui voudraient imposer de trop dures conditions au gouvernement ; mais elle n’a pas voulu imposer d’une manière absolue la concurrence et la publicité, parce que, comme vous l’a dit M. le ministre des travaux publics, il faut avant tout éviter les effets d’une coalition, et qu’en laissant la publicité et la concurrence facultative, on arme le gouvernement contre l’esprit de coalition et d’agiotage. Il peut alors dire aux concessionnaires qui veulent lui faire des conditions trop dures ou qui se sont coalisés pour l’adjudication : « je traiterai de la main à la main avec une autre compagnie. » Et de cette manière, messieurs, je crois que tous les intérêts de l’Etat sont saufs.

Je pense devoir borner là mes observations.

M. Lys – Messieurs, je ne prends la parole que pour motiver le vote que j’aurai à émettre. Je tâcherai d’éviter de reproduire les observations qui vous ont déjà été présentées, parce que je sens que leur répétition deviendrait fastidieuse.

Il m’est impossible, messieurs, de ne pas reconnaître que la construction du chemin de fer de Jurbise à Tournay par le gouvernement serait une chose fort avantageuse pour l’Etat. Aussi jusqu’à présent tous les orateurs, à l’exception du dernier que vous venez d’entendre, ont semblé à peu près d’accord sur ce point.

Messieurs, s’il faut en croire l’ingénieur qui a fait un rapport sur cette voie, et l’honorable rapporteur de la section centrale vient de convenir qu’il s’était montré très-modéré et très-exacts dans ses calculs, l’Etat subirait une perte considérable en ne faisant pas lui-même les travaux.

Rien donc, messieurs, n’a été dit contrairement à cet avancée, et M. le ministre des travaux publics lui-même a été forcé de convenir, devant la section centrale, qu’il n’avait aucune raison pour être contraire à la construction du chemin de fer de Jurbise par l’Etat. Ce sont les expressions de M. le ministre devant la section centrale. C’est donc avec surprise que j’ai entendu l’honorable ministre des finances, dans la séance d’avant-hier, vous dire que le gouvernement considérait comme un rejet de la loi la modification qui aurait pour objet de faire construire le chambre dont il s’agit aux frais de l’Etat.

Dans plusieurs circonstances, messieurs, j’ai démontré que je rendais justice à M. le ministre des finances ; que j’avais remarqué qu’il faisait tous ses efforts pour soutenir les intérêts de l’Etat. Mais je dois dire que, dans la circonstance actuelle, je ne suis nullement de son avis.

Quelle est le motif qui a été allégué par M. le ministre des finances ? C’est qu’il serait nécessaire de recourir encore une fois à l’emprunt. Mais que vous disait M. le ministre des finances il y a quelques temps, lorsqu’il venait vous demander une dépense de 12,500,000 fr. pour laquelle on créait des (page 1501) bons du trésor, tandis qu’il y en avait déjà pour sept millions en circulation ? M. le ministre des finances vous disait qu’il ne serait pas nécessaire de faire un emprunt dans ce moment ; que les dépenses étaient échelonnées sur plusieurs exercices et que l’on ferait l’emprunt lorsque les circonstances seraient favorables.

Messieurs, il en sera de même pour la dépense que nécessitera la construction du chemin de fer de Tournay à Jurbise. Vous n’aurez pas besoin de fonds pour l’exercice 1845 ; c’est seulement pour les exercices 1846, 1847 et 1848 que vous aurez des dépenses à couvrir. Le gouvernement ne sera donc pas pressé de contracter son emprunt ; il pourra attendre une circonstance favorable.

D’ailleurs, messieurs, le moment n’est-il pas opportun pour faire un emprunt ? La tranquillité la plus parfaite règne ; le numéraire est partout abondant. Tout vous y convie. Car l’année dernière vous avez fait un emprunt considérable, et vous n’avez pas seulement trouvé la somme qui vous était nécessaire, mais vous avez eu des demandes pour trois fois la valeur de l’emprunt.

Je ne vois rien qui empêche de faire un emprunt ; vous pouvez arriver dans des circonstances où vous n’aurez pas les mêmes avantages ; vous ne pouvez rester avec cette masse de bons du trésor que vous avez en ce moment ; vous ne pouvez rester dans cette position. La chambre a fait, a dit M. le ministre des finances, opposition aux emprunts, elle a dit qu’il fallait définitivement en fermer la porte. Mais de quoi s’agissait-il alors ? Il s’agissait d’emprunts pour des sommes dépensées, qui commencent seulement depuis peu de temps à produire des intérêts à 2 et 2 ½ p.c. ; mais il n’en est pas de même des emprunts qu’il faut faire actuellement ; ce n’est pas 2 p.c. qu’ils produiraient ; si les calculs de l’ingénieur Desart sont exacts, et personne n’en doute, c’est au moins 5 à 6 p.c. qu’on est certain d’en retirer en ce moment avec l’espoir fondé d’un avenir beaucoup plus favorable.

Ensuite, si vous avez fait un emprunt en 1844 au-dessous de 4 ½, il es probable que vous en ferez un maintenant à un taux inférieur. Il n’y aurait donc aucun danger de faire un emprunt ; car vous recevriez chaque année, par votre chemin de fer de Jurbise, une somme plus forte que celle à payer pour l’emprunt. Il en résulte, qu’au bout d’un certain nombre d’années l’emprunt serait remboursé par le produit du chemin de fer de Jurbise. Il n’en sera pas de même si vous abandonnez la construction à des concessionnaires, l’Etat subira des pertes chaque année et sera lié dans un avenir bien long (90 ans).

Si je suis encore le rapport de l’ingénieur Desart, c’est n’est pas 5 à 6 p.c. que le chemin de fer produira, mais un revenu plus considérable. Remarquez-le, ce n’est pas là des recettes indirectes ; ce sont des recettes qui proviennent spécialement du chemin de fer de Jurbise à Tournay.

On vous a fait remarqué, et c’est avec raison, qu’il ne s’agit que de deux tronçons de chemins de fer : l’un vous relie à la France, l’autre à la Hollande. Je dis qu’il vous relie à la France ; je sais qu’il ne va que de Jurbise à Tournay et de Tournay à Mouscron, et par un détour à Lille. Mais il est certain que quand le chemin de fer français sera fait jusqu’à Lille, la France demandera un chemin de fer de Lille à Tournay, et le bon voisinage exigera que vous concédiez à la France sa demande.

Remarquez dans quelle position vous allez vous trouvez : vous avez un chemin de fer de l’Etat de Bruxelles à Jurbise ; vous en concédez un de Jurbise à Tournay, et vous avez un chemin de fer de l’Etat de Tournay à Lille.

Il peut en être de même du chemin de fer de St-Trond à Hasselt. Il pourrait arriver que la Hollande, quand elle fera ses chemins de fer, demandât à faire la jonction avec le chemin de fer de Hasselt.

Remarquez que le chemin de fer de Jurbise à Tournay est un chemin où il y a peu de travaux d’art. Les chemins de fer où il y en a beaucoup, comme vous le savez, coûtent cher, et par suite sont peu productifs.

Vous possédez un immense réseau de chemins de fer, et vous voulez en accorder une petite partie à une société particulière. Si un particulier avait un tel objet en sa possession, il ne permettrait jamais à un particulier de s’immiscer dans cette affaire. Ici vous laissez donc les étrangers venir rompre la chaîne qui doit vous réunir à deux pays voisins. Cela vous empêchera pendant 90 ans (90 ans c’est pour ainsi dire l’éternité) de souscrire des conventions dérogatoires aux conditions stipulées par vos concessions ; vous ne pourrez plus faire de légers sacrifices dans l’intérêt du commerce et de l’industrie. L’Etat aura les mains liées, la concession sera là comme une borne que vous me pourrez franchir.

L’honorable rapporteur a dit : Mais le gouvernement a tous les avantages qu’il peut avoir ; on construit un chemin de fer, comme le gouvernement en fait faire par entreprise, et puis le gouvernement a l’exploitation du chemin de fer. Mais l’honorable membre a oublié que ni la construction, ni l’exploitation ne sont pour ainsi dire rien ; ce sont les tarifs qui sont tout. Aujourd’hui, le tarif est peut-être bon ; mais pendant 90 ans, si les concessionnaires le veulent, vous serez obligés de maintenir le tarif. Dans dix ans, il peut se faire que le tarif laisse beaucoup à désirer ; vous seriez néanmoins obligés de le maintenir, si les concessionnaires le veulent, ou bien ils vous forceront de racheter à un prix considérable cette partie du chemin.

On me dira peut-être : Mais l’Etat sera plus fort que les particuliers. Ne vous y trompez pas ; remarquez comme l’Angleterre sait soutenir les droits de ses sujets. Récemment encore vous l’avez vue soutenir une réclamation et la faire admettre contre une puissance de premier rang. Quand vous aurez une convention faite avec une compagnie anglaise, le gouvernement devra se soumettre à ce qui aura été convenu ; dans aucune circonstance il n’y pourra rien changer.

On vous dit environ : Allez vite, ne négligez pas l’occasion qui se présente, il n’est pas besoin de précautions, tout retard est dangereux ; vous n’avez pas besoin d’examiner à présent ; car c’est l’étranger qui apporte son or chez vous ; vos ouvriers vont être à l’abri du besoin pendant de longues années.

Ne vous y trompez pas ; les concessionnaires savent calculer aussi bien que vous ; je dirai même mieux que vous ; car ici, les concessionnaires peuvent obtenir, comme vous le savez, de l’argent en Angleterre à l’intérêt de 3 p.c., et ils sont certains de réaliser, sans qu’aucune circonstance puisse les leur ôter, de 5 à 6 p.c. d’intérêt de leur argent. Il y a donc un bénéfice d’à peu près moitié au premier moment. Ce bénéfice, d’après l’ingénieur Desart, pourra être augmenté dans une proportion considérable. Ainsi, on vous prête 8 millions. Mais d’après les intérêts que ces étrangers vont réaliser, tout le capital en sera en peu d’années sorti du pays, il ne sortira pas seulement pendant dix ans, mais pendant 90 ans, et avec quel intérêt, avec quels avantages ! Il y a donc un léger intérêt à voir mettre en circulation une somme de 8 millions en ce moment ; mais vous payerez cet intérêt bien chèrement dans l’avenir.Je ne puis m’empêcher de vous lire ce que dit, à cet égard, l’ingénieur Desart dans son rapport ; il s’exprime ainsi :

« Le chap. VII résume la partie financière du travail, en donnant le parallèle entre les recettes et les dépenses présumées. Le tableau qui termine ce chapitre prouve : 1° que le minimum de bénéfice net à obtenir de la jonction des chemins de fer de l’Ouest et du midi entre Tournay et Jurbise, doit s’élever à 17-21 p.c. du capital nécessaire, tant pour l’établissement de cette route de raccordement que pour l’achat du matériel des transports ; 2° que ce bénéfice peut s’élever à 17-52 p.c., dans le cas où l’on n’exécute ni le canal de Jemappes, ni la canalisation à grande section de la Dendre (ce bénéfice portant en même temps sur les frais de redoublement de la voie entre Ath et Jurbise) ; 3° qu’enfin le bénéfice serait de 18-79 p.c., dans le cas où l’on canalisât, pour des bateaux chargés de 220 tonneaux, la Dendre depuis Ath jusqu’à Alost (ledit bénéfice portant sur les sommes nécessaires non-seulement au redoublement de la voie d’Ath à Jurbise, mais aussi à la construction d’un embranchement de railway entre la station d’Ath et le rivage de la Dendre en aval de la ville).

« D’autre part, le tableau dont il s’agit présente les résultats du bénéfice à obtenir, dans les trois circonstances ci-dessus indiquées, pour les parcours qui s’effectueraient uniquement sur la ligne de Tournay à Jurbise. Ce bénéfice, dans chacun de ces trois cas, serait respectivement de fr. 4-01, de 4-90 et de 6-13 p.c.

« Ces bénéfices seraient à peu près ceux que retirerait un concessionnaire de la route projetée, si tant est qu’on pût songer à accorder la concession de cette ligne mais nous pensons que, dans les circonstances toutes particulières où se trouve la route dont il est question, il est matériellement impossible que l’Etat permettre de la séparer du réseau général.

« Parmi les nombreux motifs qui s’opposent à ce que cette disjonction ait lieu, nous n’en citerons que deux dont le premier est celui-ci : nous avons fait voir qu’il était indispensable que les convois de Tournay, arrivant à la ligne du Midi, ne s’arrêtassent point à Jurbise, mais continuassent leur marche jusqu’à Mons même. Or, cette condition si essentielle ne peut être remplie par les convois appartenant à un concessionnaire, car évidemment l’administration des chemins de fer belges ne pourra jamais consentir à voir parcourir une partie de ses lignes par des convois autres que les siens propres.

« Le second motif qui empêche la mise en concession est le suivant : la section de Tournay à Jurbise est le complément obligé des lignes du Midi et de l’Ouest, et apparient au système général, non-seulement par ses extrémités, mais encore par toute son étendue. Or, scinder l’ensemble du service de l’exploitation par l’abandon à l’intérêt privé, de cette voie de jonction, ce serait se créer d’immenses inconvénients et s’exposer à perdre une grande partie des fruits qu’on doit attendre de ladite jonction ; cet abandon enfin présenterait des résultats tout aussi fâcheux que ceux qu’on rencontrerait si entre deux lignes du réseau, telles que celles de l’Ouest et de l’Est, on eût interrompu la continuité du service de l’Etat par la concession d’une ligne intermédiaire, comme par exemple, celle de Malines à Gand, de Louvain à Tirlemont, ou de tout autre.

« On le voir donc, si le système d’exécution et d’exploitation par l’Etat a prévalu en Belgique, pour la création du réseau général de nos chemins de fer, à plus forte raison ne peut-on s’en écarter ici, alors surtout qu’il s’agit d’une ligne destinée à compléter ce réseau, et à en améliorer singulièrement la condition.

« CONCLUSION

« Les développements que nous avons exposés dans le présent mémoire établissement, à la dernière évidence, l’immense utilité attachée au chemin de fer de Tournay à Jurbise, soit qu’on l’envisage sous le rapport des localités qu’il traverse, soit surtout qu’on le considère comme ligne de jonction entre l’Ouest et le Midi.

« Nous avons prouvé par des évaluations faites de la manière la plus consciencieuse possible, évaluation dont l’exactitude n’est contestable qu’en ce sens que nous aurions outré le chiffre réel des dépenses et réduit en dessous de la cote qui leur est assignable, les recettes présumées, nous avons prouvé, dis-je, que le minimum des produits nets qu’on est en position d’attendre du capital à appliquer à l’établissement de cette voie de jonction, dépassera 17 p.c.

« En présence d’un pareil but, il me semble qu’on ne peut trop se hâter de l’atteindre, et dût-on, pour exécuter la ligne de Tournay à Jurbise, recourir à un nouvel emprunt, encore ne faudrait-il pas, je pense, reculer devant cette nécessité, alors qu’il s’agit de procurer à l’Etat un bénéfice de (page 1502) plus d’un million par an, pour une dépense première d’environ six millions de francs. »

Je dirai maintenant quelques mots sur les conditions.

Vous avez entendu l’honorable rapporteur vous dire que 40 p.c. pour les frais d’exploitation de l’Etat peuvent suffire et que les concessionnaires auraient 60 p.c. lorsque la double voie sera établie.

Il est fort extraordinaire que lorsque le gouvernement est venu demander aux chambres des fonds pour la construction de la deuxième voie du chemin de fer de l’Etat, il soit venu dire que cela augmenterait nécessairement les transports, qu’on ne pouvait être indemnisé des dépenses que par l’établissement de la double voie, que ce serait une augmentation de revenu pour l’Etat. Ici on présente des raisons tout à fait en sens contraire.

On dit que, tant qu’il n’y aura pas de double voie, le gouvernement aura 50 p.c. et les concessionnaires 50 p.c., mais que quand la double voie sera terminée, le gouvernement n’aura plus que 40 p.c. tandis que les concessionnaires auront 60 p.c. Mais si de la double voie il doit résulter des avantages ainsi que le gouvernement nous l’a dit il y a très-peu de temps, au lieu de diminuer la part de l’Etat d’un cinquième, il faudrait au contraire l’augmenter. Ici, vous le savez, tous les travaux d’art, tous les terrassements seront faits pour la deuxième vie ; il ne s’agira que de poser les billes, les coussinets, les rails. Quand le gouvernement ne recevra que 40 p.c. il sera constitué nécessairement en perte. Cela, je le prouve par le rapport de la section centrale elle-même. Elle s’exprime en ces termes :

« En Belgique, à cause du non-achèvement des lignes et des tarifs fort bas, ces frais sont plus considérables, quoique suivant, d’année en année, une marche décroissant. Pour 1844, nonobstant des frais considérables de renouvellement, les dépenses ne se sont élevées qu’à 51 1/3 p.c. de la recette.

« Il est a observer de plus que les lignes à concéder à la compagnie Mackenzie coûteront moins que cette moyenne par le motif qu’il ne s’agit que de donner de l’extension et un meilleur emploi à des services d’exploitation qui existent déjà entre Mouscron et Tournay, entre Landen et St-Trond. En limitant la dépense à porter en compte à la compagnie à 50 p.c. de la recette des deux lignes, l’Etat ne s’expose donc pas à être constitué en perte. La compagnie, au contraire, en acceptant la moyenne de la dépense de l’Etat sans limitation, s’exposerait à des chances défavorables, dans le cas où l’Etat, par des motifs politiques ou commerciaux, accorderait de notables réductions sur d’autres lignes, réductions qui auraient pour conséquence d’augmenter le chiffre général des dépenses. »

« De grandes économies ont été introduites sur diverses autres branches plus ou moins importantes du service d’exploitation et notamment sur les dépenses du personnel ; mais par cela même que sur ces divers articles de dépenses d’exploitation des économies considérables ont été obtenues, on ne peut plus en espérer de très-grandes sur ces mêmes articles dans l’avenir. D’un autre côté, la question des frais d’entretien du railway, ainsi que du matériel d’exploitation, de son renouvellement et des intérêts de son coût primitif, ne nous a pas paru encore résolus aujourd’hui.

« Nous en sommes arrivés, à la vérité, par les augmentations que l’on a réussi à opérer sur les recettes et par les économies introduites dans les dépenses, à ce que celles-ci forment à peu près seulement la moitié des premières. Réussirons-nous à faire redescendre cette proportion encore plus bas ? C’est ce que nous devons espérer surtout pour l’époque où notre railway national sera mis en communication avec tous les chemins de fer français et allemands ; mais c’est ce qui n’est pas certain.

Si l’Etat ne s’expose pas à être constitué en perte à 50 p.c., il résulte nécessairement quand vous réduisez la part de l’Etat à 40 p.c., que vous le mettez en perte. Cela, messieurs, est démontré par le rapport de la section centrale.

On a calculé que le produit par lieue est annuellement de 10,000 fr. Comme je compte 10 lieues pou le chemin de fer de Jurbise à Tournay, la recette sera d’un million, et l’Etat obtenant 40 p.c. recevra 400,000 fr. tandis que les concessionnaires en recevront 600,000.

Quant à la dépense d’exportation, si je la calcule comme celle du chemin de fer de l’Etat, qui a été en 1844 de 51 1/3 p.c. de la recette, cette dépense s’élèvera à 51,569 fr. par lieue parcourue, c’est-à-dire à 515,690 fr. pour dix lieues. Et remarquez, messieurs, que le gouvernement a fait valoir dans les pièces qu’il vous a distribuées, qu’on avait diminué considérablement les dépenses, en 1844, tant pour les fournitures que pour le personnel.

Le gouvernement nous a dit qu’il sera fort difficile de descendre encore ce chiffre. Eh bien, si vous ne descendez pas ce chiffre, ne recevant que 400,000 fr. annuellement, et dépendant 515,690 fr., vous perdrez nécessairement au chemin de fer de Tournay à Jurbise 115,690 fr. par an.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Votre calcul est erroné.

M. Lys – Ce calcul est basé sur les communications qui nous ont été faites. Du reste, si mes calculs sont erronés, je prie ceux qui le disent de vouloir le démontrer.

Mais, messieurs, à cette perte de 115,690 fr., il faut encore ajouter celle de tout ce que vous transportez aujourd’hui de Lille à Tournay par la Flandre ; car les habitants de Lille et au-delà, jusqu’à Paris, ne passeront plus par le chemin de fer des Flandres ; ils passeront pas le chemin de fer de Jurbise à Tournay ; vous perdrez, de ce chef, une recette considérable.

Ainsi, messieurs, ce n’est plus 5 p.c. ni 6 p.c. que les concessionnaires vont recevoir ; on pouvait calculer ainsi, lorsqu’on ne leur abandonnait que 50 p.c. des produits, mais aujourd’hui ce sera 7 ½ p.c. qu’ils recevront.

Vous avez vu, messieurs, que dans les calculs auxquels je viens de me livrer je n’ai pas tenu compte de la perte que vous allez faire sur notre chemin de fer de Lille à Courtray. Je ne parle pas non plus de la responsabilité que le gouvernement contracte vis-à-vis des tiers, par l’art. 8 de la convention.

Ainsi, messieurs, si vous ne faites par exécuter les travaux par l’Etat, vus devez nécessairement réduire la part des concessionnaires à 50 p.c. et non pas leur attribuer 60 p.c. comme on l’a proposé.

Et ce qui est tout aussi nécessaire, c’est l’adjudication publique ; et par là j’entends laisser à M. le ministre des travaux publics la liberté de concéder à telle société qui présenterait les plus grands avantages. Et remarquez-le bien, c’est l’apparition d’une seule requête qui a amené la réduction sur le chemin de fer de St-Trond à Hasselt. Prêtez aussi attention à ce que vous dit le pétitionnaire.

« Dans son exposé des motifs du projet de loi de crédits et de concessions pour l’exécution de divers travaux publics, et notamment à l’article de la concession des chemins de fer de Jurbise et de Hasselt, M. le ministre des travaux publics vous a fait connaître qu’une autre proposition a été faite pour la construction de la ligne de Hasselt, à laquelle la combinaison de Mackenzie a été préférée.

« Cette proposition, dont la négociation était très-avancée, a été faite par les soussignés. Le gouvernement, ayant déclaré, à la fin des négociations, que le contrat n’aurait de chances d’être approuvé par les chambres qu’en le soumettant à l’épreuve d’une adjudication publique, ils comptaient sur cette adjudication publique, lorsque quelques jours après ils apprirent que M. le ministre venait de conclure le traité avec la société Mackenzie, qui est soumis à votre approbation.

« Le 5 mars dernier, ayant été reçus en audience chez M. le ministre, il leur communiqua les modifications exigées par la section centrale, dans le contrat à intervenir pour la concession dont il s’agit, leur fit connaître qu’il doutait que M. Mackenzie acceptât ces modifications et leur demanda si, pour obtenir la concession, ils consentiraient aux modifications en question. Les soussignés ayant accepté ces modifications et n’ayant reçu jusqu’à ce jour aucune décision, prennent dans cette occurrence la respectueuse liberté de s’adresser à vous, messieurs, afin qu’il vous plaise décider que le contrat passé avec les sieurs Mackenzie et compagnie, pour l’exécution des chemins de fer de Tournay à Jurbise et de Saint-Trond à Hasselt, sera soumis à une adjudication publique que l’intérêt de l’Etat semble ici commander.

« Les soussignés, pour preuve de leurs dispositions sérieuses à concourir pour l’obtention de cette concession, s’engagent dès à présent à accepter les conditions passés par la section centrale avec des modifications entièrement à l’avantage du pays, et à verser le cautionnement de 500,00fr. à la première demande de M. le ministre des travaux publics. »

Ainsi, en premier lieu, ce pétitionnaire avait demandé la concession de ces deux chemins de fer, on lui avait répondu qu’il y aurait lieu à une adjudication publique.

Ensuite, au 15 mars, la société Mackenzie n’avait pas encore accepté les conditions stipulées par la section centrale, et à défaut de la société Mackenzie, on s’était entendu avec Chainaye et compagnie, pour savoir s’ils acceptaient ces conditions, et ils avaient répondu affirmativement. Il y a donc pour ceux-ci une espèce de droits acquis. On ne peut pas maintenant donner la préférence à la société Mackenzie, au détriment de l’autre. Le gouvernement doit adjuger l’entreprise à celle des deux compagnies qui offrira les conditions les plus favorables à l’Etat. C’est cette marche que l’on a suivie dans un grand nombre de cas analogues.

Or, d’après l’art. 1er du projet de loi tel qu’il est présenté, le gouvernement est autorisé à donner l’entreprise à la société Mackenzie

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Pardon : le projet de la section centrale autorise le gouvernement à concéder, sans désigner telle ou telle compagnie.

M. Lys – Je ne raisonne que d’après les pièces qui ont été communiquées, et si M. le ministre des travaux publics se ralliait à la modification proposée par la section centrale, il aurait dû le déclarer…

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je l’ai déclaré.

M. Lys – Votre déclaration ne se trouve pas au Moniteur.

J’admets volontiers la déclaration. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas tellement urgence dans l’occurrence qu’on doive terminer nécessairement cette affaire sans désemparer. Je pense que si le gouvernement est autorisé à concéder l’entreprise à la société qui offrira les conditions les plus avantageuses à l’Etat, il ne doit pas trop se hâter. Il ne doit pas précipiter sa décision. Il n’y a plus de terme fatal endéans lequel cette décision doit être prise. Le gouvernement a les mains absolument libres. L’apparition d’une seule pétition, je le répète, vous a valu une réduction sur le chemin de fer de St-Trond à Hasselt ; vous pouvez espérer d’autres réductions, et le sieur Chainaye et comp. vous l’annonce lui-même dans la finale de sa pétition.

J’en reviens à ma première proposition. Je dis qu’il est de l’avantage du gouvernement de faire le chemin de fer aux frais de l’Etat ; qu’il n’y a ici aucune mauvaise chance à courir. Il faudrait sans doute faire un emprunt, mais en aucun cas, vous ne pourrez vous dispensez de contracter un emprunt, soit dans un an, soit dans deux ans : ce ne sera pas la différence de 8 millions qui vous permettra de vous passer d’un emprunt. Il est démontré par l’ingénieur qui a fait le rapport et dont on a trouvé les évaluations extrêmement modérées ; il est démontré, dis-je, qu’avec la double voie le chemin de fer de Jurbise ne coûtera pas 8 millions. Dès lors, il y a un intérêt de 6 p.c. pour l’Etat, s’il fait le chemin de (page 1503) fer à ses frais. Je dis que, cela étant, on ne doit pas reculer devant un emprunt ; je dis qu’il faut empêcher que les étrangers aient des intérêts dans la construction d’une ligne aussi essentielle ; car les chemins de fer de Paris à Lille, de Lille à Tournay, de Tournay à Jurbise, sont les lignes que suivront nécessairement tous les voyageurs de France ; vous ne devez pas souffrir que la grande chaîne soit rompue dans quelques-uns de ses anneaux.

Si l’on venait vous demander d’abandonner à des étrangers la ligne de la section de Tirlemont à Louvain, consentiriez-vous à cette cession ? Non, sans doute, parce que vous porteriez atteinte à l’ensemble de votre exploitation. Eh bien, c’est ici absolument le même cas. En accordant à des étrangers une partie de l’exploitation, vous portez des obstacles aux traités que vous pourriez être dans la nécessité de faire avec vos voisins. J’ai dit.

De toutes parts – La clôture de la discussion générale !

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je voulais précisément faire observer qu’on pourrait clore la discussion générale. Je me réserve de répondre à quelques observations des honorables MM. Rogier et Lys, quand nous en serons aux articles.

M. Rogier – Ainsi, il est entendu qu’on discutera article par article.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Oui.

M. le président – La parole est à M. Pirmez

M. Pirmez – Je voulais répondre à l’honorable M. Rogier, j’attendrai également la discussion des articles.

M. le président – Voici une proposition que M. Simons vient de faire parvenir au bureau.

« J’ai l’honneur de proposer la disjonction du chemin de fer de Landen à Hasselt, du chemin de fer de Jurbise à Tournay. »

- Cette proposition, que l’auteur développera dans la séance de demain, sera imprimée et distribuée.

La chambre consultée prononce la clôture de la discussion générale.

Elle décide ensuite qu’elle se réunira demain à 11 heures en séance publique.

La séance est levée à 5 heures et un quart.