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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 12 novembre 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 9) M. Huveners procède à l’appel nominal à 2 heures.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la dernière séance de la session de 1845-1846.

La rédaction en est adoptée.

Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance du 11 novembre.

La rédaction en est également adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners communique l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Jean-Pierre Lucassen, garde-convoi du chemin de fer de l’Etat, né à Mehr (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Evrard Delsart, commis à la station du chemin de fer à Ostende, né à Valenciennes (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Vanden Branden, commissaire de police de la ville de Termonde, demande que les commissaires de police qui remplissent les fonctions de ministère public près des tribunaux de simple police reçoivent de ce chef un traitement spécial. »

« Même demande des sieurs Vercauteren, de Waele, Brusson, de Lannée et Verdure, commissaires de police de Zéle, Hamme, St-Nicolas, Anderlecht et Soignies, et des commissaires de police des villes d’Ypres, Poperinghe et Wervicq. »

M. de Terbecq. - Je demande le renvoi de ces pétitions à la section centrale chargée d’examiner le budget de la justice.

- Adopté.


« L’administration communale de Nieuport demande que le crédit alloué en faveur de la pêche maritime soit majoré de la somme des droits qui seront perçus à l’introduction du hareng et du poisson frais hollandais et à celle de 5,000 tonnes de morue hollandaise. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des affaires étrangères.


« Le sieur Dewilde, employé des accises pensionné, demande que son fils soit admis à l’institut militaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


(page 10) « Le sieur Bottelle, ancien militaire, prie la chambre de lui faire obtenir une place dans l’administration de la douane. «

- Même renvoi.


« Le sieur Baux, secrétaire communal à Florennes, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le prompt achèvement de la route concédée de Charleroy à Florennes. »

Même renvoi.


« Le sieur Debrichy, ancien soldat mis à la réforme par suite d’une blessure qu’il a reçue à la jambe, demande une pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Sotteau, major pensionné, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir le remboursement d’une retenue qui a été opérée sur son traitement de major d’infanterie en activité. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pierre-Joseph Boland, sergent au 12ème régiment de ligne, qui sans autorisation du roi a pris du service militaire à l’étranger, demande de recouvrer la qualité de Belge.

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les conseils communaux d’Oostroosebeke et d’Aerseele prient la chambre de voter un crédit pour subvenir aux besoins de la classe nécessiteuse. »

M. de Roo. - Cette pétition soulève une question vitale et on ne peut plus opportune dans les circonstances où nous nous trouvons. Mais le gouvernement a prévu la demande des pétitionnaires, par les projets présentés à la séance d’hier, relativement aux subsistances, à l’industrie linière et au défrichement des bruyères.

Je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale ou à la commission qui sera chargée d’examiner le projet de loi concernant les mesures relatives aux subsistances.

- Adopté.


« Le sieur Voisiot demande qu’on lui accorde une pension du chef de ses services militaires sous le gouvernement français. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Péterinck, fabricant de potasse à Tournay, demande la suppression du droit de sortie sur les cendres lessivées. »

- Renvoi à la commission d’industrie.


« La députation permanente du conseil provincial du Luxembourg demande que le système des octrois municipaux soit modifié et que le droit sur le bétail soit fixé au poids et non par tête. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Lombeek-Sainte-Catherine présente des observations coure le tracé projeté d’un chemin de fer direct de Bruxelles vers Gand par Alost. »

- Renvoi au ministre des travaux publics.


Par message en date du 13 août le sénat informe la chambre qu’il ne sera donné aucune suite à la demande de naturalisation ordinaire du sieur Joseph Gady, ex-sergent au 7ème régiment de ligne.


Par cinq messages datés du 14 le sénat informe la chambre qu’il a donné son adhésion aux projets de loi :

1° portant érection des communes de Grâce-Berleur et de Montegnée (province de Liége) ;

2° approuvant le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et les Pays-Bas ;

3° ouvrant au département des travaux publics un crédit de 3,712,960 francs pour travaux aux chemins de fer de l’Etat ;

4° accordant une pension au sieur de Ghouy ;

5° ouvrant au département des travaux publics un crédit supplémentaire de 160,378 francs.


Par dépêche en date du 12 novembre, M. le ministre des finances adresse à la chambre:

1° Le compte spécial de toutes les opérations relatives à la négociation des bons du trésor pendant l’année 1844.

- L’impression et la distribution aux membres de la chambre sont ordonnées.

2° Les explications demandées sur les pétitions de quelques distillateurs de la province de Brabant à l’effet d’obtenir la restitution des droits que représente la déduction de 15 p. c. sur l’accise dont ils ont été privés depuis le mois de mai 1843 jusqu’au mois de juin 1844, ainsi que sur la requête du sieur de Cerf tendant à obtenir exemption de l’accise sur le sel employé à la fabrication d’un nouvel engrais.

- Dépôt au bureau des renseignements.

3° 110 exemplaires du tableau général du commerce de la Belgique avec les pays étrangers pendant l’année 1845.

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.


Par dépêches en date des 11 et 13 novembre, M. le ministre de l’intérieur transmet à la chambre :

1° 110 exemplaires du volume de statistique renfermant le mouvement de l’état-civil dans le royaume pendant l’année 1845 ;

2° 95 exemplaires d’une brochure relative au vote émis par le conseil provincial du Luxembourg au sujet de la question suivante : Y a-t-il lieu de rendre les assurances contre les risques d’incendie obligatoires pour tous les habitants et d’en confier le monopole au gouvernement ?

- Distribution aux membres de la chambre.


Par dépêche en date du 10 novembre, la cour des comptes adresse à la chambre son cahier d’observations relatif au compte définitif de l’exercice 1842 et aux comptes provisoires des exercices 1843 et 1844.

- La distribution aux membres est ordonnée.


M. de Bonne, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.

Accordé.


(page 93) « Les chefs de bureau des commissariats d’arrondissement dans la province de Namur, demandent une loi qui les admette à la pension de retraite. »

« Même demande des employés du commissariat de l’arrondissement de Liége. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Composition des bureaux de section

(page 10) Les sections de novembre se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Verhaegen

Vice-président : M. Mercier

Secrétaire : M. Veydt

Rapporteur de pétitions : M. Dubus (aîné)


Deuxième section

Président : M. Thienpont

Vice-président : M. Scheyven

Secrétaire : M. Van Cutsem

Rapporteur de pétitions : M. de Meester


Troisième section

Président : M. Lejeune

Vice-président : M. Desmet

Secrétaire : M. Lesoinne

Rapporteur de pétitions : M. David


Quatrième section

Président : M. de Brouckere

Vice-président : M. Lange

Secrétaire : M. Pirson

Rapporteur de pétitions : M. Zoude


Cinquième section

Président : M. de Mérode

Vice-président : M. de Saegher

Secrétaire : M. de Man

Rapporteur de pétitions : M. de Lannoy


Sixième section

Président : M. de Corswarem

Vice-président : M. Wallaert

Secrétaire : M. A. Dubus

Rapporteur de pétitions : M. de Roo

Rapports sur des pétitions

Rapport sur une pétition

M. Zoude, rapporteur. - A la fin de la dernière session, vous aviez demandé un prompt rapport sur une pétition assez importante ; la session ayant été close, je n’ai pas pu le faire ; je viens vous le présenter aujourd’hui.

Messieurs, les pétitionnaires, organes d’une assemblée réunie dans le but de pourvoir aux besoins les plus urgents de quelques victimes de la dernière insurrection polonaise, exposent à la chambre que les fonds qu’ils ont reçus de la générosité d’un certain nombre de nos concitoyens étant épuisés, ils doivent réclamer un subside pour aider le département de la guerre à satisfaire aux nécessités impérieuses d’un petit nombre de réfugiés que des motifs spéciaux ont amenés sur le sol de la Belgique, qui continuera, sans doute, à être hospitalier. Les pétitionnaires, après s’être concertés avec M. le ministre de la guerre, bornent leur demande à un subside de 10 mille francs.

Votre commission, qui n’a pas oublié les services que cette nation héroïque a rendus à notre indépendance, appuie à l’unanimité la demande des pétitionnaires.

Elle sait, votre commission, que c’est la levée des boucliers polonais en 1830 qui a arrêté les bandes que le czar avait fait ruer sur la Belgique et la France, et que sans l’énergie de cette nation, l’arbre de liberté aurait été arrosé de sang dans les deux pays.

Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à MM. les ministres des finances et de l’intérieur.

- Ce double renvoi est ordonné.

Projet de loi prorogeant la loi sur la libre entrée des céréales

Rapport de la commission

M. Brabant, rapporteur. - La commission nommée pour procéder à l’examen du projet de loi relatif à l’entrée des céréales présenté à la séance d’hier, a été unanime quant à l’adoption du principe, mais elle s’est partagée sur le terme à donner à la loi. Deux membres ont demandé que l’article premier fût conçu dans les termes suivants : « continueront d’être libres à l’entrée jusqu’au 1er décembre 1847 :

« Le froment, le seigle, l’orge, etc. »

Deux membres ont adopté le projet de loi dans les termes proposés par le gouvernement, c’est-à-dire avec le terme du 1er octobre 1847.

Dans le système de la modification proposée par deux membres, il faudrait modifier aussi l’article 2 ; étendre la prohibition de la sortie des céréales jusqu’au 1er décembre 1847.

Dans l’article 3 on devrait également substituer le 1er décembre 1847 au 1er octobre. Dès lors, le dernier paragraphe de l’article 3 : « Il peut également la proroger en tout ou en partie jusqu’au 1er décembre 1847 » deviendrait inutile.

Ainsi unanimité pour adopter la liberté d’importation et la prohibition d’exportation des céréales, mais dissidence et parité de voix quant à la durée à donner à la loi.

Dans cet état de choses nous ne pouvons pas formuler de conclusions.

M. le président. - La chambre veut-elle discuter d’urgence ce projet de loi ?

M. David. - Il reste à nommer un membre de la commission permanente d’industrie. Ne pourrait-on procéder à cette nomination, pendant que M. le ministre de l’intérieur est encore retenu au sénat ?

M. Mercier. - Messieurs, le sénat est sur le point de se séparer, et désire que nous lui envoyions, le plus tôt possible, le projet de loi qui va être discuté. Je demande donc qu’on procède immédiatement à cette discussion. M. le ministre des finances est ici pour défendre le projet ; il n’est pas indispensable que M. le ministre de l’intérieur soit présent.

- La chambre décide qu’elle passera immédiatement à la discussion du projet.

Discussion générale

(page 11) M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Osy. - Messieurs, dans la dernière session, nous avions, plusieurs amis et moi, proposé de proroger la loi relative aux denrées alimentaires au 31 décembre de cette année. Le gouvernement n’y a pas consenti ; il n’a pas même consenti à l’amendement de l’honorable M. Delehaye, qui proposait la prorogation jusqu’au 1er décembre.

Vous voyez, messieurs, l’inconvénient de proroger des lois à une époque voisine de notre rentrée ; on nous presse de voter un projet très important que nous n’avons pas eu le temps d’examiner ; encore moins avons-nous eu le temps d’étudier le rapport de la commission. J’espère, messieurs, qu’à l’avenir lorsqu’il s’agira de lois de nature à être prorogées, on fixera l’époque de leur durée, de manière que nous ayons temps de les examiner avec attention, et qu’on ne puisse plus venir nous dire que l’autre chambre désire s’ajourner, qu’elle est pressée de discuter les lois.

Messieurs, à la session dernière, le gouvernement n’a voulu nous accorder la libre entrée des céréales que jusqu’au 1er octobre, et cependant il s’est vu obligé de proroger la loi jusqu’au 1er décembre, comme nous l’avions demandé.

Eh bien, comme il est certain que la récolte du seigle a considérablement souffert, que tout au plus nous avons un tiers de récolte ordinaire et que les besoins de tous les pays qui nous environnent sont grands, je crois que nous ferions très bien de fixer la durée du projet en discussion au 31 décembre 1847. J’en fais la proposition formelle.

Je propose la date du 31 décembre, parce que celle du 1er décembre ne convient nullement, comme je viens de le dire, en présence de l’époque de notre rentrée.

Déjà, messieurs, dans plusieurs provinces on demande également la libre entrée du bétail. Je sais que dans le courant de cette session il nous arrivera beaucoup de pétitions pour la réclamer ; et comme c’est maintenant le moment de nous occuper de tout ce qui concerne l’alimentation du pays, je proposerai d’intercaler à l’article premier une disposition qui permette la libre entrée du bétail jusqu’au 31 décembre 1847.

A la session dernière j’avais aussi demandé la libre entrée des farines avec un léger droit protecteur pour nos meuniers. Le gouvernement n’a pas consenti, aussi n’y a-t-il pas eu d’importations. Ce n’est que depuis environ quinze jours que le gouvernement a décrété la libre entrée des farines, mais fort inutilement, car les prix sont tellement élevés dans les pays étrangers, et notamment aux Etats-Unis, qu’il est impossible d’importer des farines.

Je demande donc que le projet actuel prononce la libre entrée des farines. Si l’on veut accorder une protection à nos meuniers, je ne m’y opposerai pas, à condition toutefois qu’elle soit modérée. Il est certain qu’un droit de 1 fr. à 1 fr. 50 par baril de 90 kil, suffit pour protéger l’industrie de la meunerie.

Messieurs, dans les circonstances où nous nous trouvons, il faut de la stabilité dans nos lois relatives à l’alimentation du pays ; il faut que le commerce sache à quoi s’en tenir pour un terme assez long, pout qu’il puisse faire en toute sécurité ses commandes en pays étrangers. C’est ce qui m’engage à vous proposer la date du 31 décembre.

Messieurs, par l’article 2, on nous propose encore la prohibition à la sortie des céréales. A la session dernière je me suis opposé à cette prohibition. Je suis persuadé que la chambre ne reviendra pas sur sa décision, mais je suis forcé de revenir sur cette question, parce que c’est pour moi une affaire de principe.

Lorsque vous permettez la libre entrée des grains, vous pouvez en toute sécurité en permettre la sortie. Aussi longtemps que l’entrée est libre, vous pouvez être persuadés que le pays ne manquera jamais de céréale, et en autorisant la sortie, vous donnez l’occasion à nos fermiers de transporter par terre, dans certains moments favorables, leurs produits en pays étranger. Il est arrivé des époques où le grain se payait à Lille 27 et 28 fr., tandis qu’à Anvers il ne coûtait que 23 fr. Dans des moments semblables vous pourriez procurer au pays un bénéfice considérable.

Le commerce est désintéressé dans la question, puisque la libre exportation des entrepôts existe toujours, mais c’est dans l’intérêt du pays que je voudrais voir lever la prohibition à la sortie.

Je sais que l’on me dira que si l’on permet l’exportation des céréales par terre, cela pourrait occasionner des troubles. C’est la seule raison qu’on puisse donner pour défendre la libre sortie. Aussi ne proposerai-je pas, en présence des circonstances où nous nous trouvons, de modifications à l’article 2 ; mais je proteste qu’en général lorsque l’entrée des céréales est libre, la sortie doit l’être aussi.

Je proposerai donc de substituer dans l’article 1er la date du 31 décembre à celle du 1er octobre, et d’y comprendre la libre entrée du bétail et des farines.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L’honorable membre n’a pas proposé de laisser libre la sortie des denrées alimentaires, mais il dit que cette mesure serait tout à fait dans l’intérêt du pays. S’il a cette conviction il devrait défendre son opinion, mais je crois que la chambre ne partagera aucunement la manière de voir de l’honorable membre et qu’aucun de nous ne voudrait prendre sur soi la responsabilité, par exemple, de laisser exporter les pommes de terre dans un moment où les céréales sont déjà à un prix si élevé, et alors qu’il est notoire que les pommes de terre, dans la plupart des autres pays, ont moins bien réussi qu’en Belgique.

L’honorable membre, messieurs, devrait d’ailleurs avoir la conviction qu’il n’y a aucun inconvénient à interdire la libre sortie puisque nous avons fait l’expérience de la loi du 24 septembre 1845, qui a été pleinement satisfaisante. Les arrivages ont été très nombreux sous l’empire de cette loi ; le commerce n’a été aucunement inquiété par l’interdiction des exportations.

Nous avons, messieurs, un large régime d’entrepôts ; cela suffit à la sécurité des opérations du commerce.

L’honorable membre vous propose, messieurs, de fixer la libre entrée jusqu’au 31 décembre 1847. La loi du 24 septembre 1845 a été adoptée à l’unanimité par les deux chambres ; or, cette loi portait pour terme fatal le 1er juin ; c’est à la sollicitude du gouvernement qu’on a dû la prorogation de cette loi, d’abord jusqu’au 1er octobre et ensuite jusqu’au 1er décembre, en vertu d’un arrêté royal que la loi autorisait le gouvernement à prendre. Cet arrêté royal, messieurs, a été pris en temps opportun et dès lors, vous devez avoir la conviction que si les mêmes circonstances qui vous détermineront aujourd’hui à accorder la libre entrée jusqu’au 1er octobre, existaient encore vers l’époque de l’expiration du terme, le gouvernement userait de la faculté qu’il vous demande, de proroger la libre importation jusqu’au mois de décembre, jusqu’à l’époque où vous pourriez vous-mêmes statuer en connaissance de cause sur ce qu’il conviendrait de faire. Il n’y a donc, messieurs, aucune espèce de motif pour apporter une modification à cette partie du projet de loi. Vous avez fait l’expérience de la sollicitude du gouvernement en vertu de la loi par laquelle vous lui accordiez le pouvoir de proroger le terme de la libre entrée.

L’honorable membre regrette qu’on n’ait pas permis plutôt la libre entrée des farines. Il ne devrait pas ignorer que de nombreuses réclamations avaient été adressées au gouvernement contre la liberté de l’importation des farines, dans l’intérêt d’une grande industrie. En outre, messieurs, on a fait remarquer qu’il était très difficile de reconnaître la sophistication des farines, c’était une deuxième considération. Cependant, voyant que le prix des blés continuait à s’élever, nous ayons proposé au roi de permettre la libre entrée des farines, et cette libre entrée, nous vous proposons encore de la permettre en vertu de pouvoirs que nous vous demandons ; cependant si nous nous apercevions que ce commerce présente des inconvénients graves, que les farines sont avariées ou mélangées de substances étrangères et que nous ne puissions pas trouver de moyen efficace pour parer à cet inconvénient, il faudra que nous soyons nantis du pouvoir de faire cesser l’importation. Voilà ce qui nous fait insister pour que la libre importation des farines demeure facultative.

L’honorable membre demande la libre entrée du bétail. Nous disons que cette demande n’est pas fondée. Par le traité qui a été fait avec la Hollande, il a déjà été donné une satisfaction notable aux consommateurs de bétail. Il ne s’agit pas seulement des consommateurs de viande, il s’agit aussi de s’occuper de l’intérêt du cultivateur. Le cultivateur subit d’importants sacrifices en vertu de la loi qui permet la libre entrée des céréales, et qui défend l’exportation des céréales et des pommes de terre. Nous le déclarons, si les cultivateurs étaient privés des ressources qu’ils peuvent trouver dans la vente du bétail, leur ruine serait consommée.

En effet, il ne faut pas perdre de vue que si les denrées alimentaires sont chères, le cultivateur a subi lui-même, l’année derrière, la plus importante des pertes, celle de la récolte des pommes de terre ; cette année encore, il éprouve une perte immense dans la récolte du seigle. Faut-il, messieurs, ajouter pertes sur pertes, imposer sacrifices sur sacrifices, à une classe intéressante de la société qui vit exclusivement de son travail ? Si le cultivateur était représenté par des organes puissants, alors on ne proposerait pas de le frapper ainsi coup sur coup.

Nous demandons, en conséquence, qu’en ce qui concerne le bétail, il ne soit apporté aucune modification au projet ; nous demandons de demeurer juges des circonstances où il conviendrait d’introduire une nouvelle modification, en ce qui concerne l’entrée du bétail.

Messieurs, je regrette de devoir abandonner la discussion ; mon notable collègue, M. le ministre des finances, voudra bien la suivre ; ma présence est réclamée au sénat, où la discussion de l’adresse est entamée ; je ne suis venu dans cette enceinte que pour donner quelques explications que j’ai crues nécessaires.

- L’amendement de M. Osy est appuyé.

M. Delehaye. - Messieurs, je pense que M. le ministre de l’intérieur a commis une grave erreur, quand il a dit que le cultivateur en Belgique n’était pas suffisamment représenté. Le cultivateur tient avant tout à la propriété, et là où la propriété est la base du système représentatif, on est mal fondé à prétendre que la propriété n’est pas représentée.

Lorsqu’on décrète des lois restrictives dans l’intérêt des produits de la terre, c’est une erreur de croire que ces lois soient exclusivement à l’avantage des cultivateurs, elles sont avant tout avantageuses aux propriétaires. A-t-on le droit de dire que par suite même du renchérissement qui a frappé la plupart des produits de la terre, les cultivateurs se sont trouvés dans une position gênée ? Mais non, ce haut prix des denrées alimentaires a été surtout avantageux aux cultivateurs. Ce sont les grands cultivateurs qui ont fait les meilleures affaires. La chose est évidente pour les Flandres. Ce ne sont pas les grands cultivateurs qui se plaignent, ce ne sont pas ceux qui ont des denrées à vendre, qui sont fondés à venir réclamer devant la chambre. Mais c’est l’ouvrier, c’est le tisserand, c’est la fileuse qui se plaignent ; et dans leur intérêt, que faut-il se ce n’est le bas prix des denrées alimentaires ?

(page 12) Bien des fois, messieurs, nous avons demandé des protections pour l’une ou l’autre branche de notre industrie. La meilleure, la plus efficace, n’est-ce pas la réduction du prix des céréales et de tout ce qui entre dans la nourriture de la classe ouvrière ? La réduction du prix des céréales en Angleterre a permis de restreindre le système producteur, si avantageux à son industrie.

Ne perdons dès lors, messieurs, pas de vue que l’avenir de l’industrie en général se trouve attaché à la diminution du prix des denrées alimentaires.

Et quant au bétail, est-il bien exact que le bas prix est toujours avantageux aux cultivateurs ? Il est démontré qu’en Belgique le nombre de bêtes à cornes est insuffisant dans l’intérêt même de l’agriculture. Il serait surtout à désirer que l’importation du bétail maigre, bien loin d’être frappée d’un droit, fût favorisée d’une prime.

Ainsi, messieurs, nous avons assez fait pour le cultivateur ; on n’est pas fondé à dire qu’il n’est pas représenté dans cette enceinte, cette assertion est étrange, surtout de la part d’un organe du pouvoir.

Le cultivateur comme appartenant au sol est représenté dans cette enceinte plus que personne, car l’industrie agricole est entièrement liée à la propriété, et c’est la propriété qui a la plus large part dans le système électoral qui nous régit.

Je suis partisan de la proposition de l’honorable M. Osy, relative à l’entrée du bétail, et je suis étonné de l’opposition qu’elle rencontre, car déjà la viande n’est plus à la portée de la classe moyenne ; beaucoup d’individus qui trouvaient autrefois une existence aisée dans le commerce, doivent aujourd’hui s’interdire l’usage de la viande ; et cependant vous vous plaignez que le prix n’en est pas encore assez élevé pour le cultivateur. Pour moi, si j’examine l’intérêt du cultivateur, je trouve, comme je viens de le dire, qu’il y aura utilité à permettre l’entrée du bétail étranger, parce que la Belgique n’en a pas assez, non seulement pour la nourriture de ses habitants, mais encore pour les besoins de l’agriculture. En effet, pour fertiliser nos champs, nous avons besoin d’engrais qu’on ne peut obtenir qu’au moyen d’une grande quantité de bétail.

Si notre culture, au lieu de s’améliorer dans certains cantons, va s’amoindrissant, c’est au défaut d’engrais et de bétail qu’il faut l’attribuer. L’introduction du bétail étranger peut seule nous procurer des ressources pour le développement de notre agriculture. On n’est donc pas fondé à dire que le bétail n’est pas assez cher. Dans l’intérêt du cultivateur, et surtout dans l’intérêt du consommateur, qui doit primer tous les autres intérêts, je demande la libre entrée du bétail étranger en Belgique.

Que craignez-vous de la suppression du droit à l’entrée du bétail ? La suppression du droit décrétée en Angleterre rend impossible un grand développement dans l’introduction de bétail hollandais dans notre pays. Chaque semaine des navires chargés de bétail hollandais sont dirigés sur l’Angleterre.

Prenez-y garde, messieurs ! Peut-être un jour devrons-nous faire des sacrifices à la Hollande pour obtenir son bétail. Je comprends donc difficilement l’opposition du gouvernement à cette proposition ; j’aurais voulu que le gouvernement, pour prouver sa sollicitude pour la classe ouvrière, s’empressât de l’admettre. Il se mettrait ainsi d’accord avec les sentiments de bienveillance qu’il a manifestés dans le discours du trône.

J’en viens à une autre proposition de l’honorable M. Osy, celle de porter le terme de la loi au 31 décembre ; je crois qu’elle ne peut pas être adoptée. M. Osy eût été plus prudent, si, connaissant les antécédents de la chambre, il s’était joint à ceux qui ont proposé le terme du 1er décembre. Ce terme ne saurait entraîner aucune lésion pour l’agriculture et, d’un autre côté, il est indispensable au commerce ; car le commerce des grains ne se fait pas comme les autres commerces. Les grains ne nous sont pas envoyés du Nord spontanément, nous devons les demander pour les avoir, nous devons les aller acheter, on ne nous les envoie pas en consignation.

Je suppose qu’il y ait une récolte abondante l’année prochaine, aucun négociant ne fera venir des grains du Nord ; le commerce, ne consultant que ses intérêts dans les affaires qu’il entreprend, n’ira pas établir avec les produits du pays une concurrence qui ne lui présenterait en perspective que des pertes. C’est là un motif pour ne pas craindre de fixer au 1er décembre le terme de la prorogation. D’un autre côté, à cette époque la chambre est réunie et peut apprécier les circonstances dans lesquelles le pays se trouve ; la chambre se doit à elle-même de se réserver l’appréciation de ces circonstances ; c’est ce qu’elle ferait en adoptant le terme que nous proposons.

Ceux qui déjà l’avaient proposé à la dernière session avaient raison ; l’expérience l’a prouvé, car le gouvernement qui n’avait pas voulu l’admettre alors a été obligé de l’adopter depuis. Si ce terme avait été inséré dans la loi, le commerce aurait eu plus de sécurité. En effet, la certitude du terme n’est pas chose indifférente. J’ai entendu naguère un négociant de Gand me dire que dans l’état actuel des choses ; quelque utilité qu’il y eût pour le pays à proroger la loi, il n’oserait pas faire de nouvelles commandes dans le Nord, de crainte que la prorogation de la loi ne fût pas proposée, quoique le prix des grains fût tel que le gouvernement aurait manqué à ses devoirs s’il ne l’eût pas proposée. Le commerce se rappelle les dispositions de quelques hommes au pouvoir, et il craint la réalisation de leurs projets en fait de protection due à l’agriculture.

Le gouvernera agira avec prudence et sagesse en adoptant, non le terme proposé par M. Osy, mais celui que M. Lesoinne et moi avons défendu au sein de la commission. De cette manière, la législature pourra être ressaisie de la question et s’entourer de tous les éléments de nature à la mettre à même d’apprécier les circonstances et d’admettre une nouvelle prorogation de la loi. J’appuie donc la proposition de l’honorable M. Osy, concernant le bétail ; je repousse celle relative au terme de la loi, et je persiste dans ma proposition de le fixer au 1er décembre.

M. Rodenbach. - J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à M. Osy qui a énoncé l’opinion du libre échange quant aux céréales. Je pense que l’adoption de ce principe serait dangereuse dans ce moment. Vous le savez tous, les subsistances sont fort chères en France, en Angleterre et dans une grande partie de l’Europe, car la récolte n’a pas été généralement bonne, mais fort ordinaire quant au froment et très mauvaise pour le seigle ; et les pommes de terre n’ont donné, quoi qu’on dise, qu’une demi-récolte. Il est probable que la vie animale sera fort chère.

L’honorable M. Osy nous dit que lorsque l’entrée est libre, lorsque les grains peuvent être importés dans le pays libres de droit, on doit aussi permettre la sortie. Mais s’il en était ainsi, qu’arriverait-il s’il se présentait une hausse en Angleterre ou en France ?

C’est que les provisions de grains et de farines que nous aurions partiraient immédiatement pour ces pays. Nos approvisionnements seraient donc considérablement réduits et les prix s’élèveraient encore. Or, je vous demande quel serait l’effet d’une pareille hausse, notamment pour les populations des Flandres ?

Messieurs, les populations des Flandres n’ont plus même des ressources suffisantes pour acheter les denrées à un prix raisonnable ; il y aura, parmi ces classes malheureuses, disette et disette intense, non pas parce que les subsistances manqueront, je crois qu’il y aura abondance de grains pendant toute l’année ; mais parce que cette abondance ne soulagera nullement nos malheureux ouvriers, l’ouvrage et l’argent leur manquant ; aussi le gouvernement devra venir à leur secours, et je pense que le projet qu’il nous a présenté hier et qui tend à mettre à sa disposition un crédit de 4,200,000 fr., ne suffira pas. Car, vous devez le savoir, dans les campagnes des Flandres, sur cinq individus il y en a trois qui doivent être secourus.

Je ne parle pas des villes, elles auraient tort de se plaindre. Mais dans les villages la misère est telle qu’elle va au-delà du paupérisme en Angleterre… J’en excepte toutefois l’Irlande. Dans une grande partie de nos communes de la Flandre occidentale on doit payer trois ou quatre charges locales. D’abord on paye le pain hebdomadaire ; en second lieu une rétribution mensuelle ; en troisième lieu un abonnement, et malgré ces impôts, on fait encore de nombreux dons volontaires. Dans une commune que je connais parfaitement bien, sur une population de 6,700 âmes. il y a 5,000 pauvres ; et sur les registres d’abonnement figurent seulement 417 ménages ; de sorte que chacun d’eux doit pourvoir à la subsistance de six à sept individus. Aussi les vivres fussent-ils à bon marché, nos malheureuses populations seraient encore au comble de la misère.

Un honorable député de Gand a dit que la position du fermier était très heureuse. Je ne partage pas cette opinion. Il y a dans cette enceinte plusieurs propriétaires ; je leur demanderai si l’aisance parmi les cultivateurs est tellement grande qu’ils payent leurs baux avec facilité. Je ne le pense pas. Vous le savez, messieurs, la récolte n’est qu’ordinaire pour le froment, et elle est détestable pour le seigle.

Messieurs, on nous a parlé du bétail. J’ai déjà dit dans cette enceinte, lorsqu’il s’est agi du traité avec la Hollande, que malgré les concessions que nous faisions à ce pays, la diminution du droit d’entrée sur le bétail ne produirait pas un grand effet sur le prix de la viande. C’est, messieurs, ce qui est arrivé, et je suis persuadé que si l’on supprimait tout droit de douane sur le bétail, il n’y aurait pas encore de baisse un peu notable sur la viande.

Ce n’est pas, messieurs, dans les droits de douane que gît surtout le mal.

Dans nos campagnes la viande n’est pas excessivement chère ; d’ailleurs nos malheureux ouvriers ne gagnent pas de quoi se procurer du pain ; à plus forte raison ne peuvent-ils acheter de la viande.

C’est donc dans les villes que cette cherté se fait remarquer. Or, je, suis fâché de devoir le répéter pour la deuxième ou la troisième fois, il faut surtout l’attribuer aux tarifs des octrois municipaux qui établissent souvent des droits énormes. C’est à cet état de choses qu’il faudrait apporter un remède. Je crois du reste que dans plusieurs de nos villes on examine la question de savoir s’il ne serait pas utile de supprimer les octrois, surtout pour ce qui concerne les objets servant à la subsistance.

Messieurs, ce qui contribue encore à augmenter le prix de la viande, c’est le monopole des boucheries. Qu’on permette, comme en Angleterre, de vendre la viande à domicile, et vous en verrez diminuer le prix. Je pense même que le pain serait à meilleur marché s’il n’y avait pas de mercuriales dans nos grandes villes. Il faudrait seulement prendre des précautions contre la sophistication ; mais on aura beau prescrire des mesures quant aux poids et aux qualités, l’industrie, lorsqu’il s’agit de ses intérêts, saura toujours éluder la loi.

Messieurs, je crois devoir appuyer le projet qui nous est soumis. Je me réserve de vous faire connaître plus complétement les besoins de nos Flandres, lorsque nous en viendrons à la discussion du projet de loi des deux millions.

M. Osy. - Messieurs, j’avais cru devoir vous proposer l’époque du 31 décembre, pour ne plus voir se renouveler l’inconvénient de discuter (page 13) un projet de loi d’urgence, et sans avoir eu le temps de l’examiner. Si la chambre ne partage pas mon avis sur ce point, je ne m’opposerai pas à l’amendement de M. Delehaye, qui tend à proroger la loi au 1er décembre. Mais je ne puis consentir à l’époque du 1er octobre. Ce n’est que par arrêté du 15 septembre que le gouvernement a décidé la libre entrée des céréales jusqu’au 1er décembre, de sorte que jusqu’à cette époque le commerce n’a su à quoi s’en tenir ; je le répète, il faut plus de fixité dans vos lois, si vous voulez réellement ne pas manquer de denrées alimentaires.

Messieurs, en ce qui concerne le bétail, l’honorable M. Delehaye vous a parfaitement démontré que les grands propriétaires sont bien représentés dans cette chambre ; je crois même qu’ils le sont autant que le haut commerce ; l’argument de M. le ministre de l’intérieur ne me touche donc pas. Je crois que les intérêts agricoles sont tellement défendus dans cette enceinte qu’on ne peut faire le moindre reproche à la chambre à cet égard.

Messieurs, depuis les modifications apportées à la législation de l’Angleterre, il s’exporte, non seulement de la Hollande, mais aussi de l’Allemagne, une telle quantité de bétail dans ce pays, que bien certainement, malgré votre traité avec les Pays-Bas, le bétail restera encore très cher en Belgique, et lorsque le bétail est cher, la viande l’est aussi.

Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, que depuis quelques années le prix de la viande a augmenté de 75 p.c. en Belgique ; dès lors le cultivateur retire un produit beaucoup plus considérable de son bétail. Ce n’est pas, comme on le pense, le débitant qui fait de grands bénéfices, c’est surtout le cultivateur.

Il ne faut pas perdre de vue que nous n’avons pas assez de bétail dans le pays. Comme vous l’a dit l’honorable M. Delehaye, nous ne devons pas seulement nous occuper des intérêts du consommateur, nous devons aussi nous occuper des intérêts des éleveurs de bétail, qui, dans les circonstances actuelles, doivent payer le bétail maigre beaucoup trop cher.

Je demande donc l’abrogation du droit sur le bétail jusqu’au 1er décembre 1847. Nous pourrons examiner la question plus à fond, lorsqu’il s’agira de réformer la loi sur les céréales. Car j’espère bien qu’on n’en reviendra plus à la loi de 1834, et que le gouvernement nous proposera un projet tel que nous n’ayons pas à revenir constamment sur cette matière.

On a attribué la cherté de la viande aux octrois. Mais à la campagne la viande est extrêmement chère ; les octrois des villes n’en renchérissent pas le prix.

Plusieurs membres. - C’est une erreur.

M. Osy. - Messieurs, nous devons tâcher de faire entrer du bétail maigre pour nos éleveurs, et comme la Hollande a un débouché considérable en Angleterre, nous ne devons pas craindre qu’elle vienne faire une concurrence redoutable à nos cultivateurs.

M. le ministre de l’intérieur vous a parlé des farines. Je dois avouer que l’arrêté qu’a pris le gouvernement m’a beaucoup plu. Il a très bien fait de prendre des mesures contre la sophistication et de ne permettre l’importation que des farines venant des pays transatlantiques. Je crois que le gouvernement doit continuer à prendre des mesures pour qu’il ne nous arrive pas de farines falsifiées. Aussi n’insisterai-je pas pour qu’on décrète dans la loi la libre entrée des farines, et me contenterai-je de laisser au gouvernement la faculté dont il dispose.

Ainsi je me rallie à l’amendement de M. Delehaye quant à la date, et propose la libre entrée du bétail.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je dois d’abord rectifier la portée beaucoup trop grande et parfaitement inexacte, selon moi, que d’honorables préopinants ont donnée aux paroles de mon honorable collègue M. le ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l’intérieur n’a pas dit que les intérêts agricoles n’étaient pas représentés dans cette enceinte ; mais faisant allusion à la représentation que d’autres intérêts ont dans le pays, en dehors de cette enceinte, il a dit que l’agriculture n’était pas, comme ces intérêts, représentée par de puissantes corporations ayant des organes aussi directs. Telle est la portée des paroles que les honorables préopinants ont mal saisies.

J’en viens à la discussion elle-même.

Le terme de la loi, la libre entrée du bétail, voilà les deux points auxquels se réduit maintenant la discussion.

Messieurs, reportons un instant nos souvenirs à ce qui s’est passé l’année dernière. On était alors en présence d’une crise bien autrement grave et dont les effets étaient encore bien plus inconnus, que la crise ou du moins la gêne dans laquelle l’on se trouve en ce moment. Le gouvernement avait proposé à la chambre d’adopter des mesures exceptionnelles dont il fixait le terme au 1er juin.

Le maximum des vœux de l’honorable M. Osy, c’était alors de décréter la libre entrée des céréales jusqu’au 1er septembre. C’est cet amendement que l’honorable membre a présenté et qui a été rejeté par la chambre.

Aujourd’hui, messieurs, spontanément, je pourrais peut-être dire, sur les indications mêmes que l’honorable membre nous a données, nous allons jusqu’au 1er octobre ; et lorsque nous dépassons ce que l’honorable demandait dans des circonstances beaucoup plus graves, il propose le 1er ou le 31 décembre. En vérité, messieurs, si nous marchons dans une pareille voie de conciliation relativement à la question des denrées alimentaires, nous ne pouvons jamais nous rencontrer.

Les motifs qui existaient l’année dernière étaient beaucoup plus impérieux que ceux qui existent aujourd’hui ; la chambre a jugé alors que le délai du 1er juin devait être admis parce que, en temps utile, le gouvernement pouvait saisir les chambres de la question d’une prorogation nouvelle. On nous disait alors aussi que si nous ne mettions pas la date du 1er septembre, le commerce n’oserait rien entreprendre, ne pourvoirait pas à l’alimentation du pays, surtout si l’on interdisait l’exportation des denrées. Eh bien, messieurs, vous avez sous les yeux le mouvement général des importations, vous savez quel a été ce mouvement et combien a été grande la liberté du commerce. Je suis donc en droit de dire aujourd’hui que la question de la libre sortie des denrées alimentaires est résolue par les faits.

La question du bétail avait été aussi agitée l’année dernière ; mais, messieurs, sur ce point encore les circonstances ont complétement changé ; l’année dernière vous n’aviez point encore de traité avec la Hollande, qui nous fournit surtout du bétail ; aujourd’hui, au contraire, on a été en quelque sorte au-devant de l’observation que vient de présenter l’honorable membre, en réduisant dans une proportion beaucoup plus forte le droit sur une certaine espèce de bétail, et dans une proportion moindre le droit sur une autre espèce de bétail ; on a cherché à concilier ainsi les deux intérêts, celui des consommateurs et celui des producteurs.

Je crois, messieurs, qu’il y a une très grande exagération dans ce qu’on appelle les bienfaits de la crise actuelle pour l’agriculture ; je crois, au contraire, que l’agriculture, plus qu’aucun autre intérêt, a été frappée par les mesures que nous avons dû prendre. Il ne faut donc pas aller au-delà des nécessités reconnues, il ne faut pas au malheur qui l’attaque en ajouter gratuitement un autre. Or, il est certain que, dans les circonstances actuelles, la libre entrée du bétail, décrétée pour un temps aussi long, sans motif impérieux, aurait l’effet le plus désastreux pour l’agriculture, et l’agriculture est incontestablement le plus grand intérêt belge. Nous entendons souvent parler ici de la protection due à l’industrie ; mais quelle est l’industrie qui pourrait impunément perdre 30 à 40 millions ? Je n’en connais pas qui pût perdre impunément 10 millions.

Il ne faut donc pas, en ce qui concerne le bétail, aller au-delà de la nécessité reconnue. Mais je me hâte d’ajouter que d’après tous les actes que le gouvernement a posés, on peut se fier à lui pour décréter, s’il y a lieu, la libre entrée du bétail ou pour réduire le droit sur certaines catégories.

En effet, c’est d’une manière très large, que dans toutes les circonstances qui se sont présentées, le gouvernement a usé, dans l’intérêt des consommateurs, des pouvoirs que la législature lui avait confiés. Il en a usé pour les farines à deux reprises, et il en a usé de manière à maintenir les prix dans des limites raisonnables. Déjà, messieurs, on a déclaré que la mesure relative aux farines sera prorogée ; mais il faut que le gouvernement conserve le droit de la faire cesser à une époque qu’il déterminera d’avance si l’intérêt du pays l’exige.

Je pense donc, messieurs, qu’en présence des précédents adoptés par la chambre, en présence des considérations invoquées devant elle, elle le peut admettre ni le changement du terme ni la libre entrée du bétail.

M. de Brouckere. - Messieurs, nous sommes tous d’accord pour penser que les denrées alimentaires seront très chères pendant le courant de l’année prochaine ; mais j’estime, moi, contrairement à l’opinion de M. le ministre des finances, que la crise devant laquelle nous sommes en ce moment n’est pas moins grande que celle par laquelle nous avons passé l’année dernière, et voici les motifs de mon opinion. La récolte des pommes de terre de cette année-ci est moins mauvaise que celle de l’année dernière, cela est vrai ; mais ce qui est vrai aussi, c’est que partout les pommes de terre sont à un prix double du prix ordinaire, c’est-à-dire que les classes pauvres ont déjà une très grande peine à pouvoir se les procurer.

Ce qui est vrai encore, c’est que la récolte du seigle est tellement mauvaise que l’on a vu une chose inouïe jusqu’à présent, c’est que dans certaines localités et à certaines époques le prix du seigle était plus élevé que le prix du froment. Une troisième considération, messieurs, que nous ne devons point perdre de vue, c’est que l’hiver dernier a été extrêmement doux, de manière que les classes pauvres n’ont presque pas eu de frais à supporter, ni pour le chauffage, ni pour les vêtements extraordinaires que réclame la saison rigoureuse. Or, nous ne pouvons nous attendre à avoir encore un hiver aussi doux que celui par lequel nous avons passé, et je crois que du plus ou moins de rigueur de la saison dépendra en grande partie l’intensité de la crise devant laquelle nous nous trouvons.

Ainsi, nous sommes tous d’accord sur un point, c’est que la vie sera fort chère, fort pénible pour les classes pauvres pendant l’hiver, et ce n’est pas sans raison que nous nous occupons, à l’ouverture de notre session, des moyens de venir au secours des classes les plus nombreuses de la société.

Messieurs, il y a fort peu de divergence entre l’opinion du gouvernement et celle qui a été avancée par quelques honorables membres qui ont parlé avant moi. On est en divergence d’abord sur le point de savoir si la loi doit autoriser l’entrée libre des farines et du bétail, ou bien s’il faut laisser au gouvernement la faculté d’établir la libre entrée pour ces denrées. On est en divergence, en second lieu, sur la durée qu’il faut donner aux facultés que le projet de loi accorde. Je ne parle pas, messieurs, de l’opinion émise par l’honorable M. Osy, que l’on ferait mieux de ne point établir la prohibition à la sortie des denrées dont il s’agit dans le projet de loi. Il est possible qu’au fond l’opinion de M. Osy soit fondée, mais je crois, moi, que nous trouvant en présence d’une loi qui prohibe la sortie (page 14) des denrées essentielles, lever aujourd’hui cette prohibition, ferait un très mauvais effet dans le pays.

M. Osy. - Je ne l’ai pas proposé.

M. de Brouckere. - Vous ne l’avez point proposé, mais je réponds à vos observations.

Si l’année dernière nous n’avions pas admis le système de la prohibition, on pourrait ne pas l’établir par la loi aujourd’hui. Mais la prohibition ayant été décrétée l’année dernière, la lever maintenant ferait, je le répète, un très mauvais effet, et donnerait lieu à beaucoup de craintes, à beaucoup d’inquiétudes. Or, ces craintes, ces inquiétudes, il faut les respecter, n’eussent-elles pas de fondement.

En ce qui regarde les farines et le bétail, je me rallie très volontiers à l’opinion du gouvernement. D’abord quant aux farines, pour en autoriser l’entrée, il y a certaines mesures à prendre par le gouvernement ; eh bien ! je laisse au gouvernement le soin et de voir quand il faudra qu’il autorise la libre entrée des farines et quelles sont les mesures qu’il doit prendre pour l’autoriser. Quant au bétail, je pense encore qu’on peut s’en rapporter au gouvernement, et je pense aussi qu’on peut aujourd’hui autoriser la libre entrée du bétail et demain retirer cette autorisation, sans que le pays en souffre beaucoup. Ici en effet, le commerce n’a pas besoin de ces garanties qui lui sont indispensables, en ce qui concerne les céréales, parce que les céréales, il doit les faire venir de pays lointains, ce qui n’est pas la même chose pour le bétail.

Je dois un mot de réponse à l’honorable M. Rodenbach, qui a renouvelé une assertion déjà émise par lui l’année dernière, et à laquelle j’ai répondu alors. Je veux parler de l’observation de l’honorable membre qui concerne les boucheries. Selon l’honorable M. Rodenbach, la cause véritable de la cherté de la viande...

M. Rodenbach. - Une des causes.

M. de Brouckere. - Une des causes principales de la cherté de la viande dans les villes se trouverait dans l’existence des boucheries, dans la nécessité où se trouvent les marchands de ne vendre qu’en certains lieux déterminés ; eh bien, j’ai prouvé l’année dernière à l’honorable M. Rodenbach que c’est là une erreur, et je vais le lui prouver encore.

En effet, messieurs, il est telle grande ville où la vente de la viande se fait à domicile et où la viande est à un prix tout aussi élevé que là où elle se vend dans les boucheries. Je pourrais en appeler à certains de mes honorables collègues qui connaissent le fait comme moi.

M. Mast de Vries. - C’est très vrai.

M. de Brouckere. - Je prie l’honorable M. Rodenbach de s’informer quel est le prix de la viande dans les faubourgs de Bruxelles, où il n’y a point obligation de vendre dans une boucherie, et où il n’y a point d’octroi ; car les octrois sont encore l’une des causes auxquelles l’honorable membre a attribué la cherté de la viande dans les grandes villes.

M. Rodenbach. - Dans les faubourgs la viande est à meilleur marché.

M. de Brouckere. - Je ne demande qu’une chose à l’honorable M. Rodenbach, c’est qu’il s’informe du prix de la viande dans les faubourgs et il verra que là, bien qu’il n’y ait point ce qu’il a appelé le monopole des boucheries, bien qu’il n’y ait point d’octroi, la viande est cependant à un prix exorbitant, comme elle est à un prix exorbitant dans la ville.

J’arrive, messieurs, à la disposition la plus importante du projet, celle qui concerne la date. Je regrette sincèrement que le gouvernement ne veuille pas adopter l’amendement proposé par les honorables M. Delehaye et Lesoinne d’après lequel la libre entrée et la prohibition de la sortie seraient établies jusqu’au 1er décembre. Je ne sais pas ce que fera la chambre, mais j’ose en appeler à tous les membres et ils trouveront sans doute comme moi que dans les raisons données par M. le ministre de l’intérieur et par M. le ministre des finances il n’en est pas une qui puisse faire décider la question dans leur sens.

Eh bien, messieurs, il est certain que ce serait une chose favorable aux classes pauvres que de proroger la loi jusqu’au 31 décembre ou, si l’on veut, jusqu’au 1er décembre, puisque ce serait donner une certitude au commerce et faciliter les grandes opérations commerciales en grains et en graines de toute espèce.

Le gouvernement nous répond toujours: « Mais ayez donc confiance en notre sollicitude ; nous vous demandons que la loi soit prorogée jusqu’au ler octobre ; eh bien, si nous croyons qu’il faut proroger les dispositions qu’elle contient, nous les prorogerons nous-mêmes. »

Mais, messieurs, nous répondons que la prorogation que fait le gouvernement n’a pas le même effet. Il faut que le commerce soit prévenu longtemps à l’avance ; il faut qu’il puisse établir ses opérations plusieurs mois à l’avance, et cela est impossible, lorsque la prorogation n’est faite que quelques semaines avant le jour où expire la loi.

Messieurs, nous le savons tous, la Belgique ne produit pas assez de grains pour sa consommation. Que la récolte soit bonne ou mauvaise, nous avons toujours besoin de grains étrangers ; mais nous en avons un besoin bien plus grand, alors que la récolte d’une de nos principales céréales a manqué. Les opérations commerciales sont donc indispensables pour que nous puissions nous procurer des grains à un prix accessible pour les classes pauvres ; nous devons donc faire tout ce qui est en notre pouvoir pour favoriser les opérations commerciales ; eh bien, le meilleur moyen de les favoriser, c’est de dire au commerce « Vous avez devant vous une année entière pendant laquelle vous êtes certain que le système de législation relatif aux céréales ne sera pas changé ; combinez vos opérations ; faites venir des grains : vous êtes certain que jusqu’au 1er décembre 1847, aucun changement ne sera apporté à la législation.

Messieurs, je ne crains pas de le dire, ce sera le plus grand bienfait que vous pourrez voter en faveur des classes pauvres. J’appuie donc de tout mon pouvoir l’amendement des honorables MM. Delehaye et Lesoinne ; je voudrais que le gouvernement s’y ralliât, et tout serait fini.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il faut bien se rendre compte des faits, et juger, d’après les faits, ce qui arrivera, si nous portons le terme au 1er décembre 1847.

Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, dans la loi qui a été votée l’année dernière, on a mis le 1er juin ; au commencement de juin, nous avons prorogé jusqu’au 1er octobre ; puis le 2 août, le gouvernement a établi une nouvelle prorogation jusqu’au 1er décembre. Voyons si, dans un état d’incertitude, tel que je viens de le dépeindre, les opérations du commerce ont été ralenties ou gênées. Eh bien, l’on a importé à peu près 400 millions de kilog. en Belgique ; le mouvement du commerce général comprend, en outre, 54 millions. Chose remarquable, c’est que ce mouvement s’est soutenu jusque dans ces derniers temps ; ainsi l’on pouvait avoir de l’inquiétude peut-être sur la prorogation à faire par le gouvernement, et cependant, le mois de septembre dernier nous a donné des importations aussi considérables que celles des mois précédents.

Il résulte de là que pour donner au commerce la sécurité et la liberté dont il a besoin, il n’est pas nécessaire d’aller au-delà du terme fixé par le projet de loi.

Il peut être dangereux d’aller plus loin, parce que les circonstances changent rapidement, en ce qui concerne le prix des denrées. La date du 1er octobre, date qui a été adoptée dans un autre pays qu’on nous citait comme un modèle l’année dernière, cette date a été fixée de telle sorte que le gouvernement puisse connaître d’une manière complète quels ont été les résultats de la récolte de 1846. C’est principalement pour ce motif que nous croyons devoir maintenir la date du 1er octobre 1847.

M. Lesoinne. - Messieurs, l’amendement relatif au terme fixé pour la libre entrée des céréales, a été si bien défendu par l’honorable M. de Brouckere, que je me dispenserai de traiter cet objet. Je dirai seulement quelques mots sur le bétail.

La raison pour laquelle nous préférons voir introduire dans la loi la libre entrée du bétail, à voir cette faculté abandonnée à l’appréciation du gouvernement, c’est que la viande a été en Belgique, depuis un an, à un prix extrêmement élevé, et que néanmoins le gouvernement n’a pas permis la libre entrée du bétail.

On dira: « On était occupé du traité avec la Hollande, et le bétail faisait partie de ce traité ». Cependant, après le traité, le prix de la viande n’a pas diminué d’une manière sensible, et l’entrée du bétail n’a déclarée libre.

On fait sonner assez haut l’intérêt du cultivateur. Cet intérêt serait compromis par la libre entrée du bétail ? Le prix du bétail est aussi élevé aujourd’hui qu’il l’était avant le traité. La garantie du cultivateur est dans le prix élevé de la viande ; mais je ne crois pas qu’on puisse pousser la protection jusqu’au point de mettre les denrées alimentaires la portée même des classes moyennes.

Je suis partisan du libre échange pour les produits manufactures, à plus forte raison du libre échange pour les denrées alimentaires ; car, quoi qu’on en dise, ces deux produits ne se trouvent pas dans des conditions identiques. Vous pouvez pousser à la production des objets manufacturés dans une proportion presque arbitraire ; mais quant aux denrées alimentaires, vous ne pouvez pas faire produire au sol plus qu’il ne produire ; vous ne pouvez pas non plus abréger pour le bétail le temps de la gestation.

Ainsi, nous ne voulons pas abandonner au gouvernement la faculté de décréter la libre entrée du bétail, parce qu’il n’a pas décrété cette entrée lorsque le prix de la viande a été très élevé. On peut inscrire cette entrée dans la loi, sans nuire au cultivateur, parce que les prix sont tellement élevés et qu’il est peu probable que le seul pays qui puisse nous fournir du bétail puisse le faire à des conditions telles qu’elles soient de nature à compromettre l’intérêt du cultivateur.

M. Verhaegen. - Messieurs, le moment me paraît arrivé de prendre une décision, quant à la libre entrée du bétail. Comme on l’a dit avec raison, le prix de la viande est considérablement augmenté depuis un an ; il y a une augmentation réelle de 75 p. c. Cette augmentation n’est pas due à la cause que l’honorable M. Rodenbach a indiquée. Il est de notoriété que dans les faubourgs de Bruxelles où la viande se vend à domicile et où il n’y a pas d’octrois, la viande est presque aussi chère- qu’en ville. Allez, par exemple, au faubourg d’Ixelles, chez le premier boucher venu, et vous y payerez, à deux centimes près, la viande aussi cher qu’en ville.

M. Rodenbach. - À dix centimes près !

M. Verhaegen. - C’est une erreur ; je vous renvoie au faubourg d’Ixelles.

Maintenant il semble qu’il faille ne s’occuper exclusivement de denrées alimentaires qu’en ce qui concerne les grains, et ne soigner que les intérêts de la classe pauvre proprement dite. Certes, cette classe mérite toute notre sollicitude ; mais il en est une autre qu’il ne faut pas perdre de vue non plus, la classe des travailleurs, des petits bourgeois. Or, il est de fait que la viande est tellement chère aujourd’hui que les travailleurs, (page 15) les petits bourgeois ne peuvent plus en acheter. Ajoutez à cela que notre bétail va en Angleterre, que les œufs, le beurre, et d’autres denrées encore, suivent la même route.

Maintenant si vous ne voulez pas vous occuper de ces nécessités, vous n’aurez rien fait du tout.

Pour favoriser exclusivement la classe des éleveurs de bétail, irez-vous négliger l’intérêt des consommateurs, des travailleurs, des petits bourgeois ? J’ose espérer que dans les circonstances où nous nous trouvons et qui sont pressantes, la chambre adoptera la proposition de l’honorable M. Osy en ce qui concerne le bétail.

M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, je n’ai pas, comme rapporteur, à m’expliquer sur l’amendement relatif au bétail ; aucun détail ne nous a été donné pat le gouvernement quant au prix du bétail et de la viande. La disposition qui est dans le projet est la reproduction de celle que renfermait la loi du 24 septembre 1845. Si le prix de la viande a augmenté depuis lors, cela tient à des circonstances qui ne dépendent pas de la loi ; même en tant que la loi puisse initier sur le prix de la viande, il aurait dû y avoir diminution, puisque dans le courant de l’année nous avons approuvé le traité conclu avec la Hollande, qui a réduit le droit d’entrée sur le bétail.

J’ai demandé la parole pour maintenir la proposition du gouvernement quant au terme du 1er octobre. Remarquez qu’une loi ne pourrait pas venir restreindre la faculté accordée au commerce d’introduire des céréales en franchise jusqu’à l’époque fixée par la loi ; cependant les prix pourraient être tels qu’il y aurait dépréciation considérable dans les grains indigènes, si les grains étrangers pouvaient encore venir leur faire concurrence. L’année 1840 s’est présentée à peu près comme l’année actuelle, quant aux prix des céréales.

Le prix moyen du premier trimestre avait été de 22 fr. 48 c., celui du deuxième trimestre 23 fr. 39 c. et celui du troisième trimestre 23 fr. 50 c. Ce sont les prix que nous avons eus dans le courant de cette année à très peu de chose près. Le quatrième trimestre, qui avait, commencé avec une moyenne de 22 fr. 61 c., finissait à sa dernière semaine à 18-98 et les deux trimestres suivants de 1841 donnaient la moyenne de 18-63 et 17-94.

Je souhaite que les choses se représentent en 1847 comme en 1840 et 1841. Vous avouerez que si nous avions le bonheur de voir les prix des grains, après la récolte de 1847, descendre à ceux que je viens d’indiquer, il serait inutile de recourir à l’étranger. Les prix de 18-65 et 17-94, qui peuvent se reproduire, sont des prix auxquels tout le monde convient que l’agriculture a droit à une certaine protection. Il y a dissidence quant à la protection à donner aux céréales, mais elle n’existe qu’entre le système de l’échelle mobile et celui du droit fixe ; personne n’a demandé que, quelles que soient les circonstances et les prix, le grain étranger pût entrer sans droit.

Je crois que nous aurons satisfait à ce qu’exigent les circonstances où nous nous trouvons, en accordant la libre entrée des céréales jusqu’au 1er octobre, en laissant au gouvernement, qui aura pu apprécier la récolte de 1847, la faculté de proroger la loi jusqu’au 1er décembre. Nous pourrons alors voter de nouveau la loi que nous votons aujourd’hui, si des circonstances aussi fâcheuses se reproduisent.

On a dit que certain commerçant n’avait pas osé se livrer à la spéculation, de crainte de ne pas voir proroger la loi permettant la libre entrée des céréales. Je ferai observer que quant à présent cette loi était inutile, car le froment dans la cote portée au Moniteur de mercredi était à 25-31. Or, il est libre de tout droit à l’entrée aussi longtemps qu’il se maintient à 20 fr. ; il y avait 5-31 de marge, ce n’est pas en six mois que cette marge aurait disparu.

Je maintiens avec mon collègue ce que nous avons demandé au sein la commission.

M. Delfosse. - J’appuie de toutes mes forces l’amendement de l’honorable M. Delehaye.

Les raisons qui ont été développées en faveur de cet amendement sont dignes de l’attention de la chambre. Il est en outre un motif qui n’a pas encore été indiqué et que je trouve extrêmement grave.

Si la loi sur l’entrée des céréales n’est pas prorogée jusqu’à l’époque où nous serons réunis, la remise en vigueur de la loi de 1834 dépendra uniquement de la volonté ministérielle.

Je voudrais que cette loi ne pût revivre sans le concours des trois branches du pouvoir législatif. La question des céréales est une question immense, une question qui pèse d’un grand poids sur les destinées du pays, nous ne devons pas en abandonner la solution au ministère, nous devons nous la réserver.

La loi de 1834 est condamnée, non seulement par ceux qui l’ont combattue, mais aussi par ceux qui en ont pris la défense, par ceux même qui l’ont provoquée.

Les principaux partisans de cette loi, l’honorable député de Waremme lui-même, n’étaient-ils pas au nombre des signataires de la fameuse proposition des 21 ?

Tous, nous sommes d’accord pour trouver cette loi défectueuse, tous nous voudrions la modifier, les uns dans le sens d’une protection plus efficace, les autres dans le but de soulager les classes pauvres ! Pourquoi permettre que le ministère puisse la faire revivre tout entière ?

Il est, messieurs, une chose qui m’afflige profondément ; quand il ne s’agit que de promesses et de paroles, on montre la plus grande sollicitude, la sympathie la plus vive pour les classes pauvres ; mais quand il s’agit de poser des actes, cette sollicitude s’évanouit tout à coup pour faire place à l’indifférence.

Quelle est en ce moment la préoccupation dii ministère, pourquoi veut-il que la prorogation s’arrête au 1er octobre de l’année prochaine ? Il craint que l’abondance qui pourrait résulter d’une bonne récolte n’attire à cette époque dans le pays trop de grains étrangers et n’amène une baisse dans le prix des denrées alimentaires.

Plût au ciel, messieurs, que cette crainte se réalisât !... Oh ! alors, nous devrions nous compter heureux, nous devrions remercier la Providence du soulagement apporté au sort de nos concitoyens, nous devrions leur permettre d’oublier, an sein d’une abondance dont il faudrait bien se garder de tarir la source, de trop longues et de trop cruelles privations !

Malheureusement ce n’est pas sur l’abondance qu’il faut compter, la récolte de l’année prochaine serait bonne, elle répondrait à nos espérances, que le prix des denrées alimentaires n’en resterait pas moins très élevé ; ne perdez pas de vue, messieurs, qu’après deux années de disette tous les greniers sont vides, tous les approvisionnements épuisés et que la spéculation n’a pas alors de grands efforts à faire pour maintenir les prix à un taux que les classes ouvrières peuvent difficilement atteindre.

Vous le voyez, les préoccupations du ministère sont chimériques, mais alors même qu’elles seraient fondées, vous ne devriez pas y avoir égard ; n’envions pas aux classes ouvrières quelques moments de bien-être que la Providence pourrait leur envoyer !

Je n’appuie pas seulement l’amendement de l’honorable M. Delehaye ; j’appuie aussi la libre entrée du bétail, proposée par l’honorable M. Osy.

La viande est à un prix tellement élevé que bien des familles, non seulement de la classe ouvrière, mais aussi de la classe moyenne, se trouvent dans l’impossibilité de s’en procurer ; ces familles ne consommant plus de viande ou en consommant beaucoup moins, se rejettent naturellement sur d’autres denrées alimentaires qui deviennent ainsi de plus en plus rares ; si le ministère avait une vraie sollicitude pour les classes pauvres, s’il voulait sérieusement soulager leur misère, il ne s’opposerait pas à la libre entrée du bétail !

La réduction des droits opérée par suite du traité avec la Hollande, n’a pas produit d’effet sensible, l’honorable M. Rodenbach vous l’a dit ; mais comment se fait-il que l’honorable membre qui paraît désirer que la viande soit moins chère, qui combat même avec force quelques mesures auxquelles il attribue en partie la cherté, se montre opposé la suppression des droits d’entrée. Il y a dans les observations de l’honorable membre des points qu’il m’est impossible de concilier.

On nous oppose les intérêts agricoles, on ne veut pas, dit-on, les sacrifier ; personne dans cette enceinte ne veut les sacrifier, chacun de nous en comprend l’importance, mais les intérêts agricoles sont ici divisés. Si quelques agriculteurs qui élèvent le bétail désirent le maintien des droits, il en est d’autres, et en grand nombre, qui ont besoin du bétail étranger et qui ne demanderaient pas mieux que de pouvoir se le procurer à mains de frais.

D’ailleurs, je soupçonne fort le ministère de songer beaucoup plus aux intérêts de la grande propriété qu’à ceux de l’agriculture. La plupart des mesures que l’on prend, sous prétexte de favoriser l’agriculture, ne servent en définitive qu’à accroître l’opulence de quelques hommes qui regorgent de richesses alors que tant de nos concitoyens sont dans la misère.

Je n’ignore pas la puissance des intérêts que l’on veut protéger, je comprendrais même, dans des temps ordinaires, l’insistance que l’on met à les défendre ; mais dans la crise ou nous sommes, alors que tant de maux nous affligent, alors que des maux plus grands encore nous menacent il y a de l’imprudence, il y a de l’inhumanité à repousser, au nom de ces intérêts, les mesures propres à soulager la détresse publique ; je vous en conjure, messieurs, placez-vous à la hauteur de la situation, sachez vous soustraire aux exigences de ceux qui vivent dans le luxe et ne pensez qu’aux malheureux qui meurent de faim !

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, si nous avions moins de sollicitude pour les grands intérêts du pays, nous conseillerions la libre exportation des grains, et alors nous pourrions faire la part des grandes spéculations. Mais ce qu’il y a de certain aussi, c’est que nous amènerions un renchérissement considérable des pommes de terre qui forment la denrée alimentaire du pauvre. Le fait est évident. Dans presque tous les pays la pomme de terre a manqué ; heureusement il n’en est pas de même en Belgique.

L’honorable préopinant veut abolir le système de la loi de 1834.

M. Delfosse. - Je n’ai pas dit cela.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Vous ne voulez pas que la loi puisse reprendre ses effets ; vous voulez qu’elle soit révisée avant de reprendre ses effets ou vous voulez l’abolir. Eh bien ! ce n’est pas d’une manière incidente qu’une loi semblable, établie à la suite d’une longue discussion dans les deux chambres, peut être abolie. Que ceux qui l’attaquent, l’attaquent franchement, qu’ils demandent son abolition par une proposition spéciale, ou des modifications à cette loi.

La loi dont il s’agit, messieurs, n’est qu’une loi de circonstance ; c’est une loi alimentaire, à raison de la mauvaise récolte du seigle.

On va jusqu’à dire, messieurs, que l’on redoute en quelque sorte le bienfait que la Providence pourrait réserver d’une bonne récolte prochaine. Oh ! messieurs, je ne pense pas qu’il existe dans cette chambre un seul membre qui puisse être animé d’un sentiment aussi vil. Non, messieurs, chacun de nous, au contraire, bénirait la Providence, si elle daignait nous accorder l’année prochaine une récolte abondante en toutes espèces de produits de la terre.

Mais ce que nous ne voulons pas, messieurs, c’est exposer le pays, en (page 16) présence de ce bienfait de la Providence, en présence d’une récolte abondante, à l’invasion des produits étrangers ; nous avons pour cela deux motifs capitaux. Déjà depuis le 1er janvier 1845 jusqu’au 1er octobre 1846, il a été exporté, pour l’acquisition de céréales, une somme de 105 millions de numéraire ; il serait temps, messieurs, que cette exportation de numéraire pût venir à cesser par le fait d’une bonne récolte. Et puis, ainsi que nous l’avons dit, les cultivateurs ont eu à souffrir de deux mauvaises années. Faudrait-il, par exemple, qu’une récolte abondante de l’année prochaine ne pût leur profiter en aucune manière ; qu’à côté de ce bienfait qu’ils auraient obtenu, vint se placer une loi désastreuse, qui ferait avilir les prix d’une manière exorbitante ? Non, messieurs, votre justice ne le permettra pas.

Nous pensons donc qu’il est convenablement satisfait aux besoins du moment, que le commerce a toute sécurité par la disposition qui accorde la libre entrée jusqu’au 1er octobre, et qu’il suffit qu’à partir du 1er octobre le gouvernement puisse proroger la loi jusqu’au moment où vous serez vous-mêmes assemblés pour en décider.

Messieurs, un mot encore sur le bétail.

On regarde comme insignifiant le traité fait avec la Hollande. Mais ce traité a non seulement abaissé les droits sur le bétail gras d’un quart, il a aussi abaissé de moitié le droit sur le bétail jeune, et par là il est donné un nouvel avantage au consommateur. La chose est par trop claire pour avoir besoin de démonstration.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

La chambre passe à la délibération sur les articles.

Article premier

« Art. 1er. Continueront d’être libres à l’entrée jusqu’au 1er octobre 1847:

« Le froment,

« Le seigle,

« L’orge,

« Le sarrasin,

« Le maïs,

« Les fèves et vesces,

« Les pois,

« L’avoine,

« Les fécules de pommes de terre et d’autres substances amylacées,

« Les pommes de terre,

« Le riz.

« Le gouvernement pourra, en outre, accorder, pour le même terme, la remise totale ou partielle des droits d’entrée sur les farines et gruaux, sur le bétail, et sur toute denrée alimentaire non désignée au présent article.

« Il sera perçu sur ces objets un droit de balance de dix centimes par mille kilogrammes. »

- L’amendement de M. Delehaye tendant à substituer l’époque du 1er décembre 1847 à celle du 1er octobre 1847, est mis aux voix par appel nominal.

66 membres répondent à l’appel nominal.

26 votent l’adoption.

40 votent le rejet.

En conséquence l’amendement n’est pas adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Osy, Pirson, Rogier, Sigart, Thienpont, Verhaegen, Veydt, Anspach, Cans, David, de Baillet, de Breyne, de Brouckere, Delehaye, Delfosse, de Tornaco, de Villegas, Dumont, Fleussu, Goblet, Jonet, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Orts.

Ont voté le rejet : MM. Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Brabant, Clep, Coppieters, d’Anethan, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Dubus aîné, Dumortier, de Lannoy, Eloy de Burdinne, Fallon, Henot, Huveners, Lejeune, Malou, Mercier, Orban.

M. le président. - Vient l’amendement relatif au bétail.

Plusieurs membres. - L’appel nominal !

Il est procédé au vote par appel nominal.

66 membres sont présents.

30 adoptent.

36 rejettent.

En conséquence, l’amendement n’est pas adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Sigart, Thienpont, Troye, Verhaegen, Veydt, Anspach, Cans, David, de Baillet, de Brouckere, Dedecker, de Foere, Delehaye, Delfosse, de Naeyer, de Saegher, de Villegas, Dumont, Fleussu, Goblet, Jonet, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Orts.

Ont voté le rejet : MM. Rodenbach, Scheyven, Simons, Van Cutsem, Van den Eynde, Verwilghen Wallaert, Zoude, Brabant, Clep, Coppieters, d’Anethan, de Breyne, Dechamps, de Corswarem, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Dubus aîné, Dumortier, de Lannoy, Eloy de Burdinne, Fallon, Henot, Huveners, Lejeune, Malou, Mercier, Orban.

L’article premier est ensuite adopté tel qu’il a été proposé par le gouvernement.

Articles 2 à 4

Les articles 2 à 4 sont adoptés sans discussion. Ils sont ainsi conçus :

« Art. 2. Sont prohibés à la sortie jusqu’au 1er octobre 1847:

« Le froment,

« Le seigle,

« L’orge,

« Le sarrasin,

« L’avoine,

« Les fèves et vesces,

« Les pois,

« Les fécules de pommes de terre,

« Les pommes de terre.

« Le gouvernement pourra, en outre, interdire la sortie des farines, sons et mouture de toute espèce, du pain et du biscuit et des gruaux. »


« Art. 3. Le gouvernement peut, si les circonstances le permettent, faire cesser, en tout ou en partie, avant le 1er octobre 1847, les effets de la présente loi, en ce qui concerne l’exportation ; il peut également la proroger, en tout ou en partie, jusqu’au 1er décembre 1847. »


« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité des 64 membres présents.

Ce sont : MM. Osy. Pirmez, Pirson, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verhaegen, Verwilghen, Veydt, Wallaert, Zoude, Anspach, Brabant, Cans, Clep, Coppieters, d’Anethan, David, de Baillet, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Foere, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, Dubus aîné, Dumont, Dumortier, de Lannoy, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Orban et Orts.