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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 7 mai 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1756) M. Huveners procède à l'appel nominal à 11 heures et quart.

Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

La parole est continuée à M. le secrétaire, pour communiquera la chambre l'analyse des pièces qui lui sont adressées.

Le sénat informe la chambre qu'il a adopté un projet de loi qui ouvre au département des finances un crédit supplémentaire, destiné à l'acquisition d'immeubles à Bruxelles.

- Pris pour information.


M. le ministre de l’intérieur adresse à la chambre 110 exemplaires du recueil contenant les dispositions relatives à l'exposition industrielle de 1847.

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

Rapports sur des pétitions

M. Zoude, rapporteur. - J'ai l'honneur de présenter les prompts rapports que la chambre a demandés à la commission des pétitions :

« Plusieurs électeurs de l'arrondissement de Soignies demandent que les élections à la représentation nationale aient lieu dans des locaux indépendants de l'influence du clergé. »

Votre commission des pétitions, saisie seulement depuis le 30 avril de la plainte qui vous a été adressée par un certain nombre d'électeurs de Soignies, a été accusée de lenteur dans la présentation de son rapport, comme si, dans une question aussi grave, il n'avait pas été de son devoir le plus rigoureux de s'entourer de renseignements ; ce qui a exigé un temps moral. Et le reproche de légèreté n'aurait-il pas dû lui être adressé avec plus de raison, si elle était venue avec précipitation vous présenter des considérations plus ou moins hasardées ? Quoiqu'il en soit, votre commission, quoique chacun de ses membres ait d'autres devoirs à remplir envers la chambre, s'est empressée de prendre des renseignements pour s'assurer, d'abord, si le local dont on vient de se plaindre avait toujours été celui que l'autorité avait désigné depuis notre régénération politique.

Elle a dû s'informer aussi si ce local avait prêté à des abus, et si, en effet, l'indépendance de l'électeur y avait été compromise.

Elle a dû s'enquérir, enfin, s'il existait un autre édifice qui eût pu présenter plus de garanties aux électeurs.

Il résulte des réponses que votre commission a reçues, que le collège a toujours été désigné, depuis 1830, pour les opérations électorales ;

Qu'aucun abus n'y a été remarqué, au moins qu'il n'en a été signalé aucun ;

Qu'il ne se trouve à Soignies aucun autre édifice convenable pour une réunion électorale ; que la maison de ville, seul édifice public qu'il y ait, est non seulement trop petite, mais qu'elle est dans un état de caducité telle, qu'il y aurait le plus grand danger à y réunir un certain nombre de personnes ; qu'il ne resterait donc d'autres ressources que de convoquer les électeurs dans les cabarets.

La chambre appréciera si dans de pareils établissements, ouverts à tout venant, l'indépendance des électeurs est moins soumise à l'influence étrangère que là où les présidents peuvent prendre les mesures nécessaires pour assurer l'ordre et la tranquillité, non seulement aux abords des sections, mais encore de l'édifice où se fait l'élection.

Toutefois, comme il s'agit de l'exercice le plus précieux du droit constitutionnel, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur, pour qu'il prévienne tous les dangers qui pourraient résulter du mauvais choix d'un local assigné aux assemblées électorales, et qu'il prenne des mesures telles que les électeurs, à l'abri de toute influence étrangère, puissent émettre leur vote avec la liberté la plus entière.

M. Verhaegen. - Je me félicite qu'hier la séance ait été continuée à aujourd'hui, puisque cela nous a procuré l'avantage d'entendre le rapport de M. Zoude.

L'honorable rapporteur vous a dit que la question était grave et méritait toute l'attention de la chambre. Il a eu parfaitement raison : cette pétition indique un abus qui a eu lieu jusqu'à présent ; et si mes renseignements sont exacts, il y a avait moyen de le faire cesser.

Je vous demande la permission de vous lire la pétition. Elle n'est pas longue.

« A la chambre des représentants.

« Messieurs,

« En proclamant, article 25 de la Constitution, que tous les pouvoirs émanent de la nation, le congrès national a décrété comme sanction de. ce principe souverain, les articles 32, 47 et 53 du pacte fondamental ; mais cet axiome constitutionnel ne peut être une vérité qu'en assurant à l'électeur l'indépendance de son vote, qu'en lui conservant la pleine liberté de conscience.

« C'est dans cette indépendance de l'électeur, et en elle seule, que la nation peut trouver la garantie de la sincérité des élections, base essentielle du gouvernement représentatif.

« Aussi, le congrès a-t-il montré une grande sollicitude pour cette indépendance de l'électeur en proscrivant la présence de toute force armée dans la salle des séances et aux abords du lieu où se tient l'assemblée électorale, sans la réquisition du président, et en défendant aux électeurs de s'y présenter en armes (article 22 de la loi électorale du 3 mars 1831) ; comme en déclarant nuls les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître (article 31 de la même loi). Cette sollicitude a été partagée par la législature de 1843 (loi du 1er avril), quand elle a introduit parmi les modifications à la loi de 1831 la disposition qui punit d'une amende de 50 à 500 fr, quiconque, n'étant ni électeur, ni membre d'un bureau, entrera pendant les opérations électorales dans le local de l'une des sections.

« Déjà le Code pénal avait dès longtemps prévu, par ses articles 109 à 113, les cas d'attroupements, voies de fait, menaces, falsification ou soustraction de bulletins, achat ou vente de suffrages.

« Ainsi le pouvoir électoral est protégé contre la violence, la fraude, la corruption ; il ne l'est pas contre l'erreur, cet autre moyen, si facile, de fausser les élections, et d'autant plus dangereux s'il agit sur la foi religieuse.

« Cependant, messieurs, malgré seize années accomplies sous le régime de nos institutions représentatives, combien n'est-il pas d'électeurs dont l'éducation constitutionnelle est encore à faire ? Combien n'en est-il pas d'exposés à cette erreur, surtout lorsqu'elle se produit sous les auspices de l'autorité, qu'elle se commet officiellement ?

« En effet, quand un parti politique emprunte le manteau de la religion, si l'autorité choisit pour terrain de la lutte électorale un local dépendant de l'influence ecclésiastique, où tous les membres du sacerdoce, s'introduisant en maîtres des lieux et comme guides de leurs pénitents, pénètrent impunément jusqu'au seuil des sections, malgré l'esprit de la loi, comment empêcher certains électeurs de croire qu'ils n'y viennent point remplir un devoir religieux ?

« Et pourtant, là où la religion n'est point en cause, n'est-il pas déplorable de voir exposer les électeurs à être troublés dans leur conscience, en excitant des inquiétudes religieuses dans leur esprit, par ceux qui ne craignent pas de franchir la barrière qui sépare la religion de la politique ?

« Vous avez, messieurs, un exemple de cet appel, fait par l'autorité sur le terrain d'un parti, dans le collège électoral de Soignies, où le gouvernement convoque les électeurs dans un établissement épiscopal !

« Ce mode d'exécution de la loi porte atteinte à l'indépendance électorale ; c'est un abus qu'il importe de faire cesser : il importe à la patrie, il importe à la religion.

« Les électeurs du district de Soignies, soussignés, ont l'honneur de vous prier, messieurs, de prendre telle mesure que votre sagesse vous (page 1757) suggérera pour que les élections à la représentation nationale aient lieu désormais dans un ou plusieurs locaux où le droit électoral puisse s'exercer en pleine liberté de conscience.

« Ils s'estiment heureux de vous fournir, messieurs, cette occasion de rendre service à la religion elle-même, en la préservant de la profanation qu'elle subit toutes les fois qu'elle est imprudemment mêlée aux agitations de la politique. »

Cette pétition est signée par 250 électeurs.

J'appuie le renvoi à M. le ministre de l'intérieur avec prière de prendre cette affaire en sérieuse considération.

- Ce renvoi est ordonné.


M. Zoude, rapporteur. - « Le conseil communal d'Assche demande qu'il soit fait des modifications au tracé du chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par Alost, proposé par M. l'ingénieur Desart.»

Votre commission considère cette pétition comme pouvant entraver la construction du chemin de fer de Bruxelles à Gand, qu'il paraît être dans l'intention de la chambre de voter à la session prochaine, et c'est pour que toute difficulté disparaisse lorsque le projet sera en discussion que votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Le conseil communal de Marche demande le redressement de la grande route de Luxembourg, depuis la montagne de Hoyne jusqu'à l'Etoile, avec un embranchement partant du bois de Haversin, pour relier la route à celle de Ciney à Rochefort.

« Même demande des membres du conseil communal de Serinchamps, qui proposent soit un tracé direct de Hoyne à Ciney, soit la jonction de la roule de Marche à celle de Rochefort. »

Lorsque beaucoup de communes entièrement dépouillées de routes en sollicitent l'établissement au nom de l'agriculture, du commerce et du plus pressant besoin de leurs habitants ; que, pour décider le gouvernement en leur faveur, elles font offre de subsides même élevés et s'engagent à des sacrifices de tous genres, votre commission a pensé qu'il était de la justice distributive d'accorder d'abord à ces localités qui ne possèdent encore rien, et d'ajourner à des temps plus prospères les rectifications et redressements que sollicitaient les pétitionnaires.

Votre commission soumet ces observations à l'appréciation de M. le ministre des travaux publics, auquel elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Vote sur l'ensemble

M. le président. - L'ordre du jour appelle le vote sur le crédit supplémentaire au département des travaux publics, pour dépenses arriérées.

Les articles du projet ont été votés hier ; il reste à voter, par appel nominal, sur l'ensemble du projet.

- Il est procédé à cette opération. En voici le résultat :

58 membres répondent à l'appel.

49 membres répondent oui ;

9 membres répondent non.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu non : MM. Lys, Maertens, Orts, Verhaegen, Castiau, de Baillet, de Bonne, Delfosse et de Renesse.

Ont répondu oui : MM. Huveners, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Malou, Mercier, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Veydt, Wallaert, Zoude, Biebuyck, Brabant, d'Anethan, David. Dechamps, de Corswarem, de Haerne, de Lannoy, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Eloy de Burdinne, Fleussu, Henot et Liedts.

Projet de loi autorisant l'aliénation des biens domaniaux

Vote des articles et sur l'ensemble du porjet

M. Kervyn, au nom de la commission qui a examiné le projet de loi, présente le rapport concluant à l'adoption.

- Personne ne demandant la parole, dans la discussion générale, on passe au vote sur les articles.

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à aliéner, par voie d'adjudication publique, les biens domaniaux suivants :

« 1° La forêt d'Houthulst, située sous les communes de Staden, Zaren, Clerken et Langemark (Flandre occidentale), contenant 824 hectares 28 ares 89 centiares d'une valeur approximative de 824,000 fr.

« 2° Et le bois dit Tandon, sons Vonèche, province de Namur, contenant 150 hectares, d'une valeur approximative de 180,000 fr.

« Total : 1,004,000 fr.


« Art, 2. Le produit de la vente de ces biens sera affecté à l'amortissement de la dette publique. »


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 55 membres présents.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Il n'y a plus à l'ordre du jour que les projets de loi sur la société d'exportation et sur le notariat. Je propose à l'assemblée de s'ajourner indéfiniment.

M. Rogier. - Messieurs, je demanderai si le ministère ne voit aucun inconvénient à l'ajournement de la chambre. Si le ministère n'y voit aucune espèce d'inconvénient, comme nous laissons des affaires assez importantes en arrière, et comme nous avons devant nous aussi d'autres affaires importantes, je demanderai au gouvernement s'il se propose de convoquer les chambres avant le mois de novembre prochain.

Nous venons à peine de voter le budget des travaux publics ; si nous ne sommes convoqués que pour le mois de novembre, nous ne pourrons aborder ni surtout terminer l'examen des budgets avant le 1er janvier. Nous resterons dans le provisoire dont la chambre doit avoir à cœur de sortir.

J'espère que le cabinet ne verra pas d'inconvénient à répondre à cette question.

Je ne demanderai pas au gouvernement s'il se propose de faire un appel général aux électeurs. Je présume qu'il ne fera pas cet appel. Il est à croire que la réponse qui lui serait faite par le pays ne le satisferait pas.

Mais je lui demanderai s'il se propose de convoquer les chambres avant le mois de novembre, afin d'entamer d'abord les affaires arriérées, puis l'examen du budget des dépenses et l'examen du budget des voies et moyens, auquel les circonstances actuelles donnent une importance toute spéciale.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il n'y a rien de résolu, relativement aux questions que l'honorable membre nous a adressées. Mais nous ne sommes pas éloignés, soit de convoquer les chambres en session extraordinaire, pour discuter les projets les plus urgents, soit d'avancer l'époque ordinaire de leur réunion.

Quant à la seconde question qu'il nous a adressée, il a senti lui-même qu'il n'était pas dans les convenances parlementaires de répondre sur cet objet.

Tout ce que nous pouvons dire, c'est qu'il n'y a pas de résolution prise à cet égard.

S'il y en avait une, nous n'hésiterions pas à la communiquer à la chambre.

M. Delfosse. - Mes honorables amis et moi nous sommes tout disposés à restera notre poste. Le ministère ne pense-t-il pas qu'il conviendrait de discuter encore quelque projet de loi ? Renonce-t-il à la discussion du projet de loi sur la société d'exportation ?

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Certes, messieurs, nous eussions vivement désiré que le projet de loi dont l'honorable membre vient de faire mention, pût être discuté ; mais il n'y a point de doute que, vu l'importance de cet objet, et la diversité des opinions qui ont été manifestées, cette discussion ne prît plusieurs semaines dans cette enceinte ; d'autre part, le sénat doit également avoir un temps convenable pour examiner le projet et pour le discuter. Dès lors, il y a réellement impossibilité matérielle de voter ce projet maintenant. Il ne serait d'aucune utilité d'entamer la discussion si elle ne pouvait pas être conduite à bonne fin.

Or, messieurs, chacun de vous peut apprécier s'il y a possibilité, s'il y a même chance de terminer cette affaire dans la session actuelle. Quant à nous, nous ne le croyons pas. Si nous avions pensé que le projet pût être voté au bout de peu de jours, nous aurions insisté pour la discussion immédiate ; mais nous croyons, je le répète, que cette discussion prendrait plusieurs semaines à la chambre.

M. Verhaegen. - J'adhère à l'observation de mon honorable ami M. Delfosse. Je ne vois pas qu'il y ait des motifs pour ajourner la chambre : nous sommes ici pour faire les affaires du pays avant de faire les nôtres, et nous déclarons que nous sommes prêts à continuer de siéger pendant plusieurs jours encore. Si le gouvernement aime mieux se débarrasser des chambres à l'approche des élections, et pour cause, à lui la responsabilité !

- La chambre décide qu'elle s'ajourne indéfiniment.

La séance est levée à midi et 1/2.