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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 10 décembre 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 241) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures.

La séance est ouverte.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Dubus fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.

« Plusieurs habitants de la commune de Hives prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession et toute augmentation d'impôts ou de dépenses qui lui serait proposée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.


« Plusieurs fabricants de tabac de la ville de St-Nicolas demandent que les droits d'entrée sur les tabacs soient portés à 20 fr. les 100 kil. »

M. de T'Serclaes. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale du budget des voies et moyens ; nous sommes à la veille de discuter ce budget, et la pétition qui vous est adressée renferme des renseignements utiles sur une matière dont la chambre aura à s'occuper en discutant le budget des voies et moyens.

M. Lejeune. - Je ferai observer que la section centrale n'a fait aucune proposition. Ses travaux sont terminés, elle a émis un avis, donné un conseil, il est inutile de lui faire faire un nouveau travail sur cette pétition, on pourrait se borner à proposer le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs propriétaires d'abeilles en ruches à Sinay et à Belcele demandent une augmentation de droits d'entrée sur le miel et sur la cire, et la suppression des droits de douane sur les abeilles transportées en ruche en Hollande pour les laisser butiner sur les fleurs. »

M. de T'Serclaes. - Dans la séance du 4, la chambre a reçu de deux communes des requêtes semblables à celle dont on vient de faire l'analyse ; je demande que cette requête soit comme les précédentes renvoyée à la commission permanente d'industrie avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal d'Ellezelles demande que le chef-lieu du canton soit maintenu à Ellezelles. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Plusieurs habitants de la commune de Cortil-Noirmont prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


M. Britz fait hommage à la chambre de son ouvrage sur la loi organique de la cour des comptes.

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1848

Rapport de la section centrale

M. Manilius. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget de la guerre pour l'exercice 1848.

- Ce rapport sera imprimé et distribué, et mis à l'ordre du jour à la suite des objets qui y sont déjà.

M. Manilius. - Messieurs, la chambre a renvoyé à la section centrale deux pétitions, l'une du major de cavalerie pensionné Van Uje, l'autre de l'ancien capitaine Beys. L'un et l'autre réclament une pension. La section centrale propose le dépôt de ces pétitions et des pièces qui y sont jointes, ainsi que de la réponse de M. le ministre de la guerre, sur le bureau pendant la discussion du budget.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de budget de la chambre des représentants de l'exercice 1848

Rapport de la commission

M. de Man d'Attenrode. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de comptabilité de la chambre qui a examiné son budget.

- Ce rapport sera imprimé et distribué, et la discussion est fixée à demain.

Projet de loi fixant le contingent de l'armée

Discussion générale

M. Osy. - Comme j'ai eu l'honneur de le dire dans la discussion du budget de la dette publique, je suis très décidé à faire tout ce qui dépendra de moi pour obtenir des économies sur le budget de la guerre. Je crois qu'il voudra mieux réserver la discussion du budget de la guerre de vous dire mon opinion sur les économies que l'on pourrait obtenir.

Je saisirai cette occasion pour prier M. le ministre de la guerre d'être bien persuadé que le désir d'obtenir des économies est mon seul but. Mon opposition n'a rien de personnel à l'honorable ministre de la guerre aujourd'hui en fonctions. Je connais trop l'honorable général comme bon administrateur pour lui faire de l'opposition.

C'est une affaire de conscience pour moi. L'intérêt du pays seul me guide dans les efforts que je fais pour obtenir des économies.

J'espère que M. le ministre de la guerre ne mettra pas en doute cette déclaration.

Dans ma section, la majorité voulait émettre le vœu que la loi d'organisation fut révisée, parce que c'est par là qu'il faudrait commencer pour obtenir des économies. J'en ai fait la proposition dans la section centrale. Mais elle a été rejetée par 4 voix contre 3.

Si M. le ministre de la guerre ne peut nous donner quelques renseignements propres à nous faire espérer qu'on révisera cette loi dans le courant de la session actuelle, je serai obligé de voter contre le contingent, que je trouve trop fort. La première chose à faire pour réaliser des économies, c'est de réduire le contingent.

Dans la discussion de la loi d'organisation de l'armée, j'ai émis l'opinion qu'il fallait réduire le contingent à 60,000 nommes. Il est maintenant fixé à 80,000 hommes ; car s'il est fixé maintenant à 70,000 hommes, ce n'est qu'exceptionnellement et pour une année. Il ne faut donc pas y faire attention.

Si M. le ministre de la guerre ne peut nous promettre la révision de la loi, je continuerai à voter contre un contingent que je trouve trop élevé de 20,000 hommes ; c'est la conséquence du vote négatif que j'ai émis depuis trois ans sur le budget de la guerre.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je ne puis certes pas prendre l'engagement de proposer la révision de la loi sur l'organisation de l'armée ; car cette loi est votée depuis deux ans seulement ; c'est à peine si elle a fonctionné. Toutes les parties de l'armée ne sont même pas encore en harmonie avec la loi ; il nous est donc impossible de juger ce |qu'il peut y avoir de défectueux dans cette loi. Il faut attendre qu'elle ait complètement fonctionné pour savoir s'il y a lieu de la réviser.

Quant à la force de l'armée, tous mes prédécesseurs ont fait voir qu'elle est réduite à sa plus simple expression. La réduire encore, ce serait l'énerver complètement. Certes, je ne puis prendre l'engagement de vous proposer la moindre réduction sur l'armée.

M. Delfosse. - Je crois, comme l'honorable M. Osy, qu'il est très désirable que les dépenses de l'armée soient considérablement réduites, et je suis convaincu que cette réduction est dans le vœu du pays.

Ce qui fait que le pays se préoccupe vivement de cette question, c'est que le gouvernement a cru devoir demander de nouveaux impôts. Sans cette circonstance, il est possible qu'on n'aurait pas pensé à revenir sur la loi d'organisation de l'armée, au moins d'ici à quelques années.

Il y aurait, messieurs, trois moyens de réduire les dépenses de l'armée.

Le premier moyen est celui qui a été indiqué par la minorité de la section centrale ; il consisterait à diminuer le contingent. Cette diminution entraînerait celle du nombre de nos officiers ; moins de soldats, moins d'officiers, cela est naturel.

(Erratum, page 260) Le second moyen avait été indiqué par l'honorable M. Brabant et consacré par le vote mémorable à la suite duquel le général de Liem s'est retiré du ministère de la guerre ; ce serait la réduction des cadres : moins d’officiers pour le même nombre de soldats.

Le troisième moyen consisterait à réduire, en prenant en considération l'état fâcheux de nos finances, les avantages dont certaines catégories d'officiers jouissent, et des dépenses d'une autre nature, par exemple, celles qui ont rapport au matériel, aux fournitures, etc.

Je ne veux pas aborder en ce moment le fond de la question, cela donnerait probablement lieu à une discussion très longue : je me réserve de développer mon opinion lors de la discussion du budget de la guerre.

M. Dedecker. - Messieurs, l'honorable M. Osy vient de vous dire qu'il votera contre la loi actuellement en discussion, parce que, d'après lui, le vote que nous sommes appelés à émettre aujourd'hui préjuge le vote que nous aurons à émettre sur le budget même de l'armée.

Je désirerais savoir, avant qu'il ne soit procédé à ce vote, si dans l'esprit du gouvernement et en particulier dans celui de M. le ministre de la guerre, la question du contingent préjuge la question du budget de la guerre.

M. de La Coste. - Messieurs, c'est précisément sur ce point que je voulais soumettre des observations à la chambre. Il a toujours été entendu que le chiffre du contingent ne préjugeait pas la question du budget.

Je pense donc que nous pourrions éviter pour le moment une discussion qui, selon moi, ne se présente pas sous l'aspect sous lequel elle devrait se présenter.

En effet, je pense que cette question doit être examinée dans son ensemble.

Après avoir longtemps discuté dans le double but, d'une part de réduire les dépenses de l'Etat, de l'autre d'assurer à l'armée une position stable, nous sommes arrivés à une loi organique qui a été votée par la majorité, après que plusieurs d'entre nous avaient cherché vainement à y introduire quelques modifications pour diminuer le chiffre de la dépense.

Je pense, messieurs, que pour changer cette situation, il faudrait de nouveau examiner la question sous toutes ses faces. Il faudrait que l'on fît de nouveau ce que d'honorables membres de cette chambre, notamment l'honorable M. Brabant, l'honorable M. de Garcia, je crois, enfin (page 242) ce que la section centrale avait fait précédemment, c'est-à-dire qu'on nous présentât des vues, un plan à comparer avec celui du gouvernement.

Alors, messieurs, nous trouvant en face, comme l'a dit l'honorable M. Delfosse, d'un accroissement de dépenses, d'une augmentation peut-être considérable d'impôts ; nous aurions de nouveau à examiner les choses dans l'intérêt général du pays. Mais, pour ma part, je ne saurais embrasser complètement cette importante et délicate question, à propos de ce simple chiffre de 70,000 hommes, et je suis disposé à le voter sans examen ultérieur, dans les mêmes termes où le contingent a été voté les autres années, c'est-à-dire sous toutes réserves et simplement comme un maximum.

M. Pirson, rapporteur. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour dire quelques mots sur le chiffre de 80,000 hommes adopté pour le contingent de l'armée, rappeler en quelles circonstances ce chiffre fut arrêté, et réclamer son maintien.

En 1843, le pouvoir exécutif cédant à un vœu exprimé à plusieurs reprises par la législature, et sur lequel un ministre de la guerre était tombé, en 1843 le pouvoir exécutif, dis-je, cédant au vœu manifesté d'organiser l'armée par une lot et de rendre son budget normal, présenta un projet de loi, réglant la composition des cadres des différentes armes. Ce projet fut débattu avec le plus grand soin par la section centrale qui avait été chargée de son examen, examen qui ne dura pas moins de 18 mois. La chambre, appelée ensuite à se prononcer sur le projet, le discuta pendant quatorze jours, et l'adopta à une très grande majorité. On ne dira certainement pas que ce projet a été examiné, débattu, discuté et adopté avec irréflexion. Plusieurs des questions qu'il soulevait et notamment la fixation du chiffre du contingent, qui était toute la base du projet, donnèrent lieu à une discussion publique très longue et très approfondie ; on peut s'en convaincre en recourant aux Annales parlementaires de cette époque, et ce chiffre fut alors fixé à 80,000 hommes. ;

Ceci se passait en 1845, il y a donc seulement deux ans. Cette année, en 1847, à la fin de notre dernière session, dans la discussion du projet de loi modifiant la législation sur la milice, ce chiffre de 80,000 hommes, après une nouvelle discussion très longue et très vive, j'en appelle à cet égard au témoignage de mon honorable collègue et ami, M. Delfosse, avec lequel malheureusement je ne puis tomber d'accord sur cette question, a été maintenu pour le contingent de l'armée. Eh bien, je ne crois pas que depuis deux ans, que depuis six mois, la situation de la Belgique, au point de vue de sa position extérieure ou intérieure, se soit modifiée.

Il y a deux ans, il y a moins que cela encore, il n'y a pas six mois, qu'après une discussion très approfondie, la chambre a reconnu que le contingent de l'armée, porté à 80,000 hommes, était proportionné à notre population, à nos ressources, et qu'il était nécessaire pour la défense de notre nationalité. Depuis lors, cette population, ces ressources, la position politique de la Belgique n'ont pas changé. On ne s'expliquerait pas, toutes ces circonstances étant restées les mêmes, que la chambre revînt sur une décision prise il y a si peu de temps, et débattue deux fois à fond, endéans deux années.

Je n'en dirai pas davantage pour le moment, la chambre me paraissant disposée, ce qui est beaucoup plus rationnel à renvoyer à la discussion du budget de la guerre tout ce qui se rattache aux dépenses de l'armée. Je termine en la priant de maintenir une décision qu'elle a prise si récemment encore, à une forte majorité et en toute connaissance de cause, et de conserver à l'armée son contingent de 80,000 hommes transitoirement réduit à 70,000 hommes, par suite des effets de la loi du 8 mai 1847 modifiant la législation sur la milice.

M. de Garcia. - Messieurs, en 1848, c'est-à-dire il y a à peine deux ans, la législature belge a voté une loi qui détermine l'organisation de l'armée. Cette loi est basée tout entière sur un contingent qui suppose dans l'armée un chiffre de 80,000 hommes.

Comme l'a fait observer M. le ministre de la guerre, à peine cette loi a-t-elle fonctionné, qu'on veut la rapporter ou la modifier radicalement. Malgré les opinions que j'ai manifestées à cette tribune, je ne puis partager cette manière de voir.

Lors de la discussion de cette mesure organique, je m'y suis montré hostile, et j'ai combattu de toutes mes forces le chiffre de notre armée sur le pied de paix.

Je pensais que 60,000 hommes suffisaient aux besoins du pays. Je pensais que le chiffre de 60,000 hommes était en rapport avec les sacrifices que peut faire le pays pour cet objet ; je pensais que dans son état de neutralité une armée semblable devait répondre à tous les besoins intérieurs et extérieurs. Est-ce à dire qu'il faille dès aujourd'hui bouleverser ce que la législature a réglé en 1845 ? Non sans doute, et je le déclare franchement, je considérerais comme une grande calamité qu'on remît en question, dans un intervalle de temps si court, une loi qui a tranché des questions importantes et difficiles et mis fin à des discussions ardues et sans bornes.

Une autre considération ne me touche pas moins vivement, c'est que si dans le moment actuel l'on remettait en question le chiffre et, je dirai plus, le sort des braves qui composent l'armée, on lui porterait un coup mortel.

On se le rappelle, pendant 15 ans, la composition de notre armée a occupé nos débats, et le sort des citoyens qui se vouent à cette noble profession a été tenu en suspens. Or, l'armée a dû croire que la loi était venue mettre fin à l'état d'instabilité qui pesait sur elle, et remettre aujourd'hui en question son sort, c'est incontestablement détruire chez elle toute confiance et tout dévouement.

Ainsi que l'a observé M. le ministre de la guerre à la section centrale de son budget, la loi organique de l'armée, promulguée depuis à peine deux ans, n'a pas encore fonctionné assez longtemps pour pouvoir réaliser toutes les économies qu'elle comporte. Je partage son opinion et je suis convaincu qu'un ministre armé d'intentions justes et fermes trouvera le moyen d'opérer des réductions notables dans les dépenses de ce département.

J'ai donc l'espoir que, dans un avenir prochain, le chef du département de la guerre pourra introduire des économies dans la branche importante du service public qu'il dirige, et ce sans démoraliser l'armée, sans détruire l'esprit de corps et de confiance qui fait sa véritable force. D'après ces considérations, bien qu'on réclame des économies de toute part et que j'en sois partisan autant que personne, je ne pense pas qu'il soit possible d'en réaliser en renversant la loi votée en 1845, loi, soit dit en passant, à laquelle je n'ai pas donné mon assentiment. Partant, je pense aussi que M. le ministre de la guerre a bien fait de refuser de prendre l'engagement de faire une réforme radicale dans la loi d'organisation de l'armée.

Je n'en dirai pas davantage en ce moment ; mais puisque mon nom avait été prononcé dans la discussion actuelle, j'ai cru ne pas pouvoir me dispenser de faire connaître mon opinion sur la question soulevée par plusieurs honorables membres de cette assemblée.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, on pourra, avec le temps, réaliser quelques économies dans le budget de la guerre, parce qu'il existe encore dans ce budget des dépenses extraordinaires, provenant précisément de ce que la loi sur l'organisation de l'armée n'a pu jusqu'ici être complètement appliquée. Il y a encore un certain nombre d'officiers au-dessus du complet des cadres organiques ; il y a certains travaux extraordinaires commencés qu'il faut achever. Tout cela disparaîtra graduellement. Mais dans le moment actuel, ces économies ne peuvent pas être faites ; nous sommes encore dans l'époque de transition du passage du pied de guerre au pied de paix.

Messieurs, le vote du contingent de l'armée n'implique nullement celui du budget de la guerre ; lors de la discussion de ce budget, vous pourrez examiner toutes les questions qui peuvent se rattacher à chacune des dépenses qu'il comporte ; je tâcherai de démontrer alors l'utilité, la nécessité de l'armée sur le pied actuel ; j'espère prouver alors à la chambre qu'il est absolument indispensable de conserver l'armée telle qu'elle est aujourd'hui, et qu'il y aurait danger pour le pays et pour. nos institutions à en affaiblir l'organisation.

M. de Mérode. - M. Delfosse vient de vous dire que si on n'était pas venu nous demander de nouveaux impôts, on se serait peut-être abstenu de demander la diminution de l'armée.

Mais il n'est pas certain qu'il faille de nouveaux impôts ; car, messieurs, il est tel impôt, de 4 à 5 millions au moins, que les contribuables payent entièrement aujourd'hui, sans que l'Etat en perçoive même le tiers.

Or, messieurs, si le singulier système qui a prévalu, par je ne sais quelles combinaisons subtiles et embrouillées, sur cette branche du revenu public, était enfin redressée, on éviterait probablement de nouveaux impôts, du moins de nouveaux impôts qui peuvent exciter une certaine crainte. Du reste, le moment n’est pas venu de discuter convenablement l'organisation de l'armée que M. le ministre de la guerre pourra bien mieux soutenir lors de la discussion sérieuse de son budget.

M. Cogels. - Messieurs, c'est dans la section dont je faisais partie, qu'on a d'abord émis le vœu de voir s'opérer une réduction dans le chiffre de notre force armée. Ce vœu, auquel je me suis associé, est partagée par une grande partie du pays ; il gagne tous les jours du terrain. Si, par conséquent, les explications que M. le ministre de la guerre vient de donner devaient nous faire croire que jamais, ou du moins d'ici à quelques années, aucune réduction ne pourrait être apportée dans le chiffre de l'armée, je me verrais également obligé de protester contre la loi actuellement en discussion.

Mais si je comprends bien cette loi, elle n'a dans le fait aucune portée, car elle se borne simplement, je dirai, à constater pour l'année actuelle l'état de choses tel qu'il existe. Il n'y aura pas même de tirage pour la milice ; si je comprends bien la loi, nous allons passer une année sans tirage.

Je voterai donc la loi puisqu'elle n'a aucune portée, mais je fais toutes mes réserves pour la question principale, quand nous en serons au budget de la guerre.

M. Delfosse. - J'ai voté contre la loi d'organisation de l'armée ; j'ai voté, depuis, contre le budget de la guerre ;ce n'est donc pas, comme l'honorable M. de Mérode l'a cru, la circonstance que l'on demande de nouveaux impôts qui a exercé de l'influence, sur mon opinion, mais j'ai, dit et je maintiens qu'elle en a exercé sur l'opinion du pays.

(Erratum, page 260) Du reste, je le répète, je ne veux pas aborder en ce moment le fond de la discussion ; l'observation qui vient d'être présentée par M. le ministre de la guerre que le vote du contingent ne préjugera rien pour la discussion et le vote de son budget m'engagera à donner mon assentiment au projet de loi.

(page 243) M. Manilius. - Plusieurs honorables membres viennent de déclarer que c'est lors de la discussion du budget de la guerre qu'il faudra voir à réaliser une opinion qui fait tous les jours de grands progrès dans le pays, celle qu'on doit réduire le budget de la guerre. Je leur dirai qu'ils ne jouiront pas faire prévaloir leurs prétentions ; quand nous discuterons le budget de la guerre, car ce budget est le résultat de l'organisation de l'armée, et l'organisation de l'armée est le résultat du contingent. Ainsi, il sera de toute impossibilité de saper dans le budget de la guerre, si vous laissez passer sans discussion la loi qui nous occupe.

Cependant, je dois dire qu'il est pénible de voir constamment remuer nos lois organiques de grande importance. Pour moi, je ne saurais appuyer la mutilation d'une loi qui a été le résultat de longues et laborieuses discussions. Si on procède de cette manière, il n'y a plus de stabilité pour personne, plus de stabilité pour l'armée, plus de stabilité pour le commerce, plus de stabilité pour l'industrie. Une loi qui existe à peine depuis deux ans, peut-on songer à la renverser ? Nous devons surtout pour l'armée, comme vient de le dire M. le ministre de la guerre, être sobre de ces sévères et trop grandes économies. Sans doute, il faut pousser le gouvernement dans cette voie, je le fais moi-même, mais quand c'est possible, sans désorganiser les services ; mais je ne puis m'associer à des propositions qui saperaient dans sa base une institution aussi importante que l'armée dont l'organisation est toute nouvelle. Cependant, je ne veux pas dès ce moment combattre les opinions de ces honorables membres ; elles ne sont pas assez nettement formulées ; mais je veux les prévenir que s'ils se proposent de faire valoir leurs prétentions lors de la discussion du budget de la guerre, il sera trop tard ; le fondement sera posé, il sera impossible de le renverser.

M. de Man d'Attenrode. - C'est une question d'une haute gravité que celle de l'existence de l'armée. Elle se rattache à celle de l'indépendance du pays ; c'est pour la Belgique la question d'être ou de ne pas être ; c'est encore une question d'ordre intérieur.

Il y a quelques années, l'existence de l'armée était remise en question tous les ans dans cette enceinte à propos du budget de la guerre ; ces discussions énervaient l'esprit de l'armée ; c'était porter atteinte à sa force que de remettre ainsi annuellement son existence en question. Nous avons voulu faire cesser cet état de choses pénible, dangereux, en constituant son organisation définitive. Cette organisation que nous avons votée après de longues discussions, qui avaient été précédées d'études approfondies au département de la guerre, faut-il y porter atteinte à propos d'une loi qui en est la conséquence, et cela lorsqu'elle a à peine deux ans d'existence ? Je ne le pense pas. Comme vient de le dire l'honorable rapporteur du budget de la guerre que nous allons discuter et dont j'ai été heureux d'entendre le langage, il est pas convenable de remettre sans cesse en discussion des lois constitutives de nos grands services. S'il pouvait en être ainsi, avec quelle confiance pourrions-nous nous livrer à la discussion des lois, si on les remet en question peu après qu'elles sont prises ? Il n'y a dès lors évidemment plus de stabilité pour aucun intérêt d'ordre public.

Ce n'est pas à dire qu'il ne puisse pas survenir de circonstance où l'occasion de diminuer les dépenses du budget de la guerre serait opportune.

Mais cette question est subordonnée à l'attitude que conserveront les pays qui nous environnent ; tant que les gouvernements de ces pays maintiendront leurs armées sur le pied où elles sont aujourd'hui, tout bon Belge, sincèrement attaché à l'indépendance de son pays, devra vouloir que notre armée soit maintenue sur un pied respectable et proportionné à celui de nos voisins. Or, désarme-t-on au-delà de nos frontières ? Je ne pense pas qu'il en soit question.

Le chiffre en est fixé à 80 mille hommes, cela est vrai, mais ce chiffre n'a de garantie que par des arsenaux bien approvisionnés et par des réserves exercées, en congé.

Nous n'avons jamais sous les armes pendant l'année que 27 à 30 mille hommes. Ce chiffre n'est certes pas exagéré pour suffire à la conservation de nos places et au maintien de l'ordre dans le pays ; je demande donc qu'on ne revienne pas incidemment sur une loi aussi importante, qui n'a été adoptée qu'après une discussion approfondie, et qui a à peine deux années d'existence.

M. Eenens. - Plusieurs membres de la chambre croient qu'il y a une relation intime entre la force du contingent et les dépenses à faire pour le budget de la guerre. Telle n'est pas mon opinion. La durée du temps pendant lequel le contingent reste sous les armes, voilà la cause de la dépense.

Ainsi, au lieu de conserver un contingent de 10 mille hommes sous les armes pendant quatre mois, n'en conservez que cinq mille et vous aurez moins de dépenses à faire.

Je crois, messieurs, qu'en conservant les contingents moins longtemps sous les armes, on pourrait arriver à faire des économies, car comme l'a dit l'honorable M. Delfosse, les charges qui pèsent sur le pays sont lourdes ; ce serait là un moyen d'opérer des économies sur le budget de la guerre, sans revenir sur l'organisation de l'armée.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Discussion des articles et vote sur l’ensemble du projet

« Art. 1er. Par mesure transitoire résultant de la loi du 8 mai 1847, le contingent de l'armée pour 1848 est fixé au maximum de soixante et dix mille hommes. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi est obligatoire le 1er janvier 1848. »

- Adopté.


Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.

En voici le résultat :

Nombre des votants, 79.

72 votent pour l'adoption.

7 votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. Clep, Cogels, d'Anethan, de Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de la Coste, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Roo, Desaive, de Sécus, Destriveaux, de Theux, de Tornaco, d'Hoffschmidt, d'Huart, Donny, Dubus (Albéric), Dumont, Eenens, Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mercier, Moreau, Orban, Pirmez, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Tielemans, T'Kint de Nayer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem, Van den Eynde, Vandensteen, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Biebuyck et Broquet.

Ont voté contre : MM. Castiau, David, de Clippele, de Meester, Eloy de Burdinne, Osy et Bricourt.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L'ordre du jour est épuisé. A quelle heure la chambre veut-elle fixer sa séance de demain ?

M. Delfosse. - La section centrale, chargée de l'examen du projet de loi de péréquation cadastrale, est convoquée pour demain à onze heures. cette loi est extrêmement urgente. Il est à désirer que la chambre puisse la voter avant la fin de l'année, afin que la section ait le temps de terminer son travail. Je propose de fixer la séance à une heure.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à trois heures et un quart.