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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 24 janvier 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 605) M. de Villegas procède à l'appel nominal à deux heures et quart.

M. Troye lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

. « Plusieurs habitants de Falaën demandent que chacun puisse, sans devoir être muni d'un port d'armes, détruire ou faire détruire, à l'aide d'une arme à feu, les lièvres, lapins et perdreaux qui viennent détruire ses propriétés. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La dame Mackers, veuve du sieur Crispin, garde forestier, demande une augmentation de pension ou un secours. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lerat, ancien employé de l'administration des accises, prie la chambre de lui faire obtenir les mêmes fonctions. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions, et dépôt sur le bureau pendant la discussion des budgets.


« Les membres des conseils communaux de Nassogne, Forrières, Grune, Bande, Masbourg, Awenne, prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif aux droits de succession. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.


M. Scheyven informe la chambre qu'il est retenu chez lui par une indisposition.

- Pris pour information.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Destriveaux. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau, au nom de la commission des naturalisations, divers rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.

- Ces rapports seront imprimés et distribués. Le jour de la discussion sera fixé ultérieurement.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1848

Vote sur l’ensemble du projet

61 membres prennent part au vote.

Le budget est adopté à l'unanimité de ces 61 membres. Il sera transmis au sénat.

Ont pris part au vote : MM. Anspach, Bricourt, Broquet-Goblet, Cans, d'Anethan, Dautrebande, David, de Bonne, de Breyne, Dechamps, de Chimay, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de la Coste, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Roo, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, A. Dubus, Eenens, Eloy de Burdinne, Fallon, Frère-Orban, Henot, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Moreau, Osy, Pirmez, Raikem, Sigart, Simons, Tielemans, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem, Vandensteen, Veydt, Vilain XIIII, et Liedts.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des affaires étrangères

Discussion de l’article unique

M. le président. - Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères s'il se rallie à la réduction de 27,591 fr. 50 c. proposée par la commission.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Non, M. le président.

M. le président. - En conséquence la discussion est ouverte sur le projet de loi de crédit supplémentaire de 160,072 fr. 17 c. présenté par le gouvernement. Le projet de loi se composant d'un seul article, la discussion sur l'ensemble se confond avec la discussion de l'article.

M. Dechamps. - Je demanderai si M. le ministre des affaires étrangères a l'intention de répondre aux observations consignées dans le rapport de la section centrale.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - J'attendrai la discussion.

M. Osy, rapporteur. - Je demande la parole.

M. Dechamps. - Comme dans le rapport de la commission il y a très peu de motifs énoncés pour justifier le refus de voter le crédit supplémentaire pour décorations, je désirerais que l'honorable M. Osy, qui vient de demander la parole, parlât le premier comme rapporteur. Comme j'ai ici à me défendre, je prendrai la parole à mon tour.

M. Osy, rapporteur. - En soutenant le rapport que j'ai eu l'honneur de faire, je ne pourrais que répéter ce qui est dans le rapport. Je demanderai la parole pour réfuter l'honorable M. Dechamps, s'il combat mon rapport. Je crois donc que c'est à l'honorable M. Dechamps à parler le premier. Je prendrai la parole après lui.

M. Dechamps. - Soit ! Je viens donc combattre la proposition que la commission fait à la chambre de refuser le crédit supplémentaire demandé relativement aux décorations de l'ordre de Léopold.

Je n'accepte en aucune manière, et je pense que mes honorables collègues des ministères précédents (et j'y comprends l'honorable ministre des affaires étrangères actuel) n'accepteront, pas plus que moi, le reproche entaché, selon moi, d'une extrême exagération, adressé aux divers ministères précédents sous l'administration desquels un déficit relatif aux décorations de l'ordre de Léopold a été créé.

J'ai peine à comprendre que ce soit à l'égard de ce crédit d'une importance aussi secondaire et d'un caractère aussi inoffensif, que la section centrale s'est armée bravement de la mesure extrême d'un rejet de crédit.

Je m'occuperai spécialement de celles de ces décorations qui ont été données à l'étranger, d'abord parce qu'elles concernent des faits que je connais mieux et qui se rattachent plus directement à ma responsabilité.

En deuxième lieu, ce sont précisément les décorations accordées à l'étranger, qui ont fait l'objet des critiques énoncées dans le rapport de la section centrale et dans les discussions antérieures, et à l'égard desquelles des préventions se sont répandues dans le pays.

Je soumettrai d'abord à la chambre une observation générale et qui sans doute la frappera tout autant que j'en ai été frappé moi-même.

Je comprends que des membres d'une opposition parlementaire soient en défiance et pleins de susceptibilité à l'égard des décorations accordées à des Belges à l'intérieur ; toute opposition parlementaire a l'habitude, je ne dis pas avec raison, mais a l'habitude de considérer les décorations données à l'intérieur comme des moyens d'influence politique employés par le ministère dans l'intérêt de son maintien au pouvoir. Comme toute opposition veut le renversement du ministère qu'elle combat, je comprends, à certain degré, sa défiance et sa préoccupation relativement à l'usage qui peut être fait d'une faculté qu'elle considère comme un moyen d'influence politique.

Mais je ne puis comprendre comment et par quels motifs cette défiance inquiète existerait à l'égard des décorations accordées à l'étranger. Ces décorations sont-elles, peuvent-elles être jamais un moyen d'influence politique, d'influence électorale, d'influence quelconque, dans les mains d'un ministre, dans un intérêt ministériel ou dans un intérêt de parti? Evidemment non ; ces décorations accordées à l'étranger n'ont aucune signification politique. Alors de quoi se préoccupe-t-on, et quel intérêt peut vous émouvoir ? Ce n'est pas un intérêt financier, ce n'est pas un crédit supplémentaire de 18 mille francs à répartir sur quatre exercices qui peut soulever une question de nature à occuper sérieusement la chambre.

C'est donc en vue d'une idée politique que la chambre se déciderait au vote déraisonnable qu'on lui propose d'émettre. Eh bien ! il n'y a pas ici de question politique.

Que sont en définitive les décorations accordées à l'étranger ? Dans quel but les accorde-t-on ? Les décorations sont données à l'étranger à des souverains, à des ministres, à des hommes influents dans la politique, dans l'administration, dans les lettres, les sciences et les arts. Dans quel but les accorde-t-on ? Dans le but de créer au dehors des sympathies personnelles, de conquérir des influences personnelles au profit de l'intérêt belge. Voilà quel doit être le but des décorations accordées à l'étranger.

Messieurs, tous les ministres qui ont été à la tête du département des affaires étrangères, j'ajouterai tous les hommes qui ont occupé des positions diplomatiques dans de grands centres politiques à l'étranger, ne me démentiront pas quand je dirai que, dans les négociations commerciales, nous avons rencontré souvent comme obstacle, je ne dis pas comme principal obstacle, mais cependant comme obstacle réel, l'absence de ces moyens d'influence personnelle qu'on aurait pu utiliser au profit de nos intérêts nationaux.

Nous oublions trop que la Belgique est une jeune nation, qu'elle est la dernière venue dans la famille européenne, que par conséquent elle a dû créer successivement tous ses rapports internationaux et diplomatiques avec les autres gouvernements ; elle a dû conclure coup sur coup des traités de commerce, de navigation et autres destinés à nouer des liens d'intérêts avec les autres pays.

Il a fallu en vertu d'un usage consacré universellement en échanger des décorations à la suite de l'ouverture de ces relations diplomatiques et de la conclusion de ces traités. Je ne veux pas attacher plus d'importance qu'il ne faut à ce moyen d'influence que je considère comme secondaire, mais quand nous voyons des autres nations plus vieille que la (page 606) nôtre, dont les rapports internationaux sont établis depuis des siècles, ne pas dédaigner de recourir à ces moyens d'influence, je vous le demande, pourquoi la Belgique irait-elle les refuser?

Ainsi, je le répète, je conçois jusqu'à un certain point que les membres d'une opposition parlementaire se préoccupent des décorations accordées à l'intérieur à des Belges parce qu'ils y verraient un moyen d'influence politique. Mais cette considération n'existe pas relativement à des décorations accordées à l'étranger, qui sont dépourvues de tout caractère et de tout but politique quelconque.

Je suppose même que le grief dont a parlé l'honorable M. Osy, dans son rapport, soit aussi fondé qu'il l'est peu, à mes yeux : je suppose que des décorations trop nombreuses aient été accordées à l'étranger, je vous le demande, quel mal y aurait-il, quel intérêt belge et national aurait été blessé? Si des décorations avaient été accordées à l'étranger en trop grand nombre, on n'aurait fait que conquérir des influences personnelles, utiles pour la Belgique. Je demande donc par quel genre de considérations la chambre accepterait la proposition étrange qui lui est faite par la section centrale.

Messieurs, est-il vrai, comme le dit la section centrale, que depuis la création de l'ordre et surtout pendant les quatre dernières années, il y aurait eu une véritable prodigalité dans les nominations faites dans l'ordre de Léopold ?

Messieurs, pour la période qui a précédé l'année 1841, voici comment l'honorable M. Lebeau, ministre des affaires étrangères en 1841, répondait aux mêmes reproches qui avaient été articulés à l'occasion d'un crédit supplémentaire qui avait été présenté pour cet objet.

« Je ne puis souffrir, disait-il, que l'on dise que le gouvernement a mis de la profusion dans les décorations de l'ordre de Léopold ; je ne puis pas souffrir qu'on dise que le gouvernement a avili l'ordre par la manière dont il a fait les distributions soit à l'intérieur, soit à l'étranger. J'ai fait allusion à l'usage consacré partout. Consacré par nos antécédents, par toutes les administrations ; j'ai dit que lorsqu'à la suite de négociations, il se conclut des traités de commerce, des traités de navigation, il est d'un usage universel d'accorder des décorations. Je m'élève surtout contre l'imputation d'avoir mis de la prodigalité dans la dépense résultant des décorations. » Après avoir établi que le déficit provenait de l'administration précédente, M. Lebeau ajoute : « Le cabinet précédent a usé, sous sa responsabilité, et avec une discrétion que chacun pourra apprécier, du droit de conseiller à S. M. d'user de la prérogative que la loi lui attribue. »

Messieurs, l'honorable M. Lebeau a, par les raisons que je viens de rappeler, vengé son administration de 1841 et les administrations qui l'avaient précédée, du reproche de profusion et de prodigalité qu'on articulait déjà à cette époque.

J'ajouterai, messieurs, à l'appui de ces observations, que je puis affirmer sans crainte d'être démenti, que parmi les Etats monarchiques d'un rang analogue à la Belgique, la Hollande, la Bavière, le Portugal, Naples, et d'autres Etats de la même importance, qu'il n'en est aucun qui ne distribue annuellement plus et beaucoup plus de décorations à l'intérieur et à l'étranger que la Belgique ne l'a fait jusqu'à présent.

J'affirme qu'il n'est aucun Etat monarchique de l'Europe qui ait proportionnellement fait moins de dépenses de ce genre que l'Etat belge. C'est un fait que je constate. S'il était nécessaire d'étendre cette discussion, ce que la chambre, probablement, ne permettrait pas de faire, je pourrais citer des chiffres et des faits à cet égard, et si l'on conteste mon assertion, je le ferai. Voilà pour le reproche de prodigalité, en ce qui concerne la période qui a précédé l'année 1841.

Mais, messieurs, est-il vrai que cette prodigalité aurait du moins existé pendant les quatre dernières années durant lesquelles le déficit dont il s’agit a été créé ? Eh bien, messieurs, je vais répondre à ce grief.

Je distingue, d'abord, comme on l'a toujours fait, l'ordre militaire de l'ordre civil. La chambre sait, en effet, que lorsque l'ordre a été institué, et dans toutes les discussions qui ont eu lieu depuis, on a toujours distingué entre l'ordre civil et l'ordre militaire ; aucune objection, je crois, n'a été faite contre les décorations accordées pour services militaires.

Eh bien, messieurs, le nombre des décorations civiles accordées à l'étranger a été à peu près le même depuis 1841. En effet, ce nombre a été en 184 de 42, en 1843 de 51, en 1843 de 35, en 1844 de 87, en 1845 de 57, en 1846 de 56 et en 1847 de 45.

Ainsi, messieurs, sauf l'année 1844, pendant laquelle le nombre des décorations a été un peu plus considérable, le nombre a presque toujours été le même, et depuis 1844, il a diminué au lieu d'augmenter, comme semble le croire l'honorable rapporteur de la section centrale.

Pendant les deux années de mon administration, j'ai proposé à Sa Majesté d'accorder à l'étranger 113 décorations civiles. Sous l'administration de mon honorable prédécesseur, il en a été accordé 147. Je ne fais pas cette observation comme une critique adressée à mon honorable prédécesseur. Je suis, au contraire, convaincu que s'il était ici, il ne lui serait pas difficile de justifier les actes qu'il a posés ; il l'a fait, du reste, dans les discussions des budgets. Je suis convaincu que ces actes sont parfaitement justifiables, mais c'est précisément parce que je les considère comme tels, que je m'en sers comme point de comparaison avec mon administration et que je dis que tandis que mon honorable prédécesseur a proposé 147 décorations, je n'en ai proposé que 113.

Eh bien, messieurs, sur ces 113 décorations que j'ai proposées au Roi, il en est 50, presque la moitié, se rattachant aux traités qui ont été conclus, le traité du 13 décembre, avec la France, le traité du 29 juillet, avec les Pays-Bas, le traité avec le royaume de Naples, la convention douanière, en exécution du traité du 1er septembre, avec le Zollverein, la convention postale avec la Prusse, la convention postale avec la France, l'ouverture du chemin de fer belge-français, acte international, qui a donné lieu à des décorations de part et d'autre, les conventions d'abolition des droits d'aubaine et d'extradition avec les Etats secondaires de l'Allemagne.

Eh bien, messieurs, j'affirme que si l'on déduisait du chiffre total de 113 décorations qui ont été accordées à l'étranger sous mon administration, celles qui se rattachent à des traités, j'affirme, dis-je, que j'ai donné un moins grand nombre de décorations de courtoisie à l'étranger qu'il n'en a été accordé sous la plupart des administrations précédentes. Je désire sincèrement que le ministère actuel puisse vous présenter des crédits supplémentaires, même élevés, pour couvrir les dépenses de décorations échangées par suite de traités avantageux au pays.

Messieurs, j'arrive à un autre grief que la section centrale a cru devoir articuler, relativement au crédit supplémentaire. On a commis, dit-elle, une irrégularité, on a dépassé les crédits, et l'on n'a présenté que tardivement le crédit supplémentaire pour couvrir le déficit.

On a rappelé dans le rapport de la section centrale l'exemple posé par l'honorable M. Lebeau en 1841, lorsque étant, à son entrée au ministère des affaires étrangères, en présence d'un déficit, il s'est empressé de demander un crédit supplémentaire.

Eh bien, je ne fais aucune difficulté de reconnaître que j'aurais dû suivre et que j'aurais suivi cet exemple, si le déficit m'avait été assez tôt révélé. Quand l'honorable rapporteur aura été ministre, il comprendra que, quoiqu'un ministre soit, en droit, responsable de tous les actes et de tous les détails de son administration, cependant, en fait, il est beaucoup de ces détails qui peuvent lui échapper avec la meilleure foi du monde. Ainsi, la chambre sait que dans les premiers temps de mon administration comme ministre des affaires étrangères, mon attention presque tout entière a été absorbée par les longues et difficiles négociations avec la France et les Pays-Bas ; en présence de pareilles préoccupations, j'ai pu, sans me rendre, je crois, coupable d'un grand crime, être distrait de la question de comptabilité de l'ordre de Léopold.

Mon attention n'a pas été assez fixée ou assez attirée sur ce point ; mais je reconnais qu'il y a inattention et, si l'on veut, irrégularité ; mais quand le déficit m'a été révélé, je ne suis empressé, lors de la discussion de mon budget et sur les observations mêmes de l'honorable M. Osy, de déclarer explicitement que le déficit existait, et que je présenterais un crédit supplémentaire pour le couvrir. Je n'ai donc rien caché à la chambre.

Messieurs, il est une raison que la chambre appréciera et qui lui fera comprendre que le crédit pour l'ordre de Léopold peut être plus facilement dépassé que les autres crédits des budgets.

Chaque ministre a l'initiative des propositions pour les nominations dans l'ordre de Léopold, chaque département ministériel puise au trésor commun de l'ordre. Or, il est bien plus facile pour un ministre de surveiller l'emploi d'un crédit de son budget, lorsque cet emploi lui est dévolu exclusivement, que lorsque ce crédit est commun aux divers départements.

Du reste, messieurs, si l'honorable M. Osy et les membres de la majorité de la section centrale tiennent beaucoup à considérer comme une faute l'inattention que je viens d'expliquer, inattention qui consiste à n'avoir pas présenté assez tôt la demande d'un crédit supplémentaire pour régulariser la comptabilité de l'ordre de Léopold, mon Dieu, messieurs, je donnerai volontiers satisfaction ê la section centrale ; seulement elle me permettra de croire que cette faute ne pèse pas très lourdement sur ma responsabilité.

Maintenant, je ne sais pas si la chambre attend de moi que je lui soumette de longues observations sur la question de la responsabilité personnelle et pécuniaire que la majorité de la section centrale voudrait faire peser sur les administrations sous lesquelles le déficit a eu lieu.

Si une pareille proposition, si la demande d'un pareil vote était faite par des membres appartenant à une opposition parlementaire, en présence d'un ministère qu'elle veut renverser, je me permettrais encore, dans ce cas, de dire qu'une telle proposition, la demande d'un tel vote, est un procédé peu convenable, surtout lorsqu'il s'agit d'un objet aussi peu important en lui-même. Mais je laisse à la chambre le soin de qualifier une telle proposition, lorsqu'elle a pour objet, par une espèce d'essai d'opposition posthume et rétrospective, de frapper des ministres qui ne sont plus au pouvoir, qui sont rentrés dans la vie privée, et dont quelques-uns ne sont pas ici pour se défendre.

Je me borne à indiquer en passant une autre observation d'une nature délicate ; je l'indique sans la discuter ; je veux parler de la convenance qu'il y aurait à rejeter, pour la première fois depuis 1830, un crédit et rattachant à l'usage légitime d'une prérogative royale, de la seule prérogative royale dans nos rapports avec l'étranger. Je demande s'il est (page 607) convenable... (Interruption.) Certainement on a le droit constitutionnel de le faire, et je ne veux nullement mettre en doute la complète responsabilité des ministres pour tous les actes contresignés par eux, mais je parle d'une question de convenance qu'il devrait me suffire d'indiquer pour être compris. Je finis par une dernière observation ; je suppose pour un moment que la chambre rejette le crédit supplémentaire, et que les personnages à l'étranger, par exemple, qui auront reçu ces décorations sous les ministres que vous auriez frappés d'un blâme pour cet acte même, je suppose que ces personnages, comprenant la dignité politique autrement que la chambre ne l'aurait comprise, et ne voulant pas que des ministres soient punis de la bienveillance qu'ils ont eue pour eux, renvoient leurs décorations avec les arrêtés royaux qui les accompagnaient.

Je le demande à la chambre, croit-elle que la Belgique aurait gagné par là beaucoup en dignité, en influence à l'étranger, et que ce vote aurait des résultats bien utiles pour le pays?

Je termine par une considération. La chambre, en refusant par son vote le crédit qui lui est demandé, qu'aurait-elle fait ? Elle aurait décidé que l'Etat ne paye pas un de ses créanciers ; mais elle n'aurait pas décidé qui payerait. Ce vote serait sans résultat possible, et les ministres des diverses administrations qu'on aurait voulu frapper, se refusant à payer ce créancier de l'Etat, il n'y aurait aucune loi en vertu de laquelle on pourrait les y forcer.

Je vous laisse le soin de qualifier un vote sans sanction et sans résultat.

Je ne crois pas devoir traiter sérieusement une pareille question ; je pense que les observations que j'ai présentées suffiront pour déterminer la chambre à ne pas admettre la proposition de la section centrale.

M. Osy. - D'après le discours que vous venez d'entendre, on dirait que c'est moi qui suis en cause, tandis que j'ai fait un rapport au nom d’une section centrale. Il nous dit que la proposition faite à la chambre est un acte d'opposition parlementaire. Je demanderai à tous les membres de la section centrale, si je ne me suis pas abstenu, et si un membre de la majorité parlementaire de l'année dernière n'a pas insisté le plus fortement pour que le crédit soit refusé. Je demande si ce n'est pas exact. Eh bien, ce n'est pas par opposition que la section centrale propose de refuser le crédit demandé ; mais la majorité a cru qu'il était plus que temps d'arrêter le gouvernement, quel qu'il soit, dans ce système, de dépasser les crédits qu'on lui accorde. Si nous ne le forçons pas à rester dans les limites des crédits, il est inutile de voter à l'avenir les budgets, surtout après ce que nous a dit M. Dechamps en terminant son discours, que les ministres ne sont pas responsables. Je ne partage pas cette opinion. C'est celui qui fait une dépense illégale qui doit payer ; sans cela, il n'y aurait plus de responsabilité ; les ministres pourraient dépenser tout ce qu'ils voudraient au-delà des crédits votés ; il serait inutile de passer notre temps à discuter les budgets.

Depuis bien des années plusieurs ministres ont demandé qu'on augmentât l'allocation pour l'ordre de Léopold ; toujours la législature s'y est opposée. Chaque fois qu'en en a parlé dans cette enceinte, on a répondu qu'il fallait s'en tenir à l'allocation votée jusque-là. En 1840, lors de l'avènement du ministère Lebeau, au mois d'avril, on a trouvé que les 10 mille francs étaient dépensés ; qu'a fait l'honorable M. Lebeau ? A l'ouverture de la session, il est venu demander un crédit supplémentaire de cinq mille francs. Ce crédit a été critiqué par un ancien membre de la majorité, qui a voté contre. Ce n'est donc pas par opposition que je repousse le crédit supplémentaire qui vous est demandé ; j'ai donné des preuves que ce sont les choses qui me guident et non les hommes que j'ai devant moi. J'ai toujours dit qu'il fallait faire des budgets réels, qu'on devait nous faire connaître exactement tous les besoins ; en examinant le budget des travaux publics, nous avons également dit que le gouvernement devait mieux calculer ses prévisions.

L'honorable M. Dechamps vous dit que nous sommes une nation jeune, que nous avons pour cela à donner plus de décorations ; je lui répondrai que, quand la loi de l'institution de l'ordre de Léopold a été votée, elle a rencontré une grande répugnance ; l'ordre civil a été repoussé an premier vote et il n'a été admis au second vote qu'à une voix de majorité. Dès ce moment on devait savoir qu'il fallait être très réservé dans les collations de décorations tant à l'étranger que dans le pays. L'Angleterre ne donne pas de décorations, l'Autriche n'en donne que pour des services du plus haut mérite, mais la France en donne beaucoup et on a voulu suivre l'exemple de la France. On aurait dû imiter les autres nations anciennes, on ne doit pas s'en tenir, pour imiter, à ce qui se fait chez son plus proche voisin.

Vous savez que sous l'ancien gouvernement on a prodigué les décorations et que ce fut un sujet de grief ; c'est ce dont s'étaient souvenus les membres qui siégeaient au congrès, quand on leur avait proposé la loi de l'institution de l'ordre de Léopold ; nonobstant on fut bientôt plus prodigue de décorations qu'on ne l'avait été sons le gouvernement précédent ; on oublia l'ancien grief. Il ne faut pas remonter bien loin pour voir ce qui s'est fait.

Dans le premier semestre de 1847 ; on a donné l’ordre le plus élevé, le grand cordon, à un ministre étranger qui n'a résidé que dix-huit mois en Belgique, et qui n'a pas fait la moindre convention avec la Belgique. On a donné le même ordre à son prédécesseur qui avait fait le traité du 1er septembre ; maintenant si vous donnez à celui qui a fait un traité dont nous avons tous à nous louer, le traité du 1er septembre, le même grade à celui qui n'a rien fait, n’est-ce pas dérangeant ? A l’étranger, j'ai entendu dire, à propos de la prodigalité de l’ordre de Léopold, des choses que je n'oserais pas répéter.

Si vous donnez l'ordre le plus élevé à un envoyé qui n'a rien fait, que donneriez-vous à son successeur s’il faisait une convention d’une grande importance? Vous ne pourriez pas créer un ordre plus elevé, vous seriez obligé de lui donner la même décoration.

Nous avons fait, par l'entremise d'un de nos honorables collègues, une convention avec une puissance italienne. Je vous laisse à deviner à combien de décorations elle a donné lieu. Nous le voyons dans le Moniteur du 19 juillet. Il a été accordé à cette occasion trois grands cordons, deux décorations de grand officier (deuxième classe de l'ordre) et trois décorations de commandeur. Ainsi voilà, pour une convention qui n'est pas encore ratifiée, six décorations, dont trois du grade le plus élevé. Je suis persuadé que les grandes puissances ne font pas des prodigalités pareilles.

Il faut, messieurs, que je vous dise un mot de la note du membre de la commission qui n'a pas voulu se joindre à ses collègues pour rejeter le crédit. Je vous demanderai la permission d'en lire la dernière phrase.

« La chambre avisera ; mais on pense qu'elle pourrait consentir à accorder, encore pour cette fois, un crédit supplémentaire, avec la clause proposée par la section centrale pour celui de la marine. »

Vous voyez que ce membre de la commission, sans avoir été favorable à l'allocation, dit lui-même que, pour cette fois, il l'accorde et que si cela se renouvelle, il ne l'accordera pas. Il est donc dans les mêmes principes que nous. La différence, c'est que nous voulons rejeter aujourd'hui la dépense, tandis qu'il la rejettera à l'avenir.

Comme je l'ai, dit il n'y a pas eu d'hostilité contre l'ancien ministère. Nous déplorons tous que le gouvernement dépasse les crédits portés au budget. Nous avons pensé qu'il était plus que temps de prendre une mesure pour arrêter tous les ministres dans cette voie. C'est dans ce but seul que nous avons fait cette proposition de réduction.

Si vous ne l'admettez pas, la responsabilité ministérielle ne sera qu'un vain mot, on pourra continuer de faire comme par le passé ; car le ministère est obligé de vider un sac bien lourd. Les dépenses arriérées, legs du dernier ministère, s'élèvent à cinq millions pour lesquels on a dû nous présenter des crédits supplémentaires.

Je le répète en terminant, la proposition de la commission n'a rien d'hostile pour l'ancien ministère. Elle n'a d'autre but que d'arrêter le gouvernement dans la voie des dépenses utiles et de le contraindre à se renfermer dans les limites des crédits alloués par les chambres.

M. de T'Serclaes. - On ne peut se dissimuler qu'il existe dans la chambre, et jusqu'à certain point dans le pays, une sorte de prévention contre la manière dont le gouvernement a fait usage de la loi du 11 juillet 1832, instituant l'ordre de Léopold. J'ai pensé qu'à l'occasion de ce débat, la chambre me permettrait de lui citer des chiffres et des faits propres à éclairer l'opinion publique et de contribuer ainsi, pour ma part, à conserver à cette institution nationale le respect que l'on doit ti toutes les institutions du pays.

Je regarde comme une chose des plus fâcheuses pour l'ordre de Léopold, que les lois qui le concernent, les détails de son organisation et les circonstances des nominations soient aussi peu connus.

Dès 1834, le ministre des affaires étrangères avait jugé utile, malgré la publicité négative du bulletin officiel, de faire imprimer en brochure la liste complète des personnes qui avaient obtenu la décoration jusqu'à cette époque. Combien un semblable travail ne serait-il pas plus utile aujourd'hui !

L'honorable M. Dechamps s'était entendu avec un littérateur distingué du pays pour livrer à l'impression une collection qui aurait renfermé tous les arrêtés de nomination, toutes les discussions des chambres concernant l'ordre de Léopold, et des notices historiques et biographiques sur les principales nominations.

Ce travail, presque complet, existe en manuscrit : j'en recommande la publication à la sollicitude de l'honorable ministre des affaires étrangères ; il fait honneur à l'habile professeur qui s'en est occupé.

J'entre en matière.

L'ordre de Léopold, suivant le tableau communiqué par M. le ministre des affaires étrangères, comprend 3,265 décorations données, Vous n'ignorez pas qu'il faut faire entre les décorations une quadruple distinction.

Il y a 1° les décorations accordées à des Belges ; 2° les décorations accordées à des étrangers. Les décorations accordées à des Belges sont de deux espèces. Il y a les décorations civiles et les décorations militaires. La même distinction doit être faite pour les nominations à l'étranger. Ainsi nous avons quatre catégories de membres de l'ordre de Léopold : les décorations civiles et les décorations militaires accordées à des Belges ; les décorations civiles et les décorations militaires accordées à des étrangers.

De ce chiffre total de 3,265 décorations données, je commence par soustraire les 1,100 croix accordées à des militaires. Jamais, depuis l'institution de l'ordre, on ne s'est élevé, ni dans cette chambre, ni dans le sénat, contre, les décorations pour services militaires. Les chambres, depuis 1832, ont voté 321,000 fr. pour les pensions de l'ordre militaire. Ces pensions ont toujours été traitées avec une faveur marquée, et nos diverses lois ont permis, par un privilège spécial, le cumul de toute pension, soit civile, soit militaire, avec la pension de l'ordre.

Ce crédit n'a jamais donné lieu à aucune critique. Je puis donc (page 608) éliminer complètement du débat ce qui concerne les décorations militaires

Cette déduction faite, il reste 2,165 décorations données.

Ce chiffre, je le divise en deux. Je déduis d'abord 1,100 décorations accordées à des étrangers et dont je m'occuperai tout à l'heure ; il reste 1,065 décorations accordées par le Roi à des Belges après dix-sept années de règne !

Si les renseignements donnés par M. le ministre des affaires étrangères sont exacts, il n'y en a pas eu une seule de plus.

Je n'hésite pas à le dire, le gouvernement a montré une grande sobriété dans la collation de l'ordre civil. Je dis dans l'ensemble ; je ne veux pas entrer dans les cas particuliers. Il peut y avoir eu des erreurs commises. Mais l'exception confirme la règle. Si l'une ou l'autre décoration a été donnée mal à propos, personne ne dira que cette circonstance doive jeter du discrédit sur l'ordre national.

Le Roi a décerné un assez grand nombre de décorations, mais dans des grades tout à fait inférieurs. Pour les hauts grades qui doivent être le prix de services éminents, de services tout à fait supérieurs, de tous les côtés de la chambre on reconnaîtra que l'on a été très réservé.

A commencer par les grands cordons, le Roi n'en a donné que quatre à des Belges, depuis l'institution de l'ordre.

Ce nombre est réduit à deux aujourd'hui par le décès des titulaires, tous deux des hommes qui faisaient honneur à notre patrie, et dont le mérite était apprécié non seulement en Belgique, mais en Europe, le comte de Mérode-Westerloo, et le comte d'Aerschot.

Le Roi a accordé huit décorations de grand officier notamment aux honorables présidents de cette chambre et du sénat. Aucune critique ne s'est jamais élevée contre ces décorations si bien placées.

Il a été accordé 42 décorations de commandeurs à d'anciens ministres.

Enfin, 145 décorations d'officiers ont été décernées à des personnages qui avaient rendu des services notables au Roi et au pays.

Je dis donc qu'il a été fait un usage convenable du crédit voté par vous, et que dans un pays où depuis 17 ans de si grandes choses ont été effectuées, où les hommes qui ont de leurs propres mains élevé le trône du Roi ne portent pas encore le grand cordon de l'ordre ; je dis que l'on n'est pas admissible à critiquer l'usage que la Couronne a fait de la faculté que l'article 76 de la Constitution lui a laissée.

Cette sobriété de distinctions à l'intérieur a produit un autre résultat dont il faut tenir compte ; c'est que le gouvernement ayant toujours donné les hauts grades de l'ordre de Léopold avec une grande parcimonie, a ôté par cela même une grande partie de leur prestige dans l'intérieur du pays aux décorations (erratum, p. 640) de l'étranger qui ont, je le reconnais, été accordées en très grand nombre en Belgique. Ainsi on voit en Belgique ce qu'on ne voit presque en aucun Etat de l'Europe : de simples chevaliers de l'ordre de Léopold, portant ce qu'on appelle la petite croix, revêtus de grands cordons d'ordres étrangers.

J'en viens aux décorations données à l'extérieur.

Je commencerai par rappeler que lorsque le projet de loi portant l'institution d'un ordre national a été présenté à la chambre, on s'est fortement appuyé sur la nécessité pour la Couronne de rendre à l'étranger les marques de courtoisie qu'Elle était dans le cas de recevoir. Et que cette expression de marques de courtoisie ne vous étonne pas, messieurs. Ouvrez le rapport fait au nom de la section centrale par l'honorable M. Dumortier, et vous y verrez ces mots : « La conclusion des traités et le futur mariage du Roi rendent nécessaire l'adoption du projet de loi. »

Dans l'année de l'institution de l'ordre, on a décerné un grand nombre de décorations à l'armée française, qui avait pris la citadelle d'Anvers, et était venue délivrer notre territoire de l'occupation étrangère : celles-là étaient à coup sûr noblement méritées ; eh bien, messieurs, veuillez voir le compte rendu de la séance du 10 septembre 1833, et vous y lirez de quelle manière on qualifiait alors le juste hommage rendu au courage de nos voisins.

En 1838, les chambres ont voté une loi qui crée un cinquième grade dans l'ordre de Léopold. Quels ont été les motifs allégués pour la création de ce cinquième grade ? Ces motifs ont uniquement été les exigences de la réciprocité à exercer envers l'étranger. Dans l'exposé des motifs présenté par le gouvernement, dans le rapport fait à la chambre, dans le rapport fait au sénat, on n'a parlé que de la nécessité dans laquelle on se trouvait d'accorder des décorations équivalentes à celles qui étaient accordées à des Belges par d'autres souverains. Le projet a été adopté à l'unanimité des voix moins une, celle de l'honorable M. Gendebien.

L'honorable M. Dechamps vous a développé les considérations politiques qui légitiment l'usage que l'on a fait de l'ordre de Léopold, vis-à-vis les puissances étrangères. On pourrait en ajouter beaucoup d'autres encore, mais cela me semble inutile. Les ministres des affaires étrangères qui se sont succédé, ont eu soin d'éclairer complètement la chambre sur cette question. L'honorable M. Lebeau, l'honorable M. Goblet ont dit quels étaient les usages, quelles étaient les nécessités qui incombaient au gouvernement. (Erratum, p. 640) Il serait grand temps que, dans un pays où le Roi, à part la haute influence personnelle qui est si justement reconnue en Europe à notre souverain, n'a pas d'antre moyen réel d'exercer une influence quelconque à l'étranger, que la distribution intelligente de quelques décorations où il n'y a de fonds secrets d'aucune sorte, il serait grand temps, dis-je, de regarder cette question comme définitivement vidée quant au principe.

La majeure partie des croix de l'ordre de Léopold placées à l'étranger a été accordée à des sujets français.

J'attirerai ici votre attention sur une circonstance dont on n'a pas tenu assez compte : Sous l'ancien gouvernement, les Belges décorés de la Légion d'honneur par Napoléon étaient par cela même médiocrement bien vus du gouvernement, et ceux qui avaient de justes titres à faire valoir s'en gardaient bien, parce que ces demandes étaient accueillies avec défaveur à Bruxelles et à la Haye. Après 1830, on s'est cru dans I obligation de demander à la France un grand nombre de décorations pour des services qui remontaient à l'époque de l'empire. Or, il est d'usage que, quand un souverain accorde à un Etat des décorations, il en obtienne en réciprocité un nombre pareil.

Il ne faut pas méconnaître, messieurs, ce que le gouvernement a fait de son côté pour empêcher qu'il n'y eût des abus dans la collation des décorations à l'étranger. Ainsi, on avait remarqué que des Belges sollicitaient souvent des insignes d'autres ordres que celui du pays, écrivaient des lettres aux souverains étrangers, envoyaient des ouvrages, faisaient même des démarches personnelles qui nuisaient à la considération de la Belgique. Le gouvernement a senti la nécessité de mettre un terme à cet état de choses, et un arrêté du 25 mai 1845, pris sur la proposition de l'honorable général Goblet, a statué que « aucun Belge n'obtiendrait l'autorisation de porter les insignes d'un ordre étranger, à moins que ces distinctions n'aient fait l'objet d'un concert préalable entre le gouvernement belge et celui qui les a conférés. »

Ainsi dans tous les cas, il faut un accord préalable, et une réciprocité concertée entre les deux cours.

Ainsi, le gouvernement a fait ce qui était en lui pour empêcher que l'échange de décorations ne fût amené forcément et en dehors de ses prérogatives légitimes.

L'honorable préopinant a parlé de la décoration donnée par le Roi à un ancien ministre. Je pense qu'il a voulu faire allusion à M. de Sydow, ministre de Prusse. Il a trouvé singulier que M. de Sydow, en quittant la Belgique, eût obtenu la grand-croix de l'ordre de Léopold, tandis qu'il n'était intervenu, pendant qu'il était accrédité à Bruxelles, aucun traité entre la Belgique et la Prusse.

Messieurs, l'explication de ce fait est extrêmement naturelle. Je ne veux pas m'étendre sur les motifs particuliers de satisfaction que pouvait avoir notre auguste souverain envers M. de Sydow. La chambre n'a pas à s'occuper de ce point, qui pourrait, du reste, expliquer la marque de distinction accordée à ce ministre. Mais je dirai qu'il est d'usage que lorsqu'un souverain est content des bons services d'un ministre étranger, il lui accorde, lorsqu'il part, une preuve de sa bienveillance. Ce serait même un motif légitime de plainte, si un ministre accrédité pendant un certain temps près d'une cour, la quittait sans une manifestation quelconque de bienveillance du souverain. Les autres cours ont, à cet égard, plus de latitude que celle de Belgique. .

Ainsi, dans plusieurs Etats de l'Europe, on se contente de donner une tabatière ou un autre cadeau diplomatique. Cet usage, qui peut paraître risible au premier abord, n'existe pas en Belgique ; le Roi, lorsqu'il veut donner une marque de bienveillance à un diplomate étranger, lui accorde la croix.

M. de Sydow, messieurs, n'avait pas seulement été ici ministre de Prusse. Il avait antérieurement occupé l'office de chargé d'affaires près de la cour de Bruxelles. Il avait donc été successivement accrédité deux fois près de notre gouvernement.

Enfin, d'après les usages diplomatiques généralement reçus, on ne peut donner à un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'une des grandes puissances que la décoration du premier rang, et le gouvernement belge a été exposé à voir refuser notre décoration parce qu'il avait remis la plaque de second rang à un envoyé extraordinaire,

Je ne sais, messieurs, s'il faut ajouter encore quelques mots sur les sommes allouées par la législature pour l'achat des bijoux. Cependant je crois que cela n'est pas inutile.

Depuis l'institution, les chambres ont voté, pour l'administration de l'ordre de Léopold, la confection des matrices et l'achat des décorations, d'abord une somme annuelle de 7,000 fr., et, à partir de 1839, une somme de 10,000 fr. Une seule fois, un crédit supplémentaire de 5,000 fr. a été demandé par l'honorable M. Lebeau. Quant aux propositions que le gouvernement aurait pu avoir faites pour augmenter le crédit, propositions auxquelles il est fait allusion dans le rapport de la section centrale, depuis douze ans que j'ai des rapports étroits avec le département des affaires étrangères, aucun ministre, à ma connaissance, n'a demandé l'augmentation du chiffre de 10,000 fr.

Une première fois la chambre a voté un crédit de 60,000 francs, c'était en 1833, et il est assez curieux de voir aujourd'hui comment ce crédit a été justifié par l'honorable M. de Muelenaere. Les renseignements fournis à la section centrale par M. de Muelenaere et qui ont porté la chambre à voter le chiffre, portent ce qui suit :

« Voici la liste des décorations demandées :

« 25 grands-croix, à 550 fr. : 8,750 fr.

« 60 commandeurs, à 300 fr. : 18,000 fr.

« 100 officiers, à 130 fr. 13,000 fr.

« 500 chevaliers à 30 50 fr. : 15,000 fr.

« Total : fr. 51,750.

« Les plaques en métal sont payées par la liste civile. »

(page 609) D'après les prévisions de cette époque, l'ordre de Léopold ne devait comprendre que 500 chevaliers. Eh bien, dès la même année, on en nommait plus de 600 dans l'armée française, qui tous avaient mérité cette distinction à la prise de la citadelle d'Anvers ; si, depuis lors, on n'avait pas obtenu des réductions dans le prix des bijoux, le crédit annuel serait resté fort en dessous des besoins constatés.

Si nous comparons, messieurs, le chiffre de dix mille francs aux crédits qui figurent pour le même objet aux budgets des autres Etals, il paraîtra certainement fort minime. Je ne parle pas des frais de chancellerie des ordres qui existent ailleurs, puisque la chambre a déclaré qu'elle n'en voulait pas en Belgique ; c'était avant 1830, pour l'ordre de Guillaume, 4,000 fl. de traitement au chancelier seulement, et autant au chancelier de l'ordre du Lion Belgique, sans compter le salaire des employés.

Mais si l'on met le crédit pour l'achat de décorations de notre budget en regard de celui qui figure au budget de la Hollande, par exemple, on trouve que sur la somme de 90,800 fl. alloués pour les deux ordres de ce pays le chiffre pour l'achat des décorations, dans un Etat plus petit que le nôtre, s'élève à 3,800 florins, c'est-à-dire 8,042 francs ; en outre, le roi des Pays-Bas a un troisième ordre de chevalerie, celui de la Couronne de Chêne, dont la dépense n'est pas comprise dans ce chiffre. Au surplus, messieurs, dans les Pays-Bas et ailleurs, les bijoux donnés aux décorés doivent être rendus à l'Etat en cas de promotion ou de décès. Eh bien, si cette mesure existait chez nous, il est probable que dès à présent aucun crédit ne serait plus nécessaire pour achat de décorations.

Je pense, messieurs, que ces faits suffiront pour vous faire comprendre plus exactement l'organisation de l'ordre de Léopold et la mesure des sacrifices que le pays a faits pour cette institution que, je le répète, il est dans l'intérêt de tous de rendre respectable et respecté.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je commencerai par faire remarquer à la chambre qu'il y avait nécessité absolue de demander un crédit supplémentaire pour achat de décorations de l'ordre de Léopold. En effet, lorsque le cabinet actuel est arrivé aux affaires, non seulement le crédit de 10,000 francs porté au budget de 1847 était entièrement épuisé, mais il y avait déficit sur plusieurs années précédentes. Il était donc indispensable de demander un crédit supplémentaire pour pouvoir rentrer dans l'état normal.

Il y avait un précédent de la chambre pour nous guider aussi dans cette circonstance ; car en 1840, lorsque le ministère de cette époque arriva au pouvoir, l'honorable M. Lebeau, alors ministre des affaires étrangères, se trouvant aussi en présence d'un déficit, est venu demander à la chambre un crédit supplémentaire, et la chambre a voté le crédit à l'unanimité moins deux voix, celle de l'honorable M. de Garcia et celle de M. Seron.

Aujourd'hui, messieurs, la commission qui a examiné le projet ne suit pas ce précédent, mais elle vient proposer à la chambre de rejeter le crédit supplémentaire. Je ne puis nullement me rallier à une semblable proposition. Je crois que ce serait vraiment là un rigorisme trop absolu.

Chaque année, messieurs, des demandes de crédit supplémentaires sont soumises à la législature, et jusqu'à présent une proposition de rejet n'a point encore été faite ; ce serait donc là une innovation qui n'aurait point d'exemple dans nos annales parlementaires.

Je crois aussi que la commission ne devrait pas fortement insister en faveur de sa proposition, car je crois qu'elle aura atteint le but principal qu'elle veut atteindre. Ce but, c'est que le crédit ne soit plus dépassé à l'avenir. Eh bien, messieurs, je prends volontiers l'engagement, et le cabinet entier est d'accord, de rester dans les limites du crédit de 10,000 francs porté annuellement au budget.

Je crois qu'il y a là suffisance pour les besoins de l'ordre de Léopold. S'ul se présentait cependant une circonstance tout à fait exceptionnelle, tout à fait extraordinaire, qui forçât à dépasser les limites du budget, je m'empresserais de la faire connaître à la législature et de demander le supplément qui serait nécessaire.

Eh bien, messieurs, lorsque cet engagement est pris et lorsque, d'un autre côté, les observations de la commission et la discussion à laquelle elles ont donné lieu dans cette enceinte, viennent ajouter une nouvelle garantie pour l'avenir, je ne vois pas pourquoi la chambre irait adopter une mesure aussi rigoureuse que celle qui est proposée et qui consisterait, en définitive, à faire payer aux ministres précédents le déficit que présentent les crédits en question.

J'attirerai aussi l'attention de la chambre sur ce qu'une pareille mesure pourrait avoir de défavorable à l'ordre de Léopold lui-même, aux yeux de l'étranger. Il est évident que si ceux qui ont reçu la décoration de l’ordre de Léopold, à l'étranger, surtout depuis quatre années, apprenaient que leur décoration dût être payée par les ministres qui ont proposé au Roi de la leur décerner, cela produit ail un effet très défavorable à l'ordre lui-même.

Messieurs, je ne crois pas avoir à discuter les motifs qui ont déterminé mes honorables prédécesseurs à dépasser les crédits portés au budget ; je crois qu'eux seuls sont à même de justifier leurs actes et de faire connaître les circonstances qui les ont engagés à les dépasser.

Du reste, l'honorable M. Dechamps a déjà rempli cette tâche, en ce qui le concerne ; je regrette que M. le général Goblet ne siège plus ici ; je suis persuadé qu'il aurait aussi présenté des motifs à l'appui de ce qu'il a fait, à cet égard, sous son administration.

Je dois convenir cependant qu'au point de vue des crédits qui sont portés annuellement au budget, ce qui annonce de la part de la législature la volonté formelle que la somme allouée ne soit pas dépassée, la mesure est sujette à critique ; mais pour apprécier les décorations qui ont été accordées, et les sommes qui ont été dépensées, il faut s'être trouvé dans les circonstances à propos desquelles elles ont été décernées.

Messieurs, un des membres de la section centrale, qui a fait insérer dans le rapport ses observations particulières, prétend que si le crédit de 19,000 fr. était rejeté, il retomberait sur tous les ministères depuis 1814, y compris le ministère actuel.

Je dois faire une observation à cet honorable membre ; c'est que le ministère actuel, loin d'avoir dépassé la limite du crédit porté au budget, est resté même au-dessous de cette limite. Le ministère a été nommé le 12 août, au 1er janvier il y avait donc 4 mois 20 jours qu'il était aux affaires ; or, il n'a dépensé pour décorations qu'un peu plus de 1,000 fr. Il est donc resté au-dessous des limites qui lui étaient assignées par le budget.

Je ferai remarquer, en outre, que la plupart de ces décorations ont été accordées par suite de l'exposition industrielle et de l'exposition agricole, et que le pays a applaudi sans réserve à cette distribution. Ainsi, du moment que le cabinet est resté en dessous de la somme dont il pouvait disposer par suite du vote annuel de la législature, je ne pense pas qu'il y ait lieu de lui adresser le moindre reproche.

M. Delfosse. - Messieurs, je ne suivrai pas l'honorable M. de T'Serclaes dans son excursion statistique sur l'ordre de Léopold ; je reconnais volontiers que l'honorable membre est plus compétent que moi en cette matière et qu'il aurait moins que personne besoin de l'ouvrage dont il a néanmoins demandé la publication, et que je crois inutile ; je me bornerai à expliquer, en peu de mots, les motifs qui m'ont engagé à m'associer à la majorité de la section centrale.

Messieurs, rien n'a contribué à gâter et à perdre les prédécesseurs des ministres actuels, comme l'indulgence trop grande que l'ancienne majorité a toujours eue pour eux, comme la facilité avec laquelle elle a toléré les abus ; si l'ancienne majorité avait mis plus de fermeté, plus d'énergie dans le contrôle qu'elle était appelée à exercer sur les actes du pouvoir, le gouvernement, devenu plus circonspect, eût commis moins de fautes, et le corps électoral ne se serait peut-être pas montré aussi sévère dans l'arrêt qu'il a rendu le 8 juin.

Messieurs, vous vous souvenez tous des nombreuses demandes de crédits supplémentaires qui nous ont été constamment soumises, pour des dépenses faites en dehors du budget, et sans l'autorisation préalable des chambres. Ces crédits supplémentaires étaient tellement considérables qu'on pouvait regarder le vote des budgets comme une garantie illusoire, comme une vaine formalité.

Je ne sache pas, et ce fait vient d'être signalé par M. le ministre des affaires étrangères, que l'ancienne majorité ait eu le courage de rejeter une seule de ces demandes de crédits supplémentaires. Elle se plaignait, il est vrai, des irrégularités qui étaient commises ; elle allait même quelquefois jusqu'à les blâmer avec amertume, jusqu'à menacer le ministère de le rendre personnellement responsable, si elles se reproduisaient encore.

Mais, messieurs, les ministres ne tenaient aucun compte, ils se riaient même de cette menace qui ne se réalisait jamais, semblables à ces enfants gâtés dont les parents, trop faibles pour punir, se bornent à gronder, quelle que soit la gravité de la faute.

Je reconnais qu'il y a dans les budgets un certain nombre d'allocations, sujettes à de telles éventualités qu'elles peuvent facilement être dépassées sans le concours et même à l'insu du ministre, et j'admets dans ce sens et dans cette limite les observations qui ont été présentées tout à l’heure l’honorable M. Dechamps. Il faut, pour être juste, tenir compte de cette circonstance, de ces éventualités qui ne dépendent pas d'un ministre, dans l'examen des demandes de crédits supplémentaires ; il faut surtout les accueillir, s'il est démontré que l'Etat a profité des dépenses faites, qu'il en a retiré une utilité égale ou à peu près égale à la charge qu'elles font peser sur le pays.

Mais, messieurs, il faut bien reconnaître aussi qu'il n'y a pas moyen de placer dans cette catégorie le crédit supplémentaire qui nous est demandé pour l'ordre de Léopold.

Je pose en fait et chacun de vous admettra qu'il n'y a pas au budget d'allocation à laquelle il soit plus facile de se renfermer que dans celle-là ; et quelle utilité, je vous le demande, le pays a-t-il retirée des décorations accordées dans les derniers temps avec si peu de discernement et tant de prodigalité? Il ne s'agit pas seulement, comme l'honorable M. Dechamps voudrait le faire croire, de décorations accordées à des étrangers, à l'occasion de traités internationaux ; il s'agit surtout de décorations conférées, à l'approche des élections, pour services électoraux, à des hommes qui en étaient peu dignes. C'était là un de ces petits moyens auxquels les ministres qui ont été renversés le 8 juin avaient recours pour influencer les élections, moyen doublement coupable en ce qu'il frappait de discrédit un ordre qui ne peut avoir de valeur qu'autant qu'il est réservé au vrai mérite, et en ce qu'il était une atteinte portée à la moralité publique.

L'honorable M. Dechamps nous a parlé de prérogative royale. Qu'il me permette de le lui dire, il a eu grand tort en faisant intervenir le nom du Roi dans ce débat ; je ne connais pas de prérogative royale qui ne soit subordonnée au contreseing et à la responsabilité ministérielle. Lorsque (page 610) l'honorable M. de Theux est venu, il y a quelques années, blâmer dans cette enceinte la décoration conférée à un honorable citoyen qu'il avait lui-même investi de hautes fonctions et que les électeurs de la ville de Liége avaient jugé digne de siéger au conseil communal, l'honorable M. de Theux commettait une haute inconvenance, mais il n'attaquait pas la prérogative royale.

Messieurs, c'est pour les raisons que je viens d'indiquer, c'est surtout parce que je ne veux en aucune manière, prêter mon concours à des tripotages électoraux, que je me suis associé à la majorité de la section centrale. Si vous partagiez notre avis, si vous preniez une résolution conforme aux conclusions que nous avons eu l'honneur de vous soumettre, cette résolution aurait une immense portée, non comme peine pécuniaire, car, qu'est-ce qu'une somme de 19 mille francs à payer par un certain nombre de ministres dont la plupart sont largement pensionnés pour des services qu'ils n'ont pas rendus, qu'est-ce qu'une peine aussi légère après celle que le corps électoral leur a infligée le 8 juin ? Votre résolution aurait une immense portée, en ce qu'elle serait une leçon pour l'avenir, et un avertissement salutaire pour le pouvoir.

Messieurs les ministres me diront peut-être qu'ils n'ont besoin ni de leçon ni d'avertissement, qu'ils connaissent leurs devoirs et qu'ils sauront les remplir. J'ai, messieurs, une grande confiance dans le ministère, je connais ses bonnes intentions et son bon naturel ; mais je connais aussi les écueils du pouvoir, ils sont grands. Je pourrais me borner à dire à MM. les ministres que s'ils peuvent répondre d'eux, ils ne peuvent pas répondre de leurs successeurs. J'irai plus loin et je leur dirai : Les écueils du pouvoir sont grands ; pour les éviter, vous n'aurez pas trop des conseils et des avertissements, quelquefois de la sévérité de vos amis.

M. de Theux. - Messieurs, nous n'acceptons en aucune manière, comme une peine, le résultat des élections du 8 juin ; que l'honorable M. Delfosse en soit bien persuadé. Dans tous les gouvernements représentatifs, les élections amènent souvent, non seulement des changements de cabinet mais des changements de système. Le pays a plus tard à apprécier s'il a à se féliciter des modifications qui ont eu lieu à la suite des nouvelles élections. Ceci rentre dans le domaine de l'histoire. Ce n'est pas en présence d'une administration déchue, d'une politique renversée et d'une administration et d'une politique nouvelles, qu'on peut apprécier, pour le pays, le mérite des élections. C'est l'histoire, plus impartiale que les hommes qui ont pris part aux luttes électorales et aux débats parlementaires, qui fait à chacun sa juste part.

L'honorable membre a parlé de profusion de décorations données dans un sens électoral. Je proteste de toutes mes forces contre une semblable allégation. J'insiste pour que M. le ministre des affaires étrangères veuille bien faire droit à la demande de l'honorable M. de T'Serclaes concernant la publication du travail relatif à toutes les décorations données depuis l'institution de l'ordre.

En ce qui concerne les deux dernières années, je ferai remarquer que si on fait la comparaison des décorations données en 1846 et en 1847, on trouvera que le nombre des décorations données en 1846 dépasse de beaucoup celui de 1847, quoiqu'en 1846 il n'y ait pas eu d'élections.

Messieurs, l'honorable membre, comme de coutume, a fait le procès à l'ancienne majorité, en raison d'une prétendue complaisance ou facilité qu'elle aurait montrée pour les ministères précédents, en ce qui concerne les demandes de crédits supplémentaires ; quand je dis : ministères précédents, je parle de tous les ministères qui ont gouverné le pays depuis 1831 ; car il ne s'agit pas du dernier ministère dans cette affaire. Eh bien, pour réfuter les assertions de l'honorable membre, il faudrait reprendre une à une toutes les demandes de crédits supplémentaires et établir une discussion qui ne prendrait pas une séance, mais que nous ne pourrions pas terminer en 15 jours. Aussi me garderai-je bien d'entreprendre cette tâche.

Je ne ferai qu'une seule remarque, c'est qu'à mesure que le gouvernement a duré il a acquis une plus grande expérience, une connaissance plus exacte des besoins des divers services et pétitionné des crédits plus certains, plus proportionnés aux besoins réels de ces services. Mais, messieurs, je me permettrai de rendre la chambre attentive à ce point, c'est que plus les demandes de crédits supplémentaires deviendront rares, plus les dépenses de l'Etat s'accroîtront. Cette observation, je l'ai déjà faite à propos de la trop grande division des dépenses en articles. J'ai dit en plusieurs occasions, et l'expérience a justifié mes paroles, que plus on divise les dépenses en articles, plus le ministère, pour n'avoir pas d'insuffisance, est obligé d'en majorer le chiffre.

Je dis aussi que plus la chambre adressera de critiques sévères aux demandes de crédits supplémentaires, plus les ministres grossiront les chiffres des divers articles, pour ne plus se trouver dans le cas de venir avec des demandes semblables.

Je sais qu'il importe que les dépenses soient, autant qu'il est humainement possible, prévues avec exactitude dans le budget présenté à nos délibérations. Je le comprends parfaitement. Mais vous serez toujours placés entre ce double écueil de voter des crédits insuffisants et d’accorder des crédits supplémentaires, ou bien d'accorder à l'avenir des crédits plus considérables que ne le réclament les besoins réels du service. Or on sait que, quand un crédita été voté, il y a toujours une grande tendance à le dépenser intégralement.

En ce qui concerne l'excédant des dépenses sur certains crédits, quiconque a été quelque temps dans l'administration sait parfaitement combien, en raison du travail dont te ministre est personnellement chargé, il lui est difficile, malgré la plus stricte surveillance, de ne pas être surpris à la fin de l’année par une insuffisance de crédit, parce qu'il se révèle des besoins impérieux auxquels il faut faire face, et que son attention n'a pas été suffisamment appelée sur la situation du crédit, au moment où les dépenses ont été ordonnées. Cette observation s'applique, non pas à des excédants considérables, mais à de faibles excédants sur les crédits alloués.

Si l’on veut que les ministres se renferment strictement à l’avenir dans les limites des articles du budget, et qu'il ne soit plus accordé aucun crédit supplémentaire, à moins qu'il n'y ait insuffisance d'après la législation existante, on ne trouvera plus d'homme possédant quelque chose, qui veuille accepter la position ministériel. Ou bien les ministres seront obligés d'exiger des cautionnements des employés de l'administration pour tout excédant de dépenses sur les crédits et de les rendre responsables lorsqu'ils n'auront pas suffisamment averti le ministre.

Voilà où vous conduirait une règle absolue.

Je n'aurais pas présenté ces observations si l'honorable M. Delfosse n'était pas entré dans des considérations politiques. J'aurais attendu une autre occasion où l'on aurait discuté cette question des crédits supplémentaires, car l'objet dont il s'agit est trop minime pour comporter une discussion étendue.

M. de La Coste. - Je ne me serais pas occupé spécialement de cette affaire, si je n'avais fait partie de la commission, et je n'aurais pas demandé la parole, si l'opinion que j'ai émise dans la commission n'avait donné lieu à des observations de la part de M. le ministre des affaires étrangères. Je n'ai entendu adresser aucun reproche à M. le ministre, ni au cabinet actuel, en énonçant un fait que je crois exact et qui me paraît confirmé par ce qu'a dit ce ministre lui-même ; c'est-à-dire que le crédit comprend également une somme pour des dépenses de. 1847 qui se rapportent au cabinet actuel.

M. le ministre des affaires étrangères a dit qu'il n'avait pas dépassé les limites du crédit alloué par les chambres. Je pense que cela doit s'entendre en ce sens qu'il n'a pas dépassé la proportion de l'allocation, mais non qu'il n'a pas dépassé le crédit, puisque celui-ci était déjà épuisé. Par conséquent, les nouvelles dépenses ont été un nouveau surcroît d'excédant.

Je le répète, je n'adresse à M. le ministre des affaires étrangères on au cabinet aucun reproche. J'ai exposé la chose comme j'ai compris qu'elle est réellement, et, en effet, si le crédit supplémentaire demandé n'était pas en partie destiné, comme je l'ai supposé, à couvrir des dépenses faites par le cabinet actuel, il faudrait nécessairement que le ministère nous demandât un autre crédit supplémentaire pour les dépenses qui le concernent spécialement.

Comme il n'a pas fait de proposition semblable, j'ai dû croire que cette dépense était comprise dans le crédit en discussion. Mon observation n'a pas plus de portée ; elle ne va pas plus loin.

Du reste, je n'ai pu me joindre à la commission, non que j'attachasse à cette question une bien grande importance. Mais appelé à donner mon opinion, je l'ai donnée loyalement. Je pense, eu effet, qu'il serait fort rigoureux de rejeter le crédit et surtout, qu'il me soit permis de le dire tout en respectant les opinions d'autrui, que cette rigueur ne serait pas très bien placée, dans une occasion où notre refus nous mettrait dans un contact plus ou moins désagréable avec l'étranger. Il vaudrait mieux, selon moi, réserver une semblable sévérité pour une affaire purement domestique, pour une affaire qui ne regarderait absolument que l'intérieur du pays.

En outre, je n'ai pas foi dans les petites économies ; je crains qu'elles ne fassent tort aux grandes. Lorsqu'une assemblée a fait l'effort de rayer quelques milliers de francs, il semble que ses forces soient épuisées, et qu'elle ne puisse plus retrouver la même rigueur lorsqu'il s'agit de dépenses beaucoup plus considérables, et qui doivent avoir pour résultée d'aggraver bien autrement les charges du pays.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je ne répondrai que quelques mots à l'honorable préopinant, parce que je désire ne pas prolonger cette discussion au-delà de ses limites naturelles. L'honorable préopinant croit que si le crédit était rejeté, il incomberait au cabinet actuel d'en payer sa quote-part, en raison des décorations qui ont été accordées depuis le 12 du mois d'août. Il ne veut pas faire un reproche au cabinet actuel, dit-il, mais cependant il le place sur la même ligne que les ministères précédents.

Le cabinet actuel a fait ce qu'il devait faire : il a présenté à la chambre, dès qu'elle s'est réunie, un projet de loi de crédit supplémentaire ; il ne pouvait pas faire plus. Mais qu'arriverait-il si la chambre rejetait ce crédit ? Ce serait un blâme, ou, si l'on veut, une pénalité ; ce serait en quelque sorte une amende que devraient payer les ministres qui ont contresigne les arrêtés par lesquels ont été conférées les décorations.

Or, il faut en convenir, on ne pourrait pas faire peser cette pénalité sur les ministres qui sont restés bien au-dessous de ce que, proportion, gardée, il leur était permis de dépenser pour cet objet. Ils ont été à la tête des affaires, en 1847, pendant 4 mois 20 jours ; ils pouvaient dépenser plus du tiers du crédit, ou 3,810 fr. ; les décorations qui ont été accordées pendant ce laps de temps n'ont coûté que 1,081 fr. Ils sont restés bien au-dessous des limites qu'il leur était permis d'atteindre. Les observations de l'honorable préopinant ne sont donc nullement applicables au ministère actuel.

(page 611) M. Verhaegen. - Les critiques dont la demande d'allocation supplémentaire a été l'objet ne sont pas de nature, comme l'a craint l'honorable M. de T'Serclaes, à jeter du discrédit sur l’ordre de Léopold ; au contraire, je prétends qu'elles sont de nature à rehausser l'ordre. En forçant le gouvernement à être moins prodigue dans la collation des décorations, on fera attacher plus de prix à cette distinction.

Messieurs, il faut bien dire à cet égard toute ma pensée. Aujourd'hui tout le monde est décoré ; et bientôt la véritable distinction sera de ne pas avoir de décoration. C’est à ce point de vue que je considère les choses, et je maintiens ce que j'ai eu l'honneur d'avancer, que les observations critiques sont plutôt de nature à rehausser l'ordre de Léopold.

Messieurs, mon honorable ami M. Delfosse vous a dit, et j'irai même plus loin que lui, qu'il serait inconcevable d'accorder un crédit supplémentaire pour encourager la corruption électorale. Je dirai que ce serait une immoralité ; et ici je réponds à l'honorable M. de Theux qui nous disait tantôt que jamais des décorations n'ont été données pour des services électoraux. Je lui répondrai qu'il s'est trompé, et que s'il voulait se rappeler quelques-unes de ces décorations données, non pas seulement la veille ou le lendemain des élections, mais le jour même, il ne tiendrait pas ce langage. Je me rappelle, et ici j'aurai l'honneur de rafraîchir la mémoire de quelques-uns de mes honorables collègues, qu'en 1845, au mois de juin, lorsque le gouvernement d'alors combattait l'élection, dans l'arrondissement de Nivelles, d'un honorable membre qui siège aujourd'hui parmi vous, on avait mis tout en œuvre, on avait mis en campagne tous les employés de l'administration des finances, et ce fut alors que certain employé de cette administration, un inspecteur, si je ne me trompe, qui avait rempli son rôle à la satisfaction du gouvernement, fut décoré par arrêté du jour même, signé à quatre heures de l'après-midi.

Messieurs, ce n'est pas seulement pour des services électoraux qu'on a donné des décorations. Cette distinction qu'on voudrait voir respecter, mais, vous vous le rappelez tous, elle a été donnée comme une simple commission d'un emprunt pour Guatemala. Vous le savez, il y a eu, dans cette occasion, deux décorations données, mais on n'a pas osé insérer l'une des deux dans le Moniteur.

Qu'on ne vienne donc pas dans cette enceinte nous donner des démentis. Des décorations ont été données comme ressorts de corruption et d'intrigue ; et quand on dépasse le crédit qui a été alloué pour atteindre un pareil résultat, je crois que le seul moyen de rappeler le gouvernement à ses devoirs, c'est de laisser pour son compte la somme excédant le crédit porté au budget.

Messieurs, comme on vous l'a fort bien dit, la circonstance est favorable pour prendre une semblable mesure, parce que la somme n'est pas trop forte. Si elle était trop élevée, l'exécution ne la mesure que nous appuyons deviendrait, dans certaines circonstances, impossible.

Au reste, messieurs, nous trouvons ailleurs des exemples de pareilles mesures. Vous vous rappelez qu'en France, en 1829, lorsqu'il s'est agi d'apurer les comptes des années précédentes, on trouva que M. de Peyronnet avait fait une dépense assez considérable, je crois qu'elle était d'une quarantaine de mille francs, pour une salle à dîner. On raya cette somme des comptes et on la laissa à charge de M. de Peyronnet.

C'est ce qu'on vous propose de faire dans cette circonstance. L'ordre de Léopold, croyez-le bien, n'y perdra rien, et la leçon qui sera donnée aura une grande utilité. La dignité de l'ordre, je le dis encore, ne pourra qu'y gagner. Moins il y aura de décorations, et plus elles auront de l'importance.

Je pense donc que la chambre fera chose très sage que de se rallier à la conclusion de la section centrale ; et pour mon compte, en le faisant, je croirai avoir rempli un devoir de bon citoyen.

M. Tielemans. - Messieurs, je me demande où nous conduira le vote que la section centrale provoque. L'honorable M. Dechamps vous a adressé une question extrêmement simple ; il vous a demandé : En définitive, qui payera? L'honorable M. Osy lui a répondu que les ministres payeraient, parce qu'ils sont responsables. C'est aussi mon avis ; tout ministre est tenu, sous sa responsabilité, de ne pas dépasser les crédits alloués. L'ancien ministère payera donc.

Mais comment payera-t-il ? Et voyons où notre vote nous conduira. C'est là une question très grave, et sur laquelle je vous demande d'appeler un instant votre attention.

Messieurs, la dépense est faite ; il y a des créanciers qui doivent être payés de cette dépense. Ils s'adresseront à l'Etat, parce que c'est à l'Etat qu'ils ont fourni, parce que c'est l'Etat qui est censé en possession des objets livrés. Il a eu beau les remettre à des personnes du pays ou à des personnes étrangères, il n'en est pas moins vrai que l'Etat est censé en possession des objets fournis. On demandera donc d'abord payement à l'Etat, et l'Etat sera condamné à payer.

L'Etat aura, j'en conviens, son recours contre le ministre. Mais comment les ministres, à leur tour, seront-ils traduits en justice pour avoir excédé le crédit voté par les chambres? Il ne faudra ni plus ni moins qu'une mise en accusation ; et je vous demande si votre intention est de porter un vote qui ait cette conséquence?

Je ne connais pas d'autre moyen de procéder que celui-là. Les créanciers s'adresseront à l'Etat. L'Etat sera condamné à payer. L'Etat aura son recours contre les ministres par la voie de la responsabilité ministérielle. Voilà la portée du vote. Pour moi, je l'accepte, mais je veux que tout le monde en soit averti.

M. Mercier. - Je crois de mon devoir de déclarer à la chambre que l'honorable M. Verhaegen est dans l'erreur, quand il pense que la décoration accordée à un fonctionnaire qu'il a indiqué lui aurait été décernée pour services électoraux ; j'affirme sur l'honneur que la décoration à laquelle il a été fait allusion était promise à cet honorable fonctionnaire par M. le ministre de l'intérieur, plus d'un an avant les élections, pour les services qu'il avait rendus en qualité de colonel de la garde civique ; plusieurs décorations ont été décernés, à différentes époques, pour de semblables services. La coïncidence des dates, signalée par l’honorable député de Bruxelles, peut être fâcheuse, puisqu’elle a donné lieu à des observations ; cependant je ferai observer que s'il se fût agi, comme on l'a supposé, de stimuler le zèle électoral d'un fonctionnaire, on eût été assez maladroit de ne prendre l'arrêté qui accorde la décoration que le jour même de l'élection. Du reste, je l'affirme de nouveau, ce fait est complètement étranger aux élections de l'arrondissement de Nivelles.

M. Delfosse. - Je dois dire un mot en réponse à l'honorable M. Tielemans. Si l'observation de l'honorable membre pouvait être prise en considération, il en résulterait que la chambre ne pourrait rejeter aucune demande de crédit supplémentaire. Une opinion qui conduit à ce résultat, que la chambre serait forcée d'admettre toutes les demandes de crédits supplémentaires présentés par le gouvernement, ne peut pas être admise ; elle est bien certainement fausse.

L'honorable M. Tielemans paraît croire qu'on ne peut avoir raison d'un ministre qui a mal géré, qu'au moyen d'une mise en accusation. C'est une erreur : la mise en accusation doit être réservée pour des cas graves, pour des faits que l'on peut qualifier de crimes ; mais le droit qu'a la chambre de mettre les ministres en accusation ne préjudicie en aucune manière à la responsabilité pécuniaire qui peut peser sur eux. Il est certain qu'un ministre qui dépasse sans motifs plausibles le mandat qu'il a reçu des chambres peut être pécuniairement responsable. C'est là une doctrine qui n'a jamais été contestée et dont la chambre française, l'honorable M. Verhaegen vous l'a dit tantôt, a fait l'application à M. de Peyronnet.

(page 613) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ainsi, messieurs, que l'a fait observer noire honorable collègue des affaires étrangères, le cabinet actuel peut se considérer comme tout à fait désintéressé dans la question soulevée devant vous. La chambre comprendra qu'un sentiment de convenance nous engage à combattre les propositions de la section centrale ; toutefois en votant contre cette proposition nous n'entendons pas approuver explicitement ou implicitement ce qui a pu être fait par les administrations précédentes dans la collation d'un certain nombre de décorations. Nous croyons que, sous ce rapport, il y a eu, à diverses époques, des abus véritables.

Nous croyons, en outre, qu'il y a eu à diverses époques des coïncidences fâcheuses. Certains services, oubliés jusque-là, ont paru tout à coup se révéler à quelques jours de date des élections, notamment dans certains districts où les ministres qui avaient les décorations dans leurs attributions, étaient portés et étaient combattus.

Nous croyons que ces coïncidences étaient fâcheuses, et nous n'entendons pas approuver aujourd'hui ce que nous avons blâmé, ce que bien certainement nous aurions blâmé si nous étions resté dans les rangs de l'opposition.

L'honorable M. Dechamps a pensé que cette matière était d'une nature délicate, trop délicate, en quelque sorte, pour être soumise, de la part de la chambre, à un examen sévère ; il a cru voir dans la collation des décorations une prérogative plus ou moins personnelle de Sa Majesté. Messieurs, nous ne partageons pas l'opinion de l'honorable M. Dechamps à cet égard ; nous croyons que l'acte qui consiste à conférer une décoration ou un titre de noblesse à un citoyen belge ou à un citoyen étranger, que cet acte rentre très directement dans les matières sur lesquelles la chambre peut exprimer un jugement et un blâme.

Aucune de ces décorations, aucun de ces titres ne peut être conféré sans le contreseing ministériel, sans la responsabilité ministérielle et, en conséquence, le ministère doit rendre compte à la chambre de tous les actes ainsi posés. Nous ne connaissons point, en cette matière, d'acte qui puisse échapper à la responsabilité d'un ministre. Je ne puis donc, pour ma part, je ne puis donc point blâmer les observations très justes, à beaucoup d'égards, présentées par plusieurs de mes honorables amis relativement à certaines décorations dont il a été fait un éclatant, un regrettable abus. Seulement la chambre comprendra que le ministère actuel ne peut point, sans manquer en quelque sorte aux convenances, s'associer à la proposition faite par la section centrale. Il votera donc contre cette proposition.

(page 611) M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je déclarerai la discussion close sur l'ensemble de l'article.

Plusieurs membres. - La division ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). – J’ai des observations à présenter sur la rédaction que la section centrale propose au deuxième paragraphe.

M. le président. - Je mettrai aux voix la division.

- La division est adoptée.


« § 1er. 1,777 fr., à l'article 4 du chapitre premier : Pensions des fonctionnaires, employés, et gens de service. »

- Adopté.

« § 2. 19,000 fr. à l'article 7 : Livraison de bijoux, rubans, etc. (décorations de l'ordre de Léopold). »

Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

62 membres ont répondu à l'appel.

34 ont répondu oui.

28 ont répondu non.

En conséquence, le chiffre est adopté.

Ont répondu oui : MM. de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, d'Huart, Fallon, Frère-Orban, Lejeune, Liedts, Mercier, Orban, Pirmez, Raikem, Rodenbach, Rogier, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandensteen. Veydt, Vilain XIIII, Zoude, d'Anethan, Dechamps, de Chimay, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem.

Ont répondu non : MM. Delfosse, Desaive, Destriveaux, de Tornaco, de Villegas, Eenens, Henry-Vispoel, Jonet, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Moreau, Osy, Sigart, Tielemans, Tremouroux, Van Cleemputte, Verhaegen, Anspach, Bricourt, Broquet-Goblet, Cans, Dautrebande, David, de Bonne, de Breyne, de Garcia de la Vega.

La suite de la discussion est remise à demain.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.

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