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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 15 février 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 827) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 1 heure.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée. Il présente ensuite l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Bertin, notaire à Poperinghe, présente des observations concernant le projet de loi sur le notariat. »

« Le sieur Minnaert, notaire à Maria-Lierde, présente des observations contre l'amendement au projet de loi sur le notariat, qui établit une incompatibilité entre les fonctions de notaire et celles de secrétaire communal. »

« Le sieur Thisquen, notaire à Limbourg, demande que les notaires puissent instrumenter dans tout l'arrondissement auquel ils appartiennent. »

« Le sieur de Damseaux, notaire à Verviers, demande que les fonctions de notaire ne soient pas déclarées incompatibles avec celles de receveur des hospices, ou du moins que semblable disposition n'ait pas d’effet rétroactif. »

« Même demande de plusieurs autres notaires de la province de Liège, qui l'appliquent en outre aux fonctions de receveur des bureaux de bienfaisance.»

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Plusieurs habitants de Gheel réclament l'intervention de la chambre pour obtenir l'indemnité qui leur revient du chef des terrains expropriés lors delà construction du grand canal du Nord. »


« L'administration communale de Reeth réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le payement de ce qui revient aux habitants de cette commune du chef de logement de troupes hollandaises en 1830. »


« Plusieurs habitants d'Anderlecht demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Neerpelt demande le rétablissement des droits d'entrée sur le bétail. »

« Même demande de plusieurs habitants d'Overpelt et des administrations communales de Grand-Brogel et d'Eelen. »

- Renvoi à la commission d'industrie.


« Plusieurs habitants de Tongres prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.


« Les notaires ruraux des trois cantons judiciaires de Courtray demandent que tout notaire puisse instrumenter dans l'étendue du canton de sa résidence. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


Il est fait hommage à la chambre, par M. Jobard, de deux exemplaires de la 4ème livraison de 1847 du Bulletin du Musée de l'industrie.

- Dépôt à la bibliothèque.

Motion d'ordre

Annales parlementaires

M. Orban. - Je prierai M. le ministre de la justice de vouloir bien nous dire si, conformément aux promesses qu'il a faites, lors de la discussion de son budget, il a pris des mesures pour rendre possible l’abonnement aux Annales parlementaires seules ; j'ai reçu des demandes à ce sujet, notamment de différents notaires qui auraient voulu se procurer la discussion de la loi sur le notariat. Je me suis trouvé dans l'impossibilité de leur répondre ; je prie M. le ministre de vouloir bien donner les renseignements que j'ai l'honneur de lui demander.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - J'ai pris des mesures pour satisfaire à la demande dont vient de parler l'honorable M. Orban, et je pense qu'incessamment le désir qu’il vient d'exprimer pourra être rempli.

M. d'Anethan. - On ne peut pas avoir maintenant les Annales séparément.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je ferai en sorte qu'on puisse les avoir.

Projet de loi organisant le notariat

Discussion générale

M. Broquet-Goblet. - Messieurs, la sensation qu'a faite dans le pays le projet de loi qui nous est soumis, et les nombreuses réclamations qui nous arrivent de toute part, nous disent assez l'importance de l'objet dont la chambre a à s'occuper en ce moment. Si les modifications à la loi de ventôse se fussent bornées à ce qui touche l'intérêt public, croyons-le bien, nous n'eussions pas vu cette effervescence qui existe aujourd'hui dans une des classes les plus importantes de la société. Mais les modifications qui nous sont soumises touchent des questions d'intérêt privé, elles divisent le corps respectable des notaires en deux camps, elles donnent des espérances aux uns, des craintes aux autres ; et tout cela dans quel but ? Je dois avouer, messieurs, que jusqu'ici je l'ai vainement cherché. Quant à moi, je déplore sincèrement que l'idée soit venue à l'un ou l'autre de nos gouvernants de toucher au ressort des notaires. Le notariat avec son organisation actuelle, quant au ressort, fonctionne depuis plus d'un demi-siècle ; l'intérêt public en a-t-il reçu la moindre atteinte ? Jusqu'ici je ne pense pas qu'aucune plainte ait été faite sous ce rapport. L'intérêt public n'exigeait donc aucune modification sur ce point. Mais, dira-t-on, l'intérêt privé se plaignait vivement de cet état de choses, j'aime à croire, messieurs, qu'il en soit ainsi, quoique je sache le contraire pour ce qui concerne mon arrondissement. Eh bien ! suffirait-il des plaintes de quelques intéressés pour décider à jeter la perturbation dans tout le corps dont ils font partie ?

D'ailleurs, si l'on n'avait voulu que faire justice à des plaintes, on se serait donné la peine d'examiner si elles étaient fondées ; on se serait demandé sous l'empire de quelle loi les notaires qui se prétendent lésés par l'organisation de ventôse, ont été nommés. N’est-ce pas sous l'empire de cette même loi de ventôse ? Ne savaient-ils pas d'avance que leurs fonctions consisteraient à instrumenter dans leur canton ? N'ont-ils pas regardé leur nomination comme une faveur, quoique restreinte dans ces limites ? Eussent-ils été fondés alors à se plaindre, dans leur intérêt privé, des conséquences de l'organisation telle qu'elle existe ? Non, bien certainement. Et dès lors quel événement est venu, depuis cette nomination, changer la nature de ces plaintes ? Si la position est la même, on doit en conclure que ces plaintes ne sont pas plus fondées aujourd'hui, de la part des notaires cantonaux, qu'elles l'eussent été lors de leur nomination.

Or, messieurs, si l'intérêt public ne demandait pas la modification proposée au ressort des notaires, si les plaintes de l'intérêt privé n'étaient pas fondées, il n'y avait aucun motif pour venir jeter ce brandon de discorde dans un corps composé de toutes personnes faites pour s’estimer et se soutenir mutuellement ; et j'aime à croire que vous déplorerez avec moi les malheureuses conséquences de cette fatale résolution.

Outre ce qui concerne le ressort des notaires, M. le ministre de la justice vous a dit que le projet de loi contenait encore deux modifications, l'une concernant le nombre des notaires, l'autre contenant le stage et l'examen. Quant à la première, le projet de loi, comme loi de ventôse, propose un nombre de notaires à déterminer par le gouvernement ; des deux côtés il y a un maximum et un minimum, d'après les besoins des localités. Mais la base qui sert à la fixation est différente.

Quant à moi, messieurs, je ne veux ni de l'une ni de l'autre disposition. Je m'explique la disposition de la loi de ventôse par l'époque où elle a été prise ; il s'agissait alors d'organiser, et l'on n'avait aucunes données sur le nombre de notaires que chaque localité exigeait. Mais en est-il de même aujourd'hui ? Ne connaît-on pas maintenant le nombre de notaires qu'exigent les besoins de chaque canton ? Et alors pourquoi ne pas joindre à la loi proposée un tableau définitif des notaires, tableau qui ne pourrait être changé que par la législature ? On prouverait ainsi au notariat en général qu'on lui porte un véritable intérêt ; on le mettrait à l'abri de ces incertitudes qui naissent de l'adjonction arbitraire de notaires, adjonction qui le plus souvent n'a rien moins que l'intérêt public pour, mobile. Je crois donc, messieurs, que pour donner au notariat les garanties de stabilité auxquelles il a droit, la législature doit fixer elle-même le nombre des notaires d'après le tableau qui lui sera présenté par le gouvernement.

(page 828) Quant à la troisième modification dont parle M. le ministre de la justice, je regrette également de ne pouvoir y donner mon adhésion ; la disposition qui concerne la formation du jury d'examen des candidats notaires me paraît inopportune, au moment où l’on va s'occuper du jury d'examen en général. Cette dernière question, comme l'a très bien observé l'honorable M. Verhaegen, paraît trop importante pour que l'on puisse en quelque sorte la préjuger, dans une discussion incidente à un projet de loi. Mais en m'abstenant sur ce point, je dois dire cependant que je pense qu'il y a utilité à modifier ce qui existe quant au mode d'obtention des certificats, et que l'idée de confier les examens à un jury dans lequel le notariat aurait sa large part, me paraît devoir produire de bons résultats.

En résumé, messieurs, d'après les motifs que je viens d'avoir l'honneur de vous exposer, je voterai contre toute modification au ressort actuel des notaires ; je voterai contre toute disposition tendant à laisser le nombre de notaires à l'arbitraire du gouvernement. Quant aux autres dispositions du projet, j'attendrai la discussion des articles pour me prononcer.

M. Van Cutsem. - Messieurs, la loi du 25 ventôse an XI, qui régit depuis quarante-cinq ans environ le notariat en Belgique, remplaça la loi française du 29 septembre 1791, publiée en Belgique le 29 mai 1796 ; ce fut cette loi qui, la première, après la grande révolution de 89, régénéra les fonctions de notaire dans ces deux pays. Jusqu'à la promulgation de la loi de 1791, les noms, les attributions et la juridiction des officiers publics que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de notaires n'avaient rien d'uniforme ; on les appelait notaires royaux, notaires apostoliques, tabellions, garde-notes, clercs du sceau, hommes de fiefs, échevins lettrés, etc., etc. Les uns donnaient aux actes l'authenticité pleine, les autres une authenticité plus restreinte, enfin d'autres encore ne faisaient leurs actes qu'avec un commencement d'authenticité.

Quelques-uns de ces officiers publics pouvaient instrumenter dans différentes provinces, d'autres dans une ville seulement, d'autres dans plusieurs villages, d'autres enfin dans une seule commune.

Le législateur de l'assemblée nationale constituante fit disparaître, par sa loi de 1791, cet étal de choses. Il déclara, à l'article premier de cette loi, que la vénalité et l'hérédité des offices royaux de notaires, tabellions, clercs aux inventaires, notaires connus en quelques lieux sous le nom de greffiers, ou sous toute autre dénomination que ce fut, étaient abolies ; à l'article 2, que les offices de notaires ou tabellions authentiques, seigneuriaux, apostoliques et tous autres officiers du même genre, sous quelque dénomination qu'ils existassent, étaient supprimés ; à son article 3, que ces divers officiers seraient remplacés par des notaires publics, dont l’établissement serait formé pour le présent et pour l'avenir, ainsi qu'il serait dit au titre premier, section première de la loi.

Par cet article le législateur dirait, qu'il serait établi dans le royaume des fonctionnaires publics chargés de recevoir tous les actes qui étaient du ressort des notaires royaux et autres, et de leur donner le caractère d'authenticité attaché aux actes publics ; par l'article 11 il statuait qu'ils ne pourraient exercer leurs fonctions hors des limites des départements dans lesquels ils seraient placés, en permettant toutefois aux notaires du même département d'exercer concurremment entre eux dans toute son étendue.

Cette loi exista en France pendant douze ans, et en Belgique à peu près pendant sept ans.

L'article 5 de la loi du 25 ventôse an XI modifie l'uniformité de juridiction pour tous les notaires, d'après les uns, parce que cette uniformité donnait lieu au vagabondage de certains notaires, d'après les autres pour donner à Bonaparte premier consul, par l'établissement de catégories dans la bourgeoisie, un premier point d'appui pour poser les autres étages de l'édifice impérial.

Sans trop m'arrêter aux motifs qui déterminèrent le législateur de l'an XI à changer l'uniformité du ressort notarial, je dirai que cette loi créa trois classes de notaires, ceux des villes où est établi le tribunal d'appel, qui peuvent instrumenter dans le ressort de la cour d'appel, ceux des villes où il n'y a qu'un tribunal de première instance qui peuvent fonctionner dans l'étendue du ressort de ce tribunal et ceux des autres communes, qui ne dressent leurs actes authentiques que dans l'étendue du ressort du tribunal de paix.

La loi de ventôse, qui divise les notaires en trois classes, a existé en Prusse jusqu'au 25 avril 1822, époque à laquelle une ordonnance royale a déclaré que les notaires exerceraient leurs fonctions dans tout l'arrondissement du tribunal dans lequel ils ont leur résidence ; dans le Luxembourg jusqu'à la promulgation de l'ordonnance du 3 octobre 1841, qui décide que les notaires exercent leurs fonctions dans tout l'arrondissement de leur résidence ; en Hollande jusqu'à la loi du 9 juillet 1842, qui veut que les notaires exercent leurs fonctions dans toute l'étendue de l'arrondissement dans lequel leur résidence est fixée ; en France, elle est encore en vigueur, et ceux qui ont voulu l'y réformer ont été repoussés en 1831 par un ordre du jour dans les deux chambres ; en Belgique, le gouvernement nous propose de modifier la loi de ventôse dans plusieurs de ses dispositions essentielles, la diversité des classes, le nombre des notaires à nommer, la manière de constater la capacité des candidats notaires, les formalités à suivre pour suspendre provisoirement ou définitivement un notaire qui se trouvera dans l'incapacité morale ou physique de remplir ses fonctions. Je vais examiner cette proposition de réforme d'une manière générale dans la discussion qui est ouverte en ce moment, me réservant de soutenir ou de combattre chaque disposition à chaque article particulier.

M. le ministre de la justice vous propose de remplacer les trois différents ressorts notariaux de la loi de ventôse par un double ressort qui, pour les notaires dont la résidence est établie au chef-lieu d'arrondissement, s'étendrait à tout l'arrondissement ; pour les notaires cantonaux à tout l'arrondissement moins le chef-lieu ; en permettant de plus à tous les notaires sans distinction d'instrumenter dans tout le ressort de la cour d'appel avec l'autorisation de la cour lorsque les parties le réclament.

La proposition de changer la circonscription territoriale réglée par la loi de ventôse a été sans doute motivée par de graves abus auxquels avait donné lieu en Belgique la classification déterminée par cette loi ; les intéressés autres que les notaires, les candidats notaires et les clercs de notaires avaient probablement fait de vives réclamations contre cette division de notaires en trois classes, lorsque l'honorable M. Lebeau, alors ministre de la justice, proposa de modifier cet état de choses ; on serait porté à le croire, cependant il n'en est rien.

Les réformes à la loi de ventôse furent proposées par l'honorable M. Lebeau accessoirement le 22 février 1834, dans le projet de loi sur la circonscription cantonale, et c'est seulement depuis la présentation de ce projet que le notariat en entier s'est ému, et que nous avons vu dans ce contact d'intérêts divers auxquels les propositions du projet de loi donnaient lieu, l'espoir et la crainte des notaires des ressorts des cours d'appel, des chefs-lieux d’arrondissement, des cantons, des candidats notaires et des clercs de notaires se manifester selon la nature de leurs prétentions.

Les premiers nous ont demandé par de nombreuses pétitions de ne rien changer à la loi de ventôse ; les seconds nous ont prié de maintenir la loi de ventôse en interdisant aux notaires des chefs-lieux des cours d'appel d'agir hors de leurs arrondissements ; les notaires de cantons en grand nombre ont demandé à devenir notaires d'arrondissement ; d'autres ont réclamé le statu quo ; les candidats notaires et les clercs de notaire ont cherché à établir qu'il y avait pénurie de notaires en Belgique ; il n'y a que ceux qui se servent du ministère des notaires qui n'ont rien sollicité de la législature ; c'est cependant pour eux que le notariat a été institué et les notaires qui réclament ne sont que les instruments dont le législateur s'est servi pour satisfaire à leurs besoins. Si la société dont le notariat embrasse les plus vastes intérêts n'a pas senti jusqu'à présent le besoin de voir changer la circonscription territoriale dans laquelle les notaires peuvent lui prêter leur ministère, parce que ceux-ci lui ont suffi pour les rendre dépositaires de ses secrets, pour lui donner des conseils dans ses projets et spéculations, pour l'éclairer sur le mérite et les conséquences de ses conventions, pourquoi allons-nous changer un pareil état de choses ? On doit le changer, disent ceux qui veulent le modifier, parce que l'utilité des habitants exige que tout citoyen puisse en tous lieux faire venir près de lui son conseil, le dépositaire de ses secrets, de sa fortune, l'homme qui connaît souvent mieux que lui-même l'ensemble et le détail de tous ses intérêts ; on doit modifier cet état de choses parce que la loi d'organisation du notariat n'est plus en harmonie avec nos institutions libérales et enfin parce qu'elle crée des distinctions entre des hommes qui avec un savoir égal doivent rendre les mêmes services à la société.

S'il y a, dans les raisons que je viens de vous signaler, quelques motifs pour modifier la loi, ne peut-on pas dire aussi, pour soutenir la classification établie par la loi de ventôse, que les notaires n'ont pas été institués pour être au service d'un seul et pour se rendre immédiatement là où cette personne voudrait les mener ; n'étant pas faits pour un seul, si ces notaires pouvaient instrumenter dans tout le pays, ou dans tout un arrondissement, que ferait un notaire si dix personnes à la fois réclamaient son service, que deviendrait le testateur sur son lit de mort pendant que son notaire de confiance voyagerait à l'extrémité de l'arrondissement, pendant que les autres notaires du lieu de son domicile et des résidences voisines prêteraient également leur ministère à des hommes qui, éloignés de leurs domiciles, n'ont confiance et exclusivement confiance qu'en eux ? Le testateur n'aurait dans de pareilles circonstances qu'à mourir ab intestat.

Avec la classification de tous les notaires par cantons, de tels faits, ne sont pas à redouter ; en effet, il est peu de cantons où on ne puisse au bout d'une heure et de moins de temps encore, trouver un des notaires en résidence dans cette circonscription judiciaire.

N'est-il pas vrai aussi que ce ne sera que par exception qu'un notaire étranger au canton traitera mieux une affaire que le notaire de la localité, puisque le notaire qui est sur les lieux, connaissant le canton, la valeur des biens qui y sont situés, la moralité, la solvabilité et le genre d'affaires des personnes auxquelles il a à prêter son ministère, les fera mieux que l'étranger ? Ne peut-on pas ajouter que le notaire qui se portera de l'une partie de l'arrondissement à l'autre, ne pourra pas en connaître les ressources et le personnel, comme celui qui exerce sa profession dans un cercle plus restreint ? Messieurs, ne peut-on pas dire aussi aujourd'hui, que les connaissances des notaires de canton, des notaires d'arrondissements et des notaires des ressorts des cours d'appel, si elles sont les mêmes en théorie, ne sont pas les mêmes en pratique ? En effet, le notaire placé au chef-lieu de l'arrondissement a l'occasion de traiter des affaires bien plus compliquées, bien plus difficiles que ceux des cantons.

On peut donc, messieurs, donner bien des motifs plausibles pour maintenir la classification établie par la loi de ventôse ; on peut en donner de bien fondés aussi pour modifier cette classification ; toutefois je vous avouerai franchement qu'en rapport journalier avec le corps des notaires depuis dix-huit ans, j'ai bien du mal à porter la main à la loi de ventôse, bien entendu, quant à ce qui concerne ses dispositions principales, à cette loi à la confection de laquelle des hommes hors ligne, de célèbres législateurs, ont apporté tant de soins, et qu'une expérience de presque un demi-siècle a consacrée.

(page 829) Autant que personne, j'aime l'égalité là où elle est possible, là où elle est avantageuse à ceux auxquels on l'accorde et à ceux dont ils sont appelés à faire les affaires et à défendre les intérêts ; mais, messieurs, est-il bien certain que toute espèce d'égalité entre les notaires sera avantageuse à ce corps digne de toute notre sollicitude et à ceux qui doivent recourir à leur ministère ? Je ne le pense pas. Je crois, en effet, qu'une loi qui fixerait la circonscription notariale par arrondissement créerait dans le notariat une concurrence nuisible au notaire honnête et studieux, avantageux seulement au notaire intriguant et remuant ; aussi je préférerais, en admettant l'égalité entre tous les notaires, les circonscrire dans leurs cantons respectifs, en permettant aux notaires des chefs-lieux d'instrumenter dans les divers cantons de justice de paix dont le chef-lieu fait partie.

On vient nous dire que la compétence des notaires a besoin d'être établie sur une plus vaste échelle, qu'ils ne doivent pas avoir d'autres limites que la province, comme sous la loi de 91, ou au moins l'arrondissement judiciaire, pour que chaque particulier puisse prendre le notaire de son choix, et quand nous recourons au passé, nous trouvons que ceux qui ont pu prendre les notaires hors des cantons où ils avaient des affaires à traiter, ont usé rarement de cette faculté, que les vingt notaires, par exemple, du ressort de la cour d'appel de Bruxelles ne sont pas appelés, chacun, trois fois par an à instrumenter hors de leur arrondissement judiciaire, et que les notaires d'arrondissement ne font guère plus d'actes hors du chef-lieu de leurs résidences.

Ces chiffres prouvent sans doute, beaucoup mieux que tout ce que nous pourrions alléguer, que c'est bien à tort qu'on argumente de la volonté des intéressés, de ceux qui ont des actes à faire, pour augmenter la circonscription actuelle des notaires de cantons.

Ne dissimulons donc pas notre pensée, donnons-la tout entière sans arrière-pensée, sans nous occuper des notaires électeurs et disons ouvertement que l'égalité du ressort n'enlèvera pas grand chose aux notaires des chefs-lieux des cours d'appel, aux notaires des chefs-lieux d'arrondissement, qu'elle ne donnera presque rien aux notaires cantonaux qui se respecteront et qu'elle les exposera tous à être les victimes de quelques félons qui exploiteront le notariat comme une marchandise à l'aide d'agents d'affaires qui ouvriront des bureaux dans toutes les parties du pays où les notaires nomades viendront apposer leurs signatures au bas des actes que ces hommes auront préparés.

Que la législature fasse une loi pour empêcher les agents d'affaires de s'immiscer dans les attributions du notarial, des dispositions de cette nature produiront un effet plus salutaire, plus utile et plus lucratif, que les solutions, peu importe dans quel sens, au point de savoir, si nous aurons une, deux ou trois classes de notaires. Je pense que si cette interdiction eût été proclamée par la loi depuis quelques années, la législature n'aurait pas eu à s'occuper de cette question de classes et des ressorts ; chaque notaire eût trouvé dans sa noble profession des moyens honorables d'existence.

Au lieu de cela, au lieu de supprimer, d'anéantir les agents d'affaires, les projets de loi de l'honorable M. d'Anethan, de l'honorable ministre de la justice et de la section centrale, s'ils sont adoptés par la chambre, augmenteront, je le crains bien, de plus en plus le nombre des agents d'affaires ; que dis-je ? on ne verra plus que des agents d'affaires à la ville et à la campagne ; chacun se mêlera du initier ; dans le principe, les notaires peu délicats, les notaire gâte-métiers seront en relations avec ces agents ; plus tard, le plus grand nombre sera forcé de traiter avec eux pour vivre.

En voilà sans doute bien assez, messieurs, pour maintenir ou la classification de notaires établie par la loi de ventôse, ou, si on la modifie, pour fixer la compétence des notaires par canton ; ce dernier mode me paraît le plus propre à conserver au notariat la considération à laquelle il a droit, et à détruire l'influence des agents d'affaires ; aussi, s'il est mis aux voix, je le voterai de grand cœur.

Si la majorité de la chambre décidait, mettant tous les notaires sur la même ligne, qu'il n'y a pas lieu à circonscrire les notaires par cantons, qu'il ne faut leur donner que l'arrondissement pour limites, j'ose croire qu'en admettant cette disposition elle conservera aux notaires de canton qui ont aujourd'hui le droit d'instrumenter dans une partie du chef-lieu d'arrondissement la prérogative dont ils jouissent depuis près de quarante-cinq ans.

S'il en était autrement, nous leur enlèverions un droit acquis en faveur des notaires privilégiés des chefs-lieux ; sans compensation aucune, vous les priveriez de la partie la plus importante de leurs attributions, en ce qu'ils ne pourraient plus, dans une foule de circonstances, procéder à des ventes publiques ou à des partages d'immeubles dans lesquels seraient intéressés des mineurs ou des interdits, ni instrumenter pour des successions acceptées sous bénéfice d'inventaire, ou des successions vacantes, ou des masses administrées par des syndics.

En effet, toutes les opérations susmentionnées doivent se faire par-devant les juges de paix des cantons de l'ouverture des successions ou des faillites ou de la situation des biens, et s'il est de l'intérêt des parties, ce qui arrive fréquemment, que ces opérations aient lieu au chef-lieu du canton, les notaires dont je vous parle seraient expulsés d'une partie importante de leurs cantons.

Si après cela les juges de paix, dans l'intérêt de leur dignité, entendent que toutes les opérations auxquelles ils doivent présider se fassent, chaque fois que les intérêts des parties n'y incitent pas obstacle, dans leur prétoire, qui doit être au chef-lieu du canton, il y aura des conflits continuels entre les juges de paix et les notaires, conflits qui s'étendront même aux tribunaux.

Les considérations que je développe ici au nom des ayants droit et de l'équité, ont été soumises à la section centrale, et je suppose que puisqu'elles n'ont été combattues par personne, tout le monde aura été de l'avis de celui qui les a faites.

Si la question des ressorts est la plus importante de toutes celles que nous avons à traiter à l'occasion du projet de loi sur l'organisation du notariat, celle du nombre des notaires à nommer en Belgique vient en seconde ligne.

Pour résoudre cette question, nous devons tous être pénétrés de cette idée, que le nombre des notaires doit être en rapport avec les besoins des populations et doit être tel qu'il donne une existence honorable aux notaires. Ce besoin est mieux apprécié par le nombre d'actes dressés dans une circonscription notariale, que par la population de cette circonscription. Quelles sont en effet les circonstances qui font naître les transactions et qui, par suite, exigent un nombre plus ou moins grand de notaires ? Ce n'est pas le chiffre plus ou moins élevé d'une population comme celle des Flandres qui meurt chaque jour de faim et qui n'a pas besoin de notaire pour léguer sa misère à ses proches ou à ses amis, qui peut donner lieu à augmenter les notaires dans ce pays ; ce sont les industries qui pourront y être créées, qui y prospéreront, qui donneront lieu à des conventions entre ceux qui habitent ces malheureuses contrées, qui feront sentir le besoin de nouveaux notaires. Mais en attendant que ces industries arrivent dans nos Flandres, loin de songer à augmenter le nombre des notaires qui y fonctionnent, on pourrait hardiment les réduire de moitié, et il en resterait encore assez pour satisfaire amplement aux besoins du public.

Quoi qu'il en soit, je ne prendrai pas, pour base du nombre des notaires à nommer, la population ; je m'arrêterai à un chiffre d'actes qui donnera aux notaires des campagnes un lucre de quatre mille francs par an, à ceux des chefs-lieux d'arrondissement un bénéfice annuel de six mille francs et à ceux qui habitent les villes des chefs-lieux des cours d'appel ou des tribunaux de première instance de première classe, un gain annuel de dix mille francs, parce qu'à mon avis avec de pareils moyens d'existence un notaire peut avoir dans la société la considération à laquelle ses fonctions lui donnent droit.

Les moyens d'existence ne peuvent seuls donner aux notaires la considération qui leur est indispensable pour exercer leur profession ; une bonne instruction, un savoir étendu leur est encore plus nécessaire que le lucre pour répondre au but que le législateur s'est proposé en leur confiant la mission qu'il leur a donnée dans notre société moderne ; l'âme du notariat, la sauvegarde de l'intérêt social qu'il doit satisfaire, est la capacité jointe à la conduite et à la probité qui sont indispensables dans tous les états, dans toutes les positions. Il faut donc que les connaissances et que la moralité de ceux qui se destinent au notariat soient appréciées d'une manière sérieuse ; et comme je n'en connais pas de meilleure pour apprécier le savoir de l'homme qu'un jury d'examen créé sur des bases d'impartialité, et pour juger su moralité, que l'avis de ceux qui ont intérêt à ne recevoir dans leur corps que celui qui ne le déconsidérera pas par son improbité, j'appuierai la proposition que M. le ministre de la justice nous a faite et qui tend à faire examiner les aspirants au notariat par un jury d’examen à établir au chef-lieu de nos trois cours d'appel. Seulement je demanderai que nul candidat ne puisse obtenir une place de notaire sans avoir reçu un certificat de moralité de la chambre des notaires.

Pour ceux qui savent combien de clercs incapables se sont vu donner des certificats de capable alors que des hommes qui avaient subi leurs examens de docteur en droit avec grande distinction se les sont vu refuser, il ne sera pas un moment douteux qu'à l'avenir d'autres corps que les chambres de notaires doivent juger de l'aptitude des hommes qui sont destinés à recevoir, en entrant dans le notariat, une délégation immédiate de la puissance royale, délégation noble, vaste, embrassant les plus graves intérêts de la société.

J'approuve aussi la disposition du projet qui comble une lacune qui existe dans la loi de ventôse et qui a pour but d'enlever leurs fonctions à des notaires devenus moralement ou physiquement incapables de remplir les devoirs de leurs places. Aussi bien que personnes, ayant rencontré dans l'exercice de mes fonctions, un notaire affaibli par l'âge et les malheurs qui n'avait plus à lui une volonté pour donner sa démission et que sa famille ne voulait pas voir démissionner, j'ai été à même d'apprécier combien il devient urgent pour la société d’avoir à sa disposition des moyens pour enlever son emploi à un pareil notaire. Toutefois je trouve que la disposition qui a pour but de remédier à un pareil abus, n'a pas paré à tout le mal qu'un notaire moralement incapable peut faire à la société, en permettant de le suspendre provisoirement ou définitivement. Le ministère public près des tribunaux de première instance devrait pouvoir prendre des mesures conservatoires, quand il a la conviction que le notaire est atteint d'aliénation mentale ; dans une pareille circonstance, il devrait avoir le droit de faire apposer les scellés sur les minutes du notaire, sauf à signaler dans les trois jours, au tribunal près duquel il est en place, et l'état du notaire et la mesure à laquelle cette position a donné lieu.

Telles sont, messieurs, les observations générales que j'ai cru pouvoir vous soumettre dans la discussion à laquelle nous nous livrons en ce moment, me réservant de vous présenter de nouvelles observations lors de la discussion des articles.

M. Bricourt. - Messieurs, le projet de réorganisation du notarial a donné naissance à deux systèmes : l'un consacre des catégories entre les notaires ; l'autre les place tous sur la même ligne. Et ce dernier système (page 830) peut se diviser en deux branches quant à l'étendue du ressort : faut-il adopter-la circonscription par canton ou par arrondissement ?

Je ne dirai que quelques mots du système des catégories. Je le repousse, dans l'intérêt de la justice, dans l'intérêt de la grande majorité des notaires.

Pourquoi, en effet, accorder à certains notaires une autorité plus grande qu'à d'autres ? Ne doivent-ils pas tous réunir les mêmes conditions d'aptitude et de moralité ? L'examen est le même, les droits et les attributions sont identiques. Il y a plus, les actes qu'ils reçoivent ont la même importance en dehors du chef-lieu que dans le chef-lieu. Les grandes industries s'exercent même le plus souvent loin des centres de population. Et d'ailleurs, l'importance des affaires est une chose toute relative, elle doit se déterminer, avant tout, eu égard à la fortune des parties intéressées. La position privilégiée des notaires des chefs-lieux ne doit donc pas être maintenue, par cela seul qu'elle est un privilège et qu'elle constitue une injustice au détriment des notaires des campagnes.

Mais si tous les notaires doivent être placés sur la même ligne, quelle sera l'étendue du ressort dans lequel ils pourront exercer ? La circonscription se fera-t-elle par canton ou par arrondissement ?

Pour résoudre cette difficulté, il faut, avant tout, consulter le caractère de l'institution du notariat.

Le notaire n'est pas seulement chargé de donner l'authenticité aux conventions des particuliers et de conserver les minutes de leurs actes. Il est encore, par la seule force des choses et indépendamment de toute mission légale, le confident obligé des parties, leur conseil, leur mandataire, leur arbitre et leur conciliateur. C'est assez dire que ces fonctions exigent des conditions rigoureuses de capacité et de moralité de la part de ceux qui en sont revêtus. Elles demandent une discrétion à toute épreuve, une probité à l'abri de tout soupçon et une connaissance assez profonde des lois spéciales sur la matière, du droit civil et des lois en matière d'enregistrement.

Pour que ces fonctions soient recherchées par des hommes vraiment dignes de les remplir, il faut que le notariat soit et demeure toujours une profession honorable, il faut que cette profession assure à ceux qui l'exercent le moyen de vivre et d'élever leur famille dans une certaine aisance.

Dès que le notaire éprouvera les atteintes du besoin, ou dès que ses ressources ne se trouveront plus en rapport avec la dignité de ses fonctions, il est bien à craindre qu'il ne cherche dans l'intrigue les moyens de changer sa position.

Nous en trouvons la preuve dans un pays voisin où la vénalité des offices a produit des résultats si déplorables. Le candidat qui achète l'étude de son patron à un prix très élevé, sans avoir le capital nécessaire pour payer son acquisition, pressé par un engagement hors de proportion avec les bénéfices ordinaires de sa profession, emploie trop souvent des moyens coupables pour satisfaire à des obligations onéreuses.

Il faut donc, avant tout, assurer au notaire une position indépendante, à l'abri du besoin et même de toute inquiétude, car le besoin est un mauvais conseiller, et l'inquiétude trouble l'intelligence et quelquefois la conscience.

Pour atteindre ce but, et pour obtenir de l'institution du notariat tous les avantages qu'elle doit produire, il est indispensable d'établir un ressort unique et ce ressort doit être celui du canton.

Assigner à chaque notaire son canton pour limite à sa compétence, c'est distribuer entre eux les actes d'une manière plus égale et plus équitable, c'est éviter les effets si dangereux d'une honteuse concurrence, c'est leur assurer une existence honorable, et les mettre à l'abri des tentations mauvaises, c'est, en un mot, les rendre plus dignes de la haute mission qui leur est confiée.

Le système qui autorise les notaires à exercer leur ministère dans tout le ressort de l'arrondissement judiciaire, a pour effet d'inviter le notaire à enfreindre l'obligation de la résidence. Il provoque ceux qui sont dans des localités où les actes sont peu nombreux à se porter vers les localités plus riches où le mouvement des affaires est plus considérable.

Le système de la circonscription cantonale, au contraire, empêchera les excursions, les absences fréquentes ou prolongées, les déplacements ; et les notaires cantonaux seront toujours à la disposition des localités auxquelles ils sont plus particulièrement destinés.

Resserrés dans les limites des cantons, les notaires, se trouvant tous les jours en contact avec ceux dont ils doivent gérer les intérêts, et ne pouvant échapper au contrôle de l'opinion publique, chercheront à entourer de la plus grande considération. Leur conduite sera connue de tous leurs concitoyens, et la confiance de ceux-ci sera réfléchie et libre.

Il y a plus, pour être à même dépendre tous les services que l'on est en droit de réclamer d'eux, les notaires doivent posséder des connaissances locales que la circonscription par arrondissement ne leur permettrait pas d'acquérir pour toute l'étendue de leur ressort. Ils doivent connaître les familles, les fortunes et les particuliers, le mouvement des affaires, la valeur des propriétés dans chaque localité, etc. Or, ces connaissances ne peuvent s'acquérir que dans un cercle assez restreint.

Mais le plus grand danger d'un ressort trop étendu, c'est la concurrence. L'institution du notariat a été créée exclusivement dans l'intérêt de l’ordre public : les fonctions du notaire sont des fonctions publiques, elles sont une délégation de la souveraineté nationale ; c'est pour cette raison qu'elles ne peuvent être ni cédées, ni tendues, ni faire l'objet d'un trafic. Or, n’est-il pas contraire à la nature et au but de l'institution d'autoriser, de favoriser par la loi, la concurrence dans l'exercice d'un mandat légal, d'une magistrature ?

Etendre le ressort, c'est introduire la spéculation et l'intrigue dans le notariat. Les notaires colporteront leur ministère dans tout l'arrondissement, ils le feront offrir par des agents d'affaires, avec lesquels ils s'associeront au détriment du public et de leur considération.

Le notaire de telle localité qui, soit pour des motifs de parenté, soit pour d'autres motifs, jouira d'une grande influence dans le canton voisin, accaparera des affaires de ses collègues de ce canton, et ceux-ci, pour ne point perdre une clientèle sur laquelle ils croyaient pouvoir compter, offriront leurs services au rabais, et s’ils ne peuvent soutenir la concurrence, ils auront recours peut-être à des combinaisons coupables pour obtenir des affaires.

C'est faire, en un mot, des fonctions du notaire une marchandise qui sera bientôt avilie ; c'est livrer au hasard, à la ruse, à l'intrigue, une institution d'ordre public.

Et ces craintes, messieurs, ne sont pas chimériques. Les membres de cette chambre qui appartiennent à la magistrature inférieure les apprécieront mieux que tous autres.

Ils auront eu dans leur carrière l'occasion d'être témoins des abus que produit la concurrence, ils auront même rencontré des procès qui n'avaient d'autre but que la nomination du notaire.

Les discussions qui ont précédé l'adoption de la loi du 25 ventôse an XI ne sont pas moins concluantes. Elles nous font voir combien étaient unanimes les réclamations qui se sont élevées contre le système de la loi de 1791, reproduit aujourd'hui par le gouvernement.

S'il en était déjà ainsi à cette époque où l'abnégation et le désintéressement étaient si communs, le danger n'est-il pas plus grand, plus certain aujourd'hui que l’égoïsme et la soif des richesses sont à l'ordre du jour ?

Je le dis avec une profonde conviction, le système du gouvernement déconsidérerait le notariat.- Il en ferait un objet de spéculation et d'exploitation. Il exposerait les notaires à la ruine et au déshonneur, et il serait funeste au public dont les intérêts ne seraient plus gérés par des fonctionnaires indépendants et consciencieux.

Une seule objection ayant quelque apparence.de fondement a été formulée contre le ressort cantonal. On a dit qu'il ne fallait point contraindre inutilement la confiance publique, qu'il fallait que le choix des citoyens fût aussi libre que possible, que restreindre ce choix aux seuls notaires du canton était faire violence à la liberté des citoyens.

Il est facile de répondre à cette objection. En supposant que les notaires d'un canton n'inspirent pas une confiance suffisante à un citoyen, ce citoyen ne se déplacera-t-il pas pour aller trouver dans le canton voisin un notaire qui lui offre toutes les garanties nécessaires de savoir et de discrétion ?

Il peut même s'éviter ce déplacement ; car le projet de loi lui donne la faculté de s'adresser à la cour d'appel pour obtenir la désignation d'un notaire étranger au canton.

Il y a néanmoins des actes qui, comme le testament, n'admettent point de délais. Il en est d'autres, comme les inventaires, qui, ayant pour effet d'initier le notaire à tous les secrets d'une famille, exigent une confiance toute particulière.

Si vous voulez tout prévoir, même les cas très exceptionnels, il suffirait, pour ces actes qui requièrent célérité et un haut degré de confiance, d'introduire dans la loi une disposition qui autoriserait tous les notaires de l'arrondissement à recevoir les testaments et à faire les inventaires dans toute l'étendue de l'arrondissement.

Je ne m'occuperai pas de l'objection que les notaires cantonaux pourraient se concerter pour élever leurs honoraires. L'article 27 du projet y répond suffisamment en proposant d'établir, par arrêté royal, un tarif qui déterminerait le taux des honoraires et des vacations des notaires.

Je termine sur ce point en faisant remarquer dans le projet du gouvernement une anomalie singulière. On accorde aux notaires des chefs-lieux le privilège d'instrumenter dans les chefs-lieux à l'exclusion des notaires ruraux en se fondant sur de prétendus droits acquis, et l'on enlève aux notaires ruraux le droit d'instrumenter dans la partie du chef-lieu qui appartient à leur canton, droit qu'ils avaient précédemment. Tant il est vrai qu'une première injustice conduit à une autre injustice !

Je repousse donc le système du gouvernement en tant qu'il consacre des distinctions contraires à la raison, contraires à l’équité ; je repousse le ressort par arrondissement, parce que c'est favoriser la concurrence et l'intrigue, parce que c'est affaiblir la considération et la dignité du notariat et que ce sont les seules bases de la confiance publique.

Il me reste à examiner la disposition du projet de loi qui concerne le nombre des notaires.

J'approuve l'idée émise par le gouvernement d'établir un maximum et un minimum pour le nombre des notaires. On ne peut en effet adopter une base fixe. Il y a des inégalités de toutes sortes dont il faut tenir compte. Il faut avoir égard à la population du canton, à sa richesse, à l'étendue de son territoire, à son industrie, au mouvement des affaires, et surtout au nombre des actes qui y sont passés.

D'après le projet qui nous est présenté, au gouvernement seul appartiendrait le droit de déterminer entre un maximum et un minimum le nombre des notaires, leur placement et leur résidence. Je suis loin de lui (page 831) contester cette prérogative. La législature ne pourrait établir elle-même une répartition qui doit dépendre de la connaissance d'une foule de détails.

Mais, messieurs, il est indispensable de prévenir les abus que le gouvernement pourrait faire de cette faculté. Ce n'est pas que le ministre de la justice actuel ne m'inspire la plus grande confiance. J'ai la conviction qu'il ne fera jamais qu'un légitime usage du droit qui lui serait conféré.

Mais les ministres changent. La confiance dans les hommes publics ne doit jamais faire oublier les principes. Or, je vous l'avoue, je crains que la prérogative réclamée par le gouvernement ne devienne un jour un moyen d'influence électorale. Vous le savez tous, les notaires, par leur position sociale, par leurs relations étendues, ils peuvent agir puissamment dans les élections.

Augmenter ou restreindre le nombre des notaires dans un canton, c'est servir des intérêts que l'on peut utiliser au profit du gouvernement, c’est une menace ou une promesse dont le gouvernement peut disposer pour des vues exclusivement politiques. Il importe de prévenir de semblables abus. On y parviendrait en décidant que le nombre des notaires serait déterminé par le gouvernement dans un délai quelconque, d'une année, par exemple, et qu'après l'expiration de ce délai, aucun changement ne pourrait plus être fait que sur l'avis conforme de la cour d'appel. Lors de la discussion des articles, j'aurai l'honneur de déposer un amendement dans ce sens.

M. de La Coste. - Messieurs, le projet qui vous est présenté embrasse divers points dont l'examen trouvera mieux sa place dans la discussion des articles, comme par exemple les innovations proposées quant à la tenue des registres, à l'obligation de parapher les timbres ; mais, ainsi qu'on vous l'a dit, la discussion générale doit porter sur trois points : la circonscription, le nombre des notaires, les conditions d'admission avec les moyens de constater l'existence de ces conditions.

Je laisserai l'examen des deux premiers points quoique fort importants, et à raison même de leur importance, aux membres de cette assemblée qui ont à cet égard des connaissances pratiques plus étendues et plus positives que celles que je possède ; je me bornerai à demander une explication sur un point qui déjà vient d'être touché par l'honorable préopinant. Entre-t-il dans les vues du ministre, résulte-t-il de la pensée exprimée dans son projet, qu'un notaire qui appartient à un canton du chef-lieu, dont une partie est rurale et qui a sa résidence dans la partie rurale, perde le droit d'instrumenter dans le chef-lieu ? Je crois que cela ne serait pas juste.

Puisque le moyen de conciliation adopté par M. le ministre consiste à conserver partiellement la position des notaires du chef-lieu, il ne peut pas exclure du bénéfice de son principe les notaires qui appartiennent au chef-lieu, mais dont la résidence est dans la partie rurale des cantons qui en dépendent. Du reste, sur le point de la circonscription en général, non plus que sur les autres, je n'ai aucun parti pris ; j'attendrai les lumières de la discussion ; mais je me permettrai de dire que quelques notaires, que l'opinion publique place au premier rang de cette profession, me semblent s'alarmer un peu trop du résultat de nos délibérations ; quel que soit ce résultat, ils conserveront le rang dans lequel la confiance publique les a placés, parce qu'ils conserveront les qualités qui leur donnent droit à cette confiance et qui les honorent.

Messieurs, les observations que j'ai eu principalement en vue de vous présenter concernent le troisième point, c'est-à-dire le jury, et ces observations sont moins l'expression d'une opinion qu'une sorte de motion d'ordre, qu'une demande d'explication et renonciation de quelques doutes.

Messieurs, en motivant hier mon abstention, j'ai appuyé les observations de l'honorable M. Verhaegen et partagé le regret qu'il éprouvait de voir cette question se traiter avant celle du jury universitaire. Je crois en effet, messieurs, qu'il est de l'intérêt de toutes les opinions consciencieuses que les questions importantes soient examinées de la manière la plus propre à y concentrer toutes les lumières. Or, pour cela, il faut qu'elles soient examinées sous toutes leurs faces et non par un petit côté.

Pour cela, il faut d'abord poser le principe général et il faut ensuite passer aux applications particulières, aux exceptions spéciales. Car les applications particulières, les exceptions spéciales ne présentent qu'un petit côté. Voilà pourquoi, messieurs, c'est un vice de raisonnement que de procéder du particulier au général, et je crains que la marche que nous suivons ne prête à ce raisonnement.

Cependant, messieurs, à cet égard la déclaration qu'a faite hier M. le ministre de la justice, à la fin de la séance, m'a rassuré jusqu'à un certain point. Il a déclaré qu’on n’entendait nullement tirer des conclusions de ce qui serait décidé dans cette occasion, pour la question plus générale dont nous aurons à nous occuper dans quelque temps.

D'ailleurs, messieurs, je vois je l’avoue, une certaine différence. Il ne s’agit pas ici d’un jury, ou pour mieux dire d'une commission qui aurait une juridiction au moins indirecte sur la science dans tout son développement, dans son développement qui doit être infini, parce qu'il a pour objet la vérité qui est l'infini ; dans son développement, enfin, sur lequel aucun gouvernement n'a d'autre droit que de le seconder, et auquel il n'a pas celui d'assigner des limites.

Il ne s'agit pas non plus, messieurs, de la science dans ses rapports, possibles et très réels avec des opinions, des croyances sur lesquelles aucun de nous ne reconnaît d'empire qu'à la conviction.

Il s'agit uniquement d'examiner la capacité professionnelle.

Cependant, messieurs, admettre que cette différence est concluante, ce serait déjà entrer dans le fond de la question ; ce serait déjà admettre un préjugé, et c'est ce que je ne veux pas faire.

Mais, messieurs, et vous en jugerez par la question que je vais poser tout à l'heure à M. le ministre de la justice, il est assez difficile d'éviter entièrement les points qui se rattachent à la question générale.

Comme je m'occupe en ce moment de tout ce qui concerne les conditions d'admission, je commencerai par demander à M. le ministre de la justice, quels sont les moyens, dans le système de la loi amendée, de constater l'aptitude morale, la solvabilité, la solidité de ceux qui se présentent pour occuper des places de notaire. Car enfin, la simple aptitude intellectuelle, la simple aptitude professionnelle ne suffisent pas, et des qualités que je viens d'indiquer sont bien plus importantes encore, s'il s'agissait d'établir une comparaison entre des qualités dont la réunion est nécessaire.

Revenant à la question du jury, je demanderai ce que l'on doit entendre, dans le langage des amendements, par le mot « université » : ces trois professeurs des universités ; que doit-on entendre par là ? Je prierai M. le ministre de la justice de s'expliquer à cet égard.

Maintenant, messieurs, je soumettrai à M. le ministre quelques doutes.

Je partirai de la supposition qu'on entend par professeurs des universités, non seulement les professeurs des universités de l'Etat, mais aussi les professeurs des corps universitaires émanant du principe constitutionnel de la liberté d'instruction, et réunissant du reste les conditions, les qualités qui constituent les universités de l'Etat.

Je ferai maintenant deux hypothèses, entre lesquelles M. le ministre de la justice ne paraît pas très décidé. La première, c'est celle d'un seul jury. Je demanderai si la présence des trois professeurs, que je suppose (quoique rien ne le décide dans le projet de loi) pris dans trois universités, doit être considérée comme une garantie pour le candidat qui aurait fait ses études dans une quatrième université.

Si, au contraire, il y a un jury par ressort d'appel, mon doute ne disparaît pas ; mais il prend une autre forme. Je demanderai si ces trois professeurs appartiendront au ressort et alors si leur présence sera une garantie d'impartialité, dans le cas où le jeune homme qui se présenterait devant le jury aurait fait ses études dans un autre ressort, dans une autre université que celle du ressort.

Je demanderai ensuite de quelle nature sera l'examen dont le gouvernement se réserve de poser les bases et sur quelles matières il roulera. Je ne demande pas qu'on spécifie les matières. Mais je désirerais connaître en général les intentions du gouvernement à cet égard et notamment si l'examen sera purement professionnel ou s'il aura plus d'étendue.

Ensuite l'examen sera-t-il le même pour le docteur en droit et pour le jeune homme qui n'aura pas fait d'études, ou qui, ne les ayant pas faites complètes, n'aura pas obtenu le gage que ses études ont été faites avec succès ? Cependant le docteur en droit a dans son diplôme la garantie qu'il a les connaissances judiciaires nécessaires : on n'a plus à lui demander que la preuve qu'il a acquis les connaissances spéciales et surtout les connaissances pratiques, relatives au notariat.

Puisqu'il s'agit principalement de connaissances pratiques, je demanderai encore pourquoi le notariat est si peu représenté dans la commission. J'avoue qu'il y a quelque chose à faire relativement à l'examen des candidats au notariat ; mes observations n'ont pas pour but de repousser entièrement le mode qu'on propose, c'est de bien préciser ce que le gouvernement a en vue.

Maintenant ce sont les chambres de notaires qui examinent, et ces notaires, ainsi réunis, se trouvent souvent dans une position difficile. Ils ont à prononcer sur tout l'avenir d'un jeune homme qui appartient quelquefois par les liens du sang ou de l'amitié à l'un d'entre eux ou à l'un des collègues qu'ils regrettent. J'avoue qu'il n'y a pas là une garantie suffisante à des conditions dont il s'agit de constater l'existence. Je pense donc et je crois qu'ils sentent eux-mêmes qu'il y a, sous ce rapport, quelque chose à faire ; mais faut-il aller si loin que de suspecter, pour ainsi dire, le notariat, que de n'admettre que deux de ses membres dans le jury et de donner la prédominance à des éléments étrangers ? N'aurait-il pas été convenable que les chambres de notaires fussent représentées dans le jury par une sorte de délégation, qu'elles-mêmes participassent au choix de ces notaires qui entreront dans le jury ?

Avant de me prononcer sur cette institution nouvelle, je désirerais avoir des éclaircissements bien positifs de la part du gouvernement sur les questions et sur les doutes que je viens de soumettre à la chambre.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, l'honorable M. de la Coste a posé une première question ; il a demandé si un notaire domicilié dans une commune rurale du canton du chef-lieu serait privé du droit d'instrumenter dans le chef-lieu. Je dois déclarer que c'est là ce qui résulte du texte de l’amendement de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié. Il en résultera, sans doute, un certain préjudice pour les notaires habitant en dehors du chef-lieu ; mais, d'un autre côté, si la chambre se rallie au système de la section centrale, ainsi que l'a fait le gouvernement, ils acquerront le droit d'instrumenter dans toute l'étendue du ressort de l'arrondissement judiciaire, ce qui sera, pour eux, une juste compensation au préjudice qu'ils pourraient essuyer. Du reste je reconnais qu'à cet égard il peut y avoir des opinions divergentes et qu'un amendement pourrait être proposé pour étendre l'exception, aux notaires qui habitent la partie rurale des cantons.

L'honorable M. de La Coste a demandé comment on constaterait l’aptitude (page 832) morale des aspirants au notariat. Je ne sais pas s'il est nécessaire de stipuler quelque chose à cet égard dans la loi. Si la nomination des notaires, comme je le suppose, reste dans les attributions du gouvernement, il s'entourera de tous les renseignements nécessaires pour connaître la moralité des aspirants, il fera ce qu'il fait lorsqu'il s'agit de nommer aux fonctions de la magistrature et à tous les autres emplois : le gouvernement n'est, sous ce rapport, astreint à aucune espèce de règle ; il prend l'avis des fonctionnaires ou il puise ses renseignements aux sources qu'il juge le plus convenables. Je ne sais pas si l'avis d'une chambre de notaires est plus propre à éclairer le gouvernement que celui des fonctionnaires de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, qu'il a l'habitude de consulter.

Au surplus, un règlement d'administration publique déterminera les attributions des chambres de notaires, et je ne verrais pour mon compte aucun inconvénient à ce que ces chambres fussent consultées sur le mérite et par conséquent aussi sur la moralité des candidats, sans que leur avis, d'ailleurs, engageât en aucune manière le gouvernement.

L’honorable M. de la Coste a posé encore différentes questions relativement à la composition du jury qui serait formé pour l'examen des aspirants au notariat.

D'abord, messieurs, l'honorable membre a demandé si les professeurs qui doivent faire partie du jury, ne seraient choisis que dans les universités de l'Etat : j'ai compris que ces professeurs pourraient être choisis dans toutes les universités, comme ils le sont aujourd'hui pour le jury universitaire : je ne crois pas qu'il y ait des motifs suffisants pour borner le choix des professeurs aux universités de l'Etat.

Mais, dit l'honorable membre, si l'aspirant au notariat avait fait ses études dans une autre université que celle qui serait représentée dans le jury, aurait-il des garanties suffisantes ? Je pense qu'il est inutile de répondre à cette question ; il est impossible que toutes les universités soient représentées dans tous les jurys ; il faut assez compter sur la moralité des membres qui en feront partie, pour croire qu'ils seront impartiaux, même vis-à-vis des aspirants, n'auront pas fait leurs études dans l'université à laquelle ils appartiennent.

Pour tout ce qui concerne les examens, un règlement d'administration publique déterminera les matières de l'examen, de manière qu'elles ne s'étendent pas au-delà du cercle dans lequel doivent se renfermer les connaissances nécessaires aux aspirants au notariat.

L'honorable membre a demandé encore pourquoi le notariat était si peu représenté dans le jury proposé par le gouvernement.

Messieurs, la composition de ce jury peut varier, le gouvernement ne la présente pas comme une opinion définitivement arrêtée. J'aurai moi-même l'honneur de proposer un amendement sur ce point ; je demanderai qu'on fasse entrer dans ce jury un fonctionnaire supérieur de l'administration de l'enregistrement ; cela est nécessaire pour toutes les questions fiscales, sur lesquelles il importe que les aspirants au notariat soient examinés.

Alors le jury serait composé de deux professeurs, de deux magistrats ou jurisconsultes, de deux notaires et d'un employé supérieur de l'enregistrement. Je ferai observer que les professeurs seront probablement choisis parmi ceux qui sont chargés de donner le cours de notariat dans les universités de l'Etat ; de sorte que le notariat sera ainsi suffisamment représenté dans le jury.

Au surplus, ce sont là des dispositions sur lesquelles on peut admettre quelques modifications, si l'utilité en était démontrée.

M. de La Coste. - Messieurs, on pourrait conclure de la réponse de M. le ministre de la justice, contre son intention, sans doute, que dans les observations que j'ai faites et qui, d'ailleurs, n'avaient pas tout à fait la forme sous laquelle il les a reproduites, d'après les notes que M. le ministre avait pu prendre, que j'aurais indiqué une espèce de défiance relativement à la moralité, aux sentiments personnels d'impartialité des professeurs. Tout le monde sait que l'homme le plus au-dessus de soupçon peut être récusé dans certaines circonstances, et que cela ne porte aucune espèce d'atteinte à sa moralité. Ainsi, j'espère qu'on n'attribuera pas à mes observations une tendance contre laquelle je proteste de toutes mes forces.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je prie l'honorable membre de croire que je n'ai eu aucunement l'intention de lui faire ce reproche. Répondant à son observation, j'ai voulu seulement lui prouver qu'il était impossible que toutes les universités fussent représentées dans chaque jury, qu'il fallait alors avoir confiance dans la moralité des membres qui seraient appelés à en faire partie, pour avoir la garantie qu'on est en droit d'attendre de ce jury.

M. Raikem. - La discussion générale qui a lieu dans cet instant vous amène à examiner les systèmes de deux législateurs également célèbres : l'assemblée constituante et Napoléon ; car ce qu'on a demandé, c'est de substituer le système de l'assemblée constituante à celui du consulat. Le système du consulat existe depuis près d'un demi-siècle ; le système qui vous est maintenant présenté est, avec des variantes, le système qui avait été adopté par l'assemblée constituante.

Mais voyons d'abord comment cette assemblée célèbre avait été amenée à s'occuper du notariat. Avant qu'elle s'en occupât, le notariat était établi sur d'autres bases que celles qui ont existé en vertu de la loi de l'assemblée constituante, sur d'autres bases que celles qui existent maintenant. Il serait plus curieux qu'utile de vouloir remonter à l'origine de l'institution du notariat. Cependant observons que, même dans les anciens temps, cette juridiction volontaire a toujours été envisagée comme une juridiction déléguée.

C'était en vertu du pouvoir du déléguant que s'exerçait cette juridiction, aussi bien que la juridiction contentieuse ; de là les anciennes institutions de notaires seigneuriaux, de notaires royaux et autres ; mais les diverses juridictions royales avaient un ressort dans lequel était circonscrite celle des notaires qui y étaient établis. Certains notaires, en France, avaient une même juridiction bien plus étendue ; cette juridiction était celle de l'autorité royale qui leur avait été déléguée dans toute sa plénitude.

Au moment où l'assemblée constituante s'occupait du notariat, les notaires seigneuriaux tenaient leur délégation d'un ordre de choses qui alors avait été aboli, ils tombaient en vertu de cette abolition. Cette assemblée avait également aboli les juridictions royales, les anciennes divisions territoriales n'existaient plus, la France était alors divisée en départements.

D'abord elle établit une nouvelle organisation judiciaire par la loi du 16-21 août 1790.

Alors les deux degrés de juridiction n'étaient pas un appel à un tribunal supérieur ; mais l'appel se portait devant un tribunal de même rang que celui qui avait décidé en première instance. Il y avait à cette époque nivellement de la juridiction contentieuse ; c'était un antécédent de nature à influer sur la juridiction volontaire. Les innovations qu'on venait de décréter en 1790 en amenaient nécessairement d'autres. Nous l'avons dit, les notaires autres que les notaires royaux trouvaient leur suppression dans celle de l'autorité qui les avait institués ; leur juridiction n'existait plus.

Il n'existait plus de bailliages ; les limites de la compétence des notaires royaux étaient brisées ; on ne pouvait plus les circonscrire dans des bornes de territoire qui n'existaient plus.

Il y avait donc nécessité d'une nouvelle organisation.

Mais, tout en la présentant, les comités de constitution et de judicature rendirent à l'institution des notaires un hommage justement mérité.

On lit dans leur rapport :

« Les notaires, en général, ont mérité dans tous les temps l'estime et la confiance publique. »

Cet éloge, on peut encore le proclamer aujourd'hui.

La nécessité de nouvelles règles de compétence ayant été démontrée, il fallait en décréter. On suivit les antécédents de la juridiction contentieuse. La juridiction volontaire fut uniforme.

Mais à côté de ce principe, on décréta l'obligation de résidence. (Loi du 29 septembre 1791, titre premier, section II, article 10).

Le cautionnement ne fut pas uniforme. Il était calculé sur l'importance du lieu où le notaire devait résider. (Ib., article 17.)

Ainsi, dans les prévisions de cette assemblée, il y avait une différence entre les notaires ; et celle-ci résultait du lieu déterminé pour la résidence.

Mais cette prescription légale fut-elle exactement observée ?

Dans la discussion de la loi du 25 ventôse an XI, on a fait remarquer que l'effet de l'étendue de la juridiction territoriale, était d'inviter les notaires à violer ou à éluder la loi relative à la fixation des résidences.

Ainsi, la loi de 1791 contenait deux dispositions qui, dans la pratique venaient se contrarier.

D'un côté, la fixation des résidences, règle essentielle, qui avait pour conséquence la diversité de la fixation des cautionnements.

D'un autre côté, le nivellement de la compétence qui paralysait la règle précédente.

Mais, lorsqu'on discuta la loi de l'an XI, les règles de la juridiction contentieuse étaient changées. Ces juridictions n'étaient plus uniformes. Il y avait une hiérarchie judiciaire.

Le législateur la prit pour règle de l'institution du notariat.

Il y aura bientôt un demi-siècle que cette loi nous régit.

Quels sont les inconvénients réels qu'elle a produits ?

Et si quelques inconvénients sont apparus, ne peut-on y obvier aux moyens de dispositions réglementaires prises en vertu de la loi qui a continué de nous régir ?

Car il est à remarquer que le principe qui a été considéré comme fondamental, l’obligation de résidence, est le même dans les deux lois.

Et si l'assemblée constituante s'était trouvée dans la situation actuelle, aurait-elle changé l'organisation du notariat ?

Il est permis d'en douter, ou plutôt on se prononcera pour la négative, si l'on médite la pensée qu'elle a exprimée par l'organe de ses comités.

« Vous n'ambitionnez pas l'occasion de détruire pour obtenir la gloire de créer, et plus d'une fois l'on vous a vus gémir de trouver tout à faire là où vous cherchiez à conserver. Ainsi, pour se conformer aux intentions qui vous dirigent, et avant de vous soumettre aucunes nouvelles vues sur l'état des notaires, vos comités ont dû se convaincre de la nécessité d'en proposer ; ils ont dû rechercher attentivement si l'organisation de cette classe de fonctionnaires ne pourrait pas subsister en son entier et s'unir avec le nouvel ordre de choses où leur institution se trouve, pour ainsi dire, transplantée. »

Y a-t-il ici cette nécessité qui fut le mobile de cette assemblée célèbre ?

(page 833) A-t-on changé les règles de la division territoriale, de la juridiction contentieuse ?

Ne sait-on pas d'une manière précise jusqu'où s’étendent les limites de la juridiction volontaire ?

Sommes-nous dans la position où s’est trouvée l’assemblée constituante qui venait de faire table rase, de supprimer les bailliages, les parlements ; qui avait décrété une nouvelle division en départements.

Pouvons-nous dire, comme les comités de l'assemblée constituante, que nous nous sommes convaincus de la nécessité de proposer de nouvelles vues sur l'état des notaires ?

Il y a déjà nombre d'années que la nouvelle disposition a été soumise à la législature. S'il y avait nécessité, elle aurait été singulièrement méconnue, puisqu'on aurait laissé ce long intervalle de temps s'écouler avant de s'occuper de la loi du notariat.

On n'a donc pas senti la nécessité de changer les dispositions de la loi qui nous régit. Et, messieurs, les motifs que l'on a donnés pour changer les règles de la loi de ventôse an XI ne me semblent nullement concluants.

L'égalité qu'on réclame n'est pas l'égalité constitutionnelle ; celle-ci se rapporte à un objet différent de l'institution qui nous occupe en ce moment.

Et d'ailleurs, la restriction apportée par les derniers amendements détruit elle-même cette égalité.

Je conviens volontiers, avec M. le ministre, qu'il n'y a pas de principe absolu.

Mais, dès que ce n'est pas un principe nécessaire, je préfère maintenir ce qui existe actuellement que de le modifier avec des restrictions qui détruisent cette égalité dont on veut se faire un litre.

On veut rattacher la compétence des notaires aux tribunaux de première instance.

On dit : Ce sont les présidents de ces tribunaux qui légalisent les signatures ; c'est au greffe de ces tribunaux que se fait le dépôt du double des répertoires.

Ce sont là des formalités indépendantes de la juridiction.

Les présidents, dit-on, taxent les honoraires.

Quand il y a contestation.

Mais ceci également en dehors de la compétence. On a dit : Les bureaux de conservation des hypothèques sont au chef-lieu des arrondissements.

Mais, puisqu'on maintient les résidences, la nouvelle règle ne procurera pas plus de facilité aux notaires éloignés qui devront faire au bureau les inscriptions dont ils sont chargés. On nous dit encore : Les notaires n'ont pas de rapport avec les cours d'appel. Mais ceux qu'ils ont avec les tribunaux de première instance sont loin d'être tels qu'ils nécessitent un changement radical dans la compétence.

On a encore fait une autre objection, c'est qu'il n'y aurait pas non plus de rapports entre le notaire et la justice de paix. Non, il n'y a pas de rapports tels que ceux qu'on a articulés quant aux tribunaux de première instance.

Mais je me demande si, dans l'état actuel de la législation qui nous régit, il n'y aura pas de rapports entre le notaire et le juge de paix qui offrent un plus grand intérêt que ceux qu'on a révélés à l'égard des tribunaux de première instance.

Vous savez que, d'après la loi du 12 juin 1816, les immeubles de ceux qui n'ont pas la capacité d'aliéner sont tous vendus par le ministère d'un notaire, en présence du juge de paix qui doit exercer une surveillance active. Aujourd'hui, les tribunaux ne peuvent désigner pour ces ventes qu'un notaire du chef-lieu, ou du canton où se fait la vente. Si c'est un notaire du canton, le juge de paix sera donc le surveillant de cette opération. Et il s'agit là d'intérêts qui ont excité la sollicitude de tous les législateurs.

Ce ne sont ici que des considérations secondaires comme celles relatives aux formalités pour lesquelles on a recours aux tribunaux de première instance.

Il faut avouer que les motifs qu'on a fait valoir pour changer la législation actuelle, quant à la circonscription territoriale des notaires, sont bien faibles. Il ne me semble pas, quant à moi, que de telles considérations exigent le changement d'une loi qui nous régit et qui est respectable par cela même qu'elle nous a régis longtemps.

Il y a toujours un point essentiel qui, à mon avis, ne peut être détruit, c'est qu'on ne se trouve pas dans la même position où se trouvait l'assemblée constituante, qu'on n'a nullement prouvé la nécessité de changer les règles existantes quant à l'institution du notariat. Or, on l'a dit depuis longtemps, les lois civiles ne doivent être modifiées que dans le cas de nécessité, ou d'utilité évidente. La nécessité n'est pas démontrée. Je pense qu'elle ne peut pas l'être. Quant à l'utilité évidente, on ne l'a pas démontrée, au moins jusqu'ici.

Le changement proposé donne lieu de craindre qu'il n'ait pour résultat de porter atteinte au principe que le législateur de 1791 avait proclamé, aussi bien que le législateur de 1803, l'obligation de la résidence.

Ce principe a été rappelé dans la discussion de cette dernière loi. On a exprimé la pensée que les notaires des chefs-lieux n'instrumenteraient qu'accidentellement hors de leur résidence.

Le même principe est rappelé dans l'avis du conseil d'Etat du 30 thermidor-7 fructidor an XII. Et bien que cet avis ne s'occupe que des notaires établis dans une commune rurale dépendante d'un arrondissement de justice de paix, de chef-lieu, le principe lui-même n'en est pas moins général, puisqu'il est la reproduction de ce qui avait été exprimé dans la discussion de la loi.

Maintenir l'obligation de résidence, n'est donc que procurer l'exécution de la loi qui nous régit.

Le notaire d'un chef-lieu qui l'élude, en se transportant hors de sa résidence, quand il n'y est pas appelé par les parties, contrevient donc à ses obligations légales.

Il est fort difficile de prévoir toutes les nuances de fait qui portent atteinte à l'obligation de résidence. On n'y contreviendra pas ouvertement ; on cherchera à l'éluder. Si l'on décrète de nouvelles dispositions, on cherchera de nouveaux moyens de s'y soustraire ; il faut donc plutôt une surveillance active. Et dès que le principe se trouve dans la loi qui nous régit, l'exécution est un objet réglementaire. Or c'est par des règlements que la chambre de discipline est organisée (article 50 de la loi du 28 ventôse an XI). Elle l'a été par un arrêté du 2 nivôse an XII.

Mais c'est un règlement auquel le pouvoir exécutif peut faire subir les modifications dont l'expérience a fait reconnaître l'utilité, et y introduire les dispositions pour combler les lacunes qui se sont fait remarquer. C'est ce qui, en France, a été l'objet de l'ordonnance du 4 janvier 1843. Il y a, sans doute, des mesures à prendre. Celle que les notaires ne pourraient, sans motifs légitimes, se dispenser d'assister aux élections des membres des chambres de discipline, est de nature à donner une garantie aux droits respectifs.

Ces chambres peuvent, comme vous le savez, prononcer des peines disciplinaires. Elles peuvent même aller plus loin que prononcer de simples peines disciplinaires. Elles peuvent provoquer la suspension d'un notaire qui aurait contrevenu à ses obligations, et d'après l'interprétation qu'une jurisprudence constante a donnée à l'article 35 de la loi du 25 ventôse an XI, les dispositions de cet article ne sont pas limitatives, elles ne sont que démonstratives, tellement qu'un notaire qui enfreint les obligations légales pourrait être poursuivi. Ainsi, messieurs, si un notaire persiste à éluder l'obligation de résidence, je pense que le gouvernement, sans avoir besoin d'une loi nouvelle, pourrait trouver le moyen de maintenir la stricte exécution de cette obligation. Car, comme je l'ai déjà observé, ce n'est pas la loi qui nous fait défaut, ce sont plutôt des mesures réglementaires pour en assurer l'exécution.

Messieurs, les chambres de discipline bien organisées sont la garantie du notariat, et, je l'avoue, je n'aperçois pas de motifs pour changer les attributions de ces chambres. Quant à l'admission des candidats notaires, il faudrait peut-être des mesures réglementaires pour mieux assurer l'exécution des dispositions du législateur. Mais c'est la pratique, comme on le sait, qui forme les bons candidats notaires. A cet égard, le gouvernement peut prendre des dispositions qui assureraient l'exécution de la loi, pour que le temps du stage soit exactement constaté. Et ce temps n'est pas trop long, pour qu'il y ait une aptitude suffisante de la part du candidat notaire. Pour exiger davantage, a-t-on reconnu un défaut de capacité chez les notaires en exercice ? Je crois qu'il n'en est rien.

Veut-on comparer l'examen du candidat notaire avec l'examen du docteur en droit, du docteur en médecine ? Mais le docteur en droit, dès qu'il a reçu son diplôme, peut, sans un nouveau titre, exercer la profession d'avocat. Le docteur en médecine n'a pas besoin d'un arrêté, royal pour exercer sa profession. Mais lorsque le candidat notaire sera admis à l'examen, il ne pourra pas exercer la profession de notaire. Il lui faut en outre une nomination. Ces choses ne peuvent donc se comparer.

On concevrait, messieurs, l'examen proposé par le gouvernement, si l'on rentrait nettement dans le système de la loi de 1791, et si on rétablissait les concours. Mais si l'on n'a pas l'intention de les rétablir tels qu'ils étaient déterminés par cette loi, on peut, par un règlement, prescrire le mode d'examen des chambres de notaires, puisqu'elles sont organisées par un arrêté aux termes de la loi de l'an XI.

En outre, la moralité des candidats notaires doit être vérifiée, et c'est aussi un objet qui rentre dans le domaine des chambres de discipline. Or, messieurs, vous savez que, chez un notaire, la délicatesse est tout au moins autant à désirer que la capacité.

Messieurs, après avoir parcouru les principales dispositions qui se réfèrent au système général du projet du gouvernement, je me demande encore quels sont les motifs de changer la législation existante.

Pour moi je n'en vois aucun, et je crains que l'expérience que l'on ferait d'une nouvelle loi ne fasse bientôt regretter la loi antérieure. Ne la changeons donc pas sans de puissants motifs ; et ici je n'en vois aucun qui puisse déterminer le changement du système qui nous régit, pour, avec certaines variantes et même sans l'embrasser dans son entier, revenir à un système ancien dont les législateurs de l'empire ou du consulat avaient déjà reconnu les défauts.

Je crois, messieurs, que les dispositions qui nous ont été proposées n'étaient nullement nécessaires, et je crains que l'expérience, si on les adopte, ne vienne démontrer qu'elles ne sont susceptibles de produire aucune utilité réelle pour le bien public.

M. d'Anethan. - Messieurs, je ne comptais pas prendre la parole dans la discussion générale. Mon intention était de réserver les observations que j'ai à présenter pour l'examen des articles. La discussion générale, telle qu'elle a lieu jusqu'à présent, n'était pas à proprement dire une discussion générale, portant sur des principes généraux ; c'était (page 834) plutôt une revue de tous les articles de la loi à laquelle se sont successivement livrés les différents orateurs qui ont pris la parole.

Mais le discours que vous venez d'entendre ayant ouvert un champ plus vaste, quoiqu'ayant principalement pour but d'établir que l'unité du ressort proposée par le projet primitif et à laquelle s'est partiellement au moins rallié le gouvernement, est un mal ou du moins n'est pas réclamée par l'intérêt général, je crois devoir prendre la parole avant la discussion des articles pour répondre, ou au moins tâcher de répondre, aux principaux arguments qu'a fait valoir l'honorable M. Raikem.

Je partage complètement l'opinion de l'honorable membre ainsi que l'opinion émise par l'honorable M. Goblet et par l'honorable M. Van Cutsem, qu'il ne faut pas légèrement modifier une loi existante. Je crois comme eux, qu’une grande circonspection est nécessaire quand il s'agit de toucher aux monuments de notre législation. Mais lorsque les inconvénients d'une loi sont constatés, lorsque des améliorations sont possibles, je pense alors que le législateur sera coupable en restant dans un système complet d'immobilité.

Dans ces circonstances, il ne faut pas reculer devant l'examen de questions, quelque graves qu'elles soient ; il convient surtout de les aborder lorsque leur solution intéresse le public, et ne peut pas être différée sans porter préjudice à la classe de fonctionnaires pour lesquels on semble redouter l'adoption du projet actuel.

La chambre voudra bien se rappeler qu'un projet modifiant essentiellement la loi de ventôse an XI a été présenté à la chambre en 1834 ; ce projet, comme on l'a dit hier, a dès son apparition suscité de vives réclamations ; mais il a aussi obtenu de vives, de nombreuses adhésions. Cette question, pendante depuis 1834, ne pouvait pas rester éternellement sans solution ; cette question n'était plus en 1846 ce qu'elle était en 1834. En présence d'un projet présenté qui avait fait naître des craintes et des espérances, et dont on demandait continuellement la discussion, force était bien au gouvernement d'examiner quel système il fallait adopter, et de soumettre, après cet examen, ses propositions aux chambres.

Je pense au reste, messieurs, que tout le monde gagnera à cette discussion. Les positions seront définitivement fixées ; et nous verrons cesser l'état d'incertitude qui a provoqué tant de réclamations.

Cette loi ne sera point, comme l'a dit l'honorable M. Broquet, un brandon de discorde imprudemment lancé dans le camp du notariat ; elle présage au contraire un avenir d'union entre les notaires, puisqu'elle fera cesser l'injustice dont plusieurs membres de cette honorable corporation avaient, depuis si longtemps, à se plaindre. Ce qui était et devait continuer à être un brandon de discorde entre les notaires, c'était l'inégalité et le privilège ; ce qui rétablira la concorde sera l'abolition de cette inégalité, de ce privilège.

Deux systèmes sont en présence, comme l'a dit l'honorable M. Raikem, l'un représenté par la loi de 1791, au principe de laquelle on veut revenir en y introduisant les modifications dont l'expérience a démontré la nécessité ; l'autre représenté par la loi de ventôse an XI.

Permettez-moi de qualifier ces deux lois. La loi de 91 c'est l'égalité et la justice, la loi de l'an XI c'est le privilège et l'injustice ; cette double qualification me paraît suffire pour justifier le gouvernement d'être revenu au principe de la loi de 1791.

Au premier abord il semblerait, messieurs, que la qualité de notaire doit permettre à celui qui la possède, d'instrumenter dans tout le pays ; il semblerait que l'exercice des fonctions de notaire ne doit avoir d'autres limites que celles de la confiance publique. Il peut, en effet, paraître étrange qu'un plaideur, un individu qui a un intérêt sur lequel il désire consulter une personne capable, puisse s'adresser, dans toute la Belgique, à un avocat quelconque, et que cette même personne ne soit pas libre de choisir le notaire qui lui convient pour lui confier la mission de passer ses actes.

En n'ayant égard qu'aux principes absolus, il semblerait que les notaires doivent être mis sur la même ligne que les avocats auxquels depuis la révolution de 1830 a été restitué le droit de plaider devant toutes les cours, devant tous les tribunaux du royaume. Mais je m'empresse de reconnaître qu’à côté de ce principe absolu se trouve un principe d'ordre et d'intérêt général qui doit engager à restreindre dans de certaines limites le droit d'instrumenter des notaires, à raison de la nature délicate des fonctions qu'ils ont à remplir et des affaires qu'ils ont à traiter. Ces fonctions exigent une surveillance, et des mesures d'ordre qui seraient à peu près impossibles si la juridiction notariale était trop étendue.

Ainsi que l'a dit l'honorable M. Raikem, le principe de la juridiction générale était admis en France avant 1791, pour une certaine catégorie de notaires ; les notaires de Paris et d'Orléans, de Montpellier, par exemple, instrumentaient dans toute la France ; d'autres notaires avaient une juridiction beaucoup plus limitée.

La loi de 1791 a fait table rase de tout ce qui existait, à l'égard des notaires, et elle ne leur a plus permis d'instrumenter que dans les limites du département de leur résidence.

Cette loi était à peine promulguée que des réclamations surgirent, et d'après ce que nous apprennent et les réclamations elles-mêmes et les discussions de la loi de ventôse an XI, ces réclamations portaient principalement sur le préjudice que prétendaient éprouver les notaires de Paris, auxquels il était interdit d'instrumenter hors de l'enceinte de cette ville qui, seule, formait tout un département.

Les premières, réclamations sont donc venues des notaires qui se plaignaient de ne pas avoir une juridiction assez étendue, et il est remarquable que la loi de l'an XI ait cru devoir circonscrire certaines juridictions alors que les plaintes qui ont provoqué cette loi reposaient principalement sur ce que la juridiction des notaires de Paris n'était pas assez étendue.

Nous verrons, du reste, tout à l'heure comment la loi de l'an XI ra cru faire droit aux plaintes qui avaient surgi en restreignant, d'un côté, la juridiction pour certains notaires, et en l'étendant considérablement pour d'autres ; nous verrons comment on est revenu aux différentes classes de notaires, qui avaient antérieurement existé ; mais avant d'examiner les modifications que la loi de l'an XI a introduite, jetons un coup d'œil sur les inconvénients auxquels on a voulu parer par h loi de l'an XI.

On se plaignait (et ici je fais abstraction des notaires de Paris), on se plaignait assez généralement de la trop grande concurrence que se faisaient les notaires ; on disait que cette concurrence nuisait à la considération et aux intérêts bien entendus du notariat. On demandait des mesures pour restreindre cette concurrence et pour rendre la résidence une réalité.

Mais, messieurs, si l'on s'est plaint d'une manière énergique de la trop grande concurrence des notaires, ces plaintes avaient bien plus pour base le nombre trop considérable des notaires que l'étendue de leur juridiction. Veuillez le remarquer, ce nombre trop considérable de notaires produisait pour conséquence la violation de loi de la résidence ; si le nombre des notaires n'avait, en effet, pas excédé les besoins, si les notaires, sans sortir de leur résidence, y avaient trouvé suffisamment d'affaires, auraient-ils été faire concurrence à leurs collègues dans d'autres cantons ?

Je soutiens donc que les principaux inconvénients de la loi de 1791 résultèrent du trop grand nombre de notaires bien plus que de la juridiction trop étendue.

Comment se créaient les places de notaires en 1791 ? Il n'y avait pas alors de maximum et de minimum. Le corps législatif décrétait la création de ces places sur les instructions qu'il recevait, des directeurs des départements. Or, l'on était, paraît-il, très facile et très large dans les départements, pour reconnaître l'utilité de créations nouvelles, et on en demandait fréquemment au corps législatif, qui les décrétait sans difficulté. Aussi au bout de quelque temps, y eut-il une telle abondance de notaires, que le notariat en ressentit le plus grave préjudice.

Ce que je dis, messieurs, je le prouve par une citation de l'exposé des motifs que fit Réal le 14 ventôse an XI :

« La nécessité de mettre un frein à l'intérêt personnel, qui foulait aux pieds toutes les dispositions relatives aux résidences, et d'arrêter cette création nouvelle et répétés sans cesse ; cette surabondance de places de notaires portée bien au-delà des besoins, etc. »

Ainsi, si dans certaines parties de l'exposé des motifs, et du rapport qui précède l'adoption de la loi, on a établi qu'il serait avantageux de restreindre la juridiction notariale, d'un autre côté, on invoquait aussi comme inconvénient très grave, pour faire cesser l'état de choses existant, le trop grand nombre de notaires, qui avaient été nommés depuis 1791.

Le grand vice de la loi de 1791 était donc, je le répète, le nombre presque illimité des notaires, ainsi que l'absence de dispositions suffisamment répressives pour faire respecter la loi de la résidence ; et ici je ne puis pas partager l'opinion de l'honorable M. Raikem, qui croit à l'inefficacité de moyens nouveaux pour faire respecter davantage la résidence.

Mais, messieurs, dans la nouvelle loi, il n'y a pas seulement un article très sévère, relativement à la résidence ; il y a encore un article qui interdit aux notaires d'avoir une étude et un bureau hors de leur résidence ; l'article 2 réserve aussi d'une manière formelle aux notaires le droit d'intenter une action en dommages-intérêts contre le notaire qui méconnaîtrait l'obligation de la résidence. Dès lors l'intérêt des notaires est garant qu'ils sauront faire respecter cette partie de la loi dont il leur importe de maintenir l'observation.

Les inconvénients de la loi de 1791, on a voulu les faire cesser, d'abord par une restriction de juridiction, ensuite par une diminution dans te nombre des notaires. Mais, par une bizarrerie singulière, alors qu'on restreignait beaucoup le droit d'instrumenter pour les notaires cantonaux, on l'étendait pour les notaires résidants au chef-lieu d'une cour d'appel, à tout le ressort de cette cour. N'y avait-il pas là une inconséquence ? Si en l'an XI, on reconnaissait que le ressort du département était déjà trop étendu, comment s'est-il fait que, tout en restreignant ce ressort pour certains notaires aux limites d'un simple canton, on l'étendît pour d'autres au ressort d'une cour d'appel ? En agissant ainsi, on a manqué le but qu'on voulait atteindre et on a fait bon marché de l'intérêt public.

Il est temps de revenir aux principes de justice et d'égalité dont on s'est écarté sans motifs par la loi de ventôse ; il est temps de faire cesser une classification humiliante pour une partie du corps des notaires, une classification que rien ne justifie et que surtout rien ne justifiera, si en adopte les différentes dispositions du projet de loi relatives aux conditions du stage et à l'examen au stage qui établiront l'égalité entre tous les aspirants au notariat.

En m'exprimant ainsi, ce n'est pas que j'adhère au système d'examen tel qu'il est présenté par le gouvernement ; je suis décidé, au contraire, à combattre ce système, au moins tel qu'il est présenté maintenant.

Messieurs, en présentant la loi de 1834, allait-t-on risquer une innovation dangereuse ? Et dans ce moment, devons-nous nous montrer inquiets du résultat de la loi que nous sommes appelés à voter ? Non, messieurs, (page 835) cette question a déjà été résolue dans les pays voisins ; le nouveau système, celui de l'unité de ressort, est adopté dans les provinces rhénanes depuis 1822 ; il en est de même en Hollande depuis 1842, et je dois dire que d'après des renseignements qui reposent au département de la justice et que j'avais recueillis, quand j'étais à la tête de ce département, les avantages qui résultent de l'unité de ressort ont été reconnus ; il a été constaté que dans ces pays on était satisfait des changements opérés, et qu'aucun des inconvénients qui avaient été signalés lors de l'introduction de ces changements ne s'est réalisé.

Il ne s'agit donc pas de faire un essai dangereux, il s'agit simplement de réaliser chez nous un progrès que des pays voisins ont réalisé déjà depuis longtemps.

Si à ces considérations on venait opposer que dans un pays voisin, dans celui que l'on peut appeler la patrie de la loi de ventôse an XI, on a à deux reprises, en 1831 et en 1833, repoussé, par un ordre du jour motivé, l'unité de ressort, je répondrais :

En France, on proposait cette modification à la loi de ventôse d'une manière incomplète ; on la proposait comme on l'a proposée chez nous en 1834, c'est-à-dire qu'à côté de l'unité de ressort on laissait subsister l'inégalité. Quant au stage, quant aux conditions d'admission. Je conçois très bien que cette disposition présentée ainsi d'une manière isolée ne pouvait pas être admise.

Et, remarquez-le bien, pour repousser cette disposition, on invoquait justement cette différence existant entre les notaires, et résultant des conditions différentes qui avaient été exigées pour leur admission.

Ainsi, l'ordre du jour adopté en France, en 1832 et en 1833, a eu pour base principale un état de choses qui n'existera plus alors que la loi actuellement en discussion aura été votée.

En France, il y avait encore d'autres considérations à faire valoir pour repousser ce système. Dans ce pays existe la vénalité des charges et le cautionnement.

Ces objections ne sont pas applicables à la Belgique, et dès lors on ne peut pas invoquer ce qui s'est passé à la chambre française. Je vais signaler maintenant les inconvénients que je trouve au système actuel, inconvénients que l'honorable préopinant dit ne pas apercevoir. J'examinerai ensuite les avantages du nouveau système et je tâcherai d'établir qu'il ne présente pas les inconvénients qu'on lui suppose.

Qu'on me permette de le dire, malgré l'éloge qu'on a fait de la loi de ventôse, je trouve que cette loi a été inconséquente.

Ou l'intérêt public exige que les notaires aient la faculté d'instrumenter dans tout l'arrondissement, ou l'intérêt public ne l'exige pas. Si l'intérêt public l'exige ; si l'intérêt public veut que les notaires de Bruxelles, par exemple, puissent instrumenter à Saint-Josse-ten-Noode, à Molenbeek, à Ixelles et ailleurs, ne veut-il pas également que les notaires de ces localités puissent instrumenter à Bruxelles ? Si l'intérêt public exige que cette faculté soit accordée aux notaires, pourquoi la restreindre à quelques privilégiés ? et si l'intérêt public ne l'exige pas, il faut s'empresser d'enlever cet avantage aux privilégiés, qui en jouissent au détriment de leurs confrères et sans intérêt pour le public.

Je ne conçois pas qu'on puisse maintenir le système actuel qui consacre une injustice ou qui blesse l'intérêt général. Comment ! l'habitant d'Ixelles qui aura confiance dans un notaire de Bruxelles pourra le charger de ses affaires, l'appeler chez lui pour passer un acte, lui demander même d'en recevoir dans d'autres localités ! et un habitant de Bruxelles qui aura confiance dans un notaire d'Ixelles ne pourra pas l'appeler et devra se priver de son concours !

Si l'on considère comme un avantage pour l'habitant d'Ixelles la faculté de faire choix d'un notaire de Bruxelles, pourquoi refuser à l'habitant de Bruxelles le droit de faire choix d'un notaire de Saint-Josse-ten-Noode ou d'Ixelles ?

Je ne vois aucune différence. Mais, dira-t-on, à Bruxelles il y a un nombre de notaires considérable, il n'est pas à supposer qu'aucun de ces officiers publics ne jouisse de votre confiance, et vous force à recourir à un notaire des environs. Ce n'est pas moi qui soutiendrai que les notaires de Bruxelles ne méritent pas la confiance du public. Je suis au contraire heureux de pouvoir répéter ici les paroles de M. le ministre de la justice, et de m'associer aux éloges qu'il a donnés au corps notarial belge qui a su conserver une juste considération et rester pur des taches et des souillures qui malheureusement n'ont pas épargné certains membres du corps notarial dans un pays voisin. Mais la confiance ne se commande pas ; s'il est loisible à un habitant d'un faubourg ou d'une petite localité de n'avoir pas confiance dans le notaire de sa localité, pourquoi l'habitant de Bruxelles, sans déclarer le moins du monde que les notaires de la capitale ne méritent pas sa confiance, ne pourrait-il pas avoir une confiance plus grande dans un notaire des environs ?

Mais ce qu'on peut objecter pour Bruxelles, à cause du nombre de notaires, peut-on le dire pour d'autres villes, pour Hasselt, par exemple, où il y a trois notaires, pour Termonde, où il n'y en a que quatre ? Quoi ! on voudrait que les habitants de Hasselt ou de Termonde fussent restreints aux notaires de leur localité ; qu'ils ne pussent s'adresser à aucun autre notaire de l'arrondissement judiciaire ! Je demande s'il est possible de conserver un semblable principe sans blesser l'intérêt public ? Je demande si, en voulant maintenir ce principe exorbitant, on ne se préoccupe pas davantage de l'intérêt de certains notaires, que de l'intérêt public ? On ne soutiendra pas sans doute que l'intérêt public ne demande pas l'extension de la juridiction notariale.

Tout le monde sait combien il est important pour chacun de pouvoir confier ses affaires aux notaires de son choix et combien il importe qu'il soit permis au notaire de continuer les actes qu'il a commencés, quand il s'agit par exemple de partage, de liquidation et d'autres actes qui nécessitent une suite d'opérations. Il me paraît incontestable que les parties ont intérêt à pouvoir appeler les notaires dans tout leur arrondissement judiciaire.

J'ai parlé jusqu'à présent de l'intérêt public ; je dois ajouter encore deux considérations. La possibilité d'appeler un notaire d'une localité voisine rendra évidemment les autres notaires plus soigneux, moins exigeants ; cette possibilité fera naître cette concurrence utile dont parlait hier M. le ministre, concurrence qui tournera à l'avantage de tous. Cette concurrence possible aura encore un autre résultat avantageux, celui d'empêcher entre les notaires du canton toute espèce de coalition qui pourrait tourner au détriment du public.

Je crois que ces diverses considérations jointes à celles présentées par M. le ministre sont de nature à démontrer les avantages que le public doit tirer de l'adoption du projet. Quant au notariat lui-même, je pense qu'il a également intérêt à ce que la disposition dont il s'agit soit adoptée. Je ne parle pas de quelques notaires dont les intérêts pourront être momentanément mais légèrement lésés, parce que leur circonscription sera restreinte ; mais je crois que le corps entier n'a qu'à gagner aux principes que je désire voir établir. Dans la situation actuelle les notariats n'ont pas assez de stabilité ; en ce sens qu'un notaire de campagne vise à devenir notaire de chef-lieu d'arrondissement, que le notaire de chef-lieu d'arrondissement vise à devenir notaire du chef-lieu de cour d'appel et qu'ainsi les premiers notariats sont considérés comme des marchepieds pour aller plus haut ; avec cette idée on ne se donne pas la peine de se former une clientèle dans une localité où l'on ne doit pas rester, on n'en étudie pas les besoins et on en néglige les intérêts ; mais quand il y aura égalité dans les juridictions, quand il n'y aura plus d'avantage en faveur de certaines classes de notaires, il est à présumer que ce désir de changer de résidence viendra à cesser.

J'arrive maintenant (et je tâcherai d'abréger autant que possible) aux inconvénients qu'on suppose au système qui est ou plutôt qui était présenté par le gouvernement ; car le système actuel du gouvernement est à mon avis le plus mauvais de tous et le seul inadmissible.

On dit que, dans le système de l'unité du ressort par arrondissement, il y aura une espèce de chasse aux actes, que les notaires iront constamment, soit au chef-lieu d'arrondissement, soit dans les communes les plus peuplés et les plus riches, pour y chercher des affaires et proposer même de les faire au rabais ; on dit qu'ils quitteront leur résidence, et que, quand on aura besoin d'eux à la campagne, ils feront défaut aux besoins de la localité de leur résidence.

Voilà les inconvénients que l'on signale ; voyons s'ils sont fondés,

Je dirai d'abord que les inconvénients qu'on redoute existent déjà en grande partie. Je dirai même qu'il peut exister maintenant des inconvénients plus graves que ceux en vue desquels on combat la loi.

Que peut-il se passer maintenant ? Les notaires qui ne sont pas parvenus à se faire une clientèle dans l'endroit où leur résidence est assignée, sont-ils obligés de ne pas s'éloigner, même momentanément, de cette résidence ? Non sans doute.

Ce notaire qui peut s'absenter (car l'obligation de résider ne porte pas atteinte à ce droit) ne peut-il pas se rendre dans le chef-lieu de l'arrondissement ; ne peut-il pas y être rapport avec des agents d'affaires qui lui fourniront des affaires qu'il peut ensuite faire chez lui ? Ne peut-il pas se faire qu'ils trouvent au chef-lieu un notaire complaisant qui leur prête sa signature ? De cette manière, ne peuvent-ils pas faire indirectement au moins des actes dans les localités où ils n'ont pas le droit d'instrumenter ?

Mais n'est-il pas arrivé déjà (je ne dis pas en Belgique), mais, n'est-il pas arrivé déjà qu'un notaire n'ayant pas le droit d'instrumenter dans une localité où il trouve des clients, y passe des actes et les date de la commune de sa résidence ? Il aurait posé ainsi un acte coupable, dont les conséquences pourraient être très graves pour lui s'il était découvert ; mais la grande difficulté est de le découvrir. Ces inconvénients, je pourrais dire ces dangers, n'existeront plus avec le régime nouveau.

On aura moins recours aux agents d'affaires, les notaires, même ceux qui traiteront les affaires loin de leur résidence, les feront eux-mêmes sans intermédiaire, puisqu'ils ne craindront pas d'être mis en contravention pour les actes qu'ils auront passés.

D'un autre côté, on conçoit, me paraît-il, des craintes chimériques, en se figurant que la concurrence qui sera faite aux notaires du chef-lieu sera illimitée, et aura pour ceux-ci des conséquences désastreuses.

Remarquez qu'aujourd'hui le notaire qui abandonne son canton est parfaitement tranquille, parce qu'il sait que personne ne peut le suppléer, quand il s'absente.

Il s'absente donc, sans craindre de voir un autre notaire venir passer des actes à sa place. Avec le système nouveau, chaque notaire aura grand intérêt à rester à sa résidence, et à empêcher ainsi qu'un autre notaire ne vienne lui enlever pendant son absence une partie de sa clientèle. Ainsi l'intérêt des notaires eux-mêmes est un sûr garant qu'ils ne s'absenteront que quand leurs affaires et l'intérêt de leurs clients l'exigeront.

Je ne conçois vraiment pas les craintes que l'on manifeste dans l'intérêt des notaires des chefs-lieux d'arrondissement. De quoi peut-il être question ? De quelques actes qu'un notaire de campagne pourra venir (page 836) faire ? Mais la confiance s'obtient-elle si facilement ? Les personnes qui auront des affaires sérieuses à traiter se confieront-elles à un notaire qui arrivera dans une ville comme un charlatan, et annonçant publiquement qu'il vient pour y passer des actes ? Personne n'aura recours à de tels notaires. Les affaires se font sérieusement par un notaire en qui l'on a confiance.

Mais personne n'ira, en vue d'un rabais possible, mais peu probable sur les frais d'un acte, confier ses intérêts à une personne qu'il ne connaît pas. La confiance restera aux notaires des villes qui la méritent, et qui, à cause de cette confiance dont ils jouissent à bon droit, n'ont pas à redouter une concurrence désastreuse pour leurs intérêts.

Différents autres inconvénients moins graves ont été signalés. Je me réserve d'y répondre dans la discussion sur les articles.

J'aurais encore de nombreuses considérations à faire valoir pour soutenir la thèse que j'ai défendue. Je les ferai valoir ultérieurement, si des objections étaient produites.

Je demanderai la permission de dire maintenant un mot sur le système du gouvernement. J'ai dit qu'il me paraissait le seul mauvais, le seul inadmissible.

Je conçois qu'on maintienne la loi de ventôse, qu'on admette qu'il faille des classes de notaires. C'est un système. L'honorable M. Raikem en a exposé les avantages, en disant que la juridiction gracieuse doit s'exercer dans les mêmes limites que la juridiction contentieuse. Je conçois ce système, bien que je ne partage pas l'opinion de l'honorable M. Raikem, et je pense, contrairement à ce qu'il a dit, que les relations des notaires existent principalement avec les tribunaux d'arrondissement. Si donc on veut une assimilation, ce doit être avec la juridiction des tribunaux d'arrondissement.

Je conçois donc qu'on soutienne la classification de la loi de ventôse. Je conçois aussi qu'adoptant l'unité de ressort, on adopte, comme l'a demandé l'honorable M. Bricourt, la disposition du projet primitif du gouvernement, en restreignant le ressort au canton. Si le premier système que je soutiens n'est pas admis, je compte présenter un amendement qui, d'après moi, parerait à la plupart des inconvénients, et pourrait rallier bien des opinions.

Mais je ne concevrais pas, je le dis franchement, qu'on adoptât le système du gouvernement. Ce système consiste en ceci : On pose un principe ; mais on recule devant l'application. Ce système peut se résumer ainsi : Le principe est bon ; mais en même temps il est mauvais. Je veux et je ne veux pas.

Comment, dans des arrondissements où se trouvent plusieurs districts administratifs, par exemple, comment pourrait-on soutenir à l'aide d'une raison même spécieuse, le système du gouvernement ?

Je prends pour exemple l'arrondissement judiciaire de Termonde. Cet arrondissement judiciaire se divise en trois districts administratifs, ceux de Termonde, d'Alost et de Saint-Nicolas. Sans faire injure à Termonde, je crois pouvoir dire qu'Alost et Saint-Nicolas sont des villes au moins aussi importantes que Termonde. Cette dernière ville a 7 à 8,000 habitants ; je crois qu'Alost en a bien 17,000 et Saint-Nicolas 20,000.Ces deux dernières villes, sous le rapport de la population et sous le rapport des affaires, sont donc plus importantes que Termonde.

Dès lors, messieurs, comment concevoir que les notaires de Termonde pourront aller instrumenter dans tout l'arrondissement judiciaire, que ces notaires iront à Alost, à Saint-Nicolas, faire concurrence aux notaires de ces deux villes, tandis que les notaires d'Alost et de Saint-Nicolas ne pourront être appelés par les habitants de Termonde pour faire leurs affaires ? Conçoit-on un motif quelconque qui puisse justifier une semblable exclusion pour les notaires de ces deux villes si importantes et le maintien du privilège pour les notaires de la ville de Termonde ?

Ces considérations, messieurs, seraient déjà, me paraît-il, suffisantes pour établir que le principe du gouvernement ne peut être admis. Mais il y a plus, et M. le ministre de la justice lui-même, répondant à une interpellation de mon honorable ami M. de La Coste, a donné, je puis le dire, le coup de grâce à son système.

Messieurs, il existe, en Belgique cinquante notaires qui font partie de cantons, dont le chef-lieu est le siège d'un tribunal d'arrondissement et qui habitent des communes autres que celle des chefs-lieux. Pour Courtray notamment il y en a 12 ; pour Bruges il y en a 9 ; pour Louvain il y en a 2.

Que résulte-t-il du système du gouvernement ? Il en résulte que le notaire du canton de Louvain qui habite Tervueren ne pourra pas instrumenter dans la ville de Louvain, ne pourra donc instrumenter dans son propre canton. On me dira : On lui ouvrira une autre porte ; il ira instrumenter dans d'autres cantons voisins. Mais je ne veux pas voir établir des notaires ambulants. Je veux que les notaires qui ont dans leur propre canton des affaires suffisantes, y résident dans l'intérêt du public et dans leur propre intérêt.

Le notaire d'un canton, du canton de Louvain, par exemple, qui depuis longtemps est établi à Tervueren, a la principale partie de sa clientèle dans la ville de Louvain ; et vous voulez d'un trait de plume lui enlever cette clientèle ! vous venez lui dire : Tâchez d'en faire une ailleurs, allez faire concurrence à vos collègues d'un autre canton. Mais il répondra avec raison : Vous ne m'enlevez pas seulement la plus grande partie de ma clientèle, car j'admets que dans l'intérêt public on pourrait le faire, mais vous m'enlevez même le droit d'instrumenter dans mon canton, pour lequel je suis et je reste nommé.

Remarquez en outre, messieurs, qu'un notaire a des rapports obligés avec le juge de paix de son canton, en matière de ventes, de liquidations, de scellés, etc. Eh bien, le notaire dont je parle ne trouvera pas un seul juge de paix à qui il puisse s'adresser. Louvain lui est interdit ; c'est là pourtant où demeure le juge de paix de son canton. Il ne serait pas difficile d'établir combien l'impossibilité de tout recours au magistrat conciliateur entravera les affaires.

Evidemment, messieurs, un système pareil n'est pas admissible ; il ne se justifie par aucun motif d'utilité, et il blesse les principes même de la loi.

On dira peut-être : Nous ferons des exceptions. Je demande d'abord si l'on peut faire des exceptions pour cinquante notaires, et si une semblable exception ne détruirait pas la règle qu'on viendrait déposer. Mais si vous faites une exception pour ces notaires, vous tombez dans une bien plus grande contradiction.

Je prends pour exemple, l'arrondissement qui m'est le mieux connu, l'arrondissement de Louvain. Un notaire de Tervueren jouira de l'exception ; il pourra instrumenter à Louvain. Mais apparemment vous n'irez pas faire une exception contraire et lui interdire alors d'instrumenter dans le reste de l'arrondissement. Le notaire de Tervueren pourra donc instrumenter dans tout l'arrondissement.

Mais votre exception en faveur du notaire de Tervueren consacre une véritable et choquante anomalie Quoi ! le notaire de Tervueren pourra instrumenter partout, et le notaire de Tirlemont, ville très peuplée et importante, sera exclu de Louvain et aura ainsi une juridiction moins étendue que le notaire de Tervueren, que le notaire résidant dans une commune rurale ?

Il me semble, messieurs, que ces considérations que je me suis efforcé d'abréger, autant que possible, sont suffisantes pour prouver que le système du gouvernement n'est pas admissible.

M. de Corswarem. - Je pense, contrairement à ce que vient de dire mon honorable ami M. Raikem, que la nécessité de modifier la loi du 26 ventôse an XI sur le notariat, s'est fait sentir depuis longtemps dans tous les pays où elle a été introduite.

En Hollande et dans les provinces rhénanes, dans le grand-duché de Luxembourg, elle est déjà appropriée, non sans quelque succès, aux besoins de l'époque actuelle.

Il en serait probablement de même en Belgique si des dispositions plus indispensables à la consolidation de sa nationalité et à l'établissement de ses relations extérieures n'eussent, jusqu'ici, réclamé tant de soins de la part de ses législateurs et de son gouvernement.

Sa régénération étant aujourd'hui affermie et ses relations avec les autres pays étant, pour ainsi dire, généralement établies, il lui reste encore une tâche importante à remplir : celle de nationaliser toutes les lois étrangères et de rajeunir toutes les lois surannées, encore en vigueur chez elle.

Parmi ces lois, celle sur le notariat, portée à une époque déjà éloignée pour les besoins d'un autre peuple et dans des circonstances tout à fait différentes de celles dans lesquelles nous nous trouvons heureusement en ce moment, réclame impérieusement quelques modifications.

Il est vrai qu'un demi-siècle ne s'est pas encore écoulé depuis la promulgation de la loi sur le notariat ; mais si, dans la vie des nations, une période de 30 ans était jadis peu de chose, elle est une immensité à l'époque de mouvements, de progrès et de réforme que nous traversons. Car, pendant ce demi-siècle tout a subi des transformations : l'esprit public et le caractère, comme les mœurs des peuples : les habitudes comme les besoins de la société ; l'instruction comme l'éducation des hommes ; l'étendue et les relations du commerce, comme la nature et les sièges des industries : les différentes espèces de produits comme les modes de production.

Rien, en un mot, n'étant plus comme il y a 50 ans, il n'est pas étonnant que les lois spéciales de cette époque soient aujourd'hui surannées dans certaines parties et demandent à être renouvelées dans plusieurs de leurs dispositions.

En France, nous a dit l'honorable M. Broquet, on a refusé de toucher à la loi de ventôse.

En France, on reconnaît cependant aussi la nécessité de modifier cette loi, mais on y est arrêté dans la voie des améliorations par un véritable abus : la vénalité des emplois, à laquelle on a laissé prendre une existence légale. Là, presque tous les offices ont été achetés par leurs titulaires actuels par des sommes considérables, surtout dans les grandes villes, il y en a qui ont été vendus jusqu'à 600,000 fr. Dans de telles circonstances il serait injuste de déposséder d'une partie du monopole des transactions ceux qui avec l'autorisation du gouvernement, ont acquis ce monopole n prix d'argent.

On ne le peut équitablement qu'en leur accordant des indemnités proportionnées aux sacrifices qu'ils ont faits, sons la foi d'un usage constant, revêtu de tous les caractères de la légalité. Mais la fixation du montant de ces indemnités présente des difficultés insurmontables. Comment, en effet, savoir d'avance si et jusqu'à quel point une plus grande concurrence à établir entre les notaires serait avantageuse ou préjudiciable à chacun d'eux ? Ensuite, ceux qui perdraient devraient-ils être indemnisés par ceux qui gagneraient, par l'Etat ou par les vendeurs de leurs offices ? Ceux qui gagneraient devraient-ils des bonifications à leurs vendeurs, à l'Etat ou à ceux qui perdraient ? Comment prouver anticipativement ces pertes ou ces gains ? Comment déterminer leurs montants ?

L'assemblée constituante a posé un précédent dans cette matière, en décrétant, mais en principe seulement, car l'exécution n'a jamais suivi, que le prix des offices serait rembourse par l'Etat. Elle pouvait fixer le (page 837) montant de ces prix, parce qu'elle connaissait ceux qui avaient été payés pour les offices dont elle prononçait la suppression. Elle pouvait agir ainsi parce qu'elle parlait d'un point connu ; mais, de nos jours, on ne pourrait, pour un très grand nombre de cas, partir que de l'inconnu, si on voulait fixer la valeur des perturbations qu'une circonscription nouvelle des ressorts introduirait dans le notariat en France.

On y recule donc devant toutes ces difficultés.

En Belgique où, heureusement, pareil abus n'existe pas, où rien n'entrave la liberté d'action du législateur, on est, à peu près, unanimement d'accord que la loi sur le notariat peut et doit être modifiée dans certaines de ses dispositions. Mais cette unanimité ne se rencontre plus quant aux points à modifier, ni quant à la forme des modifications à introduire. C'est donc sous ces deux points que le projet doit être principalement examiné, pour que la loi nouvelle soit mise en harmonie avec nos autres institutions et pour qu'elle ne sanctionne que ce qui est reconnu utile et nécessaire par la pratique et l'expérience.

L'honorable M. Raikem nous a dit aussi, messieurs, qu'il n'y avait aucune nécessité de changer la loi de l’an XI. Il me suffira de vous citer un seul exemple pour que tout le monde comprenne qu'il y a urgence de changer certaines dispositions de cette loi.

D'après l'article 31 de la loi de l'an XI, le nombre des notaires est fixé, au maximum, à cinq par canton. Mais dans les villes de plus de cent mille âmes, il ne peut y avoir qu'un notaire au plus par 6,000 habitants. Eh bien, il se trouve que les villes de Bruxelles, de Gand, d'Anvers, de Liège sont partagées chacune en quatre cantons. Chacun de ces cantons a le maximum des notaires prescrit par l'article 31 de la loi de ventôse ; dans chacune il y a donc vingt notaires.

Mais aussitôt que la population d'une de ces villes atteint le chiffre de 100,000 habitants, il se trouve qu'il y a trop de notaires ; alors le nombre doit être fixé dans la proportion d'un notaire sur 6,000 âmes. C'est ainsi que la ville d'Anvers a dans ce moment 98,000 habitants et 20 notaires, à raison de 5 par canton ; et aussitôt que cette ville aura atteint le chiffre de 100,000 habitants, il faudra supprimer 4 notariats, parce qu'il ne devra plus y en avoir que 16, à raison d'un notaire par 6,000 habitants.

C'est là, messieurs, un fait anormal et qui ne peut durer plus longtemps.

A Gand, la population dépasse 100,000 habitants ; elle est de 106 ou 108 mille âmes. En conservant la loi de ventôse, il faudra réduire le nombre de notaires existant aujourd'hui à Gand. Au lieu de 20 il ne devrait plus y en avoir que 18 an plus. Ainsi le nombre de notaires devrait être diminué lorsque la population augmente, et voilà sans doute ce que personne n'approuve.

Eh bien, messieurs, quand il n'y aurait que ce motif-là, il me semble qu'il serait déjà suffisant pour faire apporter des modifications à la loi du 25 ventôse.

Il y a ensuite une foule de lacunes et l'honorable M. d'Anethan en a signalé plusieurs. Ces lacunes doivent également être remplies. Une des plus importantes, c'est qu'il n'est pris aucune disposition pour le cas où, par exemple, un notaire viendrait à être atteint de folie. D'après la loi de ventôse, les minutes d'un notaire atteint de folie restent confiées à sa garde.

Eh bien, s'il les détruit, s'il les jette au feu, quel recours aurez-vous ? Vous aurez le recours civil, mais sa fortune suffira-t-elle ? D'ailleurs, il y a une autre question : Aurait-il agi sciemment ? C'est donc là une deuxième lacune, et elle exige impérieusement qu'un changement soit apporté à la loi.

Jusqu'à présent, messieurs, on a soulevé un grand nombre de questions, mais toutes, à l'exception d'une seule, me paraissent se rapportera l'un ou à l'autre article de la loi, et je me propose d’en traiter plusieurs lorsque nous en serons à la discussion des articles. Il y en a cependant une qui ne peut trouver sa place que dans la discussion générale, et. elle a été soulevée par l'honorable M. Van Cutsem., Cet honorable membre a signalé les inconvénients, que présente, surtout dans les Flandres, l'existence d'un grand nombre d'agents d'affaires, qui sont, il faut bien le reconnaître, un véritable fléau pour ces contrées ; mais je ne vois pas, messieurs, comment la loi en discussion pourrait remédier à cet état de choses ; Le Code civil permet à tous ceux qui savent écrire de faire des actes sous seing privé ; il faudrait donc rapporter cette disposition du Code civil pour empêcher les agents d'affaires de faire des actes sous seing privé, ou bien il faudrait la restreindre et dire, par exemple, que les actes sous seing privé ne seront valables qu'autant qu'ils auront été écrits en entier par l'une des parties. Mais encore une semblable disposition ne peut trouver sa place dans la loi que nous discutons en ce moment, et je vous avoue, messieurs, que je le regrette beaucoup.

Messieurs, j'ai eu l’honneur de faire partie de la section centrale, et je tiens à déclarer à la chambre, dès le commencement de la discussion, que je n'ai pas fait partie de la majorité qui a adopté les propositions dont nous nous occupons.. Je dois aussi déclarer que depuis lors mon opinion s'est modifiée sur plusieurs points et peut-être elle se modifiera encore lorsque nous en viendrons à la discussion des articles, car je ne suis nullement arrêté sur toutes les dispositions qui nous sont soumises ; j'aime à m'instruire, à m'éclairer ; mais je combattrai certains articles proposés par la section centrale et auxquels le gouvernement s'est rallié. Je ne le fais pas en ce moment, pour ne pas prolonger la discussion générale, mais je m'expliquerai lorsque nous en viendrons aux articles.

- La séance est levée à 4 heures et demie.