Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 16 mars 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Verhaegen., vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1067) M. de Villegas procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

«Le conseil communal d'Exel demande que la route de Turnhout à Moll soit continuée jusqu'au camp de Beverloo en passant par Baelen. »

- Renvoi au ministre des travaux publics.


« Le conseil communal de Louvain demande que le gouvernement soit autorisé à restituer à la société concessionnaire du chemin de fer de Louvain à Namur, le cautionnement qu'elle a déposé. »

- Sur la proposition de M. de La Coste, renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

Projet de loi sur la réorganisation des monts-de-piété

Discussion des articles

Chapitre IV. Dotations. Emploi des bénéfices et intérêts

Articles 10 et 16

M. le président. - La discussion est ouverte sur la nouvelle rédaction des articles 10 et 16 réunis, présentée par M. le ministre de la justice, ainsi conçue :

« Les administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds nécessaires à la gestion et aux opérations des monts-de-piété ; elles sont également tenues de combler, le cas échéant et à titre d'avance, le déficit de ces établissements.

« Si leurs ressources sont insuffisantes à cet effet, la commune est tenue de pourvoir aux frais de gestion et de couvrir le déficit des monts-de-piété, et elle peut suppléer à l'insuffisance du capital spécialement affecté aux opérations.

« En cas d'insuffisance des ressources des communes, et si la province ou l'Etat n'y suppléent par des subsides, le mont-de piété sera supprimé, et il sera procédé conformément à l'article 3.

« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être supprimé par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération à cet égard.»

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - L'examen que j'ai fait de l'amendement déposé par l'honorable M. d'Anethan m'engage à apporter quelques modifications à la rédaction que j'ai eu l'honneur de proposer à la chambre.

D'abord, je demanderai qu'en tête de l'article on ajoute les mots : « A défaut de fondations, donations ou legs », qui se trouvait dans l'amendement de l'honorable M. d'Anethan et suivant la proposition faite par l'honorable M. Malou.

Ensuite, je supprime dans le premier paragraphe les mots « à la gestion et » et dans le deuxième paragraphe les mots « de pourvoir aux frais de gestion et », de manière à ne laisser que le mot générique « opérations » qui embrasse tous les résultats de la gestion des monts-de-piété.

Les articles 10 et 16 seraient donc réunis en un seul qui serait rédigé de la manière suivante :

« A défaut de fondations, donations ou legs, les administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds nécessaires aux opérations des monts-de-piété. »

C'est un point sur lequel tout le monde est d'accord, que le capital roulant du mont-de-piété doit être fourni par les établissements de bienfaisance.

« Elles sont également tenues de combler, le cas échéant et à titre d'avance, le déficit de ces établissements. »

C'est la rédaction de la section centrale que l'honorable M. d'Anethan reproduit, dans le second article de son amendement.

Ensuite viendrait le second paragraphe de l'amendement de l'honorable M. d'Anethan, dont je reconnais l'utilité :

« En cas de contestation, le conseil communal déterminera, sauf l'approbation de la députation permanente du conseil provincial, la quotité des versements à opérer par chaque établissement. »

Il faut ensuite s'occuper de l'hypothèse où les ressources des établissements de bienfaisance seraient insuffisantes. Dans ce cas il faut distinguer ; s'il s'agit du déficit d'un exercice accompli, la commune doit y pourvoir.

En effet, c'est la commune qui a décrété l'érection du mont-de-piété ; c'est elle qui en a arrêté les règlements organiques, c'est elle qui a profité pour ses indigents des avantages de cette institution. C'est donc elle qui doit combler le déficit résultant d'un exercice accompli.

Mais d'un autre côté, s'il s'agit d'un déficit permanent, résultant de l'insuffisance du capital nécessaire pour les opérations du mont-de-piété, la commune ne peut plus être obligée à le couvrir. Car dans certains cas il pourrait en résulter en quelque sorte la ruine de la caisse communale qui serait dans l'impuissance d'y pourvoir. Il arrive, en effet, quelquefois et dans certaines circonstances, que le capital d'un mont-de-piété doit être considérablement augmenté par suite de l'accroissement du nombre de gages que l'on vient momentanément y déposer ; or, la commune ne pourrait être soumise indéfiniment à une obligation aussi onéreuse.

C'est cette distinction qui se trouve indiquée dans le second paragraphe de l'amendement que j'ai eu l’honneur de présenter.

Dans le premier cas, s'il s'agit du déficit résultant d'un exercice accompli, la commune devra y pourvoir ; dans le second cas, il lui sera seulement facultatif de le faire.

La disposition serait donc ainsi conçue :

« Si leurs ressources sont insuffisantes à cet effet, la commune est tenue de couvrir le déficit des monts-de-piété, et elle peut suppléer à l’insuffisance du capital spécialement affecté aux opérations. »

Ensuite il faut prévoir le cas où les ressources de la commune seraient elles-mêmes insuffisantes. C'est l'objet du troisième paragraphe ;

« En cas d'insuffisance des ressources des communes, et si la province ou l'Etat n'y suppléent par des subsides, le mont-de-piété sera supprimé, et il sera procédé conformément à l'article 3. »

Vient enfin le quatrième paragraphe, qui renferme une disposition présentée par l'honorable M. d'Anethan :

« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être supprimé par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération à cet égard. »

L'honorable M. Tielemans a proposé d'y ajouter qu'il serait nommé en même temps, un commissaire liquidateur. Je ne pense pas, messieurs, que cela soit nécessaire. Si le mont-de-piété doit être supprimé par suite d'une insuffisance de capital, la commission administrative de l'établissement sera chargée de faire la liquidation. Je crois que ce serait faire une espèce d'affront à la commission, que de nommer un commissaire liquidateur ; personne mieux que la commission n'est à même de procéder à celle liquidation et comme ce ne sera point par son fait qu'elle devra avoir lieu, il me semble que la nomination d'un commissaire spécial est tout à fait inutile.

M. le président. -Voici l'amendement de M. le ministre de la justice :

« A défaut de fondations, donations ou legs, les administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds nécessaires aux opérations des monts-de-piété ; elles sont également tenues de combler, le cas échéant et a titre d'avance, le déficit de ces établissements.

« Si leurs ressources sont insuffisantes à cet effet, la commune est tenue de pourvoir aux frais de gestion et de couvrir le déficit des monts-de-piété, et elle peut suppléer à l'insuffisance du capital spécialement affecté aux opérations.

« En cas d'insuffisance des ressources des communes, et si la province ou l'Etat n'y suppléant par des subsides, le mont-de-piété sera supprimé, et il sera procède conformément à l'article 3.

« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être supprimé par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération à cet égard. »

M. Malou déclare retirer son amendement.

M. Delfosse. - Je ne comprends pas pourquoi l'on persiste à établir une distinction entre le cas où les fonds doivent être fournis pour couvrir un déficit et le cas où ils doivent être fournis pour une autre cause. Cette distinction complique inutilement les dispositions du projet de loi. La règle générale est celle-ci : Les fonds dont les monts-de-piété peuvent avoir besoin, soit pour leurs opérations, soit pour couvrir un déficit, doivent, autant que possible, être fournis par les bureaux de bienfaisance et les hospices ; en cas d'insuffisance des ressources de ces établissements, le conseil communal peut être appelé à y pourvoir. La règle devant être la même pour tous les cas que je viens d'indiquer, la distinction établie par M. le ministre de la justice n'a aucune portée.

M. le ministre de la justice demande que les fonds fournis au mont-de-piété pour cause de déficit ne le soient qu'à titre d'avance. Mais tous les fonds fournis aux monts-de-piété par les bureaux de bienfaisance et les hospices le sont à titre d'avance et moyennant un intérêt minime. Je repousserai donc la proposition de M. le ministre de la justice, et je voterai pour celle de l'honorable M. d'Anethan.

(page 1068) M. d’Anethan. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour faire les observations que vient de présenter l'honorable M. Delfosse. J'avoue que pas plus que l'honorable membre, je ne comprends la différence qu'on veut établir entre l'insuffisance du capital et le déficit ; dès la première année, il faut pour les opérations du mont-de-piété un capital suffisant ; ce capital n'est plus suffisant s'il y a déficit, peu importe quand il se révèle. Il n'v a pas deux caisses différentes dans un mont-de-piété, une dans laquelle est versé le capital, une autre pour les dépenses annuelles. Dès l'instant donc où il y a déficit, il affecte le capital, et, dans ce cas, comme dans tous les autres, il y a lieu d'examiner avant tout si le capital restant est encore suffisant ; car s'il pouvait suffire malgré le déficit sur les prévisions de l'année, il ne faudrait pas venir au secours du mont-de-piété ; cette observation prouve qu'il peut exister un déficit qui ne devrait être comblé ni par le bureau de bienfaisance ni par la commune. Il s'agit donc uniquement de savoir si le mont-de-piété a une somme suffisante pour pouvoir continuer les opérations auxquelles il est destiné ; et si le déficit produit ce résultat, il y aura insuffisance de capital, et dans ce cas la bienfaisance d'abord et la commune ensuite devront venir au secours du mont-de-piété. Mais il n'en doit pas être de même si le déficit n'affecte pas assez le capital pour empêcher les opérations, et dès lors il n'est pas exacte de dire que par cela seul qu'il y a déficit, le bureau de bienfaisance ou la commune doit aider le mont-de-piété. Un exercice peut se solder en perte, sans que le besoin de secours en soit la conséquence.

Je ne comprends pas non plus pourquoi on fait une différence entre les obligations de la commune, relativement à ce qu'on appelle le déficit et relativement à ce qu'on appelle l'insuffisance du capital.

M. le ministre de la justice propose pourtant de dire : Lorsqu'il s'agira d'un déficit, les communes et les bureaux de bienfaisance alloueront des fonds à titre d'avance. C’était la rédaction de la section centrale, rédaction au sujet de laquelle j'avais demandé quelques explications à l'honorable rapporteur. Ces explications ont été fournies par l'honorable M. Loos, et c'était pour faire droit à ces observations que j'avais proposé l'article 11. Les honorables MM. Dedecker et Loos avaient dit qu'ils avaient entendu par ce mot « avances » que les prêts, faits dans ce cas, auraient été remboursés sur les premiers bénéfices et avant que la dotation ne fût complète.

C'est uniquement pour établir d'une manière précise le caractère de ces avances extraordinaires que dans l'article 11 j'avais proposé d'insérer cette disposition que ces avances seraient remboursées sur les premiers bénéfices.

La proposition de M. le ministre ne reproduit pas cette disposition. Il se borne à dire qu'en cas d'insuffisance la commune est tenue de pourvoir aux frais de justice et de couvrir le déficit, il ne parle pas du remboursement, de manière que les communes et les bureaux de bienfaisance devraient attendre que la dotation fût complète avant de pouvoir obtenir le remboursement de ces avances extraordinaires.

Je pense donc qu'il est préférable d'adopter l'amendement que j'ai proposé, en substituant un mot : « il sera procédé » à « il sera agi ». Quant a la suppression du commissaire liquidateur, je laisserai à M. Tielemans le soin de la combattre. Je m'étais rallié à sa proposition, parce que, si elle ne m'a pas paru absolument nécessaire, elle m'a du moins paru utile dans le cas où une liquidation présenterait des questions épineuses dont la solution pourrait demander la présence d'un homme versé dans la science du droit.

M. Tielemans. - Je n'avais proposé la nomination d'un commissaire liquidateur que pour un cas qui peut se représenter e se présentera certainement, celui où les monts-de-piété auront des fonds qui leur seront propres et qui se trouveront confondus dans la caisse avec les fonds des hospices, des bureaux de bienfaisance et de la commune. Je disais que dans ce cas il y aurait plusieurs intéressés ; c'était à cause de cela que je croyais nécessaire d'établir un commissaire qui fît la liquidation dans l'intérêt de tous. En faisant ma proposition, je n'avais pas d'autre raison que celle-là, mais je pense qu'elle est assez solide pour maintenir le commissaire liquidateur.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - La rédaction que j'avais proposée n'avait d'autre but que de concilier le malentendu qui existait entre la section centrale et le projet primitif du gouvernement. Le projet primitif disait que le conseil communal, dans chaque commune où il existe un mont-de-piété, est tenu de porter annuellement à son budget la somme nécessaire pour combler le déficit de cet établissement. La section centrale, au contraire, imposait cette obligation aux administrations de bienfaisance, mais à titre d'avance. D'après les explications données par l'honorable M. Loos, la section centrale avait compris qu'il ne s'agissait que d'un déficit constaté sur un exercice accompli, tandis que le projet primitif imposait cette obligation à la commune, quand il s'agissait d'un déficit permanent. C'est pour concilier ces deux rédactions que j'ai supposé l'une et l'autre hypothèse dans celle que j'ai présentée, et il me semble que cette distinction est très utile.

Il peut arriver, en effet, qu'un mont-de-piété ayant le capital nécessaire pour toutes ses opérations soit cependant en perte, sur tel ou tel exercice, par suite de l'insuffisance même de ses opérations, puisqu'il devra payer d'un côté des intérêts aux établissements de bienfaisance, et que ses bénéfices pourront ne pas couvrir les intérêts et les frais d'administration. Dans le cas où ce déficit existerait ce sera à la commune à le combler. Mais si le mont-de-piété est dans l’impossibilité de fonctionner par suite de l'insuffisance du capital, il sera facultatif à la commune d'intervenir, si elle veut que le mont-de-piété soit maintenu. Mais elle ne devra pas être tenue, dans ce cas, de compléter le capital.

Cependant si la chambre est d'avis que, dans tous les cas, la commune ne doit intervenir qu'autant qu'il lui convienne de le faire, alors la rédaction de l'honorable M. d’Anethan serait préférable.

M. Delfosse. - M. le ministre de la justice voit deux cas là où il n'y en a réellement qu'un. Il faut des fonds au mont-de-piété pour les opérations en vue desquelles cet établissement est créé ; s'il ne les possède pas, ou s'il n'en possède qu'une partie, il s'adresse au bureau de bienfaisance et aux hospices, et, au besoin, au conseil communal, qui doit être libre d'examiner si l'état financier de la commune permet d'accéder à la demande. Que le manque de fonds provienne d'un déficit ou de toute autre cause, la position des divers établissements dont je viens de parler doit rester la même. La circonstance que le manque ou l'insuffisance des fonds proviendrait d'un déficit n'est pas de nature à influer sur le mode à suivre pour mettre le mont-ile-piété en état de continuer ses opérations.

- L'amendement de M. d'Anethan, auquel M. le ministre de la justice (M. de Haussy) et M. Loos déclarent se rallier, est adopté dans les termes suivants :

« Art. 10. A défaut de fondations, donations ou legs, les administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds nécessaires aux opérations des monts-de-piété.

« En cas de contestation, le conseil communal déterminera, sous l'approbation de la députation permanente du conseil provincial, la quotité des versements à opérer par chaque établissement.

« Si les fonds que peuvent fournir les établissements de bienfaisance sont insuffisants, le conseil communal y suppléera ; si ses ressources ne le lui permettent pas, et si aucun subside n'est alloué par la province ou par l'Etat, le mont-de-piété sera supprimé, et il sera procédé conformément aux règles posées en l'article 3.

« Dans ce cas, la suppression sera prononcée par le conseil communal et, à son défaut, par un arrêté royal qui nommera en même temps le commissaire liquidateur. »

« Art. 11 (amendement de M. d'Anethan). Les versements extraordinaires qui seront faits en cas d'urgence ou d'insuffisance momentanée, soit par les administrations de bienfaisance, soit par la commune, seront, à leur demande, remboursés sur les premiers bénéfices. »

- Adopté.

La chambre passe au chapitre VI.

Chapitre VI. Objets perdus ou volés

Article 19

« Art. 19. Par dérogation à l'article 2279 du Code civil, celui qui a perdu ou auquel il a été volé un objet engagé au mont-de-piété, ne pourra le revendiquer que pendant six mois à dater du jour où le directeur de l'établissement dûment averti avant l'engagement, soit par le propriétaire, soit par la police, aura en même temps obtenu une désignation suffisante de l'objet soustrait ou égaré. Dans ce cas cet objet sera restitué gratuitement à son propriétaire. »

M. le président. - M. de Garcia de la Vega présente à cet article l'amendement suivant :

« Art. 19. La disposition de l'article 2280 du Code civil est applicable à la chose volée ou perdue, qui a été engagée au mont-de-piété, lorsque le directeur de rétablissement n'aura pas été averti de la perte ou du vol avant l'engagement.

« L'avertissement devra contenir une désignation suffisante de l'objet. ».

M. de Garcia. - Je dois dire quelques mots pour faire connaître la portée de l'amendement que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre dans la séance d'hier. Le but essentiel de cet amendement est de faire disparaître entièrement l'article 19 du projet de loi. Les motifs qui m'ont porté à demander cette suppression sont fort simples. L'article 19 porte une dérogation à un principe de droit commun, qui veut que les objets volés ou trouvés ne puissent être prescrits que par l'espace de trois ans. Le projet de loi détruit ce principe, en ce qu'il veut que les objets volés ou perdus, déposés au mont-de-piété, soient prescrits au profit de cet établissement par six mois.

Ni dans l'exposé des motifs ni dans le rapport, je n'ai trouvé aucune raison sérieuse de détruire un principe qui a pour lui la consécration du temps. Je me suis vainement ingénié à les chercher. Une seule considération est produite dans le rapport, à l'appui de cette étrange innovation ; elle se résume en ce que la dérogation proposée n'aura pour effet que d'enrichir et d'améliorer le sort des établissements des monts-de-piété.

Cette objection n'est, selon moi, nullement concluante. Loin de là, elle devrait être repoussée, puisqu'on doit conserver saufs les droits de tous et que la disposition nouvelle sacrifie l'intérêt du propriétaire de la chose perdue ou volée. A cet égard, l'expérience n'a pas démontré que la prescription de trois ans fût un terme trop long. Pourquoi donc vouloir changer un principe de droit commun, qui a pour lui la consécration du temps ? Je le répète, nul motif raisonnable n'est produit pour que la chambre se décide à admettre une dérogation à notre droit commun. Mais contre mon amendement on objectera sans doute, qu'il est (page 1069) inutile parce que l'article 21 de la loi que nous discutons remplit le but de ma proposition. Cette objection est fondée jusqu’à un certain point.

L'article 21 contient une disposition qui correspond à peu près à mon amendement.

M. d’Anethan. - Elle est plus complète.

M. de Garcia. - Vous dites qu'elle est plus complète. A mes yeux elle l'est moins. Je m'explique : elle est plus complète en ce sens, que l'article 2280 ayant déjà reçu depuis longtemps son application, les difficultés auxquelles il pouvait donner lieu ont été décidées et fixées par la jurisprudence. Or, l’article 21 de la loi que l’on dit plus complet donnera, j’en ai la conviction, donnera lieu, dis-je, à des difficultés qui ne surgiraient pas, si on s’en rapportait à un texte de loi qui a reçu une longue application.

En assimilant les objets déposés aux monts-de-piété aux objets vendus dans les conditions de l'article 2280, mon amendement, outre qu'il conserve les principes du droit commun, est tout à fait rationnel.

En effet, il part de la supposition que l'on doit considérer les effets reçus en gage par les monts-de-piété comme ceux qui sont vendus en vente publique, cette assimilation me paraît des plus justes, et la raison en est palpable ; c'est qu'en principe général il ne peut appartenir à ces établissements de se refuser à recevoir les objets que des malheureux leur présentent pour obtenir un prêt à l'effet de se procurer du pain.

En résumé, mon amendement a pour objet de maintenir des principes qui n'ont donné lieu à aucun inconvénient, qui ont la consécration du temps et qui, selon moi, sans porter préjudice aux monts-de-piété, sont utiles dans l'intérêt de ceux qui ont perdu ou à qui on a volé des objets.

Si vous déclarez, comme le propose le projet, que la prescription sera acquise après six mois, vous allez encourager tous les voleurs à porter les objets voles ou trouvés, au mont-de-piété. Les monts-de-piété, qui sont déjà des refuges d'objets volés, le deviendront davantage.

J'insiste donc vivement pour que la chambre ne s'écarte pas, dans les circonstances actuelles, et sans motifs plausibles, des principes consacrés par notre Code civil.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je dois repousser l'amendement de l'honorable M. de Garcia et maintenir la rédaction de l'article 19 du projet primitif du gouvernement, qui a été adopté par la section centrale.

Je considère cette disposition comme l'une des plus essentielles du projet. Je crois que le crédit et l'existence même des monts-de-piété sont attachés au maintien de cette disposition.

L'article 2279 du Code civil, en consacrant le principe qu'en fait de meubles la possession vaut titre, a établi une exception en faveur du propriétaire de la chose perdue ou volée, qui a trois ans pour la revendiquer entre les mains du détenteur, lequel doit la restituer gratuitement. Mais l'article 2280 a apporté à cette disposition une modification essentielle, en décidant que le propriétaire de la chose perdue ou volée ne peut en obtenir la restitution qu'en remboursant à son possesseur tout ce qu'elle lui a coûté, si celui-ci l'a achetée dans une foire, dans un marché, dans une vente publique, ou de personnes vendant des choses semblables.

Ainsi, messieurs, si le projet de loi dont nous nous occupons ne contenait aucune dérogation à ces dispositions, il en résulterait que, pendant trois ans, les monts-de-piété seraient tenus de restituer une chose perdue ou volée à tout propriétaire qui se présenterait pour la revendiquer.

Messieurs, une pareille disposition paralyserait l'action des monts-de-piété. Il serait impossible que des établissements qui sont quelquefois dans le cas de recevoir 2 à 3,000 gages par jour, pussent continuer à fonctionner. Leur administration serait à chaque instant entravée, par la nécessité où l'on se trouverait de vérifier si chaque gage qui est présenté n'est pas l'un des objets qui auraient été signalés comme perdus ou volés.

Il fallait donc placer les monts-de-piété dans une position exceptionnelle. Il fallait déroger à leur égard au Code civil, et c'est ce qui a été fait par l'article 19 du projet, qui réduit le délai de la prescription à six mois, lequel délai courra à partir du jour où l'avertissement de la perte ou du vol aura été donné au directeur de l'établissement.

Ce délai, messieurs, est suffisant pour garantir les droits du propriétaire de la chose perdue ou volée. L’étendre au-delà de ce terme, ce serait encore une fois entraver toutes les opérations des monts-de-piété.

L'article décide donc que si le directeur a été averti de la perte ou du vol et si la désignation de l'objet perdu ou voté lui a été donnée, la restitution de cet objet devra, pendant un délai de six mois, se faire gratuitement, parce qu'alors il y a faute, il y a négligence de la part du directeur qui, ayant été averti, a reçu comme gage l'objet perdu ou volé qui lui avait été désigné. Seulement, dans ce cas, les règlements organiques établiront la responsabilité envers l’établissement des employés qui se seraient rendus coupables de semblables négligences.

Mais si aucun avertissement n'a été donné, alors évidemment le mont-de-piété doit être considéré comme un possesseur de bonne foi, et comme dans le cas de l'article 2280 du Code, il ne doit restituer la chose perdue ou volée qu'à charge d'être entièrement indemnisé et de récupérer le montant du prêt qui a été fait sur le gage ainsi que les intérêts jusqu'au jour où la restitution s'opère.

Je ferai observer, messieurs, que de tout temps les monts-de-piété ont été placés à cet égard sous l'empire d'une législation exceptionnelle. On a toujours reconnu que cela était nécessaire, que sans cela il était impossible que cette institution pût fonctionner et se maintenir. Nos anciens règlements, nos anciennes lois sur les monts-de-piété, contiennent des, dispositions analogues. Cependant l'arrêté du 31 octobre 1826 contient une disposition contraire. Mais cette disposition avait été établie à raison de ce qui se pratiquait dans les provinces du Nord, du royaume des Pays-Bas, où les monts-de-piété étaient remis en entreprise entre les mains d'adjudicataires. Or il fallait empêcher que ces entrepreneurs ne fussent trop enclins à recevoir un grand nombre de gages sans s'inquiéter si ces gages n'étaient pas des objets perdus ou volés.

Mais aujourd'hui il n'en est plus de même. Les monts-de-piété étant administres par des commissions entièrement désintéressées, et fonctionnant pour le compte et au profit des établissements de bienfaisance, le même inconvénient ne peut plus se reproduire.

Je ferai remarquer d'ailleurs qu'en Hollande même on avait reconnu l'inconvénient de cette disposition contre laquelle de nombreuses réclamations s'étaient élevées.

Le nouveau Code civil des Pays-Bas qui n'a pas été en vigueur dans ce pays à cause des événements de 1830, contenait une disposition abrogatoire de l'arrêté du 31 octobre 1826 et analogue à celle de l'article en discussion.

Je pense donc, messieurs, qu'il est très important de maintenir dans le projet cette disposition et que vous compromettriez l'existence des monts-de-piété et les avantages de la réforme que nous voulons introduire, si vous admettiez l'amendement présente par l'honorable M. de Garcia.

M. de La Coste. - Messieurs, il y a ici deux intérêts à concilier : il y a l'intérêt du mont-de-piété dont la responsabilité doit être restreinte dans des termes raisonnables. Il y a aussi l'intérêt d'une bonne police ; l'intérêt d'empêcher les détournements, d'empêcher les recels.

Ces deux intérêts, je le répète, doivent être conciliés. Mais je crois que cette conciliation résulte d'un autre principe. C'est le principe de l'article 1382 et de l'article 1383 du Code qui dit que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; et ensuite que chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Je pense, messieurs, qu'il faut au moins laisser reposer sur les monts-de piété cette responsabilité du droit commun, cette responsabilité générale et qui ne supporte pas d'exception, être responsable de sa négligence ou de son imprudence, dans le cas où il accepterait trop légèrement des objets qui seraient déposés.

Je pense que nous ne devons en aucune manière affaiblir cette responsabilité et qu'on devra, au contraire, la renforcer par le règlement organique. Dans les règlements anciens des monts-de-piété, arrêtés par le gouvernement français, on avait pris des précautions, dans ce sens et je crois qu'il n'est pas nécessaire, pour atteindre le but que j'ai en vue, de rien changer au projet de loi ; mais je crois que ce commentaire était nécessaire et que lorsqu'on s'occupera du règlement organique, il faudra le mettre en harmonie avec les principes que je viens de rappeler.

M. d’Anethan. - Je viens combattre l'amendement de M. de Garcia et appuyer les observations présentées par M. le ministre de la justice. Comme l'a dit M. le ministre, le but de l'article 19 est de faire droit aux observations très justes qu'avait suscitées l'arrêté de 1826. L'arrêté de 1826 obligeait les monts-de-piété à restituer pendant 3 ans, d'une manière générale et gratuitement, les objets provenant de vols qui avaient été déposés dans cet établissement. Voilà, messieurs, quel était le régime introduit par l'arrêté de 1826. Cet arrêté avait modifié l'état de choses antérieurement existant et qui péchait peut-être par l'excès contraire, car d'après les règlements en vigueur avant 1826 les monts-de-piété ne devaient jamais restituer les objets alors même qu'ils provenaient de vols, sans obtenir le remboursement de la somme avancée. Ainsi, messieurs, l'arrêté de 1826 a consacré un système tout à fait contraire à celui qui existait .antérieurement, et il a évidemment outrepassé le but que l'on devait se proposer.

Dans les articles du projet actuel, on a adopté un terme moyen ; on a cherché et l'on a réussi, je pense, à concilier les justes intérêts de toutes les parties, l'intérêt des propriétaires comme l’intérêt des établissements prêteurs.

Si le directeur ou les employés de l'établissement n'ont pas été avertis et si l'on a déposé un objet au mont-de-piété sans que le directeur eût connaissance que cet objet provenait de vol, il est évident que, dans ce cas, il faut une exception à l’article 2279 du Code civil. Comme je le disais dans une autre séance, en répondant à une observation de l'honorable M. de La Coste, le mont-de-piété n'est pas libre d'accepter ou de ne pas accepter les objets qui lui sont présentés, et lorsqu'il n'a pas reçu d'indications, il serait injuste de le forcer à restituer les objets sans obtenir la restitution de la somme avancée. Nous sommes donc d'accord avec l'honorable M. de Garcia pour ce cas, et ce cas est prévu par l'article 21 qui, je me permettrai de le dire à l'honorable membre, est plus complet que son amendement.

Quand le directeur a été averti, faut-il modifier l'article 2279 du Code civil ? Faut-il, alors permettre au propriétaire de réclamer les objets qui ont été déposés pendant les trois années qui suivent le dépôt, sans qu'il doive rembourser l'avance qui a été faite par je mont-de-piété ? L'honorable M. de Garcia pense qu'il faut maintenir pour ce cas le droit (page 1070) commun, qu'il faut obliger l'établissement à restituer gratuitement les gages qu'il a reçus quand le directeur a été préalablement averti. Je pense, messieurs, qu'il faut réduire à six mois le temps pendant lequel cette restitution doit avoir lieu gratuitement, et je ferai remarquer d'abord que le droit de réclamation pendant six mois est une faveur nouvelle faite au propriétaire, une faveur qui n'existait pas avant 1826 ; on rend donc la position du propriétaire d'un objet volé meilleure qu'elle ne l'était avant cette époque et je dirai même meilleure qu'elle ne l'a jamais été ; car la disposition de l'arrêté de 1826, dont il s'agit en ce moment, n'a jamais reçu d'exécution.

Mais, messieurs, il faut nécessairement que cet avantage accordé au propriétaire repose sur la justice et qu'il soit compatible avec l'administration du mont-de-piété.

Pour que cet avantage soit juste, il faut qu'au moment du dépôt l'administration des monts-de-piété ait été mise à même de savoir si l'objet déposé provient de vol. Eh bien, messieurs, avec l'amendement de M. de Garcia, cela est complètement impossible.

Il se fait à Bruxelles, terme moyen, au-delà de 700 dépôts par jour ; il s'en fait quelquefois jusqu'à 2 à 3,000, comme l'a dit M. le ministre, mais la moyenne est 700 ; comment voudrait-on que le directeur du mont-de-piété s'assurât que pendant 3 années aucun de ces objets n'a été indiqué comme provenant de vol ?

Je dis que c'est là une chose matériellement impossible, et dès lors la responsabilité que vous voulez imposer aux monts-de-piété est une chose injuste. Il sera déjà fort difficile de rechercher pour chaque objet présenté les indications données pendant les six mois précédents, et on voudrait qu'on dût rechercher celles qui ont été données pendant 3 ans !

Il doit examiner, article par article, les réclamations faites, les indications données ; il doit ensuite vérifier si parmi ces indications il en est qui se rapportent à l'objet présenté. Cela est impossible, et dès lors, il serait souverainement injuste de faire peser sur le directeur ou sur l'établissement une semblable responsabilité.

L'honorable M. de Garcia dit qu'il ne faut pas enrichir les monts-de-piété ; il n'est pas question ici de les enrichir, mais de ne pas les appauvrir injustement : l'objet déposé au mont-de-piété ne lui a pas été donné gratuitement, et dès lors ce serait les appauvrir que de les forcer à s'en dessaisir sans rentrer dans la somme prêtée.

Voilà la question véritable. Elle consiste à savoir s'il faut enlever à l'établissement un objet qu'il a accepté de bonne foi, et contre lequel il a donné une valeur. Or, l'amendement de l’honorable M. de Garcia, non seulement empêche les monts-de-piété de s'enrichir, mais il tend à les ruiner.

L'honorable membre vous a dit que si l'amendement était adopté, ce serait un encouragement pour les voleurs. Je ne puis pas admettre cette conséquence. Lorsqu'un voleur dépose un objet au mont-de-piété, son but est d'obtenir de l'argent sur cet objet, et il s'inquiète fort peu, après cela, si l'objet reste au mont-de-piété ou revient au propriétaire, à qui il l'a dérobé. Ce qui pourrait être un encouragement au vol, mais un moyen d'empêcher la constatation des crimes, ce serait la faculté qu'aurait le mont-de-piété de vendre instantanément l'objet qui a été déposé. Or, l'amendement de l'honorable M. de Garcia n'est pas obstatif à ces ventes immédiates.

Je pense donc que les intérêts de bonne police, dont se préoccupait à bon droit l'honorable M. de La Coste, ne peuvent aucunement souffrir de la disposition qui est proposée et qui me paraît éminemment juste.

Quant à l'observation faite par l'honorable M. de La Coste, relativement à l'applicabilité des articles 1383 et 1384 du Code civil, l'article 20 du projet de loi fait un appel à la responsabilité dont parlait l'honorable M. de La Coste, et qu'il faudra organiser par un règlement.

Je disais que l'amendement de l'honorable M. de Garcia n'était pas aussi complet que l'article 21 du projet. L'honorable membre propose de dire :

« La disposition de l'article 2280 du Code civil est applicable à la chose volée ou perdue, qui a été engagée au mont-de-piété, lorsque le directeur de l'établissement n'aura pas été averti de la perte ou du vol avant l'engagement.

« L'avertissement devra contenir une désignation suffisante de l'objet. »

Cet article veut dire que le mont-de piété est mis sur la même ligne que le possesseur qui a acheté la chose volée dans une foire, par exemple.

Mais l'honorable M. de Garcia ne parle pas des intérêts, et sous ce rapport l'article 21 est plus complet que l'amendement de l'honorable M. de Garcia.

L'honorable membre entend-il que l'individu qui viendra, dans les trois ans, rechercher l'objet volé, déposé au mont-de-piété, devra, non seulement rembourser la somme prêtée par le mont-de-piété, mais payer aussi les intérêts de cette somme ? L'honorable membre ne tranche pas la question, mais l'article 21 la tranche dans le sens du non-payement des intérêts. D'après l'article 21, le propriétaire qui vient réclamer l'objet qui lui a été volé, n'est pas tenu de rembourser les intérêts. Je pense qu'il faut maintenir ce principe.

La section centrale propose de faire payer, dans ce cas, les intérêts échus. Je ne crois pas ou il soit convenable que le mont-de-piété s'enrichisse en recevant des intérêts, alors que la nature de l'objet est bien constatée, et qu'il est reconnu provenir d'un vol ; dans cette circonstance, ne serait-il pas immoral qu'un établissement public perçût des intérêts, à raison d'un dépôt ayant une pareille source ?

Et puis, si, dans ce cas, il n'y a pas de faute de la part de l'administration du mont-de-piété, il peut très bien se faire qu'il n'y en ait pas non plus de la part de l'individu au préjudice duquel le vol a été commis. Je crois que la seule disposition à prendre dans ce cas, c'est d'obliger le propriétaire de rembourser la somme prêtée contre l'objet volé ; l'établissement sera indemne, cela suffit.

M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, je ne reviendrai pas sur les observations qui ont été présentées par M. le ministre de la justice et par l'honorable M. d'Anethan à l'appui des articles 19 et 21 du projet actuel. Je crois que ces honorables préopinants ont démontré à l'évidence la nécessité de maintenir ces dispositions qui dérogent, il est vrai, aux principes de la législation ordinaire en matière de restitution, mais qui sont conformes à la logique et au bon sens, et de nature à concilier les divers intérêts.

Toutefois, relativement à l'article 21, il y a une légère différence entre le projet de loi, tel qu'il a été présenté par le gouvernement, et le projet de la section centrale. La section centrale propose que, dans le cas où l'administration du mont-de-piété n'aura pas été avertie en temps utile et n'aura pas reçu une désignation suffisante de l'objet, alors le propriétaire de l'objet perdu ou volé, devra, contre restitution de l'objet, non seulement rembourser la somme prêtée, mais rembourser aussi les intérêts ; l'honorable M. d'Anethan voudrait que, dans ce cas, le propriétaire dût seulement restituer la somme prêtée, sans être tenu de payer les intérêts.

Je crois qu'une telle décision ne serait pas juste. Il est évident que, dans le cas prévu par l'article 21, il n'y a aucune faute à reprocher à l'administration du mont-de-piété ; je ne vois pas pourquoi dès lors cette administration devrait subir une perte quelconque, du chef de la restitution de l'objet volé.

« Il ne faut pas, dit l'honorable M. d'Anethan, que l'administration du mont-de-piété s'enrichisse, en se faisant aussi rembourser les intérêts.» Mais, en exigeant aussi le payement des intérêts, le mont-de-piété ne s'enrichit pas ; au contraire, en ne l'exigeant pas, l'administration du mont-de-piété ferait une véritable perte, puisque l'argent prêté, contre l'objet susceptible d'être restitué, aurait pu être prêté contre un autre gage, et aurait dès lors porté intérêt. Si donc, dans le cas de restitution, vous ne permettez pas au mont-de-piété de compter l'intérêt, vous lésez l'établissement.

C'est pour prévenir cette lésion que la section centrale propose de faire payer également les intérêts par le propriétaire de l'objet restitué.

Et puis, il y aura ici maint abus possible. Quelqu'un feint, je suppose, d'avoir perdu un objet qu'il aura fait engager au mont-de-piété. D'après le système de l'honorable M. d'Anethan, il obtiendra la restitution de l'objet contre le remboursement de la somme prêtée, et il ne sera pas tenu à payer les intérêts.

Je persiste donc à croire que, dans le cas de l'article 21, il y a lieu d'exiger, non seulement le remboursement de la somme avancée, mais encore le payement des intérêts échus ; sinon, on laisserait ouverture à des abus très graves.

Par ces différents motifs, je propose de maintenir la réduction proposée par la section centrale à l'article 21.

M. de Garcia. - Messieurs, le principal motif de mon amendement réside dans la répugnance que j'ai à détruire les principes de droit consacrés par nos lois. Il est évident que le projet de loi sur les monts-de-piété détruit un de ces principes. Pour attaquer mon amendement et défendre la proposition du gouvernement, on a fait valoir plusieurs argumentations. Nulle ne me paraît avoir quelque valeur. La première repose sur la difficulté de faire des recherches pendant trois ans sur les objets volés. Cette observation n'est qu'apparente, car je le demande à ceux qui l'ont produite, les objets déposés restent-ils, peuvent-ils même rester pendant trois ans déposés au mont-de-piété ? Evidemment non. Dès lors, les recherches ne pourront jamais remonter que sur les objets qui s'y trouvent en nature, et qui ne peuvent guère remonter qu'à 12 ou 13 mois.

Au surplus, cette objection que vous élevez contre mon amendement s'élève aussi contre la disposition du projet de loi, qui suppose des recherches au moins pendant six mois. Mais dans l'hypothèse où la proposition du gouvernement serait admise, il me reste une question à faire au gouvernement.

Depuis six mois l'objet volé ou perdu déposé aux monts-de-piété ne peut plus être recherché contre celui-ci, il lui est en d'autres termes définitivement acquis.

Je demanderai au gouvernement quelle sera la position du particulier qui aura acheté cet objet aux ventes du mont-de-piété. Pourra-t-il être, lui, poursuivi par le propriétaire pour la restitution pendant trois ans ?

En d'autres termes, l'objet volé, qui aura passé six mois au mont-de-piété, sera-t-il purgé du vice qui le soumettait à la restitution ?

Dans l'intérêt de tous, comme pour l'application de la loi, il est important qu'on s'explique sur ce point, et je convie M. le ministre, comme l'honorable M. d'Anethan, de faire connaître leur opinion à cet égard.

On a présenté une autre considération contre mon amendement, et (page 1071) pour maintenir l'article 19 du projet, on a dit que je compromettais l'existence des monts-de-piété. Cette objection me paraît aussi vaine que les précédentes. Elle n'a rien de fondé, puisque, par ma proposition j'oblige celui qui revendique un objet à payer au mont-de-piété tout ce qui a été déboursé par celui-ci.

Dès lors, on doit le reconnaître, mon amendement ne peut en rien, ni sous aucun rapport, compromettre l'existence des établissements des monts-de-piété, et les objections faites contre lui ne sont ni logiques, ni rationnelles.

On a cité, pour attaquer mon amendement, les arrêtés antérieurs. D'abord j'observerai que ces arrêtés ne pouvaient légalement détruire les principes de la loi. Mais mon amendement a pour objet de revenir aux principes consacrés par le Code civil. Les arguments tirés de l'arrêté de 1826 et autres ne font rien à mon amendement qui rentre seulement dans les dispositions du Code civil. Je n'en dirai pas davantage, mais je refuserai mon vote à l'article 19 présenté par le gouvernement.

M. Tielemans. - On paraît d'accord qu'il est nécessaire de déroger à l'article 2279 du Code civil en faveur des monts-de-piété, parce que, dans l'état actuel de la législation, les objets volés ou perdus que l'on met en gage sont souvent une cause de gêne ou de ruine pour ces établissements. Je partage cet avis ; mais la dérogation qua l'on réclame se trouve dans l'article 21 du projet. En effet, cet article porte :

« Les propriétaires des gages perdus ou volés qui n'en auront pas fourni la désignation avant l'engagement et qui voudront en obtenir la restitution, seront tenus de rembourser au mont la somme prêtée, avec dispense toutefois d'en payer les intérêts. »

L'article 2279 du Code civil, au contraire, ne permet la restitution que contre le remboursement de la somme payée. Ainsi les monts-de-piété, par l'article 21 du projet, se trouvent garantis contre les pertes éventuelles que l'article 2279 du Code civil peut leur causer.

Voyons maintenant l'article 19 du projet. J'ai relu souvent cet article et je ne sais si mon intelligence me sert mal, mais je ne le comprends pas encore. Il suppose le cas où, avant tout engagement, la police ou le propriétaire de l'objet aura averti le directeur du mont-de-piété que cet objet est volé ou perdu, en joignant à cet avertissement une désignation suffisante. L'article suppose, en second lieu, que le directeur étant ainsi averti, quelqu'un se présente à lui pour mettre en gage l'objet volé ou perdu ; or, quel est en pareil cas le devoir du directeur ou de ses employés ? Il est dûment averti que l'objet a été volé ou perdu ; il en a la désignation. Son devoir est de retenir l'objet et de prévenir la police ou le propriétaire ; le mont-de-piété ne prèle donc pas sur cet objet, il ne le reçoit pas en nantissement ; et dès lors il n'est pas exposé à perdre.

L'article 19 me paraît donc complètement inutile. S’il arrivait cependant que le directeur, malgré l'avertissement qu’il a reçu, et la désignation qu'on lui a donnée de l'objet volé ou perdu, prêtai quelque chose sur cet objet, il serait responsable envers le mont-de-piété de la perte qui en résulterait pour l'établissement, et dans ce cas, il n'y aurait aucune raison pour déroger à l'article 2279 du Code civil.

Ce serait un cas de responsabilité civile qui rentrerait dans l'article 1382 du Code civil, dont parlait tantôt l'honorable M. de La Coste.

Du moment où vous admettez que le directeur doit être préalablement averti et avoir reçu une désignation suffisante de l'objet pour appliquer l'article 19, je ne le comprends plus.

Je prie M. le ministre de donner des explications à cet égard.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - L'article 19 suppose que le directeur a été averti du vol ou de la perte de la chose et que la désignation lui a été remise. Dans ce cas, si le directeur ou l'employé, par négligence ou par toute autre cause, a reçu l’objet perdu ou volé, et qu'il ait prêté sur cet objet, le mont-de-piété sera responsable en ce sens que le propriétaire, se présentant dans le délai de six mois, pourra se faire restituer gratuitement l'objet qui lui a appartenu. Mais l'article 20 répond à l'objection de l'honorable M. Tielemans, et dit que dans ce cas le règlement détermine la responsabilité des employés envers l’établissement.

Ainsi la restitution aura lieu à titre gratuit et la perte sera pour l’établissement ; mais celui-ci exercera son recours contre l'employé négligent ou coupable, conformément aux règlements qui seront établis par les arrêtés organiques, et qui détermineront cette responsabilité.

Voilà comme je comprends la disposition de l'article 19 et il me paraît évident qu'elle est nécessaire, et qu'elle doit être maintenue.

La chambre ne perdra pas de vue que l'article 21 ne déroge en aucune manière à l'article 2279, quant à la prescription. Il ne fait autre chose qu'appliquer le principe de l'article 2280 du Code civil au propriétaire des gages perdus ou volés qui viendrait les réclamer au mont-de-piété.

Mais l'article 19 contient une disposition toute particulière, c'est celle par laquelle la prescription de 3 ans établie par l'article 2279 est réduite à six mois.

Or, tout le monde reconnaît qu'il serait impossible, dans la pratique, qu'un mont-de-piété pût marcher, si pendant 3 ans l’établissement était tenu de confronter minutieusement tous les gages qui lui seraient présentes, quelque nombreux qu'ils pussent être, et de vérifier si chacun d'eux est conforme à l'une ou à l'autre des nombreuses désignations remise depuis trois ans au directeur de l'établissement. Tous les directeurs de mont-de-piété, tous ceux qui ont quelque expérience en cette matière sont d'accord, qu'il est impossible qu’un mont-de-piété puisse se soutenir, si cette restriction à l’article 2279 du Code civil n'était pas admise.

M. Raikem. - Je ne vois pas que M. le ministre de la justice ait répondu aux observations de l'honorable M. Tielemans, qui à mes yeux a prouvé à l'évidence que l'article 19 du projet ne peut recevoir aucune application. Ces observations ne vous auront pas échappé. Si l'on avait donné, avant le nantissement, une désignation suffisante de l'objet, le directeur et les employés du mont-de-piété ne doivent pas le recevoir. C'est ce qui a déjà été prévu par les règlements qui ont été faits sous le gouvernement français. Mais je me demande en premier lieu si nous devons nous occuper du Code civil, ou si nous ne devons pas plutôt faire des dispositions spéciales pour les monts-de-piété.

Vous savez que quand on donne un objet en nantissement à un particulier, le Code civil suppose nécessairement que celui qui le donne en est propriétaire ; car à mon avis le nantissement de la chose d'autrui serait nul. Mais tout en édictant ces dispositions, le Code civil statue à l'article 2084 :

« Les dispositions ci-dessus ne sont applicables ni aux matières de commerce ni aux maisons de prêt sur gage autorisées, et à l'égard desquelles on suit les lois et règlements qui les concernent. » Ainsi les dispositions qui concernent les maisons de prêts sur gages (les monts-de-piété ont été envisagés comme tels) doivent faire l'objet de lois et de règlements particuliers. Il me semble qu'ici nous devons nous occuper des dispositions concernant les monts-de-piété, qu'il ne s'agit pas de déroger au Code civil, puisqu'il ne dispose pas sur ce qui concerne les maisons de prêt sur gages.

Je crois donc que nous devons nous renfermer dans des dispositions spéciales et ne pas déroger au Code civil.

Mais je remarque d'abord que l'article 20 suppose que nous avons connaissance des règlements organiques qui détermineront la responsabilité des employés envers les monts-de-piété, et probablement aussi le délai après lequel les gages pourront être vendus.

Ce serait d'après ces règlements organiques, que nous ne connaissons pas, qu'il faudrait faire des dispositions législatives pour les appliquer à ces mêmes règlements. Mais cela est assez difficile, quand ceux-ci ne sont pas connus.

Si nous nous reportons aux règlements qui ont été faits sous le gouvernement français, notamment aux dispositions qui concernent le mont-de-piété de Paris réglées par un décret du 8 thermidor an XIII, nous y trouvons diverses dispositions, d'abord celle qui concerne les obligations des employés des monts-de-piété.

Des mesures très sévères sont prises afin de prévenir le nantissement d'objets volés. Mais si l'on réclame comme volé un objet donné en nantissement, on doit fournir la preuve qu'on en est propriétaire et rembourser le prix du nantissement avec les intérêts et les droits. Je conçois les dispositions corrélatives, les obligations sévères imposées à l'emprunteur, ensuite l’obligation pour celui à qui l’on a volé l'objet de rembourser le montant du prêt fait sur le nantissement. Mais si vous n'avez pas les deux obligations corrélatives, comment juger de l'effet d'une seule obligation ? Car l'influence du défaut de précautions de la part des employés sur l'obligation de rembourser la somme pour laquelle l'objet avait été laissé en nantissement, a donné lieu en France à une difficulté qui a été résolue par la jurisprudence.

La question s'y est présentée. Des employés n'avaient pas pris les précautions suffisantes pour reconnaître si les objets avaient été volés. Le vol fut prouvé ; une condamnation intervint ; restitution des objets fut ordonnée au propriétaire. Mais le mont-de-piété dont il s'agissait alors, soutint qu'il ne devait remettre les objets que moyennant remboursement du prix qu'il avait donné à celui qui les avait déposés en nantissement. Sur cela est intervenue une décision qui a déclaré que les employés n'ayant pas observé les règlements, le mont-de-piété était responsable de ses employés, et qu'il ne pouvait, dans ce cas particulier, exiger le remboursement du montant de la somme qui avait été fournie sur le dépôt des objets en nantissement.

Il y a à tel égard un arrêt de la cour de cassation de France du 28 novembre 1832.

Ainsi, messieurs, voilà les obligations qui sont bien établies, qui sont corrélatives. D'un côté on sauvegarde les droits du mont-de-piété, en ce qu'on oblige, quand les employés ont rempli toutes leurs obligations, de restituer le montant de la somme pour laquelle l'objet a été mis en nantissement ; et d'un autre côté le public a aussi ses garanties, puisque les employés doivent prendre les précautions qui leur sont prescrites par les règlements, afin de ne pas recevoir en nantissement des objets volés ou perdus.

Mais ici, dans l'article 19 du projet, on suppose non seulement que les employés n'ont pas rempli les obligations qui probablement leur seront imposées par les règlements, afin de s'assurer s'il y a suspicion de vol ; mais encore on suppose qu'ayant eu connaissance des objets volés,, qu'ayant eu connaissance de la désignation suffisante qui en a été donnée préalablement, ils ont reçu ces objets en nantissement ; et dans ce cas, le mont-de-piété qui certes devrait être responsable de ses employés, sauf son recours contre eux, a une faveur : la prescription est réduite à six mois.

Un membre. - Non ! Non !

M. Raikem. - Je vais lire l'article :

« Art. 19. Par dérogation à l'article 2179 du Code civil, celui qui a perdu ou auquel il a été volé un objet engagé au mont-de-piété, ne pourra le revendiquer que pendant six mois à dater du jour où le directeur de l'établissement dûment averti avant l'engagement, soit par le propriétaire, soit par la police, aura eu même temps obtenu une désignation (page 1072) suffisante de l'objet soustrait ou égaré. Dans ce cas cet objet sera restitué gratuitement à son propriétaire. »

Ainsi, dans ce cas, il ne peut y avoir de la part de l'employé que faute grave tout au moins, et cette faute grave de la part de l'employé qui a été dûment averti, on la fait tourner au préjudice du propriétaire qui n'aura que six mois pour former la revendication.

En outre, pour former cette revendication, devra-t-il remplir toutes les formalités de la saisie-revendication telle qu'elle est tracée par les articles 826 et suivant du Code de procédure civile ? C'est ce que semble indiquer la disposition du projet ne pourra le revendiquer. Ainsi il faudra que dans les six mois ils viennent remplir toutes les formalités de la saisie-revendication pour réclamer cet objet. Le plus souvent, dans ce cas, il y aura suspicion de vol. Lorsqu'il y aura des indices que les objets ont été volés, une poursuite répressive sera exercée ; la justice saisira les objets qui ont été déposés en nantissement. Pendant que la justice sera saisie des objets, pendant que la justice répressive instruira le procès, est-ce qu'on devra encore former la saisie-revendication, ou suffira-t-il, dans ce cas, que l'objet soit mis sous la main de la justice pour que postérieurement, et lorsque la poursuite criminelle ou correctionnelle sera jugée, le propriétaire puisse le revendiquer ?

Il me semble, messieurs, que cette disposition donnerait lieu à beaucoup de difficultés dans la pratique. Je crois d'ailleurs qu'elle est parfaitement inutile et même qu'elle serait dangereuse, puisqu'on y suppose une faute très grave de la part des employés de l'établissement auquel cet article s'applique.

Je pense donc qu'il n'y a pas lieu d'adopter cet article et que l'article 21, qui rentre absolument dans l'amendement de l'honorable M. de Garcia, suffirait à cet égard, que celui qui n'aurait pas donné un avertissement préalable aux employés du mont-de-piété, ne pourra revendiquer l'objet mis en dépôt qu'en remboursant la somme pour laquelle ce même objet a été déposé.

M. d’Anethan. - Messieurs, l'honorable M. Raikem et l'honorable M. Tielemans ont combattu la disposition de l'article 19, qu'ils considèrent comme parfaitement inutile. Je pense que ces honorables membres négligent trop les cas qui peuvent se présenter et qui se sont sans doute fréquemment présentés où cet article doit recevoir une application que je considère comme nécessaire dans l'intérêt des monts-de-piété.

Le raisonnement de l'honorable M. Tielemans et de l'honorable M. Raikem serait exact, s'il était certain que jamais aucun objet à l'égard duquel une désignation aurait été donnée, ne sera accepté par le mont-de-piété. Mais comment peut-on donner l'assurance que, dans la grande quantité d'objets portés au mont-de-piété, on n'acceptera pas, par une erreur tout à fait involontaire, des objets perdus ou volés ? Comment s'assurer que les désignations seront toujours tellement claires, que l'employé ne pourra pas commettre d'erreur de la meilleure foi du monde ?

Si l'erreur est possible, si l'employé accepte un gage provenant de vol et donne la somme fixée, quel est le droit du propriétaire relativement à cet objet ? Peut-il le réclamer ? D'après l'article 2279, ce propriétaire pourra le réclamer pendant trois ans ; par l'article 19, on veut limiter ce droit de réclamation à six mois.

Il ne faut pas se préoccuper, me paraît-il, des difficultés de procédure dont a parlé l'honorable M. Raikem ; il est inutile d'examiner s'il faudra former une saisie-revendication. Messieurs, dans le cas de l'article 19, le propriétaire réclamera dans la même forme que dans le cas de l'article 2279 ; la seule différence entre ces deux articles, c'est que le délai est abrégé.

Supposons que l'article n'existe pas. Vous n'appliquerez sans doute pas l'article 21 au cas où le directeur aura été averti. Si le directeur est averti, il y aura donc lieu à revendication de la part du propriétaire, et il pourra revendiquer l'objet pendant trois ans ; C'est l'opinion de l’honorable M. de Garcia, qui ne se préoccupe pas, lui, de la difficulté soulevée par l'honorable M. Raikem, qui ne demande pas de quelle manière on devra récupérer l'objet. Le Code de procédure trace la marche. S'il y a refus de restitution fait par le mont-de-piété, on devra sans doute intenter une action en justice régulière. Mais ce cas n'arrivera que rarement ; et dès l’instant qu'un propriétaire revendiquera au mont-de-piété un objet pour lequel il établira clairement son droit de propriété, le mont-de-piété ne fera aucune difficulté pour le restituer, et n'attendra pas qu'une action en revendication lui soit intentée. Du reste, dans ces cas, il y aura presque toujours poursuite correctionnelle ou criminelle, et l'objet aura été saisi ; il figurera comme pièce de conviction ; mais le droit du propriétaire restera, et il pourra l'exercer en temps utile.

L'Honorable M. Raikem a traité aussi la question de la responsabilité des employés envers l'établissement qui les a nommés ; mais il ne s'agit pas maintenant de cette question : cette question sera réglée par les arrêtes organiques auxquels renvoie l'article 20. C'est là qu'il s'agira de s'occuper des différentes questions qui ont été traitées par les honorables MM. Raikem et Tielemans. Lorsque les obligations des employés de l'établissement seront définies, on examinera, dans chaque cas spécial, si les employés ont rempli ces obligations. Mais cela est tout à fait indifférent au propriétaire de l'objet voté, en ce qui concerne la restitution gratuite qu'il demande.

Ainsi, messieurs, le projet actuel n'établit pas un droit nouveau, il maintient les dispositions de l'article 2279 ; seulement il abrège le délai.

J'ai un mot à répondre à l'honorable M. de Garcia. Il me semble qu'il n'a pas bien compris mes observations ni celles de M. le ministre de la justice. L'honorable M. de Garcia dit : Comment est-il possible qu'on doive examiner tous les objets déposés depuis 3 ans, alors qu'aucun objet ne reste déposé pendant plus de 14 mois au mont-de-piété ? Mais, messieurs, là n'est pas l'objection, voici en quoi elle consiste : Lorsqu'on vient déposer un gage, le directeur de l'établissement doit s'assurer s'il a reçu antérieurement une indication qui se rapporte au gage que l’on dépose. Voilà l'opération à laquelle il doit se livrer. (Interruption.) Mais il n'est pas question de gages antérieurement reçus.

Je prie l'honorable membre de vouloir bien peser cette considération : on présente un gage ; le directeur du mont-de-piété, que doit-il faire ? Il doit s'assurer s'il a reçu des renseignements qui puissent se rapporter à ce gage. Eh bien, pour cela il doit rechercher les renseignements qu'il a reçus depuis 3 années, dans le système de l'honorable M. de Garcia. Je dis que c'est là une chose complètement impossible ; or, vous ne pouvez pas punir quelqu'un pour ne pas avoir fait une chose impossible.

Ainsi, messieurs, il ne s'agit pas du tout de faire la recherche d'un objet déposé depuis longtemps ; il s'agit, en recevant un objet nouveau, de vérifier si les indications qui ont été données soit pendant les six mois précédents, suivant le système que je défends, soit pendant les 3 dernières années, suivant le système de M. de Garcia, si ces indications se rapportent à l'objet déposé et doivent faire penser que cet objet provient de vol.

On a demandé si les objets vendus après les six mois pourraient être réclamés.

Ces objets seront vendus publiquement, et l'individu qui les aura achetés sera dans le cas prévu par l'article 2280, comme le mont-de-piété s'y trouvera lui-même après l'expiration du délai fixé par l'article 19.

- La clôture est demandée.

M. Raikem (contre la clôture). - Je désire, messieurs, répondre un mot à l'honorable M. d'Anethan. L'honorable M. Tielemans m'a cédé son tour de parole.

Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !

M. Raikem. - Messieurs, l'honorable M. d'Anethan a maintenu le système de l'article 19 du projet. D'abord, dit-il, aucun objet ne sera déposé au mont-de-piété parce que les directeurs, lorsqu'ils auront été avertis, prendront toutes les précautions. Mais il peut y avoir des erreurs de la part des employés, et c'est pour le cas de ces erreurs que nous proposons une disposition favorable aux établissements. Mais, messieurs, chacun est responsable de son erreur, et ce sera dès lors l'employé qui sera responsable. Ici on propose d'abréger le terme de la prescription à cause de l'erreur d'un employé. C'est donc une faveur accordée à la négligence ; car chaque administration, en général, est responsable de ses employés. J'en ai tout à l'heure cité un exemple.

Mais, dit-on, le plus ordinairement, les gages ainsi présentés seront refusés lorsqu'on les suspectera de vol. Voilà donc, messieurs, que nous faisons une loi pour les cas rares, pour les cas en quelque sorte extraordinaires. Or c'est un principe qui a été consacré par la doctrine et même par le législateur, qu'on doit s'abstenir de faire des lois pour les cas rares, mais qu'on doit faire les lois pour les cas qui se présentent le plus communément. Je crois donc, messieurs, qu'il ne faut pas faire une disposition législative pour les cas dont il s'agit, et qu'il n'y a pas lieu de déroger au droit commun.

Mais, dit-on, nous n'établissons pas un droit nouveau. C'est là une erreur. Par l'article premier, vous établissez certainement un droit nouveau et cela en vue de l'erreur d'un employé ; car, je l'ai déjà fait remarquer, d'après le règlement français, lorsque l'employé n'a pas pris toutes les précautions exigées par ce règlement, le mont-de-piété, qui est responsable de ses employés, ne peut exiger le remboursement de la somme pour laquelle l'objet a été mis en gage.

Je crois donc, messieurs, que l'article 19 ne peut être accueilli, d'abord parce que ce serait une faveur accordée à la négligence ou à l'erreur d'un employé, parce qu'on veut rendre, en quelque sorte, le propriétaire qui a été volé, responsable de cette erreur, et cela par une faveur extraordinaire, par une faveur qui n'a pas encore été accordée jusqu'ici. Je ne vois pas que nous devions, dans une loi, prévoir, pour favoriser l'établissement, le cas d'une négligence aussi grave de ses employés, qui, avertis d'un vol, n'auraient pas examiné suffisamment les objets présentés, ce qu'ils devaient faire afin de pouvoir traduire devant la justice celui qui serait prévenu d'avoir commis le vol. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Il s'agit d'abord de l'amendement de M. de Garcia.

M. de Garcia. (sur la position de la question). - Je crois, messieurs, que la proposition du gouvernement doit venir avant la mienne, car je demande la suppression de la proposition du gouvernement, et si l'article 19 est adopté alors mon amendement trouvera sa place à l'article 21.

- L'article 19 (projet de la section centrale) est mis aux voix et adopté.

Projet de loi décrétant un emprunt établi sur cinq bases

Dépot

M. le ministre des finances (M. Veydt) dépose un projet de loi ayant pour objet de décréter un emprunt portant sur cinq bases.

(Note du webmaster : le texte de ce projet de loi est repris dans les Annales parlementaires, à la page 1073. Il n’est pas repris ici dans la présente version numérisée).

(page 1073) Après la lecture de ce projet, M. le ministre des finances (M. Veydt) s'exprime en ces termes :

« Messieurs, nous sommes chargés par le Roi de faire connaître à la chambre que Sa Majesté a décidé de concourir pour une somme de trois cent mille francs aux mesures qui sont commandées par les circonstances, et indépendamment des autres charges qui pèsent en ce moment sur la liste civile. (Très bien ! très bien !)

M. le président. – Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.

- La chambre le renvoie à l'examen des sections.

M. le président. - Le projet de loi sera distribué ce soir ; peut-être pourrait-on dès lors l'examiner dès demain dans les sections.

M. Malou. - Messieurs, je demande que .tout au plus tôt les sections s'occupent après-demain de ce projet de loi qui renferme des questions de principe et des questions de détail. Nous devons avoir le temps d'examiner mûrement toutes les dispositions que la loi contient. (Oui ! oui !)

M. le président. - Les sections seront convoquées pour après-demain, à l'effet d'examiner le projet de loi.

Projet de loi prorogeant la loi sur la sortie des étoupes

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt) dépose un projet de loi qui proroge la loi du 3 janvier 1847, relative au droit de sortie sur les étoupes.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des affaires étrangères du dépôt de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, ainsi que l'exposé des motifs qui l'accompagne.

- La chambre le renvoie à l'examen des sections.

Motion d'ordre

Expulsion d'un étranger (Karl Marx)

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau les rapports des officiers de la police judiciaire et de la police locale au sujet des arrestations qui ont fait l'objet des interpellations dans la séance du 11 mars.

Ces documents constituent l'information que j'avais ordonnée et que j'avais promis de faire connaître à la chambre.

M. le président. – Il est donné acte à M. le ministre de la justice du dépôt de ces pièces qui seront déposées sur le bureau.

- La séance est levée à 5 heures moins un quart.