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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 7 avril 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1241) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Dubus fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.

« Un grand nombre d'habitants de Liège présentent des considérations en faveur du projet de loi d'emprunt.

« Mêmes considérations de la part de plusieurs habitants de Verviers, de Jemeppe et de Flemalle-Grande. »

M. Delfosse. - Cette pétition est couverte d'un grand nombre de signatures et elle est très courte ; je demanderai à M. le secrétaire de vouloir bien en donner lecture.

M. Orban. - La chambre a reçu un grand nombre de pétitions contre l'emprunt ; il n'en a pas été donné lecture. Je crois qu'il n'y aurait aucune impartialité à prendre, à l'égard d'une pétition isolée en faveur de l'emprunt, une résolution différente de celle qui a été prise à l'égard des pétitions adressées à la chambre contre l'emprunt.

M. Delfosse. - Je ne m'opposerais en aucune manière à la lecture d'une pétition conçue dans un autre sens.

M. Orban. - Si les pétitions auxquelles j'ai fait allusion avaient été présentées dans la séance d'aujourd'hui seulement, je concevrais qu'on demandât, par esprit d'équité, la lecture des unes et des autres ; mais les pétitions nous ont été présentées successivement et la chambre les a adressées à la section centrale du projet de loi d'emprunt ; il ne nous en a pas été donné connaissance autrement. Il me semble donc que ce serait mal interpréter les principes de la justice que nous devons à tous ceux qui s'adressent à nous, que de faire pour les uns ce que nous ne faisons pas pour les autres. Il ne faut pas préjuger ainsi la manière dont les diverses pétitions doivent être appréciées.

M. de Garcia. - J'ai demandé la parole pour un rappel au règlement. Je crois qu'il serait dangereux de donner la lecture demandée. Le règlement veut que toutes les pièces adressées à la chambre soient examinées par la commission. Le motif de cette disposition est facile à saisir : une pétition pourrait être rédigée en termes peu convenables, et alors il serait très déplacé d'en donner lecture.

L'honorable M. Delfosse peut sans doute connaître le contenu de cette pétition ; mais, selon moi, il ne suffit pas qu'un ou plusieurs membres connaissent le contenu d'une pièce adressée à la chambre pour en autoriser la lecture sans renvoi préalable, surtout lorsque les propositions mêmes des membres de la chambre sont soumises à cette formalité. Il est dangereux, selon moi, de poser un précédent semblable qui viole le règlement et peut ouvrir la porte à des abus. Je m'oppose donc à ce qu'il soit donné lecture de la pétition aujourd'hui.

Si on veut la renvoyer à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, même avec demande de faire un rapport demain, je ne m'y opposerai pas. C'est dans l'intérêt du respect du règlement et pour prévenir des inconvénients possibles, que j'ai présenté ces observations.

M. Delfosse. - Je ne croyais pas que ma proposition serait combattue. Puisqu'il y a opposition, je n'insiste pas. Je puis, du reste, déclarer que la pétition est conçue en termes convenables. Plusieurs journaux l'ont déjà publiée.

M. Lys. - J'ai demandé la parole sur la pétition qui nous est adressée par des habitants de Verviers. La pétition est souscrite par les principaux habitants de cette ville. Les signataires sont d'accord que l'emprunt est nécessaire pour faire face aux obligations de l'Etat, et pour faire face aux dépenses que les circonstances exigent. Je pense aussi que c'est l'avis des membres de la chambre ; seulement nous sommes en désaccord à l'égard du chiffre de l'emprunt et à l'égard des bases sur lesquelles il doit être établi. Il est des membres (et je suis du nombre) qui jugent certaines dépenses peu nécessaires ; telles sont les approvisionnements des forteresses, leur réparation, les dépenses pour chevaux d'artillerie et de cavalerie. Je pense que dans les circonstances actuelles où nous n'avons pas à craindre une invasion de la part des armées françaises, où nous n'avons à repousser que des bandes armées qu'aucun gouvernement ne reconnaît, notre artillerie et notre cavalerie, dans l'état où elles se trouvaient, étaient suffisantes.

Les signataires de la pétition de Verviers demandent aussi que l'emprunt n'ait lieu que sur la classe aisée, et qu'on exempte la petite bourgeoisie.

M. le président. - M. Lys, je ne puis permettre la discussion sur la pétition ; il s'agit simplement de statuer sur le renvoi.

M. Lys. - Je conclus à ce que, conformité de la décision qui a été prise hier, la pétition soit renvoyée à la section centrale du projet d'emprunt, avec demande d'un rapport avant la discussion.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs élèves de l'université de Bruxelles demandent une loi sur la formation des jurys d'examen universitaire. »

M. Lange. - L'objet de cette pétition étant urgent, je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.

Projet de loi accordant un créit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. de Brouckere. - Messieurs, je suis chargé de présenter à la chambre un rapport sur lequel je dois lui donner dès à présent quelques explications.

M. le ministre des travaux publics, dans la séance du 18 mars, a présenté un projet de loi ayant pour objet d'ouvrir à son département un crédit de 8,577,390 fr. 97 c. pour le chemin de fer. Mais ce crédit a deux destinations entièrement distinctes ; une partie, montant à 7,012,846 fr., est destinée à pourvoir à des travaux et fournitures à exécuter, tandis que le restant, soit 1,564,544 fr. 80 c, est réclamé pour solder des dépenses arriérées ou des travaux et fournitures en voie d'exécution.

Sur la dernière partie du crédit, la section centrale a demandé au département des travaux publics de nombreux renseignements qui ne pourront lui être fournis que d'ici à quelque temps. Cependant comme pour la première partie du crédit il y a urgence à s'en occuper, la section centrale a décidé qu'un premier rapport vous serait présenté sur cette partie du crédit, et même qu'elle engagerait la chambre à vouloir bien mettre cet objet à la suite de son ordre du jour.

Quant à celle qui concerne les dépenses faites et arriérées, un rapport sera ultérieurement présenté à la chambre.

M. le président. - Le rapport qui vient d'être déposé sera imprimé et distribué.

M. le rapporteur propose de le mettre à la suite de l'ordre du jour.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget de la dette publique et des dotations

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, l'incendie du mois de novembre 1846 a détruit le mobilier de la cour des comptes. Ce mobilier était assuré.

La compagnie d'assurances a versé au trésor une somme de 21,000 fr.

Le projet de loi, que j'ai l'honneur de présenter, a pour but de rendre cette somme disponible pour l'acquisition d'un nouveau mobilier. C'est un crédit supplémentaire, dans les fonds sont faits.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de faire connaître.

Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés et distribués.

La chambre en ordonne le renvoi à une commission spéciale nommée par le bureau.

Projet de loi réunissant le canton de Stavelot à l'arrondissement de Verviers sous le rapport administratif

Rapport de la commission

M. Lys. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la commission spéciale chargée d'examiner la pétition faite par l'administration communale de Stavelot.

Comme cet objet ne paraît pas devoir soulever de discussion, je demande qu'il soit mis à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Biebuyck, premier rapporteur. - « Par pétition datée de Fologne, le 14 novembre 1844, le sieur Moelans, instituteur communal à Pologne, demande que le gouvernement lui accorde le subside fixé par l'article 23 de la loi sur l'instruction primaire. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. de Garcia. - Je désirerais que M. le rapporteur eût la bonté de nous dire si l'instituteur dont il s'agit s'est pourvu près du gouvernement ; il est reçu généralement qu'en pareil cas, on ne s'adresse au parlement qu'après avoir épuisé la voie administrative ; alors seulement, il y a à se pourvoir devant ce dernier pour obtenir le redressement d'un grief.

M. Biebuyck, rapporteur. - Je dois déclarer qu'il ne résulte pas de la pétition que le signataire se soit adressé au ministre de l'intérieur.

M. de Garcia. - Différentes fois, en pareil cas, on a prononcé l'ordre du jour et pour bonne raison. Si la chambre devait connaître (page 1242) toutes les réclamations administratives, on n'en finirait pas. Suivant la hiérarchie des pouvoirs, les réclamations doivent d'abord être adressées du gouvernement, et ce n'est que quand on n'en obtient pas justice qu'on doit s'adresser à la chambre. Plusieurs fois la chambre a prononcé l'ordre du jour en cas semblables. Je le propose donc autant dans l'intérêt des moments de la chambre que dans l'intérêt des principes.

- L'ordre du jour est mis aux voix et prononcé.


M. Biebuyck, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 15 juillet 1846, le conseil provincial de Liège demande que le gouvernement remplisse envers la province l'obligation que lui impose l'article 23 de la loi du 23 septembre 1842 sur l'instruction primaire. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. de Garcia. - Je demanderai si le conseil provincial s'est adressé à M. le ministre de l'intérieur.

M. Delfosse. - Le conseil provincial a eu une correspondance avec le département de l'intérieur sur ce point. C'est parce qu'il n'a pas été fait droit à ses réclamations qu'elle s'adresse à la chambre. J'appuie donc le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Est-ce que la commission entend préjuger la question ?

M. Biebuyck. - Non ; c'est un renvoi pur et simple.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Biebuyck, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 28 janvier 1847, le sieur Leep, inventeur d'un procédé de conservation pour les tableaux, demande que le gouvernement lui confie des toiles pour être soumises à son procédé. »

Conclusions : Dépôt au bureau des renseignements.

Sur la proposition de M. Delfosse., la chambre prononce l'ordre du jour.


M. Biebuyck, rapporteur. – « Par pétition d'Ostende, sans date, le sieur Paulmier-Sagaer, instituteur à Ostende, demande une loi qui assure la position des instituteurs primaires particuliers, et prie la chambre de lui accorder, en attendant, un secours. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Biebuyck, rapporteur. – « Par pétition datée d'Amiens, le 20 avril 1817, le sieur Brouaye, inventeur d'une méthode sténographique, propose à la chambre de le charger d'initier quelques jeunes gens à ses principes abréviateurs. »

Conclusions : Dépôt au bureau des renseignements.

Sur la proposition de M. Delfosse., la chambre prononce l'ordre du jour.


M. Zoude, rapporteur. - Les pétitions n°3717, 3726, 3746 et 3757 étant toutes relatives au même objet, celui de l'économie à apporter dans les dépenses de l'Etat, votre commission ne vous présente qu'un seul rapport qui est particulièrement applicable à la pétition de Bastogne qui dépeint la situation fâcheuse du pays en général et les moyens de le sauver dans la crise qui le tourmente.

Depuis l'abandon d'une partie du territoire, disent les pétitionnaires de Bastogne, le commerce a perdu le seul élément de prospérité qu'il possédait ; la valeur de la propriété foncière y est diminuée de moitié et ce n'est qu'après les efforts les plus patriotiques qu'il sera possible de satisfaite entièrement au premier emprunt.

C'est dire que l'annonce d'un second emprunt a causé dans les villes et dans les provinces l'impression la plus pénible.

Après avoir vu son commerce anéanti, la ville et son canton ont reporté tous leurs efforts vers l'agriculture ; mais pendant les deux années de disette qu'ils viennent de traverser, la petite culture est particulièrement ruinée, et il n'y en a guère d'autre dans la partie ardennaise ; aussi il y a impossibilité absolu de payer le nouvel emprunt projeté.

Il n'y a qu'un moyen, disent-ils, de sauver le pays dans la crise qui le tourmente, c'est celui de l'économie qu'il faut introduire immédiatement dans les dépenses publiques.

En conséquence ils demandent, 1° une réduction importante dans le budget de la guerre ; 2° la suppression de la marine militaire ; 3° le remplacement des ambassadeurs par des chargés d'affaires ; 4° abrogation de la loi sur les pensions des ministres ; 5° révision de la loi générale sur les pensions ; 6° réduction des traitements des fonctionnaires ; 7° l'adoption d'un nouveau système commercial et l'union douanière avec la France ; 8° la reforme parlementaire et enfin la construction de voies de communication promptes et économiques comme dans les autres provinces du royaume.

Tels sont aussi, messieurs, les arguments économiques que font valoir les conseils communaux de Gembloux, de la Sauvenière et de Walhain-St-Paul, et de Bras au canton de St-Hubert. Le bourgmestre de Saint-Médard (Luxembourg) demande en outre la révocation de la loi sur le défrichement, surtout en ce qu'elle a de contraire aux articles 75 et 76 de la loi communale.

Tous enfin demandent de ne pas grever la propriété foncière de nouveaux douzièmes.

La section centrale propose le renvoi de toutes ces pétitions au département de l'intérieur.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Mariembourg, le 24 mars 1848, la dame Bergmans réclame l'intervention de la chambre pour obtenir que son mari, sous-lieutenant d'infanterie eu non-activité, soit admis à la retraite. »,

Conclusions : Dépôt au bureau des renseignements.

Plusieurs membres. - L'ordre du jour.

M. Zoude. - Permettez-moi, messieurs, d'insister pour le dépôt au bureau des renseignements. Il y a une longue correspondance entre la dame Bergmans et le ministre de la guerre. Il est possible qu'il intervienne une disposition du ministre de la guerre qui mette le sieur Bergmans à la pension.

M. de Garcia. - Je m'abstiens.

- La chambre consultée prononce l'ordre du jour.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Tamise, le 24 mars 1848, le conseil communal de Tamise demande l'établissement d'une brigade de gendarmerie à Tamise. »

Renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ortho, le 22 mars 1848, plusieurs propriétaires de la commune d'Ortho prient la chambre de leur accorder un délai de 6 mois pour leur faciliter le payement des 8/12 de la contribution foncière exigés par la loi du 26 février. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

M. Orban. - Je recommande bien vivement à la sollicitude de M. le ministre des finances la pétition dont le renvoi lui est proposé. Les habitants de la commune d'Ortho font connaître l'impossibilité où ils se trouvent d'acquitter immédiatement la part qui leur incombe dans le payement des 8/12 de la contribution foncière perçue à titre d'emprunt forcé, à moins que l'on ne se décide à exercer contre eux des poursuites et des exécutions ruineuses.

J'ose dire que ce ne sont pas seulement les habitants d'Ortho, mais ceux de la plupart des communes de l'Ardenne qui sont dans cette triste situation. Partout la pénurie d'argent y est extrême, et l'impossibilité de s'en procurer par l'emprunt est absolue, les deux années de disette que nous venons de traverser ayant épuisé épargnes et crédit.

Si telle est la situation des contribuables de certaines parties du pays en présence de l'emprunt de 8/12, qu'arrivera-t-il si l'emprunt bien plus considérable, dont les chambres sont saisies, vient à être décrété !

Je désire que cette pétition soit un avertissement pour le ministère, qu'elle lui fasse comprendre que si le trésor a besoin de ressources, il faut combiner les mesures qui doivent les lui procurer, de manière à prendre l'argent où il est, et à ne rien demander qu'à ceux qui possèdent.

Je crois devoir saisir cette occasion pour recommander au gouvernement d'aviser sérieusement à introduire dans le projet d'emprunt soumis à la chambre une modification tendant à exempter les petits propriétaires de cette mesure. Cette exception appliquée à la contribution personnelle est bien plus nécessaire encore en ce qui concerne la foncière. Toute contribution personnelle suppose une certaine fortune. Il n'en est pas de même de la foncière qui est payée pour une propriété quelque minime qu'elle soit. Lorsqu'un cultivateur paye 15 à 20 francs de contribution foncière, ce qui suppose un revenu de 4 à 500 fr., avec lequel il doit vivre lui et sa famille, je vous demande si l'on peut raisonnablement le faire participer au payement d'un emprunt forcé. De pareils contribuables ne sont-ils pas eux-mêmes de véritables ouvriers et dont la condition est aussi dure que celle des travailleurs de nos villes ?

Je pense que tout le monde doit reconnaître qu'une pareille exemption est de toute justice. Les difficultés d'exécution ont pu seules empêcher de la proposer. Eh bien, j'indiquerai une idée qui pourrait peut-être écarter une partie des objections qui ont été faites. L'on pourrait n'exempter les contribuables qu'à raison des propriétés qu'ils cultivent eux-mêmes, et lorsque la contribution payée par eux dans l'étendue d'un ressort de perception, ne s'élèverait pas au-dessus de la somme de 18 à 20 francs qui pourrait être fixée. De cette manière, on éviterait que les contributions, qui ne paraissent faibles que parce qu'elles sont disséminées, ne jouissent de l'exemption.

Je suis convaincu, messieurs, qu'une pareille disposition soustrairait au payement de l'emprunt plus des deux tiers des contribuables, et diminuerait la recette d’un douzième tout au plus. C'est là, me semble-t-il, un résultat précieux à atteindre et qui mériterait toute l'attention du gouvernement. Si, lors de la discussion de l'emprunt, aucune disposition n'était proposée dans ce sens, je devrais en prendre moi-même l'initiative.

M. de Brouckere. - Ce n'est pas sur les conclusions de la commission des pétitions que j'ai demandé la parole. Je voulais faire remarquer qu'il était impossible d'examiner aujourd'hui la question dont vient de s'occuper l'honorable M. Orban, bien que je ne prétende pas que c'est à tort qu'il l'ait soulevée. Cette question sera nécessairement discutée, lorsque viendra le moment d'examiner le nouveau projet d'emprunt.

Je voulais dire de plus à la chambre que cette question a déjà été examinée dans les sections ; qu'elle n'est pas nouvelle, et que M. le ministre des finances a même eu connaissance des observations qui ont été faites à cet égard dans les sections.

Nous devons tous réserver notre opinion à cet égard, sauf à la produire lorsque le moment sera venu.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances est adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Provoieur demande que le gouvernement réclame le remboursement d'une somme du 12,000 francs qu'il a prêtée au sieur Lebrun, pour favoriser l'élève des vers à soie et la culture du mûrier. »

(page 1243) Conclusions : Renvoi au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs pharmaciens dans la province de Limbourg demandent l'établissement d'un jury spécial pour l'examen des pharmaciens. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. – « Plusieurs pharmaciens de la province de Liège demandent un jury central d'examen pharmaceutique. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Aerts, pharmacien à Tessenderloo, demande la réforme pharmaceutique. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Des habitants de Courtray se plaignent de la conduite d'un des magistrats de cette ville. »

Dans l'intérêt de la morale, votre commission inclinait à croire que la dénonciation qui vous est faite reposait sur des faits exagérés, si même ils n'étaient pas calomnieux.

Depuis, votre commission croit avoir acquis la preuve que les signatures sont fausses.

Le ministre de la justice étant seul compétent pour apprécier la valeur de cette dénonciation et pouvant au besoin en faire poursuivre les auteurs comme faussaires, votre commission a l'honneur de vous proposer de lui en faire le renvoi.

M. Delfosse. - Je voudrais savoir sur quelles raisons la commission s'appuie pour croire que les signatures seraient fausses.

M. Zoude, rapporteur. - D'après les renseignements soumis aujourd'hui par des membres de la chambre, à la véracité desquels nous pouvons nous en rapporter, il paraît évident que les signatures sont fausses. Dans tous les cas, le renvoi à M. le ministre de la justice ne peut offrir aucun inconvénient.

M. Delfosse. - Je voterai pour le renvoi à M. le ministre de la justice, mais sans entendre adhérer à l'accusation grave que la commission a consignée dans son rapport.

M. de Garcia. - Messieurs, je partagerais complètement l’opinion de l’honorable M. Delfosse, si l’on désignait quelqu’un comme coupable de faux ; mais il s’agit seulement de renvoyer au ministère une pièce que l'on soupçonne revêtue de signatures fausses ; il n’y a là d'inculpation contre personne. Si les signatures ne sont pas controuvées, ceux qui les ont apposées les reconnaîtront et ne seront inculpés en aucune manière. Si, au contraire, les signatures apposées sur cette pièce sont fausses, la justice pourra informer. Je ne vois donc aucun inconvénient au renvoi ; je le considère même comme utile : le département de la justice pourra prendre des informations et faire agir les parquets, s'il y a lieu.

M. Delfosse. - Nous recevons une masse de pétitions ; il nous est impossible de savoir si les signatures sont vraies ou fausses ; mais nous devons les tenir pour vraies jusqu'à ce que le contraire soit, prouvé.

M. Maertens. - Messieurs, une dénonciation rédigée dans le sens de la pièce sur laquelle il vient d'être fait rapport a déjà été adressée à M. le ministre, qui, après avoir pris les renseignements nécessaires, en a fait justice. C'est ce que les prétendus pétitionnaires disent eux-mêmes. Si donc il ne s'agissait que de la dénonciation en elle-même, je n'hésiterais pas à proposer l'ordre du jour, et j'ai la certitude que la chambre accueillerait cette proposition, surtout lorsqu'elle saurait combien sont dégoûtants les faits allégués dans cette pièce.

Mais lorsque j'ai vu l'analyse de la plainte dans le feuilleton qui nous est soumis aujourd'hui, comme je connaissais le magistrat inculpé, j'ai voulu examiner la pièce pour pouvoir en apprécier le contenu.

Cette pièce est revêtue de trois signatures, et l'une de ces signatures représente le nom d'un ancien membre du congrès, qui a été ensuite membre de cette chambre et qui est aujourd'hui membre d'une députation permanente.

Eh bien ! j'affirme que cet homme n'est pas capable d'apposer sa signature à une pièce de ce genre. D'ailleurs, je connais la signature de cette personne, j'avais encore cette signature sous les yeux avant la séance et en la comparant avec le nom qui se trouve au bas de la dénonciation, il est facile de se convaincre que ce nom n'est pas tracé de sa main. Deux collègues dont l'un était l'honorable M. Zoude, ont fait cette confrontation avec moi et tous deux ont partagé mon opinion.

Comme je comptais combattre les conclusions du rapport qui tendaient au renvoi de la dénonciation à M. le ministre de la justice, et que je témoignais l'intention de soutenir qu'une pièce semblable devait être écartée par l'ordre du jour, l'honorable rapporteur fit remarquer qu'en présence des faits que nous venions de constater et des présomptions de faux qui en résultaient, le renvoi à M. le ministre de la justice devenait d'autant plus utile, que c'était le moyen d'arriver, le cas échéant, à découvrir et à poursuivre les coupables. C'est à la suite de cela que M. le rapporteur a motivé le renvoi de la manière qu'il vient de le faire et c'est dans ce sens que je puis consentir à appuyer ce renvoi ; car, je le répète, c'est tout au plus si la dénonciation est digne de l'ordre du jour, en raison des termes peu convenables dans lesquels elle est conçue.

M. de Brouckere. - On ne renvoie pas la pétition au ministre pour qu'il y ait égard. C'est un renvoi qui a pour but d'engager le ministre à s'assurer si les signatures ne sont pas fausses ; car il n'est aucun de vous qui ayant lu la pétition ne se prononce, quant à la pétition même, pour l'ordre du jour.

Le renvoi n'a donc que cette portée : M. le ministre de la justice est invité à s'assurer si les signatures ne sont pas fausses.

M. Loos. - C'est dans ce sens que j'appuie le renvoi proposé. Déjà il a été adressé à la chambre des pétitions portant de fausses signatures. Il n'a été fait aucune enquête ; il n'a été intenté aucunes poursuites. L'intention de la chambre est qu'il n'en soit pas ainsi dans cette circonstance.

- Le renvoi à M. le ministre de la justice, dans le sens indiqué par l'honorable M. de Brouckere, est prononcé.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 30 mars 1848, plusieurs élèves de l'université de Gand proposent un mode de nomination du jury d'examen universitaire. »

Les élèves de l'université de Gand, voulant assurer au jury d'examen une certaine garantie d'impartialité, présentent à la chambre un système de nomination qui n'aurait pas les inconvénients reprochés à la chambre et même aux nominations du gouvernement qui tendent parfois à ramener dans le domaine de la politique ce qui doit toujours être étranger, la science.

D'après ce système, les élèves de chaque université éliront, à la majorité absolue des voix, un représentant par jury d'examen, et pour les branches à désigner par le sort.

Les représentants des quatre universités, plus un membre nommé par le gouvernement, dans l'intérêt des études libres, formeront le jury d'examen.

Si, pour quelque examen, la diversité des connaissances exigées du jury demandait un plus grand nombre de titulaires, chaque université nommerait deux délégués et le jury serait de neuf membres.

On ne devrait pas craindre qu'un jury ainsi composé serait trop peu rigoureux, les élèves connaissant trop bien leur véritable intérêt pour ne pas s'efforcer d'accroître le prix des titres qu'ils ambitionnent.

Conclusions. - Renvoi au département de l'intérieur.

M. Delfosse. - J'espère que le gouvernement saisira bientôt la chambre d'une proposition relative au jury d'examen. Il y a urgence.

M. le ministre de l'intérieur n'a-t-il rien à répondre ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer à la chambre que le gouvernement s'était mis en mesure de procéder à l'installation d'un nouveau jury. Ce n'est pas sa faute si, dans ce moment, nous nous trouvons sans jury. Du reste, à défaut de l'intervention du gouvernement, chaque membre de la chambre a le droit d'initiative.

M. Delfosse. - Il est sans doute fâcheux que la chambre n'ait pas adopté le projet de loi présenté par le gouvernement. Mais ce n'est pas une raison pour que les étudiants, qui sont prêts à passer leur examen, soient arrêtés dans leur carrière. Des étudiants de Liège m'ont écrit à ce sujet : ils ont des inquiétudes qu'il importe de faire cesser. Si le gouvernement ne prend pas l'initiative, il faudra bien qu'un membre de la chambre la prenne. Mais M. le ministre de l'intérieur ferait bien de proposer lui-même une mesure provisoire.

M. Rodenbach. - Les jeunes gens qui ont fait leurs études ont des droits acquis à subir les examens qui doivent avoir pour résultat l'obtention d'un diplôme. Si le ministère ne juge pas à propos de présenter un projet de loi, dans l'intérêt de l'instruction publique, nous proposerons le statu quo. C'est ce que je me propose, de faire, de concert avec plusieurs de nos collègues, si le gouvernement ne présente pas de projet de loi.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Mont-St-Guibert, le 22 mars 1848, le sieur André réclame l'intervention de la chambre pour obtenir que son fils, Guibert-Désiré, soit exempté du service militaire. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

M. Lebeau. - Qu'est-ce que nous pouvons faire de cela ? Je demande l'ordre du jour.

- L'ordre du jour est adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Jodoigne, le 1er avril 1848, les membres du conseil communal de Jodoigne demandent que les élections générales de l'arrondissement de Nivelles aient lieu à Wavre, ou bien qu'elles se fassent alternativement à Wavre et Jodoigne pour les cantons de Wavre, Jodoigne et Perwez, ou qu'elles aient lieu à Wavre pour les cantons de Wavre et de Jodoigne.

« Par pétition datée de Wavre, le 27 mars 1848, plusieurs habitants de l'arrondissement de Nivelles demandent que, pour les élections aux chambres qui doivent se faire dans l'arrondissement, les électeurs soient convoqués au chef-lieu du canton ou qu'au moins ceux des cantons de Wavre, Jodoigne et Perwez se réunissent à Wavre. »

En abaissant le cens électoral, vous avez appelé un plus grand nombre de citoyens à l'exercice de leur prérogative la plus importante, mais en abaissant le cens vous avez aussi appelé les contribuables les moins fortunés.

Eh bien, disent les pétitionnaires, cette mesure libérale n'atteindra pas son but pour le canton de Jodoigne, ni pour une partie de celui de Wavre et de Perwez ; pour eux vous n'aurez rien fait.

Les communes du canton de Jodoigne les plus rapprochées de Nivelles en sont éloignées de 36 mille mètres, les autres le sont de 52 à 68 mille.

Ii faut donc aux électeurs de ce canton, trois jours pour aller exercer leur droit à Nivelles et en revenir, ce qui leur occasionne une dépense (page 1244) presque égale au montant de leurs contributions, c'est-à-dire que pour eux le droit électoral est presque illusoire.

Cependant, pour remédier à un état de choses aussi fâcheux, les pétitionnaires proposent divers moyens ; l'un serait d'établir le chef-lieu électoral à Wavre comme point le plus central de l'arrondissement, ou bien de réunir les électeurs tantôt à Wavre, tantôt à Jodoigne, pour les élections des trois cantons de Wavre, Jodoigne et .Perwez.

Si le gouvernement rejetait ces divers moyens, alors il ne reste aux pétitionnaires que la ressource de solliciter la réunion de leurs cantons à l'arrondissement de Louvain, ce qui jetterait la perturbation dans l'ordre administratif, judiciaire, dans le régime hypothécaire.

Mais on pourrait peut-être adopter le mode usité dans le Luxembourg, où plusieurs districts sont appelés à concourir à la nomination d'un sénateur. Marche, Bastogne et Arlon en élisent un ; les électeurs se réunissent au chef-lieu de chaque arrondissement, et le bureau principal est à Arlon ; il en est de même pour Virton et Neufchâteau.

Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition au département de l'intérieur.

La même demande, appuyée des mêmes motifs, vous est faite par plusieurs électeurs du même arrondissement.

Votre commission propose le même renvoi.

M. Jonet. - Messieurs, j'appuie le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.

Non que j'approuve toutes les demandes qui s'y trouvent ; mais je pense qu'il y en a une qui mérite de fixer l'attention du gouvernement et des chambres.

La position des électeurs du canton de Jodoigne est connue. Pour exercer leurs droits civiques ils n'ont pas seulement trois, quatre ou cinq lieues à faire, mais ils en ont huit, neuf et quelquefois dix.

Pour exercer leurs droits électoraux, il faut qu'ils abandonnent leurs travaux et leurs affaires pendant trois jours.

Il faut, de plus, qu'ils se procurent à grands frais des moyens de transport ; qu'ils logent deux nuits hors de chez eux, et enfin qu'ils dépensent beaucoup d'argent pour voyager, s'héberger et vivre.

Pour sortir de cette situation, réellement onéreuse et désagréable, ils vous demandent :

A. Ou le transfert du chef-lieu électoral de Nivelles à Wavre.

B. Ou le fractionnement du collège électoral en deux ; de manière que deux représentants et un sénateur fussent désormais élus à Nivelles, par les cantons de Nivelles et celui de Genappe ; et deux représentants et un sénateur par les cantons de Wavre, de Perwez et de Jodoigne, réunis à Wavre.

C. Ou enfin, qu'une partie des bureaux soient établis à Nivelles, et une autre partie à Wavre, de telle sorte, que le recensement général des votes continue à se faire à Nivelles.

Je ne puis donner mon assentiment à la première de ces demandes ; car si en l'accueillant on faisait chose utile aux électeurs du canton de Jodoigne, on nuirait en même temps aux électeurs de Tubise, Quenast, Rebecq et autres communes, qui, à leur tour, auraient un parcours de 5, 6 et 7 lieues à faire, par de très mauvais chemins, pour aller aux élections.

Je ne puis davantage appuyer la seconde de ces demandes ; car je ne suis pas partisan du fractionnement que nous avons à juste titre aboli par des lois récentes.

Mais je ne puis me dispenser d'attirer la sérieuse attention du gouvernement sur la troisième des propositions alternatives des pétitionnaires. Là, je pense qu'il y a quelque chose à faire ; et ce que l'on ferait ne serait pas seulement un acte de justice, mais ce serait encore un moyen de conciliation entre les intérêts du nord et les intérêts du midi de cet arrondissement.

Voici, du resté, en quoi consiste cette troisième proposition :

D'abord, maintenir l'unité électorale qui existe actuellement.

Ensuite, décider que les électeurs des cantons de Nivelles et de Genappe continueront de voter à Nivelles ; et que ceux des cantons de Wavre, de Perwez et de Jodoigne, voleront dorénavant à Wavre, si ces électeurs n'étaient pas admis à voter chacun au chef-lieu de son canton.

En troisième lieu dire que, néanmoins, le recensement général des votes et la proclamation de ses résultats continueront à avoir lieu à Nivelles, comme par le passé.

Je demande que, comme pour la pétition de Stavelot, M. le ministre soit prié de donner des renseignements.

Le système proposé par les électeurs de Jodoigne et de Perwez eux-mêmes, mérite d'autant plus d'être examiné, qu'il se justifie déjà par la législation qui nous régit.

Nous en trouvons trois exemples dans la loi du 3 juin 1859.

M. de Mérode. - Messieurs, la pétition du conseil communal de Jodoigne mérite une très sérieuse considération, puisque plusieurs communes populeuses des cantons de Perwez et Jodoigne sont éloignées de 60 kilomètres du chef-lieu d'arrondissement et que les frais de logement et de transport équivaudraient pour plusieurs personnes presque au montant de leurs contributions.

Parmi les alternatives propres à remédier à ce grave inconvénient et que réclame le conseil de Jodoigne, il en est une qui établirait non pas le fractionnement des électeurs, mais la simple faculté pour certains cantons de voter à Wavre, d'où un courrier porterait le résultat du scrutin à Nivelles et en rapporterait immédiatement le résultat du vote des électeurs réunis dans cette ville, de manière à pouvoir procéder au ballottage s'il y avait lieu.

Quant à moi, je pense que le meilleur procédé pour ce vaste arrondissement de forme oblongue dont le chef-lieu est à l'extrémité occidentale, serait de réunir les électeurs dans chaque chef-lieu de canton où ils seraient rappelés si le cas de ballottage se présentait.

Le voyage au chef-lieu du canton se fait dans une matinée et presque sans frais, de manière que tous les électeurs sont à même de réitérer très facilement.

Il est à propos de remarquer que dans un temps où l'Etat réclame des contribuables de très grands sacrifices et très nécessaires, je le reconnais, il faut éviter de les constituer en dépenses dont il est à la fois facile et très équitable de les dispenser.

Je ne parle, messieurs, que dans l'intérêt de la justice, et pour que plus tard il ne surgisse point de demandes qui tendraient à la dislocation du district.

- Les conclusions de la commission avec la modification proposée par M. Jonet sont mises aux voix et adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 20 mars 1848, plusieurs industriels et ouvriers à Bruxelles demandent la suppression des ateliers de travail dans les prisons, les dépôts de mendicité et les congrégations religieuses. »

Grand nombre d'industriels et. d'ouvriers de Bruxelles demandent qu'on fasse cesser dans les prisons et les dépôts de mendicité le travail d'objets similaires à ceux sur lesquels leur industrie s'exerce.

L'ouvrier honnête, l'ouvrier libre doit, avec un modique salaire, entretenir sa famille, payer sa part des charges publiques et cependant concourir avec l'ouvrier prisonnier qui est nourri, chauffé, vêtu aux frais de l'Etat.

Cette concurrence étant impossible à soutenir, l'ouvrier libre reste sans travail, tandis que les prisonniers sont constamment occupés. C'est ainsi, dit-on, qu'un tailleur fait confectionner à la Cambre des pantalons au prix d'un franc, que l'ouvrier libre ne peut confectionner à moins de fr. 2-50 ; il en est de même de beaucoup d'autres objets. Entre-temps, la misère dévore notre classe ouvrière, et l'ordre public est sans cesse menacé.

Si le gouvernement juge qu'il est indispensable de faire travailler dans les prisons, qu'il y introduise des industries qui ne sont pas encore pratiquées en Belgique, comme cela a lieu à Alost, d'après ce que disait naguère à la chambre un ancien ministre.

A la Cambre, tous les ateliers sont en activité et fournissent tous objets en concurrence, ou plutôt à l'exclusion de tous les ouvriers de la capitale.

Que les travaux cessent immédiatement, et à l'instant nos ouvriers, arrachés à la misère, sont rendus au travail, récupèrent de l'aisance et concourent avec tous les bons citoyens au maintien de l'ordre et de la sécurité publique, qu'ils ne peuvent que troubler lorsqu'ils sont dépourvus de toute ressource.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice, avec demande d'explications.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Mariembourg, le 2 avril 1848, plusieurs habitants du faubourg de Mariembourg se plaignent de mesures militaires qui ont été prises par le commandant de la place. »

- Renvoi à M. le ministre de la guerre, avec demande d'explications.

(Suit le rapport de M. Zoude que nous publierons.)

M. de Garcia. - Messieurs, je ne puis pas adopter les conclusions de la commission. D’abord je demanderai à l'honorable rapporteur si les pétitionnaires se sont adressés au département de la guerre ; car, comme j'ai eu l'honneur de le faire observer à propos de la première pétition, la chambre ne doit intervenir que pour redresser des griefs. Les pétitionnaires, qui se plaignent de la conduite tenue par un commandant de place, devaient avant tout se pourvoir auprès de M. le ministre de la guerre ; ce n'est que pour autant que ce dernier n'a pas fait droit à leur plainte, qu'il pouvait y avoir lieu à dénoncer leur grief à la représentation nationale. En conséquence, je propose l'ordre du jour.

M. Zoude, rapporteur. - Il n'y avait pas alors à s'adresser au département de la guerre ; des faits se sont passés qui ont mis en émoi tout le pays d'entre Sambre et Meuse ; cela mérite autre chose qu'un ordre du jour. Je prie la chambre de ne pas perdre de vue que des habitants d'un faubourg à un jet de pierre de la forteresse ont été canonnés pendant deux heures.

M. de Garcia. - Messieurs, je lis l'analyse de la pétition qui est ainsi conçue : Plusieurs habitants du faubourg de Mariembourg se plaignent de mesures militaires qui ont été prises par le commandant de la place.

Evidemment le commandant de cette place relève du département de la guerre. S'il a forfait à ses devoirs, les habitants devaient se pourvoir devant le ministre de la guerre. S'ils ont été canonnés et que le ministre de la guerre ne leur fasse pas droit, ils s'adresseront alors à la chambre. Mais ils devaient s'adresser d'abord au département de la guerre.

M. de Baillet-Latour. – J’ai eu connaissance de cette pétition, j'en ai même fait parvenir une copie à M. le ministre de la guerre ; je pense qu'il faut la lui renvoyer pour qu'il y donne suite.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le renvoi me paraît peu (page 1245) utile, parce que le ministre de la guerre a été informé des faits ; des mesures doivent avoir été prises.

M. Zoude. - Dans de pareilles circonstances, on doit une satisfaction au pays. Si l'honorable M. de Garcia avait été cantonné dans son château, il ne se serait pas borné à adresser une plainte au ministère ; il aurait crié vengeance, et il aurait eu raison.

- L'ordre du jour est prononcé.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 3 avril 1848, le sieur Verstraete, ancien sergent-fourrier, prie la chambre d'autoriser M. le ministre des finances à l'admettre dans la douane, bien qu'il n'ait point encore obtenu la naturalisation qu'il a demandée. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Basse-Bodeux, le 1er avril 1848, l'administration communale de Basse-Bodeux demande que les électeurs du canton de Stavelot soient admis à voter au chef-lieu du canton. »

Un projet de loi vient d'être présenté.

M. de Brouckere. - Je propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi dont M. Lys a fait le rapport aujourd'hui.

- Cette proposition est adoptée.


M. Broquet-Goblet, rapporteur. - La pétition sur laquelle je viens vous faire un rapport, vous est adressée par le sieur Bausart, directeur du dépôt de mendicité de Hoogstraeten, qui vous prie de décider que les directeurs des dépôts de mendicité ont droit à la pension de retraite sur les fonds de l'Etat, aux termes de l'article premier de la loi du 21 juillet 1844. Pour jouir de ce droit, il faut être et fonctionnaire public et rétribué par l'Etat.

La qualité de fonctionnaire public ne peut guère être contestée au pétitionnaire ; il a été nommé par un arrêté ministériel, il a prêté serment en sa qualité entre les mains de l’autorité publique. Les fonctions qu’il remplit n’ont rien qui touche à l’intérêt privé, mais peuvent être considérées comme rétribuées par l'Etat. Pour soutenir l'affirmative, on doit dire que l'Etat venant au secours du dépôt de mendicité, lorsque son fonds est insuffisant pour couvrir ses besoins, il faut regarder ce fonds comme propriété de l'Etat avec une destination particulière à l'établissement.

Cependant, contrairement à cette opinion, lors de la discussion du projet de loi sur les pensions, l'honorable M. Malou, rapporteur de la section centrale, expliquant la portée de l'article premier de cette loi, n'hésita pas à déclarer que, dans son opinion, les employés des dépôts de mendicité n'avaient pas droit à la pension, parce qu'ils ne reçoivent pas leur traitement directement de l'Etat.

Cette opinion n'ayant pas été combattue, on aurait pu considérer cette question comme tranchée, si à la fin de la discussion et avant la clôture, M. le ministre des finances, tout en admettant le principe posé par l'honorable rapporteur, n'avait déclaré qu'il y aurait toujours à examiner la question de savoir, quant à divers fonctionnaires, si eu égard à l'importance de leurs fonctions, on devrait les comprendre dans la catégorie des fonctionnaires nommés par le ministre, et s'ils doivent être rétribués par l'Etat.

Cette déclaration laissant aux fonctionnaires dont il s'agit, la possibilité de faire reconnaître leurs droits à la pension, puisqu'il suffisait de décider qu'à l'avenir ils recevront leur traitement sur le subside de l'Etat, votre commission a cru pouvoir vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice.

M. Lebeau. - Si je prends la parole, ce n'est pas pour contester les conclusions de la commission. Je viens au contraire les appuyer. Mais puisque l'attention du gouvernement est appelée sur quelques lacunes de la loi générale des pensions, je saisis cette occasion pour lui rappeler la position de certains fonctionnaires qui n'a pas été réglée par la loi générale ; je veux parler des professeurs du conservatoire royal de musique de Bruxelles. L'administration de cet établissement aurait dû conseiller la mise à la retraite de quelques artistes à raison de leur âge et de quelques autres circonstances, mais elle a été arrêtée par l'incertitude qui règne sur le droit de ces fonctionnaires à la pension.

C'est par suite des explications données par le rapporteur dans la discussion, que des doutes sont restés dans les esprits, et ces doutes se sont convertis en opinion négative de la part de la cour des comptes, quant à ces fonctionnaires. J'appelle l'attention de M. le ministre sur ces lacunes ; je pense qu'il en existe encore d'autres et qu'un projet devra être présenté pour les combler.

M. Delfosse. - Dans l'étal actuel de nos finances, la loi des pensions devra subir plus d’une modification. On peut être certain que les chambres nouvelles ne la laisseront pas intacte.

M. Lebeau. - Si c'est à moi que s'adresse l'observation de l'honorable M. Delfosse, je ne me l'explique pas, car je ne suis pas en désaccord avec lui. Je ne demande pas qu’on fasse une révision immédiate de la loi sur les pensions, je ne demande pas même qu’on la fasse d’une manière ou d’une autre ; mais je demande qu’on comble une lacune ou plutôt qu’on fasse cesser un doute, qu’on décide par oui ou par non sur la position de certains fonctionnaires qui ne savent s’ils doivent, pour obtenir une pension, s’adresser à l’Etat, à la province ou à la commune ; il faut une décision.

M. Delfosse. - Je n’ai pas dit que j’étais en désaccord avec l’honorable préopinant. L’honorable M. Lebeau a exprimé son opinion sur un point de la loi des pensions, j'ai exprimé la mienne sur la loi entière que je trouve très défectueuse. Je n'ai pas voté pour cette loi et je persiste à croire qu'elle doit être profondément modifiée.

M. de Garcia. - Si j'appuie la demande d'une loi nouvelle sur les pensions, ce n'est pas pour augmenter encore les charges de l'Etat ; ce serait à un autre point de vue que cette loi devrait être faite. Le pays, par une multitude de pétitions arrivées au bureau, demande la révision de la loi en vigueur ; il réclame à ce point de vue une réforme pour amener des réductions et des économies notables dans les dépenses de cette branche du service public. Je partage cette manière de voir, et comme l'honorable M. Delfosse, je pense que celle révision doit surtout se faire en vue de réaliser de grandes économies de diminuer les charges, qui pèsent sur les contribuables.

A cet égard, mes intentions et ma manière de voir ne peuvent être douteuses. Lors de la discussion de la loi générale des pensions, à laquelle je n'ai pas donné mon assentiment, j'en ai combattu diverses dispositions, les unes comme trop larges, les autres comme manquant de base.

Aujourd'hui comme alors, je reste convaincu que, tout en rémunérant convenablement les services des anciens fonctionnaires, l'on peut introduire des économies considérables dans cette branche d'administration.

M. Loos. - Je prierai M. le ministre de la justice d'examiner, à l'occasion de cette pétition, la position des directeurs des dépôts de mendicité, quant aux droits à la pension. Ces fonctionnaires sont nommés par le gouvernement et rétribués par la province, et leurs droits à la pension sont contestés. Ils se trouvent dans une position différente de celle qu'auront les directeurs des dépôts de mendicité qui viennent d'être décrétés, et qui seront des institutions de l'Etat. Il me semble cependant qu'il devrait y avoir identité de position.

M. Lebeau. – L’observation de l’honorable préopinant est le complément de celle que j’ai eu l’honneur de présenter.

Je prie la chambre de ne pas se tromper sur mes intentions. Je ne cherche pas à aggraver les charges de l'Etat. Je ne demande qu'une chose, c'est qu'on fasse sortir certains fonctionnaires, dont les droits à la pension ne sont pas déterminés, de l'incertitude où ils sont. C'est dans ce sens que je demande le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- La chambre consultée renvoie la pétition aux ministres de l'inférieur et de la justice.

Proposition de loi relative au mode de nomination des membres du jury d'examen universitaire

Dépôt

M. le président. - Il vient d'être déposé une proposition sur le mode de nomination des jurys d'examen pour les grades académiques. Elle sera lue à la séance de demain, si cette lecture est autorisée par les sections.

Projet de loi sur la garde civique

Discussion des articles

Titre II. De l’obligation du service, du conseil de recensement, des exemptions et des dispenses

Section première. De l’obligation de service
Article 9

M. le président. - La discussion continue sur l'article 8 et sur les amendements y relatifs.

M. d’Anethan. - Messieurs, le projet du gouvernement porte que « tous les habitants qui ont accompli leur 21èm année, sans avoir atteint la 51ème, sont appelés au service de la garde civique dans le lieu de leur résidence électorale.»

L'article 10 ajoute :

« Sont réputés habitants, pour l'application de la présente loi ;

« 1° Les Belges ;

« 2° Les étrangers résidant dans le royaume depuis plus de cinq ans et y exerçant une profession, un métier ou commerce. »

Je désirerais savoir pour quel motif on n'a pas inséré dans cet article les mots qui se trouvent dans l'article 3 du décret de 1830 : « Les Belges jouissant de leurs droits civils. »

Il résulte du projet, tel qu'il est présenté par le gouvernement et par la section centrale, cette singulière anomalie qu'on exige pour les étrangers la jouissance des droits civils, tandis qu'on ne l'exige pas pour les Beiges.

M. le ministre de l'intérieur m'objectera peut-être qu'il est satisfait à cette observation par l'article 24 qui exclut de la garde a) les condamnés à des peines afflictives et infamantes ; b) les condamnés pour vol, escroquerie, banqueroute, abus de confiance, attentat aux mœurs.

Mais si M. le ministre me faisait cette réponse, j'aurais l'honneur de lui faire observer qu'il y a des individus, condamnés pour d'autres délits que ceux énumérés à l'article 24, qui peuvent être privés des droits mentionnés dans l'article 42 du Code pénal. Si l'on maintient l'article en discussion, tel qu'il est proposé, il faudrait compléter la liste des exclusions dont parle l’article 24, et quand nous en serons à cet article, je proposerai un amendement à ce sujet et je constaterai une autre lacune concernant les individus placés sous la surveillance de la police, qui, évidemment, ne peuvent pas être admis dans les rangs de la garde civique/

Il me paraît convenable de ne pas faire de distinction à l'article 8 entre les Belges et les étrangers et d'appliquer dans l'article 24 les exclusions aux uns et aux autres. D’après ces considérations, on pourrait rédiger le premier paragraphe de la manière suivante :

« Les Belges et les étrangers admis à établir leur domicile en Belgique conformément à l'article 16 du Code civil. » (Le reste comme au projet).

Je propose cette rédaction comme amendement.

Puisque j'ai la parole, je dois dire un mot sur les deux systèmes qui sont en présence ; celui du gouvernement et celui de la section centrale. Le gouvernement veut appeler au service de la garde civique les (page 1246) étrangers résidant dans le royaume depuis plus de cinq ans et y exerçant une profession, un métier ou un commerce ; la section centrale ne veut y appeler que les étrangers autorisés par le Roi à établir leur domicile en Belgique. Je pense que c'est ce dernier système qui doit être adopte par la chambre. L'autre système, comme l'a dit hier avec beaucoup de raison l'honorable M. Delfosse, présenterait certains dangers et de-véritables anomalies.

J'ajouterai quelques mots aux observations présentées hier. Le gouvernement, avant d'accorder à un étranger l'autorisation d'établir son domicile en Belgique, prend des renseignements sur la position et les antécédents de la personne qui demande cette autorisation, et ne l'accorde que si les renseignements sont favorables.

Eh bien, d'après le système du gouvernement, un individu étranger, auquel le gouvernement aurait cru devoir refuser l'autorisation d'établir son domicile en Belgique, serait néanmoins admis à faire partie de la garde civique, s'il habite le pays pendant cinq ans.

Comment adopter un système qui conduite de pareilles conséquences ? Dès que le gouvernement a eu des motifs suffisants pour refuser à un étranger l'autorisation d'établir son domicile en Belgique, on ne peut pas l'appeler au service de la milice citoyenne.

D'un autre côté, d'après le système du gouvernement, un étranger qui aurait été admis à établir son domicile en Belgique, qui, par conséquent, présenterait toutes les garanties désirables pour faire partie de la garde civique, ne serait cependant pas admis à en faire partie, s'il n'était établi en Belgique depuis cinq ans. Il est pourtant évident que dès l'instant où le gouvernement a obtenu, par les renseignements qu'il a pris, des garanties suffisantes sur le compte de l'étranger, il ne faut pas le repousser de la garde civique.

Je pense, contrairement à l'amendement de l'honorable M. Loos, que ce service doit être obligatoire. On accorde à l'étranger auquel on permet d'établir son domicile en Belgique certains droits. Eh bien, en compensation de ces droits, il faut aussi qu'il remplisse certains devoirs. Je ne crois pas qu'on doive faire à l'étranger la faveur qui résulte pour lui de l'article 13 du Code civil, et lui en faire une autre, celle de l'exempter du service de la garde civique.

Car, comme l'a très bien dit M. le ministre de l'intérieur, si faire partie de la garde civique est un droit, c'est aussi une charge.

Je soutiens donc que l'amendement de l'honorable M. Loos ne doit pas être admis. D'après moi, dès l'instant où il est reconnu qu'une personne a les qualités suffisantes pour être admise à établir son domicile en Belgique, dès l'instant où par suite elle jouit des droits civils, des avantages dont jouissent tous les Belges, elle doit être obligée au service de la garde civique.

Je vois que dans le projet du gouvernement on n'astreint au service de la garde civique que les étrangers exerçant une profession, un métier, un commerce.

Ainsi donc si un étranger jouissant même d'une grande fortune venait s'établir en Belgique, y achetait des propriétés, et était, par conséquent, intéressé au maintien de l'ordre, il ne serait cependant pas admis au service de la garde civique, parce qu'il n'exercerait m métier ni profession.

Je pense que tous ces inconvénients disparaîtraient, si l'on adoptait, avec l'amendement que je propose, la rédaction de la section centrale.

Messieurs, sur cet article, il y a également un amendement présenté par l'honorable M. Delfosse. Je doute que cet amendement rende complétement la pensée de l'honorable membre. Il y est dit : « Il est loisible aux citoyens de 18 à 21 ans et de plus de 50 ans, etc. » Ce mot « citoyens » ne peut s'appliquer qu'à des Belges.

Je ne sais si l'honorable membre a eu l'intention d'écarter les étrangers qui se trouveraient dans la position reprise à l'article 8. Je ne le pense pas, je crois que dès qu'un étranger a obtenu la permission d'établir son domicile en Belgique, il doit lui être loisible de faire partie de la garde civique, c'est une obligation pour lui jusqu'à un certain âge, ce doit être une faculté après cette époque.

Il faudrait dire : « Il est loisible aux Belges et aux étrangers de 18 à 21 ans, etc. »

M. le président. - Voici l'amendement proposé par M. d'Anethan :

Il propose de dire au premier paragraphe : « Les Belges et les étrangers admis à établir, leur domicile en Belgique, en vertu de l'article 13 du Code civil, qui ont accompli, etc., » le reste comme à l'article.

M. Delfosse. - Messieurs, il est certain que les Belges qui ne jouissent pas des droits civils, ne doivent pas être admis à faire partie de la garde civique. La section centrale est sur ce point entièrement de l'avis de l'honorable préopinant. Mais, comme l'honorable préopinant l'a fait observer, il suffira d'ajouter à l'article 24 un paragraphe portant que ceux qui ne jouissent pas des droits civils, sont exclus de la garde civique. On pourrait, pour ne rien préjuger, modifier légèrement la rédaction et dire : « Les Belges et les étrangers admis à résider en Belgique, conformément à l'article 13 du Code civil ».

M. d’Anethan. - C'est ce que j'ai proposé.

M. Delfosse. - Nous sommes d'accord sur les autres parties de l'article. L'honorable M. d'Anethan appuie les amendements de la section centrale. Seulement il voudrait qu'au mot « citoyens » on substituât dans le dernier paragraphe les mots : « Belges et étrangers ».

Je ferai remarquer à l'honorable membre que cette rédaction ne serait pas non plus irréprochable ; il ne peut être ici question de tous les étrangers, mais uniquement de ceux dont le paragraphe premier fait mention.

Je ferai en outre remarquer qu'on peut très bien imposer aux étrangers admis à rester en Belgique conformément à l'article 13 du Code civil, l'obligation de faire partie de la garde civique, sans qu'il soit nécessaire de leur accorder la faveur indiquée au dernier paragraphe. Le dernier paragraphe n'impose pas une obligation, il accorde une faveur à ceux qui n'ont pas l'âge requis pour faire partie de la garde civique ou qui ont dépassé cet âge.

Mon amendement peut donc se concilier avec l'obligation que le paragraphe premier impose aux étrangers qui se trouvent dans le cas de l'article 13 du Code civil.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ainsi que je l'ai dit hier, la différence entre l'une et l'autre rédaction, celle du gouvernement et celle de la section centrale, n'est pas grande. Nous devons avoir hâte de finir la discussion ; je ne voudrais donc pas prolonger le débat inutilement. Je me borne à constater de nouveau que l'article proposé par la section centrale accorde une véritable faveur aux étrangers, les dispense d'une charge.

Je présume que ce qui a décidé l'honorable M. Nothomb à élargir les dispositions de la loi de 1830 qui n'admettait au service de la garde civique que les étrangers jouissant des droits civils, ce sont les plaintes qui ont surgi dans diverses villes à cause même de l'exemption dont jouissaient un certain nombre d'étrangers. Il n'est pas toujours agréable de faire le service pour son voisin, de garder les propriétés d'autres individus qui, par le motif qu'ils ne sont pas Belges, ou qu'ils ne sont pas admis à établir leur domicile dans le pays, peuvent se dispenser de cette charge assez pénible pour beaucoup de gens.

L'article de la section centrale ne fait que maintenir ce qui est : les habitants de la Belgique, jouissant des droits civils, sont astreints au service de la garde civique. Le projet de l'honorable M. Nothomb voulait étendre cette obligation à tout étranger établi dans le pays, depuis cinq ans et exerçant une profession, un métier ou un commerce, donnant en définitive des garanties de leur intérêt à maintenir l'ordre.

Si la chambre croit qu'il faut réserver cette charge ou ce droit pour les étrangers seulement qui ont été autorisés à établir leur domicile dans le pays, je n'ai pas d'autre objection à y faire que pour constater que c'est une faveur que nous accordons aux étrangers. Ce sera peut-être un moyen de les attirer de plus en plus dans le pays et de les y retenir, et j'espère que la Belgique continuera à être un pays véritablement hospitalier pour tous les étrangers qui apporteront ici des habitudes d'ordre et de travail. J'espère que jamais la Belgique ne donnera sous ce rapport de fâcheux exemples.

Quant aux autres amendements, je m'y rallie.

M. d’Anethan. - L'honorable M. Delfosse persiste dans son amendement relatif à l'exclusion des étrangers. Je vous avoue, messieurs, que je ne comprends pas trop qu'on veuille priver les étrangers de cette faveur, car elle doit nécessairement tourner à l'avantage de la Belgique, puisqu'ils ne demanderont à faire partie de la garde civique que lorsqu'ils auront l'intention de maintenir le bon ordre. Je suppose un étranger établi en Belgique depuis longtemps ; il sert dans la garde civique ; il atteint 50 ans et demande à continuer de faire partie de cette garde dans laquelle il s'est parfaitement conduit depuis 10 ou 20 ans ; il me semble qu'il n'y a aucun motif de ne pas accueillir cette demande.

Je pense donc, messieurs, que mon amendement est préférable à celui de l'honorable M. Delfosse, et qu'il est plus conforme à l'obligation imposée aux étrangers jusqu'à 50 ans.

M. Delfosse. - Il n'y a pas, je le reconnais, d'inconvénient à ce que les étrangers qui auraient .servi dans la garde civique jusqu'à l'âge de 50 ans, puissent continuera en faire partie s'ils le demandent ; mais la rédaction proposée par M. d'Anethan doit subir une modification ; le cas prévu par l'honorable membre se présentera très rarement ; sa proposition n'a qu'une faible importance.

M. Loos rappelle les observations qu'il a présentées à la fin de la séance d'hier, sur les inconvénients, qu'il peut y avoir à admettre les étrangers dans la garde civique, et sur l'iniquité qu'il y a à soumettre aux charges civiques des individus qui ne jouissent pas des droits civiques corrélatifs à ces charges. Il fait remarquer qu'il n'a pas été répondu à ces observations.

- La clôture est prononcée.

L'article 8 est adopté paragraphe par paragraphe et dans son ensemble avec les amendements de MM. Delfosse et d'Anethan dans les termes suivants :

« Art.8. Les Belges et les étrangers, de 21 à 50 ans, admis à établir leur domicile en Belgique, conformément à l'article 13 du Code civil, sont appelés au service de la garde civique dans le lieu de leur résidence réelle.

« Ceux qui résident alternativement dans plusieurs communes sont de droit soumis au service dans la commune la plus populeuse.

« Il est loisible aux Belges et aux étrangers, mentionnés dans le premier alinéa de cet article, de se faire inscrire sur les contrôles de la garde civique, avec l'agrément du chef de la garde. »

- La séance est levée à 4 heures 1/2.