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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 13 avril 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1298) M. T'Kint de Naeyer fait l'appel nominal à 1 heure et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée : il présente ensuite l'analyse des pièces adressées à la chambre

Pièces adressées à la chambre

« La compagnie des chasseurs-éclaireurs de la garde civique de Liège demande que la loi déclare le service de la garde civique permanent. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la garde civique.


« Les sieurs Samain, Bauthier et autres membres de la commission de la Société de commerce et d'industrie de Nivelles demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions de même nature.


« Quelques habitants de Bruxelles demandent que les employés de l’Etat soient tenus à porter l'uniforme de leurs grades. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Stavelot demandent que les électeurs du canton puissent voter au chef-lieu pour la nomination des membres des deux chambres. »

M. Malou. - Messieurs, cette pétition se rattache à un projet de loi qui est à l'ordre du jour ; on pourrait donc joindre l'examen de la pétition à l'examen de ce projet. Je demanderai le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur lequel il a été fait rapport par M. Lys.

-Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs cabaretiers de Mont-St-Amand-lez-Gand, demandent que cette localité soit classée dans la catégorie des commune de troisième rang, quant à l'abonnement pour le débit des boissons distillées. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Bartilla prie la chambre de lui faire obtenir une indemnité pour les services qu'il aurait rendus au pays. »

- Même renvoi.


Par message du 12 avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi ouvrant au département des affaires étrangères un crédit supplémentaire de 20,500 fr.

- Pris pour notification.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Discussion des articles

M. Manilius (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j'ai vu avec étonnement, dans le Moniteur de ce matin que l'honorable M. de Corswarem m'aurait répondu hier que je ne représentais pas la ville de Hasselt et que c'était dommage. Je dois protester contre ces paroles, que je n'ai pas entendu prononcer. Oui, messieurs, je représente la ville de Hasselt comme je représente toutes les parties du royaume. Je ne suis pas député de Hasselt, mais j'ai à cœur les intérêts du Limbourg aussi bien que ceux de toutes les provinces du pays, et je l'ai prouvé par mon vote en faveur du Limbourg et du Luxembourg ; lorsqu'on voulait les mutiler, je m'y suis opposé.

M. de Corswarem. - Messieurs, au nom de la ville de Hasselt, je remercie l'honorable M. Manilius des sentiments de bienveillance qu'il vient d'exprimer en sa faveur.

Développements du projet

(page 1308) M. le président. - La discussion est ouverte sur le premier paragraphe des développements du projet, ainsi conçu :

Terrassements, ouvrages d'art, rampes et pavages, fr. 223,530. » La section centrale propose l'adoption.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, dans la séance d'hier, l'honorable M. de Man a déposé un amendement ainsi conçu :

« Il est ouvert au département des travaux publics un crédit de ..... pour travaux aux chemins de fer de l'Etat.

« L'emploi de ce crédit est réparti de la manière suivante :

« 1° Terrassements et ouvrages d'art, rampes et pavages...... »

Suivent diverses catégories.

Je ne puis pas admettre l'amendement, en ce sens que les catégories indiquées constitueraient un article de la loi ; je puis l'admettre comme littera, parce que l'intention du gouvernement est de se renfermer dans les catégories de travaux qu'il avait indiquées.

Mais comme article de la loi, l'amendement de l'honorable M. de Man n'atteindrait pas le but qu'il se propose.

L'honorable membre porte, par exemple, au n°1° « terrassements, ouvrages d'art, rampes et pavages, une somme de...»

Si je prends la somme qui devrait en résulter, d'après les tableaux que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre, ce serait 636,800 fr. ; dans la pensée de l'honorable M. de Man, je ne pourrais faire faire de travaux de ce genre que pour 636,800 francs ; eu effet, il exige que les travaux soient faits dans l'ordre indiqué ; il veut que la cour des comptes ne puisse liquider qu'en raison des catégories stipulées dans la loi.

Or, messieurs, cela n'est pas possible, car j'ai demandé à pouvoir faire faire des terrassements pour une somme beaucoup plus considérable. Il y a des terrassements qui sont repris,, par exemple, à l'article doubles voies: ils sont compris dans la somme totale qui figure également dans les tableaux. Il y en a pour le raccordement de la station de Gand et pour le raccordement de la station de Bruges.

Je ne puis donc pas admettre la première catégorie sous le titre de terrassements et travaux d'art ; en réalité, il y a plus de terrassements que n'en suppose la somme qui figurerait en regard de cet article.

Il en serait de même des rails. L'honorable M. de Man indique :

« 3° Voies, rails et accessoires.»

Si je mets en regard de cette indication le chiffre qui serait compris dans les tableaux, j'aurai 245,227 fr. 50 c. Mais dans l'article « doubles voies » figurent également les rails, ainsi que dans l'article, « raccordement de la station de Gand », et dans l'article, « raccordement de la station de Bruges ».

Ainsi, il est impossible de suivre l'amendement de l'honorable M. de Man,

Si l’honorable membre me dit : « Placez en regard de l'article terrassements tous les terrassements que vous voulez faire, » je me trouverai dans l'impossibilité d'en indiquer le chiffre, sans faire opérer le décompte total des travaux, et sans faire voter la chambre sur une multitude de chiffres.

Et par contre, l'article « doubles voies », qui se trouve cependant dans l'amendement de l'honorable membre, se trouverait supprimé.

Je ne puis donc pas me rallier à l'amendement comme devant faire partie de la loi ; mais je l'admets volontiers comme littera, afin qu'on puisse ultérieurement justifier que l'ordre des travaux qui auraient été indiqués a été suivi conformément à ce qui avait été annoncé.

Ces explications données, je crois que, pour satisfaire à l'observation qui a été présentée par l'honorable M. Malou, il suffira d'indiquer dans l'ordre des catégories signalées par l'honorable M. de Man, les propositions primitives du gouvernement, les propositions de la section centrale et les propositions actuelles du gouvernement. La chambre serait ainsi en mesure de vérifier, par l'inspection de ces chiffres, les sommes qu'elle alloue en effet pour les travaux.

Ainsi dans l'ordre de l'amendement de M. de Man 1° terrassements et ouvrages d'art rampes et pavages 636,800 fr.

Cette somme a été indiquée par le gouvernement, elle est admise par la section centrale ; c'est aussi le dernier chiffre du gouvernement faisant partie de la somme de 5 millions que j'ai annoncée hier. Voilà pour le premier article.

2° Bâtiments des stations et loges de gardes. La proposition primitive du gouvernement portait pour ces travaux 1,532,350 fr. La section centrale a rejeté intégralement cette somme en reconnaissant cependant, ainsi que l'a fait observer hier l'honorable M. de Brouckere, qu'il y avait lieu de voter une somme après avoir entendu les explications du gouvernement. Je porte pour ces deux chefs 628,897-80 c.

M. de Brouckere. - Je demande si Anvers est compris dans ce chiffre.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Oui, je suis naturellement obligé de faire une réduction proportionnelle sur tous les travaux de la catégorie. Puisque le crédit total est réduit de 1,532,350 fr. à 628,897-80, tous les travaux seront réduits dans la proportion de la réduction générale.

Pour le n°3 voies, rails et accessoires, la somme primitivement proposée par le gouvernement était de 245,722 fr. 50. La somme a été adoptée par la section centrale ; elle est maintenue par le gouvernement.

N° 4 matériel des stations, proposition primitive du gouvernement 355,950 fr. La somme a été admise par la section centrale ; elle est maintenue par le gouvernement.

N° 5 doubles voies. La proposition primitive du gouvernement était 1,345,723 fr. 60 c.

La section centrale propose un million ; j'ai demandé 1,324,629 fr. 70 c.

Matériel des transports. Le gouvernement demandait 2,027,000 fr. ; la section centrale alloue 1,000,000 fr. ; le gouvernement demande maintenant 1,500,000 fr.

Voilà tous les articles indiqués par l'honorable M. de Man.

Il resterait à maintenir de la même manière comme littera le raccordement de la station de Gand, 200,000 fr. Proposition primitive rejetée par la section centrale et maintenue par le gouvernement dans le sens que j'ai indiqué hier, c'est-à-dire à titre d'avance, sauf à faire une convention avec la ville de Gand. Raccordement de la station de Bruges, 110,000 fr. Ajourné par la section centrale, maintenu par le gouvernement.

Ce qui donne pour résultats les chiffres ci-après :

Proposition primitive du gouvernement, fr. 6,451,546 10

Proposition de la section centrale, fr. 3,236,472 50

Proposition définitive du gouvernement, fr. 5,000,000.

Puisque j'ai la parole, je vous demande la permission de dire quelques mots que j'avais l'intention d'adresser à la chambre, hier, au moment de la clôture de la discussion générale.

C'est contre l'appréciation que plusieurs honorables membres ont faite des propositions que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre. Elles ont été considérées à un point de vue tout à fait faux. On a discuté ces propositions ; on a scruté les travaux proposés, on s'est demandé : Ces travaux sont-ils utiles, urgents, indispensables ? et l'on a répondu : On pourrait les ajourner. Ce n'est évidemment pas là la question. Elle ne peut être ainsi posée, ainsi résolue par la chambre. Si la question pouvait être ainsi examinée, il faudrait décider sur-le-champ, d'accord avec le gouvernement, que l'on doit ajourner les travaux, qu'il faut les ajourner tous impitoyablement, fussent-ils utiles, parce que ce n'est pas à l'aide d'un emprunt forcé, qui atteste qu'on est sous le coup de la nécessité, qu'on doit faire des travaux de cette nature, car ils ne sont pas tels que le service d'exploitation du chemin de fer ne puisse continuer à avoir lieu s'ils n'étaient pas exécutés.

Mais la seule question véritable à examiner, c'est de savoir s'il ne faut pas continuer à maintenir les travailleurs dans, la voie pacifique où ils se trouvent.

C'est là uniquement la question à résoudre.

Les travaux que vous avez à décréter ont, indépendamment de ces considérations, l'avantage de réunir tous les caractères d'urgence, de nécessité, d'indispensabilité, si vous permettez ce mot, qu'on peut exiger des travaux à faire dans les temps ordinaires. Mais ils sont proposés non pas a raison de leur urgence, non pas à raison de leur utilité en eux-mêmes, mais à cause des circonstances, mais afin de donner un aliment, un aliment utile à la classe ouvrière.

Si, messieurs, on ne se décide pas à faire des sacrifices et des sacrifices notables pour maintenir le travail dans ses voies régulières, on sera obligé de dépenser en travaux complètement stériles des sommes infiniment plus considérables, lorsqu'une fois le trouble aura éclaté sur quelques points, parce qu'il est difficile, il est presque impossible de faire rentrer régulièrement les travailleurs dans les ateliers quand une fois ils ont pris l'habitude de descendre sur la place publique.

J'invoque, messieurs, la raison de salut public. Je pourrais invoquer la raison d'humanité en faveur du travail à donner à la classe ouvrière.

(page 1309) Mais les circonstances sont telles que le gouvernement doit insister et de la manière la plus vive pour que les crédits qui ont été sollicités lui soient alloués.

Il reste donc à examiner si les travaux proposes ne sont pas trop considérables ; si l'on pourrait faire avec une somme moindre ; s'il est raisonnable de penser que pour le pays entier on puisse faire une dépense moindre que celle qui est proposée.

Que l'on soit en désaccord sur ce point, je l'admets ; mais que l'on puisse contester la nécessité de faire des travaux et des travaux d'une certaine importance, c'est ce qui me paraît tout à fait inadmissible. Lorsque pour plusieurs mois le gouvernement demande une somme de 5 millions, à répartir sur la majeure partie des travailleurs de tout le pays, demande-t-on, messieurs, une somme exorbitante ? Ne faut-il pas qu'on compte beaucoup sur les efforts individuels, sur l'activité des industriels, sur leur désintéressement même ? Car ce n'est qu'à cette condition, ce n'est qu'à ce prix qu'ils obtiendront aussi le concours du gouvernement.

Veuillez, messieurs, considérer ce qui se passe ailleurs, dans un pays où sans doute il y a beaucoup de trouble, beaucoup d'agitation, beaucoup de désorganisation ; veuillez considérer ce qui se fait à l'heure qu'il est dans la capitale de la France ; que de millions sont dépensés uniquement pour faire remuer d'une manière stérile, sans profit pour personne, la terre au Champ-de-Mars !

Il faut éviter qu'une seule localité du pays soit réduite à la triste nécessité d'implorer le secours du gouvernement pour faire des travaux de pareille nature. Et qu'on ne dise pas que cela n'arrivera pas. Cela s'est vu déjà, cela s'est présenté dans plusieurs localités du pays, où l'on a fait à d'autres époques des travaux stériles, où l'on a perdu beaucoup d'argent qui aurait pu être utilement employé.

Il ne faut pas que de pareils faits se renouvellent. Nous pouvons, je pense, les éviter ; à l'aide de travaux faits d'une manière intelligente, en temps opportun, on pourra éviter au pays des sacrifices beaucoup plus considérables.

Je conserve, quant à moi, l'intime espoir que si nous parvenons à maintenir dans le pays le calme, l'ordre, le travail dans une certaine mesure, car nous sentons parfaitement qu'il doit y avoir des restrictions ; si nous parvenons à maintenir ainsi le travail pendant quelques mois, l'industrie continuant à être sur un bon pied, les ateliers pouvant immédiatement donner des produits à la consommation, la Belgique sera dans une position favorable, pourra livrer à d'autres pays dans lesquels l'industrie se désorganise une foule d'objets qui leur manqueront. Nous devons faire de grands sacrifices maintenant afin de les récupérer au centuple peut-être dans quelques mois.

(page 1298) M. le président. - La discussion générale a été close hier. Nous avons maintenant à examiner les détails du projet. Voici l'ordre que je proposerai de suivre.

M. de Man et M. le ministre des travaux publics ont indiqué diverses catégories de dépenses dont le détail devrait être inséré dans la loi, d'après M. le ministre des travaux publics, sous forme de littera, et d'après M. de Man, sous forme d'articles. Nous pourrions discuter successivement ces divers chiffres et décider ensuite si l'on fera des littera ou des articles.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai présenté hier un amendement. Cet amendement vient d'être combattu par le ministre. Il me semble que !a chambre doit me permettre de lui répondre.

M. le président. - Vous aurez la parole pour répondre à M. le ministre des travaux publics ; mais votons d'abord les chiffres, nous examinerons ensuite si ces chiffres doivent faire l'objet de littera ou d'articles.

M. de Man d'Attenrode. – Il s'agit ici de l'ordre qui sera suivi dans la discussion, et cette question doit avoir la priorité sur l'examen des chiffres. (Interruption.)

M. le président. - La parole est à M. de Man.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer hier est fort simple. Elle est basée sur le tableau récapitulatif présenté par le gouvernement ; j'ai transformé en article chacun des libellés qui se trouvent portés en tête de ce tableau. C'est ainsi que j'ai pris, pour former le premier paragraphe, le libellé des « Terrassements et ouvrages d'art, rampes et pavages.» J'ai composé mon deuxième paragraphe du libellé concernant les « Bâtiments des stations et loges de gardes », et ainsi de suite. M. le ministre des travaux publics ne crois pas pouvoir se rallier à cet amendement ; afin d'établir qu'il ne peut pas s'y rallier, qu'a-t-il fait ? Il a outré les conséquences de ma proposition. Il vous a dit, messieurs, que si on adoptait ma proposition, le gouvernement ne pourrait pas dépasser pour les terrassements le chiffre de 644,530 fr., tandis qu'il est d'autres travaux de terrassements à faire, tels que ceux qui se rattachent à l'établissement des doubles voies.

Je vous avoue, messieurs, que mon intention n'est pas d'aller aussi loin, d'être aussi exigeant, et que je trouverais tout naturel que l'on fît les ouvrages de terrassement nécessaires à l'établissement des doubles voies, an moyen des fonds destinés à ces doubles voies. Mon amendement n'est donc pas de nature à empêcher l'établissement des doubles voies, si la chambre adopte le crédit qui y est destiné.

M. le ministre des travaux publics demande que mes articles soient transformés en littera. Voici, messieurs, quel en serait le résultat. Une division en littera n'oblige pas le gouvernement à respecter cette division, et mon intention était d'engager le gouvernement de mettre obstacle à ce qu'il fît des transferts d'un article à un autre.

Maintenant je crains que ces deux propositions ne se contrarient et n'introduisent de la confusion dans les débats, et comme le but de mon amendement était, au contraire, d'éclairer la discussion, de la simplifier, je le retire. Mais j'espère que M. le ministre des travaux publics prendra (page 1299) l’engagement de respecter, autant que possible, les intentions de la chambre ; j'aime à avoir confiance dans les déclarations qu'il nous fera, bien que tout ce qui s'est passé antérieurement me fasse en quelque sorte tomber les bras et me laisse à peine le courage de demander des mesures propres à catégoriser les articles, et à empêcher que les crédits ne soient dépassés.

Vous savez, messieurs, que dans le passé on n'a tenu aucun compte de toutes les mesures conservatrices des intérêts du trésor. J'espère cependant que l'honorable M. Frère sera à l'avenir plus fidèle aux garanties établies pour mettre de l'ordre dans les dépenses.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M. de Man désire de ma part une déclaration que j'entends me renfermer autant que possible dans les catégories que j'ai moi-même indiquées. Il m'est d'autant plus facile, messieurs, de faire cette déclaration, que c'est après un examen très approfondi d'une série de travaux s'élevant à 25 millions, que j'ai indiqué une partie de ces travaux comme les plus utiles dans les circonstances actuelles. Je ferai donc tous mes efforts pour atteindre le but que je me suis proposé, c'est-à-dire, de donner du travail aux diverses catégories d'ouvriers, que j'ai eu l'honneur d'indiquer hier à la chambre ; mais la chambre comprendra que, dans les circonstances graves où nous nous trouvons, où les événements qui se produisent chaque jour peuvent faire naître de nouvelles difficultés, il pourra être nécessaire que je porte plus d'attention sur un point que sur un autre. Je ferai ce qui sera reconnu nécessaire, mais je m'efforcerai de me renfermer dans les catégories de travaux que j'ai indiquées.

Je pense, messieurs, que bien que l'amendement soit retiré, on peut cependant, pour l'ordre de la discussion, examiner séparément les littera qui ont été soumis à la chambre.

M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, d'après la discussion qui a eu lieu hier et les explications qui ont été données aujourd'hui, je déclare que je suis disposé à voter les chiffres présentés par M. le ministre. Il n'en est qu'un qui, selon moi, réclame quelques explications nouvelles, c'est celui qui est relatif au raccordement du canal de Terneuzen avec la station de Gand. Quand nous en serons à cet article, je présenterai les observations auxquelles il me semble donner lieu.

M. Orban. - L'honorable M. de Brouckere, qui est rapporteur de la section centrale, vient de déclarer qu'il était aujourd'hui disposé à voter pour les chiffres demandés par M. le ministre ; je demanderai à l'honorable M. de Brouckere si c'est en son nom personnel qu'il a fait cette déclaration ou si c'est comme rapporteur de la section centrale ; en d'autres termes, s'il a réuni la section centrale, depuis que M. le ministre a donné des explications.

M. le président. - La section centrale n'a pas été réunie.

Article premier. Littera A

« Art. 1er. Routes, constructions nouvelles : fr. 507,000. »

La section centrale adopte le chiffre de 223,550 francs pour terrassements, etc. et rejette celui de 284,050 fr. pour maisons et loges de gardes.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, la section centrale a adopté le chiffre proposé par le gouvernement pour les terrassements ; d'autre part, elle a rejeté la proposition du gouvernement, pour achever les stations.

Je me suis trouvé en complet désaccord avec la section centrale sur ce dernier article, et je désire m'en expliquer.

L'honorable M. Dechamps, en présentant un projet de loi le 10 décembre 1844, où il s'agissait d'accorder plusieurs millions pour le chemin de fer, disait :......

.Maintenant on nous propose plus de 600,000fr. pour faire des travaux de terrassements, pour faire des travaux d'entretien, travaux qui devraient être compris dans le budget, pour lesquels nous votons tous les ans des sommes assez considérables et pour lesquels un crédit de près de 200,000 fr. figure au budget de 1848.

Je compte donc voter contre cette demande de crédit faite pour travaux d'entretien au railway. D'autre part, je préférerais voter le chiffre destiné à terminer les stations. Les stations ne sont pas achevées, et ceci est très fâcheux, même pour la conservation de notre matériel. Les stations sont destinées à mettre notre matériel à l'abri de l'humidité pendant l'hiver, et du soleil pendant l'été.

Le gouvernement peut très légitimement demander à l'emprunt de quoi terminer les stations.

Il est étrange d'adopter la demande que fait le gouvernement pour les terrassements, pour les soutènements, etc. ; ce sont les travaux de ce genre qui ont donné lieu à une foule de crédits complémentaires, supplémentaires, et d'autres crédits encore pour lesquels le dictionnaire de la langue française n'a plus de termes.

J'ai fait connaître les motifs pour lesquels je voterai contre les terrassements. Ces terrassements sont des ouvrages d'entretien que les recettes ordinaires doivent couvrir. Cette demande de crédit tend simplement à alléger le budget ordinaire. Il ne s'agit pas ici de dépenses extraordinaires, et il ne peut pas être question de ces dépenses dans un emprunt forcé.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M. de Man aurait raison, si le fait qu'il suppose était exact ; mais le fait est erroné. L'honorable membre dit qu'il s'agit de travaux d'entretien, que c'est une charge du budget ordinaire, et qu'on ne peut pas la faire peser sur l'emprunt.

Mais, messieurs, il s'agit ici de faire de véritables constructions nouvelles ; il faut opérer des déblais qui n'ont pas été faits, à tort ou à raison, ou qui n'ont pas été prévus, ou qui ont été reconnus nécessaires par suite de la situation actuelle de la route. Ce ne sont pas là des charges du budget ordinaire.

Il s'agit de constructions toutes neuves ; elle sont ainsi renseignées ; il ne s'agit pas de travaux d'entretien, et par conséquent, l'observation de l'honorable M. de Man manque de fondement.

M. Le Hon. - Messieurs, j'ai quelques observations à faire pour répondre à l'honorable M. de Man. Ces observations tendent à justifier par des faits le vote approbatif que je donne au crédit.

Je crois que ce serait tomber dans une erreur grave que de considérer comme travaux d'entretien les terrassements qui vous sont proposés. A mon sens, ils ont pour objet d'étendre ou de compléter les stations ; car celles-ci ne se composent pas seulement de bâtiments, de bureaux de recette, de hangars ; elles se composent aussi de l'enceinte dans laquelle se meuvent, s'arrêtent et se déchargent les convois et les wagons de marchandises, et il est reconnu que la plupart des stations les plus productives ont des emplacements trop restreints. Je puis citer un fait à l'appui de mon observation.

Je demanderai par exemple, à M. le ministre des travaux publics, si dans les travaux de terrassements qu'il propose, il a compris l'élargissement du terrain de la station de Heberstahl située à notre extrême frontière vers la Prusse. Cette station est encaissée entre deux talus très élevés.

Les marchandises qui sont expédiées de l'intérieur vers les établissements en exploitation dans le territoire neutre ne peuvent s'arrêter à la frontière belge faute de place ; si elles vont attendre à la station de Prusse le moment de leur déchargement, on prétend les soumettra au droit d'entrée du tarif prussien, et pourtant une fois arrivées à la frontière, ces marchandises devraient pouvoir être immédiatement chargées sur des voitures qui suivent la route neutre, prenant la ligne séparative du territoire prussien et belge.

Il s'agit là, messieurs, d'un mouvement de quatre à cinq mille tonnes par mois.

Que dirai-je des stations où le mouvement commercial est cinq et six fois plus grand et où, à défaut d'espace, le service est incessamment entravé ou arrêté ? C'est donc un travail nécessaire à l'amélioration des produits du chemin de fer que celui des terrassements.

Je crois que ces dépenses seraient utiles alors même qu'il ne serait pas indispensable de donner du travail aux ouvriers. J'appuie donc le crédit demandé.

M. de Man d'Attenrode. - L'honorable M. Le Hon m'a mal compris : le chiffre dont il s'agit concerne des terrassements ; on dit que ce sont des constructions, mais je dis que ce sont des dépenses d'entretien. J'ai dit que je considérais les stations comme n'étant pas terminées et pouvant être achevées au moyen de l'emprunt.

Le point sur lequel je me suis appesanti est que le ministre des travaux publics en 1845 avait déclaré que l'œuvre de la construction était achevée. L'honorable M. Lebeau peut être tranquille, je n'ai pas attaqué l'allocation demandée pour les stations, mais seulement celle qui concerna les terrassements et la voie. Il semble maintenant que l'œuvre de la construction n'est pas terminée et qu'elle continuera si la chambre y consent pendant un temps indéterminé. Je demande si le chemin de fer n'est pas comme le tonneau des Danaïdes, plus on y jette d'argent, plus il faut en jeter.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Si l'honorable M. de Man avait construit une maison et qu'il n'eût pas fait de chéneau au toit, il pourrait dire : Ma maison est achevée, elle est terminée. Et s'il reconnaissait une année après la nécessité d'établir un chéneau, il ferait une construction, une construction neuve en faisant un chéneau à son toit qui n'en avait pas. De même la voie a pu être complètement achevée et on a pu trouver nécessaire d'y faire de nouvelles constructions, des choses nécessaires, indispensables qui peuvent avoir été omises et qui n'en seraient pas moins des constructions nouvelles.

L'honorable membre parle toujours des terrassements, et cependant dans la colonne du tableau il y a à la fois terrassements, ouvrages d'art, rampes et pavages. Il faut se rendre compte, en face de chaque article, des dépenses proposées : ce sont, ou bien des terrassements ou bien des ouvrages d'art, ou bien des rampes ou bien des pavages. En ce qui concerne l'objet sur lequel on délibère en ce moment, les 636,800 fr., il est évident qu'il comprend exclusivement des constructions neuves et non des dépenses d'entretien.

M. de Mérode. - Je trouve que la dernière classification faite par M. le ministre des travaux publics n'éclaircit pas parfaitement la situation des travaux. Ainsi, je vois terrassements, ouvrages d'art, etc. ; ces terrassements sont-ils applicables aux bâtiments des stations ? Il faut, a dit M. Le Hon, faire des terrassements pour les stations, les loges de gardes et les bâtiments des stations. Si je n'admets pas la dépense pour les bâtiments des stations, je dois refuser aussi les sommes demandées pour les terrassements qui sont applicables à ces bâtiments ; si je n'admets pas les doubles voies, comme il y a aussi des terrassements à faire pour ces doubles voies, comment pourrai-je rejeter les doubles voies, si j'admets les terrassements ?

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Vous reproduisez une observation que j'ai déjà présentée en combattant l’amendement de l'honorable M. de Man. Le chiffre dont il s'agit ne comprend que des terrassements d'une certaine catégorie et non tous les terrassements. Quand vous vous occuperez des doubles voies, vous vous (page 1300) occuperez en même temps des terrassements et des rails qui s'y rapportent.

M. de Mérode. - Je suis satisfait de l'explication.

M. Orban. - On peut faire des classifications plus ou moins bien entendues ; une seule peut nous permettre de voter en connaissance de cause, c'est celle de la section centrale que nous avons sous les yeux ; libre ensuite à M. le ministre de faire telle réunion qu'il jugera convenable pour établir plus d'ordre dans sa classification. Mais il est impossible d'aller pêcher les articles dans les documents pour les réunir et les voter ; il y aurait une confusion qui ne nous permettrait pas de savoir ce que nous faisons.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Il n'y aura de confusion que pour M. Orban. La classification que nous présentons est en définitive celle adoptée par la section centrale qui a été reproduite par l'honorable M. de Man.

M. de Brouckere. - J'ajoute un mot d'explication. La somme proposée par M. le ministre des travaux publics se compose du chiffre de 223,350 fr. pour terrassements sur les routes que vous trouvez page 3 du rapport de la section centrale, et du chiffre de 413,250 francs, pour terrassement, à faire dans les stations ; la section centrale a adopté ces deux chiffres.

-Le littera A est mis aux voix et adopté.

Article premier. Littera B

« Litt. B. Bâtiments des stations, logements des gardes : fr. 628,597 fr. 90. »

M. de Brouckere, rapporteur. - Je dois faire remarquer une dernière fois que la section centrale, en rejetant le chiffre primitif, avait cependant admis que certains travaux de construction devraient être autorisés par la chambre. M. le ministre évalue ces travaux à 628,597 fr. 90 centimes.

La section centrale n'a pas été appelée à émettre un vote sur ce chiffre. Chacun est libre de son vote personnel. Quant à moi, je voterai pour.

M. Osy. - J'ai également fait partie de la section centrale. J'avais voté avec la majorité pour la réduction. Mais, d'après les explications qu'a données hier M. le ministre des travaux publics, je suis assez éclairé et je crois pouvoir, en conscience, voter pour le chiffre proposé, parce que, dans les circonstances où nous sommes, il faut autant que possible donner du travail. Dans d'autres circonstances, je voterais pour l'ajournement.

M. Orban. - Je vois dans le rapport de la section centrale que les deux dépenses auxquelles doit s'appliquer le crédit en discussion, ont été rejettes par cette section par 5 voix, 2 membres s'étant abstenus.

Je demande, par conséquent, la division, telle qu'elle est indiquée dans le rapport de la section centrale.

M. de Brouckere, rapporteur. - Le crédit comprend une somme de 330,000 fr., dont partie est affectée à l'exécution de travaux à Anvers, travaux qui, selon moi, doivent s'effectuer dans le courant de cette année.

M. le président. - M. Orban peut déposer un amendement ; mais la division qu'il demande ne peut plus s'opérer, puisque les chiffres ont été modifiés.

M. de Man d'Attenrode. - Je voudrais d'abord que M. le ministre nous donnât des explications sur l'emploi qu'il compte faire des 350,000 fr. qu'il destine à Anvers.

M. de Brouckere., rapporteur. - Une partie de cette somme seulement est destinée à Anvers.

M. de Man d'Attenrode. - Nous n'avons encore obtenu aucune indication sur l'emploi de la somme destinée à Anvers, et qui a été indiquée à la section centrale par simple dépêche. J'insiste pour que le gouvernement veuille s'expliquer à propos de ce crédit.

J'ajouterai un mot.

Je voterai pour le crédit demandé pour achèvement des stations, parce que j'envisage cette dépense comme très utile, comme urgente pour empêcher la détérioration, la destruction du matériel, que nous avons acquis, et qui nous a coûté très cher.

J'ai cependant une recommandation à adresser à M. le ministre des travaux publics, je lui demanderai qu'il se conforme d'une manière plus stricte aux intentions de la législature que ne l'ont fait ses prédécesseurs quant à l'emploi du crédit alloué par la loi du 13 août 1845.

D'après l'exposé des motifs de cette loi et les développements donnés par l'honorable M. Dechamps, alors ministre des travaux publics, ce crédit avait uniquement pour objet les constructions destinées à abriter les voyageurs, les marchandises, le matériel et à exécuter quelques travaux de pavage et de clôture.

Comment l'administration a-t-elle procédé ? Elle a cru pouvoir mettre ce crédit à toute sauce. Ainsi elle a dépensé 27,000 fr. pour un puits artésien, dépense de luxe pour la station de Bruxelles. Vous pouvez en voir le commencement sur la place de Cologne, à l'entrée de la ville de Bruxelles. .

Ensuite, on a employé ce crédit à faire la double voie dans les stations, comme si ces voies ne faisaient pas partie de la route. J'ai encore remarqué une dépense de 10,000 francs, pour payer à meubler dans la station du Nord. Je suppose que ce soit du papier à 1 franc le rouleau ; cela fait 10,000 rouleaux. Je voudrais bien savoir comment on a procédé pour employer 10,000 rouleaux de papier dans la station du Nord.

Ensuite on a dépensé 60,000 fr. pour une porte dite du Rhin à Anvers. Je vous le demande, messieurs, cette porte était-elle nécessaire pour abriter notre matériel ?

De plus on s'est servi de ce crédit pour construire à Malines un atelier de construction qui a coûté 100,000 fr. J'ai parcouru les développements donnés par l'honorable M. Dechamps ; je n'y ai pas trouvé cette construction parmi les dépenses qu'il proposait à la législature pour la station de Malines.

Je suis d'autant plus étonné qu'on ait fait usage de ce crédit pour cette dépense considérable qu'en maintes circonstances on s'est élevé dans cette enceinte contre l'extension donnée à l'atelier de construction de Malines où tout ce qu'on nous fabrique coûte le double de ce que cela coûterait si ces articles étaient abandonnés à l'industrie privée au moyen de la libre concurrence.

Je trouve encore pour intérêts d'un capital 16 à 17 mille francs. Bagatelle ! dit-on. Mais enfin avait-on le droit de faire emploi d'une partie de ce fonds pour payer les intérêts de capitaux ? C'est sans doute une emprise dont le gouvernement est saisi depuis une dizaine d'années, et qu'il n'a pas payée. Il y a des emprises qui ont coûté autant d'intérêt que de prix d'achat.

Je recommande au gouvernement de ne faire emploi de ce crédit que pour faire les travaux nécessaires pour abriter les voyageurs, les marchandises et le matériel, et pour faire des travaux de pavage et de terrassement. C'est, j'en suis convaincu, l'intention de la législature.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Nous ne pouvons pas discuter maintenant le crédit supplémentaire qui est demandé par le gouvernement et auquel s'appliquent les observations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. de Man. Je dois cependant, dans l'intérêt de la vérité, rectifier des erreurs très graves qui échappent à l'honorable membre.

Il y a une critique vraie, fondée ; c'est celle qui consiste à dire que les crédits ont été dépassés sans l'autorisation des chambres. Mais quant à l'application en quelque sorte frauduleuse du crédit à des objets pour lesquels il n'avait pas été demande, c'est là une de ces inexactitudes que répète constamment l'honorable M. de Man, que je ne puis laisser s'accréditer, et qui m'oblige à donner incidemment quelques explications à la chambre.

L'honorable M. de Man dit que le crédit de 2,890,000 fr., volé par la loi d'avril 1845, avait été destiné uniquement à des constructions dans les stations pour abriter les voyageurs, les marchandises et le matériel. Or il en conclut que tout ce qui n'est pas bâtiment pour les voyageurs, les marchandises ou le matériel, a été fait en violation de la loi.

Messieurs, il suffit de lire les développements qui accompagnaient la proposition faite par l'honorable M. Dechamps pour reconnaître l'erreur dans laquelle tombe l'honorable M. de Man.

Ainsi à la page 116 de ces développements, sous le titre : station d'Ans on trouve : « La station d'Ans réclame la construction d'un bâtiment pour la machine à pomper, et d'un atelier pour les travaux de la station ».

Il ne s'agit là apparemment d'aucun bâtiment pour les voyageurs, les marchandises ou le matériel.

A la page 117, station des Bogards à Bruxelles, « clôture et pavage », 30,000 fr.

Même page, station de Charleroy, « la dépense de ces constructions (magasins et hangars) en y comprenant la clôture de la station et autres travaux indispensables, est évaluée à 180,000 fr. »

Encore une fois, il est question ici de toute autre chose que de bâtiments pour les voyageurs, les marchandises et le matériel.

El pourtant, c'est parce que l'on a construit un atelier, parce qu'on a fait des clôtures et des pavages que l'honorable membre accuse d'une espèce de détournement de fonds. Pour être juste, il faut reconnaître que le ministre, mon prédécesseur, avait dit formellement à quoi il voulait employer les fonds demandés par le projet qu'il proposait à la chambre, mais que l'on a eu le tort de dépenser au-delà des sommes allouées.

Je pourrais multiplier ces exemples à l'infini pour le crédit supplémentaire de 2 millions que j'ai été obligé de demander à la chambre.

Quant au puits artésien, il paraît que l'on manquait d'eau convenable à la station du Nord pour l'alimentation des machines et que l'utilité du puits ne peut être méconnue.

Ces observations ne doivent pas nous détourner de l'objet qui occupe en ce moment la chambre, et qui est l'article stations, constructions nouvelles pour stations et loges de gardes, pour lesquelles je demande 628,000 fr.

Je suis obligé, comme j'ai eu l'honneur de le dire tout à l'heure à la chambre, de réduire les divers travaux à entreprendre. Mais on me demande : Que ferez-vous à la station d'Anvers pour laquelle vous avez indiqué qu'il y aurait une dépense de 350,000 fr. ? Messieurs, je ferai pour la station d'Anvers ce que je ferais pour d'autres localités, c'est-à-dire que je ferai ce que je pourrai à l'aide des fonds qui me sont donnés, il est certain que je ne pourrai dépenser 350,000 fr. à la station d'Anvers, si Ton ne m'accorde pour tous les travaux qu'une somme de 628,000 fr. On entreprendra ce qu'on pourra entreprendre ; on fera ce qui est le plus indispensable ; mais la réduction devra nécessairement porter sur la plupart des articles qui avaient été indiqués par le gouvernement, en faisant en sorte, toutefois, d'achever ce que l'on aura reconnu utile de commencer.

M. de Corswarem. - Tout à l'heure un de mes honorables amis a demandé la division du litt. B, bâtiments des stations et loges de gardes. On nous a objecté qu'il n'y avait plus deux articles, que les deux articles avaient été fondus en un, et qu'il faudrait indiquer en quel sens on demande la division.

(page 1301) Nous voyons par le rapport de la section centrale et par les déclarations que M. le ministre des travaux publics nous a faites hier, qu'on demande d'abord une somme ronde de 200,000 francs pour maisons et loges de gardes. Primitivement il avait été demandé 284,000 fr. Cette demande de crédit avait été rejetée par la section centrale à la majorité de 5 voix contre 2.

Ces 200,000 francs devraient donc être séparés de la somme de 628,897 francs 80 c, et le second crédit se trouverait être alors de 428,897 fr. 80 c. que M. le ministre a déclarée être nécessaire pour la construction des bâtiments des stations. On avait primitivement demandé une somme double, et cette demande avait été rejetée par la section centrale à la majorité de 5 voix contre 2 abstentions, avec cette réserve pourtant qu'il serait peut-être convenable d'allouer une partie de ce crédit pour les constructions urgentes.

Je demande donc que la division ait lieu en ce sens, que nous votions d'abord sur le crédit de 428,897 fr. 80 c, pour bâtiments des stations et ensuite sur les 200,000 fr. pour maisons et loges de gardes. La division est d'autant plus nécessaire, que l'honorable M. de Man s'est prononcé pour l'un de ces crédits et contre l'autre. Je suis bien certain que, dans la chambre, plusieurs membres seront du même avis. Il faut que nous ayons la liberté d'exprimer notre opinion.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ne puis me rallier à la division telle qu'elle est proposée. Libre à chacun des membres de la chambre de demander telle réduction qu'il trouvera bon sur le chiffre de 628,000 fr. sollicité par le gouvernement.

J'ai bien indiqué hier à titre de renseignements qu'au lieu de la somme de 284,000 francs qui était portée primitivement pour construction de loges de gardes, j'estimais qu'on pourrait faire des constructions de cette nature pour une somme de 200,000 francs, et que pour les stations au lieu de 898,300 fr. on pourrait faire des constructions pour 428,000 fr. Mais les deux sommes réunies doivent former un crédit unique ; il est nécessaire qu'une somme de 628,000 francs soit mise à la disposition du gouvernement pour entreprendre des travaux de la nature de ceux que j'ai indiqués. (Erratum, p. 1324) J'ai entendu m'astreindre à faire rigoureusement aux stations des travaux pour 428,000 francs ou des loges de gardes pour 300,000 fr.

M. de Man d'Attenrode. - Si je me trompe, je serai le premier à le reconnaître. Car je ne mets aucune espèce d'amour-propre dans cette discussion.

M. le ministre des travaux publics dit que je me trompe ; je suis obligé de me défendre.

On vient de prétendre que d'après les développements présentés à l'appui du projet de loi de 1845, le gouvernement était autorisé à faire les travaux qu'il a exécutés. Voici le cahier de développements présenté à l'appui du projet ; je ne veux pas lire les observations relatives à la station d'Anvers, mais il n'y est nullement question de la porte du Rhin. Il n'est nullement question, pour la station de Malines, d'un atelier de construction de 100,000 fr.

Il en est de même de l'emploi que l'on a fait d'une partie du crédit pour des fours à coke, pour une construction que l'on a faite à la machine fixe d'Ans, et qui aurait dû être comprise dans l'article qui concerne le matériel de locomotion.

M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, la demande du gouvernement était d'abord de 284,050 fr. pour maisons et loges de gardes, et de 898,300 fr. pour bâtiments de stations, plus 355,000 fr. pour constructions à faire à Anvers. Ces trois sommes réunies montaient à peu près à 1,500,000 fr. Le gouvernement aujourd'hui réduit ce chiffre à 628,000 fr. et dans les explications qu'a données M. le ministre, il a fait entendre qu'une somme d'environ 200,000 fr. pourrait être appliquée à la construction de loges de gardes. Un honorable préopinant vient de déclarer qu'il voterait le chiffre demandé par M. le ministre, sauf les 200,000 fr. destinés aux loges de gardes. On ne peut pas refuser à cet honorable membre la faculté d'exprimer son vote et voici alors comment il faudrait procéder. Il faudrait d'abord mettre aux voix les 428,897 fr. 80 centimes en supprimant dans le libellé les mots : « loges de gardes, » et voter ensuite sur les 200,000 fr. destinés aux loges de gardes.

- Le chiffre de 428,897 fr. 80 c. est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix le chiffre de 200,000 fr. pour loges de gardes.

Plusieurs membres. -L'appel nominal.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - J'ai fait remarquer hier qu'il y a des loges de gardes qui sont indispensables à la sécurité de la voie et qu'on ne pourrait pas organiser les services de nuit si ces loges n'étaient pas établies.

M. de Mérode. - M. le ministre dit qu'il y a certaines loges de gardes qui sont indispensables ; ne pourrait-on pas réduire la somme proposée et accorder, par exemple le quart ou la moitié de cette somme ?

M. le président. - Il aurait fallu présenter un amendement.

M. de Mérode. - Je ne pouvais pas présenter cet amendement plus tôt. (Aux voix ! aux voix !)

- Il est procédé au vote par appel nominal sur le chiffre de 200,000 fr.

81 membres sont présents.

59 adoptent.

21 rejettent.

1 (M. de Mérode) s'abstient.

En conséquence, le crédit est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Henot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rousselle, Sigart, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Veydt, Vilain XIIII,. Anspach, Broquet-Goblet, Bruneau, Cans, Cogels, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bonne, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Denterghem, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Muelenaere, Desaive, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dumont, Duroy de Blicquy et Eenens.

Ont voté le rejet : MM. Huveners, Jonet, Malou, Orban, Raikem, Simons, Thienpont, Van Renynghe, Zoude, Biebuyck, Brabant, Bricourt, David, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, Dubus (aîné).

M. de Mérode. - Messieurs, je me suis abstenu parce que j'aurais volontiers voté 50 ou 60,000 fr. pour les loges urgentes, mais qu'il m'était impossible d'admettre le chiffre de 200,000 fr.

Article premier. Littera C

« Litt. C. voies (rails et accessoires) : fr. 245.722-50. »

La section centrale propose l'adoption.

M. de Mérode. - Je demanderai si ces rails et accessoires rentrent dans les doubles voies.

M. de Brouckere, rapporteur. - Non. Ce sont des travaux à faire dans les stations.

- Le littera C est adopté.

Article premier. Littera D

« Litt. D matériel des stations : fr. 353,950. »

- Adopté.

Article premier. Littera E

« Litt. E. Doubles voies : fr. 1,324,629 70 (dernière proposition du gouvernement.

« La section centrale propose d'accorder 1 million. »

M. de Mérode. — Hier, M. le ministre des travaux publics a signalé les inconvénients des chemins de fer livrés à des compagnies. Mais qu'on n'oublie pas que les lignes confiées à ces compagnies sont presque toutes des superfluités et que les frais si considérables que coûtent ces voies ne sont pas en rapport avec leur utilité, avec le mouvement de transport que la nature des choses leur réserve. Et c'est ainsi que le chemin de Jurbise vers Ath et Tournay est très peu fréquenté, et que la dépense de sol cultivable nus hors de service agricole et de capitaux employés à sa construction est sans proportion avec l'avantage qu'il offre réellement ; mais il n'en serait pas de même des lignes construites et exploitées par l'Etat. Là, les compagnies que l'intérêt privé ne pourrait pas dépouiller d'une partie des justes prix de transport comme le permet le laisser-aller des divers ministres inexpérimentés chargés inopinément et sans préparation quelconque de la direction des travaux publics ; là, les compagnies, dis-je, sauraient maintenir leurs droits de rémunération suffisante avec des lignes véritablement susceptibles de recettes en bénéfice, et le contribuable ne se verrait pas contraint de payer plusieurs millions d'impôt pour le déficit que ces chemins de fer laissent chaque année sur leur budget spécial.

Remarquez-le bien, rien n'est plus facile que de faire marcher parfaitement des locomotives, et des trains de voyageurs et de marchandises en puisant à pleines mains dans les ressources des contribuables.

Croyez-vous, messieurs, qu'une compagnie se soumettrait à transporter à perte des marchandises d'Anvers à Cologne, pour les Allemands, comme nous continuons à le faire au détriment de l'Etat qui paye, en outre, 700,000 fr. de droits de tonnage sur l'Escaut ?Croyez-vous que là où les voies simples suffisent parfaitement, comme entre Bruges et Plasschendaele, Templeuve et Tournay, une compagnie s'exposerait à faire pourrir une double rangée de billes, uniquement pour faire fabriquer des rails aux grands établissements métallurgiques ? Certes, telle ne serait pas la magnificence administrative d'une compagnie, et comme l'a fort bien fait observer M. de Corswarem, c'est avec ce système qu'en dépouillant les propriétaires de la campagne des moyens de donner de l'ouvrage aux villageois disséminés sur le sol belge, on réduit un grand nombre de ceux-ci à la mendicité.

Déjà, messieurs, ses principaux propriétaires apportent aux villes le plus clair de leur revenu, mais si l'on continue à vouloir faire fleurir l'industrie de la sorte, les propriétaires seront obligés, pour subvenir aux exigences du trésor, de renoncer à ce séjour sur lequel comptent une foule d'ouvriers et d'ouvrières pauvres, et l'on n'aura fait que déplacer la misère, si plutôt on ne l'augmente point par ce procédé.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, si les doubles voies doivent être rejetées, comme le demande l'honorable M. de Mérode, il ne resterait absolument rien pour les établissements métallurgiques. Dans l'ensemble des propositions du gouvernement, les rails figuraient pour une somme de 1,593,000 fr., et déjà l'honorable M. Dechamps a démontré hier combien cette somme est minime, eu égard au nombre d'établissements qui fabriquent les rails.

Cette somme de 1,593,000 fr. est aujourd'hui notablement réduite ; car tout au plus, si les dernières propositions du gouvernement sont admises, trouverons-nous un million cent mille francs pour fabrication de rails.

Quant à l'utilité des doubles voies en elle-même, je ne pense pas qu'elle (page 1302) puisse être sérieusement contestée. Il a été constaté partout qu'il y a un véritable danger à circuler sur une seule ligne ; sur les lignes où la circulation n'est pas très considérable, là encore il y a du danger : à plus forte raison, le danger existe-t-il sur la plupart des lignes qui sont indiquées projet.

Messieurs, je crois devoir protester contre ce qu'a dit hier l'honorable M. de Corswarem, et contre ce qu'a répété aujourd'hui l'honorable M. de Mérode, et qui tendrait à établir un antagonisme entre les villes et les campagnes, en représentant celles-ci comme étant sacrifiées au profit ces autres.

L'honorable M. Orban fait un signe affirmatif, mais cela n'ajoute pas, à mon sens, un très grand poids à cette imputation ; l'antagonisme qu'on veut établir n'existe en aucune façon. Quand on s'écrie que toutes les charges pèsent sur l'agriculture, comme le disait hier l'honorable M. de Corswarem, on dit une chose entièrement injuste.

Messieurs, en fait d'impôts directs, quel est l'impôt qui pèse sur les campagnes, comme vous dites ? L'impôt foncier.

M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'impôt foncier se paye par les villes comme par les campagnes ; les villes y contribuent pour une très large part, et cela par le motif bien simple que le foncier dans les villes s'estime à raison des valeurs que donnent aux terrains les constructions assises sur le sol.

Si l'on veut examiner quelle est la part contributive des villes et des campagnes, on verra que la part des villes est considérable.

Maintenant l'industrie agricole est-elle dans les mêmes conditions que l'industrie manufacturière ordinaire ? Non, l'industrie manufacturière paye la patente ; elle paye de ce chef trois millions à l'Etat ; l'industrie agricole ne supporte rien de ce chef.

L'impôt personnel produit une somme considérable à l'Etat. Or, les campagnes ne supportent rien ou presque rien dans cette contribution ; elles supportent si peu de cet impôt que le huitième de la contribution personnelle totale du pays pèse sur la capitale seule.

Qu'on ne vienne donc pas dire que les campagnes sont surchargées, accablées, qu'on fait des prélèvements sur elles au profit des villes, cela n'est pas exact. Les campagnes sont moins imposées que les villes, et si l'on faisait une plus équitable répartition des contributions, je ne sais trop si ce n'est pas au profit des villes qu'elle devrait être opérée.

Quant aux impôts indirects, on trouverait encore que les villes en supportent la plus grande part.

Qu'on cesse donc ces récriminations sur ce prétendu antagonisme entre les villes et les campagnes ; ces récriminations sont injustes, parce qu'en fait d'impôts, le plus lourd fardeau pèse sur les villes.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, j'avoue que, dans les circonstances où nous nous trouvons, c'est à regret que je prends la parole pour combattre M. le ministre des travaux publics. A l'entendre, les campagnes sont une espèce d'Eldorado, les campagnes ont toutes les jouissances.

Comment ! les campagnes ne payent rien ! Mais, M. le ministre, faites donc attention que les campagnes ne payent pas seulement la contribution foncière, mais que les mutations y sont dans le cas de froisser continuellement les propriétaires.

Mais, dira M. le ministre, les contributions sont bien plus fortes dans les villes que dans les campagnes. Mais, messieurs, combien n'avez-vous pas de campagnards qui n'ont d'autre revenu que celui de leurs terres et qui vont le manger en ville ? On ne contestera pas cela.

Maintenant, puisque j'ai la parole je dirai un mot pour motiver mon vote.

Les travaux dont il s'agit sont utiles ; mais faut-il songer à faire des travaux purement utiles, dans un moment où le gouvernement doit forcer celui qui n'a pas d'argent à en lever pour le prêter au gouvernement ? Nous devons nous borner aux travaux strictement nécessaires.

Ah ! messieurs, au train dont nous allons, j'ai déjà dit, il y a quelques années, que ces dépenses de luxe, ces dépenses utiles conduiraient le gouvernement et le pays entier à l'hôpital, avec votre chemin de fer.

Voilà tout ce que vous ferez avec la manière dont les dépenses se font pour le chemin de fer. Messieurs, on nous avait dit en 1841 qu'on lèverait 80 millions et qu'on prendrait une somme nécessaire pour terminer, mais complètement terminer, les travaux du chemin de fer ; tout devait être parfaitement achevé, on disait même qu'on avait tellement calculé en grand qu'on avait ajouté aux estimations faites par les ingénieurs. Depuis lors combien de crédits n'a-t-on pas demandés ? Je me suis prononcé il y a longtemps contre toute dépense qui serait faite au-delà de celles que la chambre aurait autorisées, je n'en voterai aucune.

M. le président. - Il ne s'agit pas de savoir si les campagnes payent plus que les villes ou les villes plus que les campagnes, mais si on accorde le crédit demandé pour les voies.

M. de Mérode. - Je ne m'occupe pas de l'antagonisme entre les villes et les campagnes, car les villes seront obligées de payer aussi bien que les campagnes. Je ne vois pas ce que les villes pourront gagner à ce qu'il y ait une double voie entre Bruges et Plasschendaele. Depuis que cette section est en exploitation, il n'y a eu aucun accident. La distance n'est pas longue, et il est extrêmement facile d'arranger les convois de manière à éviter les rencontres. S'il s'agit de faire travailler les usines métallurgiques, je vous dirai, messieurs, que je visitais, il y a présentement une année, le grandiose établissement de Seraing ; trois fourneaux, je crois, y étaient à feu, mais on se préparait à en allumer deux de plus. Il en était de même à Ougrée : or, comment espérer de maintenir le débit de ces fleuves de fonte auquel, certes, la Belgique ne peut suffire longtemps, quoi que l'on puisse imaginer en fait de travaux ? Ce n'est pas l'Angleterre qui leur donnera des débouchés ; car on y produit le métal plus facilement encore ; et quant à la France, il n'est pas probable qu'elle ruinera ses usines métallurgiques en faveur des nôtres.

Vous voyez que la prétention d'alimenter ces usines par des commandes de 6 à 700 mille francs ne peut avoir rien de durable ; ce qui sera durable, ce sera l'obligation d'entretenir la double voie. Quand vous aurez mis une double rangée de billes, vous n'aurez pas plus de convois, mais vous aurez une plus grande quantité de billes soumises à l'action du temps et à renouveler dans un temps donné. La simple voie ne présente pas de danger, partout il peut arriver des accidents, les voitures versent quelquefois sur les routes ordinaires. Mais lorsqu'aucun accident n'est arrivé dans un grand nombre d'années d'exploitation d'une route, on peut dire que le voyageur ne s'expose pas en la parcourant.

Je préférerais qu'on fît un cadeau pur et simple aux établissements métallurgiques plutôt que la création de ces doubles voies qui vous feront faire une dépense considérable de tuiles qui se pourriront et qu'il faudra remplacer. Ou bien qu'on commande des roues de locomotives, ce sera même un moyen de donner plus d'ouvrage à ces établissements.

M. Pirmez. - L'honorable préopinant parle comme si c'était une chose inutile de faire des doubles voies. Eh bien, allez sur la ligne du Midi, et vous verrez que les doubles voies sont indispensables : sur cette ligne il faut à chaque instant faire des arrêts qui sont aussi préjudiciables au trésor public qu'aux voyageurs.

L'honorable comte de Mérode nous dit qu'il a visité l'année dernière des établissements métallurgiques ; mais depuis cette époque de grands événements sont arrivés, un cataclysme social est venu fondre sur nous, l'industrie en a ressenti les premiers effets. On ne peut pas argumenter de ce qui se passait l'an dernier à ce qui se passe aujourd'hui. Nous ne pouvons nous dispenser d'allouer la somme demandée.

M. Cogels. - Dans les doubles voies qu'il s'agit de faire, il me paraît qu'il en est dont le complément pourrait être ajourné sans aucun inconvénient. Il me paraît que ce sont généralement les lignas sur lesquelles il y a le moins de mouvement, qui ont été exploitées à une seule voie depuis un assez grand nombre d'années sans aucun inconvénient. C'est donc plutôt dans l'intérêt des établissements métallurgiques qu'on a demandé le doublement que dans l'intérêt des voies en exploitation. D'après les explications données hier par l'honorable M. Dechamps, et celles qu'on a données aujourd'hui, le secours que l'on donnerait aux établissements métallurgiques serait de très peu d'importance ; il pourrait retarder peut-être de quelques instants une suspension de travaux qui se trouvait dans la force des choses et qui serait venue alors même que nous n'aurions pas le grand événement qui nous préoccupe aujourd'hui.

En effet, partout on avait donné une extension excessive aux travaux publics ; on avait entrepris des travaux, non pour les travaux, mais pour donner un nouvel aliment à la fièvre d'agiotage qui s'était emparée des deux principales bourses et de quelques-unes des bourses d'Allemagne, des bourses de Londres et de Paris ; plusieurs entreprises sont restées sans succès, il a fallu les abandonner faute de pouvoir compléter les versements ; en attendant, l'industrie métallurgique a fondé ses établissements non sur les besoins réels du moment, mais sur les besoins hypothétiques de l'avenir. En Belgique, comme il y avait beaucoup de commandes de l'étranger et qu'en Allemagne et en France les établissements de ce genre n'avaient pas pris les développements qu'ils ont reçus depuis, nous avons établi nos usines non seulement sur les besoins de la Belgique, mais encore sur d'autres qui depuis nous ont fait défaut, c'est-à-dire sur les besoins de la France et de l'Allemagne.

Nous devions nous attendre à voir se reproduire ce dont nous avions été témoins en 1837 et 1838, quand on a donné un développement exagéré à notre production métallurgique, qu'on a poussée à l'excès comme aujourd'hui.

Je reconnais qu'il y a quelque chose à faire, non dans l'intérêt des établissements, mais dans l'intérêt de l'ordre, pour chercher à amener une transition à un événement que vous ne pouvez pas prévenir, empêcher ; un grand nombre d'établissements devront finir par chômer, cela n'est pas douteux. La seule chose douteuse, c'est l'époque à laquelle cela arrivera.

Maintenant, n'y aurait-il pas moyen de donner aux produits de ces établissements une destination plus utile ? Si mes renseignements sont exacts, une grande partie de notre ancienne voie présente des dangers, parce que, dans le principe, elle a été mal établie. On a fait une économie, une fausse économie : on a établi des rails trop faibles, parce qu'on n'avait pas alors des locomotives d'une aussi grande puissance, des convois aussi fortement chargés. Il en résulte que sur plusieurs de nos voies les rails doivent être renouvelés. Je ne sais si ce renouvellement se fait partout où il est urgent et où la voie présente quelque danger. Mais c'est là qu'est le danger du chemin de fer. Il vaudrait mieux réparer cette partie de la voie, mais la réparer d'une manière complète, que s'engager dans la dépense d'une seconde voie, dont on peut, sans inconvénient, ajourner la construction. D'après les explications que M. le ministre des travaux publics voudra bien nous donner, je verrai si je me bornerai à voter le million alloué par la section centrale ou si je dois y ajouter (page 1303) les 324,000 fr. demandés comme supplément par M. le ministre des travaux publics.

M. Malou. - Le but qu'on doit se proposer par ce crédit, est de donner du travail aux établissements métallurgiques. M. le ministre des travaux publics, dans la lettre qu'il a adressée à la section centrale, a reconnu qu'il ne s'agissait pas de donner au gouvernement le moyen d'achever dès à présent les six sections où l'on se propose d'établir la seconde voie ; comme il faut couper les billes, on ne pourra avoir la double voie que l'an prochain.

Je m'explique dès lors difficilement pourquoi M. le ministre des travaux publics dans sa proposition porte le chiffre de 1,324,629 fr. 70 c. qui est exactement le chiffre indiqué comme nécessaire pour doublement de la voie dans les sections de Bruges à Plasschendaele, de Manage à Gosselies et de Charleroy à Châtelineau, y compris les billes et la pose.

Si nous votons au gouvernement un crédit d'un million pour préparer le doublement de la voie et pour commander le fer qui sera nécessaire non seulement aux trois sections que je viens d'indiquer, mais encore aux sections de Gand à Landeghem, de Templeuve à Tournay et de Floreffe à Namur, nous ferons pour l'industrie métallurgique plus qu'on ne veut faire en demandant 1,324,629 fr. pour trois sections, y compris les billes et la pose.

Ainsi, dans l'annexe qui nous a été distribuée, je remarque que sur le crédit demandé 372,800 fr. sont destinés à l'achat de billes et 538,500 fr. à la pose de la voie. Si donc nous accordons un crédit d'un million pour doubles voies, en laissant au ministre la possibilité de se procurer les fers nécessaires pour les rails et pour toutes les dépenses accessoires, nous ferons grand bien à l'industrie et d'un autre côté nous éviterons d’aggraver inutilement l'emprunt forcé ; en effet, il ne faut pas perdre de vue que les dépenses dont nous nous occupons se résolvent en aggravation de l'emprunt forcé.

Dans des circonstances normales, pour doubler la voie de certaines sections, comme pour compléter le chemin de fer sous d’autres rapport, je serais disposé à me montrer assez facile. Ce sont des dépenses utiles. Si nous devions demander les fonds à l’emprunt, c’est-à-dire au crédit de l'Etat dans les temps prospères ou même à l'impôt, je voterais volontiers les dépenses dont l'utilité aurait été reconnue. Mais lorsque nous devons recourir à l'emprunt forcé, nous devons ménager avec le plus grand soin les contribuables, nous devons éviter d'augmenter sans nécessité les sacrifices que les circonstances nous obligent à leur imposer.

A moins que je me sois trompé sur l'appréciation des faits, il résulte de ces courtes observations qu'en allouant un million pour rails et accessoires, nous ferons plus en faveur de l'industrie métallurgique qu'en accordant 1,324,000 fr. pour trois sections.

M. Brabant. - Je ne m'oppose pas à l'allocation du crédit réduit à un million, comme le propose la section centrale. Moyennant cette réduction, je trouve qu'on peut exécuter la deuxième voie de Manage à Gosselies et de Charleroy à Châtelineau. Il restera 230,000 fr. pour l'exécution de la seconde voie, là où elle sera absolument indispensable, entre Bruges et Plasschendaele. Le fait est qu'il n'y a tous les jours que quatre convois entre ces deux stations, et que le transport des marchandises d'Ostende vers l'intérieur n'est pas tel que des convois extraordinaires soient nécessaires.

De Gand à Landeghem, je ne sais quelle serait l'utilité de la deuxième voie.

De Templeuve à Tournay, c'est un service fort insignifiant. A cause du détour considérable qu'on doit faire pour venir de Tournay par le chemin de fer, le produit de cette station est peu considérable relativement à la haute importance que je me plais à reconnaître à cette ville.

Quant à la section de Floreffe à Namur, je déclare franchement que nous pouvons nous passer de la deuxième voie sur cette section.

Mais pour les sections de Manage à Gosselies et de Charleroy à Châtelineau, je crois que des chiffres puisés dans le compte rendu de 1846 feront voir à la chambre combien la deuxième voie est indispensable.

Il y a de Manage à Châtelineau, 7 bureaux recettes (je ne compte pas deux petites haltes établies depuis six mois). Voici quel eu a été le produit : Manage, 226,680 fr. ; Luttre. 15,174 fr. ; Gosselies, 104,428 fr. ; Roux, 20,174 fr. ; Marchiennes, 129,129 fr. ; Charleroy, 283,038 fr. ; Châtelineau, 124,029 fr. Ensemble, 902,652 fr.

Comme le développement de la deuxième voie est là d'à peu près 5 lieues (24,800 mètres), et que c'est le 22ème du développement total de notre réseau de chemins de fer ; si cette recette représentait la moyenne de la recette, la recette totale eût été de 19,858,344 fr. Or, elle n'a été que de 13,655,808 fr. En moins, 902,652 fr.

Vous voyez combien les recettes de cette section excèdent la moyenne. Je crois qu'une section, qui est dans de telles conditions, mérite bien une deuxième voie.

Non seulement les convois y sont nombreux, mais la circulation des marchandises y est telle qu’à tous moments on est obligé de faire partie des convois spéciaux, tantôt dans la direction de Braine-le-Comte, tantôt dans la direction de Charleroy. C'est un grand bonheur qu'il ne soit pas encore arrivé d'accidents sur cette ligne.

Je crois donc qu'il est indispensable d'allouer au moins les 770,000 fr. nécessaires pour ces cinq lieues de double voie, et je ne m'oppose pas du tout à ce qu'on aille jusqu'à un million.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, il me paraît que l’on ne se préoccupe pas assez des véritables intérêts auxquels il s'agit de pourvoir en ce moment. On examine s'il est bien indispensable de faire telle ou telle double voie, si celle de Manage à Gosselies est plus urgente que celle de Bruges à Plasschendaele ou toute autre. Mais cela est en réalité presque indifférent. Il s'agit de savoir ce que nous voulons faire, ce que nous pouvons faire, ce que nous devons faire pour venir utilement en aide à une certaine catégorie de travailleurs.

Il s'agit de fer à demander aux usines. Le fer à fabriquer représente toute main-d'œuvre ; il n'a presque pas de valeur comme matière première. Or, en supposant que l'on eût admis intégralement toutes les propositions du gouvernement, il y aurait en définitive uniquement pour tous les établissements métallurgiques du pays 1,593,000 fr. C'est, messieurs, une somme réellement très minime, en égard à l'importance des établissements que nous devons avoir en vue.

L'honorable M. Cogels nous disait tout à l'heure : Mais la production a pris une trop grande extension dans le pays ; c'est une chose déplorable ; c'est très fâcheux. Nous sommes en mesure de produire du fer non pour la Belgique, mais bientôt pour le monde entier.

Messieurs, cela fût-il vrai, cela ne changerait en aucune façon la situation que nous devons maintenir. Ce n'est certes pas l'heure d'arriver par des moyens héroïques à la restriction de la production. Ce n'est pas le moment de déclarer que l’on produit trop en Belgique, qu’il faut restreindre tout à coup, sans transition, cette production. Ce n’est pas le moment, en d’autres termes, de jeter sur le pavé une masse d’ouvriers.

Au surplus il y a erreur dans les énonciations de l'honorable M. Cogels.

On produit beaucoup ; cela est vrai. Mais la gêne qui se manifeste aujourd'hui tient moins à l'exubérance de production qu'à l'impossibilité de placer les produits à l'étranger, comme on l'avait espéré. Il y a un très grand nombre d'établissements qui ont des marchés avec l'étranger, qui, sans les circonstances qui viennent de naître, auraient pu continuer à livrer, à alimenter très complètement leurs usines. Ainsi je connais un établissement qui a des marchés de construction de locomotives pour toute l'année, marchés sur lesquels il y a une partie des sommes payée. Ces locomotives sont à livrer à la Prusse, à l'Autriche. En Prusse, en Autriche comme ici, il y a des embarras financiers et on déclare qu'on livrerait inutilement les objets commandés, qu'ils ne seraient pas payés.

Ainsi des marchés considérables contractés depuis plusieurs années pour livrer des fontes à l'Allemagne, existent. Ces marchés sont suspendus. On déclare aussi qu'on livrerait inutilement la fonte, qu'elle ne pourrait être payée.

Ce qui importe donc en présence d'une pareille situation, c'est de faire que ces moments fâcheux, que cette situation déplorable pour ces établissements puisse être supportée à l'aide des commandes qui seront faites par le gouvernement et qui permettront pendant un espace de quelques mois d'alimenter les établissements. Ce temps passé, nous avons l'espoir, comme je l'ai dit tantôt, que les marchés pourront se continuer, que l'on prendra livraison des marchandises en fabrication, que l'on pourra payer et que l'industrie se retrouvera dans l'état normal, dans l'état où elle était avant les événements du 24 février, Car sans ces événements l'industrie métallurgique ne serait pas venue demander des secours extraordinaires, si toutefois l'on peut à bon droit nommer secours, la commande de certains objets indispensables aux chemins de fer de l'Etat.

La somme que j'ai demandée est de 1,324,000 fr. Elle a soulevé une observation de la part de l'honorable M. Malou. Il vous a dit : cette somme de 1,324,000 fr. représente le coût total des trois doubles voies de Bruges à Plasschendaele, de Manage à Gosselies et de Charleroy à Châtelineau. Mais dans cette somme, il y a des travaux autres que la fabrication des rails, et en portant un million applicable entièrement à des rails qui devraient être fournis pour la double voie, on ferait plus que ce que le gouvernement demande.

Messieurs, il y a une simple explication à donner qui satisfera, je pense, l'honorable membre et qui me permettra de rectifier une énonciation inexacte que j'ai produite hier. J'ai dit que le million proposé par la section centrale devait être porté à 1,324,629 70, afin que trois doubles voies pussent être entièrement exécutées. J'ai mal exprimé ma pensée.

Le chiffre de 1,324,629 fr. 70 c. n'a été maintenu que pour porter à une somme ronde de 5 millions le crédit sollicité.

M. Malou. - Je demande la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Si vous voulez me permettre, vous allez voir que nous sommes d'accord.

Il faudrait pour les rails de toutes les doubles voies indiquées dans le projet du gouvernement 1,345,700 fr. De telle sorte que le crédit demandé ne diffère que de 21,000 fr. un peu plus de ce qu'il faudrait pour faire faire tous les rails de toutes les doubles voies. Je n'ai pas cru (page 1304) devoir ajouter cette somme de 21,000 fr. par la raison que je compte que, dans l'adjudication ou dans les commandes à faire directement aux établissements, il y aura une réduction d'au moins 21,000 fr. Mais ma demande comprend en définitive les rails de toutes les doubles voies. Remarquez en effet que les doubles voies importent une somme de 2,257,000 francs Si vous en déduisez, comme je l'ai indiqué à la section centrale, la somme de 911,300 fr., montant des billes à fournir et qui ne doivent pas être livrées maintenant, vous aurez 1,345,700 fr., montant de la dépense totale des doubles voies.

M. de Mérode. - Messieurs, je conçois fort bien le motif qui engage M. le ministre des travaux publics à demander du travail pour les établissements métallurgiques, mais je le répète, je voudrais que ce travail fût plus utile au pays, que l'objet fût mieux choisi. Il ne faut pas perdre de vue que lorsque vous aurez établi des doubles voies vous devrez les entretenir. Ce sera une double ligne de rails qui se rouilleront, une double ligne de billes qui pourriront et que dans peu d'années vous serez obligés d'acheter dans les pays étrangers ; ce sont autant de capitaux qui sortiront du pays sans compensation aucune et ne pourront plus féconder le travail national.

Je prie M. le ministre des travaux publics de faire attention à cette remarque. Si vous voulez donner du travail à vos usines, cherchez un autre objet que des rails, et ne créez pas des choses aussi onéreuses que des doubles voies, là où elles ne sont pas réellement nécessaires ; car c'est une dépense qu’il ne suffira pas d'avoir faite une fois, elle en entraînera d'autres, elle vous imposera des frais d'entretien continuels. Je pense qu'il ne faut pas assumer une semblable charge, alors qu'il y a tant de choses utiles, tant de choses indispensables à faire dans le pays, comme, par exemple, des chemins vicinaux. L'honorable M. Brabant a indiqué des doubles voies qui sont tout à fait nécessaires ; faites celles-là, et ensuite, si vous voulez donner plus de travail à nos grands établissements, commandez des roues, faites faire des locomotives, ces objets vous serviront plus tard, et ils n'entraîneront pas une dépense permanente d'entretien et de renouvellement.

M. le président. - M. de Brouckere propose de libeller l'article de la manière suivante :

« Rails et accessoires des doubles voies ou renouvellement des voies existantes. »

Plusieurs membres. - Quel chiffre ?

M. de Brouckere, rapporteur. - La chambre aura à décider entre le chiffre que demande le gouvernement et celui que présente la section centrale. Mon amendement a pour but de répondre à une objection présentée par plusieurs honorables préopinants. Ce que nous voulons, c'est de mettre le gouvernement à même de fournir du travail aux établissements industriels ; eh bien, il fera faire des rails, des coussinets, des chevilles, et quant à l'usage a en faire, il sera réglé plus tard ; une partie des rails et accessoires sera employée aux doubles voies là où les doubles voies sont nécessaires, une autre partie sera employée au renouvellement des voies existantes sur les lignes où ce renouvellement est devenu indispensable.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je me rallie à l'amendement de. M. de Brouckere.

M. Cogels. - Messieurs, je comptais précisément faire une proposition qui serait rentrée complètement dans le sens de cet amendement. J'aurais proposé de supprimer le litt. E et d'augmenter tout bonnement le litt. C d'un million, en mettant : « Doubles voies, rails et accessoires.» La proposition que vient de faire l'honorable M. de Brouckere atteint le même but.

M. le ministre des travaux publics m'a combattu tout à l'heure sur des points à l'égard desquels il me paraît que nous étions parfaitement d'accord. Je n'ai pas voulu m'opposer à ce que l'on donnât de l'activité aux établissements métallurgiques, à ce qu'on ménageât cette transition que je crois utile, indispensable de ménager ; ce que j'aurais demandé seulement, c'est que l'on donnât aux produits des établissements métallurgiques une destination plus utile. Maintenant par l'amendement que vient de proposer l'honorable M.de Brouckere on pourra ne faire que les doubles voies réellement utiles ; on pourra faire fabriquer des rails même par approvisionnement pour en faire ensuite l'application la plus convenable, soit en les employant aux voies existantes, là où les rails doivent être renouvelés, là où le renouvellement est urgent, dans l'intérêt de la sécurité, soit en les employant à quelques-unes des doubles voies, là où il est urgent de faire ces doubles voies.

Quant à la crise métallurgique, effectivement, si les événements du 24 février n'avaient pas eu lieu, il est possible que cette crise eût été retardée, mais elle était dans la force des choses, puisqu'en Allemagne la folie de chemins de fer, si je puis m'exprimer ainsi, avait amené les mêmes résultats qu'en Angleterre et en France ; on avait construit plusieurs lignes qui ne donnaient pas de produits. La spéculation était complètement éteinte sur ces actions.

Or la création de tous ces chemins de fer avait donné en Allemagne aussi le plus grand développement à l'industrie métallurgique, il en était de même en Angleterre, il en était de même en France. En Angleterre l'excitation donnée aux entreprises de chemins de fer était telle que les versements s'élevaient jusqu'y 120 millions par mois. Eh bien, malgré l’énormité des constructions faites, la baisse des fontes amenée par le grand développement donné à la production, cette baisse était devenue effrayante.

Ainsi, messieurs, les établissements métallurgiques étaient dans un état de souffrance que les événements de février ont seulement aggravé. Il est malheureusement dans les conditions de l'industrie d'élever toujours sa production au niveau des besoins du moment, et il vient nécessairement une époque où ces besoins diminuent et où, par conséquent, les établissements doivent chômer. C'est ce que nous avons vu il y a une dizaine d'années, et c'est ce qui se reproduira périodiquement dans toutes les industries.

M. Malou. - Messieurs, la position de l'industrie métallurgique est sans doute de nature à exciter les sympathies de la chambre, mais vous vous rappelez que nous avons récemment accordé à M. le ministre de l'intérieur, pour divers travaux et pour venir en aide à toutes les industries du pays, une somme de 2 millions. Je comprends que pour l'industrie métallurgique seule, comme il s'agit de faire plutôt des achats que d'intervenir au moyen de subsides, on soit plus généreux ; mais encore, lorsqu'il s'agit de couvrir la dépense par un emprunt forcé, faut-il garder une certaine mesure. Je ne tiens pas aux chiffres ronds. Le gouvernement désire plutôt 5 millions que 4 ; je crois que ce dernier chiffre sera tout aussi rond que l'autre, et il sera beaucoup plus agréable à ceux qui supportent les charges publiques. Ainsi ce motif ne me paraît pas de nature à justifier l'augmentation de 324,000 fr. Nous aurons soin, plus tard, d'arrondir le chiffre, si les 324,000 fr. sont rejetés.

En adoptant la proposition de l'honorable rapporteur de la section centrale et en fixant le chiffre à 1 million, nous ferons à l'industrie métallurgique une position tout à fait exceptionnelle dans les conditions de travail au milieu de la crise où se trouvent la plupart de nos industries.

- Le libellé proposé par M. de Brouckere est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je mets aux voix le chiffre du gouvernement, qui est de fr. 1,324,629-70.

Des membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

77 membres ont pris part au vote.

40 ont répondu oui.

37 ont répondu non.

En conséquence, le chiffre de 1,324,629-70 est adopté.

Ont répondu oui : MM. Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Sigart, T'Kint de Naeyer, Troye, Verhaegen, Veydt, Anspach, Bruneau, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Denterghem, Delehaye, Delfosse, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumont, Duroy de Blicquy.

Ont répondu non : MM. Henot, Huveners, Jonet, Lys, Malou, Mast de Vries, Orban, Raikem, Rousselle, Simons, Thienpont, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck, Brabant, Encourt, Broquet-Goblet, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, Desaive, de Sécus, de T'Serclaes, d'Hane, Donny, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne.

Article premier. Littera E

« Litt. E. matériel des transports : fr. 1,300,000. »

M. le président. - La section centrale propose un million.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, M. le ministre des travaux publics a démontré, dans la séance d'hier, que le crédit qui est en discussion devait avoir un caractère d'intérêt général. J'espère que dans l'application les faits seront d'accord avec les paroles de l'honorable ministre. Je n'ai pas l'intention de me livrer à des récriminations inutiles ; mais j'insisterai pour qu'à l'avenir les fournitures concernant le matériel des transports du chemin de fer soient mises en adjudication publique, ou au moins qu'une répartition équitable soit faite entre les différents ateliers de construction du pays.

J'ai sous les yeux une pétition adressée à la chambre par les nombreux ouvriers de rétablissement du Phénix à Gand, par laquelle ils demandent qu'on vienne à leur aide en leur procurant du travail ; eh bien, messieurs, par des raisons dont je cherche vainement l'explication, cet établissement n'a été admis jusqu'à présent à fournir qu'une seule locomotive au département des travaux publics. Cependant la dernière exposition de l'industrie a prouvé que les produits du Phénix ont atteint le plus haut degré de perfection, et les prix n'ont pas été en question puisqu'il n'y a jamais eu, d'adjudication publique pour les locomotives.

L'espèce d'exclusion dont cet établissement a été frappé pendant longtemps a eu des conséquences fâcheuses, en le privant de commandes importantes pour l'exportation. On sait, en effet, que les pays étrangers suivent ordinairement les indications de notre gouvernement dans le choix des établissements auxquels ils s'adressent.

J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien prendre ces observations en sérieuse considération.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant émet le vœu que les déclarations, faites par moi dans la séance d'hier, aient pour résultat d'assurer une exacte répartition, entre les divers établissements industriels, des fournitures à faire pour le service du chemin de fer. On a fait allusion à un établissement qui jusqu'ici aurait été exclu dans les commandes faites par l'Etat.

(page 1305) Si cet établissement a été exclu, ce n'est pas par mon fait. La première locomotive achetée au Phénix pour le compte de l'Etat, l'a été par moi sous la réserve de l'allocation des fonds par la législature. J'ajouterai que les propriétaires de cet établissement ont fait il y a quelque temps déjà une démarche auprès de moi, et que je leur ai donné l'assurance que dans les locomotives que je serais autorisé à faire confectionner, il y en aurait également pour l'établissement du Phénix à Gand.

Je crois même que l'établissement fabrique dans l'espoir de l'allocation du crédit ; je l'y ai autorisé pour autant que le crédit fût alloué par la chambre.

M. Brabant. - Je crois que le gouvernement peut très bien restreindre le crédit demandé pour l'extension du matériel des transports à la somme de 1 million que propose la section centrale. Je dirai d'abord que, sur le premier article, 10 locomotives avec tender, roues et diverses pièces de rechange, 600,000 francs, je n'ai aucune observation à faire. Je crois qu'il est nécessaire d'augmenter le nombre de nos locomotives, surtout de celles d'une grande puissance ; il y aurait dans l'exploitation une économie considérable à avoir de fortes locomotives ; elles transportent beaucoup plus et n'exigent qu'un personnel égal à celui des plus faibles ; et l'allumage est le même.

Quant aux voitures de voyageurs et aux waggons de marchandises, je pense qu'il y a exagération dans la demande. Remarquez que l'année dernière nous avions alloué 300 mille francs pour renouvellement du matériel ; ces 300 mille francs étaient destinés au remplacement de 80 voitures de différents genres, d'après les développements du budget. Cette allocation est devenue un crédit de 772 mille francs ; il a fallu un complément, que vous avez voté, «de 472,000 fr. Par une loi particulière vous aviez distrait de l'allocation pour l’achèvement des stations, une somme d'un million pour construire des voitures.

Un projet de loi demande un supplément de crédit de 181 mille francs en sus de ce million, de manière qu'en 1847, non compris les six locomotives dont a parlé M. le ministre, on a affecté à la construction des voitures 1,954 mille fr. Messieurs, vous pouvez croire qu'avec une extension aussi considérable, on peut satisfaire aux besoins du service. Quant à la nécessité de fournir du travail aux charrons, aux carrossiers qui à cause des malheurs des temps n'en trouvent plus, je crois qu'ils trouveront de l'occupation sur ces crédits de l'année dernière. Ces voitures sont loin d'être achevées ; j'en ai vu un grand nombre, beaucoup plus qu'il ne devrait y en avoir, à la station de Malines, qui n'attendent plus que le montage et l'ajustement intérieur.

M. le ministre, sur la motion que j'ai faite hier, a eu la bonté de me communiquer le tableau de la situation du matériel au 1er janvier ; nous n'avions alors en plus que 27 voitures de voyageurs et 408 voitures pour marchandises. Ainsi, nous étions loin au 1er janvier d'avoir achevé le matériel pour lequel 1,954 mille francs sont votés ; je me trompe, car les 181 mille francs ne sont pas encore votés, mais ils le seront. Il reste donc encore un nombre considérable de voitures à fournir, et les états qui s'occupent de la fabrication des voitures auront de l'ouvrage pendant assez longtemps. Outre cela nous avons alloué au budget ordinaire de cette année 300 mille francs qui, répartis en supposant le même prix de construction, représentent 80 voitures.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Cette somme est allouée pour le renouvellement de tout le matériel.

M. Brabant. - Je ne crois pas devoir insister sur la suffisance du matériel tel qu'il sera quand on aura fourni tout ce qui est en train de construction, ce serait une discussion conjecturale que la chambre suivrait difficilement, car elle est hérissée de chiffres.

Je crois qu'arec les 600 mille fr. destinés aux locomotives, les 400 mille francs que la section centrale alloue pour constructions de voitures, les charrons, carrossiers et maréchaux trouveront une large compensation au déficit que les événements ont causé dans la consommation du luxe.

M. Cogels. - Quand on nous a présenté le projet de loi d'emprunt dont le projet de loi qui nous occupe n'est qu'un extrait, il pouvait y avoir utilité, urgence même d'accroître notre matériel de transport, parce que le transport des marchandises avait pris un très grand développement et promettait d'en prendre un plus grand encore. Maintenant, je crois qu'il n'y a plus urgence, qu'il n'y a plus même opportunité, car malheureusement, par suite des événements dont nous avons été témoins, toutes les relations commerciales se trouvent considérablement interrompues, et quelle que soit l'issue de ces événements, les relations commerciales souffriront encore longtemps.

Je pense que si le matériel actuellement existant n'est pas suffisant pour les transactions actuelles, il ne faudrait pourtant pas lui donner un développement exagéré, et qu'on pourrait ajourner pour une année une partie de la construction de matériel qu'on se proposait de faire et qu'on peut sans inconvénient se renfermer dans les limites de la proposition de la section centrale, c'est-à-dire un million. Voilà ce qui me semble résulter de la situation actuelle des choses.

M. Osy. - Je conviens avec l'honorable préopinant que certainement la crise politique pèse excessivement sur la Belgique et que pour le moment le matériel pourrait bien être assez considérable. Cependant avant la crise nous avions toujours des plaintes à faire à l'administration contre l'insuffisance du matériel. Sans nous faire illusion, vu la situation politique faite à la Belgique, la crise qui pèse sur la France, la chute de toutes les maisons du Havre pourraient faire qu'une grande partie des affaires ne l'Allemagne passât par la Belgique.

Je ne cherche pas à me faire à cet égard des illusions. Mais si la situation politique de la Belgique reste telle qu'elle est, je suis persuadé que nous attirerons un grand transit de marchandises vers l'Allemagne et la Suisse.

Je fais donc des vœux pour que la situation politique reste telle qu'elle est. Notre pays en profitera. M. le ministre des affaires étrangères a présenté hier un projet de loi qui peut nous attirer des affaires.

Admettons que je me fasse illusion, ce que je ne crois pas ; je crois que la somme votée par la section centrale ne suffirait pas. Je voterai pour les 1,324,000 fr. demandés par le gouvernement, parce que je veux avant tout donner de l'ouvrage à la classe ouvrière.

M. Lebeau. - Plus cette discussion se prolonge, et plus, à ma grande surprise, beaucoup de nos collègues semblent méconnaître le caractère du projet de loi, caractère que M. le ministre des travaux publics a cependant expliqué à satiété et de la manière la plus évidente.

Je viens d'entendre un honorable membre, aux lumières duquel je me plais souvent à rendre hommage, dire, pour motiver son opposition au crédit demandé par M. le ministre des travaux publics, qu'il faut ajourner à des temps meilleurs la construction d'une partie du matériel demandé par le gouvernement.

Ajourner à des temps meilleurs ! Mais dans des temps meilleurs, vous ne seriez probablement pas saisis d'une demande de la nature de celle dont vous avez à vous occuper. Car elle est née principalement des circonstances exceptionnelles où nous sommes.

M. le ministre des travaux publics a expliqué avec une grande franchise la question. Elle n'est pas uniquement de savoir si les travaux indiqués sont urgents, immédiatement nécessaires ; mais, et surtout, si dans un autre ordre d'idées, il n'y a pas urgence absolue de venir au secours de la plupart de nos établissements industriels, et si ces travaux n'en sont pas le moyen le plus efficace.

Cette vérité, qu'on est obligé de vous rappeler sans cesse, vous l'avez si bien comprise naguère, que vous n'avez pas craint d’engager la responsabilité du trésor public pour des millions, afin d'assurer le service de deux grands établissements de crédit. Pourquoi avons-nous tenu à assurer le service de ces établissements de crédit ? Pourquoi, dans cette vue, avons-nous engagé la responsabilité du gouvernement pour des millions ? Parce que ces établissements, en cessant l'escompte, auraient fait fermer de nombreuses usines, de nombreux ateliers.

Cette nécessité qui vous presse est donc principalement l'occasion des dépenses que le gouvernement vient vous proposer. Vous avez principalement à vous demander s'il ne convient pas, dans un intérêt de premier ordre, que le pays tout entier vienne au secours d'établissements considérables, qui alimentent des populations d'ouvriers, qu'il serait imprudent, qu'il serait inhumain de laisser sans pain.

Tout à l'heure cependant, j'ai compris les scrupules de l'honorable M. de Mérode, scrupules auxquels l'honorable M. de Brouckere a fait droit, lorsqu'il s'est élevé des doutes dans l'esprit de plusieurs membres sur l'utilité absolue de certaines dépenses, par exemple, sur la nécessité du doublement de la voie de Bruges à Gand. Là il pouvait y avoir doute sur l'utilité absolue de cette dépense. Je conçois qu'on ait pu hésiter à la voter. L'honorable M. de Brouckere a eu raison de faire disparaître ce doute.

Mais quant à l'utilité absolue du matériel demandé, il ne peut y avoir de doute. Il peut y avoir doute sur l'urgence, mais il ne peut y avoir de doute sur l'utilité de ces constructions.

Messieurs, il y a moins d'un an, je me trouvais dans une station où un employé me fit ses doléances à propos du matériel ; il me dit que l'état de ce matériel était tel qu'il était invité, par ordre supérieur, à engager le commerce à envoyer ses produits par les voies ordinaires, par les messageries, attendu que le matériel ne pouvait suffire aux transports dont le commerce voulait charger le chemin de fer.

Il vous est très facile, messieurs, de vous donner le plaisir de faire une économie de 500,000 fr., après avoir voulu tout à l'heure en faire une de 324,000. C'est, messieurs, permettez-moi de vous le dire, un plaisir fort innocent. Car je crains bien que ceux qui votent cette prétendue économie ne soient obligés peut-être, dans quelques semaines, de voter de nouveaux fonds précisément pour venir au secours des établissements dont on vous parle en ce moment.

Il y a, messieurs, une circonstance qu'on perd sans cesse de vue et qui ne doit pas être méprisée par le gouvernement ni par les chambres ; c'est que tout n'est pas perdu en faisant des approvisionnements, même par avance, dans ce moment. L'avilissement des prix est tel, et pour la main-d'œuvre et pour la matière et pour les objets produits, qu'il y a de ce chef un bénéfice notable pour le gouvernement à faire, même par avance, certaines dépenses de matériel. S'il y avait reprise dans les affaires, si vous attendiez, comme vous y convie l'honorable M. Cogels, que les prix se relevassent, vous payeriez beaucoup plus cher. Aujourd'hui vous achèterez pour ainsi dire à tout prix. En achetant même au prix de revient, vous rendrez encore un immense service aux chefs d'atelier et vous les mettez en mesure de maintenir pendant plusieurs semaines, peut-être même pendant plus longtemps, cette masse d'ouvriers dont ils ne sauraient que faire si le pays tout entier ne venait à leur aide.

On disait tout à l'heure que les industriels avaient aisément raison des chambres, avaient raison du gouvernement en menaçant de mettre leurs ouvriers sur le pavé. Mais quand l'industriel est obligé de fermer son établissement, n'est-il pas lui-même la première victime ? Croyez-vous (page 1306) que c'est pour son plaisir qu'il ferme son établissement et qu'il met ses ouvriers sur le pavé ? Je ne comprends donc pas comment on peut raisonner ainsi.

Quant à moi, messieurs, je ne me donnerai pas le très facile plaisir de diminuer de 500,000 fr. le chiffre demandé par le gouvernement. J'ai la conviction que le gouvernement a apporté dans ses demandes la modération la plus grande. Ce n'est pas de gaieté de cœur assurément que le gouvernement viendrait soumettre à la législature des demandes qui doivent rencontrer une pareille résistance.

On dit que si nous n'avions pas besoin de recourir à l'emprunt forcé, si l'on pouvait prélever une semblable dépense sur les voies et moyens ordinaires, on n'y regarderait pas d’aussi près. Mais les dépenses que le ministre demande, les besoins auxquels ces dépenses doivent pourvoir, les moyens d'y faire face ont entre eux une parenté intime. Tout cela est issu des mêmes circonstances, de circonstances qui nécessitent un emprunt forcé. C'est toujours dans les moments semblables, c'est lorsque les voies et moyens ordinaires tarissent, lorsque les capitaux se cachent, qu'on est obligé de venir demander aux contribuables des sacrifices tout à fait extraordinaires, et de les affecter à des dépenses auxquelles se rattache l'ordre public.

Voyez ce qui se passe en France. En France, ce n'est pas seulement à un emprunt qu'on a recours ; on a presque doublé les contributions directes, et on n'est certainement pas au bout.

Il en est probablement de même dans d'autres pays. Je vois qu'en Prusse, par suite d'une certaine analogie de situation, on adopte exactement la même marche qu'ici.

Je ne crois pas avoir besoin d'insister plus longtemps. Quant à moi, je voterai volontiers le crédit demandé par le gouvernement.

M. Cogels. - Messieurs, l'honorable préopinant a établi une analogie entre la réduction que je demande aujourd'hui et la mesure que la chambre a votée en faveur de deux établissements financiers. Je vous avoue que j'ai peine à comprendre l'analogie qu’il peut y avoir entre deux questions qui sont complètement étrangères l'une à l'autre. La mesure que la chambre a adoptée dernièrement n'entraînait à aucune dépense, n'exigeait aucune création de produits.

Messieurs, il s'agit de savoir simplement si le matériel dont vous avez prévu la nécessité avant les événements du 24 février, ne serait pas aujourd'hui exagéré, et si l'on ne pourrait pas, sans inconvénient, je dirai même prudemment, admettre sur ce point certaines réductions.

Je n'ai pas voulu que cette réduction portât simplement sur les waggons ; elle peut aussi porter sur les locomotives, d'autant plus que les établissements qui fabriquent les locomotives sont encore ceux qui souffrent le moins. Ainsi, le grand établissement qui nous fournit le plus de locomotives est celui qui souffre le moins, est celui qui emploie encore en ce moment tous ses ouvriers. Mais il est un autre événement qu'il faut prévoir ; c'est que si vous acquérez un matériel trop considérable et dont vous ne faites pas emploi, il y aura encombrement et par suite déperdition.

Quant à moi, je veux faire ce qui est utile, mais pas au-delà. Il est bien certain que les observations qu'on a fait valoir en faveur des établissements métallurgiques, en ce qui concerne les rails, n'existent pas pour ce qui concerne une grande partie du matériel.

Ainsi, l'honorable M. Lebeau m'a très mal compris. Pour moi-même, j'ai été le premier à reconnaître qu'il fallait amener autant que possible une transition, et qu'il fallait éviter qu'il y eût un temps d'arrêt dans plusieurs de nos industries. Ce n'est pas dans l'intérêt des établissements mêmes que je l'ai demandé, c'est dans un intérêt d'ordre public.

Messieurs, je pense que, pour le matériel, porter le crédit à 1,500,000 francs, ce serait nous exposer à faire plus que ce que les besoins du moment exigent, et plus même que ce que les besoins de l'industrie exigent.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Brabant a reconnu que mettre en construction dix locomotives, était modéré. Je crois que tout le monde sera d'accord sur ce point. C'est donc un premier chiffre de 600,000 fr. à mettre hors de contestation.

Si nous réduisons de moitié tous les autres objets qui sont demandés ; ainsi, 10 diligences au lieu de 20, 12 waggons couverts au lieu de 25, 250 waggons de marchandises au lieu de 500 ; si on y ajoute l'article des bâches, 52,000 fr., on avouera que nous faisons des réductions très notables, et nous trouvons cependant un chiffre de 1,327,000 fr.

Si l'on n'alloue que 1,000,010, en mettant hors de contestation 600,000 fr., il resterait 400,000 fr. à appliquer aux diligences, aux waggons couverts, aux waggons de marchandises et aux bâches. Eh bien, on ne pourrait faire qu'une quantité beaucoup trop minime de ces objets. On ne viendrait pas efficacement en aide aux ouvriers qu'on veut secourir.

L'honorable M. Brabant me dit : Mais il y a des objets encore en fabrication. Ces objets ne sont pas livrés ; par conséquent divers ateliers sont alimentés.

L'honorable membre dit vrai, mais non pas comme il le prétend à la vue du tableau qu'il m'avait demandé dans la séance d'hier. Ce tableau présente l'état du matériel au 1er janvier 1848. Nous sommes déjà quelque peu éloignés du 1er janvier. De mois en mois, de semaine en semaine on a livré, de telle sorte qu'il reste peu de chose à fournir. Si mes renseignements sont exacts, de tous les waggons adjugés précédemment, il n'en reste plus guère qu'une centaine qui vont être livrés, qui doivent presque être achevés, car on est en retard sur la livraison.

Je n'examine pas, messieurs, si le matériel est ou n'est pas suffisant. Je répète encore une fois que ce n'est pas la question. Je dois dire avec tout le monde qu'il n'est pas suffisant. Il peut l'être aujourd'hui, il peut l'être depuis le 24 février ; mais il n'était pas suffisant le 23 février. Il ne suffira peut-être plus dans quelques jours ; si les circonstances sont heureuses, si les espérances que l'honorable M. Osy a exprimées tout à l'heure se réalisent, et je ne vois pas pourquoi elles ne se réaliseraient pas en certaine mesure, nous nous trouverons en présence d'un matériel encore une fois insuffisant.

Veuillez remarquer que dans les demandes soumises à la chambre, j'ai été bien loin de maintenir les propositions comprises dans le projet d'emprunt. Vous avez des besoins constatés pour le chemin de fer, pour une somme de 25,000,000 de fr. J'ai fait ce qui m'a paru le plus important, le plus urgent, le plus nécessaire dans les circonstances où nous nous trouvons.

Messieurs, je ne désire pas plus qu'aucun autre membre de cette chambre de prélever à l'aide de l'emprunt forcé des fonds qui ne seraient pas rigoureusement nécessaires. Mon plus grand désir est de dépenser le moins possible. Je steai heureux si, ces quelques mois passés, je puis dire à la législature : Cinq millions m'ont été accordés ; j'ai traversé ces malheureuses circonstances en ne dépensant que 5 millions et j'ai cependant atténué pour les ouvriers la rigueur des temps ! Je ferai tous mes efforts pour dépenser le moins possible ; parce qu'après avoir prélevé l'emprunt forcé dont vous êtes saisis, nous ne serons pas à bout de sacrifices. En supposant les circonstances heureuses, en supposant le calme le plus complet rétabli, il y aura encore pour le pays des sacrifices à faire. C'est ce qu'on ne peut cacher ; et par conséquent bien pénétré de l'idée qu'il faut apporter dans toutes les dépenses la plus sévère économie, je me ferai un plaisir et un devoir de restreindre l'emploi des fonds qui seront mis à ma disposition, et je ne ferai que les dépenses qui me paraîtront commandées par la plus impérieuse nécessité.

- La discussion est close.

Le chiffre de 1,500,000 fr. demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article premier. Littera G

« Litt G. Raccordement de la station de Gand, 200,000 fr. »

M. le président. - La section centrale n'adopte pas ce chiffre.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, quand le gouvernement demanda, en 1845, une somme de 235,000 fr. pour le raccordement de la station de Gand avec le canal de Terneuzen, les organes des intérêts de la ville de Gand se trouvèrent fort heureux d'avoir obtenu cette somme. Elle ne passa pas sans réclamation. Dans la section centrale, des plans et devis furent demandés ; ces plans et devis n'existaient pas ; le gouvernement insista et la section centrale accorda le crédit en insérant dans le projet une clause d'où résultait qu'en aucun cas le gouvernement ne pourrait dépasser cette somme de 235,000 fr. Cette clause fut inscrite dans la loi.

Maintenant, messieurs, on vient nous demander une augmentation de 200,000 fr., et cela avant d'avoir commencé les travaux, avant même de savoir quelle sera l'insuffisance.

L'honorable M. Delehaye nous a dit, dans la séance d'hier, afin d'établir l'équité de cette proposition de crédit, qu'il s'agissait tout simplement de faire pour la ville de Gand ce que le gouvernement avait fait pour la ville de Louvain ; mais, messieurs, il n'y a aucune espèce d'analogie entre la position de la ville de Gand avec celle de la ville de Louvain.

Je m'explique. La construction du chemin de fer de l'Etat a causé un dommage considérable à la ville de Louvain, et voici de quelle manière. Cette ville a fait construire de ses propres deniers une voie navigable pendant le siècle dernier, qui lui a assuré un commerce important.

Le chemin de fer est venu lui faire une concurrence désastreuse. Le gouvernement, ayant compris combien cette concurrence portait atteinte à l'existence commerciale et aux recettes de la ville de Louvain, a reconnu qu'une indemnité lui était due. Il a, en conséquence, fait exécuter une voie de raccordement entre la station et son port. Cette concession n'est pas suffisante pour compenser les pertes qu'éprouve Louvain par suite de la révolution opérée dans le système des voies de communication par l'établissement de la voie de fer ; aussi ai-je lieu d'espérer que le gouvernement lui accordera d'autres faveurs pour se libérer avec elle.

Voici maintenant quelle est position de la ville de Gand. Cette ville possède aussi un canal, mais c'est aux frais du gouvernement qu'il a été construit. C'est aux frais du gouvernement que des dépenses d'entretien considérables et trop considérables s'y opèrent annuellement.

De plus, les navires qui usent de cette voie navigable occasionnent à l'Etat des frais onéreux, du chef du remboursement du péage établi au profit de la Hollande par les traités.

Vous voyez, messieurs, qu'il n'y a aucune analogie entre ces deux positions, et que Gand n'a pas de titres à faire valoir comme la ville de Louvain.

J'ai cru, messieurs, devoir faire cette rectification, et faire valoir ces motifs contre l'adoption de ce nouveau crédit ; bien que je craigne fort que ce soit en pure perte et que j'aie peu d'espérance d'obtenir gain de cause, à la manière dont on a voté tous les crédits précédents. On n'a songé qu'à une chose, on a songé à satisfaire certains intérêts, mais on a fort peu songé aux immenses intérêts que ces votes allaient froisser ; car (page 1307) il y aura un lendemain ; il s'agira de faire les fonds pour couvrir ces dépenses, et je crains très fort qu'un emprunt forcé aussi considérable n'occasionna dans le pays une réaction fâcheuse, qu'il ne nuise à l'esprit public, qui est si bon jusqu'à présent.

Je le déclare, messieurs, franchement, quand un gouvernement veut se charger de répartir des bienfaits au moyen du trésor public, de puiser dans la poche des uns pour verser dans la poche des autres, afin de satisfaire des intérêts difficiles à contenter, il s'engage dans une voie dangereuse ; il donnera satisfaction à quelques intérêts, il en froissera un plus grand nombre, et il en froissera de très légitimes. Un arrondissement important m'a envoyé siéger dans cette enceinte ; il sera frappé sensiblement par l'emprunt que vous allez voter ; qu'est-ce qu'il retirera de toutes les charges que vous allez lui imposer, et qui seront écrasantes ? Pas un centime, et pourquoi ? parce que l'industrie de cette partie du pays est paisible et n'effarouche personne. Ce n'est pas là de la justice. Je regrette d'être obligé de vous entretenir aussi directement de mes commettants, mais vous ne le trouverez pas mauvais, messieurs, cala m'arrive rarement. Il m'a été impossible de retenir ces paroles ; j'use d'ailleurs de mon droit en faisant cette réclamation,] et en me plaignant amèrement d'une injustice aussi criante.

M. Delehaye. - Messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire déjà, l'Etat est tout au moins autant intéressé à la construction de ce chemin que la ville de Gand elle-même, attendu que ce raccordement aura pour conséquence inévitable d'augmenter considérablement les recettes du chemin de fer.

Toute la question se réduit donc à savoir si, dans les circonstances actuelles, il n'est pas avantageux d'entreprendre, dans l'intérêt de la classe ouvrière, un travail qui doit se faire tôt ou tard.

Gand a pris des engagements qu'elle veut remplir, mais en présence des énormes sacrifices qu'elle s'est imposés déjà dans l'intérêt de la classe ouvrière, elle se trouve dans l'impossibilité de faire, dans le moment actuel, la moindre avance.

Déjà, pour ouvrir des communications avec la station, la ville de Gand a dépensé plus de 850,000 francs. Récemment encore, plus de 200,000 fr. ont été avancés par elle pour remédier à la crise alimentaire ; elle vient encore de mettre en adjudication un grand nombre de travaux qui auront pour conséquence de charger considérablement son budget.

Déjà, vous n'avez voté qu'une partie des fonds demandés pour le canal de Schipdonck, vote qui a fait une impression fâcheuse, parce qu'il a été mal compris. Tantôt on vient remettre en question la double voie du chemin de fer de Gand à Deynze, de sorte qu'en somme la Flandre orientale se verrait déshéritée des avantages dont jouissent les autres provinces. Pour ces motifs, ne conviendrait-il pas, messieurs, d'adopter la proposition du gouvernement, qui mettra la ville de Gand à même de remplir les engagements qu'elle a contractés et fournir ainsi un nouvel aliment de travail à la classe ouvrière, à laquelle il est sage de ne donner aucun prétexte pour se livrer à l'oisiveté et compromettre ainsi la tranquillité publique ?

M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, je ne veux pas examiner jusqu'à quel point il est vrai que la ville de Gand ait moins d'intérêt que le gouvernement à ce que la voie de communication dont il s'agit, s'achève. Ce qui est certain, c'est que pour cette voie de communication la législature a déjà accordé une somme de 235,000 fr., en stipulant de la manière la plus formelle qu'en aucun cas la part contributive de l'Etat ne pourrait excéder celle somme. Une convention devait être faite entre le gouvernement et la ville de Garni. Cette convention n'est pas encore signée maintenant. Que résulte-t-il de là ? D'abord, c'est que ces 235,000 fr. alloués par la loi du 16 avril 1845 ne sont pas dépensés, qu'ils sont disponibles. Eh bien ! que le gouvernement et la ville de Gand s'entendent pour faire l'arrangement qui doit intervenir, que, lorsque cet arrangement sera fait, on dépense les 235,000 fr. alloués en 1845, et si ces 235,000 fr. ne suffisent pas, qu'on en donne connaissance à la chambre, la chambre verra si elle doit allouer une somme quelconque ; mais ce sera seulement lorsqu'il y aura une convention entre le gouvernement et la ville de Gand que la chambre sera à même de décider en connaissance de cause si elle doit ajouter au crédit précédemment voté les 200,000 francs dont il s'agit en ce moment, ou une somme inférieure.

Messieurs, j'ai entendu avec beaucoup de regret, l'honorable M. Delehaye reprocher à la chambre de n'avoir pas accordé pour le canal de Schipdonck les fonds qui avaient été demandés par le gouvernement. (Interruption de la part de M. Delehaye.)

C'est la seconde fois que vous venez avec injustice reprocher à la chambre de n'avoir pas alloué ce que demande le gouvernement, alors que vous savez très bien que la chambre a alloué les sommes nécessaires pour continuer les travaux jusqu'à la fin du mois d'août, et que le restant des fonds nécessaires sera alloué après cette époque.

Il ne faut donc pas qu'on répète des bruits qui feraient supposer que la chambre est moins bien disposée pour une province que pour une autre ; cela n'est pas exact. La chambre a accordé en définitive au gouvernement tout ce qu'il a demandé pour les deux canaux qui s'exécutent dans les Flandres, et ces deux canaux s'achèveront dans le cours de la présente année.

J'espère donc qu'après une déclaration si positive, qui ne sera contredite par personne dans cette chambre, l'honorable M. Delehaye ne viendra plus se faire, dans cette enceinte, l'écho de bruits qui sont injustes.

A entendre l'honorable membre, nous aurions refusé aujourd'hui les fonds nécessaires pour la double voie de Gand à Landegem. Encore une fois, cela n'est nullement exact : la chambre a alloué, pour le renouvellement des voies qui existent, la somme que le gouvernement avait demandée. Rien n'est décidé, quant aux doubles voies ; nous nous prononcerons à cet égard, quand nous serons appelés à émettre un vote sur les fonds qui doivent être affectés à l'achat et au placement des billes ; alors nous nous expliquerons sur les doubles voies qui doivent ou ne doivent pas été exécutées ; qu'avons-nous fait aujourd'hui ? Nous avons alloué an gouvernement une somme de 1,234,000 fr. pour commander des rails et leurs accessoires ; mais rien n'est décidé quant aux doubles voies, et par conséquent on a tort de proclamer ici que la chambre aurait rejeté le crédit demandé pour la double voie de Gand à Landegem.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, dans la pensée du gouvernement, la somme de 200,000 francs est demandée à titre d'avance. Cette somme devrait être remboursée par la ville de Gand. L'honorable M. Delehaye réconnaît que les obligations de la ville sont telles.

En effet, la loi du 29 avril 1845 a stipulé que la part d'intervention de l'Etat ne s'élèverait qu'à 235,000 francs ; et déjà antérieurement la ville de Gand, dans une convention que j'ai sous les yeux, avait stipulé qu'elle donnerait son concours pour réaliser le projet de mettre la station du chemin de fer en communication avec le bassin au moyen d'une voie ferrée.

Ainsi, il y a obligation prise par la ville de Gand, indépendamment même de la condition formelle énoncée dans la loi de 1845.

L'honorable M. de Brouckere a dit : Au moyen des 235,000 francs disponibles, qu'on mette toujours la main à l'œuvre, on fera une convention avec la ville de Gand, et l'on demandera ce qui pourrait être nécessaire pour compléter le travail.

Mais, messieurs, cela n'est pas possible : la somme de 235,000 francs comprend uniquement les terrassements, les ouvrages d'art et l'établissement du railway ; les terrains nécessaires à l'exécution de ce travail doivent être fournis par la ville de Gand, et c'est parce que, cette ville ne se trouve pas en position d'allouer une somme quelconque que je demande à la chambre de voter à titre d'avance.

Il me semble que dans ces termes, et on peut l'énoncer dans le libellé de la loi, il me semble que l'article peut être adopté.

- La somme de 200,000 fr. est mise aux voix et adoptée.

M. de Brouckere, rapporteur. - Je demanderai que dans le libellé de la loi on ajoute ceci : que les 200,000 fr. ne sont alloués qu'à titre d'avance et doivent être remboursés par la ville de Gand.

- La chambre passe au crédit suivant.

Article premier. Littera H

« Raccordement de la station de Bruges, 110,000 fr. »

M. Delehaye. - Une convention devra aussi intervenir avec la ville de Bruges.

M. de Brouckere, rapporteur. - Je dois déclarer que pour Bruges il n'y a pas de convention à faire ; la seule question à examiner est celle de savoir si les 110,000 francs seront ou ne seront pas alloués aujourd'hui ; mais cette somme est nécessairement à la charge du gouvernement.

M. Delehaye. - Les 110,000 fr. sont évidemment à la charge de l'Etat. Mais ne conviendrait-il pas que l'on fasse ici comme on a fait pour Anvers, Louvain et Gand ; qu'avant de mettre la main à l'œuvre, on s'entende avec la ville de Bruges, afin que plus tard on ne puisse plus venir aggraver une position ? De cette manière, en plaçant toutes les localités, sur la même ligne on n'avantagera pas plus l'une province que l'autre.

M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Delehaye persiste dans sa manière de discuter que toute la chambre doit regretter ; il veut toujours mettre les provinces en opposition les unes avec les autres. Aux yeux de l'honorable M. Delehaye, on ne peut parler pour un chiffre, ni voter contre un autre, sans être partiel pour une province et hostile à une autre. Quant à moi, une province ne me préoccupe pas plus qu'une autre, je vote selon ma conscience, et je n'examine pas si mon vote plaira à une province ou à une autre.

Eh bien, je dis que les motifs qui ont fait adopter l'amendement, quant aux travaux à exécuter à Gand, n'existent pas pour Bruges. Remarquez que les 200,000 fr. demandés pour le raccordement de la station de Gand, doivent être ajoutés aux 235,000 fr. votés en 1845 et qui devaient faire l'objet d'une convention avec la ville de Gaud.

Cela résulte du rapport qui a été fait par l'honorable M. de Man ; la ville de Gand avait déclaré qu'elle ferait face à tous les autres frais, pourvu que le gouvernement accordât la somme de 235,000 francs ; eh bien, la ville de Gand semble aujourd'hui reculer devant cet engagement ; je ne lui en fais pas un grief ; mais une semblable chose n'a pas eu lieu pour Bruges ; la ville de Bruges a fait des sacrifices énormes pour la station, elle a fait l'abandon de la plus belle de ses places, la seule place qui servait de promenade aux habitants. De plus, la ville a alloué 500 mille francs. Je dirai, en passant, que si la chose n'était pas faite elle ne se ferait plus ; car la ville a compris qu'elle a été entraînée à des dépenses qui dépassent et ses obligations et son intérêt.

La chose est faite, elle en supporte les conséquences ; mais il y aurait injustice à vouloir lui faire supporter encore une partie des 110 mille francs dont il s'agit, quand il n'en a jamais été question.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Pour tout concilier on pourrait ajouter ces mots : « sans que la part d'intervention de l'Etat puisse excéder cette somme. »

(page 1308) M. Delehaye. - Je n’en demande pas davantage. Quand on a alloué un subside pour la station de Gand, on y a mis des conditions ; je voulais qu'il en fût de même pour Bruges.

- Le crédit de 110 mille francs pour le raccordement de Bruges est mis aux voix et adopté avec le libellé proposé par M. le ministre des travaux publics.


M. de Man d'Attenrode. – Il reste une question importante à décider, c'est la proposition de la section centrale permettant au gouvernement de traiter de gré à gré avec les divers industriels du pays pour les fournitures dont il s'agit dans les crédits que vous venez de voter. J'ai proposé un amendement ; il est ainsi conçu :

« Par exception à l'article 21 de la loi sur la comptabilité de l'Etat, il peut être traité de gré à gré pour les fournitures qui s'opéreront au moyen de ce crédit.

« Le gouvernement fournira à la législature, conformément à l'article 46 de la même loi, l'état des marchés qu'il aura contractés de cette manière. »

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Il y aurait encore quelque chose à ajouter, c'est que par exception aux règles établies par la loi sur la comptabilité, je suis autorisé à faire des avances sur commandes ; car je serai, probablement dans la nécessité de procéder quelquefois ainsi.

M. le président. - L'amendement de M. de Man sera imprimé et distribué.

- La séance est levée à 5 heures.