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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 21 avril 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1419) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à onze heures et demie. La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.

M. de Villegas présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur d'Azevedo Bourdon prie la chambre de rejeter le projet De loi d'emprunt ou de faire supporter l'emprunt par les contribuables les plus imposés. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


«Le sieur Tallois propose de substituer à l'emprunt un impôt de 1 p. c. sur la cotisation des contribuables, une création de billets à l'intérêt de 4 p. c. et un système de primes.

- Même renvoi.


Par message du 20 avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi ouvrant au département des travaux publics un crédit de 5,000,000.

- Pris pour notification.


M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission qui a été instituée au département de la justice pour l'examen de la question du travail des détenus dans les prisons et les dépôts de mendicité. J'y joins les résultats de l'enquête qui a été faite dans nos divers établissements, et quelques tableaux et documents relatifs à cette question.

Vu l'importance que la chambre a attachée à cette question et le renvoi qu'elle a fait de diverses pétitions sur son objet au conseil des ministres, elle jugera sans doute convenable d'ordonner l'impression de ces documents.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution des documents déposés par M. le ministre de la justice.

Projet de loi décrétant un emprunt sur les contributions foncière et personnelle, le produit annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle, et les pensions et traitements payés par l'Etat

Discussion des articles

Article 5

« Art. 3 (devenu art. 5). Le propriétaire sera considéré comme débiteur de l'emprunt aussi longtemps qu'il n'aura pas fait connaître l'usufruitier ou le redevable.

« Si le domicile du propriétaire ou du redevable n'est pas connu, le fermier ou locataire devra acquitter l'emprunt à sa décharge, sauf recours contre lui. »

La section centrale propose de rédiger ainsi le deuxième paragraphe :

« Si le propriétaire ou le redevable n'est pas domicilié dans le pays, ou si son domicile dans le royaume n'est pas connu, le fermier ou locataire devra acquitter l'emprunt à sa décharge, sauf son recours contre lui. »

M. Pirmez. - Je crois qu'il y a une omission dans cet article. Il existe des propriétés appartenant à des étrangers qui n'ont point de locataires. Ainsi par exemple les bois. Mais on me fait remarquer à l'instant qu'à l'égard de ces propriétés, le premier emprunt n'a souffert aucune difficulté de perception. IL est donc peut-être inutile de compléter l'article.

- La rédaction la section centrale, à laquelle se rallie le gouvernement, est adoptée.

Article 6

« Art. 4 (devenu art. 6). Le recouvrement de la première partie de l'emprunt se fera sur les rôles de la contribution foncière de l'exercice courant. »

(page 1435) M. le ministre des finances (M. Veydt). - Cet article ce me semble, pouvoir être supprimé. Le recouvrement ne peut avoir lieu, en prenant les chiffres du rôle, attendu que d'après ce qui a été adopté, hier, ce sont les contribuables payant ensemble les sept huitièmes de la contribution foncière qui supporteront la totalité de l'emprunt dans chaque commune. Il faudra un rôle spécial ; il en faudra un aussi pour le payement de la contribution personnelle. Un seul article, qui viendra après, statuera sur ce point. Il ne peut donc être question ici que de la désignation de l'exercice qui servira de base à la perception ; déjà l'article premier du projet de loi, dit que c'est l'exercice courant.

(page 1419) M. d'Huart. - Il me semble que l'article peut rester dans la loi. Le recouvrement de l'emprunt se fera sur les rôles de la contribution foncière de l'année courante. Seulement au lieu de percevoir le chiffre de la contribution portée au rôle, on percevra une quotité proportionnelle.

Tout ce que porte l'article et son seul but, c'est d'exprimer que les bases de l'année courante seront suivies ; or, il doit être dans l'intention du gouvernement de conserver les bases de l'impôt foncier telles qu'elles se trouvent indiquées dans les rôles de la contribution foncière de l'exercice courant. On peut donc maintenir la disposition de l'article, et s'il y a quelque mesure ultérieure d'exécution à prendre, M. le ministre des finances y pourvoira.

M. Tielemans. - Messieurs, l'observation de l'honorable M. d'Huart n'est pas exacte du tout. L'article 4 dit : que le recouvrement se fera sur les rôles de la contribution foncière de l'exercice courant. Mais, messieurs, ces rôles déterminent des sommes précises, invariables ; ces rôles sont rendus exécutoires par le gouverneur de la province, ce sont les extraits de ces rôles qui servent de titre à la perception. Vous ne pouvez pas prendre comme titre de perception, un chiffre que vous n'avez pas le droit de percevoir. Cela est évident.

M. Cogels. - Il me paraît, messieurs, qu'un simple changement de rédaction satisferait à ces exigences. Il suffirait de dire :

« Les rôles de la contribution foncière pour l'exercice courant serviront de base à la perception de la première partie de l'emprunt. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Cela établit sur quelle base on percevra, mais il faudra en outre établir des rôles.

M. Cogels. - Sans doute. Nous sommes d'accord.

- La rédaction proposée par M. Cogels est mise aux voix et adoptée.

Article 6 (de la section centrale)

« Art. 6 (proposition de la section centrale). 6. La seconde partie de l'emprunt sera égale au montant de la contribution personnelle des première, troisième, cinquième et sixième bases seulement, déduction faite des centimes additionnels au profit des provinces et des communes. Moitié est exigible le quinze mai prochain, l'autre moitié le quinze juillet suivant.

« Elle sera répartie entre les deux tiers des contribuables les plus imposés aux rôles dans chaque commune. La répartition sera faite au (page 1420) marc le franc de leurs cotes respectives, après déduction des sommes provenant de l'application des deuxième et quatrième bases de la contribution personnelle. »

Le gouvernement propose l'amendement suivant :

« La seconde partie de l'emprunt sera égale au montant de la contribution personnelle portant seulement sur la valeur locative, les foyers, les domestiques et les chevaux. Une moitié est exigible le 1er juin 1848 et l'autre moitié le 15 juillet suivant.

« Elle sera payée par la moitié des contribuables les plus imposés dans chaque commune, dans la proportion de leurs cotes ouvertes du chef des première, troisième, cinquième et sixième bases établies par la loi du 28 juin 1822 (Journal officiel, n°15). »

M. T’Kint de Naeyer. - Quelle que soit la diversité des opinions qui se sont manifestées dans la discussion, tout le monde paraît d'accord sur un point, c'est que l'emprunt forcé ne doit peser que sur ceux qui sont en état de le payer.

L'article 6 a été amendé dans ce sens par la section centrale ; si ses propositions en ce qui concerne le premier paragraphe de cet article n'étaient pas admises, je pense qu'il y aurait lieu, dans tous les cas, de maintenir le deuxième paragraphe qui prend pour base de la répartition la moitié des plus imposés en somme et non la moitié des plus imposés en nombre.

D'après les renseignements puisés à une source officielle, je crois que c’est le seul moyen de rendre efficaces les mesures qui tendraient à dégrever les petits contribuables.

Je demanderai à la chambre la permission de lui soumettre quelques calculs qui établissent une comparaison entre les résultats qui ont été obtenus dans la Flandre orientale lorsque l'emprunt de 1831 a été perçu, comparés à ceux qui seraient la conséquence du projet primitif du gouvernement, présenté dans la séance du 16 mars.

L'article 5 du décret du 8 avril 1831, concernant l'emprunt de 12 millions de florins, portait :

« Un contingent égal au principal de la contribution personnelle de 1830 sera assigné à chaque commune et réparti au marc le franc de leurs cotes respectives parmi les deux tiers des contribuables les plus imposés au rôle de cette contribution. »

Ce contingent pour la ville de Gand a donc été de 522,037 fr. 55.

Il a été fourni par tous les contribuables en état de payer, par la raison qu'en 1830 et antérieurement, plus d'un tiers des individus portés aux rôles ne pouvaient payer leurs cotes qui étaient portées sur les états des cotes irrécouvrables, cela provenait de ce qu'on imposait un grand nombre d'habitations habitées par des pauvres gens, etc.

Ces cotes irrécouvrables se sont élevées en 1830 à 61,486 fr. 17 c. (y compris 55 centimes additionnels), soit en principal 44,780 fr.

De l'imposition de ces insolvables résultaient des frais inutiles pour l'Etat, tels que confection de rôles, frais d'expertise, etc.

Depuis lors, on n'a plus imposé toutes ces cotes minimes et toujours irrécouvrables, et le nombre d'articles des rôles qui était en 1830 de 14,604 pour Gand, n'était plus en 1847 que de 9,304. Il est vrai cependant qu'en 1830 plusieurs individus figuraient deux fois aux rôles, cela arrivait quand ils avaient demandé l'expertise d'une partie des bases de l’impôt.

Le nouvel emprunt (en ce qui concerne la contribution personnelle) sera égal au principal augmenté des dix centimes additionnels pour l’Etat. Soit :

Pour toute la province :

Principal : 1,587,902 fr. 44

10 p. c : 158,790 fr. 24

Ensemble : 1,746,692 fr. 68.

Pour la ville de Gand :

Principal : 544 ;083 fr.

10 p. c. : 54,408 fr. 30 c.

Ensemble : 598,491 fr. 30.

Le nombre des contribuables étant de 9,304, le tiers exempté est de 3,101.

Cette somme de 598,491 fr. 30 c. serait donc payée par les 6,2035 contribuables les plus imposés.

En 1846, 2,372 individus de Gand ont été portés sur les états des cotes irrécouvrables. Ainsi, parmi ceux qui payent habituellement leurs contributions, il n'y en aura d'exemptés que 729, et ce nombre est insignifiant.

Les états de cotes irrécouvrables de Gand pour 1846 s'élevaient à 61,486 fr. 17 c. (y compris 25 centimes additionnels), soit en principal 40,188 fr.

Ce chiffre serait plus considérable si, comme en 1830, on imposait encore les demeures des pauvres gens. Quant à l'augmentation du produit de l'impôt, elle provient des constructions nouvelles.

D'après ce qui précède, je conclus que, pour ne pas atteindre la petite bourgeoisie et le petit commerce, dont les souffrances sont si grandes, il faut nécessairement reporter la partie de l'emprunt qui est relative à l'impôt personnel sur les plus fortes cotes qui fournissent ensemble la moitié de la contribution personnelle.

M. Cogels. - Messieurs, à l'appui des considérations que vient de faire valoir un honorable député de Gand, j'en présenterai quelques-unes en faveur du système de la section centrale, système qui rentre absolument dans l'esprit de l'amendement adopté hier en ce qui concerne la contribution foncière, mais qu'il est bien plus indispensable encore d'adopter, si l'on veut éviter de très graves inconvénients.

En effet, quel est le système du gouvernement ? Ce système consiste d'abord à exempter de la contribution foncière deux bases, les plus fortes, le mobilier et les portes et fenêtres ; il consiste à faire supporter la moitié de la contribution, au moins la part afférente à une moitié des contribuables, par l'autre moitié. Dans les villes où il y a un très grand nombre de forts contribuables, les inconvénients seraient moins graves que dans les communes rurales ; mais dans les communes rurales où la contribution, du mobilier et des portes et fenêtres est assez considérable, où les chevaux, les domestiques, deux des bases assez fortes dans les villes, n'entrent point en ligne de compte, qu'arriverait-il ? C'est que de très petits contribuables seraient chargés de toute la part de la moitié de ceux qu'on exempterait. Dans la plupart des communes rurales, tout le monde est petit contribuable, de manière qu'une moitié de la commune payerait à la charge de l'autre. Il faut donc qu’on rentre dans le système de la section centrale.

Maintenant, quant à l'exemption des bases elles-mêmes, elle peut être utile à quelques professions qu'on a voulu ménager. Ainsi, je conviens que pour les hôteliers, relativement auxquels on prend toujours, en ce qui concerne leur mobilier, 5 fois la valeur locative ; que pour des personnes qui louent des appartements, où l'on prend également cinq fois la valeur locative, il y aurait une charge un peu forte.

Mais, d'un autre côté, en établissant ces exemptions en faveur de cette catégorie vous faites jouir de la même faveur des personnes qui n'ont aucun droit à en jouir.

Ainsi il y a les hôtels somptueux meublés, où le mobilier entre pour la plus grande valeur, où il y a un grand nombre de portes et fenêtres soumis à la plus forte taxe. Vous leur faites supporter en plus, il est vrai, la légère part d'exemption de la moitié des contribuables en nombre ; mais cette surcharge n'augmentera pas leur part d'un dixième, tandis que, dans les communes rurales, vous doublez la part du petit contribuable.

Je dis que votre système repose sur une base tout à fait vicieuse, qu'il fait peser des charges extrêmement fortes sur les contribuables que vous voudriez exempter.

Ces explications subiront, sans doute, pour faire comprendre combien il est utile de donner la préférence au système de la section centrale, qui atteindra vraiment le but que le gouvernement se proposait d'atteindre.

Je voudrais même (et la section centrale n'était pas non plus partisan de cette exemption) qu'on n'exemptât ni la contribution mobilière, ni la contribution des portes et fenêtres ; car ce serait accorder une faveur à ceux qui n'y ont aucun droit, pour éviter un inconvénient auquel on pourrait mieux porter remède par une mesure exceptionnelle en faveur de certaines catégories.

(page 1436) M. Mercier. - L'honorable M. Cogels a indiqué les motifs qu'il y a pour ne pas adopter les diverses bases, proposées par le gouvernement, c'est notamment qu'il existe dans la valeur locative des inégalités choquantes par suite de la faculté qu'on a de se référer à la déclaration de l'année précédente.

Pour moi, je me suis abstenu à la section centrale sur cette question. Je n'ai pas la même conviction que l'honorable membre sur les effets de la mesure proposée par le gouvernement. Je trouve la base des portes et fenêtres, en elle-même, tellement défectueuse, que j'hésite à écarter l'une plutôt que l’autre. Cette base est injuste dans son principe en ce qu'elle est en rapport, non avec la valeur locative de l'habitation, mais avec le rang des villes.

Pour ce qui me concerne, je ne demande pas le rejet de la première disposition de l'article.

Mais j'insiste très fortement pour que le deuxième paragraphe du projet de la section centrale soit adopté, c'est-à-dire pour que la répartition ait lieu entre les contribuables les plus imposés payant ensemble dans chaque commune la moitié de la contribution. Nous sommes quant au fond inspirés par les mêmes motifs qui ont dicté la dernière proposition du ministère au sujet de cette base : c'est d'exempter le plus grand nombre possible de petits contribuables. Si l'on met cette partie de l'emprunt à charge des deux tiers des contribuables les plus imposés en nombre, comme le veut le projet du gouvernement, il y en aura beaucoup payant des cotes très inférieures qui devront participer à l'emprunt, tandis qu'avec le système de la section centrale, les trois quarts à peu près seront exempts.

Cette proposition mérite donc à tous égards l'assentiment de la chambre.

(page 1420) M. Verhaegen. - J'approuve l'amendement du gouvernement parce que je le trouve basé sur la justice distributive. Pour l'emprunt de même que pour l'impôt, il faut, comme première condition, la répartition égale entre ceux qui peuvent payer et l'exemption de ceux qui n'ont pas de ressources suffisantes. Je trouve cette condition dans les propositions nouvelles du gouvernement.

La base des portes et fenêtres et la base du mobilier sont évidemment des bases injustes. Depuis longtemps on a réclamé contre ces bases ; on a demandé la révision de la loi, et cette révision a été promise.

Un de mes honorables collègues a déjà démontré cette injustice. Qu'il me soit permis d'ajouter quelques considérations spécialement relatives à la ville de Bruxelles. Je sais bien qu'il faut bannir de cette enceinte les intérêts de localités ; mais quand il s'agit, comme dans l'espèce, d'admettre comme bases de l'emprunt des contributions iniquement reparties, il doit être permis de citer les villes qui seraient les premières victimes de cette répartition. La ville de Bruxelles paye à peu près un septième de l'impôt personnel de tout le royaume, et certes, elle a bien le droit de soumettre à ce sujet ses légitimes réclamations à la législature.

Pour les portes et fenêtres, il y a à Bruxelles une surtaxe réellement exorbitante. On y paye porte par ou fenêtre 2 fr. 33 c. tandis que dans les autres communes rangées dans une classe inférieure, notamment dans les faubourgs, la taxe n'est que de 84 centimes. Or, il y a des personnes, jouissant d'une très grande fortune, des fonctionnaires très haut placés, dans la magistrature, dans l'administration, et dans l'armée qui habitent les faubourgs où ils payent la taxe sur le pied de 84 centimes, tandis que la taxe de 2 fr. 55 c. frappera les marchands, les détaillants qui se trouvent aujourd'hui dans la position la plus pénible. Cette injustice, messieurs, ne peut être maintenue ; elle a été signalée souvent ; la révision de la loi a été demandée et promise.

Il en est de même pour le mobilier. Dans une capitale, les marchands, les détaillants abondent aussi bien que les étrangers. Les marchands, les détaillants sont obligés de se loger dans les rues les plus fréquentées ; et c'est dans ces rues que les maisons sont le plus cher. Pour retrouver une partie du loyer ils sont obligés de sous-louer des appartements. Or, quand un locataire sous-loue une partie de maison louée, il paye la contribution mobilière non plus sur la valeur réelle du mobilier, mais sur sa valeur quintuplée.

Vous voyez, messieurs, quelle est la position de ces marchands, qui n'ont d'autre ressource que leur commerce, leur industrie, lesquels tenant à la mode et au luxe, sont ceux qui souffrent le plus de la crise.

(page 1421) Ce seraient les petits marchands que l’on frapperait en adoptant la base de la contribution mobilière, et ce serait là une injustice criante. Quelle que soit la bonne volonté des habitants, en général, à contribuer à l'emprunt, il y aurait impossibilité pour le petit commerce de satisfaire aux exigences de la loi, si elle prenait pour base la répartition du mobilier.

Je crois donc, messieurs, que le gouvernement a bien fait en proposant d’exclure des bases les portes et fenêtres et le mobilier ; car, je l'ai dit en commençant, et je le répète en terminant, la première condition pour l'emprunt, comme pour l'impôt, c'est d'être réparti d'une manière égale entre ceux qui peuvent payer, et d'exempter ceux qui ne jouissent pas d'une fortune suffisante pour y contribuer.

Quant à l'amendement de l'honorable M. Cogels, changeant le système du gouvernement, ayant pour but l'exemption des petites cotes, c'est un point sur lequel je réserve mon vote, attendant les explications qui seront données à cet égard.

M. Cogels. - Je croyais d'abord que l'honorable député de Bruxelles voulait soutenir l'amendement du gouvernement dans toutes ses parties ; mais je vois que quant à ce qui concerne le mode de répartition, il abonde plus ou moins dans le sens de la section centrale ; et je suis bien convaincu que la suite de la discussion lui fera acquérir la certitude que le système de la section centrale tend à exempter un beaucoup plus grand nombre de contribuables que celui du gouvernement.

Quant à ce qui concerne les deux bases, j'avais déjà fait une concession pour les personnes en faveur desquelles l'honorable député vient de réclamer le plus vivement. Je crois qu'en effet, pour ceux-là, on pourrait établir une exception dans la loi. Mais ce qui m'avait paru peu équitable dans le projet du gouvernement, c'est que, tout en faisant jouir d'une exemption les personnes qui louent des appartements on faisait jouir en même temps de l’exemption de la plus grande partie de leurs contributions, les personnes qui sont le mieux en état de payer et que, par suite de la seconde disposition du gouvernement, au lieu de leur faire supporter une moitié ou un tiers en sus de leur cote, on ne leur faisait supporter, dans quelques villes, qu'un dixième ou un douzième, tandis que dans les petites villes et dans les communes rurales surtout, une moitié des contribuables payerait à ta décharge de l'autre moitié.

M. Lebeau. - Messieurs, je viens faire acte d'adhésion aux explications qui vous ont été données par mon honorable ami, M. Verhaegen. J'ai d'autant moins de scrupules à les appuyer, que dans le sens sous lequel l'honorable membre les a présentées, elles ont un véritable caractère de généralité. Car ce n'est pas seulement la ville de Bruxelles qui, sous bien des rapports, est victime des graves défectuosités de la loi sur l'impôt personnel ; ce sont presque toutes les villes du royaume.

Ainsi notamment, quant aux deux bases, les portes et fenêtres elle mobilier, il est une classe spéciale de contribuables dont il suffira d'indiquer la position à la chambre, pour faire ressortir au dernier degré d'évidence toute l'absurdité, quant à eux, de quelques-unes de ces deux bases. J'ai déjà indiqué quelle était cette classe de contribuables. Je veux parler des tenant hôtels, des aubergistes. Je dirai même que la loi, telle qu'elle est appliquée à cette classe de contribuables, me paraît constituer moins encore la preuve que la loi est mauvaise, que l'existence d'une fausse interprétation administrative, tant les conséquences vont vous paraître injustes.

Les aubergistes, que sont-ils autre chose que des industriels ? Comme tels, ils sont d'abord, si je ne me trompe, assujettis à une patente basée sur leur revenu présumé ; de plus ils sont imposés à la. double base des portes et fenêtres et du mobilier, sans que l'on considère que ces deux objets, au lieu n'être chez eux le produit de l'aisance et du luxe à leur usage personnel, sont pour ainsi dire les ustensiles indispensables à l'exercice de leur industrie ; de sorte qu'on pourrait dire, et être tout à fait dans la vérité, que la valeur considérable de leur mobilier et le nombre des portes et fenêtres qui existent dans leur hôtel, devraient être assimiles à des ustensiles ; que les auberges devraient être plutôt assimilées à des fabriques qu'à des maisons de particuliers. N'est-il pas inconcevable en effet que la mobilier, que les portes et fenêtres d'un hôtel, soit à Bruxelles, soit ailleurs, se trouvent imposés d'après le même principe que les portes et fenêtres et le mobilier de l'hôtel de tel gentilhomme, de tel grand propriétaire, riche à millions ?

Je dis que cela est véritablement absurde ; à tel point, je le répète, que j'ai de graves doutes sur la question de savoir si c'est à la législation elle-même ou à l'interprétation qu'elle a reçue, qu'il faut attribuer cette étrange anomalie, ce résultat injuste.

Je ne veux pas, dans une discussion de ce genre et lorsque la chambre est naturellement pressée d'arriver à une conclusion, insister davantage sur ces considérations. Je ne les aurais pas reproduites, si elles n'avaient un caractère de généralité que la chambre appréciera, et un caractère d'équité que personne ne pourrait nier.

Ce sera pour moi une raison de voter pour l'amendement du gouvernement, qui exempte ces deux bases.

M. de Garcia. - L'honorable M. Verhaegen a prononcé une grande vérité, quand il a dit que la justice distributive devait former les bases de l'emprunt qu'il s'agit de voter. Il a dit qu'il fallait prendre l'argent où il se trouvait. Cela est encore parfaitement vrai ; et si nous pouvons être divisés, ce n'est que sur les faits qui doivent servir de base à l'application de ces principes.

Quant à moi, je pense encore comme l'honorable M. Verhaegen que la contribution sur les portes et fenêtres est vraiment une contribution injuste et mal répartie. Je pense même que dans la réforme de la loi sur la contribution personnelle, il faudrait' faire disparaître complètement cette base et faire autant que possible rentrer son produit dans la valeur locative.

Les portes et fenêtres peuvent être une affaire de luxe comme elles peuvent ne pas l'être du tout ! En effet, l'ouvrier a besoin pour son travail manuel d'avoir des portes et fenêtres, et dans ce cas, les portes sont, un premier besoin, tandis que pour le riche, souvent elles ne sont qu'une affaire de luxe.

Je désire donc que, lors de la réforme de l'impôt personnel, ces observations soient prises en considération. A cet égard, je partage complétement l'opinion de l'honorable M. Verhaegen.

Je regrette de ne pouvoir être de l'avis de cet honorable membre, pas plus que de celui de l'honorable M. Lebeau, quant à la base du mobilier.

Généralement, messieurs, le mobilier est un objet de luxe. On vient nous parler des hôtels ; on vient nous citer cet exemple pour démontrer que l'impôt est injuste. Mais s'il y a une industrie qui ait prospéré dans le pays, au moins dans les grandes villes, je le demande, n'est-ce pas celle des hôteliers ? Depuis dix ans, on a vu remplacer de mauvaises auberges par des hôtels somptueux. L'impôt n'a donc pas été une entrave, et je crois qu'il doit être maintenu.

Messieurs, je reviens encore un instant aux principes de justice distributive dont nous semblons tous réclamer l'application.

Evidemment, si on veut en faire une juste application, il faut reconnaître que l'on rétablit dans la loi actuelle la base de l'impôt personnel relative au mobilier.

Devant les sacrifices demandés à tous les contribuables rien ne justifie l'exemption qu'on veut introduire dans la disposition en discussion. Cette mesure serait beaucoup plus juste que celle qu'on propose sur les fermiers et locataires. Ces locataires, qui ne peuvent faire argent de rien dans le moment actuel, qui ont été épuisés l'année dernière. Eh bien, comme je désire que la justice distributive préside à notre loi, je demande formellement que l'on rétablisse la base du mobilier. Je désire ne pas ôter au gouvernement les moyens de faire face aux besoins du pays ; je veux donc grossir ce chiffre pour pouvoir proposer une réduction que je regarde comme parfaitement juste.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, le but que le gouvernement veut atteindre est le même que celui que recherche la section centrale. On reconnaît qu'il faut trouver le moyen d'exempter une certaine catégorie de contribuables, ceux qui, à raison, de leur cote, doivent être considérés comme étant dans l'impossibilité de l'acquitter. Quel que soit le système auquel on s'arrête en définitive, on atteint plus ou moins ce but. Toute la différence qu'il y a, sous ce rapport, entre la proposition du gouvernement et celle de la section centrale, n'est qu'une différence du plus au moins. La question n'a pris plus d'importance.

Je crois cependant que la proposition du gouvernement est beaucoup plus sage, plus équitable, dans ses deux dispositions, que l'amendement proposé par la section centrale.

Faisons d'abord remarquer que la contribution personnelle pèse d'une manière énorme sur toutes les villes. Ainsi, quatre villes : Anvers, Bruxelles, Garni et Liège, payent ensemble 2,863,887 fr. 15 c, c'est à-dire, près de 3 millions, dans une contribution qui, en total, ne s'élève qu'à 9,136 209 fr. 89 c.

Il suit de là que les considérations que l'on fait valoir à l'appui de certains dégrèvements dans les villes, ont une importance notable dans la discussion.

Le gouvernement a été frappé des réclamations qui ont été faites, non seulement à l'occasion de la loi que nous discutons, mais presque de tout temps, contre les bases mêmes de la contribution.

Quelles sont les bases qui ont été le plus vivement critiquées dans la contribution personnelle ? En général, elles méritent toutes quelque critique ; mais quelles sont celles qui ont été le plus vivement critiquées ? C'est la base du mobilier et la base des portes et fenêtres. Pourquoi ces critiques ont-elles été élevées ? Parce que, en ce qui concerne les portes et fenêtres il y a une inégalité choquante, une inégalité que rien ne justifie entre le taux de l'imposition selon les localités. Quant au mobilier, on se fait une étrange illusion lorsque l'on suppose que le mobilier représente le luxe, la fortune. C'est l'erreur dans laquelle est tombé l'honorable M. Cogels, dans laquelle est tombé l'honorable M. de Garcia. Je vais m'expliquer.

Il est vrai, messieurs, qu'en principe, d'après la loi de 1822, cela devrait être ainsi ; niais la loi de 1822 contient deux exceptions qui la rendent complètement inefficace. Ainsi, le particulier le plus riche ne paye jamais pour son mobilier que d'après la valeur locative quintuplée de la maison qu'il habite. Qu’il ait un mobilier du 100,000 fr., s'il a une valeur locative de 4,000 fr., et c'est la valeur locative la plus élevée du royaume, il ne payera pour son mobilier qu'à raison de 20,000 fr. Tout au contraire, le particulier qui est obligé, à raison de son commerce, d'occuper une maison relativement petite, mais dans une rue marchande où les loyers sont à un taux très élevé, est contraint, s'il sous-loue une chambre, de payer toujours à raison de 5 fois ta valeur locative comme représentation de son mobilier.

Voilà les motifs, messieurs, qui ont engagé le gouvernement a écarter impitoyablement cette deuxième base, et j'insiste formellement pour qu'elle demeure écartée ; il n'y aurait aucune espèce de justice, aucune espèce d'équité à la maintenir. Par cette deuxième base on frappe ceux qui ne peuvent pas supporter l'impôt, avec l'intention, de faire le contraire et on n'atteint pas ceux qui peuvent le payer.

(page 1422) Le gouvernement a demandé une deuxième chose : c'est que l'emprunt fût réparti sur les habitants payant ensemble une certaine quotité des contributions. La section centrale demande en d'autres termes, que l'emprunt soit réparti entre les plus haut cotisés en somme, le gouvernement demande qu'il soit réparti sur les plus haut cotisés en nombre.

Hier, messieurs, vous avez admis, en ce qui concerne la contribution foncière, que la répartition aurait lieu suivant le premier de ces systèmes. Mais veuillez bien le remarquer, vous avez décidé que ce seraient les sept huitièmes les plus imposés en somme qui supporteraient la totalité de ce que vous avez à réclamer. Il suit de là, que dans aucun cas la surcharge ne peut être que d'un huitième. Ici vous prenez, soit la moitié soit une autre quotité, mais toujours une quotité qui s'éloigne beaucoup des sept huitièmes, et vous faites supporter la totalité de l'emprunt par ceux qui supportent d'ordinaire la part des contributions que vous indiquez.

Je dis qu'avec ce système vous ne savez pas à quelles conséquences vous pouvez arriver. L'honorable M. Cogels a fait des calculs purement hypothétiques. Sortons des hypothèses et entrons dans la réalité. Seriez-vous d'avis d'exempter ceux qui ont une cote de contributions de 100, 120, 140 francs ? (Non !non !) Evidemment vous ne seriez pas de cet avis. Eh bien c'est ce que vous faites. Je tiens des agents supérieurs de l'administration des finances avec qui j'en ai conféré ce matin que dans la ville de Bruxelles, et par le système de la section centrale, on irait jusqu'à exempter des cotes de 140 fr. Cela suffit, je pense, pour démontrer qu'il ne peut pas être admis et qu'il faut se rapprocher autant que possible du système du gouvernement qui consiste à répartir l'emprunt sur un plus grand nombre de contribuables, en exemptant toujours ceux qui ne peuvent pas payer. Pour atteindre ce but on prend ou la moitié ou les deux tiers les plus imposés et on leur fait supporter la totalité de la somme réclamée. Cela me paraît juste, équitable, et l'on est assuré de la sorte de ne pas faire payer les petits contribuables, que l'on veut exempter.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour faire les mêmes objections que vient de vous soumettre M. le ministre des travaux publics. Il est certain que ce qu'il vient de vous dire se réalisera : il y aura des cotes de 130, 140 et même 150 fr. qui, dans certaines localités, ne seront pas appelées à donner leur contingent à l'emprunt.

Je consentirai à ce qu'on exempte la base des portes et fenêtres, mais je ne donnerai pas mon assentiment, quant au mobilier ; ce serait favoriser en général la classe aisée au détriment de la classe pauvre.

Je désire cependant qu'on exempte de cette base les locataires qui louent des appartements. Ceux-là, certes, seront grevés, en ce sens qu'ils n'ont pas la faculté de faire estimer la valeur de leur mobilier, qu'ils doivent quintupler la valeur locative.

Messieurs, vous conviendrez avec moi, que la loi qui nous occupe a été conçue, examinée dans un moment où tous nous sommes préoccupés des événements. Selon moi, cette loi est injuste, en ce sens qu'elle ne tend pas à prendre l'argent là où il se trouve. Il est des classes qui sont moins surchargées que d'autres.

Nous cherchons par tous les moyens à employer la classe ouvrière ; eh bien, dans une séance précédente, l'honorable M. David vous a démontré qu'en mettant dans la gêne la classe la plus nombreuse du pays, cette classe n'aura plus le moyen d'acheter des vêtements et de se procurer les autres produits de l'industrie.

Toutefois, je sens la nécessité de donner au gouvernement ce qu'on pourra, pour parer aux embarras dans lesquels nous nous trouvons. Mais j'avoue que je ne puis adopter le projet tel qu'il est présenté ; d'un autre côté, je ne voterai pas contre, par le motif que le gouvernement a besoin de fonds et qu'en outre, le gouvernement en fait en quelque sorte une question de cabinet ; je ne veux pas qu'on puisse un jour venir me dire que j'ai contribué à renverser un cabinet dans un moment comme celui où nous nous trouvons. Dans ce cas, je devrai m'abstenir.

On a demandé d'exempter de la contribution personnelle les aubergistes et les commerçants qui louent des habitations dans des situations fort favorables à leur commerce. Mais si cette position est favorable à leur commerce, ils font des affaires en conséquence ; et d'ailleurs ils tiennent compte de tout, pour fixer le prix des marchandises qu'ils vendent. L'aubergiste qui doit payer un impôt personnel, fait payer au voyageur qui loge chez lui sa quote-part de cette contribution.

A entendre M. le ministre des travaux publics, il paraîtrait que ce sont les seuls citadins qui payent l'impôt personnel à Bruxelles.... Mais, messieurs, un grand nombre de campagnards aisés ont des hôtels à Bruxelles, et y payent un impôt personnel très élevé.

Messieurs, une chose qui m'a étonné, c'est de voir que l'impôt personnel est appelé à ne fournir que 6/12 à l'emprunt, tandis que l'impôt foncier est appelé à lui fournir 20/12.

Croyez-vous donc que la propriété soit généralement dans l'aisance ? Ne le pensez pas ; il en est autrement ; il faut habiter les campagnes, pour pouvoir apprécier la triste position où elles se trouvent.

Quant aux petits contribuables, je suis d'avis qu'il ne faut pas les imposer. Je crois que la contribution personnelle, par exemple, aurait dû payer à raison des 12/12, quand vous frappez l'impôt foncier à raison de 20/12, mais en exemptant le petit contribuable.

Mais, je le répète, la loi a été enfantée dans un moment où l'on ne peut guère s'occuper essentiellement de ces sortes de loi.

Enfin je le regrette, mais ne pouvant voter la loi et ne voulant pas voter contre, je m'abstiendrai.

M. Verhaegen. - Messieurs, l'on paraît être généralement d'accord sur la base des portes et fenêtres que le gouvernement, dans son amendement fait disparaître et que tout le monde considère comme injuste. Je n'ai donc pas à m'occuper de ce premier point.

Mais on n'est pas d'accord sur une autre base que je me suis permis de critiquer : je veux parler de la base du mobilier. On prétend qu'en exceptant cette base, on exempte les grands propriétaires, les grandes fortunes, en même temps qu'on exempte les marchands, les détaillants, les aubergistes ; mais j'ai tout lieu de croire, d'après les observations de M. Cogels, que cet honorable membre se propose de présenter un nouvel amendement pour faire exempter ceux qui seraient frappés injustement, tout en maintenant les grands propriétaires, car quoi qu'en ait dit l'honorable M. Eloy de Burdinne, les marchands, les détaillants qui ne sont pas dans une position brillante, beaucoup s’en fait, sont frappés d'une manière exorbitante. Je crains bien, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire tantôt, qu'en dépit de toute leur bonne volonté, de tout le patriotisme qui les anime, ils ne soient dans l'impossibilité de satisfaire à l'emprunt, si cette base était maintenue. Je citerai, par exemple, les marchands de la rue de la Madeleine. Dans les temps ordinaires, ils prospèrent, ils font face à leurs besoins, mais leur commerce est un commerce de luxe et qui tient à la mode ; or, ce genre de commerce est le premier qui souffre d'une crise.

Aussi leur débit est-il nul en ce moment. Ils ont des loyers qui s'élèvent jusqu'à 4,000 francs et plus, et ils ne peuvent s'en retirer qu'en sous-louant ; d'où résulte pour eux l'obligation de payer la contribution mobilière basée sur le quintuple de la valeur locative. Leur mobilier est donc évalué à vingt mille francs. Ils ont à payer de ce seul chef une contribution de deux cents francs et ils devraient payer en outre cette somme à titre d'emprunt. Cela est-il juste ? Cela est-il exécutable ?

Messieurs, atteindriez-vous votre but, en exemptant ceux qui louent des appartements ? J'en doute ; souvent vous exempteriez ceux qui n'ont aucun droit à l'exemption ; en effet il suffirait à celui qui habiterait un somptueux hôtel de sous-louer un appartement pour être exempté. L'exemption telle qu'on la propose donnerait donc lieu à des abus, et dès lors il faut établir une règle générale d'exemption pour le mobilier. Je sais bien que toute règle a ses inconvénients, mais il faut choisir celle qui en présente le moins. Au reste, il me serait difficile de formuler un système. Encore une fois, je reconnais en cette matière mon incompétence. Que l'on indique une règle qui offre toutes les garanties désirables, je suis prêt à m'y rallier. Mais je crois que c'est extrêmement difficile.

Pour les hôtels, on se borne à parler de ceux de Bruxelles. Mais l'honorable M. Lebeau et moi nous ne nous sommes pas occupés exclusivement de Bruxelles. Nous avons traité la question à un point de vue général.

Il est évident, messieurs, que les lois de 1822 ont été faites par les grands propriétaires contre les villes ; c'étaient des impôts destinés à dégrever les campagnes ; aussi Bruxelles, Anvers, Gand et Liége payent-ils le tiers de la totalité de l'impôt personnel. Bruxelles seul en paye le septième. Cela mérite de fixer l'attention de la chambre.

On dit que jamais les hôtels n'ont été plus prospères, et encore une fois on parle des hôtels de Bruxelles. Je l'admets pour les hôtels de premier ordre, pour les hôtels de premier ordre, pour les hôtels de la place Royale, de la rue de l'Evêque, de la rue Neuve. Mais je dis en même temps que les hôtels de deuxième et de troisième ordre sont loin de prospérer et se ressentent fortement de la crise.

Mais, je le répète, ne nous occupons pas seulement des hôtels de Bruxelles : demandons-nous quel est le sort des hôtels à Matines, Louvain, Alost, Tirlemont et même à Liège et à Anvers.

Est-ce que vous croyez que l'établissement des chemins de fer a fait prospérer les hôtels ?

Je crois donc avec l'honorable M. Lebeau que les hôtels qui payent la patente, la contribution personnelle en raison de la valeur locative et du mobilier évalué au quintuple de la valeur de ce mobilier, en outre un impôt spécial pour les appartements qu'ils louent, participent à l'impôt dans une proportion inégale, exorbitante, et que ce serait une injustice nouvelle ajoutée à tant d'autres que de comprendre, pour eux du moins, au nombre des bases de l'emprunt, la contribution basée sur le mobilier.

Quant à la question de savoir si, pour les bases admises par le gouvernement, il faut admettre l'exemption du quart en nombre des moins imposés ou bien le quart en somme, je crois que les observations de M. le ministre des travaux publiss feront réfléchir les auteurs de l'amendement appuyé par M. Cogels. J'espère qu'à cet égard-là de nouveaux développements seront encore donnés.

M. de La Coste. -Messieurs, l'amendement de la section centrale, comparé à celui du gouvernement, présenterait un résultat beaucoup moins favorable aux plus imposés. En effet, les plus imposés seront certains de payer le double de leurs contributions ; et si l'on prend au contraire le nombre des contribuables pour base, peut-être les plus imposés ne payeront-ils que le tiers ou la moitié en sus.

Ainsi, par exemple, suivant la proposition de la section centrale, les personnes qui tiennent des chevaux payeront pour chaque cheval 150 francs, y compris la contribution ordinaire de l'année ; on payera donc pour un attelage de deux chevaux 300 francs. Voilà, messieurs, une taxe somptuaire, certainement très élevée.

(page 1423) Cependant, messieurs, la question est réellement de savoir si les sacrifices auxquels les plus imposés doivent se résigner n’iraient pas, d’après les observations de l’honorable ministre jusqu’à la duperie ; c’est-à-dire si l’on n’irait pas jusqu’à exempter de la sorte des personnes qui, d'après la mesure de leurs moyens, peuvent être fort bien appelées et doivent être appelées aux sacrifices que le pays s'impose.

Les observerons de l'honorable ministre ont sous ce rapport beaucoup de force. Cependant celles de l'honorable M. Mercier ont aussi la leur. Peut-être concilierait-on les choses en prenant, au lieu de la moitié, les deux tiers de la somme.

Messieurs, en demandant la parole, j'ai eu principalement en vue de rencontrer une observation qui a déjà, sous des formes différentes, été répétée deux fois et qui pourrait influer sur votre décision relativement à une base d'emprunt que nous allons discuter. Je voudrais réserver la discussion à cet égard. Il s'agit de la base d'emprunt qui concerne les fermiers.

L'honorable M. de Garcia a proposé d'atteindre le mobilier afin de supprimer la base d'impôt qui concerne les fermiers locataires. L'honorable M. de Corswarem avait déjà annoncé l'intention d'augmenter l'emprunt sur les fonctionnaires dans le même but. Eh bien, messieurs ! je crois qu'on doit considérer ces questions isolément l'une de l'autre. En effet, M. le ministre de l'intérieur nous a déclaré plusieurs fois qu'il demandait une somme de 23 millions, et le compte du gouvernement, qui est inséré dans le rapport de la section centrale, fait monter ce qu'il demande à 27 millions et demi. Si donc vous retranchez la base relative aux fermiers, il reste encore 26 millions.

Nous pouvons donc réserver cette question, et j'espère bien que quand nous en viendrons à la discussion de cette base, le gouvernement, qui a fait tant de concessions à d'autres intérêts, voudra bien en faire une à nos principes, à des intérêts qui ne sont pas les nôtres, mais que par un esprit de justice nous croyons devoir défendre. Messieurs, veuillez remarquer avec quel désintéressement, j'ose le dire, ceux d'entre nous qu'on peut considérer comme chargés plus spécialement de défendre les droits des propriétaires ruraux ont agi. Nous avons invoqué le principe de l'égalité de la répartition ; mais en fait qu'avons-nous fait ? Nous avons constamment augmenté les charges qui pèsent sur nous. Messieurs, les propriétaires qui ne jouiront point de l'exemption payeront presque autant dans l'emprunt de 25 millions qu'ils auraient dû payer d'après les propositions primitives du gouvernement, dans l'emprunt de 40 millions. Car, y compris les huit premiers douzièmes, ils payeront 21 1/2 douzièmes de l'impôt foncier. Ils seront donc dégrevés seulement de 2 l/2 douzièmes sur les 24 demandés d'abord.

Ce qu'on demande en personnel retombera du reste sur eux comme sur tous les contribuables qui se trouveront dans la première catégorie.

L'honorable M. Verhaegen a bien voulu prendre tout à l'heure ce dont je le remercie, la défense de Louvain et de Tirlemont. Cependant, je pense que la question, quant aux portes et fenêtres, n'est pas tout à fait la même pour ces villes que pour Bruxelles. Au contraire, on détruit l'avantage que la loi leur donne.

Je crois que la thèse qu'a défendue l'honorable M. Lebeau est peut-être soutenable dans les circonstances extraordinaires où l'on se trouve, mais qu'il ne faudrait pas la considérer comme admise en principe par la chambre. Car je ne vois pas, quant à moi, pourquoi un homme riche qui loge en hôtel garni doit être plus ménagé qu'un contribuable qui habite une maison particulière. Or, ce serait là peut-être le résultat auquel on arriverait dans le système de l'honorable député de Bruxelles.

Je ferai encore remarquer que les propriétaires qui ont deux habitations, l'une à la ville et l'autre à la campagne, payent non-seulement dans la ville pour leur habitation de ville, mais payent encore pour leur habitation de campagne. Cela est, je crois, établi par l'article 61 de la loi sur la contribution personnelle. Eh bien ! Voilà, selon moi, une injustice, non pas envers ces propriétaires, mais envers les communes rurales. Car la cotisation de ces propriétaires ne comptera pas à la campagne dans la première catégorie et n'y concourra pas au dégrèvement des autres habitants.

- La clôture est demandée.

M. Mercier (contre la clôture). - Messieurs, la question dont il s'agit au second paragraphe me paraît de la plus haute importance ; je désirerais ajouter encore quelques observations qui ont été présentées dans le sein de la section centrale et exposer quelques faits. Je demande donc que la discussion continue.

- La clôture est mise aux voix. La chambre décide que la discussion continue.

M. Mercier. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics nous faisait remarquer tout à l'heure qu'avec le système de la section centrale, on ne savait pas où l'on allait, c'est-à-dire qu'on ne savait pas à quelle cote on s'arrêterait. Mais je répondrai à l'honorable ministre que ce vice est inhérent aux deux systèmes. Dans le système du gouvernement, on ne sait pas davantage à quelle cote on s'arrête, et bien plus on ne peut même apprécier quel sera le surcroît de charge que devront supporter les contribuables les plus imposés, tandis qu'on le connaît d'une manière très précise dans le système qu'il combat.

On a cité la ville de Bruxelles. Je doute fort que l'expérience ait été faite sur l'ensemble de toutes les sections, ce qui serait nécessaire, puisque c'est à leur ensemble que la disposition doit s'appliquer. Mais enfin il est possible qu'à Bruxelles on exempte des cotes assez élevées, parce que c'est la capitale, parce que c'est une ville de luxe.

Messieurs, la section centrale n'a présenté son système qu'après avoir consulté des faits nombreux et avoir entendu les observations de deux de ses membres dont l'un appartient à la ville de Gand et l'autre à la ville de Mons. Il résulte des recherches qui ont été faites à Gand et à Mons, que si l'on n'exemptait que la moitié en nombre, beaucoup de cotes infimes participeraient à l'emprunt. Il doit en être de même dans la plupart des villes du royaume.

Si l'on ne sait, ni dans l'un ni dans l'autre système, à quelle quotité on s'arrête, j'aime mieux qu'on se trompe en exemptant exceptionnellement quelques contribuables qui, à la rigueur, pourraient subir l'emprunt, que de courir le risque d'imposer de pénibles sacrifices à ceux qui ne pourraient les supporter.

C'est pour cela que je crois qu'il faut donner la préférence au système de la section centrale. Plus de petits contribuables seront exemptés et si, dans le nombre, quelques contribuables très rares, qui pourraient payer, sont exemptés, cet inconvénient sera compensé par le bien qu'on fera à une foule de petits contribuables.

- La clôture est demandée.

M. de Garcia (contre la clôture). - Messieurs, cette question est importante, car l'amendement présenté par la section centrale, en remplacement de la proposition du gouvernement, porte sur l'une des bases qui, dans l'intérêt de la classe des contribuables, doit attirer le plus notre attention, et cependant ce point n'est pas éclairci.

Le principe posé par le gouvernement a été mis en pratique en 1831. Je désire que le gouvernement nous dise si ce système n'a pas eu d'inconvénients, n'a pas produit de mauvais résultats. Sa réponse, à cet égard, doit avoir une grande influence sur mon vote. Décidément, si le système expérimenté, en 1831, n'a pas eu d'inconvénients, je le préférerai à un système nouveau, dont je ne puis mesurer toute la portée dans l'application.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, en 1831, l'expérience n'a pas été faite seulement sur quatre bases ; les six bases ont été atteintes ; mais alors on a réparti l'emprunt sur une partie des contribuables, pris en nombre, tandis que la section centrale propose maintenant de le répartir sur les contribuables les plus imposés qui payent ensemble une certaine somme.

Du reste, messieurs, je crois que toutes les opinions seraient conciliées si l'on adoptait la rédaction suivante :

« Elle sera répartie sur les contribuables les plus imposés payant ensemble, dans chaque commune, les deux tiers de cette contribution. »

M. Malou. - Je me rallie à cette rédaction. Le point essentiel est de maintenir, pour la contribution personnelle, le principe de faire peser l'emprunt sur les contribuables les plus imposés en somme et non pas sur un nombre déterminé de contribuables le plus imposés. En effet, sauf quelques cas très exceptionnels, si vous établissez l'exemption à raison de la somme et non à raison du nombre, vous exemptez beaucoup plus de contribuables et vous ne vous exposez pas à faire concourir à l'emprunt ceux qui n'ont qu'une cotisation minime.

Le but de l'exemption est de dispenser de la charge de l'emprunt le plus grand nombre possible de contribuables.

Dominé par cette considération, j'indique à M. le ministre, comme proposition meilleure, les contribuables payant en somme les trois quarts de la contribution ; de cette manière vous évitez tout à la fois l'inconvénient de frapper les petites cotes, et cet autre inconvénient qui a été signalé, de faire porter l'emprunt sur un nombre trop restreint de contribuables.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je me rallie encore plus volontiers à la proposition des trois quarts ; elle se rapproche davantage des idées du gouvernement.

- La discussion est close.

M. le président. - Je crois qu'il conviendra de voter séparément sur les paragraphes. (Adhésion.)

Le paragraphe premier, d'après la proposition de la section centrale, serait ainsi conçu :

« La seconde partie de l'emprunt sera égale à la moitié du produit de la contribution personnelle, déduction faite des centimes additionnels au profit des provinces et des communes. Moitié est exigible le 15 mai prochain, l'autre moitié le 15 juillet suivant. »

Le gouvernement a proposé l'amendement suivant :

« La seconde partie sera égale au montant de la contribution personnelle portant seulement sur la valeur locative, les foyers, les domestiques et les chevaux. Une moitié est exigible le 1er juin 1848 et l'autre moitié le 15 juillet suivant. »

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Quant au premier paragraphe, il faudrait, je pense, mettre aux voix la question de savoir si l'on admet les six bases, comme le propose la section centrale, ou seulement les quatre bases, comme le propose le gouvernement.

- La question de savoir si l'on admet les six bases est mise aux voix et résolue négativement. En conséquence la proposition de la section centrale n'est pas adoptée.

La proposition du gouvernement est ensuite adoptée.

« § 2 (proposition de la section centrale, à laquelle le gouvernement s'est rallié). Elle sera répartie sur les contribuables les plus imposés payant ensemble, dans chaque commune, la moitié du montant du rôle de ladite contribution. »

(page 1424) M. le ministre des finances (M. Veydt). - La chambre ayant décidé que l’emprunt ne porterait que sur les 4 bases, je proposerai de dire :

« Elle sera répartie sur les contribuables les plus imposés payant ensemble, dans chaque commune, moitié du montant du rôle de la dite contribution, afférant aux première, troisième, cinquième et sixième bases établies par la loi du 28 juin 1822 (Journal officier, n°15). »

M. Broquet-Goblet. - Je crois, messieurs, que l'article n'est pas complet, n'est pas conforme à ce qu'a voulu le gouvernement, ainsi que la section centrale. Il faudrait ajouter après le mot : « répartir » ceux-ci : « au marc le franc de leurs cotes respectives. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je me rallie à cette rédaction.

- Le paragraphe ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

L'article est ensuite adopté dans son ensemble.

Article 8

M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article 6 primitif devenu l'article 8.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - En conséquence des articles qui ont été adoptés par la chambre, il est nécessaire de modifier la rédaction de l'article 8. Je propose la rédaction suivante :

« Lorsque la division ne pourra s'effectuer d'une manière exacts, à cause de l'égalité des cotes, les contribuables que ces cotes concernent participeront à l’emprunt, mais en raison seulement du montant des cotes nécessaires pour compléter soit les 7/8 de la contribution foncière, soit des 3/4 des contribuables les plus imposés aux rôles de la contribution personnelle.

« Dans les communes où les rôles de la contribution foncière et de la contribution personnelle sont formés par sections, la répartition sera établie entre des contribuables qui doivent y concourir dans la commune et non dans chaque section en particulier. »

M. Delfosse. - Il faut modifier la fin du premier paragraphe proposé par M. le ministre des finances. Ce n'est pas les trois quarts de plus imposés qu'il faut dire, mais bien les 3/4 de la contribution personnelle ; on a décidé tantôt qu'on prendrait pour base le montant de certains cotes réunies et non le nombre des contribuables.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Oui ; l'observation est exacte.

M. Delfosse. - On a décidé que ceux qui participeraient à l'emprunt payeraient entre eux la part de ceux qui sont exemptes ; ceux qui se trouveront au bas de l'échelle des plus imposés, et dont les cotes seront égales, devront donc fournir ensemble ce qui manquera pour compléter non les 3/4 des sommes à recouvrer, mais la totalité.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, cette proposition des 7/8 et des 3/4 jette une certaine confusion dans la rédaction. Si nous faisions comme pour l'article 2, je crois que nous arriverions à une rédaction plus simple. Il faudrait dire ainsi :

« Lorsque la division ne pourra s'effectuer d'une manière exacte, à cause de l'égalité des cotes, les contribuables que ces cotes concernent participeront à l'emprunt, mais en raison seulement du montant des cotes nécessaires pour compléter, soit les 7/8 de la contribution foncière, soit les 3/4 de la contribution personnelle. »

M. Mercier. - Nous avons déjà voté une disposition qui indique comment les contribuables payant les 3/4 de la contribution personnelle ou les 7/8 de la contribution foncière devront supporter le quart ou le huitième restant. Mais il s'agit maintenant d'une disposition tout à fait secondaire ; il s'agit uniquement de dire quelles sont les contribuables qui, dans le cas de partage, entreront dans l'emprunt, et pour quelle quote-part ils y participeront.

M. le président. - M. Mercier propose de conserver les mots : « soit les 3/4 de la contribution personnelle.

- L'article 8 est mis aux voix et adopté.

Article 9

M. le président. - Nous arrivons à l'article 9 (ancien article 7).

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Cet article doit être ajourné jusqu'à ce qu'on ait statué sur la troisième base.

- La chambre, consultée, ajourne l'article 9.

Article 10

« Art. 10 (ancien art. 8). La troisième partie de l'emprunt sera égale à 5 p. c. de l'intérêt annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle sur des immeubles situés en Belgique.

« Elle sera payé au bureau du receveur de l'enregistrement, par moitié, le 1er juin elle 1er août 1848, par le propriétaire ou usufruitier de la rente ou de la créance, nonobstant toute convention contraire.

« Les poursuites auront lieu en matière d'enregistrement. »

M. le président. - Cet article n'est adopté par la section centrale.

M. le ministre des finances déclare ne pas se rallier à la suppression proposée par la section centrale.

M. de Denterghem. - Je prie la chambre de considérer que je me place sur le terrain désigné par la Constitution : Les membres des chambres représentent la nation. C’est du point de vue de l'intérêt général que je veux essayer de traiter une question ; ou bien, avant de puiser à une source, je veux voir ce qu’elle peut donner, parce que je ne veux pas la frapper de stérilité pour l'avenir.

Parce que les céréales ont été à des prix fort élevés pendant deux ans, on croit qu'une partie du numéraire est allée dans les campagnes ; Il y a là une immense erreur ; les pommes de terre ont manqué pendant une année, et l'année suivante les céréales n'ont donné que le quart d'une recolle ordinaire, d'où il est résulté que le fermier n'avait pas même le nécessaire pour sa propre consommation, d'où il est résulté que non seulement il n'avait pas de quoi vendre pour payer le loyer de sa ferme, mais il était encore dans l'obligation de vendre son bétail, sans l'avoir engraissé, ce qui constituait une seconde perte à ajouter à la première.

C'est ainsi que, pendant deux années de suite, il y a eu crise. A l'heure qu'il est, les céréales sont à un prix tellement minime, qu'il est en dessous d'un prix normal.

M. le ministre des travaux publics a dit dans une précédente séance que plus de 2,409 communes rurales ayant 3,243,425 habitants ne supportent que 19,789,634 fr. 80 c, tandis que 86 villes qui ont une population de 1,091,894 habitants supportent 10,859,684 fr. 13 c.

Pour la contribution personnelle :

Dans les villes : fr. 4 63 c.

Dans les communes rurales : fr. 1 25 c.

Pour les patentes :

Dans les villes : fr. 1 67 c.

Dans les communes rurales : 41 c.

Que voulait prouver M. le ministre par cette citation ? Que les villes comparées aux, campagnes payaient au-delà des proportions.

Mais M. le ministre oublie que toutes les classes opulentes refluant vers les villes, elles y font des dépenses considérables, une foule d'industries vivent toutes de ces dépenses alimentées pour la plupart par la sueur du fermier, et toute cette population qui vit du luxe ni jouit-elle pas d'une aisance bien plus grande que les fermiers ? A tel point que la classe moyenne dans les campagnes peut être comparée à la classe la plus pauvre dans les villes.

Voilà une habitation qui est une petite ferme, vous appelez l'homme qui l’habite fermier. Eh bien ! non, ce n'est qu'un ouvrier et son habitude constante d'une économie extrême rend seule son existence possible.

Parlez aux habitants des villes de se nourrir toute l'année d'un pain noir grossier, d'une soupe de lait battu mêlée avec un peu de farine et, quant à la viande, il n'en mange pas deux fois dans une année.

N'est-ce pas l'existence des plus misérables dans les villes ? Eh bien, c'est l'existence de l'ouvrier, du petit fermier ; c'est l'immense majorité des habitants dans la campagne.

Est-il étonnant après cela que 3,242,425 habitants produisent 19 millions 789,634 fr. de contributions et quand on pèse l'opulence des uns et la misère des autres, dites-moi, M. le ministre, si l'avantage de la proportion est encore pour les villes.

Si un homme opulent habite la campagne, c'est un bonheur pour la commune, parce qu'il fait travailler, parce qu'il fait plusieurs espèces de dépenses utiles à la population. Ce qui est une exception pour les campagnes est une position normale pour les villes.

Pour la contribution personnelle dans les campagnes, celui qui a des chevaux de luxe forme une bien rare exception, tandis que dans les villes, au contraire, celui qui n'a pas au moins un cheval et un voiture forme une exception.

Dans les villes, presque tout le monde a un personnel domestique plus ou moins nombreux, et chez qui trouvez-vous des domestiques dans les campagnes ?

Pour les patentes, mais tous ceux qui payent la patente habitent dans les villes. Les habitants des campagnes viennent à la ville les jours de marché ; ils achètent alors une foule d'objets sur le prix desquels on prélève ce droit de patente, et ainsi l'argent du fermier fournit ce produit à l'Etat aussi bien que celui des habitants des villes.

Quand j'entends un homme aussi éminent que M. le ministre des travaux publics donner de telles raisons, cela prouve qu'il n'en a aucune à citer qui soit juste.

Il s'agit du l'industrie agricole, elle qui mérite protection comme les autres. La matière première de cette industrie, c'est le sol ; et après deux années de crise, et lorsqu'on se trouve encore dans une espèce de crise, si on veut frapper la matière première de cet industriel, je dis que c'est s'exposer à le précipiter à sa ruine.

Ce n'est pas parce que cet industriel est plus à portée qu'il faut l'imposer aussi facilement, cela ne prouve pas la justice de l'acte.

Enfin, messieurs, il faut rester conséquent avec soi-même. Vous exigez des propriétaires fonciers de grands sacrifices. Mais cet argent que vous exigez des propriétaires, de qui doit-il provenir si ce n'est des fermiers ? Si le fermier ne paye pas ses baux, comment voulez-vous que le propriétaire foncier puisse vous donner de l'argent ? Il ne peut tirer de l'argent d’une caisse vide. Si vous êtes trop exigeants pour le propriétaire foncier, qu'en résultera-t-il ? C'est qu'il ne pourra donner au fermier le crédit dont il a besoin.

Messieurs, je ne dirai qu'un mot en passant sur un incident qui s'est élevé hier.

Je crois que les propriétaires payeront. J'en ai la conviction, parce que j'ai la plus grande foi dans leur patriotisme. Mais je n'hésite pas à dire que beaucoup de propriétaires seront obligés de lever des fonds pour payer l'impôt et qu'ils seront obligés de les lever à des conditions très onéreuses.

Messieurs, si le fermier est obligé de payer immédiatement ou plus tôt que de coutume son propriétaire, parce que ce propriétaire a des besoins extraordinaires, comment voulez-vous exiger que ce fermier qui va être obligé de payer son propriétaire, commence, d'abord par payer des (page 1425) contributions ? Evidemment si vous commencez par tarir les sources de la caisse, il sera d'autant plus gêné pour payer son propriétaire ; et est-il raisonnable d’exiger que l'on paye le gouvernement avant d'acquitter une dette personnelle ?

Messieurs, quand un vaisseau est dans un canal, on a soin de lui laisser l'eau nécessaire pour y voguer. Eh bien, messieurs, ne commencez donc pas par tarir les sources qui doivent fournir l'eau nécessaire.

Comment pourrait-on supposer qu'un industriel qui aurait repris un grand établissement, pourrait payer ses actionnaires alors que, par une cause quelconque, il serait obligé d'user de ses capitaux, pour solder une, obligation qu'il aurait contractée ? Evidemment il serait dans la nécessité de surseoir à l'un ou à l'autre.

Mais il est encore une chose qui me frappe. L'industrie agricole est une industrie comme une autre. Pourquoi veut-on la frapper deux fois, alors que l’on ménage les autres industries. Et non seulement on ne ménage pas l'industrie agricole, mais une partie des fonds qu'on veut aller chercher dans ses caisses va servir à donner l'existence à d'autres industries. Je ne m'élève pas contre cette mesure, j'en comprends la nécessité ; mais je crois qu'il faut de la modération, qu'il faut de la justice ; qu'il ne faut pas tout exiger de l’un à l'avantage exclusif de l'autre. Tous nous sommes intéressés au maintien de l'ordre ; eh bien, donnons tous chacun selon nos moyens et dans de justes proportions.

Messieurs, je finis en demandant que l'on supprime l'impôt qui concerne les fermiers. Il me semble impolitique et injuste.

Toutefois si la chambre croit qu'il est nécessaire d'exiger un sacrifice de la part de quelques fermiers, il faudrait au moins avoir égard à la majeure partie d'entre eux, et il ne faudrait imposer que les plus grands fermiers, dire, ceux qui ont les exploitations les plus considérables, c’est-à-dire ceux qui ont le moins souffert des crises que nous venons de traverser et qui se ressentent moins encore de la crise dans laquelle nous sommes.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, le projet de loi déposé le 16 mars dernier, portait le chiffre de l'emprunt à 40 millions jusqu'à la fin de 1848. Afin de répondre à la demande de la plupart des sections, le gouvernement s'est renfermé depuis dans un chiffre de 25 millions, pour les dépenses prévues d'ici au premier septembre. La première réduction opérée par nous a été de porter de la moitié au quart la troisième partie de l'emprunt à fournir par les fermiers ou locataires. Au lieu de trois millions, leur part contributive ne sera plus que de 1 million 500,000 fr. Malgré les objections que nous avions prévues, faut-il maintenir celle participation ? Pour la justifier il y a d'abord la nécessité. Les besoins auxquels il s'agit défaire face s'élèvent à plus de 37 millions, déduction faite de l'avance des 8/12, il reste plus de 25 millions. En bien, si nous n'avons pas la ressource de la troisième base, ou une augmentation équivalente, qu'il est bien difficile de trouver, il y aura déficit.

M. de La Coste. - Le produit de l'emprunt serait de vingt-sept millions.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Non ; en contrôlant de nouveau les appréciations du produit de chaque base, ou n'arrive qu'à 26,160,000 fr., et alors le produit des retenues sur les traitements et pensions est porté comme une rentrée à opérer d'ici au 1er septembre ; ce qui ne peut avoir lieu. La réduction provient de la quatrième base, les rentes et créances hypothécaires. Elle avait été évaluée à 2,500,000. Des investigations ultérieures et des renseignements pris dans trois bureaux importants doivent faire croire que le produit ne sera que de 1,500,00j fr. C'est même deux cent mille francs au-dessus des calculs que j'ai ici. En voici ses chiffres. Le total de la dette, hypothécaire pour tout le royaume est représenté, d'après cette appréciation, dont je ne puis garantir l'exactitude, car les données positives me manquent, à 632,418,569 fr. Le revenu de ce capital, au taux moyen de 4 p. c, est de 25,296,742 fr. et un emprunt de 5 p. c. de ce revenu s'élèverait à 1,264,837 fr.

Pour réaliser les 26,160,000 fr., il faut que toutes les rentrées aient complètement lieu et raisonnablement, personne ne peut compter sur un pareil résultat, malgré la précaution prise de prélever l’emprunt sur les contribuables réputés aisés. Il y aura un déficit, il y aura des non-valeurs, malgré la sollicitude de l'administration pour la rentrée de l'emprunt.

Voilà pour justifier la nécessité. L'admission de la troisième base se justifie au point de vue du l'équité par les considérations suivantes : les fermiers locataires constituent une classe de contribuables qui, sans la troisième base, reste pour ainsi dire complètement en dehors de l'emprunt. Leur quote-part dans la deuxième base, qui repose sur la contribution personnelle, sera insignifiante. La première base leur est étrangère, puisqu'ils devraient être propriétaires pour être atteints par elle, ils ne payeront pas comme porteurs de rentes ou de créances hypothécaires (quatrième base) ; ce n'est pas à de pareilles acquisitions qu'ils emploient leur argent. Ils n'ont rien de commun avec la cinquième base, qui ne concerne que les fonctionnaires. Or, pour une mesure comme celle dont il s'agit, le gouvernement a pensé qu’il ne fallait pas admettre d'exceptions en faveur d'une classe de la société, quel que soit d'ailleurs l'intérêt qu'elle inspire.

On a dit que, malgré l'intention manifestée par le législateur lors du vote de la loi des huit douzièmes, les fermiers ont, en grande partie, dû acquitter l'emprunt à la décharge des propriétaires. Je suis porté à croire que cela n’a pu exister que très exceptionnellement ; car les biens d'un même propriétaire sont réunis en un seul article du rôle et la division des cotes étant interdite, il aurait fallu qu'un locataire acquittât la totalité de la cote à la décharge des colocataires, si l'on exigeait d'eux qu'ils payassent à la décharge du propriétaire. Evidemment cela n'a pas eu lieu.

Voici encore un renseignement qui tend à le prouver. Afin d'éviter des déplacements nombreux aux propriétaires, ils ont eu la faculté d'acquitter toutes leurs cotes au bureau de leur domicile. Les versements ainsi opérés ont été considérables. Il résulte des renseignements recueillis jusqu'ici et qui sont loin d'être complets puisqu'ils ne se rapportent qu'à 70 bureaux, qu'une somme de 910.600 fr. a été perçue pour des biens situés dans d'autres communes. Les propriétaires ont donc payé eux-mêmes et si des fermiers ont payé, c'a été pour le compte des propriétaires et sous la condition d'en obtenir le remboursement.

M. Mercier. - Messieurs, presque toutes les sections ont rejeté cette base de l'emprunt et aucune ne l'a adoptée sans réserve. C'est qu’en effet cette base n'est pas juste. Elle frappe, en raison des bénéfices de son industrie, le cultivateur le moins aisé, celui qui ne possède pas la propriété ; elle exempte au contraire celui qui possède la propriété. Ainsi, messieurs, je serai cultivateur dans une commune et mes intérêts m'appelleront dans une autre commune ; je mettrai mes terres en location, dans ce cas ma propriété contribuera à l'emprunt ; si au contraire je la cultive moi-même, elle sera exempte. N'est-ce pas là une anomalie choquante ? Ensuite il me semble que toute législation doit reposer sur un principe et que ce principe doit recevoir une application générale sans privilège pour personne. Si ceux qui ne possèdent point la propriété sont imposés à raison de leur industrie, il faut aussi imposer le propriétaire qui cultive sa terre, le propriétaire qui possède des bois, des prairies qu'il exploite lui-même.

Quoi qu'en ait dit M. le ministre des finances, il est bien connu que, parmi les propriétaires, il s'en trouve qui tiennent rigoureusement à l'exécution des clauses de leurs baux, qui mettent à la charge des fermiers les contributions et emprunts éventuels. C'est en vain qu'on alléguerait que le fermier peut recourir aux tribunaux, il s'exposerait à être évincé et il compromettrait tout son avenir. C'est ce que les fermiers ne feront pas.

Messieurs, qu'on y fasse bien attention, l'industrie agricole est la seule qui, en ce moment, ne soit pas protégée contre la concurrence étrangère. Toutes les autres jouissent de la protection des tarifs ; cependant l'industrie agricole est la seule que l'on appelle à prendre part à l'emprunt, car les autres industries ne sont pas imposées, le droit de patente n'est pas compris dans le projet. Par suite de l'absence de toute espèce de protection pour l'agriculture, on voit tous les jours le prix des céréales baisser dans une proportion considérable. Le froment d'après les dernières mercuriales, est à 16 fr. 50 c. et le seigle à 10 fr. 30. S'il est heureux pour le pays qu'une telle baisse se soit manifestée dans les circonstances actuelles il faut bien convenir, au moins que ce sont encore les fermiers qui en souffrent.

Messieurs, ce n'est pas un emprunt forcé, mais en quelque sorte une contribution forcée que les cultivateurs ont eu à subir pendant les deux années que nous venons de traverser. Tous les jours des bandes de 2 à 300 mendiants se présentaient à leur porte ; certes, ils ont agi par bienfaisance, mais il n'eût pas été sans danger pour eux de ne pas faire à ces nombreux mendiants des aumônes qui dépassaient de beaucoup leurs propres facultés. Eh bien, c'est là une contribution énorme qu'ils ont dû supporter.

Il me semble donc, messieurs, que c'est une base on ne peut plus mal choisie, que celle qui frappe les fermiers à l'exclusion même des propriétaires qui sont en même temps cultivateurs et qui, par conséquent, se trouvent dans une proposition moins défavorable. J'insiste, pour que cette base ne soit pas admise.

On me demandera peut-être comment je couvrirais le déficit qui résulterait de la suppression de ta troisième base.

Messieurs, nous avons amélioré considérablement la base de la contribution personnelle, d'abord en supprimant les deux bases qui frappent principalement les villes, ensuite par la mesure qui avait été proposée par la section centrale ; il n'y aurait donc pas d'inconvénient à prendre un million de plus sur cette base, si la chose était nécessaire.

Le gouvernement, qui avait d'abord combattu le système de la section centrale, en ce qui concerne les billets de banque, ne me paraît pas éloigné de proposer aux chambres, soit immédiatement, soit un peu plus tard, une émission au profil de l'Etat ; si les ressources votées présentent une insuffisance d'un million, ce million se trouvera bien dans cette émission.

Dans tous les cas, nous obtenons un chiffre de 24,800,000, fr. sans celle nouvelle ressource ; M. le ministre des finances n'a évalué la contribution foncière qu'à 18 millions ; elle s'élève réellement à 18,360,00.fr. Nous arriverons donc à peu près à 25 millions, c'est le chiffre de dépense indiqué par le gouvernement.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Il me paraît que les honorables préopinants se sont préoccupés de la question qui nous est soumise à un point de vue entièrement erroné ; ils raisonnent comme si, dans la recherche des moyens pour couvrir l'emprunt, on avait voulu atteindre spécialement telle propriété, les propriétaires, les industriels, et ils en déduisent que c'est à tort qu'on vient frapper une catégorie d'industriels, les fermiers cultivateurs, à l'exclusion d'autres industriels qui ne sont pas atteints.

La pensée du gouvernement, en s'arrêtant à cette base, a été entièrement différente. Le gouvernement a recherché s'il n'y avait pas dans l'Etat un certain nombre d'individus en état de payer, et qui ne (page 1426) contribuent en aucune façon, sous quelque titre ou dénomination que ce soit, aux charges de l’Etat.

Le fermier cultivateur ne donne rien, s'il n'est pas propriétaire ; il ne donne rien ou presque rien à titre de contribution personnelle. M. le ministre des finances vient de dire que sur 700,000 maisons qui existent en Belgique, 340,000 ne sont pas atteintes par cet impôt. Cette exemption profite en grande partie aux campagnes ; car toutes les maisons d'une valeur locative de 20 fl., qu'elles soient situées à la ville ou à la campagne, ne sont pas soumises à l'impôt. Or, s'il existe peu de maisons d'une valeur locative de 20 fl. dans les villes, il en existe beaucoup dans les campagnes. Voilà donc que, de ce chef, les fermiers-locataires ne contribueront en aucune façon à l'emprunt que l'on doit lever sur le pays.

Est-ce qu'il est injuste de leur demander quelque chose, à titre d'emprunt, s'ils sont en position de payer quelque chose ? Du moment qu'ils sont en état de contribuer pour une part dans les charges extraordinaires de l'Etat, vous reconnaissez qu'il est juste de ne pas leur faire une position privilégiée.

Remarquez que non seulement ils ne contribueraient pas, à titre d'emprunt, mais qu'en thèse générale ils ne participent pas aux contributions directes du pays ; ils n'y participent pas à titre de leur industrie, tandis que les autres industries contribuent aux charges de l'Etat par la patente. (Interruption.)

Vous faites une assimilation entre l'industriel agricole et l'industriel manufacturier ; cette assimilation tourne contre vous, car l'industriel agricole ne paye pas d'impôt à titre d'industriel agricole ; l'industriel manufacturier paye un impôt à titre d'industriel.

Ainsi, il y a une exemption particulière au profit de cette catégorie d'industriels, pour les impôts ordinaires.

Si vous ne demandez pas à ces contribuables leur concours, qu'arrivera-t-il ? Il arrivera, pour un grand nombre d'entre eux, que le propriétaire leur fera supporter l'impôt foncier ou sa quotité dans l'emprunt, nonobstant la disposition de la loi.

Si, au contraire, les fermiers locataires sont tenus de fournir une part contributive quelconque, alors le propriétaire sera bien obligé de garder pour son compte, la part de contribution qui est réclamée de lui.

On a parlé de la crise qui a atteint les fermiers en 1845 et en 1846. Il s'agit là d'abord d'une crise passée, et vous ne prenez pas trop en considération la crise qui pèse actuellement sur l'industrie et qui ne l'empêchera pas de payer ses impôts, et de contribuer largement à l'emprunt.

Ne faites donc pas, dans les circonstances où nous sommes, une comparaison entre la position des industriels manufacturiers et celle des cultivateurs ; s'il y a avantage pour les uns, ce n'est certainement pas pour les manufacturiers ; on ne sait pas jusqu'à quel point existe encore aujourd'hui une fortune industrielle, en sait encore parfaitement ce que représente la fortune agricole.

La question se ramène donc au point de savoir si les fermiers auxquels on veut s'adresser sont en état de payer. Leur demande-t-on une part si considérable à titre d'emprunt ? Non, il s'agit en réalité d'une très petite somme qui ne représente pas deux francs par hectare tenu en location.

Voilà la somme contre laquelle vous vous récriez si fort, comme si la ruine allait s'ensuivre immédiatement. Cette part contributive est donc tout à fait insignifiante ; et si vous considérez que la propriété est très morcelée en Belgique, il est impossible de supposer qu'aucun d'eux ne soit en position de payer cette quote-part.

M. Eloy de Burdinne. - Ils sont en arrière de deux ans pour le payement de leurs fermages.

M. Cogels. - Indépendamment des motifs qu'a fait valoir la section centrale, il y en a un pour moi de refuser mon assentiment à la troisième base : c'est l'impossibilité de l'établir. En effet, je ne sais comment on parviendrait à former les rôles.

Il est bien vrai que, dans certaines de nos provinces, il y a de grands locataires. Mais il y en a d'autres, notamment les Flandres, le Brabant, la province d'Anvers, où beaucoup de terres sont louées sans baux, par petites parties, Dans la commune même, on ne connaît pas les locataires, parce que les grands propriétaires font l'avance de la contribution. Les locataires ne sont pas connus des percepteurs. Je dois dire qu'il est impossible de les connaître.

Je pourrais citer une propriété où il y a 382 locataires, et où la contribution n'est pas payée par eux au percepteur. Ces locataires qui habitent neuf communes différentes, il serait impossible de les atteindre. Ce sont d'ailleurs la plupart des ouvriers ne cultivant que pour les besoins de leur propre consommation, et jouissant de peu d'aisance.

Vous ne faites donc aucune exception en faveur des petites cotes. C'est cependant là que sont les personnes qui sont le plus hors d'état de payer.

Ce sont des locataires qui louent au journal ou à la verge. Vous aurez pour eux la plus grande difficulté.

D'ailleurs je ne sais si le gouvernement ne s'est pas trompé sur le produit présumé de cette base. Il est évalué à 1,500,000 fr. C'est supposer que la moitié des propriétés sont tenues en location. Or des propriétés exploitées par les propriétaires eux-mêmes, il faudrait distraire des propriétés livrées à la culture d'autres propriétés, comme les bois, prairies, etc., auxquelles vous ne faites supporter aucun supplément de contribution. Je ne pense pas qu'il reste alors moitié pour les propriétés tenues en location.

M. le ministre des finances a dit qu'il fallait une réserve pour pourvoir aux cotes irrécouvrables. Le système suivi par la chambre a fait disparaître en grande partie la nécessité de cette réserve ; car en exemptant les petites cotes vous n'aurez presque plus des cotes irrécouvrables.

M. le ministre des finances a dit que lorsque le fermier faisait des économies il les plaçait en biens-fonds, et non en rentes ; que par conséquent il n'avait pas de ce chef à contribuer à l'emprunt.

Singulière faveur ! Pour les rentes il ne payerait que 5 p. c. du revenu ; pour la propriété foncière il paye dix pour cent ; il a donc le triste avantage de payer le double du rentier.

On a dit encore que l'emprunt doit peser sur celui qui est en étal de payer. Je pose en fait que ce ne sont pas les petits locataires de terres arables. Il y en a plusieurs hors d'état de payer. Ce sont des ouvriers qui cultivent la terre pour les besoins de leur ménage, et qui, ne trouvant plus aucune ressource dans leur industrie, sont dans une véritable misère.

On a dit encore que les fermiers étaient exempts de la contribution personnelle. Ceci n'est pas exact. Tous les fermiers occupent des maisons qui payent plus de 20 florins ; ils payent donc la contribution personnelle.

On vous a dit encore que l'industrie agricole était exempte de toute espèce de charges. On ne tient aucun compte de la contribution foncière ; on dirait que c'est la propriété de l'Etat. Mais que représente l'impôt foncier ? L'impôt sur l'industrie agricole : vous prélevez une part beaucoup plus forte que celle que vous prélevez sur les autres industries.

Je ne pense pas qu'il y ait aucune autre industrie où le droit de patente représente une aussi forte part des bénéfices réalisés, c'est-à-dire dix pour cent du revenu.

On accuse les propriétaires d'avoir en vue de substituer leurs propres intérêts à celui des fermiers. Mais la cause que je plaide n'est pas celle des propriétaires. C'est celle des petits locataires qui seraient hors d'état de payer l'impôt.

Cette base donnerait lieu à des embarras infinis. Je persiste à l'écarter.

Plusieurs membres. - La clôture.

M. de Theux. - Si la chambre est décidée à rejeter cette base de l'emprunt, je n'insiste pas. Mais s'il n'en est pas ainsi, j'insiste pour avoir mon tour de parole. J'ai à présenter des observations importantes qui n'ont pas encore été présentées, et qui sont de nature à exercer une grande impression sur l'assemblée.

- La clôture est mise aux voix, elle n'est pas adoptée ; en conséquence la discussion continue.

M. de Mérode. - (Nous donnerons son discours.) (Note du webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé dans les Annales parlementaires).

(page 1426) M. de Theux. - La chambre a hâte de terminer cette discussion. Je serai donc court dans les observations que j'ai à lui présenter.

M. le ministre des travaux publics a dit qu'il fallait prendre l'argent où il se trouve. S'il se trouvait chez le cultivateur, je pourrais jusqu'à un certain point adhérer à cette maxime. Mais m'appuyant sur une autre maxime, qui est qu'il faut donner du travail, je la combattrai surtout par cette considération importante.

Ceux qui vivent au milieu des paysans ont pu remarquer que, depuis trois ans, il y avait une énorme diminution du travail agricole. De 1845 à 1847, il y a eu cherté des vivres et en outre chez la plupart des cultivateurs pénurie d'argent. Il en est résulté que les cultivateurs exploitants se sont abstenus autant que possible de prendre des ouvriers.

Cette année, pourquoi le travail manque-t-il ? Le blé étant à bon marché, les fermiers n'ont pas fait d'argent. Il en est résulté qu'ils ont également fait travailler moins. C'est à tel point que quand je suis allé à la campagne, la première personne que j'ai rencontrée m'a dit : Mon existence a été plus misérable que l'année précédente. Depuis le mois de décembre, ni moi ni mon fils n'avons eu une journée de travail. Voilà le premier travail que nous avons.

Ce sont des vérités qu'il est bon de connaître.

Dans les Flandres, les cultivateurs aisés doivent faire de grandes dépenses pour les engrais, notamment pour la culture du lin, du tabac, du houblon. Eh bien, j'ose encore affirmer que les fermiers, en général, ont restreint considérablement la dépense des engrais, parce qu'ils n'avaient pas de capitaux suffisants.

Messieurs, nous avons souvent témoigné beaucoup de sollicitude pour les pauvres des Flandres. Si nous ne voulons pas aggraver la misère qui règne dans ces provinces ; si nous ne voulons pas tarir la seule source de travail qui existe encore, n'enlevons pas aux cultivateurs leurs ressources.

Au point de vue de la justice, il a encore une observation plus spéciale en ce qui concerne les locataires. L'honorable M. Mercier vous l'a dit, la culture est aujourd'hui privée de toute protection. Elle ne jouit pas même de la protection du droit fixe que le ministère lui a promise. Mais, messieurs, qui souffre surtout de l'absence de cette protection ? N'est-ce pas le cultivateur qui a contracté des baux sous l'empire des lois protectrices ?

Voilà donc un motif tout spécial pour ne pas frapper le cultivateur.

Il fait à la chose publique des sacrifices tout autrement importants que l'emprunt dont il s'agit. Oui, messieurs, établissez un droit fixe, une protection quelque modérée qu'elle soit pour les cultivateurs, et les cultivateurs porteront volontiers à l'Etat ce qu'on leur demande dans le moment actuel. Mais alors qu'ils font ce sacrifice aux habitants des villes ne venez pas leur en imposer un autre. Il y aurait une flagrante injustice.

L'honorable ministre des finances et, après lui, l'honorable ministre des travaux publics vous ont dit qu'à la campagne un grand nombre de maisons sont exemples de l'impôt personnel. Messieurs, je rappellerai (page 1427) ce que j'ai dit dans cette enceinte, il y a deux ans : la loi sur l'impôt personnel est violée par les agents du gouvernement dans les campagnes, en ce sens que tous les jours on soumet à l'impôt personnel des maisons qui n'ont pas une valeur de 20 florins. Et comment s'y prend-on ? On dit : Nous allons vous taxer modérément ; vous payerez très peu de chose ; et une fois qu'on les a frappés, on prend soin d'augmenter plus tard la cote.

Quelles sont les maisons aujourd'hui exemptes dans les campagnes ? Ce ne sont que les maisons des pauvres journaliers ou des petits cultivateurs qui peuvent à peine suffire à leur existence. Mais toutes les autres maisons sont aujourd'hui atteintes.

Un membre. - C'est une exagération.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - C'est sous votre ministère que ces faits se passaient.

M. de Theux. - Pardonnez-moi. Je me suis plaint il y a deux ans et j'ai sur ce point appelé l'attention toute spéciale de M. le ministre des finances de cette époque.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il fallait faire cesser l'abus.

M. de Theux. - C'est l'affaire des receveurs des contributions et non l'affaire spéciale du ministre des finances. Mais je dis qu'il y a une tendance générale à faire entrer parmi les contribuables les maisons qui ont été exemptées jusqu'à présent.

Messieurs, nous venons encore, il n'y a qu'un instant, lorsque nous avons voté l'emprunt sur la contribution personnelle, de dégrever les villes au préjudice des campagnes.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Pas du tout.

M. de Theux. - M. le ministre des finances a dit que l'impôt sur le mobilier, que l'impôt sur les portes et fenêtres pesaient particulièrement sur les villes et c'est pour ce motif qu'il nous a demandé l'exemption.

Messieurs, une dernière observation.

M. le ministre des finances a dit qu'il y aurait peut-être dans les bases de l'emprunt une insuffisance qui peut être évaluée à un million. Mais, messieurs, c'est là une pure hypothèse. On est généralement d'opinion que l'emprunt basé sur les rentes et les intérêts des capitaux, dépassera la somme prévue par le ministère. Mais si le contraire arrivait, si réellement il y avait insuffisance de quelques centaines de mille francs, la nouvelle législature qui aura à s'occuper encore de cette question ne pourra-t-elle pas y pourvoir ? La nouvelle assemblée sera certainement réunie au mois de juillet prochain.

Vous ne pouvez, messieurs, consacrer une injustice ; et prenez-y garde, gardez-vous de faire croire à la campagne qu'elle doit être taillée à merci.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, je ne me serais pas levé pour répondre aux observations qui ont été présentées par l'honorable M. de Theux et qui avaient été annoncées comme fort importantes et fort nouvelles, quoique je pense qu'elles n'aient rien appris de nouveau à la chambre. Mais je suis obligé de protester contre les dernières paroles de l'honorable membre.

L'honorable membre veut faire accroire que dans la pensée du gouvernement, dans la pensée de ceux qui ont proposé la base que nous défendons, il s'agirait d'exploiter les campagnes, de les considérer comme taillables et corvéables à merci. Or, messieurs, je porte le défi à l'honorable membre d'établir d'une manière un peu satisfaisante que l'impôt direct soit inéquitablement réparti entre les villes et les campagnes. J'ai posé des chiffres ; les chiffres sont plus éloquents que toutes vos paroles. Elles établissent d'une minière incontestable, irrécusable, évidente, que l'impôt foncier, que l'impôt personnel, que les patentes pèsent dans une proportion énorme sur les villes.

J'ai établi, et ceci est encore resté sans réponse dans cette discussion, que la classe des personnes que nous avons en vue par la proposition du gouvernement, ne supporte que peu de charges dans les temps ordinaires, et moins encore dans les temps calamiteux où nous sommes. Ce qu'il fallait établir, c'est que j'étais dans l'erreur ; il fallait prouver qu'ils étaient surchargés d'une façon quelconque, qu'ils payaient en temps ordinaire ce qu'ils ne devaient pas payer et que dans les circonstances où nous nous trouvons on réclamait d'eux ce qui leur est nécessaire. Or, ils payent peu de chose en temps ordinaire. Ils ne payent rien à titre de l'impôt foncier ; c'est le propriétaire qui paye, ils ne payent rien à titre de la contribution personnelle ; car la somme produite de ce chef est tout à fait insignifiante. Ils ne payent rien à titre de la patente.

Tout ce qu'on peut dire, c'est que, par suite de la crise alimentaire que nous avons traversée, il y a eu pour les classes ouvrières des campagnes des douleurs, de grandes douleurs.

Mais il faut dire aussi que ces douleurs ont été immenses, et plus grandes encore, pour la classe ouvrière dans les villes. Vous parlez aujourd'hui du travail qui manquerait dans les campagnes, parce que le grain est à bon marché et qu'on ne pourrait rémunérer les travailleurs.

Mais à qui persuaderez-vous qu'il n'est pas d'une coutume constante de rétribuer les travailleurs agricoles en denrées ?

Plusieurs membres. - C'est une erreur.

Un membre. - Cela ne se passe que dans la province de Liège.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - On dit que ce n'est que dans ma province que cela se pratique ainsi.

M. Dolez. - Et ailleurs aussi.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Cela se fait assez généralement.

Plusieurs membres. - Non, partiellement.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Et puis, messieurs, quand l'objection de l'honorable M. de Theux serait vraie, sous ce rapport, est-ce qu'elle ne subsisterait pas également pour les autres classes de travailleurs ? Est-on mieux en position de les rétribuer et de leur donner du travail ? Est-ce uns condition exceptionnelle pour les travailleurs de la campagne ?

Je ne vois donc ni raison, ni justice, ni équité à vouloir affranchir les fermiers de toute intervention dans l'emprunt et, je le répète, on dira et on pensera qu'ils ont été affranchis pour fournir aux propriétaires fonciers le moyen de récupérer sur eux leur part de l'emprunt.

M. de La Coste. - Je conviens, messieurs, que dans toutes les classes de la société il y a des douleurs. Je conviens que l'industrie est fortement atteinte ; je conviens que toutes les propriétés en dehors de la propriété foncière sont peut-être plus atteintes qu'elle ; mais, messieurs, après tout ce que nous avons déjà voté, il me reste un vœu à former, c'est que toutes les fortunes qui restent debout à côté de la fortune foncière, apportent volontairement leur part à l'emprunt dans la même proportion que la propriété foncière. J'attends cette marque de leur patriotisme, et là nous trouverons plus que dans ce million qu'il s'agit de faire supporter par les cultivateurs. (Interruption.)

Je reconnais le talent, la présence d'esprit, les moyens oratoires de M. le ministre des travaux publics, mais je reconnais aussi l'inutilité de lui opposer des objections, car il les regarde toujours comme nulles et non avenues.

Il y a ici, messieurs, une question plus importante que toutes les autres, c'est une question de bonne foi. Eh quoi ! messieurs, dans ce premier emprunt voté si patriotiquement, mais dont toute la charge a été supportée par les propriétaires, lorsqu'on est venu le proposer à cette tribune, qu'a dit l'honorable M. d'Elhoungne ? Il a dit, messieurs : « Notez bien que la section centrale ne vous le propose que parce qu'il frappe uniquement le propriétaire et que le fermier n'y sera pour rien. » Messieurs, nous avons admis l'emprunt à cette condition. Quelqu'un de nous peut-être a dit : Mais enfin nous avons nos baux, nous verrons ce qu'il en sera, nous verrons si nous en ferons usage. Mais il est certain que lorsqu'ils auront vu l'état des campagnes, ils ont dit : Nous ne ferons pas usage de nos baux, nous en ferons le sacrifice à la paix du pays, et ce sacrifice, nous l'avons fait volontairement, le gouvernement ne voudrait-il pas aussi faire un sacrifice ? J'espère, messieurs, que le gouvernement n'insistera pas sur cette base de l'emprunt.

- La clôture est prononcée.

La proposition est mise aux voix par appel nominal.

94 membres sont présents.

67 rejettent.

27 adoptent.

En conséquence la proposition n'est pas adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. de Bonne, de Brouckere, de Chimay, de Foere, Delfosse, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumont, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos., Orts, Osy, Pirmez, Rogier, Sigart, Tielemans, Troye, Verhaegen, Veydt, Anspach et Cans.

Ont voté le rejet : MM. d'Anethan, Dautrebande, David, de Breyne, Dechamps, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, Desaive, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Huart, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Duroy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Faignart, Henot, Herry-Vispoel, Huveners, Le Hon, Lejeune, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban, Raikem, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Broquet-Goblet, Bruneau, Clep et Cogels.

Article 9

M. le président. - Nous revenons maintenant à l'article 7 (devenu l'article 9).

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Cet article devra être rédigé comme suit :

« Il sera formé des rôles spéciaux pour le recouvrement des deux premières parties de l'emprunt. Ces rôles seront arrêtés et rendus exécutoires par les gouverneurs. »

Article 10

« Art. 10. Les privilèges du trésor public pour le recouvrement des trois premières parties de l'emprunt sont les mêmes qu'en matière de contributions directes.

« Les poursuites s'exerceront d'office à la diligence des receveurs, sans autorisation préalable. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Cet article a été supprimé par la section centrale ; elle l'a supprimé comme étant une conséquence de la proposition qu'elle a faite à l'égard de la troisième base ; il faut que l'article soit maintenu, car il concerne les deux bases qui out été maintenues.

- L'article 10 est adopté.

Article 11

« Art. 11 (projet du gouvernement). La quatrième partie de l'emprunt sera égale à 5 p. c. du produit annuel des rentes perpétuelles et des capitaux prêtés à terme et (page 1428) garantis par des hypothèques conventionnelles sur des immeubles situés en Belgique.

« Les sommes payées à titre d'intérêts sont seules comprises dans le produit servant de base à l'emprunt.

« Elle sera payée, par moitié, le 1er juin et le 1er août 1848, par le propriétaire ou usufruitier porteur du titre constitutif de la rente ou de la créance, nonobstant toute convention contraire.

« Les poursuites auront lieu comme en matière d'enregistrement. »

« Art. 11 (projet de la section centrale). La quatrième partie de l'emprunt sera égale à 5, p. c. de l'intérêt annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle sur des immeubles situés en Belgique.

« Elle sera payée au bureau du receveur de l'enregistrement, par moitié, le 1er juin et le 1er août 1848, par le propriétaire ou usufruitier de la rente ou de la créance, nonobstant toute convention contraire.

« Les poursuites auront lieu comme en matière d'enregistrement ; sont exceptées les rentes et créances inférieures à 5 francs de redevance annuelle.»

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je me rallie à la rédaction de la section centrale. Mais doit-on insister pour que les rentes de 5 fr. soient exemptées ? Je crois que cela n'en vaut pas la peine. Ces rentes payeront 25 centimes. Je crois que leur propriétaire pourra payer cette somme. Il pourra arriver encore que le même propriétaire possède un grand nombre de ces rentes.

M. Delfosse. - L'observation de M. le ministre des finances est juste. Pour y avoir égard il faut modifier l'amendement de la section centrale, en ce sens que l'exemption porterait non sur les rentes de 5 fr., mais sur ceux qui n'ont pas plus de 5 fr. de rente.

L'amendement de la section centrale, ainsi modifié, permettrait d'élever le chiffre de 5 fr. ; on pourrait exempter ceux qui n'auraient pas, par exemple, 20 ou 50 fr. de rente. Si l'Etat s'adresse aux très petits rentiers, il y aura une grande complication d'écritures et on mettra beaucoup de personnes en mouvement pour amener un résultat insignifiant. L'Etat ne doit pas s'adresser à un citoyen pour avoir, à titre d'emprunt, moins d'un franc ; vous avez suivi ce système pour l'impôt foncier et personnel.

Je regrette que la section centrale, n'ait pas admis que les rentes et créances passives seraient déduites des rentes et créances activés. Cette ' déduction était cependant de toute justice. Avec le système du gouvernement on peut frapper, non seulement ceux qui n'ont rien, mais même aux qui n'ont que des dettes. Si on est à la fois créancier et débiteur de 10,000 fr., on n'a rien du tout, et cependant on devra prendre part à l'emprunt, on devra encore y prendre part, dans la même proportion, si on est créancier d'une somme de dix mille francs et débiteur d'une somme de 20,000 ; c'est-à-dire si on a 10,000 fr. de dettes. Non seulement on veut prendre l'argent là où il n'y en a pas, mais même là où on en doit ; cela ne me paraît ni juste ni raisonnable.

La section centrale a opposé que les impôts reposent sur des fictions ; mais il ne faut pas que les fictions aillent trop loin, et il y a souvent une réalité, où l’on ne voit qu'une fiction. Quand un propriétaire paye intégralement l'impôt foncier, bien que son domaine soit grevé de charges hypothécaires, il paye tant pour lui que pour les créanciers avec lesquels il partage son revenu ; la partie du revenu qui passe aux créanciers paye l'impôt par l'entremise du propriétaire, mais celui-ci en est dédommagé sans qu'on s'en doute.

L'exemption d'impôt dont les créances hypothécaires ont joui jusqu'à présent, a fait affluer les capitaux vers ce genre de placement ; il en est résulté que les propriétaires-emprunteurs ont obtenu des conditions plus avantageuses.

La créance hypothécaire se trouvait donc implicitement imposée en la personne du propriétaire ; on va l'imposer spécialement ; on a raison, les circonstances exigent cette mesure, mais c'est aller trop loin que de ne pas déduire les créances passives des créances actives.

M. Cogels. - Malgré la nouvelle entrave que cet impôt doit apporter aux transactions hypothécaires, je ne le combattrai pas. Mais je voudrais seulement une modification à la rédaction du troisième paragraphe de l'article ainsi conçu : « Elle (la quatrième partie de l'emprunt) sera payée, par moitié, le 1er juin et le 1er août 1848 par le propriétaire ou usufruitier, porteur du titre constitutif de la rente ou de la créance, nonobstant toute convention contraire ». Cette clause « nonobstant toute convention contraire » a été évidemment introduite dans l'intérêt du débiteur. Je crois qu'il me sera facile de prouver que c'est le débiteur qui en souffrira le plus.

L'application très large qu'on a faite de la législation sur les sursis a déjà rendu les emprunts sur des hypothèques très difficiles pour les personnes engagées dans le commerce ou dans l'industrie. La disposition proposée accroîtra les prétentions des bailleurs de fonds, et tout en établissant d'une manière permanente un surcroît de charges pour le débiteur, elle éloignera les prêteurs et empêchera de nouveaux placements pour hypothèques.

Sans doute, là où il n'existe aucune stipulation il est naturel que vous imposiez cette charge au propriétaire de la rente. Mais le pouvez-vous équitablement, lorsqu'il y a un contrat contenant la clause contraire ? Le débiteur de bonne foi, l'homme loyal, qui a véritablement de l'honneur et de la probité ne profitera pas du bénéfice de la loi. Celui qui aura moins de délicatesse en profitera. Les contrats qui contiennent cette clause ont, en raison de cette clause même, stipulé un intérêt moindre. Je propose donc d'introduire dans l'article une modification consistant à dire « sauf toute convention contraire » au lieu de « nonobstant toute contention contraire ».

Lorsqu'il y a stipulation, il serait immoral de la détruire. Vous ne pouvez détruire des conventions faites entre parties.

M. de Garcia. - C'est la première fois qu'une loi vient frapper les rentes d'impôt ou plutôt d'un emprunt. Quant à moi, je regarde la loi comme essentiellement juste, surtout à titre d’emprunt ;car, d'après les observations qu'a faites l'honorable M. Cogels, il y aurait quelques difficultés à en faire un impôt régulier. En effet, devenu impôt régulier, il nuirait aux intérêts du cultivateur, qui a besoin d'hypothéquer son bien pour donner vie à son industrie. A ce point de vue, cet impôt offrirait quelque danger. A ce titre, je n'en veux pas.

Mais à titre d'emprunt, j'aurais voulu que les rentes eussent été frappées de sommes plus fortes.

Je dirai un mot sur l'amendement que vient de proposer l'honorable M. Cogels. Je suis étonné qu'il n'ait pas fait une proposition de même nature à propos de la contribution foncière ; car il y a des baux qui ont une portée aussi générale que les contrats de rente dont il a parlé. Je crois que, sous ce rapport aussi, il y a certaines exceptions.

Plusieurs membres. - Ce n'est pas une exception. Tous les baux contiennent celle clause.

M. de Garcia. - Permettez-moi, messieurs, de vous dire que vous êtes dans l'erreur. D'abord mes baux ne contiennent pas cette clause. Je n'ai jamais voulu faire supporter au cultivateur cette chance aléatoire, parce que, s'il s'agit de charges extraordinaires, je suis plus à même de les supporter qu'un ouvrier ; car ici le cultivateur n'est qu'un ouvrier.

Je reviens à l'observation de l'honorable M. Cogels. Nous connaissons tous les principes généraux du droit : en règle générale, il ne faut pas admettre dans les lois des dispositions qui aient un effet rétroactif ; mais il y a des circonstances qui parlent plus haut que les principes. Dans des positions difficiles, la loi a le droit de faire exception aux principes généraux ; car les principes ne sont jamais tellement absolus que des circonstances données ne nous permettent d'y porter atteinte.

Je pense donc que la disposition doit être adoptée telle qu'elle a été proposée.

S'il y avait un changement à y faire, ce serait d'augmenter la contribution dont on veut frapper les rentes.

Qu'il ne soit permis de présenter une observation sur l'exception qu'on a indiquée. Si j'appuyais une exception, ce serait seulement pour les rentes tellement petites qu'elles ne comportent pas une participation à l'emprunt ; car ce n'est pas le malheureux qui place sur hypothèque, c'est l'homme qui vit tranquillement de son revenu. Je crois donc qu'il est nécessaire de ne faire aucune exception ; s'il y en avait une à faire, je le répète, ce ne serait que pour les rentes dont la faible quotité ne compenserait pas les embarras de la perception.

En conséquence, j'appuie le projet de loi, tel qu'il est présenté par le gouvernement.

M. le président. - Voici l'amendement déposé par M. Delfosse :

« Seront exempts ceux dont les rentes et créances à termes réunies ne produiront pas un revenu annuel de 20 fr. »

M. Verhaegen. - Messieurs, je ne conteste pas la troisième base de l'emprunt, mais je crois que de la manière dont la disposition est conçue, nous rencontrerons dans l'exécution plus d'une difficulté. Plusieurs questions ont été soumises au gouvernement et il y a répondu. Il y a cependant quelques points qui, pour lever tout doute, devraient être formulés en proposition de loi.

On a demandé au gouvernement si dans la disposition se trouvaient comprises les rentes viagères. Il a répondu négativement, et sa réponse s'étaye, selon moi, de très bonnes raisons. Cependant si je ne vois que la disposition en elle-même, les rentes viagères se trouveraient comprises dans cette base. Ne convient-il pas, messieurs, pour éviter toute difficulté, de le dire dans l'article ? Car si l'on ne fait pas d'exception pour les rentes viagères, la généralité des termes ne ferait-elle pas croire qu'elles y sont comprises ?

M. de Garcia. - Il suffit de dire rentes perpétuelles.

M. Verhaegen. - Non, l'article ne se sert pas des mots « rentes perpétuelles » ; il dit « rentes et capitaux » donnés en prêt garanti par une hypothèque conventionnelle.

Je soumets cette première difficulté à M. le ministre des finances, il voudra bien s'en expliquer pour qu'il n'y ait pas de doute dans l'application de la loi.

Une autre question, messieurs :

Des négociants ont des crédits ouverts chez des banquiers, et ces crédits sont garantis par des hypothèques. Ces comptes courants ainsi garantis tombent-ils dans la disposition de la loi ? D'après les termes généraux de l'article il semblerait que oui. Convient-il de les y comprendre ? On vous a parlé des souffrances de l'industrie, des difficultés qu'éprouvent les industriels, les commerçants à se procurer des fonds. La seule ressource peut-être qui leur reste, c'est de donner leurs biens en hypothèque pour se procurer des fonds. Si on applique la disposition aux crédits qu'on leur ouvre moyennant hypothèque, on va ajouter des difficultés nouvelles aux difficultés nombreuses qui existent.

Je soumets ce point à l'appréciation de M. le ministre des finances.

(page 1429) Il y a d'autres créances hypothécaires encore, celles par exemple en matière de douanes, de cautionnement, d'accise ; sont-elles comprises dans la disposition en discussion ? D'après les termes généraux on pourrait croire que oui, et cependant il y a des raisons pour dire non. On voudra-bien s'en expliquer.

Je soumets à la chambre ces difficultés sur lesquelles je n'énonce d'ailleurs aucune opinion, mais il est bon qu'elles soient résolues.

Quant à l'amendement de l'honorable M. Cogels, au premier coup d'œil, on pourrait dire qu'il serait convenable, moral même de l'adopter. Car il est toujours dangereux, au point de vue général, de permettre que la loi vienne violer des conventions dans le passé. Mais on peut se demander aussi si une convention dont l'objet dans l'avenir est inconnu, est bien une convention valable ; si au, contraire elle n'est pas frappée de nullité radicale.

Mais, messieurs, ce que je ne puis pas admettre avec l’honorable M. de Garcia, une opinion contre laquelle je dois protester, et pour cause, c'est que, quelles que soient les circonstances, on puisse jamais faire fléchir les principes. Car en faisant fléchir les principes, on va souvent beaucoup trop loin : on finit par miner les bases de la société, c'est ainsi qu'en se mettant au-dessus des principes on ose violer aussi la chose jugée. Jamais je ne voudrais aller jusque-là, quelque extraordinaires que fussent les circonstances.

M. de Theux. - Messieurs, je viens combattre les amendements proposés.

On veut exempter les rentes de peu d'importance ! Mais n'oublions pas que ce qu'on propose à titre d'emprunt n'est que le vingtième de la rente et, comme l'a fait observer l'honorable M. de Garcia, les personnes qui peuvent vivre exclusivement de leurs rentes et qui en ont strictement besoin sont en bien petit nombre. Je conviens que le cas peut se présenter, mais l'exemption aurait beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.

Quant à la clause « nonobstant toute convention contraire », je crois que pour être conséquent avec ce que nous avons décidé relativement à l'impôt sur la propriété, il faut aussi admettre cette clause en ce qui concerne es renies.

M. de Brouckere. - Messieurs, le paragraphe 3 de l'article 11 semble rencontrer une vive opposition, à cause de la clause qui le termine : « nonobstant toute convention, contraire ». Il semblerait à entendre les honorables orateurs qui se prononcent contre cette clause, qu’elle soit quelque chose de nouveau. Or, ces mêmes orateurs qui ne veulent pas de la clause à propos des rentes hypothécaires, l'ont adoptée sans opposition, sans observation, lorsqu'il a été question de la contribution foncière.

L'honorable M. Cogels vient vous parler de contrats, de conventions ; l'honorable M. Verhaegen ne veut pas de loi qui ait un effet rétroactif.

M. Verhaegen. - Je n'ai pas dit cela.

M. de Brouckere. - Mais pourquoi donc ces objections ne se sont-elles pas formulées lors du vote sur la première loi d'emprunt et lors du vote que nous venons d'émettre relativement à la contribution foncière. Messieurs, la plupart des baux, au moins dans le Brabant et je crois qu'il en est de même dans presque tout le royaume, sont faits de telle, manière que les emprunts forcés sont à la charge des fermiers. Eh bien ! je pose en fait, et encore une fois, je ne parle que pour la province où je réside, je pose en fait qu'à Bruxelles, par exemple, tous les propriétaires ont payé volontairement le premier emprunt. Je n'en connais pas un qui ait eu l'indélicatesse, de le faire payer par les fermiers, alors que la législature avait reconnu que c'était aux propriétaires qu'incombait, la charge. Il en sera pour les rentes hypothécaires comme il en a été et comme il en sera pour les fermiers. Nonobstant toute convention contraire, les propriétaires, les usufruitiers payeront.

J'en suis certain et je ne crains pas de le dire, si quelque propriétaire voulait, user au plutôt abuser de la convention contraire qui se trouverait dans le contrat qu’il a fait avec son emprunteur, je ne crains pas de dire que si celui-ci refusait de payer, le propriétaire, n'oserait jamais l'attaquer devant les tribunaux parce qu'il n'y aurait qu'une voix pour condamner sa conduite et que l'on ne s'exposerait pas, pour une faible somme, à la réprobation générale.

D'après ces considérations, messieurs, je crois que l'opposition que la clause rencontre n'a pas le moindre fondement et qu'on ne peut pas la rejeter pour les créances hypothécaires, lorsqu'on l'a admise pour l'impôt foncier.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - L'honorable M. de Theux et après lui l'honorable M. de Brouckere viennent de présenter les observations que je voulais faire en faveur du maintien de la disposition.

L'honorable M. Verhaegen a demandé si les rentes viagères étaient comprises dans l'article. Dans ma réponse à la section centrale, j'ai, dit formellement qu'elles n'y sont pas comprises ; faut-il le dire dans la loi ?

Plusieurs membres. - C'est inutile.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Dans le cas où un négociant aurait obtenu un crédit moyennant garantie hypothécaire, cela ne devrait pas non plus donner lieu à une cotisation dans l'emprunt ; l'intérêt que paye ce négociant ne résulte pas de l'hypothèque ; celle-ci est une garantie, mais elle n'est pas la cause du bénéfice que le prêteur retire ici de l'argent prêté.

Je pense, messieurs, et, à plus forte raison, que les cautionnements en immeubles, donnés en matière de droits d'accises et de douanes ne sont pas compris dans la disposition. Il faut que l'hypothèque soit, la source d'un revenu pour que la loi puisse l'atteindre.

- L'amendement de M. Delfosse est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Les deux premiers paragraphes du projet de la section centrale, auxquels le gouvernement s'est rallié, sont mis aux voix et adoptés.

La première partie du dernier paragraphe est également adoptée.

La partie du même paragraphe, qui exempte les rentes de 5 fr. est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

L'article 11 est adopté dans son ensemble.

Article 12

« Art. 12. Les porteurs des titres seront tenus d'en faire la déclaration, avant le 1er mai prochain, au bureau de l'enregistrement dans le ressort duquel ils sont domiciliés.

« Cette déclaration, dûment signée, énoncera :

« a. La date du titre ;

« b. Sa nature (rente ou créance) ;

« c. Le produit annuel ;

« d. Le nom du débiteur ;

« e. La désignation de l'hypothèque.

« Les formules des déclarations seront mises, sans frais, à la disposition des intéressés, dans les bureaux des receveurs de l'enregistrement, où cette partie de l'emprunt devra être acquittée.

La section centrale propose au littera d de dire : « Le nom et le domicile du débiteur. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Le gouvernement se rallie au changement que la section centrale propose au litt. d. Toutefois, d'après l'expérience acquise, je dois dire qu'il sera difficile de connaître, dans bien des cas, le domicile du débiteur.. J'ai quelques autres modifications à proposer.

Au premier paragraphe, je proposerai de dire. : «... seront tenus d'en faire la déclaration contre reçu. »

Je proposerai ensuite de substituer la date du 15 mai à celle du 1er mai.

Au paragraphe e, je crois qu'il convient de dire : « Le volume et la cote de la dernière inscription, la date........ et l'indication du bureau où elle aura été faite. » Cela se trouve à.la fin des actes ; il sera très facile de donner cette indication.

Enfin, messieurs, au dernier paragraphe, il convient de faire disparaître les mots : « ou cette partie de l’emprunt devra être acquittée. »

M. Verhaegen. - Il s'agit maintenant, messieurs, de formalités à remplir dans un délai fixé, et d'après le dernier amendement de M. le ministre, ce délai est le 15 mai. Il faut faire des déclarations, et si ces déclarations ne sont pas faites, il y a une pénalité et une pénalité assez forte ; car la cotisation, d'après l'article suivant, sera, en cas de contravention, portée au double. Je comprends que le particulier qui n'a que quelques rentes pourra remplir ces formalités et arriver à temps, mais il y a des établissements qui ont été institués dans l'intérêt de l’industrie et du commerce, dernière ressource actuelle des emprunteurs qui vont se trouver dans une position telle qu'il sera impossible à ces établissements de remplir les formalités prescrites et qui, par conséquent vont encourir la pénalité.

J'entends parler des établissements dont le but est de prêter sur hypothèques du capital remboursable par annuités ; le gouvernement, répondant à une question qui. lui avait été soumise par la section centrale, a dit que dans les prêts remboursables par annuités on n'aurait égard qu'aux intérêts exclusivement dus sur la partie restante du capital déduction faite des parties extinctives déjà amorties.

Ainsi pour arriver au résultat prévu, on doit décomposer l'opération, on, doit faire disparaître tout ce qui constitue la partie extinctive du capital, remboursable par annuités, et on ne doit tenir compte que de l'intérêt sur le restant. Si on a voulu frapper les établissements, auxquels je fais allusion, je puis dire au détriment du commerce et de l'industrie, on a bien fait de restreindre l'application de la disposition. C'est une chose décidée, ces établissements sont frappés comme les particuliers, au moins, pour l'emprunt. Il en serait autrement s'il s'agissait d'un impôt, car payant patente pour exercer leur industrie on ne pourrait les frapper une seconde fois pour le même objet.

Mais il est de ces établissements qui ont plusieurs centaines de contrats hypothéqués, pour ne pas dire deux eu trois mille ; il faudra décomposer tous ces contrats, et envoyer toutes les indications prescrites au receveur, avant le 1er mai ; si on ne le fait pas, on sera frappé d'une peine très forte ; eh bien ; il est matériellement impossible que ces établissements accomplissent cette formalité dans le délai fixé.

Je demande au gouvernement comment il entend exécuter cette disposition.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, la fixation de la date du 15 mai est devenue la conséquence de l'époque choisie pour la rentrée de la première moitié des rentes ; nous venons de la fixer au 1er juin.

Je ne puis apprécier le délai qu'il faudrait pour pouvoir se mettre en règle, quant aux titres dont parle l'honorable membre. Mais à l'article suivant, j'adopte la proposition de la section centrale, et j'ajoute ce paragraphe : « A moins que, pour des motifs particuliers, ils n'aient obtenu du directeur de l'enregistrement un délai qui ne pourra s'étendre au-delà du 31 du mois. »

M. Lys. - Messieurs, le projet de loi n'indique nulle part où la contribution sur les rentes sera payable. D'après le rapport de la section (page 1430) centrale, ce serait au bureau de l'enregistrement. Je veux seulement faire observer que les receveurs de l'enregistrement ont droit à des remises proportionnelles, ils pourraient percevoir jusqu'à cinq pour cent sur la recette de cette base de l'emprunt. Cela ne peut être l'intention de la chambre. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des finances.

M. de Garcia. - Messieurs, je demanderai au gouvernement si les obligations à terme sont soumises à l'impôt.

Je suppose un créancier d'une obligation à terme qui est échue ; ce créancier est indulgent ; il n'exécute pas son débiteur du jour au lendemain ; le créancier va jusqu'à vouloir lui éviter des frais et il ne lui donne pas assignation pour faire courir des intérêts ; je demande si, dans ce cas, le créancier sera soumis à payer l'impôt.

Il est important qu'on soit fixé sur ce point, puisque de sa solution peuvent résulter des rigueurs envers des débiteurs malheureux.

Une autre explication me reste à demander.

Il y a des rentes en nature. Ces rentes se payent généralement suivant les effractions. Or les effractions ne se font qu'à la fin de l'année. Dans cet état, je désire savoir sur quelles bases sera réglé l'impôt qui doit se payer dans un délai prochain.

L'on m'interrompt pour me dire qu'on prendra les effractions de l'année précédente. La loi ne dit rien à cet égard, et je ne puis partager cette opinion, qui serait arbitraire et tout à fait injuste.

J'attends donc une réponse aux deux interpellations que je viens d'adresser au gouvernement.

M. Malou. - L'honorable M. de Garcia vient d'indiquer deux hypothèses ; on pourrait en citer un grand nombre en pareille matière. Il se formera parallèlement deux jurisprudences qui se suppléeront l'une à l'autre : la jurisprudence du gouvernement qui réglera l'application de la loi suivant son esprit, et à défaut de celle-ci les décisions les tribunaux.

Nous nous aurions tort de nous lancer dans le champ très vaste des hypothèses que peut présenter l'application de cet article.

Je fais cette observation pour que la chambre ne s'engage pas plus avant dans un débat sans issue.

Je crois qu'il faut maintenir le litt. E en ces termes : la désignation de l'hypothèque. La désignation pourra se faire au moyen des indications que contient le titre ou le bordereau, ou par la désignation du numéro du cadastre.

Il ne faut pas exiger une seule forme de désignation, parce que dans les circonstances actuelles, il y a presque impossibilité pour beaucoup de personnes de suivre cette forme plutôt qu'une autre. A la section centrale, on a examiné cette question, et on a été d'avis d'admettre l'une ou l'autre des trois formes que je viens d'indiquer. Que veut-on avoir, en effet ? Un moyen de contrôle des déclarations, ce moyen existe au même degré dans les diverses formes.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je n'ai rien à opposer à cette observation. La désignation pourra être faite suivant l'un des modes que vient d'indiquer l'honorable M. Malou.

L'honorable M. de Garcia demande comment l'emprunt sera appliqué aux rentes en nature. L'appréciation du produit de ces rentes a lieu à présent suivant certaines règles. On se guidera également d'après elles.

Quant à la seconde question posée par l'honorable membre, si un débiteur en retard, par son fait, de rembourser le capital d'une rente, continue à en servir les intérêts, faudra-t-il que le créancier participe, de ce chef, à l'emprunt, je crois qu'elle doit être résolue affirmativement.

- La clôture est prononcée.

L'art. 12 est adopté dans les termes suivants :

« Art. 12. Les porteurs des titres seront tenus d'en faire la déclaration, avant le 15 mai prochain, au bureau de l'enregistrement dans le ressort duquel ils sont domiciliés.

« Cette déclaration, dûment signée, énoncera :

« a. La date du titre ;

« b. Sa nature (rente ou créance) ;

« c. Le produit annuel ;

« d. Le nom et le domicile du débiteur ;

« e. La désignation de l'hypothèque.

« Les formules des déclarations seront mises, sans frais, à la disposition des intéressés, dans les bureaux des receveurs de l'enregistrement.»

Article 13

M. le président. - La chambre passe à l'article 13, ainsi conçu dans le projet de la section centrale :

« Art. 13. Si la déclaration est reconnue fausse, ou s'il n'a pas été fait de déclaration avant le 25 mai, le propriétaire ou usufruitier sera tenu de payer la cotisation établie d'office par le receveur de l'enregistrement, et la moitié en sus à titre d'amende. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je me rallie à cette rédaction. Mais je proposerai un deuxième paragraphe, ainsi conçu :

« Il sera de même, s'il n'a pas été fait de déclaration avant le 25 mai, à moins que, pour des motifs particuliers, il n'ait obtenu du directeur de l'enregistrement dans la province un délai qui ne pourra s'étendre au-delà du 31 dudit mois.»

M. Malou. - Il y a deux hypothèses : celle où la déclaration serait fausse et celle où elle n'aurait pas été faite dans le délai fixé par la loi. La prolongation de délai ne peut s'appliquer qu'à la deuxième hypothèse. Il faudrait donc terminer le paragraphe qui vient d'être proposé aux mots « avant le 25 mai », et ajouter un troisième paragraphe ainsi conçu : « Le délai accordé par la loi pourra être prolongé par le directeur de l'enregistrement. »

M. Verhaegen. - L'honorable M. Malou nous disait tantôt avec beaucoup de raison que nous ne pouvons prévoir toutes les hypothèses. En effet le nombre en est infini. Il s'établira, comme il vous l'a dit, deux jurisprudences : la jurisprudence de l'administration et celle des tribunaux. Il ne convient pas cependant d'être trop large ; car, quelle que soit la jurisprudence, il faudra commencer par payer. Il y aura donc un fait accompli, et la jurisprudence ne sera que d'un intérêt scientifique.

A ce point de vue, je me permettrai une dernière hypothèse. J'ai une créance, une rente perpétuelle.

Ma créance est hypothéquée. Mais mon débiteur ne me paye pas. Je le poursuis ; je l'exproprie. D'autres créanciers se présentent ; il s'établit entre les divers créanciers un ordre et un autre me devance. Je ne suis pas colloqué. J'aurai donc perdu ma créance. Est-ce que je devrais encore payer ?

M. Lebeau. - Oui.

M. Verhaegen. - On dit oui, mais alors qu'on le déclare. L'honorable M. Lebeau tranche la question ; mais je voudrais que la chambre elle-même la tranchât.

Je demande que la chambre se prononce sur la question suivante : Je suppose que je possède une créance de 50,000 fr. Mon créancier ne me paye pas, et je l'exproprie. Il s'établit entre les divers créanciers un ordre, et je ne suis pas colloqué. Je n'aurai plus de créance hypothécaire. Je deviendrai créancier chirographaire. Est-ce que je devrai payer ?

Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Raikem. - Je désire avoir une explication sur la portée de cet article.

D'abord, je trouve que l'amende est un peu forte eu égard aux circonstances où se trouvent les créanciers. Cette disposition n'est qu'une reproduction de la disposition de l'article 39 de la loi du 22 frimaire an VII, qui prononce une amende du moitié en sus, lorsque les héritiers n'ont pas fait leur déclaration de succession dans le délai déterminé. Mais les héritiers ont 6 mois. Et combien de temps donnez-vous dans le cas actuel aux créanciers ? Vous ne leur donnez pas la sixième partie du temps pour faire leur déclaration. Or, il peut arriver que soit par inadvertance, soit par erreur, soit par défaut de connaître la loi, la déclaration n'est pas faite avant le terme qui est fixé.

Je conçois qu'on établisse une amende, mais celle de moitié en sus de ce qu'on doit payer n'est-elle pas trop forte, et ne suffirait-il pas d'une amende d'un dixième en sus ?

D'un autre côté, voici ce qui peut arriver. Je conçois bien la portée de l'article quant aux déclarations fausses : ce sont des déclarations faites dans l'intention de tromper le trésor. L'intention est ici jointe aux faits et je conçois que l'amende puisse s'y appliquer. Ces cas seront néanmoins fort rares, il y a lieu de le présumer ; et la circonstance où les déclarations n'auront pas été faites dans le délai voulu, se présentera plus souvent.

Mais voici encore une autre circonstance qui peut se présenter et qui se présentera ; c'est que des créanciers feront des omissions dans leurs déclarations. Il peut même arriver que l'on n'ait pas toutes les désignations qui sont exigées par le projet, lorsqu'on fournira sa déclaration au receveur.

Car, messieurs, toutes ces désignations sont à peu près la reproduction de l'article du Code civil qui concerne les inscriptions hypothécaires. Les créanciers sont bien intéressés à faire des inscriptions valables ; et cependant combien n'a-t-on pas vu d'inscriptions nulles ! Il pourrait donc bien arriver aussi que les déclarations ne soient pas en tout point conformes au modèle, que l'on n'ait pas à l'instant, dans quelques jours, tous les renseignements qui sont nécessaires. On vous indiquera le montant de la rente, et alors il sera bien évident que l'on n'a pas voulu frustrer le trésor. Mais dans ce cas, le receveur sera-t-il obligé de recevoir la déclaration telle qu'elle sera faite ? Je le crois ainsi ; car on aura satisfait à tout ce que peut exiger l'intérêt de l'Etat, et on pourra par la suite compléter cette déclaration.

D'un autre côté, s'il y a dans une déclaration omission de certaines rentes, entend-on faire porter l'amende sur ces omissions ? Ou pourront-elles être réparées et dans quel délai ?

Je désirerais avoir quelques explications sur ce point, mais en tout cas, je crois que l'amende est trop élevée.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Ma position est assez difficile. J'ai à répondre à des jurisconsultes très versés dans ces matières épineuses, et j'avoue que je ne le suis guère. Je crois cependant pouvoir donner une réponse satisfaisante aux deux observations de l'honorable M. Raikem.

En ce qui concerne la première, il y a, messieurs, une grande différence entre le cas qui nous occupe et la déclaration à faire pour une succession. Ici le déclarant est souvent embarrassé, parce qu'il ne possède pas encore les éléments pour remplir les prescriptions de la loi dans le délai fixé par elle. Souvent il arrive que des délais sont demandés et la plupart du temps ils sont accordés, parce qu'on en justifie la nécessité. Il n'en sera pas de même pour la déclaration de la créance hypothécaire ; elle pourra être faite sans devoir recourir à des investigations, et s'il n'en était pas ainsi, l'administration ne se montrera pas rigoureuse pour accorder une prolongation du délai.

Quant à la pénalité, je rappellerai qu'il y avait dans la rédaction (page 1431) primitive les mots : « déclarations inexactes ». La section centrale y a substitué les mots : « fausses déclarations ». C'est assez dire qu'il faut que le porteur du titre de rente ait sciemment commis l'omission ou l'altération du produit de sa créance pour que la pénalité lui soit applicable. Si la déclaration est inexacte, par suite d'une erreur de bonne foi, il sera permis à celui qui aura fait cette déclaration de la compléter.

M. Malou. - J'ajouterai que la section centrale a établi une amende au lieu d'une double contribution, afin que le gouvernement puisse transiger, lorsque les circonstances le réclameront.

- La discussion est close.

La rédaction proposée par M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.

Article 14

« Art. 14. La cinquième partie de l'emprunt se composera :

« a. D'une retenue de 4 p. c. des traitements et des pensions de deux mille francs à trois mille francs exclusivement, payés par l'Etat ;

« b. D'une retenue de 6 p. c. desdits traitements et pensions s'ils atteignent ou dépassent le chiffre de 3,000 fr. ;

« c. D'une retenue de 5 p. c. des traitements de tout officier ou fonctionnaire militaire du grade de capitaine ou d'un grade supérieur.

« Ces retenues seront opérées par mois ou par trimestre, selon le mode suivi pour le payement des traitements et des pensions. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Art. 14. La cinquième partie de l'emprunt se composera :

« a. D'une retenue de 4 p. c. des traitements, des remises et des pensions de 2,000 fr. à 3,000 fr. exclusivement, payés par l'Etat ;

« b. D'une retenue de 6 p. c. desdits traitements, remises et pensions, s'ils atteignent ou dépassent le chiffre de 3,000 fr.

« c. D'une retenue de 5 p. c. des traitements de tout officier ou fonctionnaire militaire du grade de capitaine ou d'un grade supérieur.

« Ces retenues seront opérées à partir du mois d'avril 1848, par neuvième ou par tiers, selon que le payement des traitements, des remises et des pensions a lieu par mois ou par trimestre. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Le gouvernement se rallie à la rédaction de la section centrale.

M. le président. - M. Lys a déposé l'amendement suivant :

« Les retenues sur les traitements, remises et pensions auront lieu, à partir du deuxième trimestre de l'année courante, comme suit :

« 4 p. c. sur un revenu de 2,000 à 3,000 fr.

« 5 p. c. sur un revenu de 3,000 à 4,000 fr.

« 6 p. c. sur un revenu de 4,000 à 5,000 fr.

« 7 p. c. sur un revenu de 5,000 à 6,000 fr.

« et ainsi de suite. »

Vous avez cet amendement sous les yeux.

M. Lys. - Je ne dirai que quelques mots pour justifier cet amendement. Je dirai d'abord que c'est à peu près ce qui a été fait en 1831. J'ajouterai qu'il y a d'autant plus de raisons pour l'admettre aujourd'hui, que les traitements sont plus considérables qu'ils ne l'étaient en 1831.

M. le président. - Quelqu'un demande-t-il la parole ?.... Si personne ne demande la parole, je mettrai l'amendement aux voix.

Plusieurs membres. - L'appel nominal.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Avant d'aller aux voix, je voudrais bien que nous eussions connaissance de l'amendement. Il n'a pas été discuté, il n'a pas même été lu.

M. le président. - J'ai demandé si quelqu'un désirait prendre la parole. Personne n'ayant répondu, j'ai annoncé que j'allais mettre l'amendement aux voix.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Nous avons dû supposer que M. Lys renonçait à son amendement. Puisqu'il en est autrement, je demande que l'amendement soit lu et mis en discussion.

M. le président. - L'amendement est ainsi conçu :

« Les retenues sur les traitements, remises et pensions auront lieu, à partir du deuxième trimestre de l'année courante, comme suit :

« 4 p. c. sur un revenu de 2,000 à 3,000 fr.

« 5 p. c. sur un revenu de 3,000 à 4,000 fr.

« 6 p. c. sur un revenu de 4,000 à 5,000 fr.

« 7 p. c. sur un revenu de 5,000 à 6,000 fr.

« et ainsi de suite. »

Je pense qu'il est inutile de lire tout l'amendement. La même progression continue jusqu'à 40 p. c. sur un revenu de 38,000 fr. et au-dessus. Du reste, l'amendement a été imprimé et vous l'avez sous les yeux.

La chambre veut-elle rouvrir la discussion ?

- La chambre décide que la discussion est rouverte.

M. Delfosse. - Messieurs, il y a, dans l'amendement de l'honorable M. Lys, une pensée qui est la mienne et qui sera aussi, je l'espère, celle de la majorité de la chambre. Dans les circonstances actuelles, il est peu de classes de la société, propriétaires, industriels, commerçants, qui ne soient fortement atteints dans leurs revenus. Tantôt quelques collègues nous ont parlé des souffrances des propriétaires, d'autres vous ont entretenus des souffrances des industriels. Un fait certain, c'est que tout le monde souffre. J'excepte cependant la classe des fonctionnaires. Non seulement la position des fonctionnaires n'a pas été atteinte par les événements, mais on peut dire qu'elle s'est améliorée.

Les fonctionnaires ont touché jusqu'ici le même traitement que par le passe, et ce traitement représente une valeur plus grande parce que la rareté de l'argent fait qu'on peut avec la même somme se procurer plus de choses. La position des fonctionnaires s'est améliorée par les événements mêmes qui ont fait souffrir toutes les autres classes de la société, qui ont porté une atteinte grave à tous les revenus. Si l'on veut être juste et les fonctionnaires qui sont plus intéressés que personne au maintien de l'ordre de choses actuel, doivent désirer qu'on le soit, il faut leur imposer un plus grand sacrifice que celui qui résulterait non seulement de la proposition du gouvernement, mais même de la proposition de la section centrale.

Il y a, messieurs, une question préalable à examiner, c'est celle de savoir si l'on fera intervenir les fonctionnaires à titre d'impôt ou à titre d'emprunt. Suivant que vous déciderez cette question dans un sens ou dans l'autre, vous pourrez établir une réduction plus ou moins forte. Si vous frappez les fonctionnaires à titre d'emprunt, il est évident que les propositions du gouvernement et même celles de la section centrale sont insuffisantes. Je dis plus, elles sont encore insuffisantes alors même que vous les frapperiez à titre d'impôt.

Le tort de la proposition de la section centrale, c'est de s'arrêter pour tous les traitements, quelque élevés qu'ils soient, à une réduction de 10 pour cent. Remarquez, messieurs, que la section centrale établit une retenue progressive jusqu'aux traitements de 10,000 fr., mais au-delà, c'est-à-dire pour les traitements qu'on devrait frapper le plus fortement, qui devraient concourir le plus aux sacrifices que vous êtes obligés de demander à toutes les classes de contribuables, la progression s'arrête ; c'est une inégalité révoltante en faveur des gros traitements ; vous établissez une progression pour les petits traitements et quand vous arrivez aux gros traitements la progression s'arrête. C'est une inégalité que le pays ne comprendrait pas.

Le ministère nous a annoncé qu'il voulait entrer franchement, largement dans la voie des économies, qu'il voulait opérer des réformes radicales dans les dépenses de l'Etat. Eh bien, c'est le moment de commencer. Assez de paroles. Des faits.

Je propose, comme commencement d'économies, comme commencement d'exécution des promesses qui ont été faites, une retenue, non pas à titre d'emprunt, mais à titre d'impôt, sur les fonctionnaires. Dans les circonstances actuelles, alors même qu'on ferait une forte retenue à titre d'impôt, les fonctionnaires seraient encore, relativement aux autres classes de la société, qui souffrent beaucoup, dans une position favorable.

J'appuierai donc la proposition de l'honorable M. Lys. Cependant, l'honorable M. Lys va un peu loin en poussant la progression jusqu'à 40 p. c.

Je sais bien qu'à la rigueur on ne devrait pas s'arrêter à 40 ni même à 50 ou 60 p. c., mais si la progression ne s'arrêtait pas, on finirait par enlever tout le traitement.

Pour certains fonctionnaires, une partie du traitement tient lieu de frais de représentation et de séjour à l'étranger, si vous enlevez à ces fonctionnaires 40 p. c, il ne resterait peut-être rien pour le traitement proprement dit.

Je ne veux pas donner dans l'exagération ; je proposerai d'arrêter la progression de l'honorable M. Lys, au chiffre de 25 p. c, c'est-à-dire, que la retenue la plus forte n'excéderait pas 25 p. c,

Je le sais, il y aura encore là une espèce de faveur pour les gros traitements : mais il y a peu de traitements supérieurs à 25,000 fr.

Messieurs, je répète que, dans les circonstances où nous sommes, il est nécessaire d'imposer de grands sacrifices à la classe des fonctionnaires, dans l'intérêt même de cette classe ; les fonctionnaires doivent en ce moment donner l'exemple du dévouement à la chose publique. Je propose d'adopter l'amendement de l'honorable M. Lys, avec la limite que je viens d'indiquer, sans faire toutefois de cette réserve une condition sine qua non de non vote approbatif ; je voterais même l'amendement de M. Lys, sans autre réserve, plutôt que d'adopter l'amendement de la section centrale.

M. Lys. - Je me rallie à cette proposition.

M. de Garcia. - Messieurs, la proposition de l'honorable M. Lys me convient jusqu'à un certain point ; et si elle était réduite aux proportions indiquées par M. Delfosse avec le caractère générale de la loi, qui est un emprunt, je m'empresserais d'y donner mon assentiment. Dans ce sens, je présenterai quelques considérations qui me paraissent de nature à devoir la faire adopter.

Messieurs, il ne s'agit que d'un emprunt, et pourtant il est incontestable qu'une mesure semblable ne peut être qu'un stimulant pour intéresser tous les fonctionnaires au maintien de l'Etat, et à la bonne conduite des affaires publiques.

Il y a là non seulement un but moral, mais un but financier. Qu'on y prenne garde : cette retenue ou cet emprunt est une arme à deux tranchants : en faisant cette retenue, vous augmentez les ressources pour donner du travail aux pauvres, et d'un autre côté, vous diminuez les dépenses.

Le système proposé par l'honorable M. Lys et réduit au maximum de 25 p. c. n'est pas neuf. Il existe une loi française du 1er messidor an VII qui, dans des moments difficiles, a exactement présenté le même caractère ; la réduction allait progressivement depuis 4 jusqu'à 25 p. c. Le gouvernement français, trouvant ses finances dans un état déplorable, n'a pas hésité à faire la retenue jusqu'au moment où des circonstances douloureuses vinrent à cesser.

Une voix. - L'époque est un peu éloignée.

M. de Garcia. - Je ne sais si on peut attacher quelque importance à l'époque ; mais je dirai que c'était une époque de dévouement pour la France qui se battait contre l'Europe entière. Nous sommes aussi dans une époque difficile qui commande le dévouement ; les deux époques présentent (page 1432) le même caractère ; c'est donc le moment de faire chez nous du dévouement comme on en faisait alors en France ; et le dévouement que je réclame reste au-dessous de celui auquel j'ai fait allusion, puisque là il s'agissait d'une retenue absolue et qu'ici il ne s'agit que d'un emprunt.

D'après ces considérations, j'appuie de toutes mes forces la proposition telle que l'a amendée l'honorable M. Delfosse.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, pour bien dégager la position des ministres dans cette question, je commence par dire que mes collègues et moi livrons au vote de la chambre les retenues qu'elle trouvera bon d'imposer au traitement des ministres. Mais il me serait impossible de suivre l'espèce d'entraînement auquel je vois certains membres se laisser aller, en ce qui concerne les retenues à exercer sur les traitements des fonctionnaires.

Les fonctionnaires publics donnent à l'Etat leur temps, leurs soins, leur intelligence. Tous, à la vérité, ne rendent pas les mêmes services, tous ne déploient pas les mêmes capacités, mais enfin, tous se consacrent au service public.

Ils reçoivent un salaire pour prix de leurs fonctions, pour prix de leurs services, de la même manière que les avocats, les notaires, les médecins reçoivent des honoraires. Jusqu'ici je n'ai pas vu qu'on songeât à frapper d'une retenue les bénéfices que ces diverses professions retirent de l’exercice de leurs fonctions.

Le fonctionnaire public qui tire un profit des services qu'il rend à la chose publique ne doit pas, sous ce rapport, être plus rigoureusement traité que tout autre individu qui tire parti des services qu'il rend à ses semblables, mais dans un ordre moins général que le fonctionnaire public.

Messieurs, le fonctionnaire public a aussi ses charges à supporter.

Le fonctionnaire public devra payer sa part dans l'emprunt. Ceux qui ont une propriété seront frappés comme propriétaires. Ceux qui occupent une maison devront participer à l'emprunt du chef de la contribution personnelle.

A partir des ministres, tous les fonctionnaires payent des contributions. Chaque ministre est frappé, à raison de l'hôtel qu'il occupe, d'un impôt personnel qui va de 5 à 800 fr.

Il y a, messieurs, divers moyens de faire des économies en matière de fonctions publiques ; on peut réduire les traitements, on peut réduire le nombre des fonctions. Je crois d'ailleurs le système de réduction portant sur la quotité des fonctionnaires très préférable au système de réduction sur les traitements. On exagère d'ailleurs la hauteur des traitements des fonctionnaires publics.

S'agit-il des fonctionnaires de l'ordre judiciaire ? Il y avait là si peu d'exagération qu'il y a peu d’années on a grevé le budget d'une somme de 500,000 fr. pour augmenter les traitements de la magistrature.

S'agit-il des traitements du clergé ? On a également reconnu la nécessité d'augmenter les traitements des vicaires, ce qui a entraîné des dépenses assez fortes.

Restent les fonctionnaires de l'ordre administratif. Eh bien, ces fonctionnaires n'ont pas eu d'augmentation de traitement, il y a eu au contraire des réductions, à partir des ministres jusqu'aux commissaires de district.

Qu'il y ait dans certaines parties du service public un trop grand nombre de fonctionnaires, c'est ce que je ne conteste pas. Mais dire qu'il y ait exagération dans les traitements, soutenir qu'en général les traitements des fonctionnaires publics seraient trop élevés, je soutiens que c'est là une erreur. Lorsqu'on viendra à l'examen des faits, on le reconnaîtra. De réduction en réduction vous pouvez alléger tout d'un coup votre budget ; supprimez tous les traitements.

On connaît un pays où, pendant beaucoup d'années, les fonctionnaires n'ont reçu aucune espèce de traitement ; on sait dans quel état florissant se trouvait l'administration de ce pays, et quelle loyauté présidait à la direction du service administratif.

Vous aurez d'abord à décider si la retenue à faire sur les traitements des fonctionnaires aura lieu à titre d’emprunt ou à titre d'impôt. Je considérerais comme l'injustice la plus criante une retenue à titre d'impôt.

M. Delfosse. - Je demande la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il ne faut pas perdre de vue que les fonctionnaires publics ne sont pas les fonctionnaires de la chambre Vous ne pouvez les traiter d'une autre manière que les autres classes de la société, que les avocats, les notaires, les propriétaires.

On a fait entendre, dans toute cette discussion, des paroles très éloquentes en faveur de toutes les classes qui sont appelées à payer l'impôt. Il ne faut pas faire des fonctionnaires publics une classe de parias, sur lesquels on pourrait tomber impunément sans merci, ni miséricorde.

Je regrette que mes fonctions de chef de département m'amènent (mais c'est mon devoir) à prendre ici la défense des fonctionnaires publics. Je le regrette en ce sens, qu'étant moi-même un des fonctionnaires les mieux salariés, on pourrait supposer qu'en défendant la cause des fonctionnaires publics, je défends une cause toute personnelle.

De toutes parts. - Non ! non !

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Voilà, je l'avoue, ce qui embarrasse un peu la défense d'une cause que je crois juste et que je considère comme un devoir de présenter devant vous, à quelques suppositions qu'on puisse d'ailleurs se livrer. (Nouvelles et unanimes dénégations.)

J'espère que la chambre sera convaincue que ce n'est pas un intérêt personnel qui est le mobile de notre conduite. (Adhésion générale.)

Ce n'est pas non plus une vaine offre que nous faisons. Qu'on commence par faire porter la retenue la plus forte sur les traitements des ministres, nous sommes prêts à nous y soumettre. Personnellement, nous n'avons pas besoin des 21,000 fr., qui nous sont alloués au budget ; il y a moyen de vivre modestement avec un traitement moins élevé. (Approbation générale.)

Vous ne pouvez pas non plus, à l'occasion de cette loi, faire prévaloir un principe qui préjugerait le système qu'adopterait le gouvernement, en ce qui concerne les fonctionnaires publics. Si j'ai bien compris l'honorable M. Delfosse, il voudrait que, dès maintenant, au moyen de la retenue, on préjugeât les réductions à opérer sur les traitements. Quant à nous, nous demandons que cette question ne soit pas préjugée.

Je considère au surplus comme tout à fait exagérées les retenues qui sont proposées par l'honorable M. Delfosse.

M. Vilain XIIII. - M. le président, je demande que dans le dernier paragraphe de l'article de la section centrale on ajoute le mot « indemnités » après les mots « remises et émoluments ». Je n'ai pas besoin de dire pourquoi je fais cette proposition. Il me semble qu'il serait malséant que, lorsque la chambre va imposer aux fonctionnaires de lourdes charges, elle ne s'impose pas à elle-même un léger sacrifice.

M. Delfosse. - Je regrette que M. le ministre de l'intérieur ait cru devoir combattre ma proposition.

M. le ministre de l'intérieur voit dans ma proposition une injustice, parce que je veux frapper la classe des fonctionnaires à titre d'impôt, alors que les contribuables ne seraient frappés qu'à titre d'emprunt. Je vous prierai, messieurs, de remarquer que cette prétendue injustice a été commise par le congrès national ; le congrès national à aussi ordonné des emprunts forcés, et il a fait en outre, sur tes traitements des fonctionnaires, une forte retenue à titre d'impôt, et je soutiens que le congrès national, dont l'honorable M. Rogier faisait partie, a eu de bonnes raisons pour établir une différence entre les retenues des fonctionnaires et l'emprunt à demander aux contribuables.

Une des raisons de cette différence, messieurs, je l'ai déjà indiquée. Dans les circonstances calamiteuses, tous les bénéfices sont réduits par la force des événements. Les industriels, les propriétaires même subissent de fortes pertes sans qu'on vienne leur dire : Il vous sera plus tard tenu compte de ces pertes.

Je dis que, dans un moment où par la force des événements toutes les classes de la société voient diminuer leurs revenus, il faut, si l'on veut être juste, si l'on veut répartir des souffrances, que la classe des fonctionnaires voie aussi diminuer les siens ; je dis que la classe des fonctionnaires, si elle comprend bien sa position, si elle veut les sympathies du pays, doit donner l'exemple du dévouement, et consentir à partager le sort commun.

M. le ministre de l'intérieur nous dit que les fonctionnaires ne sont pas des parias, et qu'il faut les assimiler aux autres contribuables. Mais savez-vous ce que vous demandez aux autres contribuables, à tous les contribuables, qui seront imposés par votre projet d'emprunt ? Vous demandez à peu près le tiers de leurs revenus.

Vous demandez 12/12 de la contribution foncière ; vous en avez déjà demandé 8/12. Ils payent à titre d'impôt ordinaire 12/12 ; cela fait 32/12 de l'impôt foncier ; c'est à peu près le tiers du revenu. Remarquez que les propriétaires qui seront imposés devront encore payer la part de ceux qui ne le seront pas. Il n'y a pas de propriétaire qui dans les circonstances actuelles ne doive payer à l'Etat près du tiers de son revenu. Et je ne parle que de l'impôt financier. Mais si je tiens compte de ce que la plupart des propriétaires payeront dans l'impôt personnel, il en est qui payeront la moitié de leur revenu.

Quand la plupart des propriétaires payent à l'Etat des sommes aussi considérables, est-ce trop exiger des fonctionnaires, qui non seulement n'ont pas subi la moindre réduction, mais qui, comme je le disais tantôt, ont de meilleurs traitements, parce que la rareté de l'argent fait qu'une foule de choses s'obtiennent à meilleur marché, est-ce trop exiger d'eux que de leur imposer à titre d'impôt la retenue proposée par l'honorable M. Lys ?

Messieurs, il ne faut pas croire que je demande un état de choses définitif. M. le ministre de l'intérieur s'est trompé, lorsqu'il a dit que je voulais établir dès aujourd'hui les bases d'un ordre de choses permanent en ce qui concerne la classe des fonctionnaires. Non ; telle n'a pas été ma pensée. Je reconnais avec M. le ministre de l'intérieur, et je l'ai dit plusieurs fois, qu'il ne faut pas tant s'attacher à réduire les traitements qu'à diminuer le nombre des fonctionnaires. Que l'on ait moins de fonctionnaires, qu'on exige d'eux plus d'intelligence et d'activité, et qu'on les rétribue ; voilà ce que je veux. Mais en attendant que vous puissiez faire cette réforme, que j'appelle de tous mes vœux, mais qui n'est pas l'œuvre d'un jour, posez un acte de justice, entrez dans la pensée du pays qui demande que la classe des fonctionnaires prenne, comme toutes les autres, sa part des souffrances que les événements nous imposent à tous.

Je regrette profondément que M. le ministre de l'intérieur ait cru devoir combattre ma proposition.

(page 1433) M. Verhaegen. - Messieurs, loin de moi de vouloir traiter les fonctionnaires publics en parias ; aussi je ne suis pas d'avis qu'il faille les frapper d'un impôt, alors qu'il ne s'agit pour les industriels, pour les commerçants, pour les propriétaires, que d'un emprunt. Mats il ne s'agit pas de cela et il ne peut pas s'agir de cela dans ce moment ; il ne faut pas confondre avec une question de réduction de traitements la question de l'emprunt, et je crois que cette confusion n'entre pas dans les intentions de mon honorable ami. (Oui ! oui !)

M. Delfosse. - C'est tout le contraire. Je veux ce que le congrès national a voulu.

M. Verhaegen. - J'avais donc mal compris mon honorable ami, et dès lors je ne puis pas adopter son opinion sur ce point. -Mais je l'admets quant à la progression que, d'accord avec l'honorable M. Lys, il a cru devoir adopter en la limitant au chiffre de 25 p. c, et ici, messieurs, j'ai à soumettre à la chambre une observation capitale.

On crie à l'exorbitance, et on croirait vraiment que l'honorable M. Lys, et après lui l'honorable M. Delfosse, ont fait une proposition bien injuste.

Mais, messieurs, mettons, je vous prie, la proposition de la section centrale en regard de celle de mon honorable ami.

La section centrale frappe les traitements et pensions de 2 à 3,000 fr. d'une retenue de 3 p. c. ; MM. Lys et Delfosse portent cette retenue à 4 p. c, et ils l'augmentent, de même que la section centrale, de 1 p. c. à raison de chaque millier de francs, en plus. Mais la section centrale arrête la progression au chiffre de 9,000 fr. Ainsi, jusqu'à 9,000 fr. les deux propositions marchent d'accord, sauf la seule différence de 1 p. c. Eh bien, messieurs, je crois que le plus grand nombre des fonctionnaires sont à peu près hors de cause. 9,000 fr., c'est déjà me somme assez forte, ce me semble, pour qu'il ne faille plus user de tant de réserve à l'égard de la catégorie de fonctionnaires qui touchent un chiffre plus élevé. Un homme qui peut compter sur 10,000 fr. et plus n'est certes pas à plaindre. Oh ! que tous les autres soient dignes de ménagements, que les petits soient épargnés, je le veux bien ! Mais remarquez que la divergence ne commence qu'aux traitements supérieurs à 9,000 fr. Eh bien, je le demande, est-ce que toutes les observations qui nous ont été soumises, et qui me semblent fort justes, ne sont pas de nature à nous faire continuer depuis ce chiffre jusqu'à celui de 24 mille francs, la progression dont le dernier terme est 25 p. c. ? '

Les ministres doivent rester étrangers à la question qui s'agite, et je regrette que l'honorable M. Rogier soit venu parler de lui et de ses collègues, dans cette circonstance ; car nous sommes tous convaincus que les traitements des ministres ne sont pas même proportionnés aux besoins de la situation, Ce que je veux atteindre, ce sont non les chefs des départements ministériels, mais ces fonctionnaires quelquefois très inutiles qui touchent 10 et 12 mille francs, avec des indemnités, des suppléments, et qui grèvent le budget d'une manière exorbitante, enfin ces cumuls et ces abus de toute espèce.

Messieurs, ne nous y trompons pas, bien des industriels et des commerçants seront embarrassés, très embarrassés de trouver les fonds nécessaires pour payer leurs cotes ; il est même des propriétaires qui seront dans l'impossibilité d'y faire face et qui devront eux-mêmes faire des levées, tandis que pour les fonctionnaires, les traitements constituent une ressource certaine, la somme est liquide, ils n’ont pas à la chercher, elle est toute prête. Il serait fort heureux le propriétaire qui trouverait là une somme liquide dont il n'aurait qu'à prendre le tiers ou le quart pour payer sa cote de l'emprunt !

L'honorable M. Rogier, je ne sais pas à quel sujet, a parlé des revenus des professions libérales. Eh bien, je suis parfaitement de son avis, et c'est l'opinion que j'ai énoncée dans cette enceinte depuis longtemps. J'ai constamment demandé que l'on frappât tous les revenus, n'importe lesquels, les revenus des propriétaires, comme ceux des industriels et des commerçants, les revenus des avocats, des notaires, en un mot, les revenus de toutes les professions libérales. J'ai toujours présenté cela comme un acte de justice. L'objection de l'honorable M. Rogier n'est donc pas neuve ; je l'ai présentée maintes fois moi-même en réponse à d'autres observations.

En résumé, messieurs, il s'agit de poser un acte de justice. L'égalité doit être la base de l'emprunt, et il n'y aurait pas égalité si des personnes qui touchent des sommes considérables du trésor public ne venaient pas contribuer à l'emprunt, proportionnellement à ces sommes. La question d'ailleurs ne concerne que ceux qui touchent plus de 9,000 francs ; je pense que la proposition, telle qu'elle est réduite par mon honorable ami, dans les termes d'un emprunt et non pas d'un impôt, est de nature à être adoptée par la chambre.

M. Malou. - On est d'accord qu'il faut une échelle progressive ; la différence entre l'honorable M. Lys et la section centrale n'est que de 1 p. c. On est d'accord aussi que la progression doit s'arrêter à un point quelconque, mais quel est ce point ? On doit, ce me semble, laisser agir la progression jusqu'à ce qu'on ait atteint la généralité des traitements proprement dits et n'exempter de la progression que les traitements qui sont fixés à raison d'une position spéciale, et des dépenses que cette position impose.

Je proposerai donc d'établir la retenue progressive depuis deux mille jusqu'à quinze mille francs. Au-dessus de quinze mille francs il n'y a plus que les traitements des ministres et ceux des membres du corps diplomatique.

Un membre. - Et celui de l'archevêque.

M. Malou. - Soit. (Interruption.)

Messieurs, les interruptions me démontrent qu'une erreur subsiste dans plusieurs esprits ; on suppose que la progression une fois arrêtée, il n'y a plus de retenue. La retenue doit toujours être opérée sur la totalité du traitement ; seulement elle est proportionnelle ; elle cesse d'être progressive.

Les opinions jusqu'à présent ne sont divisées que, sur le point de savoir où la progression doit s'arrêter. La section centrale n'avait peut-être pas été assez loin. Plusieurs traitements, par exemple, au département des finances, des traitements de simples receveurs, échappaient à la progression. Nous devons tous vouloir que la progression agisse sur ces traitements. Je propose donc à la chambre d'arrêter la progression au chiffre de 15,000 fr.

- La discussion est close.

M. le président. - L'amendement de M. Lys s'éloigne le plus de la proposition du gouvernement ; il faudrait donc commencer par cette proposition. Si l'amendement de M. Lys était rejeté, on viendrait à l'amendement de M. Malou ; et si cet amendement était rejeté, on viendrait à l'amendement de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié.

On a demandé qu'on statuât d'abord sur la question de principe : la retenue sera-t-elle opérée à titre d'impôt ou à titre d'emprunt ? (C'est cela ! Aux voix !)

Des membres. - L'appel nominal.

M. le président. - Il va y être procédé. Ceux qui veulent que ce soit à titre d'emprunt répondront : oui ; ceux qui veulent que ce soit à titre d'impôt répondront : non.

Voici le résultat de celle opération :

86 membres ont répondu à l'appel.

72 membres ont répondu oui.

15 membres ont répondu non.

1 membre (M. Tielemans) s'est abstenu.

En conséquence, la chambre décide que la retenue sur les traitements des fonctionnaires publics ne sera pas opéré à titre d'impôt.

M. Tielemans s'est abstenu parce qu'il est fonctionnaire public.

M. le président. - L’amendement de M. Vilain XIIII s'adapte à tous les systèmes. Je mets d'abord aux voix l'amendement de M. Lys.

M. Lys. - J'ai ajouté à mon amendement « émoluments et remises de toute nature »; car si ces mots n'étaient pas dans l'amendement, les conservateurs des hypothèques ne seraient pas passibles de la retenue.

M. de T'Serclaes. - Messieurs, je demanderai s'il ne vaudrait pas mieux voter d'abord le principe qu'il y aura une retenue sur les traitements et les pensions, et ajouter, ensuite un paragraphe dans lequel on définirait plus en détail ce qu'il faut entendre par traitements. Je propose d'effacer les mots : « remises et émoluments » qui se trouvent dans la première partie de l'amendement de l'honorable M. Lys, et j'aurai l'honneur de présenter une nouvelle rédaction du septième aliéna de l'article 14 de la section centrale, lequel s'applique à tous les systèmes en discussion.

Sur le second point, nous voulons tous que les remises, le casuel et les émoluments de toute nature servent également de base pour la cotisation comme le traitement lui-même. Or, l’énumération de l'honorable M. Lys n'est pas complète ; celle de la section centrale ne me paraît pas l'être non plus, puisqu'elle ne mentionne pas les suppléments de traitement. Enfin il faut ajouter sur la motion de l'honorable M. Vilain XIIII : les indemnités. Mais ici encore un mot d'explication est nécessaire : on doit distinguer entre une simple indemnité, qui n'est ordinairement que le remboursement d'une avance, et une indemnité fixe, qui est une sorte de traitement. Je propose donc de dire au septième alinéa :

« Les suppléments de traitements, les remises, les émoluments de toute nature, les indemnités fixes seront comptés comme le traitement lui-même pour fixer le taux de la contribution à l'emprunt. »

Et, je demande que l'amendement de M. Lys soit mis aux voix de façon à énoncer simplement le principe de la retenue sur les traitements et pensions en ces termes :

« La cinquième partie de l'emprunt se composera (a) d'une retenue sur les traitements et pensions. » ;

Le reste comme à l’amendement de M. Lys.

M. le président. - Votre amendement s'adapte, comme celui de M. Vilain XIIII, à tous les autres amendements.

M. Lys consent-il à ce qu'on réduise pour le moment son amendement aux mots : « traitements et pensions » ?

M. Lys. - Oui, M. le président.

M. le président. - Je vais mettre cette partie de l'amendement aux voix.

Des membres. - L'appel nominal.

- Il est procédé à l'appel nominal.

En voici le résultat :

92 membres sont présents.

5 (MM. Destriveaux, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Rogier et Veydt) s'abstiennent.

87 prennent part au vote.

58 votent pour l'adoption.

29 votent contre.

La chambre adopte.

(page 1434) Ont voté pour l'adoption : MM. d'Anethan, David, de Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke. de Meester, de Mérode, de Muelenaere, Desaive, de Theux, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, Donny, Dubus (Albéric), Dumont, Duroy de Blicquy, Eenens, Faignart, Henot, Herry-Vispoel, Huveners, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius, Moreau, Orban, Orts, Osy, Rodenbach, Sigart, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Clep et Liedts.

Ont voté contre : MM. Dautrebande, de Chimay, de Clippele, de La Coste, de Man d'Attenrode, de Sécus, de Terbecq, de Tornaco, d'Huart, Dolez, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Malou, Mast de Vries, Mercier, Pirmez, Pirson, Scheyven, Simons, Vanden Eynde, Anspach, Broquet, Bruneau, Cans, Cogels, Fallon, Gilson et Jonet.

M. le président invite les membres qui se sont abstenus à en faire connaître les motifs.

M. Destriveaux. - Messieurs, j'ai voté tout à l'heure sur la question de savoir si la somme demandée aux fonctionnaires le serait à titre d'emprunt ou à titre d'impôt. Comme je pense qu'il serait injuste et contraire aux principes d'établir un impôt spécial pesant sur les fonctionnaires, j'ai voté contre la proposition.

Maintenant qu'il s'agit de la quotité de l'emprunt, comme intéressé...

Plusieurs membres. - Les pensionnaires de l'Etat sont ici hors de cause.

M. Destriveaux. - C'est une erreur : il s'agit d'eux aussi bien que des fonctionnaires. Comme j'ai le bonheur ou le malheur d'être pensionnaire de l'Etat, j'ai dû, je le répète, m'abstenir comme intéressé dans la question.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je me suis abstenu, parce que, en ma qualité de fonctionnaire public, je suis intéressé dans la question.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Je me suis abstenu, comme intéressé dans la question.

M. le ministre des finances (M. Veydt). – Par les mêmes motifs, notre abstention prouve que nous ne partageons pas l'opinion de l'honorable M. Verhaegen, qui, je pense, a émis l'avis que les ministres ne devraient pas être appelés forcément à concourir à l'emprunt.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - S'il ne s'était agi que des traitements des ministres, j'aurai voté pour la proposition. Mais comme elle atteint d'autres fonctionnaires que les ministres, et suivant moi d'une manière exagérée, je me suis abstenu.


M. le président. - La discussion est ouverte sur l'amendement proposé par M. de T'Serclaes.

M. d'Huart. - La rédaction proposée par le gouvernement et par la section centrale est plus complète que celle de l'amendement de l'honorable M. de T'Serclaes. En effet, la section centrale parle de remises et émoluments, ce qui s'entend de la manière la plus générale ; tandis que les termes proposés par l'honorable membre, en spécifiant certains suppléments de traitement, en excluraient implicitement d'autres. Je citerai les salaires de conservateurs des hypothèques, qui s'élèvent souvent à 28 ou 30 mille francs, et qui par suite de l'amendement échapperaient à la retenue.

M. de T'Serclaes. - Mon amendement avait précisément pour but de rendre l'application plus générale. Voici sur quoi je me suis basé. Ce n'est pas la première fois qu'on opère des retenues sur les suppléments de traitement, remises et émoluments. J'ai pris les expressions les plus larges, celles de la loi sur les pensions. Elle s'exprime ainsi :

« Art. 10. Sont compris, dans l'évaluation de la moyenne du traitement, le casuel et les autres émoluments tenant lieu de supplément de traitement.

« Art. 34. Les revenus des caisses de pensions se composeront des ressources indiquées ci-après..... 1° Retenue de 5 p. c. au plus sur les traitements et suppléments de traitement, sur les remises et sur les émoluments, sans pouvoir excéder une somme annuelle de 500 francs par traitement. »

Ce sont ces termes mêmes que j'ai proposé à l'assemblée d'adopter.

M. d'Huart. - Je proposerai d'ajouter à l'amendement de l'honorable M. de T'Serclaes, le mot « salaires » qui était dans le décret du congrès national du mois d'avril 1831. S'il n'a pas été inséré dans la loi des pensions, c'est qu'on n'a pas voulu que les salaires fussent compris dans les bases de la liquidation des pensions.

M. Vilain XIIII. - Je demande que le mot « indemnité » soit inséré dans la loi, afin que la retenue atteigne les membres de la chambre.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Je ne sais si la proposition de l'honorable vicomte Vilain XIIII peut être accueillie. Je suis convaincu que la chambre montrerait le plus grand empressement à contribuer à l'emprunt. Mais si j'arrête son zèle à le frapper par une disposition législative, je n'entends nullement proposer à une participation volontaire de sa part. Seulement j'ai un doute, et je le soumets à la chambre.

La Constitution fixe l'indemnité allouée aux membres de la chambre. Une loi peut-elle réduire soit à titre d'emprunt, soit à titre d'impôt une indemnité fixée par la Constitution ?

Je soumets ce doute ; il est grave ; je crois que l'on peut éprouver quelque scrupule à fixer par la loi une retenue à opérer de ce chef.

J'ai une autre observation à faire, c'est que rien ne déterminerait comment on pourrait opérer à l'égard de cette retenue. Quelle règle suivrait-on ? Est-ce qu'on percevrait la retenue sur la session écoulée ?

M. Rodenbach. - Par mois.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - La retenue serait donc perçue sur le mois prochain, immédiatement avant la dissolution. Ce serait réellement insignifiant, cela prendrait vis-à-vis de la nation un caractère ridicule, et je conseille à la chambre de ne pas insérer une pareille disposition dans la loi.

Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. de Garcia. -Je dois dire un mot sur la question constitutionnelle. (Interruption.) Messieurs, c'est une question fort délicate, et l'on ne peut laisser sans réponse ce que vient dédire M. le ministre.

Selon moi, la question de constitutionnalité ne peut présenter aucun doute. Ici il ne s'agit pas de réduire l'indemnité qui est fixée par la Constitution, il s'agit d'en changer le mode de payement, c'est-a-dire qu'au lieu de payer en argent de suite, on payera en papier ou en bons portant un intérêt de 5 p. c. La question constitutionnelle n'est donc nullement en jeu.

Quant à la question pratique, M. le ministre des travaux publics a raison. Il faudrait qu'on indiquât la manière dont on opérera la retenue. Si vous l'opérez par mois, je crois qu'elle sera insignifiante. Quant à moi, je voudrais que la chambre donnât l'exemple et que jusqu'à des temps meilleurs, notre indemnité fût, à concurrence de 50 p. c, convertie en emprunt.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il n'y a pas besoin de loi pour cela.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Je persiste à dire que cela ne doit pas être dans la loi, que cela doit être un acte purement volontaire de la part de la chambre ; et je le dis dans un intérêt constitutionnel important. Il ne faut pas que l'on puisse aisément porter atteinte à l'indemnité qui a été fixée par la Constitution. Elle l'a été dans un intérêt démocratique, et il ne faut pas introduire un principe à l'aide duquel on pourrait renverser l'indemnité qui a été stipulée. Mais c'est l'affaire de chacun de contribuer, comme il l'entendra, aux charges qui résultent des circonstances.

M. Vilain XIIII. - Je retire mon amendement.

M. de Tornaco. - Je voulais faire observer que si la chambre veut prendre part à l'emprunt, elle est libre de le faire par une souscription, sans engager nos successeurs comme l'aurait fait la proposition qui vient d'être retirée.

- Le mot « salaires » proposé par M. d'Huart est mis aux voix et adopté.

La proposition de M. de T'Serclaes, ainsi amendée, est mise aux voix et adoptée.

La séance est suspendue à 5 heures pour être reprise à 7 1/2 heures.


(page 1437) La séance est reprise à 7 heures 3/4.

M. de Villegas procède à l'appel nominal.

Article 14

M. le président. - Nous sommes arrivés au paragraphe b de l'article 14 :

« b. D'une retenue de 6 p. c. desdits traitements, remises et pensions, s'ils atteignent ou dépassent le chiffre de 3,000 fr. ;

« c. D'une retenue de 5 p. c. des traitements de tout officier ou fonctionnaire militaire du grade de capitaine ou d'un grade supérieur.

« Ces retenues seront opérées à partir du mois d'avril 1848, par neuvième ou par tiers, selon que le payement des traitements, des remises et des pensions a lieu par mois ou par trimestre. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, la date du mois d'avril devra nécessairement être changée ; il faudra y substituer celle du 1er mai.

Ici se présente la question de savoir, si les retenues seront opérées dans le courant de l'année actuelle, ou si on les opérera sur une partie de l'année prochaine, en les faisant payer, par exemple, par douzièmes. Par cette dernière combinaison, la retenue porterait sur les traitements du 1er mai 1848 au 30 avril 1849.

Dans l'opinion de la section centrale, la retenue aurait été opérée par neuvièmes, de manière que pour le 31 décembre on aurait payé la totalité.

A présent entre-t-il dans les intentions de la chambre, de faire toute la retenue dans le courant de l'année, ou bien en échelonnera-t-on le paiement jusqu'en avril 1849 ? Je vous avoue qu'après l'augmentation adoptée ce matin pour les retenues, il me paraît plus convenable de ne les opérer que par douzièmes à partir du 1er mai.

M. de Garcia. - Dans le vote que la chambre a émis ce matin sur les retenues, elle a mis de la rigueur, rigueur qui, selon moi, convenait aux circonstances. Mais quant à l'époque où doit commencer la retenue, je crois que M. le ministre des finances a émis une opinion juste et qui doit être adoptée, c'est-à-dire que la retenue ne peut être opérée qu'à partir du jour où la loi sera obligatoire. Le fonctionnaire qui a touché son traitement a un droit acquis. La retenue ne peut donc être opérée qu'à partir du 1er mai prochain.

M. Delfosse. - L'honorable. M. de Garcia n'a pas bien compris M. le ministre des finances. Nous sommes tous d'accord que la retenue ne doit pas avoir d'effet rétroactif, mais là n'est pas la question posée par M. le ministre des finances. M. le ministre des finances a demandé si la retenue doit être opérée par douzièmes jusqu'au mois de mai ou bien si elle sera opérée par neuvièmes jusqu'à la fin de cette année, en un mot, si elle se prolongera jusqu'au mois de mai 1849 ou si elle s'arrêtera à la fin de décembre prochain.

M. Delehaye. - Je pense, messieurs, que la retenue qu'on veut opérer sur les traitements des fonctionnaires, de même que les sacrifiées imposés aux propriétaires et aux autres contribuables, sont dictés par l'impérieuse nécessité des circonstances.

Dès lors la retenue ne peut pas être opérée jusqu'au 31 décembre, ni jusqu'au mois de mai prochain, car il peut très bien se faire qu'alors cette impérieuse nécessité n'existe plus.

Toutes les parties de l'emprunt ont été votées, ainsi que toutes les dépenses, jusqu'au 1er septembre prochain ; je crois qu'il faut suivre la même règle pour les retenues. Une législature qui est à la veille de voir expirer ses pouvoirs, qui sera obligée, sous peu, de comparaître devant les électeurs, cette législature ne peut pas lier celle qui la suivra.

Mon opinion à l'égard des fonctionnaires est suffisamment connue ; je crois qu'ils sont plus intéressés que personne à contribuer aux charges extraordinaires qui pèsent sur le pays ; mais il ne faut pas non plus que nous leur imposions des sacrifices pour un temps où ces sacrifices ne seront peut-être plus nécessaires.

Quant à l'époque où la retenue prendra cours, ainsi que l'a très bien dit honorable M. Delfosse, il est impossible qu'elle prenne cours avant la publication de la loi, c'est-à-dire avant le 1er mai prochain. Le fonctionnaire public a un droit acquis à tous ses traitements échus.

M. de Garcia. - Messieurs, nous semblons d'accord sur un point, c'est que la loi actuelle ne doit opérer la retenue qu'à partir du 1er mai prochain sur les traitements des fonctionnaires ; un seul point peut nous diviser, c'est celui de savoir comment sera répartie la retenue, et si cette retenue doit porter sur tout le traitement d'une année.

L'honorable M. Delehaye veut qu'on ne vote la loi aujourd'hui que pour obtenir la retenue jusqu'au 1er septembre ; suivant cette opinion, évidemment il ne serait pas satisfait aux besoins qu'il s'agit de couvrir, aux besoins réclamés par le gouvernement qui, dans ses prévisions, a calculé sur une retenue d'une année.

Messieurs, le but de la loi est de procurer une ressource extraordinaire au trésor ; cette ressource a été comprise dans les évaluations du gouvernement pour la retenue d'une année ; si maintenant vous ne percevez la retenue que pendant trois mois, vous ne lui accordez que le quart de ce dont il dit avoir besoin.

Pour appuyer ses observations, l'honorable M. Delehaye invoque les idées émises par l'honorable M. Delfosse. Je n'ai pas compris ainsi les observations présentées par l'honorable membre, et je doute qu'elles aient cette portée. J'attendrai ses explications à cet égard. Quant à présent, je me borne à constater que M. Delfosse n'a pas contesté la base de l'impôt, qu'il propose même de l'augmenter. Dès lors, comme je considère l'honorable M. Delfosse comme conséquent, je dois supposer qu'il ne peut pas vouloir le but sans vouloir les moyens, et que, partant, il n'entre pas dans ses intentions que la retenue ne soit opérée sur les traitements des fonctionnaires que pendant une période de 3 à 4 mois.

M. Malou. - Je demande que la chambre adopte l'article tel qu'il est, et avec le sens que sa rédaction comporte. On dit, au dernier paragraphe : « Ces retenues seront opérées à partir du mois d'avril1848, par neuvième ou par tiers, selon que le payement, etc. » Que résulte-t'-il de là ? En premier lieu, que l'on commencera à opérer la retenue à partir du 1er avril, et, en second lieu, puisqu'il s'agit de neuvièmes ou de tiers, que la loi ne s'applique qu'à l’année 1848. Il en résulte ces deux choses, qu'on ne veut pas donner à la loi un effet rétroactif, ni répartir douze douzièmes sur l'année 1848, c'est à-dire qu'on prendra autant pour cent sur chacun des neuf mois qui doivent s'écoulera partir du 1er avril 1848. Il résulte encore de là que la durée des effets de la loi, en ce qui concerne cette partie de l'emprunt, ne doit pas se prolonger au-delà du 31 décembre 1848. Telle a été, si j'ai bon souvenir, la pensée de la section centrale, dans l'hypothèse de l'adoption de cette partie dit projet.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, d'après les observations que vous venez d’entendre, la section centrale a entendu que la retenue s'opérerait seulement pendant 9 mois ; il en résulte qu'il faut diminuer ce qui est porté dans les prévisions : si le système de la section centrale est admis, cette somme doit être réduite.

M. Malou. - J'avais très bien compris l'interruption je me préparais à y répondre.

Par le vote que la chambre a émis dans la première partie de cette séance, on a notablement augmenté les retenues ; dès lors cette déduction d'un quart dût-elle avoir lieu, le gouvernement aurait encore ce dont il a besoin.

Veuillez remarquer encore que, d'après les dépenses votées, malgré le rejet de la troisième base de l'emprunt, et en supposant que le département des travaux publias doive obtenir encore une somme de plusieurs millions, nous avons établi une balance rigoureuse entre les dépenses et les recettes. (Interruption.) Voulez-vous le relevé des dépenses et des recettes ?

Plusieurs membres. - C'est inutile.

M. Malou. - Oui, c'est inutile. Il y a 25 millions de dépenses et 25 millions de recettes même dans le système que j'indique.

M. de Brouckere. - Messieurs, lorsqu'on prétend que la retenue qui doit être opérée sur tous ceux qui touchent ou des appointements ou des pensions sur le trésor, ne doit avoir lieu que jusqu'au (page 1438) 1er septembre, ou lorsqu'on prétend que puisque nous sommes arrivés à la fin d'avril, la retenue ne peut être que de huit douzièmes, il y a également confusion d'idées.

Quand nous avons voté douze douzièmes de la contribution foncière, nous sommes-nous demandé s'il s'était écoulé plusieurs mois depuis le 1e'r janvier ou si nous étions au début de l'année ? Non. Le vote de douze douzièmes ne signifie pas qu'on doive toucher un douzième par mois.

La législature est libre de décréter quel impôt elle veut et quand et comment l'impôt sera payé. Il en est de même des fonctionnaires. Quelle est la question ? L'année 1848 est venue révéler des besoins extraordinaires ; pour les couvrir, il faut des moyens extraordinaires. On a imposé aux propriétaires une part de sacrifices, les fonctionnaires doivent subir la leur. La législature a décidé ce matin dans quelle proportion ils devaient la supporter. Résulte-t-il de sa décision qu'il faille échelonner la retenue, soit par douzièmes, soit par neuvièmes, soit par sixièmes ? Mais vous avez toute liberté de prendre à cet égard telle résolution que vous jugeriez convenable, de faire la retenue en huit mois, au lieu de la faire en douze ; il n'y a pas excès de pouvoir en cela, il n'y a pas effet rétroactif.

C'est pour subvenir aux besoins de 1848 que vous avez décrété l'emprunt et que vous avez décidé que les fonctionnaires y prendraient part. La retenue imposée à ces derniers est exagérée, dira-t-on ; cela peut être vrai pour quelques-uns ; il n'en faut pas moins qu’elle soit opérée en 4848. Qu'elle soit perçue par douzième ou qu'elle le soit par tiers, peu importe, elle doit rentrer dans le courant de l'année ; il y a en cela toute justice, j'ajouterai qu'il y a toute prudence : Car si la crise se prolonge, et cela est fort à craindre, il faut nous attendre à nous trouver obligés d'exiger l'année prochaine de nouveaux sacrifices de la part des contribuables et de la part des fonctionnaires ; il faut donc que tout l'emprunt que nous décrétons aujourd'hui rentre dans le cours de l'année 1848 ; : quant à l'année 1849, nous attendrons les événements ; mais ne grevons pas dès aujourd'hui l'avenir ; l'avenir amènera avec lui ses nécessités et ses besoins.

M. Delfosse. - Messieurs, on a cru que j'avais émis une opinion ; on s'est trompé. Je m'étais borné à dire à M. de Garcia qu'il n'avait pas bien compris M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances avait demandé si la retenue à faire subir aux fonctionnaires serait perçue par douzième jusqu'au mois de mai 1849, ou par neuvième jusqu'à la fin de cette année. Voilà la question que M. le ministre avait posée, et je m'étais borné à rappeler ce que M. le ministre avait dit.

Je pense, comme l'honorable M. de Brouckere, que si l'on veut pourvoir aux besoins pour lesquels l'emprunt est demandé, il faut que la retenue à opérer sur le traitement des fonctionnaires soit d'une année.

Sur combien de mois répartira-t-on cette retenue ? Voilà toute la question. M. le ministre des finances hésite entre neuf et douze mois. Ce dernier délai serait trop long ; on ne peut pas attendre jusque-là. Il s'agit de couvrir les dépenses faites ou à faire jusqu'à la fin d'août ; comment pourrait-on admettre qu'une partie de l'emprunt ne serait payée qu'en mai 1849 ? Il est évident qu'il y aurait un découvert dans les caisses du trésor, et que M. le ministre des finances se trouverait dans un grand embarras.

Je ne comprends pas comment on accorderait un délai aussi long.

Un mot de réponse à une observation qui a été présentée par l'honorable M. de Garcia.

L'honorable M. de Garcia a dit que j'étais conséquent, et que j'aurais, pour arriver à mon but, recours à tous les moyens. Je suis sûr que l'honorable M. de Garcia a voulu dire que j'aurais recours à tous les moyens honnêtes, car je ne suis pas de ceux qui pensent que la fin sanctifie les moyens.

M. de Garcia. - Je n'ai pas dit cela dans la forme que vous indiquez.

M. Delfosse. - Je suis convaincu que vous n'avez pas eu d'intention désobligeante.

Nous nous sommes occupés du délai ; mais on n'a encore rien dit de la retenue à opérer sur le traitement des officiers.

Le gouvernement proposait une retenue de 5 p. c. sur le traitement de tous les officiers, à partir du grade de capitaine. La section centrale propose de ne frapper les capitaines que d'une retenue de 3 p. c, et de frapper les officiers d'un grade supérieur d'une retenue de 5 p. c. L'honorable M. Lys a présenté un amendement ; il admet, je pense, la retenue de 3 p. c. pour les capitaines, mais il désire une progression plus forte pour les grades supérieurs.

C'est un point sur lequel j'appelle l'attention de la chambre. Il ne faut pas que le dernier paragraphe fasse perdre de vue la disposition du paraphe c.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - La chambre statuera aussi sur la fixation de la part contributive des officiers, suivant les grades, dont vient de parler l'honorable M. Delfosse. Mais occupons-nous d'abord de la question de savoir à partir de quelle date il faut commencer à opérer la retenue. L'honorable M. Delfosse dit : « Je m'étonne que le ministre des finances propose. » Messieurs, je n'ai rien proposé. J’ai appelé l'attention sur une question à résoudre, et la discussion qui s'est engagée l'a éclaircie. Il est bien entendu à présent que les fonctionnaires subiront une retenue, à titre d'emprunt, pendant toute une année. (Adhésion.)

Voilà un premier point hors de tout doute.

Quant à la date, je crois qu'elle doit être fixée au mois de mai. Les traitements du mois d'avril sont payés. On ne peut plus faire la retenue qu’à dater du mois prochain. Si la retenue doit s'opérer avant la fin de l’année, il est nécessaire qu'elle ait lieu par huitièmes. ,

M. Mercier. - Je renonce à la parole, par suite des explications que vient de donner M. le ministre des finances.

M. de Theux. - Je voulais proposer ce qu'a proposé M. le ministre des finances. Il a fait ses calculs sur une année : quatre mois sont écoulés : il faut donc repartir la retenue sur les huit mois restant.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - J'ai interrompu tout à l’heure l’honorable M. Malou pour lui faire remarquer que, dans son système, il y aurait un incontestable déficit sur les prévisions, déficit qu’il faudrait ajouter encore à la suppression de 1,500,000, produit suppose de la contribution sur les propriétés en location.

M. Malou. - Je me range à l'opinion qui semble prévaloir.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Permettez ; ce premier fait établi, voyons quelles en seront les conséquences. D'abord il y a nécessité de couvrir 25,150,000 qui se subdivisent ainsi :

Bons du trésor : 14,000,000 fr.

Au budget de la guerre : 9,000,000 fr.

Au département de l'intérieur : 2,000,000 fr.

Divers crédits demandés et votés pour travaux publics : 9,350,000 fr.

Crédits non encore votés : 2,800,000 fr.

Total : 37,150,000 fr.

A déduire du chef des 8/12 de la contribution foncière : 18,000,000 fr.

Reste : 25,150,000 fr.

Maintenant, voyons la recette :

Nous présumons que l'on recevra pour les 12 douzièmes de la contribution foncière 18,000,000 fr., sur les contributions personnelles 4,300,000 fr. sur le montant des recettes faites et à créer encore. 1,500,000 fr., sur les retenues sur les traitements et les pensions 830,000 fr. Ce qui porte les recettes à 24,630,000 fr.

Vous avez augmenté les retenues sur les traitements des fonctionnaires publics d'une somme que j'évalue au minimum à 200,000 fr., soit 24,830,000 fr.

Il y aurait donc un déficit, en prenant ces suppositions pour base des calculs.

Maintenant, quant aux retenues sur les traitements, elles ont été calculées sur une année entière ; mais elles sont destinées à couvrir des dépenses qui seront faites jusqu'au 1er septembre et qui devront être payées pour cette époque. Or, vous ne voulez faire opérer les retenues que sur un espace de temps qui, au minimum, irait jusqu'au 31 décembre 1848. Ce sera donc encore de ce chef un nouveau déficit qui mettrait le gouvernement dans l'impossibilité de faire face aux dépenses votées par la législature.

M. Malou. - D'après la note communiquée par M. le ministre des finances, les dépenses s'élèvent à 37,150,000 fr.

D'où à déduire les 8 douzièmes de la contribution foncière, 12,000,000 fr. Reste 25,150,000 fr.

Or, de l'aveu de M. le ministre des travaux publics, et d'après ses calculs même, les recettes d'ici au 1er septembre s'élèveront à peu près à 25 millions ; et renonçant à l'opinion que j'émettais tout à l'heure, me ralliant à celle qui paraît prévaloir que la retenue entière sur les traitements doit être opérée dans les huit derniers mois de l'année, ce déficit me paraît être couvert. Il y a tout au plus une insuffisance de 2 ou 3 cent mille francs.

M. Mercier. - Messieurs, je pense que la discussion ne doit pas se prolonger plus longtemps sur le paragraphe dont nous nous occupons depuis la reprise de la séance. J'adhère à la dernière proposition de M. le ministre des finances ; elle me paraît avoir l'assentiment de toute la chambre. J'ai principalement demandé la parole pour établir quel est le produit que l'on peut attendre des dispositions déjà votées.

La contribution foncière produira, non pas 18 millions, mais 18,350,000 fr.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Et les non-valeurs ?

M. Mercier. - Il faut calculer l'emprunt tel que nous le décrétons. Il y aura peut-être quelques non-valeurs, mais leur somme ne sera pas considérable.

La contribution personnelle rapportera 4,330,000 fr.

M. le ministre des travaux publics a admis que les rentes i apporteraient 1,500,000 fr.

L'évaluation des retenues était de 830 mille francs ; vous me concédez que l'amendement adopté produira deux cent mille francs de plus, soit 1,030,000 fr.

(page 1439) Additionnant ces différentes sommes, je trouve 25,210,000 fr.

Enfin la liste civile a offert un concours de 300,000 fr.

Nous pouvons compter jusqu'à un certain point sur les souscriptions volontaires ; je crois qu'il n'y a pas d'exagération à les porter à 500,000 fr.

J'arrive alors à 26,010,000 fr.

Supposez des non-valeurs pour cinq cent mille francs, et il restera encore vingt-cinq millions cinq cent mille francs, ce qui sera suffisant pour faire face à la dépense extraordinaire de 28 millions réclamée par le gouvernement.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - On suppose que les recettes qui ont été indiquées et qui viennent d'être mentionnées de nouveau par l'honorable M. Mercier seront effectuées au taux nominal. Mais l'honorable membre sait beaucoup mieux que moi qu'il y aura des mécomptes. On ne percevra pas ce qui est supposé. Pour la contribution foncière par exemple, on indique un produit de 18,350,000 francs, je l'admets. Mais en réalité la perception ne sera pas de 18,000,000 fr.

M. Malou. - Pourquoi pas ?

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Pourquoi pas ? Je vais vous le dire.

Pour l'emprunt des 8/12 de la contribution foncière que l'on présumait devoir rapporter 12,239,833 fr. 26 c, on avait perçu au 10 avril, 11,791,018 fr. 19 c. ; je ne sais ce qui est rentré depuis ; mais il est certain qu'on a perçu moins que ce qui était présumé devoir être produit.

La même chose arrivera pour l'emprunt actuel. Elle arrivera également pour la contribution personnelle. On ne percevra pas intégralement la somme de 4,300,000 fr. surtout avant le 1er septembre.

L'honorable M. Mercier dit : Mais nous devons compter sur 500,000 fr. de souscriptions volontaires. Et cela compensera les 500,000 fr. que lui-même admet comme ne devant pas se réaliser.

Mais, messieurs, vous avez voté des dépenses certaines, qu'il faudra acquitter et vous comptez sur des recettes problématiques. (Interruption.) Je dis qu'il n'est pas certain que nous parviendrons, au moyen de ces recettes, à couvrir toutes les dépenses votées.

Je reviens à la retenue sur le traitement des fonctionnaires. Cette retenue a été évaluée à 1,000,000 fr. ; si l'on veut percevoir cette somme par huitièmes, il y aura encore un déficit assez important à la date du 1er septembre. Si vous voulez être conséquents, décidez qu'à dater du mois de mai le montant total de la retenue sera perçu jusqu'au 1er septembre si vous croyez pouvoir réaliser une pareille chose.

- M. Liedts remplace M. Verhaegen au fauteuil.

M. Cogels. - Messieurs, j'admets la dernière observation de l'honorable ministre des travaux publics. C'est qu'il y aura en effet, non pas un déficit, mais un retard dans le recouvrement pour la quatrième base.

Quant à la contribution foncière et à la contribution personnelle, je n'admets pas du tout le parallèle que M. le ministre a établi entre la perception des huit douzièmes et la perception de l'emprunt que nous votons maintenant. Tout le monde a contribué aux huit douzièmes, et par conséquent il y avait là des cotes irrécouvrables, des non-valeurs ; ici, par le système que nous avons adopté, sept huitièmes d'une part, trois quarts de l'autre, il n'y a plus de non-valeurs ; vous cherchez l'argent là où il se trouve, il n'y a donc pas le moindre mécompte à craindre sous ce rapport.

M. Lys. - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter un amendement relativement aux traitements militaires. D'après cet amendement, la retenue aurait aussi lieu sous forme d'emprunt, sur les traitements du grade de capitaine en activité et des grades supérieurs, dans la proportion suivante :

3 p. c. sur un revenu de 2,000 à 3,000 fr.

4 p. c. sur un revenu de 3,000 à 4,000 fr.

5 p. c. sur un revenu de 4,000 à 5,000 fr.

Et ainsi progressivement jusqu'à 25 p. c, en augmentant de 1 p. c. pour chaque mille francs.

Je me bornerai à faire observer que, d'après la proposition du gouvernement, vous prélevez 5 p. c. sur le traitement du grade de capitaine et que je ne prélève que 3 p. c. sur ce traitement ; seulement j'augmente cette retenue de 1 p. c. par chaque augmentation de mille francs, tandis que dans la proposition du gouvernement la retenue est la même, quelle que soit l'élévation du traitement.

M. Brabant. - D'après les explications que l'honorable membre vient de donner, son amendement me paraît se rapporter aux grades et non pas aux traitements. Je ferai observer à la chambre que, si ma mémoire est fidèle, le plus faible traitement du grade de capitaine est de 2,800 fr.

M. de Corswarem. - 2,900 fr.

M. Brabant. - C'est possible. Il ne faudrait donc point partir du chiffre de 2,000 fr., puisqu'on ne peut pas atteindre les grades inférieurs à ceux de capitaine.

M. Lys. - Je ne parle pas des grades.

M. Brabant. - Dans vos derniers développements vous parlez bien positivement des grades.

Je crois, messieurs, que dans les circonstances actuelles nous aurions tort d'établir une retenue sur les traitements militaires. Ces traitements sont fixés pour le temps de paix, pour une époque où les officiers se trouvent en garnison et où leurs dépenses sont, par conséquent, réduites au minimum. Aujourd'hui au contraire toutes les troupes sont constamment sur le qui-vive. (Interruption.)

Une grande partie de l'armée se trouve en cantonnement et je ne craindrai pas de faire ici, comme je l'ai fait dans ma section, un appel à nos deux honorables collègues qui sont militaires et de les prier de nous dire combien les charges des officiers sont augmentées lorsque l'armée se trouve dans cette position. (Interruption.) Je préviendrai l'objection que l'honorable colonel Eenens veut présenter. Je suis convaincu, autant que qui que ce soit, du dévouement et du patriotisme de nos officiers. Le Moniteur nous a déjà fait connaître plusieurs offres qui ont été faites, non seulement par des capitaines, mais par des lieutenants et des sous-lieutenants. Eh bien, attendons les effets de leur patriotisme et de leur désintéressement, mais ne leur imposons pas une retenue par la loi.

Dans les autres pays lorsqu'une armée se trouve sur le pied de rassemblement (c'est sur ce pied que notre armée se trouve aujourd'hui), lorsqu'une armée se trouve sur le pied de guerre, on lui alloue des frais extraordinaires, des indemnités d'entrée en campagne ; eh bien, je crois qu'il serait, non pas impolitique, le patriotisme de notre armée est trop bien connu pour que j'emploie un pareil terme, mais il serait inconvenant, et j'ose le dire devant le législature, il y aurait inconvenance de sa part à imposer des sacrifices à l'armée. Je le répète ; attendons tout de son patriotisme, pécuniairement, comme nous attendons tout de son courage et de sa discipline, militairement.

M. Delfosse. - L'honorable M. Brabant ne voudrait d'aucune espèce de retenue sur les traitements des officiers. Je ferai remarquer que le gouvernement, qui n'a pas l'habitude d'aller trop loin en matière de retenues, a proposé lui-même une retenue de 5 p. c. sur les traitements de tous les officiers, à partir du grade de capitaine. Le gouvernement n'a pas cru qu'il y aurait des inconvénients ni que le dévouement de nos officiers serait moindre parce qu'on leur imposerait une retenue. Le gouvernement avait fixé cette retenue à 5 p. c. pour tous les officiers indistinctement. Le gouvernement, qui avait cru devoir établir une certaine progression pour les traitements civils, n'en avait pas établi pour les traitements militaires. Il me paraît cependant qu'il y avait quelque injustice à imposer la même retenue, la retenue de 5 p. c, à un capitaine qu'à un général, puisqu'en établissant une progression pour les traitements civils, il eût été convenable d'en établir une pour les traitements militaires.

J'admets la force d'une partie des observations qui ont été présentées par l'honorable M. Brabant. Mais je ne pense pas que le patriotisme des officiers puisse dépendre d'un traitement un peu plus ou un peu moins élevé ; ce serait, j'en conviens, aller un peu loin que de porter, pour les traitements militaires, la progression jusqu'à 25 p. c. comme pour les traitements civils. Je demanderai donc qu'ici la progression s'arrête à 10 p. c.

Remarquez que nous réduisons la retenue que le gouvernement voulait opérer sur le traitement des capitaines. D'après la proposition du gouvernement, la retenue sur le traitement des capitaines était de 5 p. c ; d'après l'amendement de M. Lys, elle ne sera que de 3 p. c. Les capitaines sont très nombreux. Si vous ne compensez pas cet avantage que l'amendement de l'honorable M. Lys fait aux capitaines, en imposant aux officiers supérieurs une retenue plus forte qu'ils peuvent très bien supporter et qu'ils supporteront, j'en suis sûr, avec dévouement, sans qu'on puisse craindre que leur patriotisme en soit atteint ; si, dis-je, vous ne compensez pas l'avantage fait aux capitaines par une retenue plus forte sur les traitements supérieurs, vous aurez un déficit.

Le gouvernement vous dit que le projet de loi couvre à peine les dépenses jusqu'au 1er septembre prochain ; n'allez donc pas, sous l'influence des sentiments exprimés par l'honorable M. Brabant, diminuer les ressources que le projet de loi met à la disposition du gouvernement.

Le gouvernement est bon juge en cette matière. Le gouvernement n'a pas l'habitude d'aller trop loin en matière de réductions ; et comme il a lui-même reconnu qu'on pouvait sans inconvénient imposer à tous les officiers, à partir du grade de capitaine, une retenue de 5 p. c, on peut très bien faire subir aux capitaines une retenue de 3 p. c, et aux officiers d'un grade supérieur une retenue plus forte.

Je me rallie donc à l'amendement de l'honorable M. Lys, en le modifiant, en ce sens que la progression s'arrêterait à 10 p. c.

- Le sous-amendement est appuyé.

M. de Brouckere. - Messieurs, je crois avec l'honorable M. Brabant, que nous ferions une chose souverainement injuste, en exigeant de la part des officiers un sacrifice que j'appellerai exagéré ; ils sont dans une position toute spéciale, et leur position n'est pas à comparer avec celle des fonctionnaires civils.

Les fonctionnaires civils restent dans la position où ils étaient avant les événements qui ont surgi, tandis que ces événements ont rendu la position des officiers, non seulement infiniment plus pénible, mais beaucoup plus coûteuse. Les officiers sont astreints à des déplacements fréquents ; ces déplacements coûtent fort cher ; je demande si c'est le moment d'exiger de leur part un sacrifice aussi élevé que celui qu'on propose ?

Je dis que ce serait injuste et que la retenue proposée par le gouvernement est suffisante. Pour ma part, je n'irai pas plus loin.

M. Mast de Vries. - Messieurs, je ferai observer que la retenue proposée pour les officiers ne sera pas de 4, 5 ou 6 p.c. ; mais que ce sera en réalité une retenue de 11, 12 ou 13 p. c, parce que la retenue doit se faire pour l'année entière, endéans les huit mois.

(page 1440) J'ai repoussé la progression de 25 p. c. pour les fonctionnaires civils ; je repousserai encore la proposition qui est faite en ce moment.

- La clôture de la discussion est prononcée.

M. Osy. - Nous avons momentanément abandonné la discussion de la question du délai pour la retenue à opérer sur les traitements des fonctionnaires civils, pour nous occuper de la question des officiers ; il faudrait vider la première question.

M. le président. – Il s’agit pour le moment de l'amendement relatif aux militaires.

M. Lys. - Je me rallie au sous-amendement de M. Delfosse.

- L'amendement de M. Lys, sous-amendé par M. Delfosse, est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'amendement de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié, est ensuite mis aux voix cl adopté.

M. le président. - Vient maintenant la disposition finale qui s'applique à tous les traitements, tant civils que militaires, et qui est relative au mode d'opérer les retenues.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la chambre a aggravé, d'une manière beaucoup trop onéreuse, selon moi, la position des fonctionnaires civils.

Par une exception, que j'ai peine à comprendre, on vient d'établir une préférence marquée en faveur des fonctionnaires militaires. Les fonctionnaires civils se trouvent au contraire sous la menace d'une nouvelle aggravation. La retenue de 10 à 20 p. c. ne se fera pas sur l'année entière, elle devra s'opérer sur huit mois, de manière, messieurs, qu'il y a depuis ce matin une aggravation d'un tiers. Je demande si c'est bien là l'intention de la chambre, si cela est bien juste. J'avais cru qu'après avoir cédé ce matin à un entraînement que je considère comme fâcheux, on serait revenu, dans la séance de ce soir, à des sentiments plus modérés en faveur des fonctionnaires de l'ordre civil, et voilà leur position menacée d'une nouvelle aggravation. (Interruption.)

Je me borne à constater la conséquence du vote que l'on va émettre. Mais, messieurs. pour être parfaitement conséquents avec vous-mêmes, ce n'est pas sur les huit derniers mois qu'il faudrait faire porter l'aggravation, c'est sur les mois qui s'écouleront depuis le 1er mai jusqu’au 1er septembre ; c'est sur quatre mois qu'il faudrait faire porter toute la retenue, autant vaudrait dire alors que vous confisquez la totalité des traitements des fonctionnaires civils pendant quatre mois. Si vous ne le faites pis cependant, à la date du 1er septembre, vous allez éprouver un déficit, une insuffisance de ressources, du chef de la base des retenues sur les traitements des fonctionnaires publics. Si, au contraire, vous admettez qu'il n'est pas nécessaire que les dépenses votées ne soient pas entièrement couvertes au 1er septembre, eh bien, je vous le demande, au nom des fonctionnaires civils, qui ont aussi du dévouement et du patriotisme,, tout autant que les fonctionnaires de l'armée ; je vous demande, au nom de leur famille, eux qui sont aussi des contribuables, je vous, demande d'échelonner les retenues jusqu'au 1er mai de l'année prochaine. Elles seront encore assez lourdes comme cela.

Je dois, faire observer à la chambre que les fonctionnaires publics, par cela même qu'ils n'ont pas cette vie nomade des militaires, ont des contributions personnelles à payer, qui seront lourdes pour beaucoup d'entre eux, et parce qu'ils consacrent leur existence au service public, ils ne doivent pas être traités plus mal que les autres citoyens belges.

Messieurs, prenons-y garde, notre but commun est de maintenir autant que possible l'Etat belge dans la bonne position où il est placé, de n'ébranler aucune de nos institutions ; mais, messieurs, l'administration publique est aussi une de nos institutions, et ces attaques incessantes contre les fonctionnaires publics, ces sortes de menaces sous lesquelles ils sont placés finiront par ébranler leur courage et leur confiance. Comment ! les voilà coup sur coup menacés d'une retenue énorme que l'on veut aggraver encore en la faisant peser sur huit mois,, d'une réduction de traitement, d'une suppression d'emplois,, comment voulez-vous que ces hommes qui sont en définitive les principaux ressorts, des instruments de l'administration publique, puissent continuer à servir le pays avec le même zèle et la même confiance ? J'attends beaucoup de leur patriotisme, de leur dévouement. J'insiste, messieurs, au nom des fonctionnaires publics dont je dois prendre la défense en cette enceinte, puisque malheureusement il ne se trouve aucun collègue non ministre qui les défende, j'insiste pour qu'on ménage ces citoyens qui, en réalité, rendent autant que qui que ce soit des services au pays. Je demande que la retenue qui aura lieu pour toute l'année, soit répartie sur toute l'année.

M. Delfosse. - Je suis étonné du langage que l'honorable M. Rogier vient de tenir. Personne dans cette enceinte n'a pensé à attaquer les actionnaires publics, et M. le ministre de l'intérieur n'avait pas besoin de les défendre. Tout ce qu'on a demandé, c'est que les fonctionnaires publics participent, comme fonctionnaires publics, aux sacrifices que toutes les classes de la société, propriétaires, industriels, etc., doivent s'imposer.

M. le ministre de l'intérieur a obtenu que les fonctionnaires publics ne subissent de retenues qu'à titre d'emprunt. J'aurais voulu davantage, j'aurais voulu que les retenues fussent définitives, comme le congrès national l'avait voulu en 1831. Je suis d'autant plus surpris du langage de M. le ministre de l'intérieur que l’amendement que j'ai proposé et que la chambre a accueilli à une grande majorité n'a guère modifié que la position des fonctionnaires dont le traitement est de plus de 10,000 fr. ; car remarquez-le, messieurs, la différence entré mon amendement et celui de la section centrale, c'est que la section centrale arrêtait la progression à 10 p. c., et que la chambre l'a portée à 25 p. c. Mon amendement n'a en définitive modifié sensiblement que la position des fonctionnaires dont le traitement est de plus de 10,000 fr. M. le ministre de l'intérieur peut-il, après cela, être admis à parler comme il vient de le faire, de la position des fonctionnaires qui, selon lui, seraient en quelque sorte réduits à la misère par suite du vote de la chambre ?

Comment ! messieurs, nous étions à peu de chose près d'accord avec la section centrale, nous étions à peu de chose près d'accord avec le gouvernement lui-même pour tous les traitements inférieurs à dix mille francs : et parce que, par suite de mon amendement, la chambre, à une grande majorité, a augmenté les retenues sur les gros traitements, M. le ministre de l'intérieur se plaint ; il gémit sur le sort des employés. J'avoue que je ne comprends pas le langage de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur exhale encore d'autres plaintes. Il nous dit que notre sévérité croit de plus en plus, parce que nous voulons faire payer en huit mois, aux fonctionnaires la retenue qu'ils doivent subir : parce qu'au lieu d'échelonner les payements jusqu'au mois de mai 1849, nous voulons les échelonner jusqu'au 31 décembre 1848. Mais par qui donc cette proposition a-t-elle été faite ? Elle a été faite par M. le ministre des finances, collègue de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre des finances avait indiqué deux hypothèses. Il avait demandé si l'on échelonnerait la retenue jusqu'au mois de mai 1849 ou jusqu'au 31 décembre 1848 ; puis par suite des observations qui ont été présentées entre autres par M. le ministre des travaux publics, qui a fait remarquer que si l’on échelonnait les retenues jusqu'au mois de mai 1849, le gouvernement se trouverait sans ressources pour couvrir les dépenses auxquelles il faut faire face avant le mois de septembre, par suite de ces observations, dis-je, c'est M. le ministre des finances lui-même qui a proposé d'échelonner les payements jusqu'à la fin de décembre.

Si le gouvernement change d'avis, s'il pense qu'il peut attendre pour couvrir une partie des dépenses jusqu'au mois de mai 1819, je ne serai pas plus difficile que lui. C'est le gouvernement qui doit savoir pour quelle époque il a besoin d'argent. S'il croit qu'il peut accorder des délais aux fonctionnaires et aux autres classes de contribuables, je ne m'y opposerai certes pas.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - L'honorable préopinant m'a fort mal compris. Je n'ai pas fait de proposition à la chambre. Je n'ai pas dit qu'on devait répartir les retenues sur les traitements dans un temps plus ou moins long ; j'ai constaté vis-à-vis de la chambre que, par suite des réductions successives qui avaient été faites, il y aurait un déficit, et je l'ai démontré, soit dans l'hypothèse que les retenues sur les traitements seraient opérées dans l'espace de neuf mois, soit dans l'hypothèse qu'elles seraient opérées dans l'espace de quelques mois, pour le 1er septembre. J'ai dit et je répète que, même en faisant intégralement les retenues d'ici au 1er septembre, ce qui serait, comme je l'ai dit, une chose absurde que vous né réaliserez pas, voilà mes expressions, il y aurait encore déficit.

Voilà la seule chose que j'aie énoncée à la chambre. Je voulais prouver par là, puisqu'il faut dire en toutes lettres ma pensée, que même pour combler un déficit, il n'était pas admissible d'espérer une retenue aussi considérable sur un espace de temps aussi court.

M. le président. - Voici un amendement que M. Osy fait parvenir au bureau :

« Les retenues sur les traitements des fonctionnaires civils et militaires sont échelonnées par douzièmes du 1er mai 1848 au 1er mai 1849. »

La parole est à M. Osy pour développer son amendement.

M. Osy. - Messieurs, je n'ai que deux mots à dire à l'appui de mon amendement.

Il est impossible d'opérer les retenues par quart jusqu'au 1er septembre ; il me paraît même impossible de les opérer par huitièmes jusqu'au 31 décembre ; elles seraient trop considérables. En effet, sur un traitement de 21,000 fr., par exemple, la retenue, au lieu d'être de 25 p. c„ comme vous l'avez décrété par l'amendement de l'honorable M. Lys, serait de 30 p. c. Elle s'élèverait à 600 fr. par mois. Il me paraît qu’il y aurait injustice à imposer de pareils sacrifices aux fonctionnaires.

Il est vrai qu'il y aura un déficit dans les ressources que le gouvernement juge nécessaires d'ici au 1er septembre ; mais ce n'est pas une raison pour être injuste envers les fonctionnaires. Il ne faut pas oublier que vous pourriez faire subir à certains fonctionnaires une retenue sur toute l'année, tandis qu'il pourrait arriver que d'ici à quelques mois ils fussent morts ou ils ne fussent plus en place.

M. de Mérode. - Messieurs, si nous étions certains d’être fort à notre aise dans l'année 1849, j'accepterais l'amendement de l'honorable M. Osy. Mais qui connaît ce qui se passera en 1849 ? Et si vous dépensez en 1848 ce que vous ne recevrez qu'en 1849, il nous sera peut-être impossible de faire face aux obligations qui pèseront sur nous.

Quand il s'agit des contribuables, on n'a pas tous ces égards. On fait un appel à leur patriotisme, et ils n'en ont jamais trop. On leur en attribue une dose pour ainsi dire indéfinie. Quand il s'agit des fonctionnaires, c'est tout autre chose.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ils sont contribuables comme les autres.

M. de Mérode. - Ils sont contribuables tant que vous voulez. Mais ils sont certains de recevoir leurs traitements, (page 1441) tandis que les contribuables ne sont pas certains de percevoir ce qui doit servir au payement des impôts.

Je ne suis pas ennemi des fonctionnaires publics ; j'ai défendu leurs traitements en plusieurs circonstances ; mais dans les moments difficiles, ils doivent faire des efforts comme les autres.

Quant aux fonctionnaires militaires, leur position est toute différente. L'économie leur est impossible.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je persiste à dire que les fonctionnaires publics sorti frappés deux fois ; qu'ils sont contribuables tout aussi bien que l'est l'honorable comte de Mérode, non pas malheureusement pour eux dans la même proportion, mais enfin ils payent en proportion de leur modeste fortune, et ils sont aussi hauts imposés proportion gardée, que peut l’être l'honorable comte de Mcéode.

Il y a ensuite cette différence entre les fonctionnaires publics et beaucoup d'autres contribuables, c'est que les revenus dont ils jouissent sont le prix de leurs travaux.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Osy est mis aux voix et adopté.

L'article est ensuite adopté dans son ensemble.

Article 15

« Art. 15. Les coupons d'intérêt au porteur et les mandats des rentes nominatives de la dette belge de 5 et 4 1/2 p. c, échéant le 1er mai 1848, seront admis en payement du terme exigible à cette époque.

« Les coupons d'intérêt au porteur et les mandats de payement des rentes nominatives de la dette de 2 1/2 et de 4 p. c, échéant le 1er juillet, et ceux de la dette 3 p. c, échéant le 1er août 1848, seront admis en payement des autres termes exigibles avant le 1er août. »

M. le président. - M. le ministre des finances a proposé la rédaction suivante :

« Art. 15. Les coupons d'intérêt au porteur et les mandats de payement des rentes nominatives de la dette belge de 2 1/2 et de 4 p. c, échéant le 1er juillet 1848, et ceux de la dette 3 p. c, échéant le 1er août suivant, seront admis en payement des trois premières parties de l'emprunt. »

- Cette rédaction est adoptée.

Article 16

« Art. 16. Le payement de l'emprunt doit s'effectuer aux époques désignées, quelles que soient les réclamations que les intéressés se croiraient en droit de former. En cas de décision favorable, ils obtiendront le remboursement de la somme payée indûment.

« L'instruction des réclamations, en ce qui concerne les trois premières parties de l'emprunt, aura lieu d'après la marche prescrite pour les contributions directes. »

M. le président. - La section centrale propose de rédiger le deuxième paragraphe de la manière suivante :

« Les réclamations, en ce qui concerne les trois premières parties de l'emprunt, seront instruites de la manière établie pour les contributions directes. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je me rallie à cette rédaction ; seulement, il faut dire : « En ce qui concerne les deux premières bases. »

M. Raikem. - Messieurs, j'ai une observation très courte à faire sur cet article. Elle pourrait être longue s'il ne s'agissait pas d'une loi en quelque sorte éphémère.

L'article tel qu'il était primitivement rédigé est copié du décret du congrès, du 8 avril 1831 ; mais ce décret ne s'appliquait qu'à un emprunt reposant sur les contributions directes, et à cet égard il ne pouvait pas y avoir de difficulté, puisque là il y a des rôles, des bases de contributions. Mais ici vous avez une base dont le recouvrement ne se fait pas comme en matière de contributions directes, c'est la base des rentes et créances. A cet égard les poursuites se font comme en matière d'enregistrement, et en cette matière lorsqu'une contrainte est décernée, l’exécution de la contrainte est suspendue par l'opposition. Il y a donc ici une dérogation à ce qui se pratique en matière d’enregistrement, et dès lors il n'est pas exact de dire à l'article 11, que la poursuite se fait comme en matière d'enregistrement. Nullement. Cet article-ci vient y déroger, car s'il y a erreur dans la cotisation, la contrainte n'en sera pas moins décernée et exécutée nonobstant opposition. Il peut y avoir erreur dans la désignation du créancier, car il arrive parfois que plusieurs personnes portent les mêmes noms et prénoms ; néanmoins celui que le receveur aura considéré comme créancier sera obligé de payer, sauf à intenter ensuite un procès à l'administration.

Or, messieurs, savez-vous ce qui peut résulter d'un procès ? C'est que, tout en le gagnant celui qui aura dû l'intenter fera des frais irrécouvrables plus élevés que ce qui serait nécessaire pour payer l'emprunt.

Cet article, messieurs, présenterait donc de bien graves inconvénients s'il ne s'agissait pas d'une loi qui sera d'une application temporaire ; cependant, puisque la disposition a été adoptée par la section centrale, je conçois que dans une loi faite d'urgence, on ne peut pas entrer dans tous les détails et je me bornerai à faire une observation à M. le ministre dos finances. J'ai la confiance que M. le ministre voudra bien donner aux employés et aux fonctionnaires charges de l'exécution de la loi des instructions telles qu'il y aura toute facilité pour les personnes qui sont de bonne foi, qu'elles soient créanciers ou supposées créanciers ; qu'on agira à leur égard avec toute la bienveillance possible ; que le ministère prendra des mesures pour adoucir, quant à ce point, l'exécution de la loi ; que la rigueur et la sévérité seront réservées pour les seules personnes qui seraient de mauvaise foi. Sans cela, messieurs, je vous avoue que je serais arrêté devant la disposition de cet article. Mais je le répète, j'ai confiance que le gouvernement prendra toutes les mesures pour que les personnes de bonne foi ne soient vexées en aucune manière. Cela peut se faire par des mesures administratives qui vaudront toujours mieux que des procès fort onéreux pour les créanciers.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Il entre dans les intentions du gouvernement d'en agir comme le désire l'honorable M. Raikem.

- L'article est adopté.

Article 17

« Art. 17. Les receveurs adresseront aux prêteurs des avertissements du montant de leurs cotes, et ce sans frais.

« A chaque payement, les receveurs délivreront des récépissés provisoires des sommes égales à celles qui auront été versées.

« Ces récépissés seront considérés comme effets au porteur et ne pourront valoir que pour le montant réel des cotes ouvertes au nom des préteurs.

« Des récépissés produisant les mêmes effets seront délivrés aux prêteurs dans la cinquième partie de l'emprunt, après le prélèvement de la dernière retenue ordonnée par l'art. 14. »

M. le président. - La section centrale propose de rédiger ainsi le dernier paragraphe :

« Pour la cinquième partie de l'emprunt, des récépissés produisant les mêmes effets, seront délivrés après le prélèvement de la dernière retenue ordonnée par l'article 14. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je me rallie à cette rédaction. Au deuxième paragraphe de l'article, il convient de supprimer les mots : « les receveurs » et dire : « ils » pour éviter une répétition.

- L'article 17 est adopté avec ces changements.

Article 18

« Art. 18. L'emprunt portera intérêt à cinq pour cent, à partir du 1er juillet 1848, jusqu'à l'époque qui sera ultérieurement fixée pour son remboursement. »

M. de La Coste. - Messieurs, on ne me rangera pas parmi les adversaires des fonctionnaires publics, puisque j'ai voté contre la retenue qui leur a été appliquée. Cependant, je dois faire une observation, quant à cet article. Je demanderai comment il est possible de faire courir l'intérêt à partir du 1er juillet 1848 ; la somme se payera jusqu'au mois de mai 1849. Il y aurait une anticipation d'intérêts qui serait de près d'un an ; et cela serait même inapplicable, puisqu'on ne sait pas si le même employé qui est aujourd'hui en fonctions le sera encore à la fin de l'année, et par conséquent s'il payera son emprunt tout entier. Il faudrait une disposition spéciale.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, j'ai préparé un amendement, pour faire portera une autre date l'intérêt courant au profit des fonctionnaires. Dans la prévision que toute la somme aurait été payée dans le cours de l'année, par un calcul d'intérêt, j'étais arrivé à la date du 15 septembre et pour compter du 1er du mois, j'aurais proposé le 1er octobre ; mais par suite de l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Osy, cette date du 1er octobre n'est plus parfaitement juste ; on pourrait mettre le 1er novembre.

M. le président. - Voici l'amendement de M. le ministre des finances à l'article 18 :

« Art. 18. Jusqu'à l'époque qui sera ultérieurement fixée pour son remboursement, l’emprunt portera intérêt à 5 p. c, à partir du 1er juillet 1848, pour les prêteurs dans les trois premières parties de l'emprunt, et à partir du 1er novembre suivant, pour les prêteurs dans la quatrième. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 19

« Art. 19. Tout particulier pourra prendre part à l'emprunt par une souscription volontaire, dont le minimum est fixé à vingt francs portant intérêt à cinq pour cent l'an.

« Le montant de ces souscriptions sera versé chez les receveurs des contributions directes, qui en donneront un récépissé spécial.»

M. le président. - Voici un amendement proposé par M. le ministre des finances à l'article 19 :

« Art. 19. Tout particulier pourra prendre part à l'emprunt jusqu'au 1er septembre 1848, par une souscription volontaire, dont le minimum, est fixé à 20 fr., portant intérêt à 5 p. c. l'an, à partir du jour du versement.

« Le montant de ces souscriptions sera versé chez les receveurs des contributions directes, qui en donneront un récépissé spécial.»

M. le ministre des finances (M. Veydt). - De cette manière, l'emprunt resterait ouvert jusqu'au 1er septembre 1848.

- L'article 19, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.


M. d'Hane. - Je demanderai à M. le ministre des finances s'il entend que les receveurs qui doivent procéder au recouvrement de l'emprunt toucheront un tantième de ce chef. Il me paraîtrait injuste que l'emprunt passât, même pour une part très minime, dans les mains des receveurs.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, pour répondre à l'interpellation de l'honorable M. d'Hane, je vais vous donner lecture d'une note relative aux tantièmes des receveurs.

« Le tarif proportionnel pour le calcul des remises des receveurs des contributions directes, douanes et accises, est établi comme il suit :

« Pour les premiers 8.000 francs, 5 p. c.

« Pour les 12,000 fr. suivants, 4 p. c.

« Pour les 20,000 fr. suivants, 3 p . c.

« Pour les 45,000 fr. suivants, 2 p. c.

« Pour les 125,000 fr. suivants, 1 1/2 p. c.

« Pour les 210,000 fr. suivants, 1 p. c.

« Pour les 310,000 fr. suivants, 1/2 p. c.

« Sommes au-dessus de 630,000 fr. 1/4 p. c.

(page 1442) « L'avance égale aux 8/12 de la contribution foncière, décrétée par la loi du 26 février dernier, a été considérée, pour l'ordre de la comptabilité, comme un accroissement des produits ordinaires, et elle a été, par conséquent, soumise aux effets du tarif proportionnel.

« Cette avance s'élève à 12,239,000 fr. Les remises, calculées de ce chef, ne dépasseront guère la somme de 200,000 fr., ou 1 65/100 p. c, qui sera répartie entre 669 comptables, soit, en moyenne, 286 fr.

« Le montant de l'emprunt à recouvrer par les receveurs des contributions atteindra le chiffre de 23 millions. Continuant l'application du principe suivi à l'égard de l'avance, on peut compter que les remises ne seront pas supérieures à 1 p. c, soit 230,000 francs.

« Ainsi les receveurs toucheront, à titre de remises extraordinaires, la somme de 430,000 fr. pour une recette de 35,239,000 fr. ; ce qui représente un taux de 1 22/100 p. c. La moyenne sera donc de 615 fr.

« Mais il est à remarquer que cette somme est loin de constituer un bénéfice net. En premier lieu, les receveurs doivent prélever les frais de distribution des avertissements ; viennent ensuite :

« 1° Les frais de perception dans les diverses communes où les receveurs doivent se rendre pour quérir l'emprunt ;

« 2° Les frais que leur occasionnent les versements qu'ils sont obligés d'effectuer aux chefs-lieux d'arrondissement, chaque fois que les recettes atteignent 4,200 francs.

« Or, ces frais sont d'autant plus considérables, que les receveurs, pour accélérer les recouvrements, doivent se rendre plus fréquemment dans les communes de leur division, et faire leurs versements à des époques plus rapprochées. La plupart d'entre eux doivent aussi se faire aider par un commis, pour satisfaire, en temps utile, à leurs nouvelles obligations.

« Les receveurs placés aux chefs-lieux d'arrondissement ne sont pas, à la vérité, astreints à toutes ces dépenses ; mais il importe de ne point perdre de vue qu'ils ne calculeront généralement leurs remises qu'à un demi p. c.

« En 1831, on a procédé comme on vient de l'indiquer pour l'emprunt de 12 et de 10 millions de florins ordonné par le décret du 8 avril, même année, et par la loi du 21 octobre suivant.

« Quelque graves que soient les événements actuels, on ne pense pas que l'on doive déroger à cette règle ; car d'après les explications qui précèdent, les remises calculées, d'après le tarif proportionnel, par suite des ressources extraordinaires qui sont demandées, ne constitueront pas une rémunération trop élevée pour salarier les receveurs à raison du travail qu'ils doivent exécuter et les dédommager des frais de toute nature qui leur incombent. »

Telle est aussi mon opinion, messieurs, et je me propose de continuer l'application du tarif, comme lorsqu'il s'agit des recettes ordinaires.

M. le président. - Nous sommes arrivés à la fin de la loi.

Articles 20 à 22 (nouveaux)

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Plusieurs membres de l'une et de l'autre chambre m'ont rappelé les dispositions du décret du 8 avril 1831, qui créait l'emprunt de 12 millions de florins et m'ont demandé s'il n'y a pas lieu de prendre des mesures analogues pour l'échange des récépissés des emprunts de 1848.

Ce décret portait ce qui suit :

« Art. 9. Les récépissés provisoires seront échangés du 1er août prochain au 31 décembre, par les agents que désignera le pouvoir exécutif contre des obligations du trésor, de 500, de 100, de 50, de 25 et de 10 fl. chacune.

« Les obligations du trésor sont soumises au visa de la cour des comptes ; elles sont aussi considérées comme effets au porteur.

« Les obligations du trésor porteront intérêt à 5 p. c. à partir du 1er juillet prochain.

« Art. 10. Les agents chargés des échanges sont autorisés à recevoir en espèces le supplément nécessaire pour compléter le montant d'une obligation. Si les intéressés le préfèrent, il leur sera délivré de nouveaux récépissés pour compléter le montant de ceux qui seront convertis en obligations. Ces récépissés devront, comme les autres, être convertis en obligations. »

Il m'a paru utile de faire passer les mêmes dispositions dans la loi ; j'ai formulé deux articles, pris presque littéralement du décret de 1831, parce que l'exécution n'a pas donné lieu à des difficultés.

On peut en faire l'objet d'une loi spéciale ; mais si la chambre n'y trouve pas d'obstacle, si elle croit qu'il ne faut pas un examen approfondi pour ces articles nouveaux, je demanderai qu'ils soient insérés, car leur place est dans la loi même.

Enfin, je propose un dernier article conçu en ces termes : « L'intérêt des sommes payées du chef de l'avance égale aux huit douzièmes de la contribution de 1848, ordonnée par la loi du 26 février, même année (Moniteur du 27, n° 38), prendra cours au 1er avril de ladite année.» C'est la régularisation d'un point que la loi du 26 février dernier n'a pas résolu et qui doit cependant l'être. L'article aura sans doute l'approbation de la chambre.

Voici le texte des articles 20 et 21 nouveaux calqués sur le décret :

« Art. 20. Tous les récépissés délivrés aux prêteurs en vertu de la présente loi et de celle du 26 février 1848, (Moniteur du 27 février 1848, n°58), seront échangés, avant le 31 mars 1849, dans l'arrondissement où ils ont été délivrés, par les agents à désigner par le gouvernement, contre des obligations du trésor de 1,000, de 200, de 100, de 50 et de 20 francs chacune.

« Ces obligations seront soumises au visa de la cour des comptes ; elles seront aussi considérées comme effets au porteur.

« Le gouvernement réglera les formalités à remplir par les prêteurs avant l'échange de leurs récépissés. »

« Art. 21. Les agents chargés des échanges sont autorisés à recevoir en espèces le supplément nécessaire pour compléter le montant d'une obligation. Si les intéressés le préfèrent, il leur sera délivré de nouveaux récépissés pour compléter le montant de ceux qui seront convertis en obligations. Ces récépissés devront, comme les autres, être convertis, en obligations avant le 51 mars 1849. »

M. Malou. - Je n'ai qu'une observation à faire. Cet amendement a été rédigé avant la proposition de l'honorable M. Osy, il faut changer la date. On pourrait mettre : le 1er juin 1849.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Cette observation est juste. Je me rallie à l'amendement.

- Les articles 20, 21 et 22 nouveaux proposés par M. le ministre des finances sont adoptés.

Article premier

La chambre adopte ensuite l'article premier du projet de loi dans les termes suivants :

« Art. 1er. Il est décrété un emprunt portant sur les bases suivantes :

« 1° La contribution foncière de l'exercice courant ;

« 2° La contribution personnelle du même exercice ;

« 3° Le produit annuel des rentes et des capitaux, donnés en prêt, garanties par hypothèque ;

« 4° Les pensions et traitements annuels payés par l'Etat. »


M. le président. - A quel jour la chambre entend-elle fixer le second vote ?

Plusieurs membres. - Immédiatement.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - La chambre doit se réunir demain. (Non ! non !) Je pensais qu'il y avait à l'ordre du jour des objets dont elle devait s'occuper. Quoi qu'il en soit, j'insiste pour que le vote définitif soit renvoyé à demain.

M. Malou. - Je ne m'oppose pas à la remise à demain. Je dois cependant faire observer que les calculs démontrent que le gouvernement a à sa disposition les fonds qui lui sont nécessaires. Il est possible sans doute que toutes les rentrées ne soient pas faites avant le 1er septembre. Mais d'autre part, il est certain que tous les payements ne seront pas exigibles et consommés avant le 1er septembre. Pour les travaux publics, par exemple, il y a des dépenses qui ne pourront être soldées que vers la fin de l'année, peut-être même en 1849.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Que peut en savoir, l'honorable membre et d'ailleurs, est-ce une raison de ne point voter les recettes quand on a voté les dépenses ?

M. Malou. - Cela a toujours eu lieu. Il ne peut en être autrement.

M. Delfosse. - C'est une loi extrêmement importante. Plusieurs amendements ont été adoptés. Puisque le gouvernement demande que le deuxième vote n'ait lieu que demain, nous ne pouvons nous y refuser. J'appuie donc la proposition du gouvernement.

- La chambre consultée fixe le vote définitif à demain onze heures.

La séance est levée à dix heures.