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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 22 avril 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1443) M. de Villegas procède à l'appel nominal à 11 heures 1/4.

M. T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Alexander, directeur de l'établissement St-Léonard à Liège, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Van Hansebrouck demande une loi qui ait pour but d'améliorer le sort de la classe ouvrière. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Ninove demande que les électeurs de l'arrondissement d'Alost qui sont appelés à procéder au,, choix de représentants ou de sénateurs puissent se réunir à Alost, Ninove et Grammont ou bien au chef-lieu de leur canton. »

- Même renvoi.


« Le sieur Schenaerts demande que les fonds alloués pour le défrichement des terrains incultes soient employés à la continuation des travaux publics commencés et que tous les contribuables soient obligés de concourir à l'emprunt. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi d'emprunt.


« Les administrations communales et plusieurs habitants de Chokier, Awirs, Engis, Hermalle sous Huy et Flône, demandent que dos mesures soient prises pour continuer et achever les travaux du chemin de fer de Namur à Liège. »

« Même demande de plusieurs habitants de Huy. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi décrétant un emprunt sur les contributions foncière et personnelle, le produit annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle, et les pensions et traitements payés par l'Etat

Second vote des articles

Article 7

M. le président. - Les cinq premiers articles ont été modifiés de commun accord avec le gouvernement ; par conséquent, d'après les précédents de la chambre, ces dispositions doivent être considérées comme définitivement adoptées. Cependant si un membre a des observations à présenter sur ces articles, je lui accorderai la parole.

- Personne ne demande la parole. M. le président met aux voix l'article 7, qui a été amendé.

L'article 7 est définitivement adopté.

Article 10

Il y avait, avant l'article 10, un article qui a été supprimé lors du premier vote.

La suppression de cet article est définitivement prononcée.

Article 11

« Art. 11. La troisième partie de l'emprunt sera égale à 3 p. c. annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle sur des immeubles situés en Belgique.

« Elle sera payée au bureau du receveur de l'enregistrement, par moitié le 1er juin et le 1er août 1848, par le propriétaire ou usufruitier de la rente ou de la créance, nonobstant toute convention contraire.

« Les poursuites auront lieu comme en matière d'enregistrement. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je propose de substituer les mots « du produit annuel » à ceux-ci : « de l'intérêt annuel ».

- L'article ainsi modifié est définitivement adopté.

Article 12

« Art. 12. Les porteurs des titres seront tenus d'en faire, contre reçu, la déclaration, avant le 15 mai prochain, au bureau de l'enregistrement dans le ressort duquel ils sont domiciliés.

« Cette déclaration, dûment signée, énoncera :

« a. La date du titre ;

« b. Sa nature (rente ou créance) ;

« c. le produit annuel ;

« d. Le nom et le domicile du débiteur ;

« e. La désignation de l'hypothèque.

« Les formules des déclarations seront mises, sans frais, à la disposition des intéressés dans les bureaux des receveurs de l'enregistrement. »

M. Tielemans. - Je demanderai à M. le ministre des finances si dans cet article seulement, il ne pourrait pas remplacer le bureau du receveur de l'enregistrement pat le bureau du receveur des contributions ordinaires, receveur qui est plus connu des contribuables et qui est plus à portée de leur domicile.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Ne serait-il pas possible de dire « les bureaux des receveurs de l'enregistrement, ou des contributions où cette partie de l'emprunt devra être acquittée ? »

M. Tielemans. - Il ne s'agit que de déposer les formules de déclarations, afin que les contribuables aillent les prendre. S'il s'agissait d'autre chose, l'observation serait parfaitement juste.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je propose l'alternative.

M. Delfosse. - Il n'est pas nécessaire de mettre cela dans la loi. Il dépend du gouvernement de désigner les bureaux qu'il voudra.

M. de Bonne. - C'est juste. C'est une affaire d'exécution.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Il faut alors supprimer dans l'article les mots « dans les bureaux des receveurs de l'enregistrement.

- L'article 12 est définitivement adopté avec cette suppression.

Article 13

L'article 13 est définitivement adopté avec la date du 15 mai au premier paragraphe. (Au premier vote, la date du 25 mai avait été substituée par erreur à celle du 15 mai, proposée par la section centrale.)

Article 14

« Art. 14. La quatrième partie de l'emprunt se composera :

« a. D'une retenue sur les traitements et pensions de 2,000 fr. au moins, payés par l'Etat, suivant l'échelle ci-après :

« De 2,000.à 3.000 fr. exclusivement, 4 p. c, et ainsi successivement en augmentant de 1 p. c. par 1,000 fr. jusqu'à 23,000 fr. et au-dessus.

« b. D'une retenue de 3 p. c. sur les traitements de tout capitaine en activité, ou de tout fonctionnaire militaire du même grade, 3 p. c.

« c. D'une retenue de 5 p. c. sur les traitements de tout officier ou fonctionnaire militaire des grades supérieurs à celui de capitaine, 5 p. c.

« Les suppléments de traitement, les remises, les salaires, les émoluments de toute nature seront comptés comme le traitement lui-même pour fixer le taux de la contribution à l'emprunt.

« Les retenues pour les traitements des fonctionnaires civils et militaires sont échelonnées par douzièmes, du 1er mai 1848 au 1er mai 1849. »

M. Malou. - Je crois qu'il faut rétablir, au littera a, la rédaction adoptée par la section centrale. Il résulterait, en effet, de la rédaction adoptée au premier vote, un doute sur le point de savoir si les traitements de plus de 23,000 fr. seraient passibles d'une retenue. On a voulu seulement arrêter la progression de la retenue. Pour exprimer cette pensée, je crois qu'il faut dire : « En augmentant de 1 p. c. par 1,000 fr. jusqu'à 23,000 fr. exclusivement ; 23,000 fr. et au-dessus, 25 p. c. » Le reste comme à l'article.

- Cet amendement est adopté.

Le premier paragraphe de l'article 14 est définitivement adopté avec cet amendement.

M. le président. - Il a été adopté à l'avant-dernier paragraphe un amendement consistant à ajouter ces mots : « Les suppléments de traitement et les salaires. » Je consulte la chambre sur cet amendement.

M. Rousselle. - Je demanderai à M. le ministre s'il entre dans ses intentions de faire la retenue sur tous les émoluments et salaires, même ceux qui ne sont pas encaissés par les fonctionnaires, ou s'il sera fait déduction des charges qui pèsent sur ces remises et salaires.

M. le président. - Cette interpellation a été faite à la séance d'hier. M. le ministre y a répondu.

- Le paragraphe est adopté.

« Les retenues pour tes traitements des fonctionnaires civils et militaires sont échelonnées par douzièmes, du 1er mai 1848 au 1er mai 1849. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - L'amendement de l'honorable M. Osy ne s'occupe que des traitements qui se payent par douzièmes. Il en est qui ne se payent que par trimestre ; il en est de même des pensions. Pour ces traitements et pour les pensions, la retenue devra se faire par quart. J'ai préparé un amendement en ce sens.

M. de Theux. - Il suffira de cumuler trois mois.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - S'il est entendu qu'on retiendra chaque fois trois douzièmes, je ne persisterai pas dans mon amendement, mais il faudrait comprendre dans l'article les pensions.

M. Malou. - Je proposerai de supprimer les mots : « pour les traitements des fonctionnaires civils et militaires », et de dire : « Ces retenues seront échelonnées par douzièmes du 1er mai 1848 au 1er mai 1849. »

M. de Chimay. - Je crois, avec la grande majorité de la chambre, que les fonctionnaires doivent être associés au sacrifice qu'on demande à la nation tout entière.

Mais je me joindrai cette fois encore au gouvernement, pour réclamer contre l'amendement qui tend à les atteindre d'une manière aussi lourde.

En protestant contre l'amendement, je veux m'élever surtout contre une tendance qui trop souvent déjà s'est manifestée dans la chambre. On vous l'a déjà dit, messieurs, craignez d'arriver de réduction en réduction à rétablir au profit de la fortune une espèce de privilège, alors que nos lois, nos mœurs, d'accord avec le temps, le combattent partout. Je ne m'étendrai pas davantage. J'espère que la chambre appréciera le sentiment qui me guide et qu'elle s'y associera en réduisant la retenue exorbitante imposée aux fonctionnaires par l'amendement de M. Delfosse.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, le ministère s'est abstenu sur la question qui vient d’être indiquée par l'honorable prince de Chimay. Mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, vous en a dit les motifs. Nous ne pouvons pas, en ce qui concerne les membres du cabinet, nous associer à une demande de réduction dans la quotité qui a été votée. Le cabinet maintient au contraire la résolution qui a été prise. Libre à la chambre de prendre telle résolution qu'elle trouvera bon à l'égard des autres fonctionnaires publics.

M. Le Hon. - Comme l'honorable préopinant, je pense qu'en élevant jusqu'à 25 p. c. la progression des retenues sur les traitements des fonctionnaires publics, on leur a imposé une part excessive dans l'emprunt. En présence de la grande majorité qui s'était prononcée hier, j'avais renoncé à soulever de nouveau la question au second vote de cet amendement ; mais je n'hésite pas à me joindre à l'orateur qui m'a précédé pour en appeler à vos réflexions et à votre justice.

Assurément, tout le monde, dans les circonstances graves au milieu desquelles se trouve la Belgique et quelle que soit la sécurité qu'inspire (page 1444) le libéralisme si large de nos institutions, doit payer son tribut aux embarras de la situation et aux besoins urgents du trésor. Je ne doute même pas que les fonctionnaires,, plus que personne, ne sentent la nécessité des sacrifices, et plusieurs déjà ont donné l'exemple d'une participation volontaire à l'emprunt.

Mais, n'oublions pas que, précisément parce que nous voulons introduire dans leurs traitements le système de l'économie, sans blesser néanmoins le principe démocratique de nos institutions, n'oublions pas que les fonctionnaires ont aussi des charges comme contribuables. C'est parce que je n'appartiens à aucune catégorie de ces derniers et que je ne puise ni traitement ni pension au trésor public, que je crois pouvoir porter un jugement indépendant et non suspect sur la décision qui peut concilier les intérêts du trésor avec les vrais principes d'une organisation démocratique.

Vous avez traité hier avec une loyale équité les officiers de l'année. Je dis que vous avez été équitables et que vous avez fait un acte de bonne politique ; car ce n'est pas au moment où l'on peut avoir à demander aux défenseurs de la patrie le tribut du sang, qu'on peut leur enlever les moyens que le traitement seul leur assure, de faire face aux besoins plus dispendieux de leur existence.

Mais, messieurs, vous avez procédé tout autrement à l'égard des fonctionnaires civils ; vous aviez appliqué aux premiers la base proportionnelle ; aux autres, vous avez appliqué l'échelle progressive. J'admettrais bien cette différence, pourvu qu'on l'arrêtât au degré où commencent l'excès et l'injustice. Eh bien, il m'a paru excessivement injuste d'imposer à des fonctionnaires, dans l'échelle progressive des réductions, le tribut du quart de leur traitement : on a fait un calcul qu'on a bien voulu me communiquer et duquel il résulterait qu'un propriétaire foncier, possédant deux millions de fortune, payerait à peine 200 francs de plus que, par exemple, les chefs de nos départements ministériels. Vous concevez, messieurs, qu'un propriétaire adopte le genre d'existence qui lui convient, et, lorsque les temps sont pénibles, difficiles, il se retranche dans une vie plus modeste : il n'en est pas de même des premiers fonctionnaires de l'Etat, et je parle ici des ministres, messieurs, parce que le traitement ministériel appartient à la position et non à la personne ; qu'il ne leur est pas donné pour en faire ce qu'ils veulent, et qu'il doit suffire aux besoins de leur situation.

On a cité hier l'indemnité constitutionnelle des membres de la chambre fondée sur des considérations de haut intérêt démocratique. Il en est de même du traitement accordé à ceux qui doivent occuper le premier rang dans les hiérarchies de l'Etat. Je me suis placé aux premiers degrés de l'échelle pour en défendre les degrés inférieurs. Prenez différentes catégories, celles qui jouissent d'un traitement excédant 10,000 fr.

En général, ces traitements représentent le capital de 20 et peut-être de 30 années de travaux. C'est là, un capital aussi respectable et plus chèrement amassé souvent que la plupart des autres. Nous touchons à une époque où il faudra faire des réformes radicales dans l'administration ; je serai autant que personne partisan des économies utiles, intelligentes ; je demanderai une organisation mieux entendue du travail administratif. Mais cela ne m'empêche pas de reconnaître que, quand la gêne est partout, elle atteint également aux qui puisent au trésor public l’indemnité ou le prix des travaux qu’ils lui consacrent. Je trouve convenable, juste et nécessaire, dans l'intérêt même de l'administration publique, que les fonctionnaires civils subissent une retenue sur leurs traitements ; mais je crois en confiance qu'aller jusqu'à 25 p. c., même à titre de prêt, c'est aller trop loin...

M. le président. - Je ferai observer à l'orateur que ce principe est définitivement voté.

Un membre. - On ne l'a pas compris ainsi.

M. le président. - Je regrette qu'on ne prête pas plus d'attention aux paroles du président ; j'ai demandé si quelqu'un réclamait la parole sur l'amendement de l'honorable M. Malou ; j'ai fait une double lecture de cet amendement.

M. Le Hon. - Je n'ai pas bien compris cet appel : j'entends dire près de mot que l'article n'a pas été voté.

M. le président. - Pas tout l'article ; voici la position de la question : les premiers paragraphes de l'article sont votés ; à l'heure qu'il est, il peut encore être présenté des exceptions au principe qui a été adopté, on est dans le règlement ; je croyais que M. Le Hon, comme conséquence de ses prémisses, allait poser des exceptions ; mais du moment qu'il attaque la règle qui est adoptée définitivement, je dois l'interrompre.

M. Le Hon. - Pour répondre à la première observation de M. le président, je dirai que le vote rapide du paragraphe dont je m'occupe a échappé, en effet, à mon attention, et qu'il me semblait rester en question jusqu'au vote définitif de l'article. La dernière observation de M. le président paraît fort juste ; le principe général ayant été posé, il n'y a plus moyen de le modifier que par voie d'exception. Je regrette vivement d'être obligé de restreindre à certaine catégorie de fonctionnaires les justes considérations que j'étendais à toutes celles que frappait le système de progression au-delà de 10 et de 15 p. c ; mais puisque j'ai abordé ce sujet, je dirai ma pensée jusqu'au bout. Il faut savoir mettre sa conviction aux prises avec les préjugés, tant qu'il reste un devoir à remplir ou une vérité à défendre. Je pense donc que la position des ministres...

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je supplie l’honorable M. Le Hon de ne pas faire une proposition pour les ministres ; cette proposition, nous ne pourrions l'accepter à aucun prix, bien résolus que nous sommes, tous mes collègues et moi, de nous soumettre, en tout cas, à la décision qui a été prise dans la séance d'hier.

M. Le Hon. - C'est dans la pleine indépendance de mes opinions, non par une étroite et mesquine considération de personnes, mais comme organe et défenseur d'un grand principe, que je prends la parole dans ce débat, et je n'accepte pas la protestation de M. le ministre de l'intérieur. Il sera libre aux ministres de concourir pour la part qui leur conviendra dans l'emprunt qui est demandé au pays ; cette participation sera plus noble et plus digne quand elle sera de leur part une offrande volontaire sur l'autel de la patrie.

Et lorsque je parle des ministres, que vos esprits se rassurent et n'en prennent aucun ombrage ; aujourd'hui, qui peut l'ignorer ? ce n'est pas le pouvoir d'en haut qu'on flatte et qu'on encense ; la flatterie descend sur la place publique, et il y a peut-être quelque courage à combattre une erreur alors qu'elle est populaire. Dans cette question mes sympathies ne sont absolument pour rien ; je ne défends pas seulement des ministres libéraux ; je le ferais pour des ministres de toute autre opinion ; je défends la dignité, l'indépendance du pouvoir. Nous sommes dans les circonstances les plus difficiles, au milieu de l'ébranlement général de l'Europe. Vous reconnaissez tous que les traitements des premiers fonctionnaires de l'Etat sont aussi modérés qu'ils peuvent l'être en Belgique, à moins de rendre les fonctions ministérielles inaccessibles aux hommes d'élite qui n'ont pas de fortune.

Si vous voulez que la direction des affaires du pays appartienne aux capacités réelles ; si vous voulez traduire en fait dans le gouvernement de l'Etat le grand principe de l'égalité politique et sociale, vous maintiendrez toujours le traitement des chefs de départements ministériels à un taux qui puisse leur permettre, quand même ils n'auraient pas une obole de patrimoine, de représenter honorablement le pays dans tous ses intérêts comme dans toutes ses relations ; de lui consacrer toute leur aptitude et tout leur dévouement dans une parfaite indépendance de position,

Il faut que le dernier des Belges, s'il a su réunir les suffrages des électeurs, l'estime et la confiance de la chambre, puisse s'asseoir avec honneur au banc ministériel à l'égal des plus favorisés de la fortune. Voilà comme j'entends l'indépendance des opinions et la consécration de l'égalité politique.

M. Manilius. - Ce ne serait pas le dernier des Belges, ce serait un des premiers.

M. Le Hon. - Je ne classe pas les Belges par premiers et derniers, et je dirai à l’honorable membre, puisqu'il sort de la sphère d'idées dans laquelle je me suis placé, que j'ai voulu parler des hommes qui, s'élevant par le talent et le mérite, malgré les disgrâces de la fortune, jusqu'aux sommités du pouvoir, devaient nécessairement y trouver les conditions matérielles de l'indépendance. Et c'est surtout dans les temps de crise politique qu'il est essentiel de préserver ces hommes, sur qui reposent les destinées de l'Etat, de toute préoccupation d'intérêts privés comme de tous embarras de position.

Il ne faut pas qu'elle les frappe de réductions qu'elle ne leur imposerait pas dans les circonstances ordinaires, et qui pourraient troubler la tranquillité d'esprit d'hommes éminents et sans fortune.

Je propose donc une exception pour les traitements des chefs de départements ministériels.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, je crois qu'il est beaucoup plus convenable que la chambre ne revienne pas sur sa décision ; la résolution qui a été prise doit être maintenue. Il le faut, non seulement parce que nous avons déclaré que notre part contributive resterait telle qu'elle a été déterminée par la chambre, mais parce que, placés à la tête de l'administration, nous devons donner l'exemple à tous les fonctionnaires publics et que si des sacrifices doivent peser sur d'autres par la volonté de la loi, les mêmes sacrifices doivent peser sur nous, également par la volonté de la loi. Après notre déclaration et notre vole, nous ne voulons point paraître acquitter une contribution qui n'aurait de volontaire que le nom, et moins encore faire un acte d'ostentation. Le sacrifice sera tel que la législature aura voulu qu'il soit. Pour quelques-uns d'entre nous il sera dur, pénible, exagéré ; d'autres pourront plus facilement le supporter.

Mais fidèles à cette conviction que le pays doit faire de grands efforts, que le pays qui n'est certes pas composé de mendiants, peut et doit acquitter intégralement l'emprunt.

Nous serons heureux si, atteints les premiers et quelques-uns profondément, par vos résolutions, notre empressement et notre satisfaction à venir en aide à l'Etat, engagent nos concitoyens à subir, sans murmure, les conditions pénibles dictées par la rigueur des événements..

Si quelque chose nous a attristés dans ces débats qui se prolongent depuis tant de jours, c'est qu'au lieu d'entendre quelques-uns de ces mots énergiques qui relèvent les courages abattus, et enseignent aux nations les moyens de vaincre les dangers qui les menacent, nos oreilles n'ont été frappées que de paroles désolées qui font suinter par tous les pores la faiblesse et le découragement.

(page 1445) Quoi donc, ces riches provinces qui ont fait, depuis tant de siècles, l'objet de tant de convoitises, ne pourraient pas, dans un moment suprême, faire un courageux effort pour leur salut ! Nous croyons que ces provinces seraient mal conseillées par la faiblesse et par la peur, et qu'on les conduirait honteusement à leur perte en les conviant à supputer seulement ce qu'il en coûte pour conserver l'honneur, l'indépendance, la liberté.

Nous croyons qu'il faut plutôt leur apprendre ce qu'il leur en coûterait pour trois jours de conquête, trois jours de proconsulat, trois jours de désordre et d'anarchie. (Applaudissements prolongés.) Et bientôt elles comprendront, si déjà elles ne le savent assez par les souvenirs du passé, que les sacrifices qu'elles s'imposent ne sont rien en regard des biens précieux qu'il s'agit de conserver.

Nous continuerons, quant à nous, à rester à la tête de ceux qui doivent donner des preuves d'énergie, de dévouement et d'abnégation ; nous ferons notre devoir, et j'ai la ferme espérance que nous ne faillirons pas à la tâche qui nous a été confiée. (Applaudissements dans la chambre et dans les tribunes.)

M. Le Hon. - Tout ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics ne fait que confirmer l'opinion que j'ai toujours eue de son caractère et de son patriotisme. Ce n'est pas moi qui m'étonnerai qu'un ministère libéral donne à tous les fonctionnaires l'exemple du désintéressement et des sacrifices.

Mais ces nobles sentiments ne détruisent pas la base de la proposition que j'ai faite, je le répète ; je me suis occupé d'une question de principe, non d'un intérêt de personnes. Cette question a surgi d'un incident du débat, à l'improviste et à l'insu de ceux qu'elle intéresse.

Je maintiens toutes les considérations que j'ai soumises à la chambre ; à mon sens, l'exception proposée est dans le véritable esprit du gouvernement démocratique.

Cependant j'avoue que je ne voudrais pas persister à provoquer un vote de la chambre sur cette question dans une circonstance où la délicatesse du cabinet pourrait être blessée.

L'effet de ma motion est produit, je la retire.

- Le dernier paragraphe de l'article 14, et l'ensemble de cet article sont définitivement adoptés.

Article 15

- L'article 15 est définitivement adopté.

Article 18

« Art.18. Jusqu'à l'époque qui sera ultérieurement fixée pour son remboursement, l'emprunt portera intérêt à 5 p. c. à partir du 1er juillet 1848 pour les prêteurs dans les trois premières parties de l'emprunt, et à partir du Ier octobre suivant pour les prêteurs dans la quatrième. »

M. Manilius. - Je ferai remarquer que les termes à partir desquels courent les intérêts avaient été fixés d'après des termes de payement qui ont été modifiés. Je crois, que si vous maintenez les dates du 1er juillet et du 1er octobre, il y aura mécompte pour le gouvernement. Ce système consistant à faire courir les intérêts à partir de deux dates fixes a d'ailleurs un inconvénient grave : c'est d'offrir une espèce de prime aux retardataires : en effet, l'intérêt sera le même pour celui qui payera l’emprunt d’avance et pour celui qui en différera longtemps le payement. Il y aurait un moyen fort simple d'obvier à cela, moyen qui concilierait les facilités administratives avec la justice et avec les intérêts du trésor. Ce serait de dire que l'emprunt portera intérêt à 5 p. c, à partir du premier jour du trimestre qui suivra le versement. De cette manière, il n'y aura de préjudice pour personne et il n'y aura pas de bénéfice pour les retardataires.

Comme je n'ai pas encore parlé dans cette discussion, je saisirai cette occasion pour déclarer, que, quoique j'aie compris les paroles patriotiques que vient de faire entendre le gouvernement, je me crois obligé de voter contre le projet de loi, non pas par opposition au cabinet, mais parce que les bases du projet me paraissent vicieuses. Des particuliers, des sociétés particulières, ont su indiquer et faire réaliser des bases très praticables ; j'aurais voulu que le gouvernement les adoptât à son profit.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je n'ai pas avec moi l'état que j'ai fait dresser, les calculs que j'ai fait faire pour établir la proportion des intérêts. Mais la date qui figure dans la loi est favorable à l'Etat. Je crains d'accepter l'amendement de l'honorable M. Manilius, parce que je ne sais pas précisément où il nous conduit.

Je crois qu'avec la date qui se trouve dans le projet, l'exécution se fera parfaitement. Je ne demande qu'une chose, c'est qu'au lieu du 1er octobre, on mette le 1er novembre, comme cela avait été convenu hier.

M. Manilius. - Puisque le gouvernement s'oppose à mon amendement„ je le retire.

- L'article est adopté avec la substitution de la date du 1er novembre à celle du 1er octobre.

Articles 19 à 21

Les articles 19, 20 et 21 sont définitivement adoptés.

Motion d'ordre

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, je dois constater, avant qu'on ne passe au vote sur la loi, qu'elle ne fournit pas intégralement au gouvernement les moyens qui lui sont nécessaires pour faire face aux dépenses qui ont été votées.

Ces dépenses s'élèvent à 37,153,775 fr. 75 c., déduction faite des huit premiers douzièmes, à 25, l53,000 fr.

Les 12/12 de la contribution foncière ne pourront produire au maximum, et en supposant que la rentrée soit intégrale, qu'une somme de 18,359,750 fr.

La contribution personnelle sur les quatre bases, 4,330,000 fr.

Les rentes et créances ont été portées pour 1,500,000 fr., quoique les dernières évaluations faites par les agents de l'administration ne fassent présumer de ce chef qu'une recette de 1,300,000 fr.

Les retenues sur les traitements et pensions jusqu'au 1er septembre ainsi pour quatre mois, ne pourront entrer en ligne que pour 333.333 fr. 33 c.

Ce qui donne une somme de 24,357,381 33 c.

C'est donc une somme inférieure à la dépense votée par la chambre.

C'est, messieurs, persister dans un fâcheux système, qui n'a été qui trop suivi jusqu'à présent.

Après qu'on a bien et dûment constaté la dépense, après qu'on l'a discutée, examinée, scrutée, la chambre recule devant la nécessité de donner les moyens d'y faire face.

La recette est insuffisante, fût-il certain qu'elle rentre en totalité, c'est un budget extraordinaire que l'on règle en déficit, comme on a eu coutume jusqu'à présent de faire pour les budgets ordinaires.

On nous dit, messieurs, que diverses dépenses ne seront pas faites dans l'espace de quatre mois, qu'elles pourront être payées plus tard. Mais que ce motif ne peut être exécuté, car ceux qui votent les dépensas doivent voter les recettes, le fait sur lequel on se fonde paraîtra fort incertain ; si vous voulez bien remarquer que les bons du trésor constituent une dépense qui doit être acquittée avant le 1er septembre ; que la somme votée au département de l'intérieur constitue une dépense qui sera également absorbée dans cet espace de temps ; que la somme votée pour le département de la guerre sera, selon toute vraisemblance, absorbée intégralement, se payant pour ainsi dire jour par jour ; que les 9 millions votés au département des travaux publics constituent 9 millions de dettes, à payer par conséquent sur-le-champ ; qu’une grande partie se trouve même déjà payée ; qu'il ne restera donc disponible que le dernier crédit voté au département des travaux publics, 5 millions, qu'il peut se trouver très vote absorbé si les circonstances deviennent surtout plus difficiles et que d'ailleurs dans cette chambre, la plupart des membres ont reconnu qu'il était insuffisant, et que la nouvelle législature devrait pourvoir à ce qui manquerait de ce chef.

La situation est donc telle, messieurs, que je viens de l'indiquer. Elle impose de nouvelles difficultés, de nouveaux devoirs au gouvernement. Il essayera, messieurs, de les remplir.

S'il ne peut pas, comme j'en ai la crainte, en face du déficit certain sur les restes ordinaires, en face de l'éventualité trop probable de la réceptation dans nos caisses d'une certaine partie de bons du trésor, s'il ne peut pourvoir à tous les engagements de l'Etat, le pays est désormais averti que la nouvelle législature pourrait peut-être être appelée à fournir les moyens de couvrir et les insuffisances prévues et le déficit que je viens de constater. Du reste, dans l'emploi des fonds mis à ma disposition, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour atténuer les conséquences de cette fâcheuse éventualité.

Vote sur l’ensemble du projet

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de la loi.

91 membres sont présents.

72 adoptent.

10 rejettent.

9 s'abstiennent.

Ont voté l'adoption : MM. Frère-Orban, Gilson, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos. Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Tielemans, Troye, Vanden Eynde, Van Huffel, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Anspach, Brabant, Bruneau, Cans, Clep, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Garcia de la Vega, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Muelenaere, Desaive, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, A. Dubus, Dumont, Duroy de Blicquy, Faignart, Fallon et Liedts.

Ont voté le rejet : MM. Herry-Vispoel, Lys, Manilius, Thienpont, David, de Clippele, Delehaye, de Meester, d'Hane et Eenens.

Se sont abstenus : MM. Malou, Rousselle, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Zoude, Bricourt, de Haerne et d'Elhoungne.

M. Malou. - Messieurs, j’ai exprimé, dans la discussion générale, la conviction qu'il était possible et même facile de rendre l'emprunt moins onéreux pour les contribuables. Je persiste à regretter que le cabinet n'ait pas cru pouvoir se rallier à cette combinaison dont le succès était impossible sans son concours. D'un autre côté, messieurs, je n'ai pas voulu, par mon vote, porter atteinte à l'union qui fait la force du pays dans les circonstances actuelles ni émettre un vote hostile au cabinet qui tient tête à cette situation difficile.

Pour concilier mes convictions intimes avec les exigences de la situation (page 1446) politique, je n'avais qu'un parti à prendre, c'était de m'abstenir sur l'ensemble du projet d'emprunt.

M. Rousselle. - Je me suis abstenu parce qu'il m'a été impossible d'assister à la discussion des articles de la loi. Je ne pouvais voter pour, parce que parmi les articles admis au premier vote et qui n'ont pas dû être votés de nouveau, il en est auxquels j'aurais désiré voir apporter quelque amendement qui eût rendu la charge moins lourde pour les contribuables. Je ne pouvais voter contre, puisque le ministère a déclaré formellement que tout l'emprunt lui était absolument nécessaire pour assurer les services de l'Etat, et remplir ses engagements dans les circonstances difficiles où nous nous trouvons.

M. T’Kint de Naeyer. - Je reconnais la nécessité de faire face aux engagements de l'Etat et aux dépenses qui ont été votées, mais je ne puis pas donner mon adhésion au système que le gouvernement a cru devoir maintenir afin d'y pourvoir.

Par ces motifs, je me suis abstenu.

M. Tremouroux. - Messieurs, je n'ai pas voté contre la loi parce que le ministère en a fait une question de cabinet ; je n'ai pas voté pour la loi parce que je préférais le système de la section centrale.

M. Van Cleemputte. - Je me suis abstenu, messieurs, parce que j'aurais voulu qu'on eût adopté soit le système de l'honorable M. Lys soit tout autre système reposant sur les mêmes principes, sauf à en modifier l'application.

M. Zoude. - Messieurs, je n'ai pas voté contre, parce que personnellement je dois supporter une part des sacrifices qui seront jugés nécessaires pour assurer le maintien de notre indépendance.

Je n'ai pas voté pour parce que, malgré l'empressement patriotique avec lequel nos commettants ont acquitté le premier emprunt, j'ai la conviction que, pour la majeure partie, ils seront dans l'impossibilité de satisfaire aux exigences de la nouvelle loi.

Nous souffrons chez nous, non seulement quand nos propres industries éprouvent un temps d'arrêt, mais encore celles de nos voisins. C'est ainsi que la forgerie périclitant chez nous et qui est embarrassée en France, nous cause, à raison de cet embarras, un très grand préjudice. En effet, depuis lors, dans beaucoup de nos localités, la corde de bois n'y vaut guère plus du prix de la façon, d'où il résulte que nos propriétaires forestiers, qui sont nombreux, sont tous dans la gêne.

L'industrie ardoisière avait longtemps conservé quelque vie ; elle est éteinte maintenant qu'elle a été sacrifiée à la France. J'avais réclamé quelque protection et au moins l'adoption du tarif français ; il m'a été répondu qu'il fallait s'habituer à souffrir. Eh bien ! le terme de ces souffrances est arrivé par la mort de cette industrie ; les carrières sont fermées, et les nombreux ouvriers de Bertrix, Herbeumont et de la Géripont sont congédiés et auraient été livrés à la misère la plus profonde, si le ministre des travaux publics, auquel j'en rends grâces, n'avait mis, il y a peu de jours, en adjudication la route dite des Ardoisières, qui procurera, pour quelque temps au moins, du pain à cette classe malheureuse.

Notre agriculture n'est pas plus prospère : après la maladie des pommes de terre et deux années de mauvaise récolte, le pays est épuisé.

On nous sollicite au défrichement des bruyères ; mais l'engrais de nos bestiaux suffit à peine pour entretenir notre ancienne culture. Pour l'augmenter, nous aurions besoin d'engrais artificiels ; mais, outre qu'ils sont déjà chers sur les lieux de fabrication, le prix en est doublé par les frais de transport. Nous avions demandé une réduction par le chemin de fer, l'Etat n'y eût rien perdu ; mais on est resté sourd à notre demande.

Le bétail, la seule ressource qui nous reste, est presque sans valeur, et la France la repousse toujours par un droit de 55 francs par tête, ce qui fait plus de 30 centimes au kilo, on sait que l'espèce en est petite et qu'elle a peu de poids.

Ce que je dis de notre malheureux pays n'est que l'expression d'une triste vérité ; c'est pourquoi j'adjure M. le ministre des finances de vouloir y alléger le fardeau de l'emprunt ; s'il était exigé avec rigueur, il comblerait la ruine du pays.

M. Bricourt. - Messieurs, je ne conteste pas que, dans les circonstances où nous nous trouvons, et surtout pour donner du travail aux ouvriers il y avait nécessité de recourir à un emprunt ; mais je persiste à croire qu'en organisant immédiatement la garde civique, il était possible de maintenir l'armée sur le pied où elle était avant les événements du 24 février. La diminution qui en serait résultée dans nos charges, jointe à une économie sévère dans toutes les administrations et à l'ajournement des dépenses non urgentes, aurait permis d'alléger considérablement le fardeau de cet emprunt et peut-être de le restreindre à la retenue sur les traitements et aux créances hypothécaires. Tels sont les motifs de mon abstention.

M. de Haerne. - Messieurs, je n'ai pas cru devoir voter pour le projet de loi, parce qu'en présence de la crise qui afflige tout le pays depuis trois ans, et les Flandres on particulier, depuis 10 à 12 ans, j'ai pensé qu'avant de recourir à l'emprunt forcé, il fallait épuiser tous les autres moyens, et notamment recourir à une plus grande émission de billets de banque.

D'un autre côté, je n'ai pas voulu non plus rejeter le projet de loi, parce qu'en présence des déclarations faites par le ministère, j'aurais craint d'émettre un vote hostile au cabinet ; or, si j'ai donné ma confiance au cabinet, depuis qu'il est aux affaires, je crois devoir lui accorder toute ma confiance dans les circonstances actuelles.

M. d'Elhoungne. - J'ai fait connaître les motifs de mon abstention dans le cours de la discussion.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances, pour fabrication de monnaie de cuivre

Discussion générale

M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Un crédit supplémentaire de 200.000 francs est ouvert au budget du ministère des finances de l'exercice 1848, pour les frais de fabrication de monnaie de cuivre.

« Ce crédit sera ajouté à celui de 100,000 francs ouvert à l'article 10 du chapitre premier du budget précité. »

- La discussion est ouverte.

M. Cogels, rapporteur. - Le projet de loi n'a donné lieu à aucune objection. Seulement la quatrième section avait émis le vœu que l'on ne fabriquât pas autant de pièces de dix centimes, pièces fort incommodes et peu goûtées dans la circulation. D'après le projet de loi, on semblait vouloir partager la fabrication entre les pièces de 10 et de 5 centimes. La section centrale, se ralliant à l'avis de la quatrième section, désire que l'on remplace en grande partie les pièces de dix centimes, par des pièces de 2 centimes, dont le besoin se fait sentir plus particulièrement dans quelques provinces. Je recommande cette observation à l'attention de M. le ministre.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je remercie l'honorable M. Cogels, de son observation. Dans la note à l'appui du crédit qui figure dans le budget de 1848, il est seulement question de fabriquer des pièces de dix et de 5 centimes ; mais dans le projet nouveau, la commission des monnaies m'a conseillé d'abandonner au gouvernement la faculté de déterminer quelles pièces il faudra fabriquer.

Vote sur l'ensemble du porjet

- Personne ne demandant plus la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 86 membres qui ont pris part au vote. Il sera transmis au sénat.

La chambre s'ajourne à jeudi 27 avril, à 2 heures.

La séance est levée à 2 heures moins un quart.

Projet de loi décrétant un emprunt sur les contributions foncière et personnelle, le produit annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle, et les pensions et traitements payés par l'Etat

Addenda

(Note du webmaster : les Annales parlementaires reprennent ensuite sous forme d’« additions », trois interventions, sans indication du moment où elles ont été prononcées. Ces additions sont reprises ci-dessous)

(page 1446) M. le ministre des finances (M. Veydt). - Deux questions sont à résoudre. D'abord le gouvernement maintient l'exclusion de deux bases de la contribution personnelle,

On se plaint généralement et avec raison de l'inégalité du taux payé pour les portes et fenêtres. Dans les villes de premier rang c'est fr. 2-33 ; à la campagne c'est 84 centimes. Les comparaisons que l'on peut faire d'une situation à une autre rendent ces inégalités choquantes.

On se plaint aussi de la disposition de la loi de 1822, qui impose d'après la valeur locative quintuplée le mobilier de tout contribuable qui sous-loue une partie de la maison qu'il occupe.

Cette disposition surcharge des contribuables qui, pour leur commerce, sont obligés de s'établir dans les quartiers des villes où les locations sont chères. Vous vous rappelez, messieurs, la discussion qui s'est engagée à ce sujet, lors de l'examen du budget des voies et moyens de l'exercice courant.

Pour éviter de faire payer trop à un grand nombre de contribuables, le gouvernement a proposé de s'en tenir aux première, troisième, cinquième et sixième bases, c'est-à-dire à la valeur locative, aux foyers, aux domestiques et aux chevaux. Ces deux dernières bases sont les indices de la fortune dans la plupart des cas. Le même chiffre sera à peu près atteint. Les bases indiquées produisent 4,330,000 fr.

Suivant le projet amendé par le gouvernement, la moitié en nombre des contribuables les plus imposés dans chaque commune payera la totalité de cette somme, tandis que la section centrale veut la mettre à la charge de contribuables payant en somme la moitié de la contribution personnelle. D'après ce système, il pourra arriver que l'emprunt sera fourni, dans une commune, par un très petit nombre, par deux ou trois, peut-être par un seul contribuable. Ici l'aggravation serait encore bien plus forte que pour la contribution foncière ; elle peut avoir pour résultat de conduire plus loin qu'on ne le voudrait, si loin même qu'il y aurait injustice. C'est-ce qu'il faut éviter, et c'est aussi ce qu'on évite en s'arrêtant à la proposition formulée par le gouvernement.

La moitié en somme c'est évidemment une proposition exagérée. Ce serait encore beaucoup de prendre les deux tiers, mais peut-être arriverait-on alors à un intermédiaire qui ne présenterait pas tous les inconvénients que j'ai signalés. En se montrant bienveillant, animé de sollicitude pour les petits, il faut se garder d'être trop exigeant envers une autre classe de contribuables.


M. le ministre des finances (M. Veydt). - Cet article a pour but de régler des cas qui se présenteront ; il doit être conservé, en y indiquant les montants qui ont été adoptés aux articles 2 et 7, c'est-à-dire, les 7/8 de la contribution foncière et les 3/4 de la contribution personnelle ; c'est l’objet d'un amendement.


M. de La Coste. - Je conviens, messieurs, que dans toutes les classes de la société il y a des intérêts compromis ; je conviens que l’industrie est fortement atteinte ; je conviens que toutes les fortunes, en dehors de la propriété foncière, sont peut-être plus atteintes qu'elle ; mais, messieurs, après les charges que nous lui avons imposées par nos votes, il me reste un vœu à former, c'est que les fortunes qui restent debout à côté de la propriété foncière, apportent volontairement leur part à l'emprunt dans (page 1447) la même proportion. Nous avons le droit de compter sur ce gage de patriotisme, et là nous trouverons sans doute de plus amples ressources que dans le million qu'il s'agit de faire peser sur les cultivateurs !

Je n'entreprendrai point de combattre l'opinion de M. le ministre des travaux publics : les talents, la présence d'esprit, l'habitude de la parole que vous remarquez en lui, et que je n'ai point, rendraient la lutte trop difficile ; mais, de plus, les réfutations qu'on lui oppose ne paraissent pas avoir le don de le convaincre ; il semble les regarder comme non avenues, et je ne ferais que répéter en vain ce que d'autres ont dit mieux que moi.

Mais il y a ici, messieurs, une question qui domine toutes les autres, c'est la question de bonne foi.

Eh ! messieurs, que s'est-il passé lors de ce premier emprunt si patriotiquement voté, et dont toute la charge a été supportée par les propriétaires ? Qu'a dit l'honorable M. d'Elhoungne lorsqu'il est venu en proposer l'adoption à cette tribune ? Il a dit, messieurs : « Notez bien que la section centrale ne vous propose d'admettre l'emprunt que parce qu'il frappe uniquement le propriétaire, et que le fermier, le locataire n'y sont pour rien. » Messieurs, c'est à cette condition que nous avons admis l’emprunt.

Quelques-uns d'entre nous se seront dit peut-être : « Mais enfin nos baux sont là, nous verrons s'il y aura lieu de faire usage des conditions qu'ils renferment. » Mais lorsqu'ils auront eu connaissance de la situation des campagnes, ils auront dit, j'en suis sûr : « Non, nous ne chercherons pas à faire usage de ces conditions ; nous en faisons le sacrifice à la paix du pays ! » Et ce sacrifice, le gouvernement refuserait de l'imiter ? Non, messieurs, je ne puis le croire, et j'espère qu'il n'insistera pas sur le maintien de cette base de l'emprunt.