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Note d’intention
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Congrès national de
Belgique
Séance du dimanche 26
décembre 1830
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Commission de vérifications des
pouvoirs (Meeus)
3) Discussion
des articles du projet de constitution. Titre II. Des Belges et de leurs
droits. Article 12 (indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics,
notamment question de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux).
4)
Incident sur une pétition
5) Discussion
des articles du projet de constitution. Titre II. Des Belges et de leurs
droits. Article 12 (indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics,
notamment question de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux)
(C. de Smet, Le Grelle)
6) Communication diplomatique relative à la reconnaissance
par les Puissances de l’indépendance belge (Van de Weyer,
Lebeau, Van de Weyer)
7) Discussion
des articles du projet de constitution. Titre II. Des Belges et de leurs
droits.
a)
Article 12 (indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics, notamment
question de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux) (Le
Grelle). Renvoi aux sections.
b)
Article 14 (liberté de la presse) (Nothomb, Verduyn, Ch. de Brouckere, François, de Theux, de Robaulx, de Foere, Beyts, Devaux)
8) Projet
de décret sur les voies et moyens pour 1831. Rapport de la commission.
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 1)
(page 644) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance avait été indiquée pour midi ; à une heure, il y avait à peine
quarante membres dans l'enceinte ; les conversations particulières sont très
animées. Les tribunes réservées sont toutes occupées par des dames.
La séance est ouverte à une heure et demie. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture du procès-verbal
de la séance précédente ; il est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Henri de Brouckere annonce que des circonstances impérieuses l'ont forcé de s'absenter pendant
quelques jours. (U. B., 28 déc.)
- Pris pour notification. (J. F., 28 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII,
secrétaire, présente l'analyse des pétitions
suivantes :
MM. Deruesne, curé doyen de Sainte-Waudru, à Mons ; Druart, vicaire de
Sainte-Waudru, à Mons ; Vino, doyen à Sainte-Élisabeth ; Maillet, curé de
Saint-Nicolas, à Mons ; Gaulet, vicaire, demandent que tous les curés
primaires soient privés de traitement, que le traitement des curés de campagne
s'élève à 1,000 francs, que les recteurs soient inamovibles et qu'on ne puisse
plus donner aux évêques le titre de Monseigneur. (U.
B., 28 déc., et P. V.)
M.
de Robaulx – Je demande que cette
pétition soit rapportée avant l'examen du budget.
(page
645) Elle est relative au traitement des ecclésiastiques, et il paraît
de quelque utilité de la connaître. (Appuyé
!) (U. B., 28 déc.)
M.
le président – L'assemblée est-elle de l'avis de M. de Robaulx ? (Oui
! oui !) (U. B.. 28 déc.)
M. le président
– MM. les rapporteurs voudront bien faire le rapport de cette pétition avant
le budget. (U. B., 28 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire,
continuant :
M.
Jennart, pharmacien, présente des réflexions sur la pétition de M. de Rudder.
Dix-sept
habitants de Hoogstraeten demandent que le congrès choisisse pour souverain de
Soixante
habitants de Liége présentent des réflexions sur la cherté des céréales.
M.
Beauquesne présente des réflexions sur une partie de la constitution.
M. Cools, de
Courtrai, demande que le congrès intervienne
pour mettre fin à un procès qu'il a
avec la veuve Creupelant.
M.
de Peneranda se présente comme candidat à la chambre des comptes.
M.
Caymackx réclame le payement d'une prétention qu'il a à charge du canton de
Berlaere.
M.
Willems présente des moyens de faire face aux
besoins financiers de 1831.
M.
Adam demande l'organisation de la garde civique.
M. Van
Mulder présente un mémoire avec des pièces
à
l'appui en faveur des habitants de la généralité
des francs polders du pays de Waes et de Beveren.
M. François
Grenier présente des réflexions sur l'art.
4
de la loi du 24 décembre 1829 concernant l'accise sur le sel.
M.
André demande l'achèvement de la route de Falmignoul à Beauraing.
M.
d'Hudekem d'Acon se présente comme candidat
à
la chambre des comptes.
Des électeurs d'Habay réclament contre
les élections municipales de leur commune.
M. Gerridts, négociant à Eindhoven, demande que les
troupes belges entrent dans le Brabant septentrional.
M. Dufour
demande que les travaux de la route de Champion à Recogne soient commencés cet hiver.
(P. V.) CI
Ces
diverses pièces sont l'envoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. Coppieters, rapporteur de
la huitième commission de vérification des pouvoirs, propose l'admission de M.
Ferdinand Meeus, député du district de Bruxelles, en remplacement de M. Kockaert,
décédé. (P. V.)
- Ces conclusions sont adoptées. (P. V.)
PROJET DE CONSTITUTION
Titre II – Des Belges et de
leurs droits
Article 12 du
projet de la section centrale
M. le chevalier de Theux de
Meylandt fait le rapport de la section centrale sur l'art. 12 et
sur les amendements qui s'y rapportent..
M. le président – L'assemblée
veut-elle reprendre la discussion de l'art. 12, ou continuer celle de l'art.
14. (U. B.. 28 déc.)
- L'assemblée décide par assis et levé qu'il sera passé
à la discussion de l'art. 12 amendé par la section centrale. (P. V.)
INCIDENT
SUR UNE PETITION
M. le vicomte Charles Vilain XIIII
– Messieurs, la commission des pétitions ne pourra pas faire le rapport de
la pétition des prêtres de Mons. On vient de nous dire que les signatures
étaient fausses. On écrira à Mons pour vérifier le fait, et le rapport n'aura
lieu qu'après la réponse. (U. B.. 28 déc.)
M. Claus entre dans quelques
détails pour montrer la fausseté de la pétition. (C., 27 déc.)
M.
de Robaulx – Les journaux en feront justice. (C., 27 déc.)
M. le président
– Si, chaque fois que des pétitions parviennent au bureau, il fallait
vérifier la vérité des signatures, il faudrait exprès un bureau de
vérification. (U. B., 28 déc.)
M.
l’abbé Boucqueau de Villeraie – Il me paraît impossible que
cette pétition ait été faite par les respectables ecclésiastiques dont elle
porte les signatures. Si le congrès la faisait rapporter, il serait censé en
reconnaître la vérité, et ce serait une inconvenance pour les ecclésiastiques
de Mons, si, comme je le crois, elle n'est pas leur ouvrage. (U. B., 28 déc.)
(page 646) M. le vicomte Charles Vilain XIIII
– Je vais donner leurs noms aux journaux. Ces messieurs seront instruits de
ce qui se passe, et pourront désavouer la pétition, si bon leur semble. Ce sont
:. MM. Deruesne, curé doyen de Sainte- Waudru, à Mons ; Druart, vicaire de
Sainte-Waudru, à Mons ; Vino, doyen à Sainte-Élisabeth, à Mons ; Maillet, curé
de Saint-Nicolas, à Mons ; Gaulet, vicaire. (U. B., 28 déc.)
M. Claus – J'écrirai à Mons. (C., 27 déc.)
M. le président
– M. de Robaulx avait cru nécessaire que le rapport fût fait avant la discussion
du budget ; j'ai consulté rassemblée : elle a décidé affirmativement. Si
maintenant l'assemblée veut non, elle peut le décider. (U. B., 28 déc.)
M. de Robaulx – Comme je ne
suis pas d'avis que la pétition ne soit pas rapportée, je ferai observer que le
congrès peut maintenir sa décision, parce que le budget des dépenses ne sera
examiné que dans les premiers jours de janvier, et que d'ici là la presse aura fait
justice de la pétition, si elle est fausse ; si elle est vraie, nous pourrons
la connaître avant le budget. (Appuyé.) (U. B., 28 déc.)
Titre II – Des Belges et de
leurs droits
Article 12 du
projet de la section centrale
La
discussion est reprise sur l'art. 12 (U. B., 28 déc.)
M. Nothomb, secrétaire, donne
lecture de cet article :
« Toute
intervention de la loi ou du magistrat dans les affaires d'un culte quelconque
est interdite. »
La
commission, ajoute-t-il, à laquelle les amendements ont été renvoyés propose de
remplacer cet article par le suivant :
« L'État ne
peut intervenir dans la nomination et l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni défendre à ceux-ci de
correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier
cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. »
(C.,
27 déc., et A. C.)
M.
le président – La parole est à M. Camille de Smet. (U. B., 28 déc.)
M. Camille de Smet
– Samedi, des applaudissements
ont accueilli le rejet de l'inoffensif amendement
de M. .le baron de Sécus, qui, par l'influence de la discussion, car je ne puis
en supposer d'autres, s'est abstenu de voter. Cette animosité, jusqu'ici
inusitée parmi nous, ne m'a que trop révélé que deux partis étaient en
présence.
De là les applaudissements et les murmures de cette assemblée, quand MM.
Defacqz et de Brouckere ont fait entendre le langage de la conscience et de la
conviction.
Dès lors j'ai senti que la raison et les leçons de l'expérience ne
seraient pas seules écoutées. Et j'en ai été convaincu quand un orateur nous a
conduits sur un terrain où je n'hésite pas à le suivre ; il a fait l'éloge d'un
grand citoyen, un appel au moins indirect aux masses ; je dirai à cet orateur
que si lui ou moi nous pouvions représenter un parti, au nom de ce parti
libéral, et je tranche le mot, je n'hésiterais pas à me présenter avec lui à la
barre de la nation ; elle déciderait qui de nous est franc ami de la liberté ;
elle nous demanderait nos antécédents, elle invoquerait l'histoire ; vous
jugeriez, messieurs, qui de nous serait embarrassé.
Mon amendement n'a plus besoin d'aucun développement ; mes honorables amis
ont, avec un talent supérieur, convaincu même quelques-uns de nos plus ardents
et plus profonds adversaires, qui siègent sur un banc peu éloigné de moi, de la
nécessité de mesures restrictives.
Les uniques considérations que je ferai encore valoir, et qui, selon
moi, méritent toute l'attention du congrès, celles qui dominent toute cette
discussion, tiennent à ce que nous ne portons pas assez nos regards sur le
passé, et que nous oublions trop vite les quinze dernières années de
Cette liberté illimitée qu'invoque une partie de l'assemblée pour le
culte, l'instruction, et bientôt pour les corporations, cette liberté quand
même, qui, dans les mains d'un parti, dégénérera bientôt en oppression, je
ne la veux pas. Je ne conçois pas cet amour immodéré de la liberté à l'ombre
duquel marche un parti, habile il est vrai, mais oppresseur de tout temps et
partout où il a dominé, oppresseur partout où il domine encore. (page 647) Pour moi,
messieurs, je ne consentirai jamais à tendre les mains aux chaînes qui nous
sont offertes au nom de la liberté ; je craindrais trop qu'avec le roi
prophète, et par une amère dérision, on ne vienne me dire plus tard : Ils ont
des yeux pour ne pas voir.
J'aime
l'égalité avant tout, et dût le nom de niveleur partir de cette assemblée, je
l'avouerai sans peine, c'est dans cette égalité, à laquelle nous devons tendre,
que je trouve la perfection ; je l'ai réclamée quand vous avez donné à une
partie de nos concitoyens, sous le nom de sénat, le même pouvoir qu'à la nation
entière ; je la réclamerai toujours pour ceux qui savent la comprendre, sans me
laisser, par la magie des mots, jeter dans un chaos que des intrigants
exploiteraient à leur profit.
Je dirai
donc aux prêtres catholiques : « Cette liberté illimitée, je pourrais la concevoir
avec l'égalité, mais où est cette égalité ? je la cherche partout et
ne la trouve nulle part.
« Fonctionnaires
soldés par l'État, vous n'êtes pas nommés par le roi, ni par le peuple.
« C'est une
juste indemnité des biens du clergé, me dites-vous ; non, ces biens immenses,
c'est par exception à l'égalité que vous les avez acquis ; cette succession de
mainmorte a été abolie, et des biens accaparés contre cette règle d'éternelle
justice, dont un savant orateur nous a quelquefois parlé, ont été rendus à la
société.
« Citoyens,
vous ne partagez pas les charges de l'État, vous n'êtes ni soldats, ni gardes
civiques !
« Renoncez à
vos appointements, aux maisons spacieuses et commodes que vous fournissent les villages,
aux suppléments de traitements qu'ils vous accordent ; entretenez vos églises avec les fonds de ceux qui veulent bien vous les donner ;
prenez avec nous le mousquet, suivez-nous dans les camps, la patrie réclame
quelquefois le sang de ses meilleurs citoyens ; alors, n'étant plus attachés en
aucune manière, ne demandant aucun privilège, je concevrai quelques droits
à cette fière indépendance, que seuls, au milieu de nous, vous réclamez à
grands cris. »
Jusqu'à
présent, je dois l'avouer, j'avais cru que les autorités civiles, militaires,
religieuses, se prêtant un secours mutuel et concerté, étaient l'ordre des
choses établi par
J'avais cru
que toute société avait droit de se garantir contre les pernicieuses doctrines,
contre les cultes même qui viendraient affaiblir les liens moraux qui unissent
les citoyens entre eux.
C'est
pourquoi je viens dire ici avec mon honorable collègue M. de Brouckere, que si
un culte prêchait la bigamie, j'empêcherais ce culte ; que si un culte
défendait le mariage, j'empêcherais ce culte ; que si un prêtre, à quelque
secte qu'il appartînt, disait à ses jeunes paroissiens : « Verser le sang est
un crime, vous quitterez les rangs de l'honneur lorsqu'il s'agira de marcher à
l'ennemi, » j'emprisonnerais ce prêtre : je l'emprisonnerais encore comme
escroc, si du haut d'une chaire de vérité il disait que la dîme est de droit
divin.
C'est vous
dire assez ce que je ferais si, en donnant la bénédiction nuptiale avant le
mariage civil, un prêtre venait semer le désordre dans l'État et les familles.
Si vous
voulez, au nom de ce vain mot de liberté qui n'existe nulle part, que vous
restreignez chaque fois que vous adoptez un article de la constitution,
mépriser les leçons de plusieurs siècles, celles des quinze dernières années de
Nous ne nous
attendions pas, a dit un honorable membre de cette assemblée, dont je respecte
infiniment le caractère, que du sein de l'assemblée de nos concitoyens
s'élèverait une voix qui demanderait notre asservissement, et nous réduirait à
l'état d'ilotisme politique. Votre asservissement sera le nôtre, votre ilotisme
sera le nôtre ; tous égaux devant la loi, il ne doit pas y avoir deux poids et
deux mesures ; vous êtes des citoyens, et rien de plus ; comme les autres, si
vous prêchez des doctrines antisociales, vous devez en porter la
responsabilité.
Cet orateur
a fait entendre le mot d'honneur belge : au nom de l'honneur belge, songeons à
l'Europe éclairée qui a les yeux sur nous ; faisons mentir l'ancien archevêque
de Malines, quand il a dit avec cette suffisance d'un abbé de cour : Les Belges
ont fait la révolution pour les jésuites.
On a fait
cette demande : Est-ce la société religieuse qui doit faire des sacrifices ?
Est-ce la société civile ? Je répondrai : Dans tous les pays il y eut toujours
une société civile ; cette société, presque toujours à la hauteur des besoins
politiques momentanés des peuples, fut, dans tous les pays et dans tous les
temps, par son essence même, protectrice des droits de chacun. Il n'en fut pas
ainsi de la société re1igieuse ; celle-ci fut quelquefois ridicule, absurde,
barbare : elle l'est, selon vous, à Constantinople, (page 648) dans l'Indostan ; à
Constantinople, dans l'Indostan, on en dit autant de la religion catholique,
apostolique et romaine. Je n'hésiterai pas à le dire, la société civile doit
avoir la surveillance de la société religieuse, comme de tout ce qui pourrait
ébranler les bases de l'édifice social sans lesquelles il n'y a pas de bonheur
pour les peuples.
Auteurs d'une funeste dissension, nous avons franchement expliqué notre
pensée, a dit l'orateur dont je viens de parler ; je vais en donner une
dernière preuve en lui disant que, si le parti auquel il appartient ne jette un
regard en arrière, et veut profiter des avantages que lui a donnés une loi
électorale vicieuse, il se perdra.
Je m'explique, il excitera la défiance des libéraux : carbonari,
illuminés, francs-maçons, nommez-les comme vous voudrez, ils se ressouviendront
d'une oppression qui n'est plus actuellement dans les mœurs du clergé, je
désire le croire ; mais le croiront-ils ?
Libéraux et mécontents se joindront ; un parti se formera contre le
clergé, parce qu'on le regardera comme envahisseur. Tous les vœux se tourneront
vers
Le peuple français, en armes pour la liberté, se défie, vous le savez,
messieurs, de l'ombre même de la théocratie : deux fois elle a reparu dans ce
beau pays avec une race odieuse et les armées étrangères,
Prouvez, prêtres catholiques, que vous êtes francs amis de la liberté,
que vous êtes contents de l'état actuel des choses ; ne tâchez pas d'empiéter
sur le civil, et nous tâcherons d'arrêter ensemble l'orage qui gronde sur vos
têtes. (U. B., 28 déc.)
M. François – Je parlerai pour soutenir l'amendement de M. de Smet ; comme il vient de
parler, je désirerais que l'on entendît avant moi un orateur contre. (U. B., 28
déc.)
M. Le Grelle – J'ai remis sur le bureau un projet de décret. (U. B., 28 déc.)
M. le président
– Ce n'est pas un amendement, on ne peut
interrompre la discussion sur l'article. (U. B., 28
déc.)
M. Le Grelle – Comme je crois que mon projet de décret pourrait concilier toutes les
opinions et faciliter le vote sur l'art. 12, je
demande qu'il en soit donné lecture. (U. B., 28 déc.)
M.
le président – Le congrès veut-il entendre
lire le projet de décret ? (Oui ! oui !) (U. B., 28 déc.)
- Le congrès décide que la proposition de M. Le
Grelle sera lue. (U. B., 28 déc.)
M. le président
– Je vais avant donner la parole à M. Van de Weyer, pour une communication diplomatique. (Vif
mouvement de curiosité.) U. B., 28 déc.)
M. Van de
Weyer, président du comité diplomatique – Messieurs, je m'empresse, en arrivant
de Paris, de vous communiquer le résultat de nos conférences avec Son
Excellence le ministre des affaires étrangères, M. le comte Sébastiani. Dans la
crainte que le rapport que je vais vous faire ne soit dénaturé, soit dans un
journal, soit dans l'autre, j'ai mis en écrit ce que j'ai à vous dire. Je
demande pardon à l'assemblée d'avoir adopté ce mode ; de pareilles
communications devraient être verbales, mais le motif qui me fait agir
autrement sera mon excuse.
« A peine
arrivés à Paris, M. Gendebien et moi, nous écrivîmes à M. le comte Sébastiani,
ministre des affaires étrangères, en lui envoyant la copie de nos lettres de
créance. Le lendemain nous eûmes l'honneur d'être reçus officiellement
; et M. Sébastiani nous tint,
relativement à
« Des
commissaires belges, envoyés par le gouvernement provisoire, sont
attendus à Londres. Ils y
traiteront des graves intérêts de notre pays, dans
la limite de leurs pouvoirs en rapport avec le gouvernement provisoire et le
congrès national.
« Je
n'ai pas besoin d'ajouter que la libre navigation
(page 649) de l'Escaut
n'est plus une question pour les cinq
grandes
puissances. Et à cet égard, pour ce qui concerne l'exécution de la part de
« Le
commerce et l'industrie doivent se rassurer : la libéralité qui préside aux
négociations politiques animera d'un même esprit les relations, commerciales
entre les deux pays.
« Enfin,
messieurs, il y a aujourd'hui quatre mois que
« M. le comte Sébastiani nous annonça, dans la même
conférence, que nous aurions sous peu a l'honneur d'être présentés au roi. Mais
l'urgence des affaires me rappelant en Belgique, mon collègue, M. Gendebien,
sera auprès de S. M. Louis-Philippe l'interprète de nos sentiments de
reconnaissance pour la noble attitude qu'a prise
« Reste, pour
Quant aux promesses que nous avons faites., de vous
communiquer les pièces sur lesquelles sont fondées nos négociations, je répète
ce que j'ai déjà eu l'honneur de vous dire, que dès que tout sera terminé, nous
nous empresserons de les mettre sous vos yeux. Il en sera de même
pour toutes les questions que le comité diplomatique aura à traiter. Quelques
applaudissements se font entendre.) (U. B., 28 déc.,
et A.)
Des membres – L'impression
! (U. B., 28 déc.)
- Le congrès ordonne l'impression et la distribution du rapport de M. Van de Weyer. (U. B., 28 déc.)
M. Lebeau – Il n'y a
pas lieu de demander, d'après ce que nous venons d'entendre, si notre
indépendance sera reconnue ; il semble que les cinq grandes puissances sont
décidées sur ce point : mais il est une autre sorte d'indépendance sur laquelle
je me permettrai de faire une question. On a parlé du chef de l'État ; je désirerais
savoir si l'honorable orateur pourrait nous dire si l'indépendance dont nous
avons besoin pour le choix du souverain sera également respectée, et si aucune
communication officielle ne viendra nous gêner dans ce choix. (U. B., 28 déc.)
M. Van
de Weyer, président du comité diplomatique – Si j'ai
touché la question du choix du prince, c'est pour faire tomber les
suppositions, j'ose le dire, absurdes et étranges qu'on a faites sur notre
voyage à Paris. Maintenant, pour répondre à M. Lebeau d'une manière plus
positive, j'aurai l'honneur de lui dire, ainsi qu'au congrès, que dans ma
conscience et dans mon intime conviction aucune intervention, surtout du genre
de celle dont on a parlé, n'aura lieu. Mais comme
(En
descendant de la tribune, l'honorable membre reçoit les félicitations de
plusieurs de ses collègues.) (E., 28 déc.)
Titre II – Des Belges et de
leurs droits
Article 12 du
projet de la section centrale
M.
le président – La discussion sur l'article 12 est reprise. (C., 27
déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire,
lit le projet de décret suivant proposé par M. Le Grelle :
« LE CONGRÈS NATIONAL,
« Vu
l'arrêté du gouvernement provisoire de
« Considérant
qu'il y a urgence de prendre des mesures propres à assurer l'état civil des
citoyens, (page 650) et d’établir en
règle générale que l'acte civil du mariage doit précéder la bénédiction
nuptiale,
« DÉCRÈTE :
« Art. 1er.
Aucun ministre d'un culte quelconque ne peut procéder aux cérémonies
religieuses du mariage qu'autant que les parties lui auront fait conster que le
mariage a été contracté devant l'officier de l'état civil, saur le cas,
constaté par l'autorité civile, où le mariage civil ne pourrait pas avoir lieu,
et où il y aurait urgence religieuse, reconnue par l'autorité religieuse.
« Art. 2.
Toute personne qui, ayant concouru à une bénédiction nuptiale non
précédée de la célébration du mariage civil, n'en aura pas fait dans les trois
jours la déclaration à l'officier de l'état civil, sera punie des peines
déterminées par l'art. 546 du Code pénal.
« Art. 3. Les
extraits des registres de l'état civil et autres pièces nécessaires à
la célébration du mariage, sont exempts de la formalité du timbre et de tous
autres frais.
« Art. 4. Le
pouvoir exécutif est chargé de l'exécution du présent décret. » (U. B., 28
déc., et A. C.)
M. Le Grelle développant
sa proposition – En décrétant, il y a trois jours, la liberté des cultes, vous
avez eu en vue de déclarer le pouvoir ecclésiastique distinct du pouvoir civil
; cette séparation présente une question, grave, parce qu'il est des
circonstances où le pouvoir ecclésiastique se trouvera en opposition avec les
règlements de la loi civile. Dans la section centrale, trois nuances d'opinion
se sont manifestées. L'orateur fait connaitre les moyens qu'elles ont
présentés. Il termine en disant : Je vous le déclare, au nom de tous les
prêtres catholiques, et ceux qui sont ici pourront m'appuyer, ils veulent la
liberté en tout et pour tous, et se soumettent aux lois civiles en tant
qu'elles n'ont rien de contraire ou attentatoire à l'indépendance des cultes.
(E., 28 déc.)
M.
de Robaulx – Je demande à parler contre le projet. (E., 28 déc.)
M. le baron de Stassart
– Je demande le renvoi aux sections. (U. B., 28 déc.)
M. de Robaulx – Si l'on l'envoie
aux sections la proposition de M. Le Grelle, que devient la discussion sur
l'.art. 12 ? (C.. 27 déc.)
M. le président
– Cette discussion continuera ; la proposition de M. Le Grelle forme un décret
à part en dehors de la constitution. (C.. 27 déc.)
Le
renvoi aux sections est prononcé sur la demande d'un grand nombre de membres.
(P. V.)
M. Devaux
(pour une motion d’ordre) demande que la discussion de l'art. 12 ne soit
reprise qu'après le rapport de la section centrale sur le projet de décret de
M. Le Grelle. (J. B., 28 déc.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt – C'est un
décret indépendant de la constitution. On peut continuer la discussion de
l'article 12. (J. B., 28 déc.)
M. Destouvelles – Ce sont des
objets connexes, il faut surseoir à toute discussion. (C., 27
déc.,)
M. Charles Le Hon
appuie
le sursis – La question de l'état civil est constitutionnelle, et si l'on ouvre
la discussion sur l'art. 12, je ferai comme amendement une proposition analogue
à celle de M. Le Grelle. (C.. 27 déc.)
M. Van Meenen
– Il y a connexité ; en adoptant l'art. 12, la proposition de M. Le Grelle
serait virtuellement écartée. (C., 27 déc.)
M. de Robaulx – La
proposition de M. Le Grelle ne sera qu'un décret législatif, tout ce qui est en
dehors de la constitution n'a que le caractère législatif. Il n'y a pas
connexité. (C., 27 déc.)
- L'assemblée décide que toute discussion sur l'art. 12
sera ajournée jusque après le rapport sur le décret proposé par M. Le Grelle.
(P. V.)
Article 14 du projet de la section centrale
« Art. 14.
Chacun a le droit de se servir de la presse et d'en publier les produits, sans
pouvoir jamais être astreint ni à la censure, ni à un cautionnement, ni à
aucune autre mesure préventive, et sauf la responsabilité pour les écrits
publiés qui blesseraient les droits soit d'un individu, soit de la société.
« Lorsque
l'auteur est connu et domicilié en Belgique, l'éditeur, l'imprimeur ou
le distributeur ne peut être poursuivi, sauf la preuve de la complicité.
L'imprimeur ne peut être poursuivi qu'à défaut de l'éditeur, le distributeur qu'à défaut
de l'imprimeur. » (A. C.)
Plusieurs
amendements ont été déposés par MM. Van Meenen, le vicomte Charles
Vilain XIIIII, Devaux, Nothomb, le chevalier de Theux de Meylandt, le
baron Beyts, Raikem, François et Van Snick.
(page 651) M. Nothomb – Tout est dit sur la
liberté de la presse ; nous sommes rejetés bien loin des débats qui ont rempli
ces dernières années, et j'aime à croire que la discussion d'aujourd'hui n'est
guère qu'une question de texte, une difficulté de rédaction.
Vous avez déclaré en général que la manifestation des
opinions en toute matière est garantie, qu'elle ne peut être sujette à des
mesures préventives, que notre système pénal ne peut être que répressif.
Vous avez
pensé que cette déclaration, un peu abstraite, ne suffisait point, et qu'il
était nécessaire d'organiser le principe dans ses rapports avec les différents
modes d'après lesquels les opinions peuvent se manifester.
Vous
avez donc consacré des articles particuliers au culte, à la presse, à
l'enseignement, au droit d'association.
En
prenant pour point de départ le principe général, la rédaction de ces
dispositions, en quelque sorte secondaires, devenait facile.
Un exemple
éclaircira ma pensée.
Voici en
quels termes vous avez établi la liberté de l'enseignement :
«
L'enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite ; la
répression des délits n'est réglée que par la loi. »
La liberté
de l'enseignement et la liberté de la presse étant identiques, il n'y a qu'un
mot à changer dans cet article, il faut substituer l'expression la presse, à celle de l'enseignement.
La
commission nommée par le gouvernement avait suivi ce procédé ; seulement, pour
éviter la répétition des mêmes termes, elle avait dit :
« La presse
est libre ; la censure ne pourra jamais être établie ; il ne peut être exigé de
cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs. »
Et pour
affranchir les écrivains de la censure des industriels auxquels ils doivent recourir,
elle avait ajouté :
« Lorsque
l'auteur est connu et domicilié en Belgique, l'éditeur, l'imprimeur ou le
distributeur ne peut être poursuivi. »
L'article du
projet primitif n'a donc pas été rédigé au hasard ; c'est le résultat d'une
marche rationnelle que la section centrale a abandonnée, pour placer la presse
hors du droit commun, et pour prendre à son égard des précautions qu'elle n'a
pas jugées nécessaires à l'égard des autres libertés qui dérivent du même
principe. .
Je
le demande à cette majorité qui a voté l'article 13, n'eût-elle pas repoussé
une disposition qui eût porté : .
« Chacun a
le droit d'enseigner, sauf la responsabilité des leçons qui blesseraient les
droits, soit d'un individu, soit de la société. »
N'eût-elle pas
regardé ces expressions comme vagues, susceptibles d'une extension indéfinie ?
Un honorable
orateur (M. le vicomte Charles Vilain XIIII), dont les paroles en matière
religieuse sont moins suspectes que les miennes, vous a déjà démontré que, par
les mots soit de la société, l'art. 14 proscrit tout enseignement par la
presse de doctrines contraires aux systèmes de fait. politiques ou religieux.
Je ne répéterai pas ce qu'il vous a dit avec un si heureux choix d'expressions.
Nous sommes parvenus à une époque où nul n'exerce la dictature de
l'intelligence, et où la raison de chacun s'est proclamée souveraine. On peut
déplorer cette absence de toute doctrine dominante, s'effrayer de cette
anarchie des esprits ; mais c'est un fait qu'on ne saurait nier, et qui ne peut
se détruire que par lui-même ; le monde est livré en pâture à nos disputes, et
le législateur ne peut venir clore la discussion pour le reste des siècles.
Cependant je
ne pense pas qu'il faille supprimer purement et simplement les mots : soit
de la société, sans rien mettre à leur place. Les individus seuls seraient
protégés, et l'État, comme être moral, serait sans protection.
Les
expressions droits d'un individu me paraissent vagues ; le sens en est
subordonné à une distinction que le projet ne fait pas. Ces expressions doivent
se restreindre à la vie privée ; transportées dans la vie publique, elles
détruiraient tout droit de critique, toute responsabilité morale des
fonctionnaires.
Les mots droits
d'un individu ou de la société sont empruntés à l'art. 227 de la loi
fondamentalede1815, et M. Van Maanen en argumentait pour maintenir l'arrêté du
20 avril. N'eussé-je (page 652) que
ce motif, j'en demanderais le retranchement.
La section
centrale a remis en doute une question qui, dans nos débats judiciaires, a été
mainte fois agitée et sur laquelle l'opinion publique semblait fixée. Elle a
déclaré l'imprimeur non responsable, lorsque l'auteur est connu, sauf preuve
de la complicité. C'est remettre en question la liberté de la presse même.
II y a contradiction entre la première et la deuxième partie de l'art. 1er ; d'un côté on accorde à chacun le droit de se servir
de la presse et d'en publier les produits sans pouvoir jamais être astreint à la
censure, et d'un autre côté, on astreint tout écrivain à la
censure de l'imprimeur qui partage forcément sa responsabilité.
Messieurs,
dès que vous dites pas de censure il faut rester conséquents avec
vous-mêmes, et rejeter la censure de l'imprimeur comme celle du gouvernement.
M. Tielemans, dans un mémoire très-connu, a donné à ce raisonnement l'évidence
d'une vérité mathématique.
C'est à tort
que l'on prétend que le système de la section centrale diffère de celui
qu'avait consacré la jurisprudence de la cour de Bruxelles. après un examen
attentif, on acquiert la conviction que le système est le même. La cour de
Bruxelles n'a jamais présumé l'imprimeur responsable, sauf la preuve
contraire ; comme la section centrale, elle l'a présumé non responsable,
sauf la preuve de la complicité. Et cette
preuve, voici comme elle l'établissait, et comme on l'établirait à l'avenir.
L'art. 60 du Code pénal porte :
« Seront
punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit, ceux qui auront
avec connaissance aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action dans les
faits qui l'auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront consommée !
»
La
cour trouvait la preuve de l’aide avec connaissance, dans les
circonstances suivantes :
La
présence de l'imprimeur dans son atelier ; .
Son degré
d'instruction littéraire ;
L'esprit du
journal qui lui était connu.
Ces
circonstances se rencontraient presque toujours, et dès lors la preuve de la
complicité était acquise à l'accusation. L'imprimeur ne trouvait son salut que
dans la preuve de l'alibi, preuve difficile et toujours incomplète.
Nos
parquets, conséquents avec l'art. 60 du Code pénal, ont même fait un pas de
plus dans les derniers temps ; ils ont regardé comme éditeurs tous les
propriétaires d'un même journal, et la définition était grammaticalement juste.
Dès lors il leur fut permis de rendre la responsabilité d'un écrit
commune à tous ceux qui coopéraient à la rédaction et même à la gestion.
C'est dans cet état que notre révolution a trouvé la presse périodique ; sa
dernière heure était venue ; elle aussi a été sauvée dans les journées de
septembre.
On dit que
les imprimeurs étant déclarés non-responsables dans tous les cas où ils produisent un
auteur, se procurent des prête-nom. On ne réfléchit pas que le système
contraire laisse la même latitude à la fraude ; si vous déclarez à la fois les écrivains et
les imprimeurs responsables, les auteurs ne se nommeront jamais, et ils auront
un imprimeur responsable, à tant par jour. Celui-ci vous exhibera même
un acte authentique constatant qu'il est seul propriétaire du journal, et vous
cachera les contre-lettres.
Quelque système
que vous adoptiez, la fraude est possible ; en France on a imaginé
l'institution des gérants responsables, mais ce n'est encore là qu'une fiction.
Le véritable auteur reste impuni. Celui qui supporte la peine est un homme
à qui il est même physiquement impossible de lire chaque jour tous les articles
dont il assume cependant la responsabilité.
M. Devaux vous propose de revenir au système de la commission
et reproduit comme amendement l'article du projet primitif. Je me réunis à
l'honorable député, et je ne présente de mon côté des amendements que pour le
cas où sa proposition n'obtiendrait pas la priorité ni l'assentiment de
l'assemblée. Je crois néanmoins qu'on pourrait aller plus loin que la
commission, et limiter le droit de répression en déclarant que les mesures
répressives ne peuvent porter atteinte au droit de discussion et de critique
des actes des autorités publiques. Cette limitation me semble nécessaire ;
c'est une garantie contre les législatures qui doivent nous succéder. La
censure n'est pas le seul moyen d'anéantir la presse ; des mesures répressives
très-vagues comme l'arrêté de 1815, qui créait la tendance, et des dispositions
semblables à celles du Code pénal de 1810, qui défend toute
imputation propre à blesser la délicatesse des fonctionnaires, ne sont pas moins destructives de
toute liberté. Je voudrais empêcher le retour d'une loi comme celle du 16 mai
1829, qu'on a dite si libérale et qui cependant maintenait tout le système du
Code de 1810 sur l'injure et la calomnie. (U. B., 28 déc.)
(page 653) M. l’abbé Verduyn – Messieurs,
fidèle au principe de liberté
que nous avons invoqué jusqu'ici, nous en réclamons le bienfait pour la presse
et surtout pour la presse périodique, avec toute la chaleur que mérite une
liberté que nous regardons comme la plus vitale et la plus sacrée, parce qu'elle est la sauvegarde et le palladium de toutes les
autres.
Aujourd'hui
que les opinions sont tellement divisées, tous ceux qui ont foi dans celles
qu'ils professent, doivent désirer ardemment que cette liberté soit pleine et
entière ; ils doivent unir leurs efforts pour faire tomber toutes les entraves
que le despotisme a inventées pour enchaîner la circulation de la pensée.
Ceux-là seuls pourraient s'y opposer qui ne veulent de liberté que pour eux et
qui ne trouvent pas de meilleur moyen pour faire triompher leurs opinions que
de bâillonner ceux qui ne les partagent pas. Pour nous, messieurs, un triomphe
qui serait, non le fruit d'une libre discussion, mais seulement l'effet de la
contrainte, nous paraîtrait funeste à la vérité ; et je crois que l'histoire
est loin de me démentir.
Je voterai
donc pour la liberté de la presse la plus
large et la plus étendue, ainsi que pour tout ce qui
tendrait à la favoriser, et, dans ce sens, je suis prêt à adopter tous les
amendements qui me paraîtront modifier, dans l'intérêt de cette liberté plus
étendue, l'article qui est soumis à votre délibération. En agissant autrement,
je croirais agir contre les intérêts de la vérité. En effet, messieurs, il m'a
toujours paru que la vérité se suffisait
à elle-même ; elle ne demande, pour faire tout le bien qui
est dans sa nature, que d'être libre, c'est-à-dire, de jouir de l'exercice de
tous ses droits. La protection que le pouvoir temporel a voulu lui accorder n'a
été que trop souvent illusoire et oppressive, outre que cette apparente protection l'a
rendue solidaire de tous les excès du pouvoir.
Nous ne
demandons que la liberté pour tous, et vous avez tous donné trop de preuves de
votre dévouement à cette cause, pour que je puisse craindre que cette demande
soit rejetée par vous. S'il en était, soit dans l'enceinte de cette assemblée, soit ailleurs, qui voulussent nous enlever cette liberté, nous leur dirions : De deux choses l'une ; ou, lorsque
nous combattions ensemble, vous entendiez la liberté telle que nous la
demandons aujourd'hui, la liberté pleine et entière, et alors comment se
fait-il qu'aujourd'hui vous vouliez la restreindre ? ou bien vous ne combattiez
pas avec nous, et vous trouviez tolérable le joug que d'autres ébranlaient avec
courage, vous receviez en silence la loi du despote, et alors nous vous dirons : Jouissez
tranquillement du bienfait que d'autres que vous ont conquis, jouissez-en ; car
notre intention n'est pas d'en priver personne, mais ne prétendez pas que
d'autres en soient exclus.
En réclamant la liberté de la. presse la plus entière, nous
prouverons que nos intentions sont droites, qu'elles ne cachent aucune
arrière-pensée. Penserait-on que nous ne demandons la liberté que pour en
abuser au détriment des droits de nos concitoyens ? Nous ne craignons pas,
messieurs, que le clergé belge, si dévoué aux intérêts de la patrie, vous
paraisse avoir justifié des soupçons si peu honorables ; nous ne croyons pas
que plusieurs de vous partagent cette crainte ; mais en tout cas, nous dirions à ceux qui la
manifesteraient : Eh bien ! la presse périodique sera là, elle vous avertira
journellement de l'usage que nous ferons de notre liberté, et s'il arrivait
jamais que quelques-uns de nous voulussent en abuser, nous sommes intimement
convaincus que, dans le clergé même, se trouveraient des hommes qui seraient
les premiers à vous en signaler les abus.
En réclamant la liberté de la presse, nous avons en vue
l'intérêt de tous ; nous voulons que toutes les opinions puissent librement se
manifester, parce qu'il y aurait injustice pour l'État, qui déclare toutes les opinions
libres, d'en enchaîner aucune. Ce n'est donc pas notre intérêt particulier que
nous avons en vue, en demandant cette liberté, mais l'intérêt de tous. Et je
vous prie de le remarquer, messieurs, il en est de même pour toutes les autres.
En effet, pourquoi demandons-nous la liberté de l'enseignement, si ce n'est
afin que l'on cesse d'opprimer le père de famille, en l'empêchant de remplir un
devoir sacré, celui d'élever son fils comme il l'entend ? Pourquoi
demandons-nous avec anxiété la liberté de la religion ? parce que notre
ministère nous mettant en relation avec toutes les classes de la société, nous
sommes à même
de connaître quel est le vœu le plus général, comme le besoin le plus pressant
de nos concitoyens. Croyez-moi, messieurs, le vœu le plus ardent du Belge
religieux est celui de voir sa religion libre, et vous ne pouvez pas entraver
le ministre du culte dans l'exercice de ses fonctions, sans que le coup dont
vous le frappez retentisse dans la cabane du pauvre, et autour du chevet de
l'infirme. C'est là surtout où la religion seule peut soulager l'humanité
souffrante, là où seule elle peut verser le baume de la consolation, là où
gisent de grandes infortunes, que l'on sent tout le prix de la liberté
religieuse.
Ainsi donc, messieurs, soit que nous parlions (page 654) de la
liberté de la presse, soit de toute autre, nous ne sommes pas ici pour soutenir
des prétentions particulières, mais le, droits de tous, et en premier lieu de
ceux qui ont le plus besoin que l'on plaide leur cause, du pauvre et de
l'infirme. Messieurs, j'espère que le clergé belge pourra toujours se présenter
avec confiance devant l'assemblée de sa nation, avec ses principes et sa
conduite ; il n'a pas besoin de répondre aux suppositions si peu honorables
pour lui, et, j'ose le dire, si gratuites, auxquelles s'est livré devant vous
un honorable orateur. (U. B., 28 déc.)
M. Charles de Brouckere, rapporteur
– J'ai été interpellé, dans la dernière séance, par un orateur. Cependant le
rapport avait fait assez connaître que je n'avais pas été de l'avis de la
majorité, relativement à l'art. 14 qui n'a été adopté que par dix voix contre
neuf. L'amendement de M. Devaux me semble infiniment préférable à l'article de
la section centrale. La rédaction de cet article est vague ; elle se
ressent de je ne sais quel embarras. Chacun a le droit de se servir de la
presse et d'en publier les produits. Les mots : la presse est libre, me semblent
plus français et plus explicites. M. Devaux n'exclut que la censure et le
cautionnement. Il n'ajoute pas, comme la section centrale : et toute mesure
préventive. La minorité dont je faisais partie a trouvé que ces derniers
mots auraient pour effet l'abolition du timbre, mesure à la fois préventive et financière.
C'est comme mesure financière, comme impôt de consommation que je veux le
maintien du timbre ; c'est en considération de cet impôt qu'on a diminué les
frais de port, et qu'on les a réduits à un cent la feuille d'impression. Les
abonnés éloignés de la capitale, car ces lois nous viennent de
Je passe à
la deuxième partie de l'article. M. Devaux efface les mots : sauf la preuve de
la complicité. J'ai été du même avis dans la section centrale ; la
minorité a pensé qu'admettre la complicité, c'est en d'autres termes établir la
censure des imprimeurs, censure cent fois plus nuisible à la liberté que celle
du pouvoir, que d'ailleurs c'est déférer au juge l'appréciation des facultés
intellectuelles des éditeurs et des imprimeurs ; c'est créer un arbitraire
effrayant dans l'application de la loi, ce sont les expressions du rapport.
Je supprime
avec M. Devaux la dernière partie de l'article du projet primitif : « A défaut
de l'imprimeur, l'éditeur ; à défaut de l'éditeur, le distributeur est
responsable. » La question des éditeurs est très difficile, et on peut
l'abandonner sans danger à la législature. Un éditeur offre peu de garantie par
lui-même ; le premier venu peut prendre ce titre, et ici les hommes de
paille sont faciles à trouver. Un imprimeur a un établissement, l'éditeur
peut ne pas en avoir. Je crois que cette dernière partie de l'article qui
établit une responsabilité par cascades doit être abandonnée à la loi qui peut
entrer dans plus de détails.
L'honorable
M. Nothomb a proposé d'ajouter un paragraphe ainsi conçu : « Les mesures
répressives ne peuvent être telles qu'elles interdisent le droit de discussion
et de critique des actes de l'autorité publique. » Cette disposition est
textuellement empruntée à la loi de M. Van Maanen ; l'auteur de l'amendement
croit renforcer l'article 1er ; il affaiblit à mon avis, les expressions si
larges : la presse est libre.
M. Beyts
propose de regarder l'imprimeur comme non responsable lorsque l'auteur
donne sûreté pour l'exécution
du jugement. Ce serait placer l'écrivain dans une position moins avantageuse
que l'assassin ; ce serait d'ailleurs rétablir la censure des imprimeurs
toujours intéressés à examiner d'avance les écrits, exposés qu'ils sont à
devoir consigner une certaine somme pour sûreté de l'exécution des jugements.
En résumé, la disposition la plus complète est celle de
M. Devaux ; elle obtiendra mon assentiment. (C., 27 déc.)
M.
François fait l'éloge de la liberté de la presse : Il faut des garanties
contre la licence. Je conviens que la responsabilité des imprimeurs crée une
censure préalable, mais n'est-il pas des cas où cette censure est salutaire ?
Ne pourrait-on pas rendre l'imprimeur responsable dans le cas d'attaque contre
la vie privée ? L'orateur le pense et admet cette exception ; cette garantie
lui sembla la seule garantie contre la calomnie qui s'en prend aux actions
privées. (C. 27 déc.)
M. le chevalier de Theux de
Meylandt – Messieurs, il est évident que la rédaction de l'article
14 laisse un doute important ; les uns pensent que la justice peut rechercher
l'auteur véritable ; les autres, qu'elle ne peut rechercher que celui qui se
déclare tel, fût-il même un simple prête-nom.
(page 655) Mon amendement tend à
consacrer cette dernière opinion, fondée sur ce que le prête-nom est toujours
véritablement coupable, alors même qu'il est incapable de discerner par
lui-même ce que l'écrit incriminé renferme de répréhensible. La raison en est
qu'il n'aura jamais prêté son nom pour publier l'ouvrage d'un autre, s'il n'en
a reçu quelque récompense ; ainsi d'une part la récompense reçue, d'autre part
le soin que l'auteur véritable prend pour rester inconnu, avertissent, à
l'évidence, le prête-nom du danger de la publication et lui font mériter la
vindicte publique, à d'autant plus juste titre, qu'il est la cause immédiate de
la publication, qui peut-être n'aurait jamais
eu lieu sans lui.
La recherche
de l'auteur véritable présente d'ailleurs beaucoup d'inconvénients ; elle
expose l'imprimeur et tous ses collaborateurs à des interrogatoires en justice
; il y a des perquisitions capables de rendre l'imprimeur trop craintif et de
le porter à refuser ses presses, quand il appréhenderait cette espèce de tracasseries.
Quant à la
complicité, il me semble qu'il y a lieu de faire en faveur de la presse une
exception au principe général en matière de délits ; je ne puis admettre la
disposition proposée par la section centrale qui autorise indéfiniment à faire
la preuve de la complicité : car sous prétexte de faire cette preuve, on peut
tracasser et inquiéter l'imprimeur et les autres personnes désignées dans
l'article ; et s'il y a prévention suffisante, on peut les traduire devant le
jury conjointement avec l'auteur.
Or,
l'imprimeur étant, par la nature des choses, dans
le cas d'être souvent tracassé de cette manière, il ne peut conserver
aucune indépendance.
Cependant,
pour concilier ce que peut exiger l'intérêt des tiers et l'intérêt de la
société avec une sage liberté de
la presse, j'ai l'honneur de proposer premièrement que la complicité ne
pourra être recherchée qu'après la condamnation de l'auteur principal ; par là
l'imprimeur est garanti contre les poursuites qui n'ont pas pour objet un écrit
déjà jugé criminel ou répréhensible.
En outre, il
résulte de mon amendement que même en cas de condamnation de l'auteur
principal, l'imprimeur ne peut pas être recherché, si l'écrit ne contient pas
une provocation directe à un crime ; par là l'imprimeur est mis à l'abri de
toute responsabilité pour des écrits dont il n'a pu voir clairement la
répréhensibilité légale.
Quant aux
délits concernant les individus, l'imprimeur ne peut non plus être poursuivi
que sur une plainte spéciale et seulement après le jugement de l'auteur.
Enfin, messieurs, je dois déclarer que la crainte
de voir adopter la proposition de la section centrale, touchant la complicité,
est le principal motif qui m'a déterminé à faire une proposition beaucoup plus
favorable à l'indépendance des imprimeurs, et par suite à la liberté de la
presse. (J. F., 28 déc.)
M. Van Snick – Je retire mon amendement et je me
réunis à celui de M. Devaux. (U.
B., 28 déc.)
M.
de Robaulx – Après une discussion qui
paraît épuisée, je ne me propose pas de parcourir tous les raisonnements qui
ont été présentés en faveur de la liberté la plus large de la presse, liberté
que j'appelle de tous mes vœux ; j'appellerai cependant votre attention d'abord
sur l'opinion de notre honorable collègue M. de Brouckere, qui voudrait voir
effacer de l'art. ,14 les mots : toute mesure préventive est interdite. Je
dois l'avouer, messieurs,
les motifs qu'il avance pour faire opérer le retranchement de cette phrase sont
justement ceux qui me donnent la conviction qu'elle doit y demeurer. M.
de Brouckere ne veut rejeter que deux mesures préventives : la censure
et le cautionnement, il voudrait conserver le timbre et les droits
de poste qui peuvent être portés à un tel taux qu'ils soient
réellement une meure préventive.
Messieurs, si le pouvoir peut abuser du timbre et des droits de
poste, et ce de manière à opprimer et rendre impossible la liberté de la
presse, alors c'est une véritable mesure préventive que je voudrais voir
disparaître de notre constitution ; il faut qu'on ne puisse détruire la presse
par un pareil moyen détourné ; celui qui l'aura fait sera coupable de la
violation d'une de nos plus belles libertés constitutionnelles, et c'est contre
cette possibilité que je m'élève.
Maintenant je me propose de soumettre au congrès une disposition
additionnelle qui, je crois, mérite d'être prise en mûre considération.
La voici :
« Des mesures répressives ne peuvent
porter atteinte au droit d'examen et de
critique de la vie publique et des actes des autorités. »
Messieurs, notre honorable collègue M. Devaux nous a dit que par les
mots la presse est libre, le but de l'amendement est atteint ; quant à
moi. je crois que dans une constitution on ne peut trop soigneusement indiquer,
même surabondamment, les garanties nécessaires ; il est essentiel de déclarer
que la vie publique et les actes des autorités sont le domaine de la discussion
libre ; je fais d'ailleurs observer que, suivant la législation actuelle, (page 656) art. 367
du Code pénal,
la médisance et la calomnie sont synonymes, puisque l'imputation
d'un fait vrai est punie comme s'il était mensonger, et ce serait en vain que
vous offririez de prouver, les articles 367 et suivants condamneraient sans
admettre la preuve ; ainsi, par exemple, imputez à un fonctionnaire qu'il a
reçu de l'argent pour le faire dévier de ses devoirs, offrez de prouver que le
fait est vrai, vous n'en serez pas moins condamné comme calomniateur.
C'est ce danger imminent que je veux prévenir en rendant à la
presse sa liberté ; la presse porte avec elle son contre-poison lorsqu'elle
nuit, puisque le fonctionnaire qui est lésé pourra se servir de la même voie
pour rectifier les faits inexacts.
Tels sont les motifs qui m'ont dirigé en présentant
ma proposition que je crois l'énonciation d'un principe reconnu et admis par
tous ceux qui m'écoutent. (E., 28
déc.)
M. l’abbé de Foere – Messieurs, si je viens
réclamer, avec mon honorable collègue M. l'abbé Verduyn, la liberté de la
presse dans toute son intégrité et dans toute son étendue, c'est pour vous
donner une nouvelle preuve publique que, sans exclusion, sans catégorie, sans
restriction aucune, comme sans arrière-pensée, nous voulons la liberté la plus
pure, en tant qu'elle est conciliable avec la conservation de la société. Nous
serons et nous voulons être conséquents en tout et jusqu'au bout. Pour dissiper
les craintes que quelques personnes pourraient éprouver à l'égard des
influences pernicieuses que la liberté entière de la presse pourrait exercer
sur l'ordre social, j'établirai en principe que, si nous continuons de déposer
dans la constitution les droits de tous, et de garantir leurs libertés, sans
restriction aucune, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, j'établis qu'alors
les résultats de la presse seront, en thèse presque générale, favorables à l'ordre social et à sa stabilité. La raison en est évidente :
tous seront intéressés au maintien et à la consolidation d'un ordre de choses
dans lequel tous trouvent la garantie de leurs droits et de leurs libertés. La
malveillance n'aura aucun succès ; elle sera étouffée par l'opinion générale
qui sera intéressée au maintien de l'ordre social, tel que nous l'aurons
libéralement établi.
Telle est, messieurs, l'histoire de la liberté de la presse en
Angleterre. Elle y est parvenue, depuis longtemps, à ce résultat que la presse
s'y développe tout entière dans l'intérêt de la société politique et de son
maintien. Je ne reconnais à la presse anglaise d'autre hostilité réelle aux
pouvoirs établis que celle qui s'oppose aux abus parlementaires
et à d'autres abus qui se rattachent encore à quelques-uns de ces pouvoirs.
Mais toujours est-il vrai de dire que cette hostilité est tout entière dans
l'intérêt de l'ordre social.
Si nous ne
continuions pas, messieurs, à porter dans la constitution les principes d'une
véritable liberté, alors je ne pourrais vous répondre des résultats funestes
que la liberté de la presse pourrait amener ; alors nos institutions mêmes
seraient vicieuses dans leur fondement : alors la presse ne pourrait cesser de
les combattre jusqu'à entière destruction de ces principes vicieux.
Je voterai
pour l'amendement de M. Devaux parce qu'il garantit à mes yeux, plus que tout
autre, la liberté entière de la presse. Si cependant, dans le cours de vos
délibérations, quelque autre amendement atteint mieux ce but, je me prononcerai
pour cet autre amendement. (C., 27 déc.,)
M. le baron Beyts – Il y a
quatre jours que j'ai déposé un amendement ; je ne me plains néanmoins pas
d'avoir dû attendre si longtemps. L'article comprend deux parties ; j'admets
l'amendement de M. Devaux en y ajoutant les mots : toute mesure préventive
est interdite. Sur la deuxième partie je propose un amendement ainsi conçu
:
« Lorsque
l'auteur est connu et domicilié en Belgique, et donne sûreté pour
l'exécution du jugement à intervenir, l'éditeur, l'imprimeur ou le
distributeur ne peuvent être poursuivis comme tels, sauf la poursuite spéciale
contre eux comme coauteurs, s'ils se sont, par d'autres faits particuliers,
rendus coupables de ce dernier délit. »
On ne
demande pas de cautionnement en cas d'assassinat, pour un motif bien simple :
c'est que personne ne cautionne sa tête pour un autre. Je ne veux pas de
l'art. 60 du Code pénal, qui est trop
vague
et qui a donné lieu à trop d'abus ; je rends l'imprimeur responsable dans
certains cas, non comme complice, mais comme coauteur ; le ministère public ne
pourra plus puiser dans l'art. 60. (C., 27 déc.)
M. Devaux –
Messieurs, je n'abuserai pas longtemps de votre attention, car je n'ai que
quelques mots à dire contre les amendements qui ont été proposés. Toutefois, je
dois auparavant répondre aux reproches qui ont été adressés au mien. On m'a
accusé, d'une part, de ne pas aller assez loin, et de l'autre, d'aller plus
loin qu'il ne fallait. Ma réponse sera facile : par exemple, à l'égard du
timbre, j'ai voulu la question indécise, et, si j'ai mis aucune poursuite
préventive, c'est que j'ai cru que toutes se réduisaient au cautionnement
et à la censure. J'ai donc cru que la question
(page 657) du timbre
pouvait être mise de côté. Je sais bien
que le timbre pourrait être porté si haut, que la liberté de la presse
s'en trouverait entravée ; mais, messieurs, la patente aussi pourrait être
taxée à un taux exorbitant, et tel que l'industrie et le commerce en fussent
entravés, et cependant personne n'a songé à demander la suppression des
patentes.
il y a à l'égard de
l'éditeur une question difficile à résoudre. Pour l'auteur et l'imprimeur, il
sera toujours facile au juge de discerner si celui qui se présente comme auteur
est en effet capable d'avoir fait l'ouvrage inculpé. Ce sera encore plus facile
pour l'imprimeur ; mais pour l'éditeur ce sera beaucoup plus difficile, car
tout le monde peut être éditeur. Eh bien ! ce sera au juge à faire tous ses efforts pour discerner la vérité, et la poursuite de
l'imprimeur ne pourra être permise que dans le cas où il sera impossible de
découvrir l'éditeur. L'honorable M. François ne veut pas aller si loin, il
voudrait que la complicité de l'imprimeur fût toujours permise dans les
questions de calomnie ; ce serait, j'ose le dire, bien dangereux. Tous les
jours les journaux rapportent des faits qui pourraient être calomnieux, et
cependant on ne pourrait les poursuivre sans injustice. Par exemple, un
journaliste apprend qu'un crime a été commis ; il l'insère dans son journal, et
il dit : Dans telle société, dans telle et telle circonstance, M. un tel a
commis un crime. Les autres journaux s'emparent de ce fait et le répètent.
Voulez-vous que tous les autres journaux soient poursuivis pour l'avoir
rapporté ? C'était le système de Van Maanen. Mais vous sentez que les journaux
de province ne peuvent pas, à chaque nouvelle qu'ils veulent prendre dans un
journal, envoyer une estafette au lieu où il s'imprime, pour en vérifier
l'exactitude. C'était, je le répète, le système de Van Maanen. Vous vous
souvenez que lorsque le Courrier des
Pays-Bas l'a accusé d'avoir donné de l'argent à Libry-Bagnano, il
voulut mettre en prévention tous les journaux qui avaient répété ce fait.
On a dit :
Mais dans de pareils cas vous présenterez un auteur, et vous aurez toujours la même garantie ;'il ne faut donc pas permettre la poursuite de
l'imprimeur. On ne la permettra, répond-on,
que dans le cas où l'auteur aurait disparu ; mais pourquoi la
permettre dans ce cas ? Faut-il, parce que la loi ne pourra atteindre l'auteur
du délit. que l'imprimeur en soit puni ? Mais un assassin peut disparaître
aussi : s'avisera-t-on, dans ce cas, de poursuivre un individu qui est innocent
de son crime ? Non, sans doute. Du reste, messieurs, croyez-le bien, un homme
n'ira pas s'expatrier pour avoir le triste plaisir de lancer une calomnie contre
quelqu'un, et je n'hésite pas à croire que nous aurons peu à craindre de délits
de ce genre. N'oublions pas, d'un autre côté, que le jury jugera les délits de
la presse ; et les jurés seront toujours sévères pour les calomniateurs.
D'ailleurs, les délits de calomnie sont rares : en France on en a fait, il y a
quelque temps, la nomenclature ; je ne me souviens pas précisément du chiffre,
mais il était très-petit.
M.
Nothomb propose d'établir que l'examen des actes publics sera toujours permis.
M. de Robaulx a étendu la disposition de M. Nothomb jusqu'à la vie publique des
autorités. La rédaction de M. Nothomb ne dit pas assez ; celle de M. de Robaulx
dit trop, et je crois qu'il vaut mieux s'en tenir au principe général. (U. B.,
28 déc.)
M. Nothomb – J'ai
modifié ma rédaction en ces termes :
«
Les mesures répressives ne peuvent porter atteinte au droit d'examen des
actes du pouvoir. » (U. B., 28 déc.)
M. Devaux – Cela
revient au même. Quant à la rédaction de M. de Robaulx, ce principe va trop
loin. L'examen peut être tel en effet qu'il soit nécessaire d'en poursuivre les
auteurs en calomnie. Mais, dit-on, d'après le Code pénal il sera impossible de
rien écrire sans être coupable de calomnie. Je conviens que l'art. 567 est
défectueux sur ce point, et je blâme le principe qui y est consacré. Il faut
effacer ce principe, et dans la loi de la presse il faudra que celui de M. de
Robaulx soit écrit comme il l'a été en France ; il suffit pour le moment du
principe général posé dans la constitution.
M. Beyts est
embarrassé pour savoir comment feront les tribunaux pour déclarer que l'auteur
n'est pas connu, lorsqu'il s'en présentera un qui sera, comme on dit, un homme
de paille. Je crois que s'il s'élève des doutes pour savoir s'il est l'auteur,
le ministère public sera intéressé à soutenir qu'il ne l'est pas, et alors on
présentera deux questions au jury : par la première on fera décider si celui
qui se présente est l'auteur de l'écrit incriminé ; par la seconde on demandera
s'il est coupable. Je pense donc qu'il n'y aura nul embarras, et si le
ministère public a des raisons de croire que celui qui se présente n'est pas
l'auteur, il les déduira, et il sera presque toujours facile de décider. M.
Beyts demande aussi que l'auteur donne sûreté pour l'exécution du jugement à
intervenir ; il s'ensuivrait que celui qui n'aurait pas une somme de 10,000
francs ne pourrait pas (page 658)
écrire. Messieurs, que pour exercer le droit électoral on exige une certaine
fortune, je ne vois rien là que de raisonnable ; mais qu'il en soit de même
pour un écrivain, non seulement une telle mesure serait injuste, mais encore
elle porterait un notable préjudice à la société. Il est certain que si
personne n'eût pu écrire qu'à ces conditions, une foule d'excellents ouvrages
seraient perdus pour nous. M. Beyts propose encore de dire que quand
l'imprimeur déclarera qu'il est l'auteur de l'écrit, il puisse être poursuivi.
Ceci est par trop évident ; mais dans ce cas il ne sera pas poursuivi en sa
qualité d'imprimeur, mais en sa qualité d'auteur.
Je crois avoir parcouru les diverses objections ; il
m'en restait encore une que j'ai perdue de vue... (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 28 déc.)
Plusieurs orateurs inscrits renoncent à la parole.
(C.,
27
déc.)
M. Camille de Smet
– Je demande la priorité pour l'amendement de M. Devaux. (U. B., 28
déc.)
M.
le président – Il y a d'autres amendements pour lesquels on fera la même
demande. (U. B., 28 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII – Je retire mon amendement. (U.
B., 28 déc.)
M. Nothomb – Je retire aussi le mien.(Bruit.)
(U. B., 28 déc.)
M. Van Meenen et d’autres membres demandent à dire quelques
mots. (U. B., 28 déc.)
M. le président
– Vous me permettez aussi de dire quelques mots, et ces mots les voici : C'est
que le budget presse. Nous nous rassemblerons à six heures et demie en section
centrale pour entendre le rapport sur les voies et moyens, qui est prêt ; on
pourrait l'entendre demain, et discuter après-demain. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 28
déc.)
M.
Fleussu – Je demande que l'article de M. Devaux, qui paraît
réunir l'assentiment général, soit mis aux voix. (Oui ! oui ! La clôture ! la
clôture !) (U. B., 28 déc.)
-
La clôture de la discussion est mise aux voix et
prononcée. (U. B., 28 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire,
donne lecture de l'amendement de M. Devaux :
« La presse
est libre. La censure ne pourra jamais être établie. Il ne peut être exigé de
cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs.
« Lorsque
l'auteur est connu et domicilié en Belgique, l'éditeur, l'imprimeur ou le
distributeur ne peut être poursuivi.» (U. B., 28 déc., et P. V.)
-
Cet amendement est mis aux voix et adopté ; il remplace l'art. 14 du projet.
(P. V.)
M.
Lebeau propose un paragraphe additionnel conçu en ces termes :
«
Dans tout procès pour délit de la presse, la déclaration de culpabilité
appartient au jury.» (P. V.)
Ce
paragraphe additionnel est adopté sans discussion. (P. V.)
-
On met aux voix la disposition additionnelle de M. de Robaulx, ainsi conçue :
« Des
mesures répressives ne peuvent porter atteinte au droit d'examen et de critique
de la vie publique et des actes des autorités. ») (P. V.)
40
membres environ se lèvent pour cette disposition ; elle est rejetée. (C.,27 déc.)
PROJET
DE DECRET SUR LES VOIES ET MOYENS POUR 1831
M. le président – L'art. 14
est épuisé. Il nous reste assez de temps pour entendre le rapport sur les voies
et moyens. M. Fallon a la parole. (U. B., 28 déc.)
M. Théophile Fallon fait le rapport de la commission
chargée d'examiner le projet de décret pour la perception des impôts en 1831.
-
L'impression et la distribution en sont ordonnées. (P.V.)
La
séance est levée à cinq heures. (P. V.)