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Congrès national de Belgique
Séance du lundi 3 janvier 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)

(page 1) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)

La séance est ouverte à une heure. (P.V.)

Lecture du procès-verbal

M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal. (U. B., 5 janv.)

Reconnaissance de l'indépendance de la Belgique par les grandes puissances

M. Pirson demande à faire une observation sur le procès-verbal. (U. B., 5 janv.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici une proposition déposée sur le bureau par M. Pirson :

« Je propose au congrès d'ordonner l'impression et la distribution de la communication diplomatique qui nous a été lue à la fin de la dernière séance. » (Appuyé ! Appuyé !) (U. B., 5 janv.)

M. le président – M. Pirson a la parole pour développer sa proposition. (U. B., 5 janv.)

M. Pirson – Messieurs, il était minuit lorsque, le 31 décembre, M. le président a levé la séance du congrès ; déjà les membres sortaient de la salle : il les a appelés pour entendre la lecture de la réponse du gouvernement provisoire aux questions qui lui avaient été faites par le congrès sur la motion de notre collègue M. de Robaulx, questions relatives à nos relations diplomatiques à Londres et à Paris.

Cette réponse, tout insignifiante qu'elle est, me paraît cependant devoir être imprimée et distribuée à chacun de nous. Dans la position et le vague où nous nous trouvons, il ne faut pas laisser échapper le plus petit mot qui puisse nous aider à deviner les projets de la diplomatie, qui a si bien réussi à embrouiller nos affaires.

Nous sommes dupes, on ne peut plus en douter, de l'apprentissage de nos jeunes diplomates. S'ils voulaient bien en convenir, nous les excuserions ; mais point du tout : ils persistent, et bientôt nous serons entraînés dans des difficultés telles qu'il ne dépendra plus de nous de remplir notre mandat.

Que penser d'un rapport (celui du 26 décembre) où l'on nous dit tenir du ministre des affaires étrangères de France, que nous sommes reconnus par les envoyés des cinq grandes puissances à Londres, sans nous dire en quels termes ? (Note de bas de page : Le protocole de la conférence de Londres du 20 décembre qui a soulevé tant de réclamations dans la séance du congrès belge du 3 janvier, n'a pu être généralement apprécié depuis. C'était certes un grand résultat que d'obtenir de la conférence la déclaration de la dissolution du Royaume uni des Pays-Bas et de l'indépendance future des provinces méridionales ; aussi le roi Guillaume Ier a-t-il protesté contre cette double déclaration, protestation restée longtemps inconnue. Le comité diplomatique, tout en repoussant certaines conditions, s'est sagement abstenu de restituer le protocole. Voir le chapitre V de l'Essai historique et politique sur la révolution belge, par M. Nothomb)) Et puis, quant au choix d'un prince à faire par la Belgique, on insinue que le gouvernement provisoire et le comité diplomatique, sans prendre l'initiative, se mettront en mesure d'éclairer plus (page 2) tard la détermination du congrès, qui saura, par son choix, concilier tout à la fois les intérêts de l'Europe avec les intérêts, la dignité et l'indépendance de la Belgique. Forcé de donner des explications, on assure qu'aucune proposition n'a été faite sur le choix d'un chef de la Belgique. Entendons-nous ; par proposition entend-on une proposition écrite ? Je crois bien qu'il n'y en a pas eu d'écrite ; mais à coup sûr, on ne peut en douter, il y a eu du commérage.

Le rapport du 31 décembre ne nous apprend rien de plus, sinon que le président du conseil du roi de France a aussi déclaré à la tribune que nous étions reconnus par les cinq grandes puissances. C'est dans les journaux que notre comité diplomatique a découvert la confirmation de ce qui avait été dit à notre envoyé par le ministre des affaires étrangères.

Eh ! messieurs, qu'avons-nous besoin de diplomates à Londres et à Paris, pour recevoir d'eux des extraits des journaux que nous avons lus ? Toutefois, ne nous reposons point sur eux pour savoir tout ce que les feuilles publiques signalent ; car ils n'ont garde de nous faire remarquer qu'à Paris comme à Bruxelles, les ministres refusent de s'expliquer sur les termes de notre reconnaissance. Il y a donc, dans ces termes, quelque chose de déshonorant pour la France et de perfide à notre égard.

On en est venu à de grandes explications à la tribune de France ; elles nous mettent sur la voie des complots liberticides de l'infâme alliance, qui n'est pas dissoute comme on l'espérait. Ce n'est point d'elle que nous devons recevoir nos inspirations pour la tranquillité et les intérêts bien entendus de l'Europe, que notre jeune diplomate nous recommande si bénévolement. Donnons un grand exemple. Rappelons tous nos diplomates. Poursuivons notre ennemi, plus astucieux que courageux ; travaillons nuit et jour au grand œuvre, et puis nous choisirons un chef qui s'appuiera sur la sympathie des peuples et non sur la perfidie des rois.

Je me borne maintenant à demander l'impression du rapport du comité diplomatique, qui nous a été lu le 31 décembre, à minuit.

J'espère qu'il s'élèvera bientôt dans cette enceinte des voix plus habituées que la mienne à faire impression, et qu'elles nous dirigeront vers le but que nous voulons atteindre sans faiblesse et sans préoccupation intéressée.

Je vous l'ai dit, messieurs, dans mon discours sur la forme de notre gouvernement : aussi longtemps que la royauté constitutionnelle, comme nous l'entendons aujourd'hui, n'aura point pris racine quelque part, il faut se méfier de tout roi

On faisait une exception en faveur du roi citoyen, eh bien ! ce roi citoyen n'a eu jusqu'aujourd'hui que des ministres stationnaires, qui font de la diplomatie à la façon de 1814 et 1815, qui répondent à l'appel de la Sainte-Alliance, qui, ne pouvant empêcher les premiers élans des peuples vers la liberté, tâchent de les ramener le plus près possible de la soi-disant loi d'équilibre de 1815 et préparent ainsi de nouvelles révolutions.

D'après cette loi d'équilibre, le royaume des Pays-Bas avait été créé dans un sens hostile contre la France. A cet effet, l'Angleterre inspectait chaque année nos villes fortes. Eh quoi ! lorsque tous les moyens ont été employés jusqu'aujourd'hui infructueusement pour rompre toute sympathie des Belges avec les Français, on vient nous proposer pour roi un prince anglais, ou du moi à la solde de l'Angleterre ! Pour le coup, c'es bien nous méconnaître ! Quoi qu'on fasse, les Belges seront libres ; ils sympathiseront avec les Français libres, en dépit des ministres français de l'Angleterre et de la Sainte-Alliance. Celle des peuples va commencer. (U. B., 5 jan..)

M. le président met aux voix la proposition de M. Pirson. (U. B., S jan..)

- Cette proposition est rejetée. (J. F., 5 jan.)

M. de Robaulx – Je le crois bien, cette réponse était si peu importante. (J. F., 5 jan.)

- Le procès-verbal est adopté. (P.V.)

Pièces adressées au Congrès

M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :

M. J. de Peneranda, de Bruges, demande une place à la chambre des comptes.

Même demande de MM. Van Overbeke et Williot.


M. H. Van Waesberghe et Desgains demandent une place de commis à la chambre des comptes.


Quatre bateliers de la ville de Tournay demandent que le droit de patente, imposé sur les bateaux, soit établi sur une base plus égale et plus équitable.


- La dame Rosalie Collet, à Gand, veuve d'un militaire pensionné, demande que la pension de feu son mari lui soit continuée, afin de pourvoir aux frais d'éducation de ses enfants.


Les six entrepreneurs des fortifications de la ville d'Ypres prient le congrès de faire délivrer incessamment des ordonnances de payement pour les sommes qui leur sont dues respectivement du chef de travaux exécutés.


(page 3) M. Frison, artisan à Tournay, demande quelque secours pécuniaire pour lui et sa femme.


M. Josse Antoine Bartholeyns demande la place de greffier à la cour des comptes.


Le bourgmestre de la commune de Templeuve et ceux de diverses autres communes limitrophes, prient le congrès de déclarer les fils de lin écru libres à la sortie.


Quarante colporteurs de fil de lin écru, domiciliés à Templeuve , adressent au congrès la même demande.


M. Jean Van Milderode, receveur à Herffelingue, demande une recette plus lucrative que celle qu'il dessert maintenant.


Les fermiers des barrières n° 1, 2 et 3, sur la route de Liége à Gray, réclament la remise des 3/4 de leur prix de fermages.


M. l'Épine, de Bruxelles, présente au congrès un projet d'amortissement de l'impôt direct, et se met sur les rangs des candidats à la cour des comptes.


M. Henri Bosch renonce à la candidature comme membre de la cour des comptes, à cause de sa parenté par alliance au nouveau chef du département des finances et demande la place de greffier à la même cour.


M. Van de Waele, de Tirlemont, s'oppose à ce que des professeurs de droit, qui n'ont pas fait eux-mêmes leurs licences, puissent créer des docteurs en droit.


Une cinquantaine d'habitants de Philippeville demandent la réunion de la Belgique à la France à condition que le roi Louis-Philippe nous gouverne d'après la constitution belge.


M. Leprince, de Mussy-la-Ville, demande un traitement comme membre de la Légion d'honneur.


140 à 150 négociants et manufacturiers de la province de Liége présentent quelques considérations sur l'état de dépérissement de plusieurs branches d'industrie de cette province.


M. Charles Lebrun, notaire à Eeghem, demande que le congrès abandonne le classement et la cotisation des patentes aux répartiteurs seuls.


Neuf notables de Grevenbicht réclament contre leurs élections municipales.


M. J. B. Bourbause, de Vilaine, propose d'établir dans chaque commune un receveur des contributions.


Le baron de Loen déclare se désister des observations faites dans une pétition précédente contre la suppression des places d’administrateurs des domaines et demande définitivement d'être nommé membre à la cour des comptes.


100 à 120 habitants de Fontaine-l'Évêque demandent la réunion de la Belgique à la France.


M. Jean Guillaume, de Liége, soutient qu'il est nécessaire d'arrêter la distillation des substances farineuses.


M. Adams, de Limbourg, présente au Congrès comme souverain de la Belgique, M. Surlet de Chokier. (J. F., 5 janv., et P.V.)


- Plusieurs membres – Appuyé ! (On rit.) (U. B., 5 janv.)


Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P.V.)


Protocole de Londres du 20 décembre 1830. Reconnaissance de l'indépendance de la Belgique par les grandes puissances. Choix du chef de l'Etat

M. le président – Il va vous être donné communication de pièces diplomatiques. (Vif mouvement de curiosité.) (C., 4 janv.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture :

1 ° D'un message du gouvernement provisoire en date du 3 janvier, communiquant au congrès le protocole de la conférence de Londres du 20 décembre qui lui a seulement été remis le 31 décembre à minuit, ainsi que la réponse du comité diplomatique ;

2° D'une lettre des plénipotentiaires de Londres à lord Ponsonby et à M. Bresson ;

3° D'une note verbale du 31 décembre 1830, adressée par lord Ponsonby et M. Bresson aux membres du comité diplomatique ;

4° Du protocole du 20 décembre 1830 ;

5° De la réponse du comité diplomatique à ce protocole, en date du 3 janvier (P.V.)

M. le président propose de faire mention de ces pièces au procès-verbal. (J. F., 5 janv.)

- Plusieurs voix – L'impression (J. F., 5 janv.)

- La mention au procès-verbal et l'impression sont ordonnées. (J. F., 5 janv.)

M. le comte de Celles, vice-président du comité diplomatique – Messieurs, la lecture que vous venez d'entendre est une réponse victorieuse aux attaques dirigées contre le comité diplomatique ; ces pièces ne nous sont parvenues que dans la nuit de vendredi, et au moment où votre séance venait d'être levée. Il nous était donc impossible de vous en donner plus tôt communication, (page 4) et c'est pourquoi nous nous bornâmes à faire la réponse qui vous fut lue à la fin de la séance Cette réponse était telle qu'elle devait être, puisque le comité diplomatique y disait tout ce qu'il pouvait dire et tout ce qu'il savait réellement : vous avez maintenant les pièces sous les yeux, vous jugerez. On nous avait demandé la communication des pièces, il est vrai ; mais, messieurs, il est impossible de communiquer des pièces avant d'en avoir, et tout ce qu'on avait pu dire dans les journaux ne pouvait nous forcer à une communication qu'il nous eût été impossible de faire.

On nous a accusés d'avoir fait aux questions que nous avait adressées le congrès national une réponse insignifiante. Cette réponse fut tout ce qu'elle pouvait être : ne sachant rien de plus que ce qu'il vous fit dire, le gouvernement provisoire n'était pas tenu à autre chose, et sa réponse n'eût pu être plus complète que quelques heures plus tard.

On nous avait demandé si nous avions entamé des négociations avec les puissances de l'Europe, et sur quelles bases elles reposaient. Vous savez la réponse que le comité diplomatique fit à cette question. Ce n'est que depuis la communication du protocole, que le peuple belge a pu faire entendre sa voix comme peuple indépendant : avant cela pouvions-nous, sans être reconnus par les puissances, négocier des traités avec elles ? Non, sans doute, nous ne comptions pas encore dans la famille européenne ; mais dès l'instant que nous avons su que nous y entrerions, nous avons dit (la réponse du comité diplomatique vous le prouve) comment et à quelles conditions nous voulions y entrer. Du reste, messieurs, nous pouvons le dire : parmi les puissances dont les envoyés sont réunis à Londres, toutes ont montré les dispositions les plus rassurantes ; une surtout nous a montré la plus vive sympathie et la bienveillance la plus marquée, en demandant pour la Belgique tout ce qui est nécessaire à sa force et à son bonheur, donnant par là la preuve qu'elle sait bien apprécier et notre position et nos véritables besoins. En effet, la Belgique, pour être indépendante (je l'ai dit dès les premiers jours à cette tribune), doit être forte, et la volonté de la France est qu'elle le soit. Quant à ce qui concerne le choix du souverain, on nous a demandé s'il n'en avait pas été question dans les négociations. Notre réponse a été qu'aucune communication officielle, n'avait été faite à ce sujet, et les pièces dont on vient de vous donner connaissance ne disent pas un mot qui démente notre assertion ; je dirai plus, c'est que non seulement il n'y a pas eu de communication officielle, mais même je ne crois pas qu'il y ait eu des conversations à cet égard entre les plénipotentiaires des cinq grandes puissances. Sans doute, on a pu en parler, et il était même naturel qu'on en parlât dans les lieux publics, dans les salons, dans les journaux même. Mais là, chacun se livre à ses conjectures, à ses vœux, à ses désirs, et le comité diplomatique ne va pas puiser à ces sources les communications officielles que peut lui demander le congrès national : je le répète donc, aucune communication, aucune insinuation, même relative au choix du souverain, n'a été faite, et rien ne nous donne lieu de penser qu'il soit entré dans l'esprit des puissances de gêner, sur ce point, la prérogative du congrès national. Je crois devoir dire toutefois qu'il est instant, selon moi, que le congrès fixe son attention sur cet objet ; car, dès l'instant où une nation existe comme nation indépendante et qu'elle peut le dire, elle doit être impatiente aussi de dire quel est son chef.

Quant à ce qu'on a dit de la cessation des hostilités, je crois devoir me borner à répondre qu'aujourd'hui, plus que jamais, nous avons lieu de nous en féliciter, puisque tout nous fait espérer que nous touchons à une paix définitive. Mais si la Hollande persistait à ne pas exécuter les traités, nous n'aurions rien perdu de notre force par les délais de l'armistice, car nous aurions de plus aujourd'hui, outre l'approbation et l'appui de l'Europe, la force du droit et la justice de la raison. (U. B., 5 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Messieurs, la communication qui vient de vous être faite m'appelle naturellement à cette tribune. Appelé que je suis depuis quelques jours à prendre part aux délibérations du comité diplomatique, j'ai cru devoir vous exposer quels sont mes principes et ma manière de voir sur les affaires extérieures. Si, à mes yeux, le premier besoin de la Belgique est d'être séparée de la Hollande, son intérêt le plus pressant après cela est celui de son indépendance. Une fois indépendante, c'est à elle seule qu'il appartient de se constituer intérieurement, c'est-à-dire de choisir les institutions qui lui paraissent les plus convenables, et même de tracer les limites qui doivent la séparer de la Hollande et la mettre à l'abri des empiétements de cette puissance. Je le déclare, je ne reconnais à aucune puissance étrangère, quelque forte ou puissante qu'elle soit, le droit de disposer de nous, dans les limites que je viens de tracer, et que j'appellerai intérieures. Mais notre position géographique, mais les besoins de notre commerce, doivent nécessairement nous mettre en (page 5) rapport avec la société européenne, et dès l'instant où des rapports existent entre elle et nous, il peut être dans l'intérêt de cette société que nous existions d'une manière plutôt que d'une autre. Quant à nos rapports extérieurs, toute puissance en effet a le droit de prendre des mesures conservatrices dans l'ordre de ses intérêts, pour empêcher qu'une autre puissance ne les blesse. Ainsi, quand je vois réunis à Londres les plénipotentiaires des cinq puissances, je n'y vois pas des hommes disposés à s'occuper de nos institutions constitutionnelles, ou de tracer les limites qui doivent nous séparer de la Hollande ; je n'y vois que des puissances qui, les traités à la main, examinent si la Belgique peut faire naître des contestations entre elles. A mes yeux, la conférence de Londres est étrangère à tout ce qui touche notre régime intérieur ; c'est nous dire que si, dans quelque protocole, il me paraissait y avoir quelque tentative d'intervention de ce genre, je la repousserais de toutes mes forces, tant j'en appréhenderais les conséquences.

Ma manière de penser sur notre indépendance est conforme à ce qu'ont dit ou écrit les hommes les plus remarquables sur les affaires d'une puissance voisine. La France ne reconnaît ni ne reconnaîtra jamais à personne le droit de se mêler de ses affaires intérieures ; à l'extérieur elle prend une attitude noble et fière, bien propre à faire respecter ses volontés, mais elle laisse aux autres nations le droit de s'organiser à leur guise : c'est ainsi que je désire voir la Belgique, dans ses relations extérieures, se conformer aux exigences de sa position vis-à-vis des peuples de l'Europe ; mais, quant à son organisation intérieure, je veux pour elle une complète indépendance. Elle l'aura, messieurs, cette indépendance ; la France sait par son propre exemple que cette indépendance nous est indispensable ; c'est ce qui a fait qu'aux conférences de Londres elle a pris si vivement à cœur nos intérêts, et c'est une garantie que si l'on s'est occupé de nous assurer un sort comme nation, ce ne peut être dans le sens de la Sainte-Alliance, car la France se suiciderait elle-même en soutenant l'exécution des traités de 1814 et de 1815.

Messieurs, les petits États, une fois indépendants, ont à l'égard des grandes puissances leur importance relative. Si la plupart de ces dernières ont à craindre l'esprit de conquête, les premiers peuvent contribuer à leur agrandissement en se jetant dans leurs bras, et cette crainte de les voir se donner à telle ou telle puissance est la meilleure garantie de leur indépendance. Ne nous étonnons donc pas qu'on prenne tant de sollicitude de nos intérêts, car c'est chez nous que s'ouvre le nœud de la paix européenne. Ce que je dis doit vous convaincre que je soutiens avec toute l'énergie de ma conviction, et avec toute la droiture de mes principes, qu'à aucune puissance je ne reconnais d'autre droit d'intervenir que pour nous donner une existence durable, et nous préserver d'être pour l'Europe une cause de perturbation.

Appliquez ces principes aux pièces dont il vient de vous être donné lecture, et vous verrez que nous n'avons aucun lieu de craindre pour l'avenir de notre pays. Sans doute, si j'avais été à Londres, j'aurais soutenu que ce n'était pas aux puissances à traiter la question relative aux droits du roi des Pays-Bas sur le duché de Luxembourg ; j'aurais soutenu que c'était une question à vider entre les deux États pour savoir à qui resterait le grand-duché. Je pense que le comité diplomatique tout entier aurait soutenu les mêmes principes, et sa réponse du 3 janvier aux plénipotentiaires vous prouve assez que je ne me trompe pas dans ma supposition.

Du reste, appelé depuis peu à faire partie du comité, j'ai dû prendre connaissance des négociations, et j'ai vu avec plaisir que la première cause de la médiation des puissances fut toute d'humanité, et qu'elle eut pour résultat la suspension d'armes. On avisa ensuite à poser les limites que devraient respecter pendant l'armistice les puissances belligérantes, et enfin le protocole du 20 décembre me prouve que l'on s'occupe des moyens à prendre pour élever la Belgique à un degré de force qui puisse garantir sa durée.

Messieurs, on a paru élever des doutes sur les assertions faites à la tribune relativement au choix du souverain. Le comité diplomatique a affirmé qu'aucune communication officielle n'a eu lieu à ce sujet. Oui, mais, dit-on, on en a parlé, et cependant, quand nous faisons des questions là-dessus, on se contente de nous faire des réponses vagues. A cela je dirai que, si des commissaires belges à l'étranger ne cherchaient pas à sonder les intentions des puissances de l'Europe sur le choix du prince, s'ils ne cherchaient pas à savoir si tel ou tel nom conviendrait mieux que tel ou tel autre, ils méconnaîtraient nos véritables intérêts. Quoi ! vous ne voulez pas que, comme individus, comme citoyens belges, ils fassent tout ce qui dépendra d'eux pour découvrir ce que l'on pense à l'étranger du choix du souverain ? Eh bien ! moi, je dis que s'ils ne le faisaient et s'ils ne profitaient, pour découvrir la vérité, des conversations politiques, des commérages, si l'on veut, qui se tiennent, soit dans les lieux publics, soit dans les (page 6) lieux privés, ce serait à notre détriment qu'ils s'en abstiendraient. Eh ! messieurs, c'est ainsi qu'on s'éclaire sur les moyens de faire ce qu'il faut, et d'éviter ce qui ne conviendrait pas. Je me montrerai toujours partisan du droit qu'a la Belgique, comme toutes les autres nations, de s'organiser intérieurement ainsi qu'elle le jugera convenable ; je suis jaloux surtout du droit que nous avons de nous choisir un souverain qui nous convienne, et je crois qu'il est urgent d'y songer. Ces demandes de réunion à une puissance voisine tiennent plus à un état de souffrance qu'à un désir sérieux, et surtout réfléchi, de devenir Français ; car, si l'on vous disait que notre réunion à un grand Etat tendrait à compromettre cet État et à faire crouler l'édifice de notre révolution, je demande quel est le Belge qui oserait élever la voix pour la demander ? Tant que nous resterons indépendants et dans les limites de nos droits, nous n'aurons rien à craindre d'aucune puissance : elles ne pourraient rien sur nous que par la force brutale ; or, cette force n'est pas celle qui prévaut aujourd'hui. La cause de la justice et du droit est la seule dont le triomphe soit assuré. Je déclare que tout mon vœu serait de chercher ce qu'on souhaite pour nous au dehors, afin de savoir ce qu'il faut faire pour le choix du prince. On est souvent mieux éclairé par les indiscrétions de ses ennemis que par les conseils de ses amis ; et, quoique je ne sache pas si nos envoyés ont rien fait à ce sujet, j'espère cependant qu'ils auront fait quelque chose ; mais, je le répète, je protesterai de tout mon pouvoir contre tout ce qui tendrait à gêner notre indépendance dans le choix du souverain et dans celui de notre constitution intérieure.

On a parlé de l'insignifiance des réponses du comité diplomatique. Messieurs, il est facile de faire des questions qui souvent ne sont pas très significatives, et qui par là rendent la réponse d'autant plus difficile. Vous demandez quel est l'état de nos relations avec les gouvernements étrangers, et quelles sont les bases sur lesquelles elles reposent ; on vous dit que ces bases sont fondées sur le protocole du 4 novembre : ce protocole est connu, il a été imprimé et distribué à chacun de nous. C'est dire, en d'autres termes, que jusqu'ici les négociations n'ont pas changé de base, et cette réponse on était en droit de la faire, Car ce n'est qu'à minuit, vendredi, qu'on aurait pu en faire une différente.

Quant à l'indépendance de la Belgique, on vous a dit que les puissances l'avaient reconnue. Maintenant vous trouvez que la réponse est banale ; mais votre demande était donc bien futile, que vous en ayez trouvé la réponse dans toutes les bouches. Eh bien ! si notre réponse est conforme à votre demande, qu'avez-vous à vous plaindre ?

On a demandé des explications sur le choix du souverain : tout ce que je sais comme particulier, c'est qu'il est peu d'espérance à former sur le choix d'un prince français. Que faire ? examiner si le moment n'est pas venu de chercher une tête pour le corps de l'État.

Quant au reste des demandes, il y a été, me paraît-il, répondu d'une manière satisfaisante. Toutefois, je répondrai à un membre du congrès qui me demandait tout à l'heure pourquoi on ne donnait pas communication du protocole du 17 novembre, qu'en mon particulier j'ai pris connaissance de ce protocole ; il ne traite que de la suspension d'armes et des limites à respecter entre les parties belligérantes, et j'y ai vu non sans plaisir qu'on est parti de ce point, qu'on reconnaît nos droits à la libre navigation de l'Escaut et à la possession des provinces de Limbourg et de Luxembourg. Peu m'importe, au reste, la démarcation provisoire contenue dans ce protocole, puisqu'on s'occupe aujourd'hui de la démarcation définitive. Voilà ce que j'ai à répondre à ce membre.

Quant à moi, au moment où j'ai été appelé à prendre part à nos affaires extérieures, j'ai cru devoir saisir la première occasion de vous faire connaître mes vues et mes opinions sur notre existence politique. Je l'ai fait avec franchise, et je crois avoir prouvé que la Belgique est dans la position la plus favorable, et qu'elle peut se promettre durée, force et bonheur. (U. B.. 5 janv.)

M. de Robaulx – Les longues explications que vous venez d'entendre n'ont pas encore rendu mes questions inutiles. Aussi je crois devoir insister, et, quelque lumineuses qu'aient pu paraître ces explications, je ne suis pas encore convaincu. Pardonnez-moi si mon intelligence n'a pas fait autant de progrès que la vôtre. (On rit.) Messieurs, vous avez reconnu l'importance de mes questions, puisque vous avez décrété qu'elles seraient adressées au gouvernement provisoire. Permettez que je me plaigne de la sécheresse des réponses et de la manière dont on nous a entortillés (on rit) dans des phrases vagues et insignifiantes. J'ai demandé que l’on nous fît connaître l'état de nos relations diplomatiques, et sur quelles bases elles sont ouvertes avec les envoyés des cinq grandes puissances à Londres. On m'a répondu par ce qu'avait dit M. Sébastiani à la tribune française, il y a peu de jours. Si nous ne nous étions pas attendus à une réponse plus claire, nous (page 7) n'avions pas besoin de faire des questions. Je réponds à mon tour : Ce n'est pas là ce que je voudrais savoir ; mais je voudrais savoir ce que porte un protocole renfermé dans une triple enceinte et dont seuls nous sommes exclus. Pourquoi refuse-t-on de nous le montrer ? Quel est donc le mystère impénétrable qu'il contient ? Pourquoi nous répond-on toujours, quand nous demandons à le voir : Soyez tranquilles, on vous le montrera quand tout sera terminé ? Messieurs, quelle que soit la confiance que l'on puisse avoir dans le gouvernement provisoire (je ne dis pas toutefois quelle est la mienne ; je viens de parcourir le pays, il règne dans les esprits la plus grande désunion), je veux que le congrès souverain. demande communication du protocole du 17 novembre, et alors nous saurons sur quel pied on nous traite. Mais, dit-on, vous avez un rapport à ce sujet : c'est ce rapport précisément qui augmente mes doutes par ses phrases entortillées. Ce rapport porte, dans un paragraphe : que les cinq grandes puissances ont reconnu notre indépendance, et là on insinue un autre petit paragraphe qui, à travers une manifestation de principes par laquelle on proteste ne pas vouloir dicter un choix au congrès national, porte qu'on se réserve, qu'on croit devoir éclairer les décisions futures du congrès. Messieurs, peut-être bien j'ai peu compris ce langage doucereux, ce langage lénitif (rires et chuchotements), dont on a paré ce paragraphe ; mais à la tribune française il a trouvé autant d'incrédules que moi. M. Mauguin n'a-t-il pas dit... (L'hilarité générale causée par la manière dont l'orateur prononce le nom de M. Mauguin empêche d'entendre le passage du discours qu'il cite.) La lecture de ce paragraphe, reprend l'honorable orateur, m'avait indiqué qu'on voulait que la diplomatie nous indiquât le vœu des puissances. M. Mauguin (nouveaux rires) avait donc interprété comme moi le paragraphe du rapport relatif au choix du chef de l'État. Il est vrai cependant, nous dit-on, qu'il n'y a eu à cet égard aucune communication officielle ; mais M. Le Hon nous a dit qu'il fallait bien qu'on en parlât dans les conversations, et qu'il espérait bien qu'on l'avait fait. Nouveau détour, messieurs..... (U.B., 5 janv.)

M. Charles Le Hon – Je demande la parole. (U. B., 5 janv.)

M. de Robaulx – Nouveau détour, messieurs, pour éviter de répondre à notre question. S'il est vrai qu'il n'ait pas été question du choix du souverain entre les plénipotentiaires, je dis qu'on n'a pas suffisamment compris la dignité nationale, en insinuant que nous devions écouter les vœux des puissances pour faire ce choix. Messieurs, les explications qu'on nous a déjà données vous donnent la mesure de l'importance de mes questions : vous le voyez ; on vient de nous dire qu'un prince français ne nous convenait pas : du moins c'est l'opinion personnelle du préopinant. Mais, dirai-je, si un prince français ne convient pas pour l'équilibre de l'Europe, un prince anglais nous conviendrait-il mieux ? Car enfin, puisque le prince français est exclu, je désirerais savoir si un prince anglais nous serait plus favorable, afin de fixer mon choix sur lui.

Il est facile, a-t-on dit, de poser des questions, mais il est plus difficile d'y répondre. Je m'en aperçois, car jusqu'ici on a été assez embarrassé pour répondre. Si, au lieu de nous dire ce qu'on nous a dit dans le rapport du 26, on nous avait tenu ce langage : Voulez-vous savoir si le choix du souverain vous sera permis au congrès ? voici des pièces qui prouvent que rien n'a été réglé à cet égard ; et qu'en même temps on mît mis sous nos yeux les pièces qu'on vient de nous communiquer… (U. B., 5 janv.)

M. le comte de Celles – Cela n'existait pas alors, monsieur. (U. B., 5 janv.)

M. de Robaulx – Si cela n'existait pas alors, ma question n'était pas encore tout à fait inutile ; et je répondrai à l'honorable membre qui m'a fait l'honneur de m'interrompre (on rit), qu'on m'avait déjà dit, avant que je n'eusse fait connaître ma proposition au congrès, qu'il serait fort aisé de répondre à mes questions, parce que, dit-on, si j'entendais demander s'il y avait eu, à l'égard du choix du souverain, quelques communications officielles, on me répondrait non, et qu'on pourrait me répondre oui, si j'entendais parler de communications officielles et confidentielles. (U.B., 5 janv.)

M. le comte d’Arschot – Je demande la parole. (U.B., 5 janv.)

M. de Robaulx – C'est M. d'Arschot qui me fit cette réponse.

Quant au protocole du 17 novembre, je n'ai qu'un mot à ajouter. On nous dit qu'il ne traite que de l'armistice et des limites provisoires entre la Belgique et la Hollande : qu'on nous le communique ; car, tant qu'on le tiendra caché, à nous permis de croire qu'il s'agit de choses bien plus importantes. (U.B., 5 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Messieurs, je ne pensais pas que le langage que j'ai tenu à la tribune eût paru, en (page 8) quelque partie que ce fût, offrir l'apparence d'un détour. Je dirai donc au préopinant que cette expression est imméritée et qu'elle n'est guère convenante ; il me semble que la première chose à faire ici, ce serait d'observer un peu mieux les convenances parlementaires. Je déclare ici pour la seconde fois, afin qu'il n'y ait plus de prétexte à la répétition d'un mot qui ne me plairait pas toujours, que si je croyais avoir besoin de détours pour exercer les fonctions de membre du comité diplomatique, je donnerais à l'instant ma démission. Quand j'ai accepté ces fonctions, j'en ai accepté toute la responsabilité ; mais j'en connais aussi tous les devoirs, et je n'y manquerai jamais. Quand je suis monté à la tribune, j'ai voulu dire ce que je pensais de nos relations extérieures, et de notre situation par rapport au reste de l'Europe. J'ai dit mon opinion personnelle sur le choix d'un prince français. Je ne m'attendais pas, je dois l'avouer, que l'on vînt me mettre en opposition un prince anglais ; et comme souvent on peut être embarrassé de répondre à une objection imprévue, on a cru peut-être me mettre dans l'embarras. Eh bien, messieurs, on s'est trompé, et je dirai, sans hésiter, qu'un prince anglais ne nous convient pas mieux qu'un prince français. Bien mieux, messieurs, je déclare que, moi personnellement, je préférerais un prince français, si je pouvais lui donner ma voix, abstraction faite des intérêts ou des prétentions des autres puissances. Oui, messieurs, mes affections politiques se porteraient vers la France, si je pouvais les satisfaire sans compromettre les plus précieuses conséquences de notre régénération politique. Mais j'y renonce, parce que d'une question politique nous ne devons pas faire une question de guerre, pour rester ensuite à la merci du vainqueur : qu'on ne m'oppose donc pas un prince anglais, car si je pense que nous ne pourrions pas choisir un prince français sans rendre la guerre imminente, j'ai la même opinion touchant un prince anglais, et la paix de l'Europe n'en veut pas non plus.

On vous a dit que je m'étais servi de paroles mielleuses. Il n'en sort pas souvent de ma bouche. (On rit.) Pour faire comprendre qu'il était utile de consulter les vœux de l'Europe quant au choix du souverain, je n'ai eu besoin ni de miel ni de détour pour cela. J'ai considéré cette vérité comme sentie de tout le monde, et je l'ai exprimée sans hésitation. Je le répète encore, il est essentiel de connaître le vœu des puissances ; je demande quel est l'homme d'État qui oserait hasarder une assertion contraire, et soutenir que, sans tenir aucun compte ni de notre situation ni de celle de nos voisins, il nous est permis de choisir qui nous voudrons, le Grand Turc lui-même, pour roi, sans nous embarrasser de la guerre qui peut être la suite de notre détermination ? Sans doute, il n'est personne qui nous donnât un semblable conseil, et, quelque indépendants que nous devions être dans le choix, ce n'est pas ainsi que j'entends notre indépendance. Nous sommes sur le meilleur terrain où jamais peuple se soit trouvé placé. La raison des peuples et la force morale sont pour nous : songeons que ce n'est pas seulement notre cause que nous avons à servir, mais encore celle des peuples prétendant à l'indépendance. Je déclare franchement que moi, qui entre à peine au comité diplomatique, je ne sais pas s'il y a eu des conversations, mais je pense et je désire qu'il y en ait eu.

Messieurs, je conçois que l'on fasse une opposition systématique contre un gouvernement constitué ; je le conçois d'autant mieux que je ne serais pas des derniers opposants, si je trouvais la marche du gouvernement blâmable : mais croyez-vous qu'il y ait grand courage à faire de l'opposition contre des citoyens que le dévouement le plus pur a pu seul décider à accepter le pouvoir, contre des hommes que le flot populaire y a portés et qu'il y soutient ? Croyez-vous qu'il y ait beaucoup de générosité à vouloir acquérir de la popularité aux dépens de quelques hommes dont toute l'ambition est de servir la cause nouvelle du pays et son indépendance ? Messieurs, on est bien fort lorsqu'on ne craint pas d'aborder la tribune en sortant du cabinet diplomatique, et qu'on sait pouvoir dire sans danger tout ce qui a trait à la situation extérieure du pays ; aussi vous ne croirez pas facilement qu'un homme qui se respecte et qui a quelques antécédents, se fasse un jeu de vous tromper, et d'user de détours dans les questions les plus importantes pour l'État. J'ai la conviction que vous me rendrez plus de justice.

On vous a parlé du protocole du 17 novembre, et j'en avais parlé moi-même à la tribune, quoique personne n'en eût encore dit un mot : j'ai dit ce que contenait ce protocole. On n'est pas satisfait. Pourquoi, s'écrie-t-on, ne le communique-t-on pas ? Et l'on se livre à des conjectures, et on fait un monstre de ce protocole. Eh bien, je puis le dire, si on montrait ce protocole et qu'il y manquât une pièce, la plus petite et la plus insignifiante, ce serait alors celle-ci que l'on réclamerait à grands cris et dont on ferait un monstre à son tour. Je lus ce protocole il y a deux jours, je peux donc en parler sans crainte de me tromper. Je l'ai déjà dit, et je le répète, il ne règle que les limites (page 9) pour l'armistice, et, à mes yeux, l'importance de cette pièce est complètement effacée par le dernier protocole qui s'occupe des limites définitives. Si l'on insiste encore pour obtenir sa communication, il faut changer les formes observées jusqu'à ce jour et que le congrès déroge à ses antécédents ; il faut décider que lorsqu'une question provisoire sera agitée dans une pièce diplomatique, cette pièce devra vous être communiquée dès qu'elle sera arrivée, et que vous dicterez la réponse à faire. Si le congrès prend une semblable décision, nous serons enchantés qu'il trouve mieux et plus convenable de traiter une question à deux cents qu'à cinq ou six personnes. Mais, si vous croyez qu'il faille qu'une négociation soit finie avant d'en faire connaître le résultat, pour ne pas compromettre par des révélations prématurées et le pays et les puissances, vous ne dérogerez en rien à vos habitudes, et vous aurez peu d'égard aux réclamations des impatients.

J'ai dit. (U. B., 5 janv.)

M. le comte d’Arschot, membre du comité diplomatique – Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre à M. de Robaulx. Le jour où il fit sa proposition, je passais, avant l'ouverture de la séance, devant un groupe de députés à qui il l'avait communiquée ; l'un d'entre eux lui dit : « Voilà un membre du comité diplomatique, il pourra vous répondre. » Je pris connaissance de la proposition, et pour ce qui concerne le choix d'un souverain, je dis ce qui était la vérité, qu'on ne s'en occupait pas. On vous a longuement développé aujourd'hui les motifs que nous aurons pour consulter les désirs des puissances étrangères relativement à ce choix ; je n'ai pas besoin d'y revenir : je dirai seulement que nous ne sommes pas isolés dans l'Europe ; que ce n'est pas le tout que de choisir un souverain, qu'il faut encore qu'il accepte et qu'il convienne aux autres puissances. C'est aussi dans ce sens que j'ai parlé à M. de Robaulx ; je le dis sans hésiter, car je ne craindrai jamais de répéter ce que j'ai dit, et je le répéterai à haute et intelligible voix. (U. B., 5 janv.)

M. Jottrand – C'est un rôle bien facile que celui de tout critiquer et de faire profession de n'être jamais content de rien. Pour ceux qui ne veulent que se mettre en évidence, la position la plus favorable est sans doute celle où ils se trouvent seuls et peuvent compter de n'être jamais rejoints par un grand nombre de leurs collègues. Il y a peut-être dans cette enceinte comme dans d'autres assemblées parlementaires, de ces brouillons par système, incapables d'en avoir jamais d'autre. (Murmures.)

Et moi aussi je croyais, il n'y a pas deux heures encore, que notre comité diplomatique était non pas complice mais dupe de ce qui se machinait à Londres ; je croyais que le congrès devait enfin être appelé à diriger lui-même dans un autre sens la politique de nos chargés d'affaires aussi bien à Bruxelles qu'à l'étranger. Je me rappelais l'indépendance de la Belgique proclamée à l'unanimité dans cette assemblée et les votes nombreux que la seule menace d'une intervention étrangère fit acquérir à la majorité qui prononça l'exclusion des Nassau ; les bruits venus de l'étranger sur le contenu du protocole du 20 décembre me faisaient croire que notre comité diplomatique avait oublié la véritable volonté de la nation.

Mais nous venons d'apprendre que ce protocole du 20 décembre a provoqué, de la part du comité diplomatique, une réponse aussi digne et aussi complète que la nation elle-même aurait pu la faire. Il est donc convenable que nous reconnaissions que nos mandataires ont compris la question de notre indépendance comme tout le monde la comprend en Belgique ; et ce n'est pas aujourd'hui que le congrès aura besoin d'intervenir pour refuser sa sanction à ce qui a été fait au nom du peuple belge. (C., 4 janv.)

M. Lebeau – Messieurs, il s'agit ici d'une question de la plus haute importance. Cette question est tout à fait à l'ordre du jour : elle est dans tous les esprits, et, pour ma part, je me félicite qu’elle ait été soulevée aujourd'hui plutôt que demain. Il nous a été donné communication d'une pièce de la plus haute importance : c'est le protocole du 20 décembre. Nous y voyons à quel prix on veut reconnaître notre indépendance, il ne s'agit de rien moins pour la Belgique que de perdre une partie de la province du Limbourg et le grand-duché de Luxembourg. Eh bien, messieurs, il faut que la conférence de Londres sache que la question des limites ne la regarde pas ; qu'au congrès national seul appartient le droit de régler les limites et de décider les questions relatives au Limbourg et au grand-duché de Luxembourg. (Très bien ! très bien !) Si nous étions appelés à délibérer au congrès national sur la démarcation des limites, et qu'il s'agît, de la part des puissances, de nous donner un accroissement de territoire, je ne repousserais pas une intervention qui nous dirait à quel prix on voudrait mettre notre agrandissement : je concevrais donc l'intervention amicale et officieuse des puissances, s'il s'agissait d'une extension de limites ; mais, s'il s'agit de restrictions, je repousse toute intervention.

On a parlé de notre réunion avec les provinces (page 10) rhénanes. Il est certain que si cette réunion avait lieu, la Belgique en deviendrait et plus grande et plus forte, et alors les partisans de la réunion à la France diminueraient beaucoup. Mais je dois le dire, les Belges ne veulent pas être traités comme un troupeau et passer d'une main dans une autre, sans être consultés sur ce qui leur convient ; ils veulent que les autres peuples jouissent du même droit, et le congrès national répudierait tout accroissement de territoire, où les habitants du sol n'auraient pas été consultés.

Je concevrais encore une intervention amicale et officieuse, s'il s'agissait de nous assurer de grands avantages commerciaux.

Je la concevrais encore s'il s'agissait d'établir entre nos voisins et nous une alliance offensive et défensive.

Je concevrais encore un genre d'intervention contre lequel il nous serait impossible de nous élever, c'est celle où les puissances conviendraient entre elles qu'elles doivent s'exclure réciproquement du trône de la Belgique. Si les différentes dynasties s'excluent, il est évident que nous dérogerions à notre dignité, si nous allions, pour ainsi dire, le chapeau à la main, demander un prince à une famille qui ne voudrait pas de nous. C'est ainsi que la France, procédant par exclusion, a écarté le duc de Reichstadt et le prince de Leuchtenberg du rang des candidats, par la raison qu'elle veut ôter tout prétexte aux troubles qui pourraient nuire au développement de sa prospérité et de son indépendance.

Ainsi, vous voyez qu'il nous est impossible de nous isoler entièrement, et que nous ne pouvons pas ne pas conférer officieusement avec les puissances pour le choix du souverain de la Belgique.

Je félicite le comité diplomatique de la réponse qu'il a faite au protocole du 20 décembre ; il a senti toute l'étendue de ses devoirs, et il a apprécié très convenablement et nos droits et nos besoins. Oui, messieurs, si on nous veut indépendants, il faut nous donner de la force et du bonheur, sans lesquels toute indépendance serait illusoire. Il ne faut pas que les puissances proclament à la fois notre indépendance et la misère du peuple belge, si elles ne veulent pas nous réduire à des partis extrêmes qui amèneraient une conflagration générale.

J'en ai dit assez, messieurs, pour prouver qu'il ne faut pas exclure tous les genres d'intervention de la part des puissances ; mais j'entends bien que le dernier mot sur les limites de la Belgique et sur le choix du souverain ne puisse jamais émaner que de la volonté libre et de l'indépendance du congrès national. (Bravo ! bravo !) (U. B., 5 jan.)

M. Charles Rogier, membre du gouvernement provisoire – Messieurs, n'ayant pas encore l'habitude de la tribune politique, je vous prie d'écouter avec indulgence mes paroles, et de croire à ma pensée qui, je vous le promets, sera sincère. Les hommes qui sont chez nous au pouvoir n'ont rien à dissimuler, ni dans leur politique intérieure, ni dans leur politique extérieure. Attachés dès longtemps à l'honneur et aux libertés du pays, ils y sont d'autant plus intéressés que plus de responsabilité pèse sur leur tête.

Ils n'ont rien, dis-je, à dissimuler, et ils viennent de le prouver. Par une communication qui peut-être blesse les usages diplomatiques, ils viennent de vous exposer, sans arrière-pensée et sans réserve, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils pensent, et où ils en sont.

A-t-on bien entendu le protocole et la réponse au protocole ? Je demanderai à lire de nouveau cette réponse. (U. B., 5 janv.)

M. Nothomb, secrétaire, dit que les pièces qu'on vient de déposer sont envoyées à l'impression. (U. B., 5 janv.)

M. Charles Rogier, continuant – Au reste, j'espère, messieurs, que ceux qui auront écouté la première lecture avec attention, et sans prévention, n'auront vu dans la pensée du gouvernement et du comité diplomatique que l'expression des sentiments du congrès lui-même et du pays.

Si ce n'est pas la pensée du congrès, si ce n'est pas le vœu du pays, alors ceux qui en ont l'administration sont prêts, j'en suis sûr à en remettre le fardeau à d'autres qui seront plus dignes de sa confiance.

Mais alors, messieurs, au lieu de chercher à affaiblir leurs successeurs par de continuelles attaques, par des personnalités, par des injures, ils seront les premiers, descendus sur les bancs du congrès, à les soutenir de leur influence, parce qu'ils croient, dans leur patriotisme, que ce qu'il faut au pays, c'est de la force et de la confiance au dedans, c'est de la dignité au dehors.

Par une autre conduite, ils craindraient de contribuer au malaise dont on se plaint et dont on souffre aussi ailleurs qu'en Belgique ; ils auraient scrupule et honte de faire, par système, une opposition en définitive beaucoup plus hostile et fatale au pays qu'aux hommes que, de votre volonté souveraine et peut-être malgré eux, vous avez maintenus à sa tête. (U. B., 5 janv.)

M. Forgeur – Messieurs, j'aurai peu de chose à ajouter après le langage ferme et digne à la fois tenu à cette tribune. Je remarquerai que, (page 11) dans cette occasion, le comité diplomatique a dignement répondu à l'attente du congrès national et du pays. Notre situation se présente sous deux rapports différents, avec la Hollande et avec l'Europe : avec la Hollande, il s'agit de régler nos contestations et de tracer nos limites ; avec l'Europe, il s'agit d'entretenir les relations usitées entre les États qui composent la grande famille.

D'après la note lue au congrès, on semble vouloir contester, d'une part, une partie de la province du Limbourg ; de l'autre, le grand-duché de Luxembourg. Ces prétentions n'ont ni base ni fondement ; elle ne méritent que d'être flétries par le ridicule. Eh ! de quel droit la Hollande voudrait-elle s'arroger cette belle partie de la Belgique ? Le Limbourg, parce que c'était un pays de généralités, et que les Provinces-Unies y exerçaient le droit de souveraineté ? Eh bien, outre que d'un traité de 1664, si ma mémoire me sert bien, il résulte que Maestricht était indivis entre les Provinces-Unies et le pays de Liége, en 1793 le Limbourg a été cédé à la France en sorte que, longtemps avant 1814, les Provinces-Unies avaient dû renoncé au droit de souveraineté sur cette province. Ainsi, messieurs, nous n'avons pas à nous occuper du Limbourg.

Quant à ce qui concerne le grand-duché de Luxembourg, c'est le comble de la déraison de contester cette province à la Belgique ; c'est détruire d'une part ce que l'on reconnaît de l'autre, c'est-à-dire, le principe de la non-intervention. Les peuples du grand-duché ont fait leur révolution comme le reste de la Belgique ; ils ont leurs représentants au congrès, vous avez entendu leurs nobles protestations, lorsque la question a été agitée pour la première fois ! De quel droit donc la Hollande viendrait-elle revendiquer quelques droits sur un peuple qui la repousse comme le reste de la Belgique ?

Toute la question est résumée par la note du comité diplomatique en date de ce jour : c'est que le Luxembourg est lié à la confédération germanique sous des rapports qu'il convient de préciser. Or, la confédération germanique n'a pas pour but de garantir à telle ou telle famille la possession de telle ou telle de ses parties, mais de garantir la conservation des États eux-mêmes ; et le Grand Turc fût-il à la tête du grand-duché, la confédération germanique n'aurait aucun droit de le détrôner, tant qu'il observerait les traités et les rapports qui lient cette province à la confédération. Ne nous inquiétons donc pas des prétentions de la Hollande, et soyons certains que tant que la Belgique tiendra le langage digne et ferme de la note du comité diplomatique, ces prétentions s'évanouiront. Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire, et si j'ai demandé la parole, ce n'était pas pour céder au vain plaisir de parler, mais c'est qu'aucun orateur n'avait fait remarquer au pays et à l'Europe le néant de ces prétentions.

Quant à la question de savoir si, pour le choix du souverain, il ne convient pas de consulter le vœu des nations étrangères, je m'en rapporte entièrement à ce que nous a dit M. Lebeau.

En terminant, je dois émettre un vœu, c'est celui de voir apporter dans nos discussions cette dignité et cette observation des convenances qui siéent à une assemblée qui sait se respecter et se rendre respectable. Je veux surtout manifester le désir de voir cesser une opposition injuste et odieuse contre des hommes qui n'ont accepté le pouvoir que par dévouement, et qui ont su si bien mériter du pays, que je les en remercie ici publiquement, sans craindre d'être accusé de leur prodiguer des hommages adulateurs dont je suis incapable. (U. B., 5 janv.)

M. Destriveaux, dans une improvisation étendue, repousse les imputations dirigées contre le comité diplomatique qui, en présence de cinq colosses de puissances, a soutenu le principe de la souveraineté nationale, et a protesté contre le système suivi en 1815 et contre son renouvellement. (C., 4 janv.)

M. Nothomb, membre du comité diplomatique – Je désire que cette discussion soit aussi complète que possible ; la chambre des députés de France a récemment accordé trois séances aux explications ministérielles ; vous ne refuserez pas (page 12) quelques heures, et, s'il le faut, une séance entière à votre comité diplomatique. Nous ne pouvons tous que gagner à cette discussion.

Mon honorable collègue M. de Celles vous a dit que notre position a complètement changé depuis la remise du protocole du 20 décembre ; ce protocole nous était inconnu lorsque nous avons répondu aux quatre questions que le congrès nous a adressées ; aujourd'hui, par la communication que nous vous faisons, et les explications que nous y joignons, nous répondons à chacune des questions d'une manière catégorique ; au lieu d'assertions vagues, vous avez des documents authentiques. Si votre message nous parvenait aujourd'hui, voici comment nous y répondrions.

La première question était celle-ci : Quel est l'état de nos relations diplomatiques, et sur quelles bases sont-elles ouvertes avec les envoyés des cinq grandes puissances ? Le protocole du 20 décembre, les deux lettres d'envoi, et notre réponse en date du 3 janvier, vous font connaître l'état de nos relations diplomatiques ; pour nous, la base des négociations est l'intégralité du territoire belge ; cette base est invariable, et pour ne laisser aucun doute, nous avons déclaré que l'intégralité du territoire n'existerait pas, si la rive gauche de l'Escaut, la province de Luxembourg et celle du Limbourg, étaient distraites de la Belgique. Toute proposition contraire à cette base serait inadmissible.

Je passe à la deuxième question : Le choix du futur chef de l'État est-il entré ou entre-t-il pour quelque chose dans les négociations ? Nous avons répondu et nous répondons négativement à cette question. Aucune communication ne nous a été faite à cet égard, et il nous faudrait des pouvoirs particuliers du congrès pour recevoir des propositions officielles de ce genre. La question du choix du chef de l'État peut être examinée d'une manière abstraite ; vous pouvez, dès à présent, déterminer les principes d'après lesquels la question peut, de préférence, être résolue, sans désignation de personne ; vous donnerez de la sorte vous-mêmes des instructions au gouvernement ; que l'un de vous use de son droit d'initiative.

On nous demandait, en troisième lieu, si, en cas où la Hollande persévère à ne pas exécuter pleinement les conditions de la suspension d' armes, il a été pris des mesures et donné des ordres pour la reprise des hostilités dans un délai quelconque. La réponse est encore dans les pièces déposées aujourd'hui, sur le bureau. La conférence de Londres dit, dans le protocole du 20 décembre, que sa première tâche est remplie ; nous avons répondu que cette première tâche est encore à remplir, que la condition principale de l'armistice, et même de la suspension d'armes, qui date du 21 novembre, est encore à exécuter. Nous en avons demandé l'exécution de la manière la plus pressante. Notre réponse est un véritable ultimatum. Il y a plus : le roi de Hollande a consenti à ouvrir l'Escaut le 20 janvier ; nous nous sommes refusés à cet ajournement, et nous avons exigé une exécution immédiate des engagements. Cette communication a été verbale, notre réponse l'a été également ; nous ne pouvons donc ici vous communiquer de pièces.

Enfin on demandait, en quatrième lieu, si le comité a ouvert, ou va ouvrir avec la France des négociations pour un traité de commerce qui faciliterait l'échange des produits réciproques ? Ces négociations sont ouvertes depuis quelques jours, elles n'ont pu l'être avant notre reconnaissance. Nous n'existons aux yeux de l'Europe que depuis le 20 décembre ; on ne traite pas avec le néant. Nos envoyés à Paris ont reçu les instructions nécessaires, et le gouvernement français se montre disposé à établir des rapports commerciaux avantageux aux deux pays.

Ces réponses que je viens de donner succinctement résultent de pièces authentiques ; là où la réponse est négative, il n'y a pas de pièces, parce que la négation ne repose que sur l'absence même de communications diplomatiques : en vous disant que le choix du chef de l'État n'a pas fait l'objet de négociation, nous ne vous produisons et ne pouvons vous produire aucun document ; le défaut de pièces est ici la preuve même de notre assertion.

Je ne quitterai pas cette tribune sans parler du grand-duché de Luxembourg ; ma position particulière comme député de cette province, mes affections personnelles me font une loi de dire quelques paroles propres à détruire ce qu'il y a d'alarmant dans le protocole du 20. Messieurs, nous avons l'assurance formelle que le territoire du grand-duché sera respecté comme le territoire du reste de la Belgique, que le déploiement des forces de la garnison fédérative hors des limites de ]a forteresse, l'entrée dans cette province de troupes étrangères, seraient regardés par une puissance voisine comme une violation du principe de la non-intervention. (U. B., 5 janv.)

M. le président – Avant d'accorder la parole à M. de Robaulx, je suspendrai un instant la séance. (U. B., 5 janv.)

- Après une suspension de quelques minutes, pendant lesquelles une grande agitation a régné dans l'assemblée, la séance est reprise. (U. B., 5 janv.)

M. le président(page 13) La parole est à M. de Robaulx. (J. F., 3 janv.)

M. de Robaulx – Si je devais répondre à tout ce qui a été dit contre moi dans cette discussion, je serais obligé de rendre insulte pour insulte ; mais ce n'est pas ma manière. Lorsque je me suis attaqué à un être collectif, mes attaques n'ont porté sur personne en particulier ; ce que j'ai fait, je me félicite de l'avoir fait, car je suis parvenu à mon but. Lorsque j'ai dit qu'on n'avait pas répondu à mes questions, j'ai attaqué non les hommes, mais les choses, et c'est là surtout que je veux avoir raison. Il est résulté une chose de cette discussion, c'est que les réponses diplomatiques n'étaient pas ce qu'elles devaient être, puisque la discussion seule nous a appris ce que le comité diplomatique aurait dû nous dire, que les deux ducs de Reichstadt et de Leuchtenberg étaient exclus de la candidature. (U. B., 5 janv.)

M. Lebeau – Ce n'est pas le comité diplomatique qui a dit cela, c'est moi. (U. B., 5 janv.)

M. de Robaulx – Nous ne saurions pas, sans la discussion, que les puissances pourraient s'exclure entre elles. Nous n'avions pas jusqu'ici entendu parler du système de M. Lebeau relativement à l'intervention des puissances, permise, selon lui, s'il s'agissait d'avantages commerciaux, d'extension de territoire, de l'adjonction des provinces du Rhin. Eh bien ! messieurs, nous apprenons qu'il a été question de tout cela, ou qu'il peut s'en agir. Nous ne saurions pas enfin, sans la discussion, que le roi de Hollande se proposait d'ouvrir l'Escaut le 20 janvier. M. Nothomb, qui nous a révélé ce fait, nous dit en même temps que le comité diplomatique en avait exigé l'ouverture immédiate, et je l'en félicite. Mes questions n'étaient donc pas si inutiles, et mon insistance a porté son fruit, puisque la discussion nous a révélé ce que nous ignorions.

Je me plais à croire que les membres du comité diplomatique ont des intentions pures et meilleures que leur capacité. (Rires et murmures.) Or, j'ai attaqué leur capacité et non leurs intentions. (U. B., 5 janv.)

Proposition relative au choix du chef de l'Etat

Lecture, développements et prise en considération

M. Constantin Rodenbach – J'ai demandé la parole pour soumettre une proposition à l'assemblée. (U. B., 5 janv.)

M. Liedts, secrétaire – Voici la proposition de M. Constantin Rodenbach :

« J'ai l'honneur de proposer au congrès national de procéder sans délai, dans les sections, à la discussion de la question relative au choix du chef de l'État. » (Appuyé.) (U. B.. 5 janv., et A. C.)

M. le président – M. Rodenbach a la parole pour développer sa proposition. (J. F., 5 janv.)

M. Constantin Rodenbach – Messieurs, si je n'étais persuadé de l'urgence de ma proposition, je ne saisirais point l'occasion qui s'offre, en ce moment, pour vous la soumettre. Mais la force des choses, les discussions qui viennent d'avoir lieu, et l'état provisoire qui se prolonge, nécessitent, en quelque sorte, que nous nous en occupions immédiatement. La diplomatie étrangère semble, depuis quelque temps, s'être emparée de la question vitale du choix de notre chef. Cette question si délicate, qu'il nous appartient seuls de décider, les cinq grandes puissances semblent vouloir la pressentir. Pour ce qui me regarde, je repousse cette médiation de toute mon âme, et je désire que le congrès, sentant toute l'étendue de ses devoirs, ne déroge ni à sa dignité ni à ses droits, et choisisse librement un chef, sans écouter aucune influence étrangère au bien du pays. Nous choisirons le chef qui convient à un pays libre. Ce sera là notre réponse à toutes les insinuations diplomatiques. .

Il a pu paraître utile de faire d'abord la constitution, afin que, dégagés de toute influence, nous ayons table rase, suivant l'heureuse expression de M. le comte de Celles, et que nous ne soyons gênés par aucune considération. Aujourd'hui, nos travaux constitutionnels sont. trop avancés pour supposer que ce qui nous reste à faire puisse compromettre nos libertés. Ce qui doit suivre, devant nécessairement se coordonner avec ce que nous avons déjà fait, ne peut être hostile à nos droits politiques.

D'autres considérations plus importantes méritent, messieurs, de fixer notre attention. Le pays est en alarme ; une agitation extrême règne dans les esprits. Ici le parti orangiste ose relever la tête ; là des pétitions peu patriotiques se signent et tendent à nous placer sous le joug de l'étranger. Le gouvernement provisoire perd chaque jour de sa force et de son influence. Le congrès lui-même est accusé de lenteur. Tous les jours on lui reproche ses interminables débats. Ne laissons pas aux partis le temps de se raffermir. Étouffons l'hydre de la guerre civile. Que le sang de nos braves n'ait pas coulé en vain pour la patrie, pour la liberté ! Donnons un terme à cette glorieuse révolution que nous sommes appelés à consolider. Les gouvernements provisoires ne peuvent subsister longtemps ; ils sont faibles de leur nature, quelque habiles que soient leurs chefs.

(page 14) On ne doit pas se dissimuler non plus que nous ne pouvons trouver de garantie contre la guerre civile que dans la stabilité. C'est donc la stabilité que j'invoque à grands cris, pour comprimer les factions. La France inquiète nous regarde d'un œil jaloux. Tous les partis nous convoitent. Mettons un terme à de vaines et coupables espérances.

Montrons-nous dignes du peuple belge, dont nous sommes les représentants ; dignes de la liberté qu'il vient de conquérir ! Qu'à la voix de la patrie ; toutes les opinions se réunissent sur le choix du citoyen le plus capable de remplir les hautes destinées où le vœu de la nation rappelle. Repoussons toute intervention étrangère directe ; soyons Belges, restons Belges !

Je n'entrerai pas, messieurs ; en développant ma proposition, dans des considérations politiques, longues, fastidieuses, vagues. J'aime le positif, surtout lorsque la diplomatie est dans l’embarras. C'est pour atteindre un résultat matériel que j'ai eu l'honneur de vous proposer de nous occuper immédiatement, dans les sections, de la solution de la question relative au chef de l'État. (U. B., 5 janv.)

- La proposition de M. Rodenbach est mise aux voix et adoptée. (P.V.)

M. le président – Quelqu'un demande-t-il la parole sur la communication diplomatique ? (Aux voix ! aux voix ! La clôture !) (U. B., 5 janv.)

- La clôture est prononcée. (U. B., 5 janv.)

Fixation de l'ordre des travaux du Congrès

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici une proposition qui a été déposée sur le bureau :

« Les soussignés proposent au congrès de décider que les séances du jour seront exclusivement consacrées à la constitution, et celles du soir aux dispositions législatives qui auront été reconnues urgentes. »

« LEBEAU, le comte DE QUARRÉ, DEVAUX, DELWARDE, FORGEUR, LIEDTS, le vicomte CHARLES VILAIN XIIII, FLEUSSU, JOTTRAND, SPEELMAN, NOTHOMB, GELDERS, BERGER, SIMONS. » (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 5 janv. et C., 4 janv.)

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée. (P.V.)

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Liége

M. Pirson, au nom de la septième commission de vérification des pouvoirs, propose l'admission de M. Antoine Ernst, comme député du district de Liége, en remplacement de M. Nagelmackers, qui a donné sa démission. (C., 4 janv.)

M. Forgeur dit que M. Ernst n'acceptera pas, que sa lettre parviendra au congrès demain. (C., 4 janv., et J. B., 5 janv.)

- L'admission de M. Ernst est ajournée. (U. B., 5 janv.)

Projet de constitution

Titre III. Des pouvoirs

L'ordre du jour appelle la discussion sur le titre III du projet de constitution intitulé : Des pouvoirs.

- Il n'y a pas d'orateurs inscrits sur l'ensemble des articles. (U. B., 5 janv.)

Article 1 (article 25 de la Constitution) : souveraineté de la nation

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de l'article premier en ces termes :

« Art. 1er. Tous les pouvoirs émanent de la nation.

« Ils sont exercés de la manière établie par la constitution. » (U. B., 5 janv., et A. C.)

M. Vander Linden demande la parole contre cet article et lit un long discours dans lequel il s'élève contre la souveraineté du peuple et établit que toute puissance vient de Dieu, omnis potestas à Deo. (C., 4 janv.)

M. Pirmez présente l'amendement suivant, au deuxième paragraphe :

« Ils sont exercés de la manière établie par la constitution et par les lois. » (A.)

M. Le Grelle demande qu'on dise : Tous les pouvoirs constitutionnels émanent de la nation. (A.)

- Des voix – Non ! non ! (J. F., 5 janv.)

M. le comte de Baillet fait observer que puisque l'article premier se trouve dans la constitution, il va sans dire que les pouvoirs dont on y traite ne sont que des pouvoirs constitutionnels. (J. F., 5 janv.)

- L'amendement de M. Le Grelle est rejeté. (U. B., 5 janv.)

L'article premier est adopté sans amendement. (P. V.)

Article 2 (article 26 de la Constitution) : exercice collectif du pouvoir législatif

« Art. 2. Le pouvoir législatif s'exerce collectivement par le chef de l'État, la chambre des représentants et le sénat. » (A. C.)

M. Seron propose de substituer à cet article la disposition suivante:

« Le pouvoir législatif s'exerce par les deux chambres électives. » (A.)

M. le président(page 15) M. Seron a la parole pour développer son amendement. (U. B., 5 janv.)

M. Seron – Messieurs, la souveraineté réside dans la nation ; vous le reconnaissez vous-même en déclarant que tous les pouvoirs émanent d'elle. Si la souveraineté de la nation était une chimère, l'unité serait plus que le nombre, la partie plus que le tout, un seul homme plus que des millions d'hommes, plus que tous les Belges ensemble ; les peuples seraient faits pour les rois et non les rois pour les peuples.

De plus, la souveraineté est inaliénable ; je ne crois pas avec un publiciste que ces vérités sont seulement bonnes en théorie, ni qu'il soit dangereux de les rappeler au peuple ; je pense au contraire qu'il est bon qu'il les ait sans cesse présentes à l'esprit afin de ne pas se laisser opprimer.

Il en résulte que quand la nation belge, dans l'impossibilité de faire elle-même ses lois, est forcée de confier cet important travail à un certain nombre de ses membres qu'elle croit des plus capables, alors ceux-ci deviennent ses représentants, ses mandataires, mais ils ne deviennent pas le souverain ; pas plus que l'homme que je charge de vendre ma terre n'en devient le propriétaire en vertu de ma procuration dont il est porteur. C'est ce qu'a reconnu ici l'honorable M. Raikem dans votre avant-dernière séance du soir.

Je conçois donc qu'il puisse y avoir deux chambres nommées par le peuple pour un temps déterminé et chargées par lui de la formation de la loi. Je ne vois là qu'une simple délégation de pouvoirs.

Je conçois encore que le peuple puisse, pour un temps plus ou moins long, confier le pouvoir exécutif, c'est-à-dire l'exécution des lois, à un homme qui s'appellera, si l'on veut, le chef de l'État ; car de ce que cet homme sera chargé de faire exécuter les lois, il ne s'ensuivra pas qu'il soit investi de la souveraineté.

Mais que le peuple puisse confier à un chef héréditaire, et conséquemment à perpétuité, ne fût-ce qu'une portion du pouvoir législatif, c'est ce qui me paraît inconciliable non-seulement avec l'inaliénabilité de la souveraineté, mais encore avec la nature du mandat qui est toujours révocable.

Il m'est donc impossible d'admettre l'article 2 du titre III du projet, ouvrage de votre section centrale, où il est dit que « le pouvoir législatif s'exerce collectivement par le chef de l'État, la chambre des représentants et le sénat ; » j'y vois un renversement total des principes.

Au reste, l'idée de cette confusion de pouvoirs qui ne devraient jamais être réunis dans la même main, est prise des Anglais qu'on nous peint sans cesse comme le peuple le plus éclairé, le plus sage et le plus libre de tous les peuples. Mais au fait, quand on examine sans prévention son prétendu gouvernement-modèle, on n'y voit qu'un édifice gothique indigne de la civilisation moderne et à la veille de s'écrouler. Et peut-on dire que ce gouvernement fasse le bonheur du peuple anglais quand l'énormité de la taxe des pauvres atteste que la plus grande partie de la nation gémit dans la misère ?

Je demande qu'il soit substitué à l'article deux la disposition suivante :

« Le pouvoir législatif s'exerce par les deux chambres électives. »

Il me semble, messieurs, qu'avec le seul pouvoir exécutif tel que l'entend le projet de constitution, le chef de l'État ne sera pas mal partagé, et que lui accorder une part quelconque dans le pouvoir législatif, c'est marcher vers le despotisme qui n'a que trop pesé sur nous. (E., 5 janv.)

- L'amendement de M. Seron est mis aux voix et rejeté. (U. B., 5 janv.)

- L'article 2 est adopté. (P.V.)

Article 3 (article 27 de la Constitution) : initiative des lois

« Art. 3. L'initiative appartient à chacune des trois branches du pouvoir législatif.

« Néanmoins toute loi relative aux recettes ou dépenses de l'État, ou au contingent de l'armée, doit d'abord être votée par la chambre des représentants. » (A. C.)

- Un membre propose l'amendement suivant – « L'initiative appartient à chacune des deux branches du pouvoir législatif. Néanmoins le pouvoir exécutif peut proposer des mesures, mais non en forme de loi. » (A.)

M. Jottrand demande d'y ajouter que l'initiative de la mobilisation de la garde civique n'appartient également qu'aux chambres. (J. F., 5 janv.)

- Sur les observations de M. Lebeau, M. Jottrand retire sa motion. (J. F., 5 janv.)

L'article 3 est adopté. (P.V.)

Article 4 (article 28 de la Constitution) : interprétation des lois par voie d'autorité

« Art. 4. L'interprétation des lois, par voie d'autorité, n'appartient qu'au pouvoir législatif. » - Adopté. (A. C., et P.V.)

Article 5 (article 29 de la Constitution) : chef du pouvoir exécutif

» Art. 5. Au chef de l'État appartient le pouvoir exécutif, tel qu'il est réglé par la constitution. » - Adopté. (A. C., et P.V.)

Article 6 (article 30 de la Constitution) : exercice du pouvoir judiciaire par les cours et tribunaux

« Art. 6. Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux. Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du chef de l'État. » - Adopté. (A. C., et P.V.),

Article 7 (article 31 de la Constitution) : intérêts communaux et provinciaux

(page 16) « Art. 7. Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par la constitution. » - Adopté. (A. C., et P.V.)

Chapitre premier. Des chambres

Article 8 (article 33 de la Constitution) : publicité des séances

« Art. 8. Les séances des chambres sont publiques.

« Néanmoins, chaque chambre se forme en comité secret, sur la demande de son président ou de dix membres. Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet. » - Adopté. (A. C., et P.V.)

Article 9 (article 34 de la Constitution) : vérification des pouvoirs des membres

« Art. 9. Chaque chambre vérifie les pouvoirs de ses membres, et juge les contestations qui s'élèvent à ce sujet. » - Adopté. (A. C., et P.V.)

Article 10 (article 35 de la Constitution) : incompatibilités parlementaires

« Art. 10. On ne peut être à la fois membre des deux chambres. »

- Adopté. (A. C., et P.V.)

Article 11 (article 36 de la Constitution) : nomination à un emploi salarié par le gouvernement

« Art. 11. Le membre de l'une ou de l'autre des deux chambres, nommé par le gouvernement à un emploi salarié qu'il accepte, cesse immédiatement de siéger, et ne reprend ses fonctions qu'en vertu d'une nouvelle élection. » (A. C.)

M. de Tiecken de Terhove propose un amendement ainsi conçu :

« Les membres des deux chambres ne pourront être revêtus d'aucune fonction de cour, ni de toute autre fonction amovible, salariée par le gouvernement. » (A.)

- Cet amendement, après avoir été développé, est mis aux voix et rejeté. (U. B., 5 janv.)

L'article 11 est adopté. (P.V.)

Article 12 (article 37 de la Constitution) : formation du bureau

« Art. 12. A chaque session, chacune des chambres nomme son président, ses vice-présidents, et compose son bureau, conformément à son règlement. »

- Adopté. (A. C., et P.V.)

Articles 13 et 14 (articles 38 et 39 de la Constitution) : principe de la majorité des votes et du quorum

« Art. 13. Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages.

« En cas de partage des voix, la proposition est considérée comme rejetée.

« Aucune des deux chambres ne peut prendre de résolution, que la majorité de ses membres ne se trouve réunie. » (A. C.)

M. Devaux propose d'ajouter au premier paragraphe :

« Sauf ce qui sera établi par les règlements des chambres, à l'égard des élections et présentations. » (P.V., et A.)

- Cet amendement est adopté, ainsi qu'un amendement de M. Forgeur, qui consiste à retrancher du second paragraphe les mots : considérée comme. (P.V.)

L'article 13, ainsi amendé, est adopté. (P.V.)

« Art. 14. Les votes seront émis à haute voix ou par assis et levé. Sur l'ensemble des lois il sera toujours voté par appel nominal et à haute voix. Les élections et présentations de candidats se feront au scrutin secret. » (A. C.)

- Cet article est adopté avec les verbes au présent au lieu du futur. (P.V.)

Article 15 (article 40 de la Constitution) : droit d'enquête

« Art. 15. Chaque chambre a le droit d'enquête. »

- Adopté. (A. C., et P.V.)

Article 16 (article 41 de la Constitution) : vote des projets de loi

« Art. 16. Un projet de loi ne peut être adopté par l'une des chambres qu'après avoir été voté par article. » (A. c.)

- Cet article est adopté avec l'addition du mot : article, aux mots : avoir été voté. (P.V.)

Article 17 (article 42 de la Constitution) : droit d'amendement

« Art. 17. Les chambres ont le droit d'amender et celui de diviser les articles et les amendements proposés. » (A. c.)

M. de Roo propose un paragraphe additionnel ainsi conçu :

« Néanmoins si une loi adoptée par la chambre des représentants est rejetée ou amendée par le sénat, elle sera renvoyée à la chambre des représentants pour y être discutée de nouveau, et elle ne pourra recevoir la sanction royale que si elle a été votée à la majorité des trois quarts des membres présents, en cas de rejet, et à la majorité absolue, en cas d'amendement.

« La loi amendée ne subira plus de nouveaux amendements.

« La loi rejetée ne pourra être discutée de nouveau par la chambre des représentants que dans la prochaine session. » (A.)

- Cette proposition n'est pas appuyée. (J. F., 5 janv.)

- L'article 17 est adopté. (P.V.)

Article 18 (article 43 de la Constitution) : examen des pétitions

« Art. 18. Il est interdit de présenter en personne des pétitions aux chambres.

« Chaque chambre a le droit de renvoyer aux ministres les pétitions qui lui sont adressées. Les ministres sont tenus de donner des explications sur leur contenu, chaque fois que la chambre l'exige. »

- Adopté. (A. C., et P.V.)

Articles 19 et 20 (articles 44 et 45 de la Constitution) : immunité parlementaire

« Art. 19. Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions et votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. »

- Adopté. (A. C., et P.V.)

« Art. 20. Aucun membre de l'une ni de l'autre chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté, en matière (page 17) criminelle, correctionnelle ou de simple police, sauf le cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de la chambre dont il fait partie.

« Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre de l'une ou de l'autre chambre, durant la session, qu'avec la même autorisation.

« La détention ou la poursuite d'un membre de l'une ou de l'autre chambre est suspendue pendant la session, et pour toute sa durée, si la chambre le requiert. » (A. C.)

- Cet article est adopté avec la substitution des mots : en matière de répression, à ceux de : en matière criminelle, correctionnelle ou de simple police. (P.V.)

Article 21 (article 46 de la Constitution) : règlement de l'assemblée

« Art. 21. Chaque chambre détermine par son règlement le mode d'après lequel elle exerce ses attributions. »

- Adopté. (A. C., et P.V.)

- La séance est levée à quatre heures et demie. (P.V.)