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Congrès national de Belgique
Séance du samedi 15 janvier 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)

(page 157) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)

Lecture du procès-verbal

La séance est ouverte à une heure et quart. (P. V.)

MM. Tielemans, M. Goblet, M. Alexandre Gendebien et M. Plaisant, chefs des comités de l'intérieur, des finances, de la guerre, de la justice et de la sûreté publique, occupent les bancs des ministres. (U. B.. 17 janv.)

M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Pièces adressées au Congrès

M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :

M. Clément, pharmacien à Namur, demande des lettres de naturalisation.


Trois médecins de campagne prient le congrès de ne pas leur défendre le débit de médicaments.


Quatre maîtres de forges, propriétaires de hauts fourneaux de l'entre Sambre et Meuse, présentent des observations sur les changements proposés relativement aux droits sur les fers.


Trente-deux habitants de Peronnes disent que leur curé a eu raison de se plaindre de l'état actuel de l'église de la commune et des ornements de la sacristie, attendu qu'il est devenu impossible d'officier à Peronnes.


Le conseil de régence de la ville de Liége demande que la distillation des céréales et pommes de terre soit prohibée.


Vingt-six habitants de Vezin se plaignent d'une décision prise par les états députés de la province de Namur.


MM. Théodore Delvaux et Ferdinand Dubraux, à Quaregnon, demandent que leurs fils soient exempts de la garde civique, si elle est mobilisée.


M. Jean Vilain, à Tournay, propose le comte Félix de Mérode pour chef de l'État.


M. Charles Deleune, bourgmestre de la Neffe, demande que les receveurs de contributions soient chargés de la recette des revenus des communes.


Douze membres du sixième bataillon de la garde civique bruxelloise prient le congrès de mobiliser le plus tôt possible le premier ban de la garde.


M. Raick, de Liége, demande qu'en cas de mobilisation de la garde civique, on n'enlève pas à un (page 158) père veuf ou à une mère veuve tous ses enfants.


M. François Dona, à Bruxelles, propose d'enlever le Lion belgique des plaines de Waterloo, et de le placer sur un piédestal à la Place Royale.


Deux pharmaciens de Herck-la-Ville demandent qu'il soit fait défense aux médecins de préparer et de vendre des médicaments.


Dix-huit habitants de Mons proposent pour chef de la Belgique le roi Louis-Philippe.


M. Fauquel, commandant de la garde urbaine de Soignies, demande que, si le prince Othon de Bavière est élu souverain de la Belgique, on ne lui confie les rênes de l'État qu'à l'âge de vingt-cinq ans.


M. Rolin, marchand de vin à Courtrai, demande qu'il lui soit libre de jouir désormais d'un entrepôt particulier.


Vingt-six habitants de Maubray, district de Tournay, demandent un souverain indigène.


Même demande de la part de dix-sept habitants de Hertain, district de Tournay.


Douze habitants de Kerckhove, Castel et communes environnantes, demandent qu'il soit fait défense aux bourgmestres d'exercer aucun commerce.


Trente-neuf habitants de Neder-Hasselt prient le congrès de leur donner pour bourgmestre le chevalier de Coninck d'Oultre. (J. F.. 17 janv. et P. V.)


- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)


M. l’abbé Van Crombrugghe demande qu'il soit donné lecture de la pétition de trente-deux habitants de Peronnes, contenant des observations au sujet de la pétition dans laquelle le bourgmestre et les assesseurs de cette commune dénonçaient le curé nommé à leur paroisse, comme ne voulant remplir son service qu'à certaines conditions qui parurent déplacées. (U. B., 17 janv.)

M. Liedts, secrétaire, donne lecture de cette pétition. Il en résulte que l'église du bourg ressemble plutôt à une écurie qu'à une église. Elle tombe en ruine, les ornements sacerdotaux sont pourris ; l'église est presque sans linge, et celui qu'il y a est usé et rapiécé en cent endroits et tout à fait hors de service. (U. B., 17 janv.)

- Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions. (P. V.)

Projet de décret sur l'organisation du premier ban de la garde civique

Rapport de la section centrale

M. le président – L'ordre du jour appelle le rapport de la section centrale sur le budget des dépenses, mais M. le rapporteur n'a pas encore terminé son travail. En attendant je propose à l'assemblée d'entendre le rapport de la section centrale sur le projet de décret relatif à l'organisation du premier ban de la garde civique. (V. P., 17 janv.)

M. Jottrand fait le rapport de la section centrale sur le projet de décret relatif à l'organisation du premier ban de la garde civique.

- Plusieurs membres proposent de discuter ce projet séance tenante. (C., 16 janv.)

M. le président – Si l'assemblée croit pouvoir s'occuper du budget et de la garde civique dans la journée, il sera inutile d'ordonner l'impression du rapport ; dans le cas contraire, et la discussion étant ajournée à lundi, je le ferai imprimer et distribuer. (U. B., 17 janv.)

M. Charles Rogier – Il me semble que la discussion pourrait avoir lieu aujourd'hui ; il y a quinze jours que le projet a été présenté. MM. les députés ont eu le temps de l'examiner, et la section centrale n'y a apporté que des modifications insignifiantes. (V. P., 17 janv.)

M. Van Snick – Je le demande, est-il possible de délibérer aujourd'hui sur des pièces que nous ne connaissons pas ? J'opine pour que la discussion soit remise à lundi. (V. P., 17 janv.)

M. Charles Rogier – Je sais que cette loi entraînera certaines charges pour la nation, mais il faut donner au gouvernement les moyens de soutenir l'Indépendance que vous avez décrétée, d'ailleurs il ne s'agit point ici de la mobilisation, mais de l'organisation pour tenir la garde civique prête à marcher, si le danger de la patrie l'exigeait. (V. P., 17 janv.)

M. Alexandre Rodenbach – J'appuie la demande de M. Charles Rogier ; nous devons nous occuper sans délai de cette organisation. L'ennemi est à nos portes, son armée s'élève à 60,000 hommes. (V. P.. 17 janv.)

- Des voix – Oh ! oh ! (V. P.. 17 janv.)

M. Frison demande aussi la discussion immédiate. (V. P., 17 janv.)

M. de Langhe – Il est impossible de voter un projet de loi de cette importance sur une simple lecture. Il faut avoir les pièces sous les yeux pour apprécier les changements proposés par la section centrale. (V. P., 17 janv.)

M. Van Snick est du même avis. (V. P.. 17 janv.)

M. de Robaulx – On ne demande pas de (page 159) faire marcher, mais d'organiser la garde civique pour être prête à entrer en campagne, s'il y avait nécessité ; mais la proposition qui ne tend qu'à enrégimenter, n'est pas tellement urgente que la discussion ne puisse en être remise à lundi. Il n'y a donc pas de raison pour nous écarter de la marche ordinaire. (V. P., 17 janv.)

M. Charles Rogier – Le gouvernement cherche à mettre sa responsabilité à couvert. Il ne veut pas qu'on lui reproche, maintenant que nous sommes en guerre, d'avoir négligé de proposer les mesures nécessaires ; lorsque l'ennemi est à nos portes, il est important de gagner deux jours. (V. P., 17 janv.)

M. Deleeuw appuie M. Rogier. (V. P., 17 janv.)

M. Lebeau demande que la question sur la discussion soit remise après la discussion du budget. (C.. 16 janv.)

M. Van Meenen – On vous a dit que nous avions depuis quinze jours sous les yeux le projet sur l'organisation de la garde civique, mais le projet même fournit la preuve du contraire, car il n'est daté que du 4 de ce mois et ce n'est que le 5 ou le 6 qu'il nous a été distribué. (Aux voix ! aux voix 1) (V. P., 17 janv.)

M. Wannaar demande la lecture d'une pétition relative à la garde civique. (V. P., 17janv.)

M. le président – Messieurs, nous perdons notre temps en discussions vaines ; je vais consulter l'assemblée sur la clôture. (U. B., 17 janv.)

- La clôture est prononcée. (P. V.)

L'assemblée décide ensuite que la discussion aura lieu immédiatement après celle du projet de crédit provisoire pour les six premiers mois de 1831. (P. V.)

Projet de décret ouvrant des crédits pour le premier semestre 1831

Discussion générale

M. Destouvelles fait le rapport de la section centrale chargée d'examiner le projet de décret des dépenses, présenté dans la séance d'avant-hier.

La section centrale, dit-il, vu l'urgence, a cru devoir, sans tirer à conséquence pour l'avenir, passer à l'examen détaillé des diverses allocations demandées.

Elle a unanimement retranché du budget de l'intérieur les sommes allouées pour avances d'indemnités sur les pertes faites pendant la révolution. Elle a cru que ces allocations étaient intempestives.

Elle a accordé les sommes demandées pour secours à l'industrie, mais à titre de prêt et avec demande de garantie autant que possible. Elle a demandé la réunion de l'administration des domaines à celle de l'enregistrement, et que nul transfert des crédits d'un département à un autre ne puisse avoir lieu.

La section a encore proposé quelques autres modifications au projet de décret présenté par la commission du budget. (C., 16 janv.)

- La discussion est ouverte sur les conclusions du rapport de la section centrale. (C., 16 janv.)

M. François Lehon – Messieurs, je monte à cette tribune, non pour critiquer, mais pour faire des observations.

Avant que j'aie l'honneur de vous les soumettre, je dois déclarer aux auteurs du projet de décret qui vous est présenté, ainsi qu'à messieurs les administrateurs généraux de tous les départements ministériels, qu'ayant la plus grande confiance dans leur administration, je n'hésiterais pas à voter pour ce projet si j'avais à émettre ici mon vote personnel.

Mais, mandataire de la nation, je ne peux la contraindre à partager ma confiance, car la confiance ne se commande pas. Je lui dois, je dois particulièrement aux citoyens qui m'ont fait l'honneur de m'appeler au congrès, de les éclairer sur la nécessité des sacrifices qu'on va leur imposer.

Je le dois d'autant plus que lorsque je leur ai communiqué, au commencement de ce mois, le projet du budget qui vous a été présenté, ils se sont bercés d'un espoir qu'ils reconnaîtront trop tôt n'avoir été qu'une illusion.

Je prie donc messieurs les administrateurs généraux de se convaincre qu'aucune des observations que j'aurai l'honneur de vous soumettre ne sera dirigée contre eux personnellement, et qu'elles n'auront aucunement pour but de blâmer ou critiquer leur administration.

Les divers crédits repris au décret qu'on vous sollicite d'accorder par un vote d'urgence et de confiance, s'élèvent à plus de 21 millions. On vous demande cette somme pour couvrir les (page 160) besoins extraordinaires des six premiers mois de l'année.

Je ne peux, je vous l'avoue, concilier ce terme de six mois avec le mot urgence ; car peut-on considérer comme urgentes, des dépenses qui ne devront être acquittées que dans les mois d'avril, de mai ou de juin prochain ?

Gardez-vous de croire, messieurs, que je voudrais entraver en la moindre chose la marche du gouvernement, en m'opposant aux mesures nécessaires pour maintenir notre indépendance et l'intégrité de notre pays. Je désire, au contraire, qu'en lui accordant une confiance entière, vous l'aidiez par tous les moyens auxquels la loi vous autorise de consentir.

Mais, en accordant cette confiance au gouvernement, vous ne devez pas oublier les devoirs que la nation vous a imposés. Le premier de ces devoirs est l'économie dans les dépenses, et la charge de n'en consentir aucune dont vous n'ayez reconnu la nécessité. Et comment, messieurs, auriez-vous pu reconnaître cette nécessité, quand on vous appelle aujourd'hui à voter un crédit de plus de 21 millions, dont le projet vous a été remis hier à midi seulement ?

Que vous votiez de confiance, soit ! si vous croyez pouvoir le faire ; mais ne laissez pas à la presse le plaisir de publier, et à la nation le droit de se plaindre, qu'après avoir donné trois grandes journées à une proposition d'où il n'est résulté, comme M. le président vous l'a dit, que de l'eau claire, vous avez ensuite, et en moins de vingt-quatre heures, examiné en sections particulières, en section centrale, discuté en séance publique, et voté à peu près en aveugles, des dépenses qui excèdent 21 millions.

C'est aujourd'hui que la chambre des comptes entre en fonctions, et aucun mandat ne sera valable sans son intervention : cela est parfaitement vrai.

Mais pourquoi, objectera-t-on, a-t-on différé jusqu'au 13 pour faire cette demande de crédit ? Je veux bien croire qu'on n'a pu la faire plus tôt ; mais le public le croira-t-il ?

Ce n'est point, je le répète, une critique que je fais ici ; c'est une observation que je soumets au congrès, qu'on pourrait l'accuser de se prononcer avec trop de précipitation dans une affaire d'une aussi haute importance, et qui peut compromettre les intérêts de la nation.

Il est d'autant plus important de la rassurer, en l'éclairant sur cet objet, qu'elle va voir s'évanouir la belle chimère qu'on lui avait offerte, en lui montrant dans un budget un excédant de 9 1/2 millions de la recette sur les dépenses ; et qu'à cette illusion, qui n'a duré que quinze jours, va succéder une triste réalité qui attestera que les dépenses sont majorées pour six mois seulement, de 7,500,000 florins, outre la liste civile, ce qui pourra lui faire croire que l'augmentation s'élèvera, pour l'année entière, à 16,000,000 de florins, en comprenant la liste civile. J'aime à croire que cette augmentation pour l'année ne sera pas aussi considérable ; mais ne convient-il pas de le faire connaître à la nation ?

Je vois dans les crédits proposés 800,000 florins pour les incendies et les pertes occasionnées par la guerre, et 1,310,000 florins, pour subsides et secours aux industriels et aux villes.

Ces allocations extraordinaires ne se reproduiront plus, je l'espère ; et je pense même que la dernière n'est qu'une avance faite par le trésor, et qui lui sera refournie lorsque les circonstances le permettront.

Je serais cependant charmé que M. l'administrateur général de l'intérieur voulût me le confirmer ; les mots subside dont on s'est servi d'un côté, et avance qu'on a employé de l'autre, me laissent quelque doute à cet égard. Il y a certainement aussi, dans les 12,000,000 proposés pour le département de la guerre, une portion quelconque, qui est nécessitée par les besoins du moment, et qui, ne devant plus se reproduire dans la suite, doit être considérée comme une dépense extraordinaire. Il serait peut-être bon qu'on en indiquât le montant par approximation.

Cette dépense est urgente ; la guerre est commencée, et nous devons fournir au gouvernement les moyens de la pousser avec la plus grande vigueur. Ce que la nation a fait jusqu'ici prouve qu'elle ne se refusera à aucun sacrifice qu'on pourra exiger d'elle pour maintenir la dignité nationale et assurer son indépendance. Mais, quoique les dépenses de la guerre soient urgentes, je ne vois aucune nécessité d'assurer aujourd'hui, par un crédit, la solde des troupes pour les mois d'avril, de mai, de juin, si, comme j'aime à le croire, le gouvernement peut, avant la fin de mars, ou même beaucoup plus tôt, présenter un budget régulier ; la même observation s'applique à plusieurs autres dépenses de ce département.

Il m'a paru, autant que j'ai pu en juger durant le temps très court qu'on nous a laissé pour l'examen des crédits demandés, et sans avoir sous les yeux aucun des états qui établissent ces détails, que les sommes proposées pour les autres départements d'administration générale forment des dépenses ordinaires ; que ces dépenses ne présentent pas, (page 161) au moins pour une très grande partie, le même degré d'urgence, lors même qu'on nous proposerait l'allocation pour six mois.

Mais l'aperçu que j'en ai fait à la hâte, m'a convaincu que de grandes réformes sont encore à faire ; que beaucoup d'économies peuvent être introduites dans les diverses administrations, et en général dans beaucoup de branches de dépenses publiques.

Dans l'intention de se faire des partisans aux dépens du trésor, l'ancien gouvernement avait multiplié les employés et grossi leur traitement outre mesure. Nos voisins, en les comparant à ceux accordés chez eux, ne pouvaient concevoir cette prodigalité de la part d'un gouvernement qui devait accabler le peuple d'impôts, pour fournir à ses charges.

J'ai été frappé, et vous l'aurez sans doute été comme moi, messieurs, quand vous aurez vu que la douane seule absorbait 670,000 florins.

Les économies qu'a déjà introduites dans plusieurs parties M. l'administrateur des finances, vous prouvent ce que vous devez attendre de lui pour celles qui restent à faire. Mais vous devez le soutenir.

Les économies, la réforme des abus, suscitent des mécontentements dont le nombre peut quelquefois faire hésiter l'homme le plus ferme ; il faut donc qu'il puisse leur imposer silence en leur montrant la volonté du congrès.

Une autre partie des dépenses devra principalement être scrutée avec le plus grand soin : c'est celle des pensions.

Vous savez trop que, parmi les moyens de corruption employés par l'ancien gouvernement, les pensions étaient placées en première ligne. Le droit de les accorder, sans y faire intervenir et même sans en informer les états généraux, lui laissait la plus entière liberté à cet égard, et il en a usé très largement. Combien de personnes auraient rougi d'accepter une pension, si le public avait pu voir figurer leurs noms sur les listes et deviner le motif de ces honteuses faveurs !

Que toutes celles qui sont le prix de l'honneur vendu, de la séduction, de la bassesse, disparaissent de la liste. La Belgique ne doit point salarier ceux qui l'ont trahie.

Que les pensions trop élevées soient réduites. Elles doivent être proportionnées aux services rendus, et en harmonie avec l'économie qui doit régner dans toutes les parties de l'administration.

Quelques classes de pensionnaires méritent certainement qu'on s'occupe de leur sort ; mais l'intérêt qu'inspirent ces classes ne doit pas en faire oublier une autre.

Ce sont les Belges dont toute la fortune, ou la plus grande partie de la fortune, consiste en rentes sur l'État, qui sont inscrites au grand-livre auxiliaire de la dette publique de Bruxelles. Cependant aucune allocation n'est proposée pour eux au budget, quand les pensionnaires y sont portés pour 1,400,000 florins.

Je ne vois pas comment entre deux individus jouissant, l'un d'une pension de 500 florins, l'autre d'une rente sur l'État de même somme, on pourrait en bonne justice payer le premier intégralement, tandis que l'autre mourrait de faim.

Autant que j'ai pu en juger, après une lecture rapide, le chapitre intitulé Domaines est, après les Douanes, celui qui m'a paru susceptible de plus de réformes.

Si, comme l'énonce un état que j'ai vu, il ne reste plus dans les troisième et quatrième ressorts (Gand et Bruxelles) que très peu de forêts, qu'avons-nous besoin de sept inspecteurs, sept sous-inspecteurs forestiers, et de vingt-huit gardes généraux, qui reçoivent ensemble près de 40,000 florins ? N'y a-t-il pas une très grande réforme à faire dans ces cinq cent soixante et treize surveillants et gardes forestiers, qui en coûtent près de 100,000 ? S'il est vrai, comme vous l'a dit le premier administrateur des finances, qu'il y a aussi dans l'administration un peuple dont les intérêts doivent être protégés, on peut lui répondre qu'il y a un autre peuple infiniment plus nombreux qui souffre, qui gémit, qui réclame, qui exige des secours pour se nourrir ; que ce peuple veut des économies dans les dépenses et la réforme des employés inutiles qui vivent à ses dépens.

Je n'ai point trouvé dans le chapitre intitulé Revenus domaniaux, du budget des recettes, ni le tiers de la forêt de Soignes, qui appartenait, je crois, au prince d'Orange, ni les autres propriétés de l'ancien roi ; peut-être parce qu'on ne les aura pas considérées comme domaines. Mais, ne doit-on pas éclairer la nation sur l'emploi de leur produit, puisque ces domaines sont sous le séquestre ?

C'est dans ce chapitre Domaines qu'on a porté le produit des routes et des canaux. Ce produit comprend-il les routes de deuxième classe ? Je me suis fait cette question parce qu'on a restreint la demande des crédits pour l’entretien des routes à celles de première classe.

En ce cas, qui recevra le produit ? qui entretiendra celles de deuxième classe ?

(page 162) Si le gouvernement le reçoit, il doit être chargé de l'entretien, et on ne trouve aucune allocation pour couvrir cette dépense.

Nous ne verrons plus, je l'espère, se perpétuer cet abus, dont plusieurs provinces, et particulièrement celle du Hainaut, ont été si longtemps les victimes, lorsque l'ancien gouvernement, qui retirait chaque année près de 300,000 florins du produit de ces routes, n'accordait pour leur entretien que la somme, notoirement insuffisante, de cent et quelques mille florins, en imposant arbitrairement aux états de la province la charge du surplus de la dépense d'entretien. Ce mot me rappelle que M. l'administrateur des finances a compris, dans le crédit qu'il a demandé, une somme de 204,500 florins, affectée à l'entretien des routes de première classe, tandis que le département de l'intérieur a porté dans le sien une autre somme de 339,551 florins pour le même objet et pour les canaux : ce double emploi n'est certainement qu'apparent, et une explication conciliera ces deux articles.

En bornant ici mes observations sur le détail, je vous demande pardon, messieurs, pour le désordre et l'inexactitude que vous pouvez y remarquer ; elles ont été faites et jetées à la hâte, et je n'ai pas le talent d'improviser.

Avant de finir, il me reste une dernière observation à vous soumettre sur l'ensemble du décret qu'on vous présente. Loin de moi l'idée de faire à aucun de MM. les administrateurs généraux l'insulte impardonnable, qu'on nous a faite hier, de leur supposer aucune arrière-pensée : mais pourquoi, dira-t-on, demander le crédit de confiance d'une somme aussi considérable, pour des dépenses qui ne sont pas toutes urgentes, et pour un terme aussi long ?

Seraient-ils dans l'impossibilité de se procurer, avant l'expiration de ce terme, les renseignements nécessaires à l'appui d'un budget régulier ?

En ce cas, messieurs, celui qui vous a été présenté, que vous avez examiné dans vos sections, qui a fait longtemps l'objet des discussions de votre section centrale, deviendrait un triste avorton qui aurait succombé dans les douleurs de l'accouchement, sans que les efforts des gens de l'art aient pu parvenir à le sauver ; car je ne crois pas que le congrès sera encore réuni dans six mois, et l'adoption de la mesure qui vous est proposée pourrait avoir, et aurait probablement pour résultat de soustraire à votre investigation le premier budget de l'État.

Et que répondrons-nous, messieurs, lorsque, de retour dans nos foyers, nos concitoyens viendront nous demander compte des sacrifices qu'on exigera de leur part, sacrifice qu'ils feront tous pour le salut de la patrie, mais dont ils ont droit de connaître au moins et la nécessité et l'emploi ?

Prenons-y garde, il y a derrière nous un contrôleur rigoureux, qui nous demandera compte de nos actes.

Ce contrôleur, c'est la nation.

Elle a ses surveillants dans la liberté de la presse, dans les journaux ; et elle pourrait ne pas admettre comme suffisante l'excuse de nos bonnes intentions.

Je ne pourrais d'abord consentir, dans le projet de décret qui vous est soumis, aux allocations distinctes faites aux divers départements d'administration, parce que ces allocations, quoique votées de confiance et d'urgence, pourraient établir un antécédent dangereux pour l'avenir.

Prenons un autre moyen : donnons au gouvernement provisoire une nouvelle preuve de notre confiance, en lui accordant le crédit en masse d'une somme suffisante pour couvrir largement toutes les dépenses dont il reconnaîtra l'urgence. Laissons-lui le soin de répartir cette somme entre les diverses administrations, en raison de leurs besoins et de l'urgence, en portant une attention particulière à ceux qui sont relatifs à l'armée.

Nos ennemis ont déjà appris sur le champ de bataille ce que peut la valeur de nos braves ; montrons-leur aujourd'hui ce que peut le dévouement de tous les citoyens, quand il s'agit du salut de la patrie. (U. B., 17 janv.)

M. Destouvelles – Messieurs, en prenant la parole, je n'ai pas pour but de répondre à ce qui a pu être dit contre les administrations générales. Messieurs les chefs de ces administrations sont présents ; ils répondront eux-mêmes. Mais le préopinant a accusé la section centrale de précipitation à cet égard ; je dois vous faire connaître comment la section centrale a opéré. Vous vous rappelez, messieurs, qu'un premier budget nous fut présenté dans le mois de décembre. On a dit que ce budget n'était qu'un composé d'illusions : je veux bien le croire ; mais attendu, comme on dit, que les plus courtes erreurs sont les meilleures, on a pensé qu'il fallait pour le moment laisser ce budget de côté, et présenter un projet de décret pour obtenir les crédits nécessaires à la marche de l'administration. Ici, messieurs, permettez-moi une réflexion. La position de la section centrale est vraiment extraordinaire. Le projet a été présenté dans l'avant-dernière séance, le congrès a reconnu l'urgence de ce décret : on prie la (page 163) section centrale de s'en occuper au plus vite ; elle le fait, et on l'accuse de précipitation. Est-il question du budget en lui-même, on l'accuse de lenteur : en sorte que, quelle que soit notre conduite, nous sommes assurés d'être en butte à deux reproches contradictoires. Mais ces reproches, je les repousse. Les membres de la section centrale ne les méritent pas. Le reproche de lenteur peut-il nous être adressé ? Avant-hier au soir on a présenté le décret, les sections l'ont examiné et la section centrale fait son rapport aujourd'hui : pouvait-on opérer plus promptement ? Le reproche de précipitation est un reproche gratuit, car lorsque le budget de M. Coghen fut présenté, la section centrale en fit l'objet de ses méditations ; elle manda devant elle les chefs des diverses administrations, et après leur avoir fait subir un interrogatoire, si je puis m'exprimer ainsi, de près de trois heures, la section centrale fut intimement convaincue qu'il leur était impossible de donner les renseignements désirables. On ne peut, comme vous voyez, nous accuser de précipitation ; cette précipitation n'existe pas : tout a été examiné rigoureusement. Nous avons interrogé MM. les chefs des divers départements sur chaque article. Aux uns ils ont répondu d'une manière satisfaisante ; aux autres, il leur a été impossible de faire aucune réponse. Je crois avoir répondu aux reproches adressés à la section centrale ; je n'en dirai pas davantage. (U. B., 17 janv.)

M. François Lehon – Mon intention n'a pas été de faire un reproche à la section centrale. (U. B., 17 janv.)

M. Helias d’Huddeghem – Messieurs, il ne suffit point de réduire les budgets des voies et moyens, il faut encore coordonner les dépenses aux recettes, si l'on veut éviter plus tard le désagrément d'être obligé d'augmenter, au lieu de diminuer, les charges publiques. Veuillez, messieurs, fixer un moment votre attention sur ce qui s'est passé sous le gouvernement précédent ; cet examen nous apprendra la marche que nous avons à suivre : par suite de calculs erronés sur le produit présumé des taxes établies, il se trouvait constamment un mécompte considérable dans la recette, les rentrées annuelles n'étaient pas, à beaucoup près, suffisantes pour faire face aux dépenses. Au lieu de prendre des mesures capables d'arrêter le mal, l'on avait, mais inutilement, recours à des moyens extraordinaires, à l'effet de remplir le vide ; ainsi, malgré l'introduction au mois de juin 1821 de l'odieux impôt mouture, on ne parvint pas encore à couvrir les dépenses des budgets de 1821 et 1822. La vente des domaines ne rapporta point de quoi fournir au remboursement des dettes du syndicat, deuxième série, ni au payement des intérêts et au remboursement d'un emprunt postérieur : pour trouver les fonds nécessaires à tout cela, l'on augmenta la dette active de l'État, par la loi du 2 août 1822, de 57 1/2 millions de florins ; de cette manière, les fonds disponibles pour les besoins de l'État diminuaient de plus en plus, le mal ne fit qu'augmenter à chaque nouveau budget, et l'état de la dette active s'accrut, dans la seule période décennale de 1820 à 1830, de 160,556,236 florins !

La révolution, messieurs, qui a rendu aux Belges leur indépendance, a encore eu pour résultat la diminution des charges qui écrasaient le peuple : le droit d'abattage est supprimé, les patentes sont fixées à la moitié de ce qu'elles étaient en 1830, le surcroît des cents additionnels du syndicat a disparu. La nation appréciera sans doute cette tendance vers un système d'économie commencé dans des moments difficiles, et qui recevra son développement après la consolidation de notre glorieuse révolution. Si néanmoins nous voulons travailler à diminuer les charges publiques, il faut que les dépenses n'excèdent pas les revenus de l'État ; à cet effet réduisons-les au nécessaire, établissons l'économie dans les différentes administrations, alors le gouvernement pourra faire des épargnes sur ces revenus qui lui permettront d'encourager l'industrie. Mais si nous désirons un gouvernement à bon marché, prenons garde, messieurs, que tout en voulant trop restreindre les dépenses, nous n'entravions les rouages indispensables à une bonne administration. C'est ce qui m'a déterminé, dans l'examen du projet de décret qui règle les dépenses pour les six premiers mois de l'année 1831, à me prononcer, par exemple, pour le maintien de la somme d'un million pour la liste civile du souverain, de la somme de florins 10,000 allouée comme traitement aux ministres, et de florins 4000 aux secrétaires généraux des ministres ; ce n'est pas sur des dépenses de cette nature que je voudrais voir exercer des économies, les services publics, comme les services privés, doivent être payés en raison du travail et des talents qu'ils exigent.

Si l'on veut voir à la tête des affaires de grandes capacités et des hommes de mérite, il faut au moins leur assurer une existence convenable au rang qu'ils occupent. Si l'on veut des économies, que l'on fasse disparaître la concentration de toutes les affaires dans l'administration supérieure, concentration qui y a amené cette nuée de commis. La bureaucratie est devenue la lèpre de toutes les (page 164) nations : elle a détruit ou du moins affaibli la responsabilité des administrateurs, en les plaçant dans la dépendance de leurs commis.

Si l'on veut donc rendre l'administration peu coûteuse, qu'on la simplifie en reportant dans les administrations locales toutes les affaires locales, et en réservant seulement la direction et le contrôle de toutes les autres à l'administration supérieure. Il est connu, messieurs, que trente commis suffirent à Colbert pour fonder la force et la prospérité de la France sur des bases inébranlables.

Cette observation s'applique surtout à l'article 5, litt. H du titre VII : Des frais d'administration, des contributions directes, droits d'entrée, de sortie et des accises dans les provinces. Sans entrer pour le moment dans la considération de l'inutilité de quelques-unes de ces places, il me paraît au moins que plusieurs d'entre elles sont trop largement rétribuées, qu'il n'y a même pas de proportion entre les appointements de quelques-uns de ces fonctionnaires, et le traitement des fonctionnaires d'un ordre bien plus élevé ; je vous. citerai, messieurs, par exemple, les membres de la chambre des comptes ; eh bien ! l'on a réduit leurs appointements à 2500 florins au lieu de 3000 florins fixé par le projet de loi, somme qui ne me paraissait pas surpasser l'importance d'une telle place, surtout en considérant qu'il y a des places de receveurs qui rapportent à peu près le double. J'aurai, à cette occasion, l'honneur de vous faire observer, messieurs, qu'autrefois dans les Flandres les recettes étaient mises à ferme, et que cet usage y a été même maintenu sous la république française ; il en résultait une grande économie pour le trésor, sans aucun danger pour l'État, puisqu'on exigeait une caution réelle des receveurs.

L'article 7 du même titre fixe les traitements des fonctionnaires supérieurs et inférieurs du cadastre. Permettez, messieurs, que j'appelle un moment votre attention sur cet objet intéressant. Depuis 1816 jusqu'en 1826, les opérations du cadastre n'avaient pris aucun développement. Alors on voulut réparer le temps perdu, aussi on doubla les cadres des employés ; des hommes étrangers à la besogne devinrent contrôleurs ; les expertises furent faites d'après de nouvelles bases, contraires aux dispositions de la loi du 3 frimaire an VII. J'émets ici le vœu, messieurs, que le gouvernement soumette au corps législatif, à la plus prochaine session, les bases des opérations cadastrales ; que dorénavant il n'emploie au cadastre que des fonctionnaires capables ; que l'on revoie les opérations des années précédentes, à commencer de 1826, et qu'il soit enjoint aux employés de ne plus se départir de la loi, ni de s'arrêter à des instructions ou des recueils méthodiques, contraires aux dispositions légales. Les opérations du cadastre sont d'autant plus importantes pour les Flandres, qu'il est de fait que la Flandre orientale a été surchargée dans la contribution foncière, en douze ans, de 3,200,000 florins, comme il a été démontré bien des fois aux états généraux, et entre autres à la séance du 28 avril 1827. Cette surtaxe date, il est vrai, du gouvernement français ; alors, le département de l'Escaut payait 25 pour cent de plus que celui du Nord, qui se prétendait lui-même surtaxé. Le gouvernement français était à la veille d'accorder un juste dégrèvement à notre province, en 1815, si notre pays n'avait pas été séparé de la France. Si je vous ai un peu longuement occupés de cet objet, c'est que les deux Flandres seules souffrent de cette disproportion. J'insisterais, messieurs, pour obtenir tout de suite une égalisation entre les provinces, si des intérêts majeurs ne me le défendaient ; car aucun intérêt provincial ne doit être prononcé dans une assemblée dont le but ne peut être que l'intérêt général ; soyons tous unis, messieurs, pour nous donner de justes, fortes et sages institutions, et un chef digne des Belges, et que la prochaine législature règle ces objets de ménage. (J. F., supp., 18 janv.)

M. de Robaulx considère la discussion du budget comme chose tellement grave et importante pour le pays, qu'il serait à désirer que les travaux du congrès permissent d'y accorder le plus de temps possible. – M. François Lehon, dit-il, a démontré trop évidemment les inconvénients de la précipitation, en semblables cas, pour que je vous en occupe. Il y aurait danger en préjugeant la question d'indemnité aux communes qui ont souffert des maux de la guerre. Sous aucun rapport on ne peut voter de confiance une loi de finance. Il serait impossible de démontrer les avantages, quant aux effets moraux, d'un budget improvisé, sur celui qui serait débattu après examen.

L'orateur passe en revue les différentes branches d'administration générale :

Diplomatie ou relations extérieures. Il vous est demandé 150,000 florins : je ne voterai pas ce subside, parce que jusqu'à présent la diplomatie ne nous a fait que du mal ; si nous la laissons continuer , elle nous en fera encore davantage : n'a-t-elle pas admis le principe d'intervention, quand tous les gouvernements protestent contre ? Actuellement toute la politique réside dans la force et l'attitude des peuples ; nous ferions mieux d'employer les 150,000 florins à la guerre, que de les consacrer à payer des notes verbales, qui nous (page 165) sont vendues et nous prouvent par écrit que l'on s'occupe de nous et sans nous. Ces notes démontrent que la France et nous sommes dupes de la Sainte-Alliance, dont le despotisme, à mon avis, est plus fort aujourd'hui et plus tracassier que jamais. Je désire que le congrès rappelle nos diplomates, dont la présence à Londres et à Paris ne peut que nous compromettre. Notre indépendance est reconnue, nous assure-t-on : bornons-nous à cet avantage, et agissons en conséquence.

Justice. C'est le seul département qui soit modéré, et l'homme intègre qui le dirige mérite la plus haute confiance : cependant je lui ferai un reproche, c'est qu'il n'ait pas demandé proportionnellement aux besoins qu'exige son service : ce département a besoin d'une épuration ; les personnes honorables qui ont été appelées pour former le comité le sentent aussi. Il est nécessaire d'augmenter le traitement des juges inférieurs ; en effet, accorder 800 à 900 florins à un juge de première instance, c'est payer la magistrature moins que des employés subalternes de plusieurs administrations, moins qu'un sous-officier des douanes.

Intérieur. L'un des reproches les plus plausibles contre l'ex-gouvernement était d'avoir établi, sous le nom d'administration ou direction de la police, un pouvoir en dehors des lois, arsenal de tyrannie, véritable inquisition, sans forme apparente, et placée sous l'impulsion seule du despotisme qui nous régissait. Aujourd'hui, messieurs, gardons-nous de consentir à ce que, sous aucun prétexte quelconque, on réédifie semblable chose. La police doit faire partie du ministère de l'intérieur ; il nous faut, plus que partout ailleurs, à la tête de cette administration, un homme éprouvé et responsable : ne les multiplions pas ; vous le savez, ceux qui méritent une entière confiance sont rares. Pourquoi séparerait-on cette administration de celle de l'intérieur, qui étend sa surveillance sur tout ce qui concerne la tranquillité, l'ordre dans le pays ? Serait-ce pour découvrir les prétendus complots ? Mais ceux qui ont proposé des mesures répressives, ceux qui avaient travaillé pour autoriser ces mesures, ont été obligés d'avouer qu'ils avaient créé des fantômes. Il suffit d'avoir un administrateur sous les ordres du ministre de l'intérieur, mais il est inutile de fonder un ministère : c'est nous jeter dans des dépenses superflues.

On demande 800,000 florins à titre d'indemnité à accorder aux communes qui ont supporté les ravages de la guerre. Cette question est grave, il ne faut pas la décider légèrement : autrement, qui pourrait fixer où elle s'arrêterait ? Comment déterminer ce qui revient à Anvers, et ce qui pourra lui revenir par la suite, si la position ne change pas ? Je crois qu'il faut avant tout déterminer un mode d'indemnité ; il faut une loi, avant d'adopter le principe.

Guerre. Une observation grave se présente tout d'abord. Cette administration absorbe des sommes considérables, dont nous devons savoir à qui demander compte. Ce doit être au ministre lui-même. Eh bien, d'après l'organisation intérieure, il déclinera cette responsabilité, parce que les sommes énormes sont comptées sur de simples mandats de M. Chazal l'ordonnateur. C'est un désordre que nous ne pouvons tolérer. Rappelons-nous que l'ordre engendre l'économie. Mon observation est d'autant plus sérieuse que, sur les douze millions qu'on nous demande pour ce ministère, M. Chazal en dépense neuf, il lui seul.

Je voulais me borner, pour le moment, à cette seule réflexion, me réservant d'entrer dans quelques autres détails au moment de la discussion sur les articles ; mais je dois vous faire remarquer combien il est instant qu'on nous fournisse des états du nombre d'officiers et de soldats que nous avons sous les armes, du nombre de chevaux ; des renseignements sur l'importance des équipements et des approvisionnements à faire. Il est impossible que nous votions un budget de confiance. Si l'on ne nous fournit ces renseignements, nous ne devons accorder que des crédits provisoires.

Finances. Je demanderai encore le détail de la dépense ; et ici c'est d'autant plus nécessaire que, d'une part, c'est un moyen d'éviter le cumul, et de l'autre, nous verrions peut-être quelques hauts employés de ce ministère, réprouvés par l'opinion, se faire justice à eux-mêmes si leurs noms étaient mis au jour.

Je demanderai encore des explications sur les domaines cédés au roi Guillaume en extinction d'une portion de la liste civile de 500,000 florins ; par conséquent, pour dix millions de florins, tandis qu'ils en valent soixante.

Je ne reviendrai sur la police, dont je demande l'adjonction à l'intérieur, que pour mentionner l'économie du traitement de l'administrateur.

Marine. On demande 200,000 florins, pourquoi ? combien avons-nous de bâtiments, de marins ? Je ne nous en connais pas. Si c'est pour en acheter, c'est trop peu. On demande cette somme sans raison.

Voici donc notre budget porté à 42,000,000 de florins : c'est la même somme que nous avions à payer sous l'oppression de la Hollande. Il nous va donc falloir une nouvelle loi de voies et moyens ; (page 166) et songez-vous que le peuple est pauvre ? songez-vous à notre promesse de le soulager ?

Je déclare que je ne suis pas assez instruit sur les causes des dépenses pour voter un budget. Rien n'est justifié. Il faut bien accorder un crédit pour que l'administration marche ; mais ce doit être pour peu de temps, afin que, dans un délai rapproché, on vienne nous produire des demandes motivées.

.Je voterai contre la proposition de la section centrale. (U. B., 17 janv.)

M. Van Snick – Après les observations pleines de justesse que vient de vous soumettre le préopinant, je serai très court et je me bornerai à parler de l'article qui a rapport à l'instruction publique. Il est accordé un subside de 11,000 florins aux collèges et écoles latines, et on m'assure que l'athénée de Tournay y est, à lui seul, pour les trois quarts de cette somme ; je ne sais ce qui a valu à cette ville, d'ailleurs riche et florissante, cette faveur de l'ancien gouvernement, mais je sais que la ville d'Ath a vainement sollicité un subside pour son collège pendant quinze ans et que toujours il lui a été refusé. La ville d'Ath, qui, par notre séparation de la France, avait perdu son commerce de charbons par la confection du canal de Condé, devait se croire quelque droit à la sollicitude de l'ancienne administration ; toujours ses instances ont été repoussées, comme si cette administration eût eu le pressentiment de la conduite si patriotique et si admirable des Athois pendant notre révolution.

La ville d'Ath croit avoir à se plaindre d'une autre injustice : je veux parler du commissaire de district, homme d'ailleurs estimable, mais tout à fait étranger au district, et les Athois pouvaient espérer de voir un des leurs appelé à ces fonctions. Cette observation a peu d'opportunité dans cette discussion, j'en conviens, et je m'arrête ; le gouvernement connaît nos réclamations. (J. F., 17 janv.)

M. Charles de Brouckere, administrateur général des finances – Messieurs, je viens répondre à quelques observations qui ont été faites par quelques-uns des orateurs que vous venez d'entendre. Et d'abord on se plaint de ce que nous avons présenté un budget le 13 de ce mois, pour le discuter le 15. Je ferai observer à cet égard que le budget que nous présentons ne contient pas seulement les besoins extraordinaires, mais les besoins ordinaires et extraordinaires pour les six premiers mois de l'année.

Les besoins ordinaires ont été déjà prévus dans le budget présenté à la fin de décembre. Dès le commencement de janvier les sections s'en sont occupées ; nous-mêmes, messieurs, nous avons été mandés à la section centrale, et c'est après avoir reconnu l'impossibilité de donner les documents nécessaires à l'appui d'un budget régulier, et de spécifier les dépenses point par point, que nous nous sommes décidé à vous présenter le projet en discussion. Ce n'est donc pas 21 millions de florins que nous venons vous demander aujourd'hui, mais 8 millions, dont 6 pour la guerre et 2 pour l'intérieur : les chefs de ces administrations vous expliqueront les motifs de cette augmentation.

Je répondrai maintenant à un orateur qui a prétendu que j'avais dit, il y a quelque temps, que 6 millions de florins étaient suffisants pour le département de la guerre. J'ai dit, et je m'en souviens bien, qu'il fallait d'abord allouer 6 millions pour la guerre, parce que les renseignements manquaient pour fixer au juste les dépenses de cette administration ; et j'ai ajouté qu'il était probable que ces dépenses s'élèveraient à 17 millions. Je tenais ce langage lorsque je n'étais que député ; aujourd'hui que je prends part aux affaires de l'administration, je vois que la somme demandée n'est pas exagérée. Il faut aussi que cette somme soit disponible instantanément, car il y a une armée tout entière à armer et à équiper, et il est impossible de répartir les dépenses d'une manière uniforme.

Aux finances on a. demandé un supplément de crédit de 200,000 florins ; le premier budget avait demandé une somme de 2,776,500 pour la perception des contributions pendant l'année, tandis qu'elle a coûté 3,285,042 en 1830 : j'entrevois déjà la possibilité de faire face à cette dépense pendant six mois avec un million et demi. Je demande, en outre, 90,000 florins pour venir au secours des anciens fonctionnaires et des veuves d'employés de l'administration financière.

Dans mon département il n'y a eu aucune autre augmentation.

On a demandé la liste des employés de l'administration, d'abord pour voir ceux qui cumulaient, ensuite pour voir s'il n'y figurait pas des noms odieux. Messieurs, toutes les nominations qui ont été faites ont été publiées dans les journaux ; tout le monde les a connues ou a pu les connaître. Il y avait quelques personnes dans mon département qui cumulaient plusieurs traitements ; ces cumuls ont disparu entièrement, et, je dois le dire, c'est déjà sous l'administration de mon prédécesseur que cet abus avait cessé.

On a paru désirer quelques éclaircissements (page 167) sur les domaines cédés au roi. Si j'avais prévu devoir traiter une pareille question, je m'y serais préparé et je pourrais y répondre d'une manière satisfaisante ; toutefois, et autant que mes souvenirs pourront me le permettre, je vais dire ce que je sais sur ce point. Les domaines cédés au roi le furent en vertu d'une loi et en réduction de la liste civile de 500,000 florins ; ils furent cédés à raison de 2 1/2 p. c ., et non sur le pied de 5 p. c., et estimés, par conséquent, à vingt millions de florins. Le roi Guillaume, à son tour, céda les domaines à la banque, à charge, par celle-ci, de lui fournir, pendant la durée de la société, 500,000 florins par an, et de payer au syndicat une première année 50,000, une seconde 100,000, une troisième 150,000 florins, jusqu'en 1849, époque à laquelle le syndicat devait fournir la rente au roi, et la banque restituer le capital de vingt millions à la nation. Une grande partie des domaines est en Hollande ; ce sera une affaire à régler, quand le moment sera venu, et avec la banque et avec le syndicat.

Le projet de réunion de l'enregistrement au domaine sera présenté demain au gouvernement ; mais ce travail ne diminuera pas le nombre de surveillants. Veuillez-vous souvenir, messieurs, que le domaine a la surveillance des bois communaux, et que sur la somme de 130,000 florins demandés, 80,000 sont payés par les communes, pour surveillance de leurs propriétés.

Quant aux pensions, le gouvernement provisoire y avait déjà pourvu par la nomination d'une commission chargée de réviser la liste des pensionnaires. Dès que ce travail sera fini, il sera publié et soumis au contrôle de la législature.

Quant à ceux qui sont inscrits sur le livre auxiliaire de la dette de Bruxelles, un arrêté du gouvernement provisoire a décidé qu'au 1er février ils recevraient les intérêts de la dernière partie de l'année 1830. C'est de toute justice, car un arrêté de l'ex-roi porte que la rente inscrite au grand-livre sera seule payable à Amsterdam.

On a pu trouver un double emploi relativement à l'entretien des routes : celles de seconde classe figurent au budget de mon collègue de l'intérieur ; celles de première, les routes, les canaux, à mon département. J'ai déjà eu l'honneur de vous déclarer que c'était un legs du syndicat ; et en effet cette institution a repris à sa charge un emprunt de 12,000,000, fait pour construction de canaux, sous condition qu'elle aurait la perception des droits de barrières, de ponts et d'écluses.

Je n'ai que deux mots à dire pour les chambres, non pour m'opposer aux réductions, mais pour vous informer que nous n'avons entendu demander que des sommes globales, chaque membre ayant le droit exclusif de régler les spécialités.

On vous a dit que nous n'avions pas de marine, c'est vrai ; cependant l'allocation qui vous est demandée n'en est pas moins nécessaire. Il n'est entré dans l'idée de personne d'employer à la construction de vaisseaux la somme de 250,000 florins ; mais le département de la marine a contracté des engagements qu'il faut remplir ; voici quels sont ces engagements : en vertu d'un arrêté du roi, en date du 5 octobre 1823, tous ceux qui auront construit et mis en mer un vaisseau du port de 500 tonneaux, ont droit à une prime de 18 florins par chaque tonneau ; ce sont des encouragements donnés à la marine qu'il ne faut pas supprimer, surtout en ce moment : il y a des armateurs qui réclament en ce moment la prime qui leur est due pour des vaisseaux d'une grande capacité, il faut les payer.

C'est donc pour satisfaire aux engagements contractés antérieurement vis-à-vis des constructeurs et armateurs, que nous demandons le crédit porté à l'article 11 ; il est impossible de le refuser.

Je crois avoir répondu aux diverses objections qui ont été faites. (U. B., 17 janv.)

M. le baron Osy croit qu'avant d'entendre la suite de la discussion il serait bon de mettre aux voix la proposition de M. François Lehon, qui est préjudicielle du projet de la section centrale. (C., 16 janv.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de cette proposition ; elle est ainsi conçue :

« Au nom, etc.

« Vu, etc.

« Vu aussi l'impossibilité dans laquelle se trouvent les chefs des diverses administrations de se procurer en ce moment toutes les pièces, les renseignements et les évaluations nécessaires pour présenter un budget régulier ;

« Décrète :

« Art. 1er. Un crédit de dix millions de florins est ouvert au gouvernement provisoire pour subvenir aux besoins les plus urgents de toute nature.

« Art. 2. Le gouvernement fera la répartition de cette somme entre les différents départements d'administration générale, en raison de leurs besoins et de l'urgence.

« Art. 3. Il fera connaître au congrès, lors de la présentation du budget, les sommes dont il aura disposé sur ce crédit en faveur de chacun de ces départements.

« Art. 4. Les chefs de ces départements (page 168) d'administration générale, chacun pour ce qui le concerne, sont chargés de se procurer tout ce qui peut leur être nécessaire pour la formation du budget qu'ils présenteront au congrès dans le terme de 40 jours.

« Charge le pouvoir exécutif, etc. » (U. B., 17 janv. et A.)

M. Barthélemy – Messieurs, on a cru devoir vous présenter un budget provisoire en divisant les crédits par départements, et en raison des besoins de chacun d'eux. En faisant ce travail, nous sommes parvenus à trouver à peu près les sommes nécessaires à chacun. Une allocation de 20 millions en masse me paraît impossible, ne fût-ce qu'à cause de la cour des comptes que vous venez d'organiser : obligée d'ordonnancer les dépenses, comment ferait-elle pour discerner le point jusqu'où elle doit aller pour tel ou tel département ? Et les départements eux-mêmes n'augmenteraient-ils pas la confusion, en attirant, chacun dans sa sphère, les plus fortes sommes possible ? Je pense donc qu'une allocation en masse est impossible. M. Lehon demande aussi qu'un budget nous soit présenté dans 40 jours ; cela est impossible : avant trois mois personne ne pourrait présenter un budget régulier. (D. B., 17 janv.)

M. Charles de Brouckere, administrateur général des finances – Messieurs, il est facile de démontrer les inconvénients de la proposition de M. Lehon. D'abord, si l'on votait un crédit en masse pour tous les ministères, je demanderais quelle serait la répartition à faire entre les divers départements. Aujourd'hui nous venons vous dire non pas que les crédits seront appliqués à telles ou telles dépenses déterminées, mais que les crédits se forment de telle ou telle spécialité. En admettant un crédit en masse, aucun de nous ne saurait ce qui doit lui revenir pour son administration.

On parle d'un crédit de 10 millions de florins : mais pour quel espace de temps voterait-on ce crédit ? Il faudrait le dire. Il faut nécessairement que nous puissions le connaître, afin de savoir si dans le même temps les recettes suffiraient à remplir le crédit, ou s'il faudrait recourir à des moyens extraordinaires. Ainsi, par exemple, les mois de février et de mars sont peu productifs, et sans moyens extraordinaires on ne pourrait parer aux besoins de ces deux mois. Il est donc nécessaire de fixer pour quel temps on ferait une allocation quelconque.

Dans tout gouvernement bien organisé, on établit d'abord les dépenses sur ce qui est rigoureusement nécessaire pour le service de l'État ; on avise ensuite aux moyens de parer à ces dépenses. Vous avez, il est vrai, commencé par voter les recettes, mais vous ne l'avez fait que pour empêcher qu'il n'y eût interruption dans la perception de l'impôt.

On veut que nous présentions un budget dans quarante jours ; on demande une chose impossible. D'ailleurs, dans quarante jours nous serons au 1er mars. Combien de temps faudrait-il pour examiner à fond et pour discuter ce budget ? Il faudrait un temps assez long, et nous serions, dans l'intervalle, obligés de vous demander encore un nouveau crédit. Laissez-nous donc le temps nécessaire, et donnez-nous les moyens de vous présenter un budget régulier : au bout des six mois nous le présenterons non pas à vous, car j'espère bien qu'à cette époque le congrès aura depuis longtemps fini ses travaux, mais à une législature qui aura précisément et spécialement mandat de l'examiner.

Je crois la proposition de M. Lehon inadmissible : d'abord, en ce que les besoins du département de la guerre sont urgents, et qu'il faut que la majeure partie des dépenses soient faites dans les premiers mois ; secondement, en ce qu'il aurait été nécessaire de spécifier le temps pour lequel le crédit de dix millions serait voté. Vous rejetterez donc le projet de décret proposé par notre honorable collègue, avec d'autant plus de raison qu'ayant voté les recettes pour six mois, il est rationnel que les dépenses soient votées pour le même terme. (U. B., 17 janv.)

M. le baron Osy – Je voudrais que l'on discutât le budget article par article, et que les observations fussent faites au fur et à mesure sur ces articles. Je crois qu'il serait imprudent de voter un crédit au gouvernement provisoire, comme le demande M. Lehon, car ce serait rendre le gouvernement responsable, tandis que la responsabilité ne doit tomber que sur les ministres. (U. B., 17 janv.)

M. Jottrand – J'admets les raisons alléguées contre la proposition de M. François Lehon. Je voterai pour le budget si l'allocation de 800,000 fl. pour avances d'indemnités est écartée, comme l'a proposé la section centrale, et si, avant tout, l'unité de responsabilité est rétablie dans le département de la guerre. Nous ne devons reconnaître comme chef supérieur et unique de ce département que le titulaire présent à notre discussion.

Le motif principal qui me fait voter de confiance et sans préjudice pour l'avenir le budget qui nous est proposé, c'est que nous avons pour chefs d'administration des citoyens qui ont une réputation à (page 169) perdre, qui ne sont pas ministres par métier et dont une inexorable publicité condamnera les actes s'ils sont contraires à la bonne foi et aux intérêts du pays. En Hollande, où les garanties de la nation sont loin d'être aussi complètes que chez nous, on a voté tout récemment des sommes beaucoup plus considérables par la considération que les circonstances étaient urgentes et les besoins impérieux. (C,. 16 janv.)

M. de Robaulx – Messieurs, l'honorable M. Osy a dit que si le projet de M. Lehon était adopté, ce serait rendre le gouvernement provisoire responsable. Ici, messieurs, je me trouve dans une grande perplexité pour spécifier cette responsabilité. D'après M. Osy, les ministres seraient responsables : jusqu'ici, cependant, pas un seul acte du gouvernement provisoire n'est contresigné par les ministres. Si la responsabilité existe nonobstant mon observation, eh bien, chacun des ministres sera responsable de la somme qu'il aura prise sur la somme capitale allouée.

- L'orateur reproduit ici les arguments qu'il a présentés dans son premier discours ; il insiste particulièrement sur les observations relatives au ministère de la guerre. (U. B., 17 janv.)

M. le baron Osy – Il est nécessaire d'ouvrir des crédits à chaque administration. Quand nous serons au département de la guerre, le ministre donnera les explications qu'il croira nécessaires. (U. B., 17 janv.)

M. Le Grelle désire avoir des renseignements nouveaux, avant de voter. Il pense qu'on ne peut voter avec les renseignements donnés. (C,. 16 janv.)

M. Tielemans, administrateur général de l'intérieur - Messieurs, quoique aucun des chefs des administrations générales n'ait contresigné les actes du gouvernement provisoire, nous ne déclinerons pas la responsabilité qui pèse sur nous, pas plus pour l'avenir que pour le passé. Du reste, la question de la responsabilité a été débattue il y a deux jours au comité central, et nous sommes convenus qu'un projet de loi vous serait proposé incessamment sur la responsabilité ministérielle. (U. B., 17 janv.)

M. François Lehon reproduit ses arguments en faveur de sa proposition. (U.B, 17 janv.)

M. le baron Osy demande la parole ; les cris : Aux voix ! aux voix ! l'empêchent de parler. (U. B., 17 janv.)

- La proposition de M. Lehon est mise aux voix et rejetée. (P. V.)

La clôture de la discussion générale sur le projet de la section centrale est ensuite demandée et prononcée. (P. V.)

Il est cinq heures ; la séance est suspendue ; elle est reprise à sept heures et demie. (C., 16 janv., et P. V.)

Discussion des articles

Considérants

Un des secrétaires donne lecture des considérants du projet de la section centrale :

« Le congrès national,

« Vu l'urgence et la nécessité de donner au gouvernement les moyens de subvenir aux besoins les plus pressants, d'assurer la marche de l'administration et de compléter la réorganisation de l'armée ;

« Vu l'impossibilité de réunir les éléments de vérification que les circonstances ne permettent pas d'exiger, et d'improviser un système d'administration plus régulier, plus simple et moins dispendieux ;

« Décrète :

« Les crédits suivants sont ouverts pour les six premiers mois de l'année 1831 aux grands corps de l'État et aux chefs des divers départements d'administration générale, à charge par ces derniers d'en justifier respectivement l'emploi, d'apporter la plus sévère économie dans les différentes parties du service public, de ne payer les traitements des fonctionnaires et des employés que sous les réductions éventuelles qu'ils pourraient ultérieurement subir, et de ne pouvoir opérer aucun transfert d'un article à l'autre. » (P. V.)

- Ces considérants sont adoptés. (P. V.)

La discussion est ouverte sur les articles du projet de la section centrale.

Discussion des articles

Article premier (sénat)

« Art. 1er. Au sénat, six mille florins. » (U. B., 18 janv.)

M. le baron Osy – M. le ministre des finances n'est pas ici, et il me semble qu'il serait convenable de l'attendre. (U. B., 18 janv.)

M. de Robaulx – Si les ministres ne sont pas ici, ce n'est pas notre faute ; ils ont été avertis, nous ne devons pas les attendre. (U. B., 18 janv.)

- Un membre – Ils ont sans doute compté que nous serions d'une heure en retard comme à l'ordinaire. (U. B., 18 janv.)

M. le président – Eh bien, monsieur, il est huit heures, et nous devions être ici à sept heures. (U. B., 18 janv.)

- On fait observer que les administrateurs généraux sont dans une salle voisine. Un instant après, M. Goblet et M. Tielemans et M. Plaisant sont introduits.

L'assemblée n'étant pas en nombre pour délibérer, la discussion est suspendue pendant quelques minutes. (U. B., 18 janv.)

M. Le Grelle (page 170) propose de réduire à 5000 florins l'allocation du sénat ; il détaille cette allocation de la manière suivante :

Traitement du greffier. 2,500

Employés. 2,000

Salaire des gens de service. 2,000

Frais de bureau. 3,500

Soit : florins 10,000 pour l'année.

pour six mois 5,000

L'honorable membre développe son amendement au milieu du bruit. (U. B., 18 janv., et A.)

M. Lebeau – Messieurs, je ne connais que deux manières de voter un budget : ou en bloc et de confiance, ou en détail et d'une manière raisonnée ; et, dans ce dernier cas, je dis qu'il faut un mois d'études pour agir avec connaissance de cause. Si l'on veut discuter les allocations, je déclare que je ne sais pas si 2500 florins ne sont pas trop pour un greffier du sénat ; je ne sais même pas s'il faut un greffier au sénat, et je me ferai scrupule de voter une somme quelconque pour cet objet. Si au contraire on veut voter de confiance, parce que chacun de nous sent l'impossibilité d'établir un budget régulier et que nous nous en rapportons aux administrateurs généraux, je suis prêt à le faire. Dans la position où nous sommes, ne pouvant pas examiner chaque article du budget en détail et avec des documents à l'appui, il est sage de renvoyer toute la responsabilité des dépenses sur les ministres, et de leur accorder les crédits qu'ils demandent, sauf à eux à en rendre un compte rigoureux, soit à nous, soit à la législature qui nous suivra. (U. B., 18 janv.)

M. le baron Osy – Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. Lebeau, si ce n'est que les votes ne sont que provisoires et que le sénat et la chambre des représentants établiront eux-mêmes leur budget définitif. (U. B., 18 janv.)

M. de Robaulx – Si nous ne devons pas discuter le mérite des dépenses, je ne conçois pas à quel but nous sommes ici. Il me paraît, messieurs, qu'il faut savoir si nous sommes ici pour quelque chose ; et si nous n'y sommes pas pour rien, nous avons bien certainement le droit d'examiner. Le gouvernement avait proposé 4000 florins pour le traitement du greffier du sénat : la section centrale a réduit ce traitement à 2500 florins. M. Le Grelle propose de le réduire a 2000 florins ; cela vaut la peine d'y regarder et de voir si cette somme ne pourrait pas suffire… (U. B., 18 janv.)

M. Lebeau – Je n'en sais rien. (U. B., 18 janv.)

M. de Robaulx – Car enfin, si nous pouvons épargner 500 florins, notre devoir est de le faire. (U. B., 18 janv.)

M. Lebeau s'oppose, par deux considérations, à ce que vient de dire M. de Robaulx : la première, c'est que, par le fait même des considérants, les crédits sont des crédits provisoires et non pas un budget ; la seconde, c'est que si le ministère disposait de ces crédits d'une manière qui ne parût pas convenable à la législature, ce serait à celle-ci à faire les rectifications qui lui paraîtraient convenables. (U. B., 18 janv.)

M. de Robaulx demande la parole ; elle est à M. Forgeur. (U. B., 18 janv.)

M. Forgeur – Je ne sais pas si je dois prendre la parole après les justes observations que vous venez d'entendre ; je ne dirai que peu de mots pour appuyer ce que vient de dire mon honorable collègue M. Lebeau : nous ne discutons pas le budget, nous allouons seulement des crédits provisoires ; nous ne pouvons donc pas nous occuper de spécialités, car nous entrerions dans une discussion dont votre section centrale a reconnu qu'il était impossible de fournir les éléments dans le moment actuel. Si vous discutez les appointements du greffier du sénat, vous décidez qu'il y aura un greffier du sénat ; et cependant je ne crois pas que vous ayez la pensée de déclarer qu'il en faille un absolument, et que cette place ne puisse être supprimée si elle était reconnue inutile. Il faut comprendre notre position, et ne pas nous engager sans documents d'aucune espèce dans une pareille discussion. Vous savez, messieurs, comment on procède en France à la discussion du budget des dépenses, et dans quels détails minutieux entre à cet égard la chambre des députés ; plusieurs mois sont employés à la vérification de ces détails. Avons-nous la pensée de nous livrer à un travail de cette espèce, ou voulons-nous seulement ouvrir des crédits provisoires, dont le compte sera dû soit à nous, soit à la législature qui nous remplacera ? Alors votons de confiance ; et quant au greffier du sénat, si, comme je le crois, ce corps juge convenable de s'en passer en nommant, comme l'a fait le congrès, des secrétaires pris dans son sein qui se chargeront du travail, vous n'aurez pas alors imposé cette charge inutilement à l'État. (U. B., 18 janv.)

M. Le Grelle – Si on entend ouvrir des crédits et non pas décréter des allocations, je retire mon amendement. (U. B., 18 janv.)

M. le président – Ce n'est pas un budget ordinaire que vous discutez, messieurs, voyez plutôt les motifs en tête du décret. Vous votez des crédits détaillés, pour six mois. (C., 18 janv.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire (page 171) lit les considérants du projet de loi qui ne parlent que de crédits à ouvrir. (U. B., 18 janv.)

M. Le Grelle retire son amendement. (C., 16 janv.)

M. François Lehon dit quelques mots dans le même sens que M. Lebeau. Il cite, en terminant, le discours de Mirabeau sur le projet de M. de Necker, qui demandait une imposition extraordinaire du quart des revenus. (U. B., 18 janv.)

M. Van Snick veut prendre la parole. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 18 janv.)

M. de Robaulx – Aux voix ! aux voix ! n'est pas une raison.

- L'honorable membre essaye en vain de se faire entendre ; il se rassied en disant : Si vous ne voulez pas m'entendre..... (U. B., 18 janv.)

M. Lebeau – Au contraire, monsieur, je désire vous entendre. (U. B., 18 janv.)

M. de Robaulx – D'après les considérations que vous venez d'entendre, si dans six mois le budget que nous allons voter n'est pas considéré comme définitif... (Non ! non !)

Messieurs, d'autres esprits plus éclairés que le mien l'avaient compris ainsi ; je dis que s'il ne s'agit que d'ouvrir des crédits pour faire face aux dépenses urgentes… (Le bruit couvre les paroles de l'honorable orateur.) (U. B., 18 janv.)

M. le président donne quelques explications sur la manière dont a procédé la section centrale. (U. B., 18 janv.)

M. Destouvelles relit le rapport qu'il a fait au nom de cette section. (U. B., 18 janv.)

M. de Robaulx semble satisfait. (U. B., 18 janv.)

M. le président – Vous voyez bien que si l'on voulait s'entendre (U. B., 18 janv.)

M. de Robaulx – On le veut toujours, monsieur, les intentions sont pures. (U. B., 18 janv.)

M. le président – Si l'on demandait des renseignements à ceux qui peuvent en donner, nous éviterions une grande perte de temps. (U. B., 18 janv.)

L'article premier est adopté comme il est au projet. (P. V.)

Article 2 (chambre des représentants)

« Art. 2. A la chambre des représentants quatre-vingt-dix mille deux cent cinquante florins. » (U.B., 18 janv.)

M. le baron Beyts demande si l'on comprend dans cette somme les dépenses du congrès, et comment elles ont été ordonnancées jusqu'à présent. (U. B., 18 janv.)

M. le président – Nous avons commencé comme gens qui n'y entendent rien. (On rit.) Eh oui..., nous avons fait une demande de 4000 florins. Cette somme a été remise à M. Barthélemy, qui a bien voulu se charger de faire les payements. Aujourd'hui, cette somme est dépensée ; il y a même près de 5000 florins de déboursés : nous allons demander un nouveau crédit. L'article que vous allez voter concerne le congrès et la chambre des représentants. (U. B., 18 janv.)

- Un membre demande que les impressions soient mises au rabais. (U. B., 18 janv.)

M. le président – Cela sera fait par la prochaine législature, qui aura le temps d'entrer dans ces détails. (U. B., 18 janv.)

M. le baron Osy propose de rédiger l'article en ces termes :

« Au congrès pour frais de bureaux et menues dépenses, et à la chambre des représentants, etc. »

L'honorable membre veut que les besoins d'administration du congrès puissent être couverts en puisant dans ces fonds, après avoir passé par le visa de la chambre des comptes. (C., 16 janv.)

- L'article ainsi amendé est adopté. (P. V.)

Articles 3 et 4

« Art. 3. Au gouvernement provisoire pour frais de bureaux et de route, vingt-cinq mille florins. »

- Adopté. (C., 16 janv. et P. V.)


« Art. 4. A la cour des comptes, vingt-quatre mille cinq cents florins. »

- Adopté. (C., 16 janv. et P. V.)

Article 5 (département des affaires étrangères)

« Art. 5. Au département des relations extérieures, cent cinquante mille florins. » (P. V.)

M. de Robaulx – Je refuse de voter cette somme. Ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, le comité diplomatique me paraît être sans utilité : à quoi nous a-t-il profité jusqu'à ce jour ? Il me paraît que tout ce qui se fait à Londres et à Paris se fait contre nous et sans nous ; d'après la dernière lettre de M. Van de Weyer, vous voyez que nos envoyés ne sont pas même admis dans les conférences où l'on veut décider de notre sort.

Il en est de même du cabinet de Paris : un candidat avait obtenu quelque faveur dans le congrès ; on lui a donné l'exclusion chez nos voisins, pour mettre en avant un autre candidat qui vient d'être absorbé au profit de la Grèce. (On rit.) Oui, messieurs, le petit Othon (rire général) est roi de Grèce. On éloignera ainsi tout candidat qui ne sera pas Anglais ou dévoué à l'Angleterre. Puis, tous ces candidats écartés par ce cabinet astucieux, on nous laissera libres de choisir, alors qu'il n'yen aura plus qu'un à prendre : je ne vois pas (page 172) la nécessité de donner 150,000 florins pour être dupes à ce point-là. (U. B.. 18 janv.)

M. Surmont de Volsberghe soutient l'allocation, parce que les négociations peuvent nous être plus utiles à l'avenir que maintenant. (C., i6 janv.)

M. Van Snick – Nous n'avons pas eu besoin des étrangers pour faire notre glorieuse révolution, nous n'avons pas besoin de leurs conseils pour la continuer ; c'est parce que les étrangers ont cru que nous avions besoin d'eux, qu'ils nous sont devenus hostiles : chaque fois que vous voudrez prendre une résolution utile au pays, vous trouverez une réponse défavorable à Londres ou à Paris, ainsi que cela vient de nous arriver pour le duc de Leuchtenberg. (Bruit.) (U. B.. 18 janv.)

M. le comte Duval de Beaulieu – Je ne pense pas que ce soit bien sérieusement que les préopinants ont demandé la suppression du crédit ouvert aux relations extérieures ; j'ai une trop haute opinion des honorables orateurs pour voir dans leur refus autre chose qu'une manière d'exprimer le peu de satisfaction qu'ils éprouvent de la conduite de notre diplomatie, et le peu de confiance qu'ils ont dans les hommes chargés de la diriger : c'est là certainement leur intention, car ils ne veulent sûrement pas que la Belgique demeure isolée dans l'Europe, et sans envoyés chez aucun de ses voisins ; ce serait une véritable anomalie.

Ce qu'on a dit des relations diplomatiques, quant au choix du chef de l'État, ne présente qu'un côté fort minime de la question ; il est d'autres points fort importants à débattre et qui nécessitent un comité diplomatique et des ambassadeurs. (U. B., 18 janv.)

M. Forgeur – Si la proposition de l'honorable M. de Robaulx est adoptée, je demande que l'on vote la construction d'une forte muraille à l'instar de celle de la Chine, qui environne tout le pays, afin de le rendre impénétrable aux voisins avec lesquels nous allons vivre dans un état perpétuel d'hostilité. (Rire général.) (U. B., 20 janv.)

- L'article 5 est adopté. (P. V.)

Article 6 (département de la justice)

« Art. 6. Au département de la justice, cinq cent cinquante-trois mille florins.» (P. V.)

M. Forgeur – Ce n'est pas pour solliciter une augmentation immédiate sur les traitements des juges que je prends la parole, mais seulement pour appuyer la demande faite ce matin par mon honorable collègue M. de Robaulx, avec lequel cette fois-ci je me trouve d'accord. Je veux, comme, lui, appeler toute l'attention de M. l'administrateur général de la justice sur des magistrats des tribunaux inférieurs. Il est, je dirai le mot, il est indécent que des hommes auxquels on confie des fonctions judiciaires, des hommes dont on exige, savoir, talents, probité, indépendance, soient réduits à un traitement de 1500, 1600 et 1700 francs, tandis qu'ils voient siéger à leur côté leurs greffiers, qui, par les avantages attachés à leur place, reçoivent annuellement 5000 à 6000 francs. Ces faits sont patents, incontestables ; c'est rendre un service réel au pays que de s'en occuper sérieusement. Si vous vous rappelez le rapport de M. Gendebien, vous devez vous souvenir qu'il vous a dit qu'on avait eu la plus grande peine à trouver des sujets convenables pour réorganiser la magistrature : cette pénurie provient, messieurs, de ce que des gens de talent ne veulent pas s'exposer à manquer de pain. (U. B., 20 janv.)

M. Alexandre Gendebien, administrateur général de la justice – Je suis loin de disconvenir que les juges de première instance sont mal rétribués, et il y a longtemps que, dans mon opinion, il est convenable d'augmenter leur traitement ; mais ces traitements sont réglés par une loi, et le gouvernement provisoire n'a pas cru qu'il fût dans ses attributions d'y faire aucun changement, si ce n'est par une loi acceptée par vous. Il n'est pas possible de prendre cette augmentation sur le traitement des conseillers des cours supérieures, qui eux-mêmes ne sont peut-être pas suffisamment rétribués.

Je saisis cette occasion de faire remarquer que la hauteur du budget général offre déjà une diminution notable sur celui du ci-devant royaume des Pays-Bas ; en effet, le budget s'élevait alors à 85,000,000 de florins, indépendamment des fonds du syndicat et des autres ressources du gouvernement. Nous étions pour les deux tiers dans ce budget, et celui qui vous est présenté ne s'élève qu'à 42,000,000 de florins, ce qui donne une économie de 15,000,000 : nous sommes cependant en temps de guerre, et nous avons une armée tout entière à organiser et à équiper.

Je dirai deux mots sur la demande de la suppression des indemnités faite par la section centrale : je crois que tous ceux qui ont souffert de la guerre doivent être indemnisés, Anvers comme le reste de la Belgique. Toute la question est de savoir par qui ; mais réparation est due aux victimes d'un bombardement barbare. (U. B., 20 janv.)

M. de Robaulx – Pour ce qui regarde les juges de première instance, je répondrai à M. Gendebien qu'on n'augmenterait pas de beaucoup le chiffre du crédit demandé, et on pourrait ainsi réparer une longue injustice. M. Gendebien pourrait-il nous dire à peu près à combien il faudrait supposer le crédit pour pouvoir faire cette augmentation ? Quant aux calculs sur le budget, je les crois erronés. En effet, messieurs, la Hollande avait des colonies, une marine et une dette, dont nous sommes déchargés jusqu'à ce qu'il plaise à nos hauts et puissants seigneurs les étrangers, de nous en imposer de nouveau une partie. (U. B., 20 janv.)

M. Alexandre Rodenbach – On diminue les receveurs, ce n'est pas le moment d'augmenter les juges ; la place de juge est une place d'honneur et non une place d'argent. (U. B., 20 janv.)

M. Alexandre Gendebien, administrateur général de la justice – Les traitements des juges de première instance s'élevant à 450,000 florins environ, il faudrait, pour les augmenter d'un cinquième, grever le budget de 100,000 florins par an ; du reste, cet aperçu est incertain et je ne vous en garantis pas la justesse. (U. B., 20 janv.)

M. Forgeur – Je n'ai pas voulu demander une augmentation, mais seulement j'ai saisi l'occasion de signaler à M. l'administrateur général de la justice une inégalité criante. Je me réserve de communiquer au congrès un travail qui prouvera qu'on pourrait remédier au mal sans beaucoup augmenter le crédit, et en diminuant seulement les traitements exagérés de quelques fonctionnaires, tels que les premiers présidents et les procureurs généraux. (U. B., 20 janv.)

M. Raikem – L'observation de mon honorable collègue M. Forgeur est parfaitement exacte : il y a une inégalité choquante entre le traitement des premiers présidents et des procureurs généraux et celui des autres fonctionnaires de l'ordre judiciaire. (U. B., 20 janv.)

- L'article 6 est adopté. (P. V.)

Article 7 (département de l'intérieur)

« Art. 7. Au département de l'intérieur, trois millions quatre cent cinquante mille florins. » (U. B., 20 janv.)

M. Tielemans, administrateur général de l'intérieur - Je voudrais seulement faire observer que les membres du congrès qui ont demandé le retranchement du subside de 800,000 florins, destiné à donner des indemnités provisoires aux individus dont les propriétés ont été incendiées par le peuple au commencement de la révolution, et à ceux dont les propriétés ont été ravagées par les Hollandais, ont paru craindre d'établir un principe dont les conséquences pourraient être immenses ; mais si personne ne conteste la légalité et la vérité du principe, et je crois que personne ne le conteste, il est évident que vous ne pouvez pas reculer devant ses conséquences.

Lorsque la guerre est une querelle de nation à nation, si un peuple entre en conquérant dans le pays ennemi et s'en empare, alors les malheurs de la guerre sont supportés par les individus qui en sont les victimes ; c'est un droit de conquête ; mais dans une guerre d'indépendance entreprise pour chasser les oppresseurs de la patrie, les pertes éprouvées par quelques hommes doivent être supportées par tous ; car c'est pour l'intérêt de tous que ces pertes ont été éprouvées. Tout en reconnaissant la justesse du principe, on a paru reculer devant son application, on a désiré savoir auparavant à quoi l'État s'engagerait, et à quelle somme pouvaient s'élever les pertes. Je n'hésite pas à le dire, à quelque somme qu'elles s'élèvent , le principe est là, il faut en subir les conséquences, et si la moitié de la nation avait été ruinée par la guerre, il faudrait que l'autre moitié vînt réparer ces pertes autant qu'il serait en elle de le faire.

On est convenu généralement que la somme de 800,000 florins était modique, en comparaison de celle qui serait nécessaire pour réparer les désastres ; aussi n'est-elle demandée que comme subside provisoire, parce qu'il y a des infortunés qu'il est tellement urgent de secourir, que si on n'y porte un prompt remède, on laissera consommer la ruine de ceux qui en ont été les victimes.

Mon intention est de soumettre incessamment au congrès une loi sur cet objet, qui prouvera que le crédit demandé ne représente qu'un cinquième des pertes éprouvées.

Du reste, ce crédit devait être distribué de telle sorte, que ceux qui auraient pris part à sa participation, auraient dû l'employer, soit à la reconstruction de leurs fabriques et propriétés, soit à la mise en activité de leurs manufactures, et l'on aurait ainsi pourvu à la nécessité de donner de l'occupation à la classe ouvrière : je n'ai pas d'autre motif pour demander ce crédit, dont j'espère que vous m'accorderez au moins une partie. (U. B., 20 janv.)

M. Lecocq propose un amendement conçu en ces termes :

« Capital destiné à accorder quelques secours d'urgence aux plus nécessiteux d'entre ceux qui ont éprouvé des dommages par les événements de guerre, lesquels seraient, à titre de secours, remboursables lors de la liquidation de ces mêmes dommages ; ci 250,000 florins.

« Savoir :

« Pour les incendiés, 150,000

« Pour les propriétés ravagées, 100,000

(page 174) - Cet amendement est appuyé. (J. B., 17 janv.)

M. le président accorde la parole à M. Lecocq. (J. B., 17 janv.)

M. Lecocq – Trois considérations justifient mon amendement :

1 ° L'impossibilité physique de répondre au moment présent à toutes les réclamations, quelque légitimes qu'elles soient.

2° L'injustice distributive qui résulterait d'une préférence donnée aux premiers plaignants.

3° Un équitable sentiment de pitié pour les plus nécessiteux. (J. B., 17 janv.)

M. Tielemans, administrateur général de l'intérieur - Un crédit de 250,000 florins serait tout à fait insuffisant et ne pourrait amener aucun bon résultat. Remarquez, messieurs, que vous avez reconnu qu'on devait accorder aux villes dont les revenus sont insuffisants, un subside pour être consacré par elles à occuper les classes ouvrières. En accordant une indemnité provisoire aux individus dont les propriétés ont été détruites, il faudrait ne la distribuer qu'à ceux qui prendraient l'engagement de rétablir leurs maisons ou leurs familles, et vous atteindriez le même but ; mais c'est précisément pour cela qu'un subside de 250,000 florins serait totalement insuffisant, parce qu'il serait impossible de donner à chacun une somme assez considérable pour arriver à un semblable résultat. Ce subside ne serait qu'une aumône qui ne produirait rien, si ce n'est de donner la permission de vivre à ceux entre lesquels il serait partagé. (U. B., 20 janv.)

M. de Robaulx – On nous annonce un projet de loi sur les indemnités à accorder ; il me semble que nous ne risquons rien d'attendre ce projet. Voyez, messieurs, où le système qu'on nous propose peut nous mener : il s'agit d'indemniser, non seulement ceux qui ont souffert dans leurs propriétés, mais ceux qui souffriront encore ; on indemnisera donc également le riche qui n'a perdu qu'une très légère part de sa fortune, et celui qui n'ayant qu'un manoir de 2000 à 3000 florins l'aura vu incendié par les ennemis ; et ceux qui ont perdu la vie ou un de leurs membres, les indemnisera-t-on ? La proposition qu'on veut nous faire adopter peut nous conduire à un résultat effrayant ; pour ne rien préjuger, je demande que nous attendions le moment de discuter la loi. (U. B., 20 janv.)

M. Lecocq – Je partage cette opinion, c'est pour cela que je n'ai demandé qu'un secours provisoire pour les nécessiteux, comme aumône ; mais je propose qu'il soit augmenté de 100,000 florins et porté à 350,000 florins. (U. B., 20 janv.)

M. Charles Rogier – Empêcher les riches de se ruiner, c'est aussi faire l'aumône aux pauvres. (U. B., 20 janv.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt rappelle qu'en France, lorsqu'on a voulu faire des lois d'indemnité, on a été forcé de désigner des spécialités, parce qu'il eût été impossible d'indemniser tous ceux qui avaient souffert. (U. B., 20 janv.)

M. Le Grelle rend hommage au principe, mais il dit qu'il est persuadé qu'une distribution équitable sera impossible ; il cite à ce sujet ce qui s'est passé à la commission d'Anvers. (U. B., 20 janv.)

M. Forgeur – Ce n'est, je crois, qu'à défaut de bien s'entendre que la somme demandée est contestée ; ce n'est qu'à défaut de s'entendre sur la répartition de la somme, qu'on veut différer un moment d'adopter un principe vrai, incontestable. M. l'administrateur général de l'intérieur a fait une juste distinction entre les pertes occasionnées par une guerre de conquête et celles causées par une guerre d'indépendance ; nous avons tous reconnu la vérité de cette distinction ; quant à la distribution, au mode de fixer les cas pour lesquels cette indemnité sera due, la loi dont on vous a parlé les déterminera. En attendant, messieurs, nous devons voter la somme qui nous est demandée ; ce n'est pas comme partie du budget, mais comme crédits que nous l'accorderons : elle s'élève à 800,000 florins, et je crois que ce n'est pas trop pour porter secours à tant de malheurs, pour fermer tant de plaies saignantes encore ; ceux qui ont souffert ont un droit incontestable à recevoir au moins un à-compte ; donnons-le sans déterminer s'il est exagéré ou insuffisant, chose que nous ne sommes pas à même de vérifier ; mais n'allons pas dire aux victimes de la révolution : Vos maux sont grands, votre avenir est ruiné, votre fortune perdue, tout cela pour la cause de notre indépendance ; mais peu nous importe, votre créance sera mise à l'arriéré avec les autres. (U. B., 20 janv.)

M. Jottrand – Messieurs, la révolution n'est pas finie, et nous ne pouvons pas admettre un principe qui peut-être nous mènerait plus loin que nous ne voulons aller ; en 1789, aussi, on avait décidé qu'on donnerait des indemnités aux premières victimes des mouvements populaires ; mais à mesure que la révolution avançait, le nombre de ceux qui étaient lésés par elle augmentait avec tant de rapidité que l'on fut obligé d'abandonner le système des indemnités. Je crois que, dans ce moment, il serait possible d'indemniser ceux qui (page 175) ont perdu ; mais vienne une guerre longue et avec des chances qui nous soient défavorables, et il sera impossible de continuer à réparer les malheurs particuliers qu'elle entraînera à sa suite ; ce qui constituera une injustice d'autant plus criante que vous aurez reconnu le droit que vous serez obligés de dénier ensuite.

L'honorable membre entre encore dans quelques développements, et finit en disant qu'il votera contre toute loi d'indemnité. (U. B., 20 janv.)

M. de Robaulx – Je me rallie à l'opinion émise par M. Jottrand ; il ne faut pas nous hâter de consacrer le principe. Mais il me paraît que si on reconnaît en principe qu'on doit indemniser ceux qui ont été victimes de la guerre, l'indemnité doit être prise sur les biens du roi Guillaume, qui sont sous le séquestre national. (U. B., 21 janv.)

M. Alexandre Gendebien, administrateur général de la justice – Un grand orateur a exprimé cette profonde pensée : Vous voulez être libres et ne savez pas être justes. Justice remise n'est pas justice complète ; et le principe étant une fois reconnu, son application doit être immédiate.

Comme l'a dit avec infiniment de raison M. l'administrateur général de l'intérieur, si la moitié du royaume était ruinée, l'autre devrait supporter les pertes avec elle. Nous vous demandons 800,000 florins pour venir au secours de ceux qui souffrent ; vous ne les consolerez pas en leur disant : Plus tard, nous viendrons à votre secours. Il est facile de dire : Prenez patience ; mais il est des hommes qui ont perdu toute fortune, dont les fabriques ont été pillées et incendiées, dont les maisons ont été brûlées ; et ceux-là prendront patience difficilement. Et du reste, cet argent qu'on vous demande ne sera pas improductif ; il circulera, il ira donner du pain aux ouvriers aujourd'hui sans ouvrage, puisqu'on devra l'employer à reconstruire ce qui a été détruit.

Dès l'instant où vous reconnaissez le principe, il vous est impossible de vous refuser à accorder l'allocation. Quant à moi, je la voterais cent mille fois, fût-elle de vingt millions ; et si plus tard, les événements devenaient tels que nous ne pussions plus continuer cette indemnité, alors il y aurait force majeure, et nous n'aurions aucun reproche à nous faire ; la nation saurait apprécier cette position, et pas un citoyen bien pensant ne nous blâmerait. (U. B., 20 janv.)

M. Jottrand répète ses arguments contre l'indemnité. (U. B., 20 janv.)

M. Forgeur – Je ne connais rien de plus inflexible que la logique. Si la nation tout entière avait également souffert pour son indépendance, il n'y aurait pas d'indemnité à voter ; mais quelques hommes seuls ont été victimes d'une révolution dont la nation a profité, il est juste que la nation les indemnise.

- L'orateur développe et reproduit ses arguments. (U. B., 20 janv.)

M. Lecocq persiste dans son amendement, et dit qu'il croit se devoir à lui-même de professer solennellement les mêmes principes de justice rigoureuse que viennent de professer MM. Tielemans, Gendebien et Forgeur ; que ces principes recevront une application par une loi spéciale, mais qu'il faut aujourd'hui venir au secours des plus malheureux. (J. B., 17 janv.)

M. Charles Le Hon expose les difficultés d'appliquer le système d'indemnisation pris en général. Il s'opposerait à toute loi qui établirait des catégories dont l'ordre pourrait être arbitraire. Il vote aussi pour qu'une loi postérieure soit seule admise à régler les indemnités. (C., 16 janv.)

M. Alexandre Gendebien, administrateur général de la justice revient à la preuve que selon lui l'indemnité actuelle doit être établie pour les plus nécessiteux. (C., 16 janv.)

- La clôture de la discussion est prononcée. (J. B., 17 janv.)

L'article 7 du projet (sans indemnité) est mis aux voix ; il est rejeté. (C., 16 janv.)

La majoration de 350,000 florins proposée par M. Lecocq, à titre de secours, est mise aux voix et adoptée. (P. V.)

M. le baron Osy – Je demande qu'on discute si le département de la sûreté publique sera réuni à celui de l'intérieur. (U. B., 20 janv.)

M. de Robaulx dit que par cette réunion on obtiendrait une économie de 18,000 florins, et qu'en conséquence il propose d'ajouter la somme de 325,000 florins au crédit du département de l'intérieur, qui réunira les attributions du département de la sûreté publique aux siennes. (U. B., 20 janv. et A.)

M. Barthélemy fait observer que le département de la sûreté publique se divise en deux parties bien distinctes : la sûreté publique, qu'il faudrait réunir à la justice, et les prisons, qui rentrent évidemment dans le département de l'intérieur. Il demande la division. (U. B., 20 janv.)

M. Alexandre Gendebien, administrateur général de la justice – Messieurs, dans des temps ordinaires, il est évident que le ministère de la sûreté publique est inutile, dangereux même ; mais dans les graves circonstances où nous nous trouvons, je le crois indispensable ; quant à la (page 176) réunion au ministère de la justice, je la crois impossible. S'il faut parler franchement, il est en révolution des cas où le salut du peuple peut exiger que le ministère de la sûreté publique soit hors de la loi, et si des attributions devaient être réunies à celles du ministère que je préside, je croirais devoir me retirer ; non que je me sente incapable du dévouement nécessaire pour diriger la sûreté publique, mais je crois que l'union entre la justice et ce ministère est incompatible. La justice, messieurs, est essentiellement répressive, et le ministère de la sûreté publique doit quelquefois être préventif ; si vous confiiez aux magistrats des attributions préventives, vous auriez plus tard à lutter contre la force de l'habitude qui les pousserait à sortir des voies légales dont ils ne doivent jamais s'écarter.

J'imiterai l'exemple d'un certain magistrat dont je m'honore d'avoir été l'ami, M. Daniels, qui se retira du parquet lorsqu'on voulut y joindre la haute police ; je déposerais le portefeuille le jour où cette réunion serait ordonnée. (U. B., 20 janv.)

M. le baron Osy – J'avais cru d'abord convenable de demander la réunion, mais je crois que le moment serait dangereux pour l'opérer. (U. B., 20 janv.)

M. le baron de Stassart – Les raisonnements que nous fait entendre notre honorable collègue M. Gendebien sont d'une nature fort effrayante. S'il est, comme on vient de nous l'insinuer, question ici d'un ministère de l'arbitraire, je déclare qu'un semblable ministère ne pourrait nous convenir. Je suis loin néanmoins de prétendre qu'il ne faille pas assurer, par une utile surveillance, par une surveillance de tous les instants, la sûreté publique ; mais cela devrait rentrer dans les attributions du comité de l'intérieur. (U. B., 20 janv.)

M. de Robaulx – Il n'est pas de circonstances qui peuvent autoriser à sortir de la loi. (U. B., 20 janv.)

M. Plaisant, administrateur général de la sûreté publique, monte à la tribune. (Attention marquée) – Si je monte à cette tribune, ce n'est pas pour défendre le département qui m'est confié et dont l'existence est actuellement mise en question : la force des circonstances m'a poussé dans les fonctions qui en dépendent, et je n'y suis demeuré que parce que le gouvernement provisoire m'a témoigné une confiance qui ne me permettait pas de me retirer ; en y restant, j'ai cru donner une preuve de plus de mon dévouement à la chose publique. Je ne réclame votre attention que pour repousser de toutes mes forces une proposition que je viens d'entendre. Non, messieurs, la police ne peut pas sortir de la loi, et elle n'en est pas sortie. J'exerçais déjà ces fonctions au 27 septembre, quand l'enthousiasme de la victoire emportait toutes les têtes ; et si, dans les circonstances les plus difficiles, j'ai eu le bonheur de maintenir l'ordre et de prévenir des scènes désastreuses, je puis m'applaudir d'avoir atteint ce but sans jamais manquer à la loi. Quelles qu'eussent été les circonstances, je n'aurais pu y consentir, comme j'abdiquerais encore ces fonctions si l'on pouvait exiger de moi de semblables mesures. Jamais, non, jamais, je ne pourrais y prêter la main, et parce que je ne me sentirais pas la force de violer la loi, qui nous oblige tous également, fonctionnaires et simples citoyens, et parce que je reculerais devant la responsabilité de forfaire à ses dispositions. (Bravos de toutes parts.) (U. B., 20 janv.)

M. Tielemans, administrateur général de l'intérieur - La police se divise en police judiciaire et en police locale ; la police judiciaire est confiée à la justice, et quant à la police locale elle doit rentrer dans les attributions du bourgmestre : j'ignore s'il y a une autre police, puisque je n'ai pas encore administré cette partie ; mais si elle l'entrait dans mon département, je ne me croirais pas autorisé à sortir de la loi. (U. B., 20 janv.)

M. le comte Félix de Mérode dit que le ministère de la sûreté publique a rendu de grands services, et qu'il est utile de le conserver. (U. B., 20 janv.)

M. Tielemans, administrateur général de l'intérieur - Quant à la question d'utilité, le gouvernement provisoire est à même mieux que personne de l'apprécier, et son avis me semble devoir être prépondérant dans cette circonstance. (U. B., 20 janv.)

M. Alexandre Gendebien, administrateur général de la justice – Je dirai deux mots pour expliquer ma pensée : je n'ai point entendu répudier le ministère de la sûreté publique, je n'ai point voulu en donner une idée effrayante, puisque j'ai dit que je m'en chargerais personnellement s'il le fallait, pourvu qu'il fût séparé du ministère de la justice ; mais j'ai dit seulement que ce ministère pouvait être quelquefois préventif et ne devait pas être allié à la justice répressive ; j'ai dit encore qu'il était telle circonstance où il pouvait être utile, nécessaire même de passer par-dessus la loi, parce que le salut du peuple est toujours la loi suprême. Celle-là domine toutes les autres en temps de révolution. (U. B., 20 janv.)

(page177) La discussion continue encore quelque temps ; on entend M. de Robaulx, M. Charles Rogier et M. Gendebien. (U. B., 20 janv.)

- La clôture en est ensuite prononcée. (C., 16 janv.)

La réunion de la sûreté publique à l'administration de l’intérieur est mise aux voix et rejetée à une grande majorité. (C., 16 janv.)

L'article 7, avec l'augmentation proposée par M. Lecocq, est adopté ; il est ainsi conçu :

« Art. 7. Au département de l'intérieur, trois millions huit cent mille florins.3 (P. V.)

Article 8 (département de la guerre)

« Art. 8. Au département de la guerre, douze millions de florins. » (P. V.)

M. Goblet, commissaire général de la guerre – Messieurs, les considérations que je vais avoir l'honneur de soumettre au congrès national, pour justifier la demande d'un crédit afin de couvrir les dépenses du département de la guerre, ne comportent pas de grands développements.

Personne ne mettra en doute que peut-être jamais nation se soit trouvée en face d'un avenir aussi peu susceptible d'être prévu que celui de la Belgique en ce moment.

Je ne parle point d'un avenir lointain ; celui-là, messieurs, ne doit pas nous inquiéter, il est impossible qu'enfin le bon droit et la justice ne finissent par triompher ; mais, messieurs, je veux parler de cet avenir du lendemain, qui peut nous placer dans une tout autre position que celle d'aujourd’hui.

Comment, messieurs, dans une telle situation établir un budget détaillé pour le département de la guerre ? Je dirai même plus, c'est que, quelle que soit la somme demandée, quelque forte qu'elle soit, on ne peut répondre qu'elle couvrira les besoins.

Nous sommes entrés, messieurs, dans le sentier de l'indépendance, nous ne pouvons revenir sur nos pas ; il serait d'ailleurs indigne des Belges de le faire, et ils ne le feront pas.

Une discussion de trois jours vient encore de vous prouver toutes les incertitudes de notre position. On nous dit, messieurs, que nous avons un puissant protecteur, et je n'en doute pas ; mais sa protection est relative et non pas absolue : on nous protégera si nous nous montrons dignes de l'être.

Jusqu'ici, messieurs, nos succès n'ont été mêlés d'aucun revers, la conquête de notre indépendance nous a paru facile ; c'est peut-être un mal : les cœurs s'amollissent dans la confiance, et nous ne pouvons nous dissimuler que des moments difficiles menacent peut-être la patrie.

M. le commissaire général des finances vous exposera la situation du trésor et les moyens de l'alimenter ; moi, messieurs, je dois vous rappeler qu'en révolution, pour la conquête de l'indépendance, l'armée régulière ne doit former que l'avant-garde de la nation ; les gardes civiques mobiles, dont on a tantôt réclamé avec tant d'empressement l'organisation, doivent en composer le corps de bataille. Dans de tels moments on ne peut pas dire : Je paye et ne veux pas combattre ; il faut combattre et payer.

C'est dans une situation aussi solennelle que je viens réclamer au sein du congrès national les sommes nécessaires à des dépenses dont l'utilité n'a pas besoin d'être justifiée.

Jusqu'à ce jour, messieurs, comme l'ont dit M. de Robaulx et d'autres orateurs, le département de la guerre, sous le rapport des dépenses, a formé deux grandes divisions : le commissariat général, et l'intendance générale.

L'importance de l'administration de la guerre proprement dite, dans un moment où tous les services étaient à réorganiser, a déterminé à confier cette branche importante à un intendant général, qui en est le seul directeur responsable ; il reçoit du commissaire général de la guerre l'indication des besoins de l'armée pour y satisfaire avec toute la promptitude qu'exigent les circonstances, et là se bornent toutes les relations de service de ces deux fonctionnaires.

En conséquence, il eût peut-être été convenable que l'intendant général fût appelé pour s'expliquer sur les sommes qu'il juge lui devoir être nécessaires dans le premier semestre de l'année ; mais cette idée n'a point été goûtée par la commission d'examen du budget, et je comprends dans ma demande les fonds nécessaires aux deux grandes divisions du département de la guerre.

A ce sujet, je dois ajouter, pour répondre à plusieurs orateurs, que le gouvernement provisoire, ne voulant plus aussi qu'un seul ministre responsable, a ordonné depuis peu de jours de lui présenter un projet de réunion de l'intendance générale au commissariat général.

Lorsque M. le commissaire général me fit la demande d'un budget détaillé, je m'empressai de lui donner connaissance de l'impossibilité où je me trouvais d'y satisfaire. Les motifs, que j'ai eu tout à l'heure l'honneur de vous soumettre, m'empêchèrent même de désigner une somme globale avec la certitude de ne pas la dépasser.

Ne pouvant pas fixer un maximum, je voulus au moins avoir un minimum. J'adoptai donc, pour base de mon calcul, une réorganisation complète le notre état militaire, et un pied de paix, tel (page 178) qu'il doit exister après des événements aussi importants que ceux dont nous sommes les acteurs.

Je demandai dix-sept millions pour l'année 1831. Près des deux tiers de cette somme devant être dépensés dans les six premiers mois, quel ne fut pas mon étonnement quand j'appris que l'on avait trouvé convenable de n'accorder que six millions pour ce laps de temps !

L'exiguïté de cette somme n'était nullement en rapport avec nos besoins ; et d'autre part, que dût penser l'étranger de nos moyens et de nos préparatifs de défense, en voyant le peu de fonds que nous voulions y consacrer ? N'était-il pas à craindre que nos ennemis fussent encouragés à la vue du peu de sacrifices que nous consentions à faire pour armer la patrie, tandis qu'eux-mêmes, sans être désorganisés comme nous, y consacraient à l'instant même des sommes plus que doubles ?

Pour baser le montant des douze millions que je demande aujourd'hui pour les six premiers mois de l'année, j'ai d'abord consulté, pour ce qui regarde l'intendance générale, deux états : l'un contenant le résumé des dépenses du mois de décembre 1830, et un autre présentant les dépenses présumées qui auront lieu en janvier.

L'un et l'autre de ces états s'élèvent séparément à la somme d'un million cinq cent mille florins, et j'ai supposé qu'une égale dépense aurait lieu dans chacun des six premiers mois de l'année, ce qui porterait la dépense, pendant ce laps de temps, à neuf millions. Je puis, messieurs, déposer comme renseignements les pièces que je viens de citer, pour satisfaire MM. les membres du congrès qui voudraient de plus amples détails, qui ne sont pas de nature à être développés dans l'assemblée.

Quant au budget du commissariat général proprement dit, il contient quatre articles : le premier consiste dans l'armement des troupes, le deuxième dans le matériel de l'artillerie, le troisième dans les travaux du génie, et enfin le quatrième dans les dépenses imprévues de l'artillerie et du génie ; le total de ces quatre articles s'élève à trois millions.

Les deux premiers, montant à 1,475,975 florins, se composent d'achats indispensables d'armes et autre matériel, qui se continueront sur de nouveaux frais dans les six derniers mois de l'année.

Quant à l'article relatif aux travaux des fortifications, il s'élève à 1,100,000 florins, et comprend une somme de 577,000 florins, déjà dus aux entrepreneurs pour travaux exécutés avant notre indépendance et que l'on autorisera probablement à payer : c'est une dette dont nous avons recueilli les fruits, puisque les travaux sont sur notre sol.

Le reste de la somme de cet article est relatif à l'achèvement de travaux qui ne pourraient être abandonnés sans perdre la valeur de tout ce qui a déjà était fait.

Enfin l'article des cas imprévus n'est porté qu'à 374,000 florins, somme bien faible quand on considère qu'elle suffit à peine pour mettre en état de siège quelques-unes de nos forteresses, si dans le plus court délai nous n'obtenons pas la certitude d'une paix prochaine.

La somme totale relative au commissariat général s'élève donc à 3,000,000 de florins, ce qui complète la somme des douze que je crois indispensables.

Messieurs, s'il doit être pénible pour les représentants d'un peuple de voter de confiance des sommes aussi considérables, soyez bien convaincus qu'il ne l'est pas moins pour un dépositaire du pouvoir de réclamer cette confiance, peut-être même avant de l'avoir méritée.

Ce n'est pas ma bonne foi, ce ne sont pas mes intentions dont il faut douter ; mais comme moi, messieurs, vous devez vous défier de mes capacités. Placé depuis trois mois dans une situation toute nouvelle, je fais tous mes efforts pour m'élever à sa hauteur, et, dès le jour où je ne pourrais compter sur vos sentiments d'estime, je me sentirais accablé du fardeau qu'elle m'impose.

M. de Robaulx s'est plaint de ce qu'on lui avait refusé des renseignements ; je déclare que mes bureaux sont ouverts à tous les membres du congrès, et que je me ferai un devoir de mettre sous leurs yeux tous les documents qui sont en mon pouvoir. (U. B., 20 et 21 janv.)

M. de Robaulx demande à M. Goblet à quelle somme s'élèvent les redevances pour travaux faits à nos fortifications sous le gouvernement antérieur. (C., 16 janv.)

M. Goblet, commissaire général de la guerre – A cinq cent soixante et dix-sept mille florins. (C., 16 janv.)

M. de Robaulx – Je crois, messieurs, que nous devons accorder les 560,000 florins demandés ; ils sont le résultat d'entreprises faites de bonne foi, et mon avis est que le gouvernement. ayant profité des bénéfices doit supporter les charges ; les contrats sont des lois entre les parties, et il est de stricte justice de nous acquitter envers ses créanciers. (U. B.. 20 janv.}

M. Goblet, commissaire général de la guerre – Le doute sur cette question venait de ce que ces travaux n'étaient pas payés avec les fonds du royaume des Pays-Bas, et nous ne savions par conséquent si ces créances ne devaient pas être (page 179) mises à l'arriéré, sauf liquidation. (U. B., 20 janv.)

M. de Robaulx – Les entrepreneurs ont traité avec le gouvernement belge, sans s'inquiéter de savoir où il prenait les fonds ; nous devons acquitter leurs créances, sauf à faire valoir nos droits contre les autres puissances, si nous en avons. (U. B., 20 janv.)

M. Goblet, commissaire général de la guerre – J'étais bien aise de connaître l'avis du congrès là-dessus. (U. B., 20 janv.)

M. Lardinois se plaint du mode des marchés passés, et dit que ce mode est contraire à l'économie, que rien ne se fait par adjudication, et que toutes les fournitures sont données à des privilégiés. (U. B., 20 janv.)

M. Goblet, commissaire général de la guerre – Je ne peux répondre à ces observations, elles concernent M. l'intendant général. (U. B., 20 janv.)

M. de Robaulx – Tous les marchés sont passés avec des amis et des parents de M. Chazal. (U. B., 20 janv.)

M. Charles Rogier – Ces observations sont d'autant plus déplacées que celui qu'elles concernent n'est pas ici. (U. B., 20 janv.)

- Plusieurs membres – Pourquoi M. Chazal n'est-il pas ici ? (C. 16 janv.)

M. Charles de Brouckere, administrateur général des finances – Je ferai une simple observation : c'est qu'ayant été momentanément gouverneur militaire d'une province, bien loin de trouver de l'empressement chez les fournisseurs, je n'y ai trouvé que de la répugnance ; alors on ne payait pas comptant, mais en mandats à trois mois acceptés par la banque ; et bien loin d'avoir à choisir entre les demandes des fournisseurs, nous étions obligés d'aller les supplier de se rendre adjudicataires. Je ne parle que jusqu'au mois d'octobre : on ne peut pas, du jour au lendemain, changer des marchés passés, et on est bien obligé de s'en tenir à ceux qui ont eu d'abord confiance en nous. (U. B., 20 janv.)

M. Lardinois – Mais maintenant que tout le monde a confiance, il faut mettre en adjudication publique. (U. B., 20 janv.)

- L'article 8 est mis aux voix et adopté. (P. V.)

Articles 9 à 11 (autres départements)

« Art. 9. Au département des finances, trois millions cinq cent mille florins. »

- Adopté. (U. B., 20 janv. et P. V.)


« Art. 10. Au département de la sûreté publique trois cent quarante-trois mille cinq cent quatre-vingt-dix florins. »

- Adopté. (C., 16 janv., et P. V.)


«Art. 11. A la marine, deux cent cinquante mille florins. » (P. V.)

M. Lebeau – Je désire savoir qui prendra la responsabilité de ce crédit. (J. B., 17 janv.)

M. Charles de Brouckere, administrateur général des finances – On ne sait pas encore dans quelles attributions la marine sera placée. (J. B., 17 janv.)

M. le baron Osy – Ne serait-il pas nécessaire de faire avec cette somme des canonnières ? Je propose de joindre provisoirement la marine à la guerre. (J. B., 17 janv.)

- L'article 11 est adopté. (P. V.)

Vote sur l'ensemble du projet

On procède à l'appel nominal sur l'ensemble du décret.

121 membres répondent à l'appel.

114 votent pour.

7 votent contre.

En conséquence le décret est adopté. (P. V.)

Ont voté contre : MM. Jacques, François Lehon, de Robaulx, Van Snick, Masbourg, Le Grelle et de Labeville. (U. B., 16 janv.)

Protocole de Londres du 9 janvier 1831 relatif au blocus de l'Escaut

M. le président annonce que M. Le Hon a des communications à faire comme membre du comité diplomatique. (U. B., 17 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique, monte à la tribune et donne communication d'une note verbale de lord Ponsonby et de M. Bresson, en date du 14 janvier, accompagnant un protocole de la conférence de Londres du 9 janvier, concernant l'intervention des cinq puissances pour l'exécution de l'armistice (Note de bas de page : « Le protocole du 9 janvier, dit M. Nothomb, en établissant une corrélation entre le déblocus de l'Escaut et celui de Maestricht, a créé un principe de réciprocité qui a pris place dons le droit public des deux peuples. Les deux parties essayèrent de ne satisfaire au protocole du 9 janvier que sous des réserves ; mais ces réserves furent rejetées le 27 janvier. ». Essai historique et politique sur la révolution belge, chapitre IV)

(La lecture de ces deux pièces cause la plus vive agitation dans l'assemblée ; tous les membres se précipitent dans l'enceinte.) (U. B.. 20 janv.)

M. Jottrand en demande l'impression et la distribution. (U. B., 20 janv.)

- Elles sont ordonnées. (P. V.)

M. de Robaulx (page 180) dont la voix domine le tumulte, s'écrie – Il est de la dignité du congrès de renvoyer ce protocole ; c'est une intervention. Il n'y a plus de nation, plus d'indépendance ; il ne nous reste qu'à nous retirer chez nous. (Le tumulte est à son comble.) (U. B.,20 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique, qui est demeuré à la tribune, s'efforce vainement de se faire entendre. (U. B., 20 janv.)

M. le président – Messieurs, M. Le Hon demande la parole ; veuillez retourner à vos places. (Les députés ne tiennent pas compte de l'observation de M. le président, et continuent à causer à haute voix au pied de la tribune.) Il n'y a plus moyen de s'entendre ; je déclare la séance levée. (U. B., 20 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Messieurs, j'ai des explications à donner. (Les députés retournent à leur place.) (U. B., 20 janv.)

M. Alexandre Rodenbach – Je forme des vœux pour que la diplomatie ne nous force pas à saupoudrer son encre avec de la poudre à canon. (Rumeur.) (U. B., 20 janv.)

- Un membre demande que la navigation de la Meuse soit déclarée libre comme celle de l'Escaut, et que la garnison de Maestricht n'intercepte plus les communications. (U. B., 20 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique, invite le congrès à peser attentivement le contenu du protocole ; il croit que cette pièce va conduire à un résultat définitif.

Quant à la réponse demandée, si vous sentez qu'il vous faut du temps pour juger cette pièce importante, à plus forte raison en faut-il pour répondre.

L'observation faite pour la navigation de la Meuse trouve sa réponse dans les termes mêmes de l'armistice, qui déclarent que les communications par terre et par mer seront rétablies : la navigation des rivières est comprise dans ces termes généraux. (U. B., 20 janv.)

M. le comte d’Arschot, membre du comité diplomatique – J'ai eu une entrevue aujourd'hui à huit heures avec MM. Bresson et Ponsonby. Il en est résulté qu'il est nécessaire que nous éloignions nos troupes de Maestricht d'une lieue et demie à deux lieues, mais non que nous arrêtions leurs mouvements dans l'intérieur. Comme c'est une question de vie ou de mort pour notre commerce, je propose que l'on décide, par appel nominal, que des ordres seront donnés cette nuit même, à l'armée de la Meuse de se retirer. (J. B., 17 janv.)

M. Charles Rogier – Je ne crois pas que le congrès doive et puisse se constituer juge de ce qu'il faut faire dans cette occasion ; ce serait empiéter sur les attributions du comité diplomatique. Si le congrès n'a pas assez de confiance dans les membres qui composent ce comité, qu'il les renvoie et les remplace ; mais en aucun cas le congrès ne peut être appelé à voter pour ou contre ce protocole.

Je ne veux certes pas défendre cet acte ; mais enfin, quand après quelques mois un peuple révolté, et honorablement révolté, conduit les représentants de ceux qui s'appellent légitimes à traiter avec lui, quand ces puissances légitimes en viennent à dire au roi légitime de ce peuple : Vous traiterez de puissance à puissance avec vos anciens sujets, ou je vous y forcerai par le canon, il faut convenir que la diplomatie de ce peuple n'a pas si mal agi dans ses intérêts. (U. B., 20 janv.)

M. Jottrand – Messieurs, il faut qu'une discussion soit ouverte sur ce protocole, afin que dans cette circonstance importante le congrès fasse connaître son opinion au comité diplomatique ; celui-ci sera libre ensuite d'agir comme bon lui semblera et sous sa responsabilité.

Remarquez une chose, messieurs, c'est que chaque fois que le roi Guillaume se trouve en mauvaise position, la conférence intervient pour se rappeler cet armistice qu'elle avait oublié dans l'intervalle. Alors les amis du roi Guillaume, car il ne faut point nous dissimuler, messieurs, que la Russie, l'Autriche et la Prusse tout au moins sont ses amis, arrivent et nous disent : Vous ferez ceci, vous ferez cela, ou sinon nous vous déclarerons en hostilité vis-à-vis de nous, et nous interviendrons par la force. Sans doute ils menacent en même temps nos adversaires, mais ceux-ci paraissent peu s'inquiéter de ces menaces, qui demeurent toujours sans effet.

La nation belge a été dupe trop longtemps de la mauvaise foi hollandaise ; il faut en finir. Maestricht sera peut-être rendu dans trois jours ; abandonner nos positions dans ce moment serait une véritable duperie. Pourquoi les abandonnerions-nous ? pour obtenir la liberté de l'Escaut ? Jamais nous ne l'aurons du consentement des Hollandais. Allez chez eux, ils vous disent que c'est une question vitale et sur laquelle ils ne céderont point ; consultez l'histoire, et vous verrez les efforts inouïs qu'a faits la Hollande pour tenir l'Escaut fermé ; sacrifices pécuniaires, effronterie diplomatique, mauvaise foi odieuse, les Hollandais ont tout hasardé pour la question de l'Escaut. Lisez au reste un journal fondé par le cabinet (page 181) du roi Guillaume : pour faire connaître sa pensée dans les pays où la langue hollandaise est inconnue, ce journal est rédigé à La Haye par les sycophantes de l'ancien gouvernement ; vous y verrez comment la question de l'ouverture de l'Escaut est comprise par nos ennemis, et si nous avons rien à attendre des vaines promesses dont on nous berce.

Du reste, nous avons donné assez de gages de bonne foi ; que les Hollandais en donnent un à leur tour, qu'ils ouvrent l'Escaut, alors nous débloquerons Maestricht ; mais jusque-là ce serait folie d'abandonner nos avantages. (Des applaudissements nombreux, partis du sein du congrès et des tribunes, accueillent la fin de ce discours.) (U. B.. 20 janv.)

M. Charles Le Hon, M. Van Meenen, M. le comte Duval de Beaulieu et M. Charles Rogier parlent successivement au milieu du bruit, de rumeurs, d'interruptions qui partent de tous les côtés. (U. B., 20 janv.)

M. Lecocq dit que rien n'empêche de s'expliquer en famille. (U. B., 20 janv.)

M. Charles Rogier – Nous avons déjà cherché à nous expliquer en famille, et après trois jours de discussions nous ne sommes arrivés à aucun résultat ; vous allez envahir le pouvoir exécutif : prenez garde d'avoir à vous repentir d'être entrés avec trop d'ardeur dans ces discussions. (Il est impossible de bien saisir les paroles de l'honorable orateur au milieu des murmures qui accueillent son discours.) (U. B.,20 janv.)

- Plusieurs autres membres sont encore entendus. (U. B., 20 janv.)

- On demande une séance pour demain à deux heures. (J. B., 17 janv.)

- Un membre - Des nouvelles arrivées ce soir annoncent que Maestricht est à la veille de se rendre. (J. B., 17 janv.)

- L'assemblée décide qu'elle se réunira demain dimanche, à deux heures, en comité général pour discuter sur les deux pièces communiquées. (P. V.)

Il est minuit ; la séance est levée. (L'assemblée se sépare en tumulte.) (U. B., 20 janv. et P. V.)