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Congrès national de Belgique
Séance du jeudi 3 février 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)

(page 435) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)

Les tribunes sont encombrées de spectateurs. (J. F., 5 fév.)

La séance est ouverte à onze heures. (P. V.)

Lecture du procès-verbal

M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Pièces adressées au Congrès

M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :

Un grand nombre d'habitants de Roulers prient le congrès d'élire Auguste de Beauharnais roi des Belges.


(page 436) Plusieurs habitants de Staden, district de Roulers, prient le congrès de choisir le duc de Nemours pour chef de la Belgique. (J. F., 5 fév. et P. V.)


- Ces pétitions seront déposées au bureau des renseignements. (P. V.)


Proposition ayant pour objet la nomination immédiate du chef de l'Etat

Proposition ayant pour objet d'appeler le duc Auguste de Leuchtenberg au trône de Belgique

Proposition ayant pour objet d’appeler le duc de Nemours au trône de la Belgique

Discussion générale

L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la question du choix du chef de l'Etat. (C., 5 fév.)

M. le président – M. Destriveaux a la parole. (U. B., 5 fév.)

M. Destriveaux – Pensant qu'au point où en est la discussion, la nation a plus besoin d'une prompte décision, d'un vote consciencieux que de longs discours, je renonce à la parole. (U. B., 5 fév.)

M. Trentesaux – Par les motifs énoncés par M. Destriveaux, j'y renonce aussi. (U. B., 5 fév.)

M. Deleeuw – Et moi aussi je sais apprécier le temps ; je n'abuserai pas de vos moments précieux. Un orateur qui m'a précédé à cette tribune a dit que l'Angleterre ne ferait point la guerre pour la seule élection du duc de Nemours ; je ne partage point cette opinion. Je suis, au contraire, convaincu que cette élection amènerait une conflagration générale en Europe, parce qu'elle serait regardée comme un acheminement vers la France... J'avoue cependant que l'élection du duc de Leuchtenberg ne m'inspire pas une entière confiance, mais notre position est telle que nous sommes obligés de choisir entre deux candidats ; mon vote sera pour le duc de Leuchtenberg. (J. F., 5 fév.)

M. d'Omalius écrit qu'il est obligé de s'absenter à cause d'une maladie grave de sa femme : ses regrets seraient beaucoup plus vifs qu'ils ne le sont, de s'absenter dans un pareil moment, si son vote avait pu être de quelque poids ; mais il n'en est pas ainsi, car l'honorable membre se proposait de n'accorder son vote ni au duc de Nemours, ni au duc de Leuchtenberg. (U. B., 5 fév.)

Motion d'ordre visant à obtenir des éclaircissements du comité diplomatique

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire –Voici une motion d'ordre :

« J'ai l'honneur de proposer au congrès national de requérir, en conformité de l'article 12 du règlement, la présence en cette séance, du chef du comité diplomatique, et, au besoin, des autres membres de ce comité, à l'effet de donner au congrès, en acquit de leur devoir et de leur engagement du 26 décembre, les renseignements nécessaires pour éclairer sa détermination sur le choix du chef de l'État, et spécialement à l'effet de s'expliquer sur le point de savoir, en cas d'élection, par le congrès, par S. A. R. le duc de Nemours, comment il leur est prouvé, ou sur quels fondements ils sont convaincus, en l'absence de tout document officiel, et nonobstant les documents officiels contraires,

« 1° Que S. M. le roi des Français acceptera ;

« 2° Que S. M. acceptera comme roi des Français ;

« 3°Que S. M. acceptera immédiatement, ou dans un délai déterminé, en fixant ce délai ;

« 4° Que S. M. acceptera avec l'assentiment des chambres ;

« 5° Que, sur tous les points, le cabinet français est d'intelligence au moins avec le cabinet britannique, et qu'il y a accord possible entre les deux parlements et même entre les deux nations et leurs cabinets.

« A l'effet encore de donner au congrès les explications qui pourraient être jugées nécessaires sur la marche qu'a suivie le document lu à la séance du 29 janvier, ainsi que sur le protocole du 20 janvier, dans ses rapports avec l'élection éventuelle de S. A. R. le duc de Nemours et ses suites.

« VAN MEENEN. » (U. B., 5 fév., et A.)

M. Pirson – Je demande l'ordre du jour. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 5 fév.)

M. le président – M. Van Meenen, qui a la mémoire fort bonne, a dû se rappeler que j'avais cru faire une chose agréable au congrès en invitant messieurs les chefs des administrations générales à assister à la discussion relative au choix du souverain. J'ai eu l'honneur d'en prévenir l'assemblée, le 28 janvier, à l'ouverture de la séance, et, dès ce moment, messieurs les chefs d'administration ont été présents : la première partie de la proposition de M. Van Meenen est donc inutile. Quant aux autres points, ce n'est pas mon affaire. La proposition de M. Van Meenen est-elle appuyée ? (U. B., 5 fév.)

- Quelques membres se lèvent pour l'appuyer. (U. B., 5 fév.)

M. Van Meenen monte à la tribune pour la développer. (U. B., 5 fév.)

M. Devaux – Je ferai remarquer que jusqu'ici, quand un membre de l'assemblée a voulu faire des interpellations au comité diplomatique, on n'a pas eu besoin de faire une proposition pour cela. Si donc M. Van Meenen a quelque interpellation à faire, il le peut sans développer sa proposition, que j'appuie, au surplus, autant qu'il est en moi, d'autant plus qu'il circule le bruit d'une lettre qui aurait été reçue de Paris, et dont il serait à désirer, peut-être, que le congrès connût le contenu. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 5 fév.)

M. Lebeau – Je demande que M. le président du comité diplomatique réponde à la série des questions posées dans la proposition de M. Van Meenen ; je demande, de plus, qu'il soit donné connaissance au congrès de la lettre que le comité diplomatique a reçue de Paris, et qui a été communiquée officieusement à quelques membres de cette assemblée ; je demande encore l'impression de cette lettre. (Non ! non ! Murmures et chuchotements - Les regards de l'assemblée se tournent vers les membres du comité diplomatique.) (U. B., et J. F., 5 fév.)

M. le président – Je vais consulter l'assemblée. (U. B., 5 fév.)

- Une voix – Sur quoi ? (U. B., 5 fév.)

M. le président – Sur la lettre. (U. B., 5 fév.)

M. le comte d’Arschot – Je demande qu'avant tout, la proposition de M. Van Meenen soit mise aux voix. (U. B., 5 fév.)

M. le président – Il ne peut être question de mettre la proposition aux voix. M. Van Meenen interpellera, comme tout membre en a le droit, M. le chef du comité diplomatique ; ainsi la proposition tombe d'elle-même. Il n'est question que de savoir si l'assemblée désire que la lettre soit lue. (U. B., 5 fév.)

M. le comte d’Arschot – Je ne suis pas porteur de la lettre, j'ignore qui l'a en ce moment : du reste, je ne crois pas que le congrès puisse obliger le comité diplomatique à en donner connaissance. (U. B., 5 fév.)

M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – C'est moi qui ai la lettre, et, si le congrès croit convenable que je lui en donne connaissance, je suis prêt. (U. B., 5 fév.)

- Voix nombreuses – Oui ! oui ! (J. F., 5 fév.)

- L'assemblée décide que la lettre sera lue. (U. B., 5 fév.)

M. Van de Weyer, président du comité diplomatique, monte à la tribune. L'honorable membre commence par s'excuser sur ce qu'il y a peut-être de contraire aux convenances dans la communication d'une lettre qui n'a pas un caractère officiel. Si j'ai attendu d'être interpellé à l'égard de cette lettre, dit-il, c'est parce que, quel que soit mon amour pour la publicité, il est certains documents qu'on ne saurait y livrer sans violer les convenances. Si, avec cette conviction, je m'éloigne des usages reçus, je trouverai mon excuse dans la situation du pays et dans le besoin de donner au congrès tous les moyens nécessaires pour l'éclairer dans la grave question sur laquelle il est appelé à prononcer. Je dois dire comment nous sommes en possession de cette lettre. Lorsque nous avons su, par les journaux, qu'il existait un nouveau protocole de la conférence de Londres, en date du 27 du mois de janvier, comme président du comité diplomatique je me rendis auprès de l'envoyé du gouvernement français, pour lui demander s'il avait des nouvelles de Londres, ou s'il avait reçu des ordres de son gouvernement.

Il y eut d'abord tergiversation de sa part ; mais, sur mes pressantes instances, il me communiqua la lettre dont je vais vous donner la lecture. (Profond silence.)

« Paris, le 1er février 1831.

« Monsieur,

« Si, comme je l'espère, vous n'avez pas encore communiqué au gouvernement belge le protocole du 27 du mois de janvier, vous vous opposerez à cette communication, parce que le gouvernement du roi n'a point adhéré à ses dispositions (Note de bas de page : En effet le protocole du 27 janvier n'a été signé par le prince de Talleyrand que ad referendum ; le gouvernement français demanda des explications à la conférence, ces explications furent données et bientôt suivies de la signature définitive du plénipotentiaire français ; la première résolution, c'est-à-dire la signature ad referendum, n'en avait pas moins produit son effet en Belgique : le duc de Nemours avait écarté le duc de Leuchtenberg. Il est vrai que dans l'intervalle un changement ministériel avait porté Casimir Périer aux affaires.) Dans la question des dettes comme dans celle de la fixation de l'étendue et des limites des territoires belge et hollandais, nous avons toujours entendu que le concours et le consentement libres des deux États étaient nécessaires.

« La conférence de Londres est une médiation, et l'intention du gouvernement du roi est qu'elle n'en perde jamais le caractère.

(page 438) « Agréez, monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.

« HORACE SÉBASTIANl. » (Mouvement général de satisfaction.) (U. B., 5 fév. et A. C.)

M. Lebeau – Comme l'interprétation donnée au protocole du 20 janvier, par le cabinet français, est d'accord avec celle que nous lui avions donnée nous-mêmes, et que de l'une et de l'autre il résulte que le protocole n'est qu'un projet de transaction ; que, dès lors que la France prend l'honorable initiative de faire respecter le principe de non-intervention, il est essentiel que ce fait soit constaté : je demande l'impression de cette lettre, afin que le cabinet français, s'il venait à se modifier, ne pût pas refuser de reconnaître que le protocole du 20 janvier n'était autre chose qu'un projet de transaction, et que ce fait, constaté, reste comme un lien qu'il ne puisse briser sans renier ses œuvres. (U. B., 5 fév.)

M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Je n'ai jamais prétendu m'opposer à l'impression ; mais j'ai voulu faire précéder la lecture de la lettre de quelques explications, afin qu'on pût apprécier les motifs qui m'ont déterminé à la lire. (U. B., 5 fév.)

- Plusieurs voix – L'ordre du jour. (U. B., 5. fév.)

M. Jottrand – Je demande la parole. (Murmures d'impatience.) Je ferai observer que quand le protocole du 20 janvier fut lu, la majorité des membres du congrès comprirent la pièce comme M. Sébastiani ; un seul membre la comprit autrement, nous devons remercier le gouvernement français de l'initiative qu'il vient de prendre, et prendre nous-mêmes acte de cette communication sans lui en savoir ni bon, ni mauvais gré. (Violents murmures... L'ordre du jour !... L'impression !) (U. B., 5 fév.)

M. le président – L'impression aura lieu. (U. B., 5 fév. et P. V.)

M. Devaux – Je prie M. le chef du comité diplomatique de nous dire s'il n'a reçu aucune autre communication. Il pourrait en effet avoir reçu telle communication qu'il croirait ne pas se rattacher à la question du chef de l'État, tandis que si nous la connaissions, nous pourrions être d'un avis contraire.

J'adresserai une seconde question à M. le chef du comité diplomatique : je désirerais savoir si le comité a pris des informations pour connaître les suites probables du choix du duc de Nemours ou du duc de Leuchtenberg, ou si le comité s'est abstenu de prendre des informations. (U. B., 5 fév.)

M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – J'ai déclaré hier que je n'avais reçu aucune espèce de communication officielle, à l'exception d'une réclamation d'un simple individu, réclamation datée de Dunkerque et envoyée à Londres, dans laquelle on demande que les officiers prisonniers à Tournay reçoivent un meilleur traitement. Il n'y avait aucune affinité entre cette réclamation et la question du chef de l'État ; je me suis abstenu d'en donner connaissance au congrès.

Quant à la seconde question que m'a adressée l'honorable membre, qui consiste à savoir si, comme membre du comité diplomatique, je me suis rendu chez lord Ponsonby pour demander quel serait le résultat probable du choix du duc de Nemours ou du duc de Leuchtenberg, je crois, messieurs, que lord Ponsonhy n'avait à cet égard aucune espèce de communication officielle à nous faire. S'il en avait eu, il l'aurait faite par écrit. Je dirai cependant que nous avons eu avec lord Ponsonhy des conversations particulières, sans aucun caractère officiel, à tel point que, lui ayant demandé, à propos de certaines réponses, si ces réponses pouvaient être considérées comme officielles, il nous a répondu non (Assez... assez... L'ordre du jour !) (U. B., 5 fév.)

M. Lebeau – Maintenant, messieurs, reste la proposition de l'honorable M. Van Meenen (murmures d'impatience), proposition qui a été appuyée (nouveaux murmures), appuyée, appuyée... (On rit.) (Si M. Van Meenen ne veut pas faire les interpellations contenues dans sa proposition, je déclare que je fais cette proposition mienne, et que j'interrogerai M. le chef du comité diplomatique. (U. B., 5 fév.)

M. le président – Tâchez de vous entendre avec M. Van Meenen. (U. B., 5 fév.)

M. Van Meenen – Je crois que nous pouvons faire des interpellations l'un et l'autre. (Oh ! oh ! Murmures d'impatience. L'ordre du jour ! l'ordre du jour !) (U. B., 5 fév.)

M. Lebeau – Je conçois l'impatience du congrès, elle est très naturelle ; mais ceci est important. Les partisans du duc de Nemours doivent eux-mêmes désirer des explications : peut-être y trouveront-ils le moyen d'assurer quelques voix de plus à leur candidat. (U. B., 5 fév.)

M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Je vais relire les interpellations que (page 439) M. Van Meenen a couchées par écrit dans le silence du cabinet, et j'y répondrai instantanément.

L'honorable membre lit le premier paragraphe de la proposition, et reprend ainsi : J'aurai l'honneur de dire à l'assemblée que, dans le rapport du 26 décembre, je dis « qu'il n'appartenait ni au gouvernement provisoire, ni au comité diplomatique, de prendre l'initiative, quant au choix du roi, mais que ce que l'un et l'autre devaient faire c'était de se mettre à même d'éclairer la détermination du congrès, qui saurait par son choix combiner tout à la fois les intérêts de l'Europe avec les intérêts, la dignité et l'indépendance de la Belgique. »

Quelle fut la conséquence de cette communication ? Vous le savez, messieurs, elle éprouva une vive opposition dans l'assemblée. On dit que le gouvernement ni le comité diplomatique n'avaient le droit de se mêler de cette importante question ; la majorité de cette assemblée parut partager cet avis, en sorte que nos commissaires délégués à Londres reçurent l'ordre positif de ne prendre aucune information à ce sujet. (U. B., sté..)

M. Lebeau – C'est par la communication de pièces officielles que nous avons appris le refus de Louis-Philippe de nous accorder le duc de Nemours. Malgré ces pièces officielles, vous avez déclaré que vous aviez la conviction qu'il accepterait : je demande si c'est sur d'autres pièces officielles que vous fondez votre conviction. (U. B., 5 fév.)

M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – J'ai répondu hier que ma conviction personnelle et intime était puisée non dans des documents officiels, mais dans des documents particuliers provenant de correspondances officieuses et confidentielles que le comité a nécessairement et naturellement avec ses envoyés à l'étranger. Nous avons à cet égard, par exemple, l'opinion de. notre envoyé à Paris, qui pense que le choix du duc de Nemours serait ratifié par le gouvernement français : ainsi tombent les n° 1°, 2°, 3°, 4°et 5° de la proposition de M. Van Meenen. (U. B., 5 fév.)

M. Van Meenen – Je demande que vous fassiez une réponse catégorique à mes questions. Vous n'avez pas de preuve, dites-vous, que le cabinet français agrée la nomination du duc de Nemours ; mais vous en avez la conviction personnelle. Il importe, ce me semble, à ceux qui votent pour le duc de Nemours de faire partager leur conviction à ceux qui se disposent à voter pour le duc de Leuchtenberg : dès lors il importe de dire sur quoi repose votre conviction personnelle. Je demande donc que vous répondiez article par article, sur les résultats probables du choix du duc de Nemours, que vous nous disiez ce que vous en croyez, et quelles sont vos raisons de penser ainsi. L'assemblée est trop pénétrée de la gravité de ces questions et de l'immense intérêt qui s'y rattache, pour ne pas désirer connaître votre réponse. (U. B., 5 fév.)

M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Il résulte de la question de l'honorable préopinant qu'il faudrait que chaque membre du comité diplomatique refît un discours ; car, c'est dans nos discours que vous trouverez l'exposé des éléments de notre conviction. Le congrès demande-t-il que nous communiquions toutes les lettres que nous avons reçues, soit comme membres du comité diplomatique, soit comme particuliers ? (Voix nombreuses : Non ! non !) Alors je répète que c'est dans ces éléments que nous avons puisé la conviction qui s'est réfléchie dans nos discours. (L'ordre du jour ! l'ordre du jour !)

Maintenant voulez-vous encore que je réponde à vos questions ? Je vais le faire. Vous demandez 1° Si S. M. le roi des Français acceptera ? J'ai déjà répondu que je le croyais. 2° S'il acceptera comme roi des Français ? Je ne sais pas en quelle qualité il accepterait, s'il n'acceptait pas en cette qualité. (On rit.) 3° S'il accepterait immédiatement ou dans un délai déterminé ? Je vous répondrai que personne de nous n'a le droit de constituer le roi des Français en demeure. (On rit plus fort.) 4° S'il acceptera avec l'assentiment des chambres ? Je répondrai que nous voulons qu'on mette en pratique, à notre égard, le principe de non-intervention ; qu'il faut par conséquent nous abstenir d'intervenir dans les affaires des autres. Ce serait nous en écarter que d'aller dire au Roi des Français : Site, accepterez-vous avec l'assentiment des chambres ? car S. M. pourrait nous répondre : Messieurs, cela ne vous regarde pas.

Quant au n°5, l'honorable membre dit que Louis-Philippe nous eût adressé une réponse semblable à la précédente, si nous nous étions avisés de lui adresser la question de M. Van Meenen.

Il est probable cependant, ajoute l'orateur, que les deux cabinets, français et anglais, sont d'accord, parce qu'ils ont les mêmes intérêts.

Pour ce qui regarde le mode de communication de la lettre du 26 janvier, écrite par M. Sébastiani, étant absent ce jour-là, je ne puis donner à M. Van Meenen l'explication qu’il demande. (U. B. et C., 5 fév.)

(page 440)- De toutes parts – L'ordre du jour ! l'ordre du jour ! (U. B., 5 fév.)

M. Van Meenen et M. Jottrand disent encore quelques mots sur le mode de communication de la lettre de M. Sébastiani, dans la séance du 29 janvier. (J. F., 5 fév.)

M. le comte d’Arschot, membre du comité diplomatique – M. de Lawœstine a remis cette lettre au comité diplomatique, qui l'a communiquée au congrès. (C., 5 fév.)

M. le président dit que c'est à lui à répondre ; il explique comment cette pièce a été communiquée, ainsi que le protocole. Si j'ai mal fait, dit-il, blâmez-moi... (Non !non !) Si j'ai bien fait, votre approbation me suffit. (J. F., 5 fév.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Messieurs, quand des questions sont faites à un comité collectivement, on doit s'attendre à la réponse. Je suis membre du comité diplomatique : on a demandé si le comité avait pris des informations sur le résultat probable du choix du duc de Leuchtenberg, ou du duc de Nemours ; voici pour ma part ce que j'ai à répondre. J'ai eu une conversation avec M. le commissaire du gouvernement français, et je tiens de M. Bresson, avec l'autorisation formelle de sa part de le répéter à la tribune, que lundi soir, à dix heures, lord Ponsonby lui a nié formellement avoir dit à qui que ce fût que, si le duc de Nemours était élu, il quitterait à l'instant la Belgique.

Je suis autorisé à dire que, le même jour, lord Ponsonby a nié qu'il aurait dit à qui que ce fût que, si le duc de Leuchtenberg était élu, il serait reconnu par l'Angleterre. Voilà les réponses que j'ai reçues et que je n'ai voulu recevoir que comme officielles. Maintenant je suis de ceux qui sont convaincus que, si le duc de Nemours est nommé, il acceptera la couronne. M. Van Meenen a dit que ceux qui ont cette conviction devraient en faire partager les motifs aux membres qui le voudront ; mais ce n'est pas à la tribune que je puis le faire, c'est dans une conversation intime et dans les épanchements de la confiance. (L'ordre du jour ! l'ordre du jour !) (U. B., 5 fév.)

Discussion générale

M. le président – La discussion est reprise ; M. Pirson a la parole. (U. B., 5 fév.)

M. Pirson – J’y renonce pour ne pas retarder la décision. (U. B., 5 fév.)

- M. de Gerlache, appelé à la tribune, est absent. (J. F., 5 fév.)

M. le baron de Liedel de Well croit que le choix du duc de Nemours ou du duc de Leuchtenberg causerait la perte du grand-duché de Luxembourg ; il ne donnera son suffrage ni à l'un, ni à l'autre. (J. F., 3 fév.)

M. le comte d’Ansembourg – Messieurs, ma patrie est mon idole ; assurer son bonheur, son indépendance, sa prospérité, est l'objet de tous mes vœux comme de tous mes efforts. Pénétré de ces sentiments, pénétré de l'immense responsabilité qui pèse en ce moment sur les représentants de la nation, j'éprouve le besoin de faire connaître à mes concitoyens les motifs du vote que j'ai à émettre dans cette grave circonstance, vote que je ne prononcerai qu'en tremblant, incertain que je suis qu'il pourra contribuer à consolider le bonheur de ma chère patrie.

Voulant avant tout l'indépendance de mon pays, sans laquelle il ne peut espérer de bonheur ; voulant être et rester Belge, je déclare ici formellement que je repousse toute réunion à la France, comme à toute autre nation ; je ne veux être ni département français, ni province prussienne, encore moins avoir à gémir de nouveau sous le régime hollandais. Voilà, messieurs, toute ma pensée ; j'aime à vous la faire connaître.

Pour me décider sur le meilleur moyen à choisir pour atteindre ce but désiré, nous devons, ce me semble, examiner notre position.

Petit État au centre de la famille européenne, faible roseau au milieu des tempêtes politiques, je me dis que quatre millions d'hommes entourés de nations puissantes et belliqueuses ne peuvent rester isolés, et que, s'ils ne veulent tôt ou tard devenir la proie de l'une ou l'autre d'elles, ils ont besoin de se choisir un appui, de se chercher des amis, je dirai plus des protecteurs, et des protecteurs imposants. Tout leur en fait la loi ; le sentiment de leur existence et de leur conservation, les besoins de leur commerce et de leur industrie, leurs intérêts matériels.

Cette première considération m'engage à porter les yeux autour de moi pour y trouver ces protecteurs : je ne les vois ni dans l'Autriche ni dans la Russie, elles sont trop éloignées ; je ne les rencontre pas davantage dans la Prusse, ces trois puissances ne peuvent être amies d'un peuple qui vient de s'émanciper. L'Angleterre, toujours ennemie de la prospérité des autres nations, toujours jalouse de leur commerce, ne me présente pas plus de garantie ; force m'est de jeter mes regards vers la France.

La France, alliée naturelle de la Belgique, est identifiée avec elle par la même révolution. La (page 441) France nous a toujours protégés ; elle seule s'est opposée à toute intervention contre nous ; sans elle, la Sainte-Alliance, nous traitant en rebelles, nous aurait depuis longtemps refoulés sous le joug de nos oppresseurs. La France enfin est aujourd'hui notre seul appui, la seule ancre de salut à laquelle nous puissions nous attacher.

Fixé sur le choix du protecteur que j'estime pouvoir donner à mon pays, et qui est, ce me semble, le seul qui puisse mériter ce nom, je pense que pour être en droit de me prévaloir de sa protection, je ne puis rien me permettre qui puisse lui déplaire ; et cette marque de déférence, toute dans mon intérêt, n'a rien d'avilissant pour moi, elle est dans l'ordre des choses.

Consultée sur la nomination du duc de Leuchtenberg au trône de la Belgique, la France répond sans détour que ce choix fait par le congrès national serait regardé comme un acte d'hostilité envers elle, et ordonne en ce cas à son envoyé de quitter immédiatement Bruxelles. C'est là du positif, ce n'est plus de la diplomatie. J'en conclus que je ne puis accorder ma voix au duc de Leuchtenberg, sans renoncer à toute protection, à toute alliance de la France.

La France a appelé une nouvelle dynastie pour régner sur elle. Tout ce qui se rattache aux anciennes familles qui ont occupé son trône doit naturellement lui porter ombrage, et les partisans de la candidature du duc de Leuchtenberg ont tellement senti la force de cette objection, qu'en le présentant, ils ont en même temps proposé une loi qui interdirait à ces familles l'entrée du sol de la Belgique. Je regrette, je l'avoue, de voir figurer dans cette exclusion le prince de Leuchtenberg que d'illustres souvenirs auraient précédés en Belgique, mais tout sentiment particulier de bienveillance nous est interdit ; nous sommes Belges avant tout, la patrie seule à droit d'arrêter nos regards.

Mais, me dira-t-on, le roi des Français nous a refusé le duc de Nemours. A la vérité, messieurs, il semble que ce refus était, un moment dans la pensée du roi Louis-Philippe, et que la crainte qu'une guerre prochaine pût suivre la nomination du duc de Nemours l'engageait alors à faire ce sacrifice à la tranquillité de l'Europe, à la volonté ferme qui l'animait de conserver cette paix si nécessaire au monde, si désirée par tous les peuples ; mais comme aujourd'hui des renseignements plus positifs nous garantissent l'acceptation du duc de Nemours, ne sommes-nous pas autorisés à en conclure que le roi des Français est parvenu, par ses relations avec les autres puissances, à éloigner toute possibilité de guerre, ou au moins, s'il ne l'avait pas écartée entièrement, qu'il a la certitude que ses forces sont aujourd'hui suffisantes pour soutenir avec avantage la lutte qui pourrait s'engager, et pour maintenir sur le trône de la Belgique le prince son fils qu'il aurait consenti à y voir monter.

La nomination du duc de Nemours n'est qu'une réunion déguisée à la France, nous a-t-on objecté. Messieurs, c'est précisément là que nous différons d'avis avec les honorables membres qui professent cette opinion. Moi, je crois que la nomination du duc de Nemours est le seul, est l'unique moyen d'empêcher à jamais notre réunion à la France, et c'est ce qui m'engage à l'adopter. La France ne vient-elle pas d'ailleurs de s'interdire encore toute possibilité d'agrandissement par la signature du protocole du 20 janvier.

Si la France voulait impérieusement notre réunion, croyez-vous, messieurs, qu'elle eût besoin de déguiser sa pensée ? Qu'aurions-nous à opposer aux cinq cent mille baïonnettes avec lesquelles elle appuierait sa prétention ? Si nous ne pouvons opposer des forces matérielles, désireux que nous sommes de conserver et notre indépendance et notre nationalité, premier objet de nos vœux, ne devons-nous pas recourir aux forces morales, les seules dont nous puissions nous prévaloir, les seules qui en ce moment se trouvent encore dans notre domaine ? Posons une digue à l'envahissement de la France, mais qu'elle soit gardée, défendue par l'honneur. Mettons la France dans l'impossibilité de réunir nos belles provinces à son territoire sans être parjure aux yeux de l'univers, sans forfaire à l'honneur. Constituons notre royaume, plaçons le fils du roi des Français sur le trône des Belges, et confions-en la garde à la France elle-même. L'honneur, messieurs, a toujours été cher à la France, il est dans le cœur des Français. Il y a de l'écho en France quand on prononce à la tribune des mots d'honneur et de patrie, disait naguère un illustre général.

Confions-nous donc à la grandeur d'âme, à la loyauté, à la bonne foi du roi-citoyen ; ses nobles sentiments ne sont pas un problème ; après nous avoir donné son fils, qui ne régnera sur nous qu'après avoir juré la constitution que nous avons faite, et qui cesserait de régner à l'instant s'il y portait atteinte, il en sera le premier défenseur, et certes son appui en vaut bien d'autres. Nous serons les premiers alliés de la France, mais jamais, jamais ses sujets.

En ce moment encore il nous appartient de fixer les conditions de cette alliance, hâtons-nous d'en profiter, ne la laissons pas échapper. Plus (page 442) tard, et si par notre imprudence, nous venions donner à la France le moindre sujet de mécontentement ou d'inquiétude (et je regarde comme telle la nomination du duc de Leuchtenberg), nous la verrions à l'instant franchir nos frontières, et venir nous dicter des lois. C'est alors, et seulement alors, que, subissant le sort des vaincus, nous deviendrions département français.

Les amis de la religion voient dans la nomination du duc de Nemours la réunion à la France, et craignant pour les libertés religieuses que la charte française ne consacre peut-être pas par des dispositions aussi larges, aussi libérales que notre constitution, ils croient, en donnant leur suffrage au duc de Leuchtenberg, éloigner cette réunion. Je crains bien qu'ils ne se trompent, et les engage à y réfléchir mûrement.

Je suis aussi ami de la religion, et je me fais gloire de l'être. Je désire que mes honorables collègues en soient convaincus ; comme eux je repousse toute réunion à la France ; comme eux je veux notre indépendance et notre nationalité ; mais descendant au fond de ma conscience, fort de la conviction la plus intime, persuadé que nous ne pouvons obtenir l'une et l'autre sans la nomination du duc de Nemours, mon vote sera pour ce prince ; puisse-t-il contribuer au salut de ma patrie. (C., supp., 5 fév.)

M. de Gerlache – Messieurs, j'ai peu de chose à ajouter à une discussion qui dure depuis sept jours entiers, et dont le pays attend l'événement avec la plus vive impatience. Je suis trop affecté d'ailleurs du sort incertain qui nous menace pour pouvoir faire un long discours. Je me contenterai donc de résumer brièvement quelques points importants du plus grand et du plus étonnant débat que jamais assemblée nationale ait eu à vider, et je tâcherai de ne pas répéter fastidieusement ce que vous savez mieux que moi.

Ni l'un ni l'autre des candidats présentes ne me satisfait complètement, je l'avoue ; mais comme toutes les chances se réunissent maintenant sur eux seuls, que les partisans exclusifs de l'un d'eux marchent serrés et ne jettent point leurs voix, et que ne pas soutenir l'un, sous prétexte qu'il ne convient guère, c'est assurer le triomphe de l'autre, j'ai cru qu'il fallait prendre un parti, et je m'y suis résolu. L'élection du duc de Nemours, messieurs, c'est la réunion à la France, on n'en peut douter ; c'est ainsi que l'entendent tout simplement la plupart des journaux français et des orateurs de la chambre des députés. Je ne veux pas dire que pendant une ou deux années, peut-être, si la politique l'exige, vous n'aurez pas ici un enfant royal de France, une régence française et une petite cour française ; mais la réunion ne peut tarder. Le gouvernement français qui a toujours la manie de centraliser, ne vous laissera pas tranquillement jouir d'une constitution que vous vous serez faite, d'une constitution trop libérale et dont le parallèle serait trop défavorable à celle de Louis-Philippe ; et les intérêts matériels, au nom desquels on crie si haut maintenant, ne vous laisseront pas de repos que cette réunion ne soit opérée. Mais on suppose que la résistance pourra venir de la part du gouvernement français lui-même. Un de mes honorables collègues, que je ne nommerai point, mais qui est maintenant chef du comité des finances (on rit), vous a dit : « La France ne veut pas de réunion, et les motifs en sont faciles à concevoir, c'est que la France, messieurs, au lieu de gagner à la réunion, y perdrait ; la réunion porterait un coup mortel à ses fabriques de draps et à ses forges : oui, je n'hésite pas à le dire, la suppression de toutes les barrières est impossible. » Je conçois fort bien que la réunion pourrait nuire à certains fabricants et à certains maîtres de forges français, et qu'on prenne à cause d'eux quelques mesures de transition pour prévenir le brusque déplacement des fortunes ; mais la réunion ne nuirait pas à la France, du moment que la Belgique elle-même serait devenue française. Car alors qu'importerait à la France que Verviers, par exemple, s'enrichît aux dépens de Louviers ? cela ne lui ferait pas plus de tort que si Louviers faisait crouler Sedan ou Elbeuf.

Si nous voulons être stigmatisés aux yeux de l'Europe entière, réunissons-nous à la France. Quoi ! vous avez secoué le joug de la Hollande, parce qu'elle voulait vous imposer sa langue, ses usages, sa religion, ses hommes ; parce qu'elle voulait détruire votre nationalité, et vous allez vous confondre avec un peuple qui vous engloutira tout entiers ! Vous avez lutté pour la liberté religieuse et pour celle de l'instruction, et vous vous réuniriez à un peuple chez lequel elles semblent proscrites par privilège entre toutes les libertés ! Faudra-t-il recommencer contre MM. Barthe et Dupin les longs combats soutenus contre MM. Goubau , Van Gheert et consorts ? Espérez-vous que les orateurs que vous enverrez à la chambre de France seront plus heureux que Benjamin Constant, qui est mort de chagrin de n'avoir pas été compris ? Vous ne vouliez pas être gouvernés à la hollandaise et par les Hollandais, et vous allez l'être à la française et par des Français. A vez-vous oublié que tout en vous apportant (page 443) la conscription et les droits réunis, ils versaient encore sur vous l'écume de leur population pour occuper vos emplois ? Certes la France est une grande et admirable nation ; son génie perfectionne et popularise tout ce qu'elle emprunte aux autres nations ; elle est à la tête de la civilisation européenne ; mais peut-on oublier que la légèreté de ses mœurs, et son superbe dédain pour tout ce qui n'est pas elle, ont plus servi peut-être à soulever les peuples contre elle, que le despotisme même de Napoléon ? Vous venez d'élaborer péniblement une constitution ; vous y avez décrété le droit d'association que les Français repoussent ; vous avez perfectionné votre régime municipal et provincial, que les Français (si j'en juge par le projet qui va se discuter aux chambres) ne comprennent point encore ; et vous allez compromettre toutes ces institutions, vous abandonnerez le fruit de ces travaux pour lesquels vous êtes assemblés depuis trois mois, parce qu'on s'ennuie du provisoire et qu'on veut en sortir à tout prix ! Se réunir à la France, soit directement, soit par personne interposée, c'est une action pire à mes yeux que de rentrer sous le joug de Guillaume. (Murmures.) Quatre millions de Belges devaient toujours finir à la longue par l'emporter sur deux millions de Hollandais ; mais une fois confondus avec trente-deux millions de Français, leurs plus justes plaintes seront facilement étouffées. Au profit de qui s'est faite, je vous prie, cette révolution à laquelle on veut vous associer en vous faisant renier la vôtre ? Au profit de la liberté ? Je l'ignore ; mais ce que je sais, c'est que personne n'est content. Le crédit est ébranlé, l'industrie arrêtée dans son essor, le commerce nul, l'inquiétude générale, et l'autorité incertaine. Vous savez la lutte qui existe entre les hommes du mouvement et les hommes de la résistance. Les premiers veulent pousser à leurs dernières conséquences les principes de la révolution ; leurs adversaires les accusent de tendre, sous prétexte de défendre les droits du peuple, à la république ou bien à l'anarchie, pour se rendre redoutables et nécessaires au pouvoir. Les hommes de la résistance cherchent au contraire à concilier autant que possible les principes de la révolution avec ceux du régime de Charles X. Les autres leur reprochent à leur tour de n'avoir su faire qu'une révolution de places, en faveur de quelques journalistes et de quelques avocats. Chez nous du moins, grâce à l'union qui a existé, et qui, je l'espère, existera toujours, un véritable régime de tolérance et de liberté a remplacé l'intolérance systématique de l'ancien gouvernement ; en France, je ne vois jusqu'à présent que des intérêts et des préjugés aux prises ; le sort de la liberté peut être compromis, parce qu'on commence à la trouver trop chère, et la lutte doit provoquer encore des révolutions nouvelles.

Messieurs, chacun vous a fait de la diplomatie à sa manière ; chacun a crayonné ses plans de campagne, et pour le cas où on élirait Nemours, et pour le cas où on élirait Leuchtenberg. Je ne veux pas revenir sur tout ce qui a été dit. Je me suis expliqué assez longuement moi-même à cet égard dans un précédent discours. Je me contenterai de proclamer de nouveau que la réunion de la Belgique à la France, c'est la guerre générale, immédiate, si la France accepte ; et la guerre civile dans notre pays, si elle hésite, si elle nous traîne, comme j' ai lieu de le soupçonner. Rappelez-vous encore une fois les paroles, que je vous ai déjà citées, de M. Sébastiani à M. Firmin Rogier : « Nous avons demandé (dit M. Firmin Rogier), ce que le ministère ferait si la Belgique venait elle-même s'offrir à la France, ou lui demander un prince ? - Le roi Louis-Philippe refuserait la Belgique, nous a répondu le ministre, et vous refuserait également un de ses fils pour vous gouverner. Le roi ne veut pas la guerre, et vous ne devez pas la vouloir non plus. L'Angleterre, toute l'Europe recommencerait cette guerre, si vous étiez réunis à la France ». (Note de bas de page : Cet extrait de la lettre de M. Firmin Rogier a été emprunté par l'orateur au Courrier des Pays-Bas ; il diffère du texte officiel qui n'a point été communiqué aux journaux ; nous avons donné ce texte à la page 62. Voici les propres termes du passage cité par l'honorable membre : « Si le parti qui se déclare pour la réunion venait à l'emporter, le gouvernement français persisterait-il à nous dire non et à ne pas vouloir de nous ? - Monsieur, reprit le ministre, cette réunion. que peut-être nous désirons autant que les Belges, est cependant impossible ; elle amènerait nécessairement une guerre générale ; jamais l'Angleterre n'y consentirait ; cette guerre qu'il nous faudrait soutenir ravagerait vos belles contrées et chez nous remettrait en question tout ce que nous avons conquis par notre dernière révolution. Il y faut renoncer. Si la Belgique venait s'offrir à nous, ou nous demander un de nos princes pour roi, quelque douloureux qu'il fût pour nous de prononcer un refus, il le serait pourtant. Rien ne peut faire départir te gouvernement de cette résolution. »)

Personne ne doute aujourd'hui que M. Firmin Rogier n’ait été narrateur très fidèle en rapportant ce que lui avait répondu M. Sébastiani ; personne ne doute que ce qu'a dit ce dernier des dispositions du gouvernement français et de la répugnance que lui inspirait une guerre où l'Angleterre et toute l'Europe prendraient part, ne fût (page 444) parfaitement vrai. Comment a-t-il varié depuis ? Pourquoi ces lettres semi-diplomatiques où l'on vous souffle tout bas à l'oreille : Prenez Nemours, et tout ira bien ! Il y en a, je crois, plusieurs raisons plausibles. Quelques-uns de ces hommes du mouvement et qui veulent la guerre, ont dit au ministère français : « Vous avez déclaré aux envoyés belges que le roi, comme père, avait le droit de leur refuser son fils, et qu'il le leur refuserait ; mais la question n'est point là ; il s'agit d'une nation qui, entraînée vers nous par une sympathie naturelle et irrésistible, veut se réunir à la France ; et vous, M. le ministre, vous n'avez pas plus le droit de la refuser que de l'accepter : le cas n'est point prévu par la charte ; il vous faut une loi : Le roi usera, s'il le veut, de son initiative ou de son veto ; mais à nous aussi appartient l'initiative... » Et alors M. le ministre, réfléchissant que sa politique prudente et méticuleuse pourrait bien lui faire perdre sa popularité et son portefeuille ; voyant les affaires se compliquer à l'étranger ; des troubles éclater en Irlande et en Pologne, capables peut-être de rendre plus traitables l'Angleterre et la Russie ; considérant enfin que dans l'état d'exaspération où se trouvent les esprits, une guerre pourrait rallier les partis et raffermir le trône encore chancelant de Louis-Philippe, si elle se faisait avec quelque apparence de justice et de succès ; le ministre, dis-je, aura tout à coup oublié et les vieilles menaces de la diplomatie, et ses propres résolutions, qui lui faisaient envisager premièrement avec effroi une guerre générale au sujet de la Belgique. La France n'acceptera point d'abord, parce qu'il existe des traités qu'elle a signés, et en vertu desquels, dit-on, les cinq grandes puissances se sont mutuellement exclues, et qu'il ne faut pas avoir l'air de violer ouvertement les traités ; mais on consultera ; puis on évitera de répondre catégoriquement ; puis on s'efforcera de prouver aux autres puissances qu'accepter le don d'une nation qui s'offre spontanément à vous, ce n'est pas la conquérir ; qu'un peuple a le droit de passer sous le gouvernement qui régit déjà un autre peuple, tout comme il aurait le droit de se donner un gouvernement de sa façon, s'il le jugeait convenable. Si les autres puissances ne goûtent pas ces raisonnements, on fera la guerre, si l'on se croit assez fort ; sinon, on refusera la Belgique ! Et dans ce cas encore, on se fera du moins une belle réputation de modération et d'amour de la paix à nos dépens. On a parlé de la France à notre égard et de l'appui qu'elle avait prêté à notre révolution. Messieurs, j'aime beaucoup les beaux sentiments dans les relations ordinaires de la vie ; mais permettez-moi de le dire, la politique n'est rien autre chose que la science des intérêts. Et soyez certains qu'en définitive, la règle de conduite de la France à votre égard, soit qu'elle se montre d'abord ou contente ou fâchée du choix que vous allez faire, sera celle de ses intérêts.

En résumé. Les raisons contre le duc de Nemours me paraissent fortes, décisives et irrésistibles : perte de nos institutions, de notre indépendance, de notre nationalité ; guerre générale, immédiate et infaillible. Mais qui faut-il élire ? Le duc de Leuchtenberg ? Oui, messieurs, puisqu'il est devenu l'homme nécessaire pour écarter le duc de Nemours. Le duc de Leuchtenberg n'est pas, comme vous le savez, le candidat des cinq puissances, et nous avons besoin, dit-on, de ne pas nous brouiller avec l'Europe. Je ne crois pas non plus qu'avec lui tous nos maux soient effacés ; qu'il rende à l'instant même de la vie à notre commerce, de la force à nos lois, la paix et le bonheur à la nation tout entière. Mais il ne faut pas vouloir l'impossible, et entre les inconvénients dans une position difficile, il faut savoir choisir les moindres ; je suis loin d'approuver en tout le protocole du 20 janvier : toutefois il me semble qu'il a été jugé avec une sévérité trop grande par cette auguste assemblée. Je désire vivement que nous possédions le Limbourg, et je suis d'avis qu'on réclame jusqu'à ce qu'on ait obtenu satisfaction. Mais les cinq puissances doivent décider entre les Belges et les Hollandais, et comme il arrive ordinairement à ceux qui jugent entre plaideurs, ils ont mécontenté l'une et l'autre partie. Il y a cependant quelques points qui sont à notre avantage :

1° On nous maintient en possession du pays de Liége, qui ne faisait pas autrefois partie de la Belgique proprement dite.

2° On nous assure la libre navigation des fleuves qui traversent soit la Belgique, soit la Hollande ; c'est en vertu de cette disposition que le roi Guillaume a déjà été forcé de rouvrir l'Escaut.

3° Enfin, pour consolider la paix générale, on déclare que la Belgique formera un État perpétuellement neutre. Il me semble que si ces clauses étaient fidèlement exécutées, le sort de notre patrie pourrait encore devenir prospère. Sous le régime autrichien, dont beaucoup de gens parlent aujourd'hui avec tant de regrets, lorsque nous ne possédions ni la riche province de Liége, ni la liberté de l'Escaut, l'industrie était loin d'avoir autant de ressources, et le commerce autant de débouchés qu'on leur en promet maintenant.

(page 445) Mais, messieurs, que ceux qui veulent nous réunir à la France, et qui pensent que cette fusion peut se faire sans allumer la guerre générale, veuillent bien peser un peu les termes de la pièce que je viens de citer. Il y est dit que le protocole du 20 décembre (dont celui du 20 janvier n'est que la conséquence) a pour objet d'assurer l'indépendance future de la Belgique, et d'affermir ainsi la paix générale, dont le maintien constitue le premier intérêt, comme il forme le premier vœu des puissances réunies. Or, nommer le duc de Nemours, vous mettre sous le protectorat immédiat de la France, en attendant la réunion complète, et soutenir que ce n'est point là rompre avec toutes les puissances ; que ce n'est pas lacérer tous les protocoles du monde, et ceux que la France elle-même a signés, il me semble que c'est par trop fort ! Alors il est inutile de protester comme vous venez de le faire, contre le protocole du 20 janvier ; il faut se préparer à la guerre contre les autres puissances, d'accord avec la France, pour se sauver ou se perdre avec celle-ci. Quoi ! les puissances veulent que vous soyez neutres et indépendants ; et vous allez vous jeter dans la dépendance de l'une d'elles ? Quoi ! vous avez déclaré votre indépendance sur la motion de l'honorable M. de Celles, qui s'est écrié avec tant d'éloquence, vous vous en souvenez, qu'il était Belge, Belge avant tout ! vous l'avez applaudi avec transport, et vous voudriez abjurer aujourd'hui et votre titre de Belge, et votre mandat de député ! Vous ne l'ignorez pas, c'est la première lettre de la diplomatie, que jamais la Belgique ne peut appartenir à la France, parce qu'alors celle-ci ne saurait plus où s'arrêter ; que si Dieu même jugeait à propos de susciter quelque autre Napoléon, pour faire triompher de nouveau le despotisme sur la liberté, la main puissante du guerrier ne pourrait enchaîner la Belgique à la France, à moins de mettre encore une fois l'Europe à ses pieds !

Avec le duc de Leuchtenberg, la guerre générale est encore possible, je l'avoue, parce que les causes générales en préexistent partout. Mais du moins on ne pourra nous imputer de l'avoir provoquée, même indirectement. Mais personne ne nous fera la guerre pour avoir élu le duc de Leuchtenberg. La France, qui lui est si contraire en apparence, n'oserait renier le double principe de sa propre existence : celui de la non-intervention, et le droit de chaque peuple de choisir son souverain. Nous aurons pour nous et le droit des gens et la foi des traités. Si la neutralité que nous promettent les puissances est quelque chose, en cas de guerre non provoquée de notre part, elle sera respectée après, comme avant. Que si, au lieu de chercher notre force dans notre neutralité et dans la rivalité des puissances, comme nous l'enseigne une politique sage, nous faisons cause commune avec la France, nous courons toutes les chances d'une guerre générale avec elle ; en cas de défaite, nous retombons inévitablement sous le joug de la Hollande : tels seront le prix et la conclusion de tous nos efforts !

On a dit que le duc de Leuchtenberg refuserait la couronne. Je crois, moi, qu'il tiendra la parole qu'il a donnée, et qu'il pensera que l'honneur lui en fait un devoir. Mais, s'il refusait, messieurs, les raisons qui me déterminent à voter contre le duc de Nemours n'en subsisteraient pas moins. Je ne veux pas plus de la France que de la Hollande, et pour bonnes raisons. Si les puissances s'entendent à Londres pour que nous n'ayons pas de souverain de notre choix, la France est aussi coupable qu'elles, puisqu'elle a concouru à tous leurs actes. On a été jusqu'à dire que voter pour le duc de Leuchtenberg, c'était exposer le pays à des guerres étrangères, ou à des troubles intérieurs, et faciliter ainsi la rentrée du prince d'Orange. Messieurs, la haine est bien mauvaise conseillère ! Quoi ! on veut que volontairement, de gaieté de cœur et par crainte d'un homme, j'aille perdre le pays lui-même, le pays entier !

Je finis. L'adjonction de la Belgique à la France, c'est la révolution faisant le tour du monde ; c'est la guerre à mort entre la souveraineté du peuple et la souveraineté des rois. En ma qualité de député chargé de représenter mon pays, de défendre ses intérêts et sa gloire, je ne crois point avoir de mandat pour commettre un véritable suicide politique, en aliénant la souveraineté du peuple français. Souvenons-nous, messieurs, que depuis trois mois nous avons voté deux fois notre indépendance : quoi ! je condamnerais volontairement cette élégante et jeune capitale de Bruxelles, tout récemment illustrée par une héroïque résistance, par l'affranchissement de la Belgique, par le sang de ses ennemis, de ses enfants, à redevenir ce qu'elle était sous le régime français, un chef-lieu de département ! Quelle satire plus amère nos ennemis eux-mêmes pourraient-ils faire de notre révolution ? Aucun de ceux qui y ont contribué, je l'espère, ne voudra renoncer tout à coup à la portion de gloire qu'il s'est acquise, en la faisant honteusement avorter en nous donnant à la France ! Voulez-vous, leur dirai-je, que cette glorieuse révolution que vous avez faite avec tant d'éclat, et que vous ne savez pas défendre, ait le sort de ce grand fleuve qui va s'abîmer dans les sables et (page 446) qui y perd jusqu'à son nom ? Je voterai pour le duc de Leuchtenberg. (C., supp., 5 fév.)

M. Forgeur – Messieurs, appelé à émettre un vote dans une question d'une si haute importance, j'avais cru devoir déposer dans un discours écrit la conviction dont mon âme est saisie, et réunir toutes le preuves qui me font regarder comme nécessaire l'élection du duc de Nemours. Mais, l'impatience bien naturelle de l'assemblée et du pays m'interdisant de prononcer ce discours, j'en fais volontiers le sacrifice ; d'honorables collègues, MM. de Brouckere et Le Hon, ont d'ailleurs présenté avec un talent supérieur tous les arguments à l'appui de cette élection, et ne m'ont laissé rien à dire. Je crois cependant devoir en peu de mots réfuter l'opinion émise à la tribune par l'honorable préopinant, et je ne crois pas être obligé de faire de grands efforts pour relever les contradictions dont elle fourmille. Je me flatte de prouver que les trois quarts, au moins, du discours se composent d'opinions complètement fausses. C'est que, quand on veut soutenir et faire prévaloir une opinion erronée, on part de fausses prémisses, et c'est ce qu'a fait le préopinant.

On vous prend d'abord par le sentiment qui a sur vous le plus d'empire, vous, amis chauds et enthousiastes de votre pays et de son indépendance, et l'on vous dit : Élire le duc de Nemours, c'est sacrifier votre indépendance, c'est préparer la réunion. Mais la preuve de cette assertion, où est-elle ? Vous n'en avez pas dit un mot. Oh ! les conséquences ont été abondantes, incontestables, irrésistibles ; mais la preuve de la prémisse, vous l'a-t-on fournie ? Non. Eh bien, moi, je vais soutenir la thèse contraire : j'attaquerai d'abord votre prémisse ; et, chose étrange ! vous allez voir que, pour la renverser, je m'emparerai précisément des armes dont vous vous êtes servi pour la soutenir. En effet, raisonnant dans l'hypothèse où le duc de Nemours serait élu, le préopinant vous a dit que cette élection rendait la réunion inévitable, parce que cette réunion était exigée par les intérêts matériels du pays ; il a dit en propres termes (j'ai fort bien retenu la phrase) : « Les intérêts matériels ne vous laisseront pas de repos que cette réunion ne soit opérée. » Eh quoi ! les intérêts matériels exigeront tellement la réunion que, si le duc de Nemours est élu, il faudra renverser son trône pour les satisfaire, et vous votez pour le duc de Leuchtenberg ! Et vous voulez nous persuader que cette élection apaisera ces intérêts matériels ; que nous, petit État, nous verrons nos intérêts matériels se débattre, expirer sans faire entendre le cri de détresse ! Une contradiction si palpable suffit, messieurs, pour vous prouver le vide du discours que vous venez d'entendre.

On vous a dit que ce serait sacrifier la capitale ; mais Bruxelles, après tout, n'est qu'un point de la Belgique qui ne doit pas tout emporter dans la balance, et qui ne peut pas, le cas échéant, exiger le sacrifice des intérêts de tout le pays. Encore une autre contradiction, messieurs, tant il est vrai que sous des formes brillantes, et dans un discours préparé dans le silence du cabinet, on peut les accumuler. Notre constitution, vous a-t-on dit, est si libérale, comparée à la constitution française, que dans l'intérêt de la France on cherchera à la détruire ; et en même temps l'on veut ainsi vous effrayer. On accorde qu'avec le duc de Nemours elle pourrait durer une ou deux années ; mais, si elle dure deux années, aujourd'hui que les têtes fermentent en France, aujourd'hui que le parti démocratique puise une force immense dans la nouveauté de la révolution, comment la France craindra-t-elle cette constitution après deux années, et lorsque le trône de Louis-Philippe et ses institutions seront affermis ? Voilà une première réponse. Mais j'en prépare une autre au préopinant. Quoi ! vous dites que la France ne souffrira pas l'établissement de notre constitution si nous élisons le duc de Nemours, fils de son roi, et vous voulez qu'elle la supporte avec le duc de Leuchtenberg, dont elle vous a déclaré qu'elle regarderait l'élection comme une hostilité envers elle ! Ainsi, dans les deux hypothèses, cette constitution sera toujours, dans votre sens, hostile à la France, soit que l'on élise le duc de Nemours, soit que l'on élise le duc de Leuchtenberg ; seulement, avec cette dernière élection, la France aura, pour l'attaquer et la détruire, un prétexte que nous lui enlevons en élisant le duc de Nemours.

L'honorable préopinant s'est interrogé, et a demandé au profit de qui a été faite la révolution ? A cette question je lui répondrai qu'elle a été faite au profit de tous ; mais je lui adresserai à mon tour une autre question, et je lui demanderai qui a fait la révolution ? Les masses. Et qu'étaient les masses sous l'ancien gouvernement ? Les masses, si nous comptons le bonheur matériel pour quelque chose, étaient heureuses : mais ces masses, qui se sont battues si vaillamment contre la tyrannie ; ces masses, si vous ne leur laissez pas la somme de bonheur à laquelle elles ont le droit de prétendre, seront peut-être tentées de comparer leur sort actuel à leur sort passé ! et alors notre révolution est en péril. Et n'avez-vous pas craint que ces provinces wallonnes, à supposer que vous élisiez le duc de Leuchtenberg, se débattant contre la misère, (page 447) ne se souviennent qu'il fut une nation dont, pendant 30 ans, elles firent partie, et dont l'alliance assura au commerce et à l'industrie de la Belgique une prospérité inouïe ?

L'honorable préopinant a voulu rassurer les députés du Limbourg et du Luxembourg. Après tout, a-t-il dit, ce protocole du 20 janvier n'est pas si préjudiciable à la Belgique. J'y vois pour elle une neutralité perpétuelle, la libre navigation de l'Escaut : ces deux choses suffiraient pour nous assurer une assez grande prospérité. Nous n'avions pas la libre navigation de l'Escaut sous le régime autrichien, et la Belgique était heureuse. Vous promettez le bonheur au pays, parce que le protocole du 20 janvier vous assure la neutralité et la navigation des fleuves ? Mais vous voyez aussi que les puissances vous déclarent que vous n'aurez ni le Limbourg, ni le Luxembourg. Que ferez-vous de ces provinces ? Vous les abandonnerez. Ces députés qui sont venus s'asseoir à vos côtés, vous entendront proclamer qu'ils ne sont plus citoyens belges ; ils s'en retourneront tristement dans le Luxembourg et dans le Limbourg, et vous jetterez l'un en pâture à la confédération germanique, et l'autre à la Hollande. (Vive sensation.) Vous reculez devant cette affreuse perspective, et cependant si vous élisez le duc de Leuchtenberg, force lui est de souscrire au protocole du 20 janvier, force lui est de signer le démembrement de la Belgique. Ici, messieurs, je m'empare de faits malheureusement incontestables. Il vous souvient des conditions de cet armistice qui nous est si fatal ; vous savez que les puissances considèrent l'armistice comme indéfini, et notre engagement envers elles comme indestructible. Eh bien ! le duc de Leuchtenberg est élu. Avant tout il doit posséder le territoire que vos décrets assurent à la Belgique. Il est brave, courageux ; fort de son droit, il prend les armes, et le voilà aspirant à la conquête du Limbourg et du Luxembourg. Aussitôt les puissances l'arrêtent : Vous violez l'armistice, lui disent-elles ; vous devez rentrer dans les limites que nous avons tracées, ou nous vous y forcerons par les armes. Force lui est de les déposer, et les provinces restent abandonnées à elles-mêmes. Voilà les conséquences inévitables de son élection. On lui défendra de combattre la confédération germanique et la Hollande, fortes qu’elles seront de l'aveu des puissances. Ainsi le duc de Leuchtenberg signera le protocole, et il sera forcé de l'observer. A ce prix, peut-être, les puissances le reconnaîtraient ; mais dans aucun cas, il ne serait reconnu par la France, parce qu'elle vous l'a déclaré : elle regarde cette élection comme hostile envers elle ; elle en fait une question de dynastie, parce que la France aime son roi, parce qu'elle en est idolâtre, et ne souffrira rien qui puisse ébranler son trône. Vous aurez, avec le duc de Leuchtenberg, un monarque qui, s'il a du courage, et il en a, viendra régner sur des provinces divisées qui se débattront contre la misère, ou bien se sépareront ; et les horreurs de la guerre civile désoleront notre patrie.

Je crois vous en avoir assez dit pour prouver à l'assemblée que le discours du préopinant était empreint de contradictions. (U. B., 7 fév.)

M. de Gerlache – Je demande à répondre. (Des voix : Non ! non ! D'autres : Parlez ! parlez !) Il s'agit de redresser des faits. (J. F., 5 fév.)

M. le président – Jusqu'à présent aucun orateur n'a demandé la réplique. (U. B., 5 fév.)

M. de Robaulx – On ne peut demander la parole que pour un fait personnel ; si tous les orateurs demandaient la parole pour rectifier ou réfuter des assertions émises par ceux qui les ont précédés à la tribune, nous n'en finirions jamais. (C'est vrai.) (C., 5 fév.)

M. le comte de Baillet – C'est à M. de Gerlache à juger si l'attaque est personnelle. (Tumulte. M. le président ne peut se faire entendre.) (J. F., 5 fév.)

M. de Gerlache – Je l'avoue, mon discours a été élaboré dans le silence du cabinet ; mais l'improvisation brillante, séduisante même que vous venez d'entendre, pèche par le défaut de réflexion. La contradiction... (Ici la voix de l'orateur est couverte par des cris qui manifestent l'impatience de l'assemblée. L'honorable membre renonce à la parole.) (U. B., et J. F., 5 fév.)

M. Destouvelles renonce à la parole pour abréger la discussion. (U. B., 5 fév.)

M. Barthélemy – Je prends la parole, non pour prolonger vos débats, mais pour motiver mon vote. (Rire.) Je n'ai pas l'habitude d'être long. (Nouveau mouvement d'hilarité.) Si vous voulez prendre la montre, je dirai pendant combien de minutes je parlerai... Faut-il élire le duc de Leuchtenberg ? Non, quand même ce serait le seul candidat proposé. Je pense, et j'ai la conviction, que ce prince ne peut ni ne veut accepter. Il ne peut offenser la France, parce que le sang français circule dans ses veines. (L'orateur se tournant vers le côté droit de l'assemblée.) Messieurs, ce n'est pas votre opinion, je le sais, mais c'est la mienne... (Hilarité.) L'honorable membre rappelle quelques souvenirs de sa jeunesse. (L'assemblée se montre impatiente et semble regretter de ne pas avoir fixé de temps à l'orateur.) Il (page 448) termine en disant que le choix du duc de Nemours est un moyen terme, seul capable d'arrêter la tendance irrésistible de la France à étendre ses limites. (J. F., 5 fév.)

M. le baron de Sécus (père) renonce à la parole. (Bien ! bien !) (C., 5 fév.)

M. le président – La liste des orateurs est épuisée. Voici une motion d'ordre :

« Les soussignés demandent la clôture de la discussion, sans qu'il soit permis de répliquer.

« Ch. DE BROUCKERE, VAN DE WEYER, COMTE D'ARSCHOT, ANNEZ DE ZILLEBEECKE, DUBUS, DE TIECKEN DE TERHOVE, FLEUSSU, A. GENDEBIEN, DEFACQZ, FRISON. » (U. B., 5 fév.)

M. Lebeau parle contre la clôture : il insiste fortement pour qu'il soit permis de répliquer ; il rappelle à ce sujet que la fatigue qu'il éprouvait l'ayant obligé de s'arrêter au milieu de son discours, il s'était réservé un second tour de parole. (U. B., 5 fév.)

M. de Tiecken de Terhove et M. le comte d’Arschot parlent pour la clôture. (U. B., 5 fév.)

M. Van Snick fait quelques observations. (E.. 5 fév.)

M. le président – Avant d'accorder la parole à MM. de Theux, Van Snick et autres, je consulterai l'assemblée. (Tumulte. (J. F., 5 fév.)

M. Forgeur, M. Trentesaux et M. Pirson se lèvent, mais ne peuvent se faire entendre. (J. F., 5 fév.)

M. Lebeau – Il n'est que midi, nous avons encore quatre heures... (J. F., 5 fév.)

M. le comte d’Arschot, sa montre à la main, dit qu'il est plus tard. (J. F., 5 fév.)

M. Forgeur menace l'assemblée de son discours écrit, si elle ne prononce pas la clôture. (J. F., 5 fév.)

. La discussion devient plus vive. (J. F., 5 fév.)

M. Charles Le Hon s'oppose aussi à ce que la parole soit accordée à M. Lebeau. (U. B., 5 fév.)

M. le président fait quelques observations. (J. F., 5 fév.)

M. Devaux prend la parole. (J. B., 5 fév.)

M. le président met aux voix la question de savoir si la réplique sera permise. (U. B., 5 fév.)

- L'épreuve et la contre-épreuve par assis et levé sont douteuses. (Le tumulte est à son comble. Presque tous les membres parlent à la fois et quittent leurs places. M. le président abandonne le fauteuil et sort de la salle. La séance est un moment suspendue.) (U. B., et J. F., 5 fév.)

M. de Gerlache, premier vice-président, monte au bureau. (Le calme se rétablit.)

- On procède à l'appel nominal. (U. B., 5 fév.)

Le public suit la marche de l'appel nominal avec d'autant plus d'anxiété que les partisans du duc de Nemours demandant la clôture, et les partisans de son compétiteur s'y opposant, le résultat doit en quelque façon préjuger le vote définitif entre les deux candidats. (U. B., 5 fév.)

Les secrétaires ne sont pas d'accord sur le résultat de l'appel nominal. (Longue hésitation. Des membres qui ont pris des notes montent au bureau.) (J. F., 5 fév.)

M. le président – Voici le résultat de l'appel nominal :

Votants 185.

Pour la clôture, 90.

Contre la clôture, 95.

Par conséquent la discussion continue. (Vive sensation.) (U. B., 5 fév. et P. V.)

Ont voté pour : MM. Defacqz, Goffint, le baron de Terbecq, François Lehon, Van der Belen, Gendebien (père), Delwarde, de Robaulx, Destouvelles, Jean-Baptiste Gendebien, de Labeville, Blargnies, Lesaffre, de Selys Longchamps, Nalinne, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Frison, le baron Beyts, Marlet, Pirmez, Gustave de Jonghe, Surmont de Volsberghe, le comte Werner de Mérode, Buyse-Verscheure, le comte d'Ansembourg, Le Bon, Speelman-Rooman, Liedts, Claus, Pirson, le vicomte de Bousies de Rouveroy, d'Hanis van Cannart, Bredart, de Tiecken de Terhove, Simons, Lardinois, Seron, le comte d'Arschot, le baron de Sécus (père), le baron Van Volden de Lombeke, le baron Joseph d'Hooghvorst, Charles Le Hon, Roeser, Hippolyte Vilain XIIII, le comte Cornet de Grez, Vandenhove, Fransman, Henri de Brouckere, Nopener, le baron de Leuze, Charles Coppens, Fendius, Trentesaux, David, Lefebvre, Watlet, le marquis d'Yve de Bavay, Leclercq, l'abbé Corten, Meeûs, Blomme, de Sebille, Ooms, Peemans, le baron de Coppin, Charles de Brouckere, Barthélemy, le baron de Woelmont, de Thier, Thienpont, d'Hanens-Peers, de Nef, Van de Weyer, Fleussu, Zoude (de Namur), Gelders, le vicomte Desmanet de Biesme, Henry, le comte Félix de Mérode, d'Martigny, de Lehaye, Barbanson, Alexandre Gendebien, Geudens, Forgeur, Nothomb, le baron Surlet de Chokier, Berger, Dams....

Ont voté contre : MM. Baugniet, l'abbé Joseph de Smet, Hennequin, l'abbé Verduyn, Dumont, l'abbé Van Crombrugghe, l'abbé Van de Kerckhove, Verwilghen, Bosmans, l'abbé Andries, l'abbé Verbeke, Du Bus, Jottrand, le chevalier de Theux de Meylandt, Annez de Zillebeeke, Van Innis, Morel-Danheel, Lebeau, l'abbé de Foere, (page 449) Alexandre Rodenbach, le comte de Robiano, l'abbé Dehaerne, Van Meenen, le baron Osy, Allard, le baron de Stassart, Le Bègue, de Schiervel, le baron de Liedel de Well, Wannaar, de Man, le baron Frédéric de Sécus, de Rouillé, Werbrouck-Pieters, Claes (d'Anvers), le vicomte Charles Vilain XIIII, Buylaert, Deleeuw, l'abbé Wallaert, le baron de Meer de Moorsel, l'abbé Pollin, Vergauwen-Goethals, Vandorpe, Zoude (de Saint-Hubert), le vicomte de Jonghe d'Ardoie, le baron de Pélichy van Huerne, François, Eugène de Smet, Le Grelle, Goethals-Bisschoff, le marquis de Rodes, Devaux, Joos, Van der Looy, de Langhe, Mulle, Beaucarne, Van Hoobrouck de Mooreghem, Huysman d'Annecroix, de Waha, Du Bois, Olislagers de Sipernau, le comte de Bergeyck, Serruys, Peeters, le baron de Viron, Cauvin, de Roo, de Behr, Charles Rogier, le comte de Baillet, Albert Cogels, Maclagan, de Decker, Lecocq, le baron de Stockhem, Teuwens, Jacques, Domis, Masbourg, Béthune, Coppieters, Henri Cogels, Helias d'Huddeghem, l'abbé Van der Linden, de Coninck, le comte de Quarré, l'abbé Boucqueau de Villeraie, Van Snick, Raikem, de Gerlache, le comte Duval de Beaulieu… (C. et E., 5 fév.)

M. Alexandre Gendebien demande qu'il ne soit accordé que dix minutes à chaque orateur pour répliquer. (U. B.., 5 fév.)

- Cette proposition n'a pas de suite. (U. B.., 5 fév.)

M. Lebeau dans une improvisation brillante, cherche à prouver que la nomination du duc de Nemours amènera une guerre inévitable et la réunion de la Belgique à la France.

Il dépeint les maux qui résulteraient pour la France elle-même de l'élévation de ce prince au trône de la Belgique, que l'Angleterre ne souffrira jamais, et qui provoquera, de sa part, une déclaration de guerre immédiate, car elle commence déjà à armer ses frégates et à mettre toute sa flotte sur le pied de guerre.

Il soutient que tant qu'on respectera les traités, la guerre n'éclatera pas ; or, la nomination du duc de Nemours viole les traités, porte atteinte au système de neutralité que les puissances cherchent à établir.

L'orateur persiste à croire que la France reconnaîtra le duc de Leuchtenberg ; le désaveu du protocole du 27 janvier en est pour lui la preuve ; la France, au contraire, ne nous accordera pas le duc de Nemours, parce qu'elle n'est point disposée à faire la guerre pour une question personnelle, et qu'elle n'aspire qu'au repos et à la paix. (C., 5 fév.)

M. Forgeur, dans une improvisation également brillante, s'attache à prouver que la seule garantie d'indépendance et de liberté pour nous est dans le choix du duc de Nemours, dont il défend avec force et chaleur la candidature.

(Les dernières paroles de l'orateur sont accueillies par les bravos et les applaudissements des tribunes et de l'assemblée.) (C., et U. B., 5 fév.)

M. Masbourg demande la parole. (La clôture ! la clôture !) (E., 5 fév.) (Le livre d’E. HUYTTENS reprend en note de bas de page le discours que l’orateur se proposait de prononcer. Non repris ici.)

M. de Robaulx – Je demande la clôture. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 5 fév.)

- La clôture est mise aux voix et prononcée. (P. V.) (Le livre d’E. HUYTTENS reprend en note de bas de page les discours que certains orateurs, Dehemptinne, de Thier, de Schiervel et Joseph de Smet se proposaient de prononcer. Non repris ici.)

Scrutin de désignation du chef de l'Etat

M. le président(page 450) La discussion est terminée ; nous allons procéder au scrutin. Messieurs, faites-y bien attention, nous touchons au moment le plus solennel et le plus décisif ; les circonstances (page 451) où nous nous trouvons ne se reproduiront probablement jamais plus. Veuillez procéder à notre dernière opération avec le calme, l'ordre et la dignité qui lui conviennent. On va vous lire le décret qui règle le mode de procéder au scrutin. (U. B., 5 fév.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit les dispositions de ce décret ; en voici les termes :

« Art. 1. Par dérogation à l'article 17 du règlement, les votes seront émis par bulletins signés, dont le dépouillement sera fait publiquement et à haute voix par une commission de huit membres désignés par la voie du sort. »

« Art. 2. Les membres de cette commission se diviseront en deux scrutateurs, trois contrôleurs et trois secrétaires. »

« Ils ne procéderont au dépouillement des bulletins qu'après avoir constaté que le nombre de ces derniers est égal à celui des votants.

« Les scrutateurs proclameront l'élu et le signataire de chaque bulletin.

« Art. 3. Le scrutin s'établira entre tous les candidats indistinctement qu'il plaira à chaque membre de porter.

« Art. 4. Les bulletins seront remis au président par chaque membre au fur et à mesure de l'appel nominal, qui aura lieu d'après la liste de présence.

« Le président déposera immédiatement chaque bulletin dans l'urne. »

» Art. 5. Si, au premier tour de scrutin, aucun candidat n'obtient la majorité de voix, on procédera à un second tour de scrutin, et alors l'élection sera faite à la majorité absolue des votants. »

« Art. 6. Si, après trois tours de scrutin, aucun candidat n'a obtenu la majorité requise, il sera procédé à un scrutin particulier entre les deux candidats qui auront réuni le plus de voix à la dernière épreuve.

« Tout suffrage donné à d'autres candidats sera nul. »

« Art. 7. Seront également annulés les bulletins non signés ou dont les signatures ne pourront être immédiatement vérifiées et constatées. »

(page 452) « Art. 8. Le président proclamera le résultat des scrutins. » (U. B., 5 fév. et P. V.)

M. le président – Je vais tirer au sort les huit membres qui composeront la commission chargée du dépouillement du scrutin. (U. B., 5 fév.) ,

- Le sort désigne MM. Fleussu, le comte Duval de Beaulieu, le comte de Baillet, Barthélemy, Deleeuw, Nalinne, le baron de Woelmont, et Barbanson. (P. V.)

Ces honorables membres prennent place autour d'une table disposée à cet effet au milieu de l'hémicycle qui est en face de la tribune.

Ils se partagent les fonctions de la manière suivante : MM. Fleussu et le comte Duval de Beaulieu feront celles de scrutateurs ; MM. Barthélemy, le comte de Baillet et Deleeuw, celles de contrôleurs ; MM. Nalinne, le baron de Woelmont et Barbanson, celles de secrétaires. (U. B., 5 fév., et P. V.)

M. le président – Je vous renouvelle la prière de procéder avec calme, et d'écrire vos noms lisiblement.

On me remet dans l'instant plusieurs pétitions venant de l'armée, et couvertes de nombreuses signatures, par lesquelles l'armée demande l'élection du duc de Nemours. (Sensation.) Ces pétitions seront, comme toutes les autres, déposées au bureau des renseignements. (U. B., 5 fév.)

M. Nothomb, secrétaire, fait l'appel nominal. (U. B., 5 fév.)

L'urne est placée sur le bureau devant M. le président. Celui-ci se tient debout, reçoit les bulletins des mains de chaque député appelé à son tour et les dépose dans l'urne.

M. Defacqz est le premier appelé.

MM. Camille de Smet et le baron d'Huart, tous deux malades, se sont fait porter à l'assemblée : trop faibles pour monter à la tribune, M. Henri de Brouckere, secrétaire, vient prendre le bulletin de leurs mains et le remet à M. le président.

M. Alexandre Rodenbach se fait conduire, à cause de sa cécité, par M. Beaucarne, et va lui-même à la tribune remettre son bulletin à M. le président.

M. le baron Surlet de Chokier est le dernier à déposer son bulletin dans l'urne.

L'appel nominal est terminé. L'urne est apportée à la commission. M. Fleussu vide les bulletins sur la table ; M. le comte Duval de Beaulieu les compte à haute voix : il y en a 191, nombre égal à celui des votants. (Profond silence.)

M. le comte Duval de Beaulieu et M. Fleussu, scrutateurs, dépouillent les bulletins et proclament l'un après l'autre, à haute voix, le nom du candidat et celui du signataire du bulletin, conformément au décret du 28 janvier. (U. B., 5 fév.)

Le dépouillement des bulletins donne le résultat suivant :

Ont voté pour le DUC DE NEMOURS :

MM. Jean Goethals, (page 453) Zoude (de Saint-Hubert), Lardinois, Seron, Claus, Barbanson, de Decker, Zoude (de Namur), Berger, Collet, de Lehaye, Masbourg, Forgeur, le comte d'Arschot, Fleussu, Dams, le comte de Quarré, Gendebien (père), de Thier, d'Martigny, de Robaulx, Peemans, Hippolyte Vilain XIIII, Simons, le comte Félix de Mérode, Charles de Brouckere, Henry, de Nef, le baron de Woelmont, Frison, Charles Rogier, le baron de Terbecq, Jean-Baptiste Gendebien, Ooms, Peeters, Goffint, Thonus, Defacqz, Alexandre Gendebien, Marlet, Meeûs, Roeser, le baron de Coppin, Charles Coppens, Fendius, Nothomb, Dumont, François Lehon, Watlet, Van de Weyer, de Selys Longchamps, Vandenhove, Henri de Brouckere, Trentesaux, David, Leclercq, Pirmez, le marquis d'Yve de Bavay, Hennequin, Nalinne, Blargnies, le baron d'Huart, Charles Le Honorable, le vicomte Desmanet de Biesme, Surmont de Volsberghe, le vicomte de Bousies de Rouveroy, Pirson, Geudens, de Tiecken de Terhove, Delwarde, Camille de Smet, de Schiervel, le comte d'Ansembourg, Destriveaux, Le Bon, Liedts, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Thienpont, Gustave de Jonghe, Bredart, Speelman-Rooman, le comte Werner de Mérode, Buyse-Verscheure, Davignon, Destouvelles, le baron de Sécus (père), Barthélemy, de Labeville, le baron Surlet de Chokier.

Ont voté pour le DUC DE LEUCHTENBERG :

MM. Vandorpe, Allard, le baron de Stassart, Constantin Rodenbach, Vergauwen-Goethals, Claes (d'Anvers), de Gerlache, l'abbé Boucqueau de Villeraie, Dehemptinne, Van der Looy, Van Snick, l'abbé Pollin, le baron de Meer de Moorsel, d'Hanens-Peers, l'abbé Van de Kerckhove, Helias d'Huddeghem, Teuwens, de Roo, Lecocq, de Sebille, Cauvin, l'abbé Verduyn, Baugniet, l'abbé Joseph de Smet, l'abbé Van Crombrugghe, le marquis de Rodes, François, Olislagers de Sipernau, Serruys, Eugène de Smet, Nopener, de Behr, de Rouillé, Lebeau, Bosmans, Devaux, Joos, Fransman, Morel-Danheel, de Langhe, Beaucarne, (page 454) Van Hoobrouck de Mooreghem, l'abbé Wallaert, Lefebvre, Alexandre Rodenbach, l'abbé Dehaerne, le baron Beyts, l'abbé Verbeke, le chevalier de Theux de Meylandt, l'abbé Andries, Gelders, Van Innis, Jottrand, Mulle, Verwilghen, Deleeuw, Wannaar, Lesaffre, Jacques, le vicomte Charles Vilain XIIII, Le Bègue, Du Bus, l'abbé de Foere, de Man, Van Meenen, Buylaert, Raikem.

Ont voté pour L'ARCHIDUC CHARLES D'AUTRICHE : MM. le baron de Pélichy van Huerne, le baron de Stockhem, Blomme, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, le comte Cornet de Grez, de Coninck, le comte de Renesse, Henri Cogels, Maclagan, le comte de Baillet, Domis, le baron de Viron, l'abbé Corten, Du Bois, l'abbé Vander Linden, Albert Cogels, le baron Joseph d'Hooghvorst, Béthune, Huysman d'Annecroix, Goethals-Bisschoff, le comte de Bergeyck, le baron de Leuze, de Waha, le comte de Robiano, Annez de Zillebeecke, Werbrouck-Pieters, Coppieters, le baron Frédéric de Sécus, le comte Duval de Beaulieu, le baron de Liedel de Weil, Le Grelle, le baron Osy, Vander Belen, d'Hanis van Cannart, le baron Van Volden de Lombeke. (P. V.)

M. le président – Messieurs, afin qu'on ne se trompe pas et que les tribunes ne croient pas qu'il y a nomination, je vais donner lecture de l'article 5 du décret du 28 janvier :

« Art. 5. Si, au premier tour de scrutin, aucun candidat n'obtient la majorité de 101 voix, on procédera à un second tour de scrutin, et alors l'élection sera faite à la majorité absolue des votants. »

M. le duc de Nemours a obtenu 89 voix.

M. le duc de Leuchtenberg, 67 voix

M. l'archiduc Charles d'Autriche, 35 voix

- Aucun des candidats n'ayant obtenu la majorité voulue par l'article 5, on va procéder à un second tour de scrutin. (U. B., 5 fév., et P. V.)

On y procède de la même manière qu'au premier tour. (U. B., 5 fév.)

M. de Ville, absent au premier tour, est présent au second, ce qui porte à 192 le nombre des membres présents. (P. V.)

Le dépouillement des bulletins donne le résultat suivant :

Ont voté pour le DUC DE NEMOURS :

MM. Jacques, de Nef, Peemans, Dams, Masbourg, Zoude (de Namur), le comte Félix de Mérode, d'Martigny, Béthune, Fleussu, le baron de Coppin, Van de Weyer, Nothomb, Charles de Brouckere, Thienpont, de Thier, le baron de Woelmont, Roeser, Meeûs, Hippolyte Vilain XIIII, Pirmez, Davignon, (page 455) le baron de Sécus (père), Charles Rogier, le marquis d'Yve de Bavay, Henri de Brouckere, Vandenhove. Marlet, Fendius, le baron de Leuze, Henry, Watlet, le comte d'Arschot, Zoude (de Saint-Hubert), François, Gustave de Jonghe, Simons, Alexandre Gendebien, Trentesaux, Hennequin, le baron Surlet de Chokier, le vicomte Desmanet de Biesme, Seron, le comte de Quarré, Blargnies, Ooms, Lardinois, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Leclercq, David, Barbanson, Jean Goethals, Camille de Smet, Defacqz, Berger, de Decker, de Tiecken de Terhove, Geudens, le comte de Robiano, Le Bon, Speelman-Rooman, le comte d'Ansembourg, Surmont de Volsberghe, le comte Werner de Mérode, Destriveaux, Collet, Frison, le comte Duval de Beaulieu, le baron de Terbecq, le baron de Stassart, Buyse-Verscheure, Liedts, Nalinne, Pirson, Van der Belen, Dumont, Bredart, de Robaulx, de Selys Longchamps, Barthélemy, Thonus, Forgeur, de Labeville, le vicomte de Bousies de Rouveroy, Jean-Baptiste Gendebien, de Schiervel, Destouvelles, Claus, Gendebien (père), Charles Le Hon, Charles Coppens, le baron d'Huart, Delwarde, Peeters, Goffint, François Lehon, de Lehaye.

Ont voté pour le DUC DE LEUCHTENBERG :

MM. Lecocq, Beaucarne, Alexandre Rodenbach, Mulle, l'abbé de Foere, l'abbé Dehaerne, Vergauwen-Goethals, l'abbé Pollin, Vandorpe, Blomme, l'abbé Corten, Constantin Rodenbach, Van Snick, Fransman, le comte de Baillet, Goethals-Bisschoff, Teuwens, Helias d'Huddeghem, Gelders, le baron Van Volden de Lombeke, Lefebvre, Van Meenen, Nopener, Deleeuw, Van Hoobrouck de Mooreghem, Van der Looy, l'abbé Boucqueau de Villeraie, Eugène de Smet, Serruys, de Behr, d'Hanens-Peers, de Langhe, de Roo, l'abbé Wallaert, de Sebille, Joos, Claes (d'Anvers), l'abbé Van Crombrugghe, l'abbé Andries, de Man, le baron de Meer de Moorsel, le chevalier de Theux de Meylandt, Lebeau, de Gerlache, Van Innis, Dehemptinne, le baron Beyts, l'abbé Van de Kerckhove, de Ville, l'abbé Van der Linden, Huysman d'Annecroix, Jottrand, Cauvin, le vicomte Charles Vilain XIIII, Le Bègue, Du Bus, Bosmans, Morel-Danheel, l'abbé Joseph de Smet, Lesaffre, Allard, Verwilghen, Baugniet, le marquis de Rodes, Olislagers de Sipernau, Buylaert, l'abbé Verbeke, de Coninck, l'abbé Verduyn, Raikem, Devaux, Annez de Zillebeecke, de Rouillé, Wannaar.

Ont voté pour l'ARCHIDUC CHARLES D'AUTRICHE :

MM. de Waha, Domis, Coppieters, Albert Cogels, le baron de Stockhem, Du Bois, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, Maclagan, Le Grelle, le comte Cornet de Grez, le comte de Bergeyck, le baron de Pélichy van Huerne, le baron de Viron, le comte de Renesse, le baron Osy, le baron Frédéric de Sécus, le baron Joseph d'Hooghvorst, d'Hanis Van Cannart, le baron de Liedel de Weil, Werbrouck-Pieters, Henri Cogels. (P. V.)

Pendant le scrutin, chacun dans les tribunes tenait son crayon et suivait avec anxiété le dépouillement des bulletins. Aussitôt que la majorité a été assurée à un candidat (et, au second tour de scrutin, il suffisait de la majorité absolue), un murmure s'est fait entendre dans l'assemblée. (U. B., 5 fév.)

M. le président – Silence ! (U. B., 5 fév.)

- M. Barthélemy monte au bureau et remet le résultat du scrutin à M. le président. (U. B., 5 fév.)

Proclamation du duc de Nemours comme roi des Belges

M. le président – Messieurs, je réclame le plus profond silence jusqu'à ce que j'aie proclamé la décision du congrès.

192 membres ont voté.

97 se sont prononcés pour le duc de Nemours.

74 pour le duc de Leuchtenberg.

21 pour l'archiduc Charles d'Autriche.

En conséquence :

Au nom du peuple belge, le congrès national décrète :

Art. 1. S. A. R. Louis-Charles-Philippe d'Orléans, duc de Nemours, est proclamé roi des Belges, à la condition d'accepter la constitution telle qu'elle sera décrétée par le congrès national.

Art. 2. Il ne prend possession du trône qu'après avoir solennellement prêté, dans le sein du congrès, le serment suivant :

« Je jure d'observer la constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. » (M. le président appuie fortement sur ces mots.) Vive le roi !

(A peine ces mots sont-ils prononcés, que l'assemblée et les tribunes font entendre les applaudissements les plus vifs.) (c., et U. B., 5 fév.)

- Les cris de : Vive le duc de Nemours, vive le roi ! sont au même instant répétés par la foule immense assemblée aux abords du palais, qui attendait avec impatience le résultat de la décision du congrès.

Aussitôt les cloches sonnent, le canon se fait entendre, pour annoncer à la Belgique qu'elle a un roi. (U. B. et C., 5 fév.)

Nomination d'une députation chargée d'annoncer l'élection du duc de Nemours au roi des Français

M. le président – Messieurs, M. Charles de Brouckere a déposé sur le bureau la proposition suivante :

« Je propose au congrès de nommer séance tenante une députation de dix membres, qui, présidée par le président de l'assemblée, se rendra immédiatement à Paris, porter au roi Louis-Philippe, le décret qui appelle son fils, Louis-Charles d'Orléans, duc de Nemours, au trône des Belges.

« Pour la nomination de cette députation, chaque membre inscrira sur un bulletin autant de noms qu'il y aura de députés à élire. La majorité relative suffira pour être élu. On ne procédera à un second tour de scrutin que dans le cas de parité de suffrages. »

L'assemblée est-elle d'avis de nommer cette députation ? (Oui ! oui !) (U. B., 5 fév. et A.)

Le congrès remet à demain la discussion sur le mode de nomination et la fixation du nombre des membres qui composeront la députation. (P. V.)

Il est cinq heures ; la séance est levée. (P. V.)