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Note d’intention
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Congrès
national de Belgique
Séance du
mercredi 23 février 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès (notamment candidature du prince de Salm-Kyrbourg)
2) Proposition de nommer un
lieutenant général du royaume ou un régent (Werbrouck-Pieters, Defacqz, Lardinois, Van de Weyer, Devaux, Van de Weyer, Barthélemy, Van Meenen, Nothomb, Deleeuw, Jottrand, A. Gendebien, Van de Weyer, Devaux, Jottrand, de Theux, Lebeau, Ch. Le Hon, Lebeau, Beyts, Van Meenen, A. Gendebien, Rogier, de Foere, Van de Weyer, Jottrand, Le Grelle, Devaux, Beyts, Lebeau, Beyts, Ch. de Brouckere, P. Claes, Le Grelle, Rogier, A. Rodenbach, Lardinois, Devaux, A. Gendebien, d’Hannis van Cannart, Van Meenen, Jottrand, H. de Brouckere, Ch. Le Hon)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page
573) (Présidence de M. de Gerlache)
La
séance est ouverte à midi. (P. V.)
Un des secrétaires donne
lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions
suivantes :
M.
Arnaut, à Gand, se plaint de ce qu'on a conféré des grades dans l'armée à des
personnes qui n'y avaient aucun droit.
M.
Louis Waleff, juge de paix du canton de Bodegnée, demande à être réintégré dans
la jouissance d'une pension qui lui était payée sous le gouvernement français.
Les
bourgmestre et assesseurs de Mouscron prient le congrès d'établir dans leur
commune le siège d'une justice de paix.
Le
prince de Salm-Kyrbourg se présente comme candidat à la royauté belge (Note de bas de page : Sa requête
ayant été distribuée aux membres du congrès, nous la reproduisons ici :
« Au
peuple belge.
« Le
duc de Nemours a été solennellement refusé à
« Je
ne me fais pas illusion sur la défaveur que les conjonctures semblent attacher
à ma démarche. Mais pourrais-je être préoccupé de la crainte d'un refus, en
présence de tous les fléaux prêts à fondre sur celle héroïque contrée, patrie
de mon aïeule paternelle ? Non ; je n'éprouve que le besoin de me dévouer
tout entier à son repos et à son bonheur.
« Des
esprits ardents et généreux croient le moment opportun pour fonder la
république. J'apprécie tous les bienfaits de cette forme du gouvernement. Né
avec la glorieuse révolution française, les premiers battements de mon cœur ont
été pour la liberté. Mais que de maux intérieurs la république
n'attirerait-elle pas sur ce pays, et de combien de persécutions extérieures ne
serait-elle pas le prétexte ! A peine décrétée, les factions déchaînées
plongeraient les cités et les campagnes dans les horreurs de l'anarchie ; les
souverains de l'Europe exposeraient, pour l'anéantir, leur dernier écu et leur
dernier soldat ;
«
Les hommes expérimentés et réfléchis se rallient autour de ces institutions politiques
consacrées par votre congrès national. Sous leur influence salutaire, le peuple
doit recueillir les avantages de la république ; il les recueillera, si
l'oisiveté, de quelque titre qu'elle se pare, cesse de dévorer la substance des
classes laborieuses, et si le chef de l'État, pénétré de la nécessité d'alléger
les impôts, donne le premier l'exemple que c'est plus avec l'honneur qu'avec
l'argent que les fonctions publiques doivent être rétribuées.
« J'irai
au-devant de toutes les garanties que les temps actuels doivent faire juger
nécessaires, et que pourrait me demander ce congrès national dont les travaux
et le dévouement patriotique lui ont acquis des droits impérissables à la
reconnaissance de la nation et de tous les amis de la liberté.
« Prince
catholique, je concilierai mes devoirs, comme membre de la grande famille
chrétienne, avec les larges principes de cette tolérance religieuse proclamée
par votre loi fondamentale.
« Les
divers cabinets de l'Europe ne pouvant voir dans ma personne rien d'hostile à
leurs intérêts respectifs, ne se refuseront pas à des traités de commerce
nécessaires au développement de voire industrie et de vos manufactures,
« Je
fus instruit au métier des armes par Napoléon ; ce grand homme m'honora d'une
bienveillance toute paternelle ; j'étais à ses côtés à Friedland et à Wagram.
Je saurai donc verser mon sang pour l'indépendance et l'intégrité de votre
territoire. C'est, j'ose m'en flatter, un titre à la confiance du peuple et de
l'armée.
« Fort
de ces sentiments, que je m'applique à inculquer à mon fils, Belges ! j'aspire
à devenir votre roi. Né souverain d'une principauté, j'ai marché l'égal des
rois, j'ai vécu dans leur familiarité. Je n'ai jamais été touché de l'éclat
extérieur des trônes ; je n'ai vu dans la royauté que la faculté accordée à un
seul homme de faire le bonheur de tout un peuple : sous ce rapport, c'est la
plus sainte des missions ;' et ce n'est que la dernière des misères lorsqu'elle
ne se propose que le despotisme, et qu'elle sacrifie les droits du peuple aux
privilèges de quelques individus,
« Belges,
si vous m'honorez de votre suffrage, ce n'est pas moi que vous couronnerez,
mais la loi, dont je me ferai toujours gloire d'être le premier sujet.
« LE
PRINCE DE SALM-KYRBOURG. » (C., 25 fév.))
Des
habitants d'Athis prient le congrès de nommer (page 574) de suite M. le baron Surlet de Chokier régent du royaume.
Cent
vingt habitants de Dour adressent la même prière au congrès.
Les
fermiers des barrières de la route de Tournay à Courtrai et Menin demandent une
diminution sur le prix de leur bail.
Même
demande faite par les fermiers des barrières de la route de Gand à Coutrai et
Audenarde. (U. B., 25 fév. et P. V.)
- Ces
pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M.
de Robaulx prévient le congrès qu'une indisposition le retient chez lui. (On
rit.) (U. B., 25 fév.)
- Pris
pour notification. (P. V.)
L'ordre
du jour est la suite de la discussion des conclusions de la section centrale
sur la proposition de M. Lebeau. (U. B., 25 fév.)
M. le président –
J'ai reçu de M. Van
Hoobrouck de Mooreghem, qui est indisposé, un discours écrit sur la question en
discussion (L’ouvrage de
HUYTTENS reprend ce discours en note de bas de page) ; je vais consulter l'assemblée
pour savoir si elle veut en entendre la lecture, ou le déposer au bureau des
renseignements. (J. F., 25 fév.)
-
L'assemblée en ordonne le dépôt au bureau des renseignements. (P. V.)
(page 575) M. le président – M. Werbrouck-Pieters a la parole. (U.
B., 25 fév.)
M. Werbrouck-Pieters commence par dire qu'il ne censurera
pas la conduite du gouvernement provisoire. On connaît ses actes ; libre à
chacun de les juger comme il lui plaira.
Ce
n'est pas sans étonnement qu'il a entendu hier M. de Brouckere rappeler M. Osy à
la question. Il ne faut pas supposer des arrière-pensées chez les honorables
membres. A cet égard cependant il ne paraît pas que les députés d'Anvers
jouissent d'une parfaite réciprocité. S'il voulait récriminer il y trouverait
matière, car il paraît qu'ou n'a pas renoncé à toute arrière-pensée de nous
ramener vers
Il
déclare que s'il a voté contre le duc de Nemours, c'est parce qu'il a craint
une guerre, et qu'il a considéré cette nomination comme une réunion indirecte à
L'orateur
arrive à la question du régent. Il votera pour les conclusions de la section
centrale ; il y est déterminé par la nécessité de faire cesser l'état
provisoire, et de soustraire le pays aux déceptions et aux mystifications de la
diplomatie.
Qu'était-ce
donc, dit-il, que ces communications officieuses qu'on faisait venir de Paris
tout exprès et à point nommé par lettres qui d'abord nous étaient annoncées
avec l'air du plus grand secret, pour piquer d'autant plus notre curiosité et
nous porter à en demander et au besoin à en ordonner la lecture ? que ces
insinuations officieuses et semi-officielles de mariages éventuels et de
correspondances diplomatiques pour nous faire accepter pour chef un mineur que
personne ne connaissait ? que les demandes du ministère français sur des
éventualités passées et condamnées par décrets solennels ? Qu'était-ce donc et
qu'est-ce encore tout ce qu'on nous a dit et communiqué relativement au
Luxembourg ? que ces pétitions qu'on faisait arriver pour la réunion à
M. le président –
M. Werbrouck-Pieters,
il me paraît que vous n'êtes point dans la question ; je vous engage à vous y
renfermer. (C., 25 fév.)
M. Werbrouck-Pieters – J'ai voulu répondre à ce que M. Le
Hon a dit hier. (C., 25 fév.)
M. Charles Le Hon – Vous voulez sans doute que je réponde
encore à mon tour. (C., 25 fév.)
M. Werbrouck-Pieters – Nullement, nullement, monsieur. (On
rit.)
L'honorable
membre termine par dire qu'il votera purement et simplement pour les
combinaisons de la section centrale, sauf à revenir plus tard sur…
(L'orateur s'arrête, fait un mouvement de tête et descend de la tribune. - Hilarité
générale dans l'assemblée.) (L’ouvrage d’E. HUYTTENS reprend un extrait du
Journal d’Anvers du 26 février, contenant ce que Werbrouck-Pieters se proposait
d’ajouter encore. Non repirs dans cette version numérisée). (C., et J. F.,
25 fév.)
M. Defacqz –Je me renfermerai strictement dans la
question et m'abstiendrai de grands développements.
M.
Lebeau avait proposé à rassemblée de nommer un lieutenant général. La section
centrale, après avoir examiné cette proposition, nous a présenté des
conclusions pour la nomination, non d'un lieutenant général, mais d'un régent.
La section centrale prend soin d'établir la différence qui existe, non dans les
mots, mais dans les choses.
Avec
un lieutenant général, notre constitution peut encore recevoir des
modifications que l'expérience indiquera. Avec un régent, aux termes de l'art.
84 de la constitution, aucun changement ne peut être fait à la constitution.
C'est le motif pour lequel la section centrale a conclu pour un régent ; c'est
pour ce même motif que je m'y oppose.
Si
l'état des choses était définitif, j'adopterais sans hésiter la combinaison qui
nous est proposée ; mais nous allons substituer du provisoire au provisoire
existant encore : seulement nous changeons les noms.
Dans
l'alternative entre deux provisoires, la prudence nous indique de donner la
préférence à celle des deux voies qui ne nous lie pas pour l'avenir.
Avec
un régent, nous nous imposons toutes les conditions inhérentes à cette fonction
; tout changement devient impossible. La forme monarchique est irrévocable.
Nous ne pouvons plus tirer la nation du provisoire qu'en lui trouvant un roi à
tout prix.
Avec
un lieutenant général, notre position est la même, quant à l'élection d'un
chef, que si nous prenons un régent. Mais il nous sera libre de faire encore à
notre constitution tous les changements conseillés par l'expérience.
Ainsi
donc, s'il arrivait que l'impossibilité de réaliser le système de la monarchie
parmi nous fût bien démontrée, qu'il fallût substituer à ce système une autre
forme de gouvernement, on pourrait facilement le remplacer par un autre plus
propre à convertir le provisoire en définitif.
Je ne
demande pas qu'on change dès à présent ; je ne dis pas qu'il faille attaquer
immédiatement le décret du congrès qui a institué la forme monarchique ; mais
je dis qu'il ne faut pas s'interdire d'une manière absolue une modification à
nos institutions à laquelle la nécessité pourrait nous forcer.
Je
donne donc la préférence à la proposition de M. Lebeau. Les conclusions de la
section centrale nous condamnent peut-être à l'impossible : est-il sage de s'y
exposer ?
Je
viens d'envisager la question sous son point (page 577) de vue le plus général. Si je l'examine sous un aspect
plus spécial, dans ses rapports avec le congrès, il y a nécessité de modifier
les conclusions de la section centrale par la proposition de M. Nothomb en y
introduisant ces mots :
« Le
régent ne prendra part à l'exercice du pouvoir législatif que lorsque le
congrès national aura été remplacé par la législature ordinaire. »
Je
dirai même que cette modification est nécessaire, quelle que soit la
proposition qu'on adopte. Il est certain que le congrès doit subsister jusqu'à
ce qu'il ait rempli sa mission en établissant un pouvoir définitif. La
constitution règle les rapports du régent avec les chambres ; mais ceux du
régent avec le congrès, qui les réglerait ?
Il est
un autre point à régler, moins important il est vrai mais sur lequel il est
intéressant de s'entendre : c'est la liste civile.
On
peut la fixer en prenant pour base du revenu, ou la dépense possible, et dans
ce cas on ne saurait trop accorder ; ou les besoins réels, ce qui nous
donnerait l'espérance de voir commencer la pratique de cette belle théorie de gouvernement
à bon marché. L'exemple de l'économie serait d'autant plus salutaire qu'il
serait donné par le premier magistrat du pays.
On
s'est récrié contre un amendement par lequel je proposais de fixer ce revenu à
quatre-vingt mille francs par an.
J'avais
eu la bonhomie de croire qu'on pouvait vivre avec 100 florins par jour. Je me faisais
une tout autre idée du régent que beaucoup de mes collègues paraissent en
avoir. Je me figurais une espèce de président de république, un bon père de
famille, ménager de l'argent du peuple. On veut en faire un haut et puissant
seigneur, lui donner un brillant cortège de chambellans, de valets. Je me suis
trompé. Ce ne sera pas trop apparemment, en prenant pour base un
sénatus-consulte de l'Empire, de fixer la liste civile au quart du revenu qu'on
allouerait au roi.
Je ne
voterai pour les conclusions de la section centrale qu'après les explications
que doivent provoquer mes observations. (U. B., 25 fév.)
M. Lardinois – Messieurs, après le
refus que nous avons essuyé dans l'offre d'une couronne ; après avoir été dupes
de la diplomatie étrangère, et indignement abusés par des protestations
fallacieuses, dont certains hommes éhontés n'ont pas craint de se faire l'écho
; après que le congrès de Londres a décidé qu'il fallait nous faire périr de
consomption, nous devons, messieurs, nous attendre à d'autres maux, et
peut-être nous prémunir contre nous-mêmes.
Je ne
comptais pas prendre la parole : le revers éprouvé par notre députation à Paris
a tellement bouleversé mes sens et mes idées, que je suis à me demander si je
ne dois pas désespérer du salut de la patrie. J'avoue, messieurs, que je n'ai
pas l'âme assez héroïque pour envisager notre situation d'un œil tranquille. En
effet, qu'on veuille bien me dire où nous en sommes, et où nous allons. Voyez
Mais,
si le ministère français parle et agit au nom de
Le
refus de S. M. Louis-Philippe nous place dans une position plus difficile que
jamais, et nous n'en sortirons que par des efforts et des sacrifices dignes
d'un peuple qui veut être libre.
D'abord,
je me demande avec qui nous sommes en guerre. Je crois, messieurs, que notre
plus mortel ennemi est le congrès de Londres. Il est patent qu'il veut à toute
force intervenir dans nos affaires, et les arranger à son bon plaisir. Nous
protestons, et il renvoie nos protestations. Eh bien ! il faut en finir avec ce
congrès. Si vous reconnaissez son omnipotence, acceptez son ours et ses
conditions ; dans le cas contraire, si vous déclinez sa compétence, dites à ses
agents qui sont ici, que nous ne voulons plus avoir avec eux de relations ni
officielles ni officieuses ; l'expérience que nous avons faite de leur amitié
est trop funeste pour en désirer la continuation. Je vous engagerais également
à rappeler notre envoyé à Paris : son rôle est fini ; il a assez joué le petit
Talleyrand.
Alors
nous n'aurons plus en face que le gouvernement hollandais ; nous tâcherons de
regagner le temps perdu, soit en ouvrant des négociations directes, soit en
poussant un cri de guerre et de combat. Nous ne pouvons plus rester dans cet
état d'incertitude. Le calme et la tranquillité sont, il (page 578) est vrai, dans cette enceinte ; mais, sortez de ce
palais, parcourez les provinces, et vous verrez qu'une sombre inquiétude règne
dans tous les esprits, qu'on se plaint généralement de notre révolution, parce
qu'on n'en voit pas l'issue : si elle ne change pas bientôt de caractère, on
doit s'attendre à des réactions de tous genres, et je crains que nous ne
finissions par être ramenés aux carrières.
Je ne
viens pas, messieurs, orateur sinistre, vous présenter l'image des maux de la
patrie, pour froisser à la fois et vos sentiments et vos opinions, parce que je
voudrais accoucher d'un monstre : non, je déplore nos malheurs, et je cherche
le moyen de les réparer en conservant la liberté et l'honneur.
La
plaie la plus profonde de notre révolution est celle qui a été faite au
commerce et à l'industrie ; le marasme dans lequel ils sont tombés augmente de
jour en jour, et sous ces deux rapports nous ne tarderons pas d'offrir le même
spectacle que
Ces
désirs, ces vœux sont-ils coupables, messieurs ? Je ne le pense pas, et même je
les crois fondés et légitimes. Quoi ! un exploitant de mines voit non seulement
ses bénéfices perdus, mais encore son capital anéanti, et l'on ne veut pas
qu'il se plaigne ! Quoi ! le commerce maritime doit laisser pourrir ses
vaisseaux, et les manufacturiers doivent fermer leurs ateliers, abandonner une
population d'ouvriers sans subsistance, et vous croyez que leur patience,
poussée à l'extrémité, ne dégénérera point en désespoir ! Détrompons-nous de
cette idée, messieurs, le commerce et l'industrie ont le sentiment de leur
dignité et de leur puissance, et ils feront énergiquement connaître leur
volonté avant de consentir à leur ruine entière.
Nous
avons été tellement joués par la diplomatie, que nous ne pouvons de sitôt
songer à nous donner un gouvernement définitif. Cependant, c'est la pierre
angulaire qui doit soutenir l'édifice de notre révolution. Le provisoire
éloigne la confiance, au lieu de la ramener, et néanmoins le seul parti qui
nous reste à prendre aujourd'hui, est de nous y enfoncer de nouveau en nommant
une régence,
Ce gouvernement
intérimaire doit être fort pour se soutenir. Je ne voudrais pas l'environner
d'un conseil privé ; mais je suis d'avis qu'il ne faut pas faire peser la
charge de l'État sur un seul homme, et qu'il serait convenable de composer la
régence de trois personnes qui seraient chargées du pouvoir exécutif. Ensuite,
la première loi à faire serait celle sur la responsabilité ministérielle : elle
est de toute nécessité ; ce serait une garantie pour la nation, et un puissant
levier pour la bonne direction des affaires.
Un des
premiers soins de la régence devra être de prendre des mesures pour rendre
progressivement la confiance au commerce et à l'industrie. Pour cela, il faut
marcher à un résultat. Je sais que notre révolution a plus d'une phase encore à
parcourir avant d'avoir atteint sa dernière limite ; mais il est nécessaire de
la terminer le plus tôt possible, et je crois que nous ne parviendrons jamais à
une fin quelconque qu'en entrant directement en négociations avec le
gouvernement hollandais. Vous ne me ferez pas l'injure de croire, messieurs,
que je veux plaider la cause ni du roi Guillaume ni du prince d'Orange ; ma
langue se glacera plutôt. Mais les peuples ne peuvent rester toujours en
hostilité, et le Hollandais comme le Belge soupire après la paix. Offrons donc
la paix à des conditions justes, et si nos ennemis la refusent, déclarons la
guerre, et armons les populations : nous avons les éléments nécessaires pour
sortir victorieux de cette lutte.
On
objectera que, recourant aux armes, nous allons indisposer contre nous les
grandes puissances, et exposer notre pays à un morcellement. Vaine terreur,
messieurs ! la situation de l'Europe garantit l'intégrité de notre territoire,
et
Je
voterai donc pour une régence, dans l'espoir qu'elle prendra une attitude
ferme, qu'elle veillera sur les intérêts réels, qu'elle repoussera
l'intervention étrangère, en un mot, qu'elle guidera notre révolution dans la
voie des intérêts généraux. (U. B., 25 fév.)
M.
Van de Weyer rappelle qu'il a déposé (page 579)
hier un amendement pour réserver au congrès le droit de nommer ultérieurement le
chef de l'État. Il demande pourquoi cet amendement n'a pas été imprimé avec la
proposition de M. Nothomb. (U. B., 25 fév.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire – La proposition de M. Van de Weyer a
été consignée au procès-verbal. Si elle n'a pas été imprimée, c'est que le
congrès n'en avait pas ordonné l'impression. (U. B., 25 fév.)
M. Van de Weyer
– Ce n'était pas une
raison pour le laisser de côté. Je le reproduis aujourd'hui et j'insiste pour
qu'il soit adopté tel que je l'ai présenté. (C., 25 fév.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de la proposition de
M. Van de Weyer :
« Je
propose d'ajouter aux conclusions de la section centrale un paragraphe ainsi
conçu :
« 4°
De déclarer que le congrès entend bien se réserver le droit de procéder
ultérieurement au choix du chef de l'État et n'en point abandonner l'élection
aux chambres nouvelles. » (U. B., 25 fév. et P. V., 22 fév.)
M.
Devaux – Les
orateurs qui ont pris la parole avant moi ont presque tous parlé dans le même
sens ; tous ont parlé pour un régent ou pour un lieutenant général. C'est avec
défiance que je vais énoncer une opinion contraire et vous communiquer mes
doutes sur l'opportunité de l'acte pour lequel nous sommes convoqués.
Je
n'adresserai point de reproches au comité diplomatique. De grandes fautes ont
été commises. La douleur dont doivent être pénétrés ceux qui s'en sont rendus
coupables est un châtiment assez fort pour que je croie devoir m'abstenir de
l'aggraver par de pénibles accusations.
Le
parti qu'on vous propose, messieurs, est un de ces partis qui perdent les
révolutions. C'est un parti timide et de temporisations. De quoi se plaint-on ?
Des lenteurs du provisoire, de l'incertitude de notre avenir. Il n'y a plus de
confiance, plus de crédit. La nomination d'un régent ne fera point cesser cet
état des choses, car elle ne fera point cesser le provisoire. Elle laisse tout
dans l'indécision, et ne tranche aucune question. Elle ne résout point le
problème de notre réunion à
A
l'extérieur, comment terminer nos débats ? Qui traitera avec nous ? Sur quel
pied négocierons-nous avec
Si
vous nommez un régent, qui nommera un roi ? Le congrès, dit-on. Notre mandat
nous en impose le devoir, et ce devoir nous ne pouvons le transmettre à nos
successeurs ; mais nous ne pouvons pas rester réunis. Le congrès devra
nécessairement s'ajourner. Qui le convoquera donc pour procéder à la nomination
du roi ? Le régent. Vous lui accorderez donc la faculté de prolonger son
pouvoir à volonté ? Et s'il retarde la convocation, que ferez-vous ?
Si vous
vous dissolvez, et que vous laissiez aux deux chambres réunies, qui doivent
nous succéder, la faculté de nommer le roi, songez qu'il faudra des élections
nouvelles ; songez aux intrigues qui vont s'ourdir, aux tentatives de
corruption qui vont se multiplier. Et puis dans un mois en serez-vous plus
avancés qu'aujourd'hui ? On dit que nos diplomates de Paris ont un grand secret
en portefeuille. Je n'y crois pas, messieurs. S'ils avaient un secret, ils
auraient pris soin de nous le faire connaître.
C'est
du définitif qu'il nous faut. Comment y pourvoir ? En choisissant un prince
indigène. Il n'y a pas d'autre moyen de sortir du provisoire. Hors de là, nous
resterons toujours dans l'alternative d'être réunis à
Je
sais que cette combinaison rencontre beaucoup d'obstacles. Des jalousies de
castes s'agitent, dit-on, et cherchent à faire tourner à leur profit l'élection
d'un prince indigène. Ce sont là des prétextes. Je déplore les craintes
exagérées que l'on nourrit contre l'influence des catholiques. Ces craintes ont
contribué à soutenir le pouvoir de Van Maanen ; ces craintes ont amené l'élection
du duc de Nemours et entretiennent le parti français dans ses illusions.
Je
voterai contre la proposition de nommer un régent, me réservant d'entrer dans
quelques détails, si elle était adoptée. (C., 25 fév.)
M.
Van de Weyer, président du comité diplomatique – Messieurs, je me serais abstenu de
prendre la parole si M. Devaux ne m'avait fourni l'occasion de relever
quelques-unes de ses assertions. Je suivrai, dans ma réfutation, l'ordre adopté
par le préopinant.
De grandes
fautes, dit-il, ont été commises par le comité diplomatique. Il laisse à la
douleur (page 580) dont les membres
de ce comité doivent être pénétrés, selon lui, le soin d'en faire justice. Il
ne veut pas l'aggraver par des reproches amers. Que l'honorable membre se
tranquillise. Quant à ces fautes, son opinion constitue sa loi ; mais il reste
à savoir si cette opinion sera consacrée par le jugement de la postérité, qui
ne tardera pas à commencer pour nous. Il n'y a qu'une seule chose qui doive
nous pénétrer de douleur, c'est d'avoir été déçus dans notre espoir, après la
nomination du duc de Nemours.
J'aborde
le fond de la question : la nomination d'un régent, a dit l'honorable membre,
ne nous débarrassera point du provisoire. Mais ce sera le signal de la mise en
pratique de nos institutions, ce sera le signal de l'organisation d'un pouvoir
réglé et vraiment constitutionnel.
Elle
nous retiendra toujours dans l'indécision ! mais, je le demande, ne sera-ce pas
le meilleur moyen de faire disparaître, tout de suite, un pouvoir
essentiellement provisoire ? En le remplaçant par un pouvoir qui agit en vertu
d'institutions établies, on dissipe toutes les craintes sur notre avenir. Ce
sera une déclaration nouvelle de vouloir rester indépendants.
Mais
le roi Guillaume conservera ses espérances ! Mais il les conservera toujours :
avec l'obstination et l'aveuglement qui caractérisent ce prince, il nous faut
nous attendre à être traités de rebelles à tout jamais ; il faut nous attendre
à ce qu'il n'abdique jamais le titre de roi des Pays-Bas.
Mais
comment le régent parviendra-t-il à provoquer la cessation du provisoire ? Pour
dissiper les craintes que pourraient faire éclore les dispositions peu
rassurantes d'un régent, j'ai fait une proposition tendante à ce que le congrès
se réserve expressément le droit de nommer un chef définitif. Qu'est-ce qui
empêche, d'ailleurs, que le congrès s'ajourne et fixe un délai pour la
nomination de ce chef ? Ma proposition a un autre avantage. Elle préviendra que
la législature qui succédera au congrès ne dépasse ce qu'il a fait, et abolisse
des décisions prises dans l'intérêt de la paix et de la dignité nationale.
Mais
comment le régent traitera-t-il à l'extérieur ? Il traitera avec plus de
chances de succès que ne pourra le faire un négociateur multiple, une
commission de personnes provisoirement chargées de cette mission. Il inspirera
plus de confiance aux puissances étrangères, parce qu'il aura plus de
consistance politique ; et obtiendra avec d'autant plus de facilité la
reconnaissance des cabinets d'Europe, qu'il pourra à bon droit se proclamer le
véritable chef de la nation belge. A cet égard, je crois que le régent,
immédiatement après son entrée en fonctions, devrait faire notifier son
avènement à toutes les puissances.
On a
parlé des secrets de la diplomatie. La diplomatie belge n'en a pas, et si elle
en avait, le congrès les connaîtrait bientôt.
Pour
échapper aux inconvénients du provisoire, l'honorable M. Devaux a proposé
l'élection d'un prince indigène. Cette élection rencontre de grands obstacles,
non pas dans des jalousies de castes, dans des antipathies catholiques ou
libérales, qui s'effacent toujours devant les questions d'intérêt général, mais
dans la crainte, plus fondée, que cette élection paralyserait nos négociations
avec les puissances voisines.
Je
voterai pour la proposition de M. Lebeau modifiée aux termes des conclusions de
la section centrale et de mon amendement. Cependant je me prononce contre
l'institution d'un conseil privé, pour les mêmes motifs qui ont déterminé notre
honorable collègue M. Le Hon. (C., 25 fév.)
M. Barthélemy s'attache à réfuter quelques
assertions de M. Devaux. Il ne craint pas la réunion à
M. Werbrouck-Pieters – Je demande si l'orateur est bien dans
la question (hilarité) ; la justice doit être pour tous. (J. B., 25
fév.)
M.
Barthélemy – Je suis dans la question élevée par M. Devaux. Je parle d'ailleurs dans
l'intérêt général. (J. B., 25 fév.)
M. Werbrouck-Pieters – Je ne m'y oppose pas ; mais qu'une autre
fois on me laisse parler. (J. B., 25 fév.)
M.
Barthélemy démontre que les parties intéressées elles-mêmes ont jugé la question de
la séparation des provinces méridionales et septentrionales. Et cette
séparation s'étend même à la province de Luxembourg, car quand les députés de
cette province se sont présentés aux états généraux, on leur a dit :
Allez-vous-en. (Hilarité.) Je viens maintenant à la question. (Hilarité
nouvelle.) C'est-à-dire, je suis dans la question. (Les éclats de rire
continuent.) L'orateur se prononce pour la nomination d'un régent et pour
l'amendement (page 581) de M. Van de
Weyer ; mais il ne veut pas de conseil privé. (C., 25 fév.)
M.
Van Meenen – En élisant un régent, nous faisons voir à l'Europe que nous avons voté
une monarchie héréditaire avec l'intention de la réaliser. La régence ne nous
conduira pas à la république, car pour y parvenir nous devrions changer toute
la constitution.
Pour
ce qui est de l'élection d'un prince indigène, je vous demanderai où est votre
roi indigène. En est-il un parmi vous qui réunisse les conditions désirables ?
Je me déciderai pour un régent, et comme on n'a pas parlé jusqu'ici de ses
attributions, je proposerai le projet de décret suivant :
(L'orateur
lit un projet en 8 articles sur les attributions du régent.) (J. B., 25 fév.)
M. Van de Weyer
demande si c'est un
amendement ou une proposition nouvelle. Si c'est une proposition, elle
viendrait interrompre la discussion dont l'assemblée est saisie. (U. B., 25
fév.)
M. Van Meenen
déclare que sa
proposition ne doit être considérée que comme amendement. (U. B., 25 fév.)
M. le président en donne une seconde lecture. (U. B.,
25 fév.)
M.
Nothomb – Il
me semble que la grande majorité reconnaît la nécessité de l'institution d'une
régence ; une question préoccupe tous les esprits, c'est celle de savoir quelle
sera la position du congrès après l'élection du régent : Fixons d'abord nos
idées sur la nature de notre mandat. L'arrêté du 6 octobre porte qu'il sera
convoqué un congrès chargé de fixer le sort du pays. En nommant un
régent, fixerons-nous le sort du pays ? Non, messieurs, nous ne pouvons
nous le dissimuler : le provisoire tel qu'il existe ne peut se prolonger, et
nous sommes dans l'impuissance de produire du définitif. On a dit que le cas
est prévu par la constitution ; je ne le crois pas. La régence que nous voulons
instituer n'est pas dans la loi fondamentale ; l'existence du congrès investi
du pouvoir constituant rend notre situation tout à fait exceptionnelle ; le
congrès est à cet égard en dehors de toute constitution. Nous ne pouvons
abdiquer le pouvoir constituant, ni le déléguer en partie. Nous sommes liés par
notre mandat. La puissance législative doit rester concentrée dans cette
assemblée. Le régent n'aura que le pouvoir exécutif ; le droit de grâce, le
droit de faire les nominations civiles et militaires, peut-être le droit de
paix et de guerre. Il pourra rompre l'armistice conclu par le gouvernement
provisoire. Il ne pourra accorder la naturalisation. Il n'aura ni le veto, ni
le droit de dissolution. Je lui attribue le pouvoir exécutif dans toute sa latitude
; je ne veux pas lui imposer de conseil privé ; ce serait autoriser les
ministres à décliner toute responsabilité, et renouveler le gouvernement
multiple que vous voulez détruire. Le conseil privé, nommé comme le régent par
le congrès, se prévaudrait de cette origine commune ; le régent serait tiraillé
dans des sens contraires par le conseil privé institué par le congrès, et par
le conseil des ministres. L'unité d'action que vous cherchez vous échapperait
encore, et votre régent ne serait que le président du conseil privé, qui à la
longue doit l'emporter sur les ministres, Toutefois le régent peut s'entourer
de conseillers autres que les ministres à portefeuilles, mais c'est à lui à les
nommer. Il leur confiera spécialement les négociations diplomatiques qui
exigent des recherches et des études au-dessus des forces d'un seul homme ; le
ministre des affaires étrangères s'aidera de leurs lumières, de leurs travaux,
il prendra leur avis, et restera responsable. (C.. 25 fév.)
- La
clôture de la discussion sur l'ensemble des projets est mise aux voix et
prononcée. (C., 25 fév.)
M.
Deleeuw demande
la priorité pour la proposition de M. Lebeau. (U. B., 25 fév.)
M.
Jottrand fait
la même demande pour la proposition de M. Van Meenen. (U. B., 25 fév.)
M.
Alexandre Gendebien – Je pense, messieurs, que dans la, discussion on est resté
tout à fait hors de la question ; pour le démontrer, je me bornerai à citer les
articles 83 et 85 de la constitution. En adoptant la forme monarchique, nous
avons prévu le cas d'une régence. Que doit faire celui qui sera appelé à ces
fonctions ? Remplir les obligations qui lui sont imposées par la constitution.
D'après
l'article 83, la régence ne peut être conférée qu'à une seule personne.
Admettre les propositions qui vous sont soumises serait inconstitutionnel, et
je pense que vous ne voulez pas violer le pacte fondamental avant qu'il ne soit
en vigueur. (U. B., 25 fév.)
M.
Van de Weyer – Pour empêcher que la discussion ne se prolonge, il faudrait lire la
proposition de M. Van Meenen, et placer à chaque article du projet de la
section centrale l'amendement et le sous-amendement qui s'y rapportent ; (page 582) les dispositions ainsi
présentées seraient adoptées ou rejetées. (U. B., 25 fév.)
M.
Devaux ne
partage pas l'opinion de M. Alexandre Gendebien : la première question à
décider est de savoir s'il y aura une régence. Ensuite viendront les conditions
de la régence. (U. B., 25 fév.)
M. Alexandre Gendebien
donne de nouveaux
développements à son opinion. (U. B., 25 fév.)
M. le président explique dans quel sens seront
établis les votes. (U. B.. 25 fév.)
M. Devaux – Je propose qu'avant de voter sur la
question de la régence, le congrès veuille bien voter sur l'amendement suivant
:
« Le
congrès national
« Décrète
qu'il y a lieu de s'occuper du choix définitif du chef de l'État avant le 1er
mars. » .
L'honorable
membre annonce que sa proposition n'a pas besoin de développements ; elle est
tout entière dans l'intérêt de la nation : il l'a faite comme accomplissement d'un
devoir. J'ai mis, dit-il, le 1er mars, parce que mon projet est exclusif de la
régence. (U. B., 25 fév. et A.)
-
Cette proposition est mise aux voix ; cinq membres seulement se lèvent pour la
soutenir ; en conséquence elle est rejetée. (U. B., 25 fév. et P. V.)
Article 1er
(projet Nothomb)
L'art.
1er du projet de M. Nothomb (Note de bas de page : présenté dans la séance du 22 février, page
572), qui remplace le
n°1 des conclusions de la section centrale, est mis aux voix et adopté à la
presque unanimité ; il est ainsi conçu :
« M.
N... est nommé régent de
Article 2 (projet
Nothomb) et article 4 (projet Van Meenen)
On
passe au 1er paragraphe de l'art. 2 de la proposition de M. Nothomb ; en voici
les termes :
« La
constitution décrétée par le congrès national sera obligatoire après l'entrée
en fonctions du régent. » (A. C.)
M. Frison – Après, c'est trop tard, et une semblable
disposition ne peut être admise. (U. B., 25 fév.)
On met
aux voix l'art. 4 de la proposition de M. Van Meenen, qui est ainsi conçu :
« A
dater du jour de l'entrée en fonctions du régent, la constitution deviendra
obligatoire dans toutes celles de ses dispositions qui ne sont pas contraires
au présent décret. » (C., 25 fév.)
-
Cette disposition est adoptée ; elle remplace le n° 2 des conclusions de la
section centrale et le § 1e de l'art, 2 du projet de M. Nothomb. (P. V.)
Article
2 (projet Nothomb) et articles 2 et 3 (projet Van Meenen)
Il est
donné lecture des §§ 2 et 3 de l'art. 2 de la proposition de M. Nothomb, et des
art. 2 et 3 du projet de M. Van Meenen :
§ 2. «
Néanmoins le congrès national continuera à exercer les pouvoirs législatif et
constituant. »
§ 3.
« Le régent ne prendra part à l'exercice du pouvoir législatif que lorsque
le congrès national aura été remplacé par la législature ordinaire. » (A. c.)
« Art.
2. Le régent, pendant la vacance du trône, exercera le pouvoir exécutif tel
qu'il est réglé par la constitution.
« Art.
3. Le pouvoir législatif continue à être exclusivement exercé par le congrès
jusqu'à sa dissolution comme pouvoir constituant. » (C., 25 fév.)
M. Jottrand propose de donner au régent sa part
dans l'exercice du pouvoir législatif, et de laisser au congrès, jusqu'à sa
dissolution, la part de ce pouvoir qui est attribuée aux deux chambres. Le
congrès achèverait seulement encore, comme pouvoir constituant, la loi
électorale et procéderait seul à l'élection du chef de l'État. De cette manière,
on éviterait les inconvénients qui résultent de l'absence de l'initiative dans
le pouvoir exécutif, et l'on se mettrait même en harmonie avec les principes de
responsabilité ministérielle. (C., 25 fév.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt combat cette proposition. (C., 25 fév.)
M. Lebeau – Il me semble que la proposition de M.
Nothomb doit avoir la préférence sur celle de M. Van Meenen. Celui-ci propose
de ne donner au régent que le pouvoir exécutif ; il aurait moins que le
gouvernement provisoire : vous lui enlèveriez le droit de grâce, le droit de
paix et de guerre. Le droit de paix, il pourrait sans doute en être privé ;
mais le droit de guerre, il faut le lui laisser : d'un moment à l'autre
l'armistice pouvant être rompu, la guerre avec
M.
le chevalier de Theux de Meylandt propose une addition. (E., 25 fév.)
M. Van Meenen
adhère aux §§ 2 et 3 de
l'article 2 de M. Nothomb. (U. B., 25 fév.)
M. Devaux et M.
Nothomb
combattent la proposition de M. Jottrand. (C., 25 fév.)
M. Charles
Le Hon présente
quelques observations à l'appui de cette proposition ; il termine en disant –
La durée du pouvoir du régent sera courte, je le pense ; mais les circonstances
peuvent exiger des lois importantes, dont lui seul sentira la nécessité. Je
pense donc qu'il faut l'admettre au concours du pouvoir législatif. (U. B., 25
fév.) ,
M. Lebeau persiste ; il refuse l'initiative au
régent ; il lui semble qu'on ne lui fait pas une si mauvaise part en lui
accordant autant de pouvoir qu'au roi d'Angleterre. Le veto est très
dangereux, même pour un roi, et l'assemblée ferait un funeste présent au régent
en le lui donnant. (U. B., 25 fév.)
M.
le baron Beyts – Il ne s'agit pas de discuter si c'est du provisoire, si c'est
du définitif que nous faisons ; c'est l'un et l'autre. (U. B., 25 fév.)
M.
Van Meenen
appuie la proposition de M. Nothomb. (U. B., 25 fév.)
M.
Alexandre Gendebien pense, comme M. Charles Le Hon, qu'il faut faire participer
le régent à l'initiative ; il n'a rien à ajouter à ce qui a été dit sur le veto.
(Les cris : Aux voix ! La clôture ! se font entendre de toutes parts.) (U.
B., 25 fév.)
M. Jottrand – Je n'ai que quatre mots à dire (aux
voix !)... Si vous pensez que la question est assez éclaircie (oui !
oui !)... Je ferai cependant remarquer… (on rit.) L'orateur
reproduit les arguments de M. Le Hon. (U. B., 25 fév.)
M. Devaux propose un changement de rédaction.
(U. B., 25 fév.)
- Le §
2 de l'article 2 du projet de M. Nothomb, modifié dans sa rédaction ; est mis
aux voix et adopté en ces termes :
« Le
congrès national exclusivement continuera à exercer les pouvoirs législatif et
constituant. » (P. V.)
Le § 3
du même article 2 est ensuite mis aux voix et adopté. (P. V.)
M.
Charles Rogier propose d'ajouter au § 2 de l'article 2 :
«
Néanmoins le régent pourra exercer l'initiative par l'intermédiaire de ses
ministres. »
-
L'honorable membre justifie son amendement. (U, B., 25 fév. et A.)
M. Lebeau l'appuie. (U. B., 25 fév.)
M. l’abbé de Foere
– Messieurs, s'il faut adopter les opinions de M. Gendebien et de M. Rogier sur
la responsabilité ministérielle, il faut renoncer à toutes les notions que nous
avons acquises sur la théorie et sur les usages de cette responsabilité. Le
premier, M. Gendebien, a dit qu'avec la responsabilité ministérielle, il n'y
avait pas de danger d'accorder le droit de veto au régent. Mais le veto
est une prérogative du chef de l'État ; or, la responsabilité légale des
ministres ne peut jamais être engagée dans l'exercice des prérogatives royales.
Le second, M. Rogier, croit que la responsabilité des ministres devient inutile
si le chef de l'État n'a pas l'initiative des lois. Une loi proposée aux
chambres l'a été ou par le chef de l'État ou par un membre de la législature ;
dans les deux cas, les ministres ne peuvent être responsables ni de l'adoption
ni du rejet de cette loi. Leur responsabilité est tout à fait en dehors de ces
rapports de la législature ; elle ne s'étend qu'à l'inexécution ou à la
transgression des lois, à la dilapidation des deniers publics, aux relations
perfides que les ministres pourraient entretenir avec des ennemis de l'État,
enfin à tout ce qui regarde l'exécution des lois, telles qu'elles ont été
établies avec ou sans leur consentement. (J. F., 25 fév.)
-
L'amendement de M. Rogier est mis aux voix et adopté. (P. V.)
M.
Van de Weyer propose la disposition additionnelle suivante :
« Le
congrès national se réserve le droit de procéder ultérieurement au choix du
chef de l'État. » (U. B., 25 fév. et A.)
M.
Jottrand s'oppose
à cet amendement. (U. B., 25 fév.)
M. Van de Weyer
pense que le préopinant
l'a mal compris, et qu'il suffit de se reporter à l'article 85 de la
constitution pour admettre sa proposition. (U. B., 25 fév.)
M. Le Grelle appuie M. Van de Weyer. (U. B., 25
fév.)
M.
le comte d’Arschot propose un amendement qui n'est pas appuyé. (U. B., 25 fév.)
M.
Devaux combat
la proposition de M. le comte d'Arschot, comme chose très grave ; il appuie la
proposition de M. Van de Weyer. (U. B., 25 fév.)
- La
disposition additionnelle de M. Van de Weyer est mise aux voix en ces termes :
« Le
congrès national se réserve le droit de nommer le chef de l'État. » (C., 25
fév.)
Cette
disposition est adoptée et sera placée entre le § 1 et le § 2 de l'article 2.
(P. V.)
Article 3 (projet Nothomb) et article 6
(projet Van Meenen)
On
passe à l'article 3 du projet de M. Nothomb, et à l'article 6 du projet de M.
Van Meenen.
L'article
3 du projet de M. Nothomb est ainsi conçu :
« Il
est institué près du régent un conseil privé composé de cinq membres, nommés
par le congrès.
« Ce
conseil ne sera que consultatif. » (U. B.. 25 fév. et A. G.)
(page 584) M.
le baron Beyts demande la question préalable sur l'article et sur les amendements. (U.
B., 25 fév.)
M. Lebeau – Je ne pense pas que l'on puisse imposer
au régent un conseil privé, pour l'administration intérieure ; mais je ne crois
pas qu'il y aurait inconvénient à nommer une commission permanente, que
j'appellerai comité d'enquête, chargé de prendre des renseignements à
l'extérieur sur les questions relatives aux limites, au territoire et au choix
du chef de l'État. (U. B., 25 fév.)
M. Van de Weyer, M.
Charles Le Hon et M. Charles de Brouckere combattent cette proposition. (U.
B., 25 fév.)
-
L'article 3 du projet de M. Nothomb est mis aux voix et rejeté. (C., 25 fév.)
L'article
6 du projet de M. Van Meenen et le n° 5 des conclusions de la section centrale
viennent par suite à tomber. (C., 25 fév.)
On
passe à la discussion de l'article 4 du projet de M. Nothomb ; il est conçu en
ces termes :
« Art.
4. Il est assigné mensuellement au régent une liste civile de 10,000 florins.
« Le
régent habitera un des palais de la nation. Il lui est alloué une somme de
10,000 florins pour frais de premier établissement.» (A. C.)
M. le baron Beyts
– Je propose que la
liste civile soit réduite à 8,500 florins. (J. F., 25 fév.)
- Il s'élève
une discussion tumultueuse. (U. B., 25 fév.)
M. le président, fatigué de réclamer le silence, dit
– La sonnette ne suffit pas pour rétablir le calme ; il faudra faire venir une
grosse cloche. (U. B., 25 fév.)
M.
Charles de Brouckere, administrateur général des finances, accorderait volontiers les 10,000
florins par mois, mais ne peut consentir aux frais de premier établissement,
les palais étant pourvus de tout. (U. B., 25 fév.)
M. Claes (de Louvain) propose d'allouer
au régent 25,000 florins par mois, et 20,000 florins de frais de premier
établissement. (U. B., 25 fév.)
M. Nothomb – On ma assuré hier qu'il manquait un grand
nombre de meubles dans les palais. (J. B., 25 fév.)
M. Charles de Brouckere,
administrateur général des finances – Je parle avec certitude, puisque
l'administration des palais est dans mes attributions ; il ne manque rien dans
les palais : il y a meubles, linge, et… (Hilarité. Bravo !) (U. B., 25
fév.)
M. Jottrand – Pour concilier les deux opinions, il
faudrait dire qu'il est ouvert un crédit, et s'en rapporter au régent sur ce
qui pourra lui être nécessaire. (U. B., 25 fév.)
M. Charles de Brouckere,
administrateur général des finances, appuie cette proposition. (U. B.,
25 fév.)
- La
proposition de M. Claes (de Louvain) est rejetée. (U. B., 25 fév.)
M. Le Grelle – Vous allez disposer des sueurs du
peuple. (Oh ! oh ! Longue interruption.) L'orateur, s'adressant à M. le
président : Vous m'avez accordé la parole, veuillez me la maintenir. (U. B., 25
fév.)
M. le président –
C'est une chose fort
difficile dans ce moment que de vous accorder la parole. (U. B., 25 fév.)
M. Le Grelle parle de gouvernement à bon marché.
(U. B., 25 fév.)
M.
Charles Rogier propose 20,000 florins. (U. B., 25 fév.)
M. Alexandre Rodenbach
– Le président des États-Unis n'a que 120,000 francs ; accorder au régent
10,000 florins par mois, c'est lui donner autant de florins que le magistrat
américain a de francs. (J. F., 25 fév.)
M. Lardinois appuie les 20,000 florins.
(U. B., 25 fév.)
M.
Devaux parle
dans le même sens. Il faut que la régence puisse balancer par ses largesses
l'influence de l'or que nos ennemis répandent dans le pays. (J. B., 25 fév.)
M.
Alexandre Gendebien – Voilà six mois que le gouvernement provisoire sert pour rien,
pourquoi accorder tant au régent ? (J. F., 25 fév.)
M.
Charles Rogier justifie sa proposition. (U. B., 25 fév.)
M.
d’Hanis van Cannart la combat. (U. B., 25 fév.)
M.
Van Meenen dit qu'il ne faut pas tant lésiner. (E., 25 fév.)
- La
clôture est réclamée de toutes parts et prononcée. (U. B., 25 fév.)
La
proposition de M. Charles Rogier est mise aux voix et rejetée. (U. B., 25 fév.)
M.
Jottrand propose
15,000 florins. (U. B., 25 fév.)
- Cette
proposition est également rejetée. (U. B., 25 fév.)
On
adopte le 1er paragraphe de l'article 4 du projet de M. Nothomb. (P. V.)
M. Henri de Brouckere propose de rédiger ainsi la 1ère
partie du 2e paragraphe de l'article 4 :
(page 585) « Un des palais de la
nation sera mis à la disposition du régent. »
L'honorable
membre dit qu'il fait cette proposition afin de ne pas gêner le régent dans le
choix d'un autre domicile qu'il pourrait préférer. (U. B., et J. F., 25. fév.)
M.
Charles Le Hon voudrait qu'il fût tenu d'habiter le palais qui lui serait assigné. (J.
F., 25 fév.)
- La
proposition de M. Henri de Brouckere est mise aux voix et adoptée. (P. V.)
- On
met aux voix l'amendement de M. Jottrand à la 2er partie du § 2 de l'article 4
; il est ainsi formulé :
« Il
lui est ouvert un crédit de 10,000 florins pour frais de premier établissement.
(J. F., 25 fév.)
Cet
amendement est mis aux voix et adopté, ainsi que l'ensemble de l'article 4
amendé, devenu article 3 du décret. (P. V.)
L'assemblée
décide que l'élection du régent se fera demain 24 février, dans la forme
déterminée par le décret du 28 janvier ; elle ordonne que cette décision soit
insérée au procès-verbal. (P. V.)
Vote sur
l’ensemble
On procède
à l'appel nominal sur l'ensemble du décret de régence ; 124 membres répondent à
l'appel : 112 votent pour ; 12 contre ; en conséquence le
décret est adopté. (P. V.)
Ont
voté contre : MM. l'abbé de Foere, de Rouillé, Devaux, Helias
d'Huddeghem, Joos, Albert Cogels, Eugène de Smet, le baron de Liedel de Well,
Van Snick, l'abbé Dehaerne, Claes (d'Anvers), Henri Cogels. (U. B., 25 fév.)
- La
séance est levée à quatre heures et demie. (P. V.)