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Congrès national de Belgique
Séance du lundi 23 mai 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)

(page 122) (Présidence de M. de Gerlache)

La séance est ouverte à midi et demi. (P. V.)

Lecture du procès-verbal

M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Pièces adressées au Congrès

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de M. de Bousies, par laquelle l'honorable membre demande un congé de douze jours pour affaires de famille. (I., 25 mai.)

- Ce congé est accordé. (P. V.)


M. Olislagers de Sipernau annonce qu'une indisposition l'a empêché de se rendre au congrès : il s'y rendra dès qu'il sera rétabli. (I., 2_ mai.)

- Pris pour notification. (P. V.)


M. le ministre de la justice envoie plusieurs demandes en naturalisation ; elles sont renvoyées à la commission spéciale. (P. V.)

Sur la proposition de M. Destouvelles, l'assemblée décide qu'elle entendra jeudi le rapport de cette commission. (P. V.)


M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :

M. Samuel Willeumier, commis au gouvernement provincial à Namur, sollicite des lettres de naturalisation.


Même demande de M. Jean-Adrien Van Westrenem, à Hoogstraeten.


Vingt-cinq fabricants de bonneterie, à Tournay, demandent que l'entrée de la bonneterie étrangère soit prohibée.


M. Pierre Michiels, à Bruxelles, fait des observations sur le projet de loi relatif à l'organisation municipale.


MM. Louis Maineux et Jean Lorson prient le congrès de nommer M. le régent pour roi de la Belgique.


M. Willems, à Desselghem, demande une nouvelle loi sur le sel.


Les sociétés charbonnières de l'arrondissement de Mons demandent l'abolition du droit de balance établi sur les houilles à la sortie de ce royaume.


M. Pierre de Moor, notaire à Ixelles, envoie au congrès une notice historique sur chacune des villes que l'ex-roi prétend distraire du territoire de la Belgique.


Les propriétaires des maisons incendiées par les troupes hollandaises demandent un à-compte sur l'indemnité qui leur est due.


M. Charles Foblant, à Bruxelles, ancien officier de cavalerie, demande à entrer dans les troupes belges.


M. De Bray, à Bruxelles, se plaint de dilapidations qui se commettent, dit-il, dans les ouvrages qu'on exécute aux boulevards.


M. de Millecamps, à Bruxelles, se plaint de la lenteur qu'on met à juger Ernest Grégoire.


Les tenants de barrières de Schendelbeke demandent une remise sur leur prix de bail.


M. Liebrecht, cultivateur à Tieghem, demande une indemnité pour les pertes qu'il a essuyées en 1815. (I., 25 mai, et P. V.)


- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)


Communication diplomatique relative à l'acceptation par la conférence de Londres des propositions de lord Ponsonby

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, je vais avoir l'honneur de vous donner connaissance d'une note qui m'a été transmise ce matin par M. le général Belliard :

« Le général Belliard est heureux de pouvoir annoncer à M. le ministre des relations extérieures de la Belgique, qu'il reçoit avis de son gouvernement que les propositions remises par lord Ponsonby ont été accueillies par la conférence de Londres, qui va ouvrir une négociation pour faire obtenir à la Belgique la cession du (page 123) duché de Luxembourg, moyennant une indemnité.

« La Belgique verra sans doute dans cette résolution de la conférence une nouvelle preuve des dispositions bienveillantes des grandes puissances à son égard, et elle s'empressera sans doute d'y répondre en faisant connaitre promptement, et d'une manière nette et conciliante, ses intentions relativement à l'indemnité, au moyen de laquelle elle doit désirer de s'assurer la possession du Luxembourg.

« Le général Belliard saisit avec empressement cette occasion d'assurer M. le ministre des relations extérieures de sa haute considération.

« Bruxelles, 23 mai 1831. »

Lord Ponsonby n’étant pas encore de retour, il est à supposer que ce n'est qu'à son retour en cette ville que je pourrai vous soumettre les conditions qui nous sont proposées pour les autres parties de territoire.

Je dois vous donner pareillement connaissance d'une autre lettre que j'ai reçue :

« Le soussigné a l'honneur d'informer le ministre des affaires étrangères que des ordres ayant été donnés pour admettre dans les ports britanniques les bâtiments sous pavillon belge, il devient nécessaire que le gouvernement de S.M.B. soit mis en possession d'une description authentique de ce pavillon.

« Le soussigné a donc l'honneur de prier le ministre des affaires étrangères de vouloir bien lui fournir la description du pavillon ci-dessus mentionné, afin qu'il puisse la transmettre à son gouvernement sans perte de temps.

« Le soussigné saisit cette occasion pour offrir au ministre, etc.

« Bruxelles, le 22 mai 1831.

« RALPH ABERCROMBIE. » (I., 25 mai, et A. C.)

M. de Robaulx – Je demande une seconde lecture de la première note, je ne l'ai pas bien comprise. (I., 25 mai.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Le préopinant peut en prendre connaissance au bureau ; je ne dois pas faire une seconde lecture parce que le préopinant seul n'aura pas entendu la première. (I., 25 mai.)

M. de Robaulx – Je ne croyais pas avoir provoqué une réponse aussi âpre (rumeurs) ; ma demande n'avait rien d'hostile contre M. le ministre, (Non ! non !) (I., 25 mai.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je me rends très volontiers aux vœux de l'assemblée.

(M. le ministre des affaires étrangères monte à la tribune, il y fait une seconde lecture de la pièce.) (I.. 26 mai.)

M. de Robaulx – Comme il s'agit de propositions qui auraient été remises de la part de lord Ponsonby, et qu'il parait que c'est lord Ponsonby qui fait maintenant nos affaires auprès de la conférence de Londres, je voudrais savoir si ccs propositions sont faites de la part de la Belgique, et si on voudrait nous faire acheter aujourd'hui ce que nous avons déclaré nous appartenir ; ou bien si ces propositions nous sont faites, à nous, de la part de la conférence. (I., 25 mai.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je n'ai pu ni dû charger lord Ponsonby de faire des propositions tendant à céder une partie quelconque du territoire. S’il a fait des propositions de ce genre, il n'a pu le faire que d'une manière officieuse. (I., 25 mai.)

M. Pirson trouve quelque connexité entre la communication qui vient d'être faite à l'assemblée et la proposition qu'il avait annoncé devoir faire mardi. Il déclare qu'il est prêt à faire sa proposition aujourd'hui même, si le congrès le désire, (I.,25 mai.)

M. le président – Il y a d'autres propositions à l'ordre du jour. (J. B., 25 mai.)

M. Pirson – Je ne tiens pas à ce que ma proposition soit discutée aujourd’hui. (J. B., 25 mai.)

- Cet incident n'a pas de suite. (I., 25 mai.)

On demande l'impression des pièces communiquées. (I., 25 mai.)

M. de Robaulx – J'ai appris par MM. les diplomates que lorsqu'on reçoit une pièce diplomatique, on est censé en approuver le contenu. Si cela est, je m'oppose à l'impression, ou tout au moins, si la pièce est imprimée, je demande qu'il soit déclaré que le congrès n'entend point par là donner son approbation aux principes qui y sont posés. (I., 26 mai.)

M. le président – Je ne pense pas que l'impression ait jamais été regardée comme une preuve d'adhésion. (J, B., 25 mai.)

M. Van de Weyer – Je ferai observer au préopinant que nous ne recevons pas la pièce, mais que nous en recevons communication par M. le ministre des affaires étrangères, et l'impression ne nous lie pas plus que n'a pu nous lier l'impression de tous les autres protocoles. (I., 23 lna1.)

- L'impression est ordonnée. (P. V.)

M. Le Grelle – Messieurs, tous les membres (page 124) de l'assemblée reçoivent avec une grande satisfaction les deux communications qui viennent de nous être faites. L'horizon s'éclaircit enfin pour la Belgique, et il nous est permis d'espérer de voir dans peu le dernier terme de nos maux ; mais au moment d'entrer dans le port, prenons garde de nous laisser entraîner à de nouveaux malheurs, et cherchons à calmer une agitation funeste qui se manifeste sur quelques points de notre pays. Les ordres du régent ne sont pas exécutés partout comme ils devraient l'être, si nous en croyons les nouvelles qui viennent d'arriver. Prenons garde que cette insubordination n'entraîne la reprise des hostilités. Je demande que le congrès proteste d'avance contre de pareils actes, et contre une guerre qui serait commencée sans lui et contre lui. (I.,25 mai.)

M. le président – Si vous faites une proposition, il faut la déposer. (I., 26 mai.)

M. Le Grelle – Je ne fais pas de proposition, c'est un simple vœu que j'émets. (I., 25 mai.)

M. Pirson – II faut, comme l'a très bien dit le préopinant, que les ordres de M. le régent soient partout reconnus et exécutés, car il n'est pas seulement l'homme du congrès, mais celui de la nation. Mais ce n'est pas une raison pour ralentir les préparatifs de guerre, et il ne faut pas se laisser endormir par les belles paroles de la diplomatie. Nous avons été ses dupes assez longtemps. Je demande que M. le ministre de l'intérieur nous fasse un rapport sur la garde civique ; qu'il nous dise quels sont les chefs qui ont été nommés pour la commander. Je demande aussi qu'une commission d'enquête soit nommée pour vérifier si les armes achetées par le gouvernement sont en bon état ; on dit que celles qui nous sont venues d'Angleterre sont des armes de rebut dont la France n'a pas voulu. (I., 25 mai.)

M. de Robaulx – Je crois que tout le monde est d'accord ici que la guerre ne doit pas commencer par des émeutes (rumeurs) et sur un seul point ; tout le monde est d'accord aussi que les ordres du régent et du gouvernement doivent être exécutés. Je ne veux pas de la guerre à tout prix ; mais si elle devient nécessaire, il faudra bien s'y résoudre : alors nous expliquerons à l'Europe que nous y avons été forcés par la diplomatie ; nous dirons que nous ne faisons pas la guerre pour faire des conquêtes, mais pour conserver ce que nous avons conquis une fois ; tout le monde désavouerait la guerre aujourd'hui, si elle n'émanait de la volonté de la représentation nationale et du gouvernement. (I., 25 mai.)

M. Le Grelle – Le préopinant a très bien compris mon idée ; si M. le régent a donne ordres de suspendre les travaux, il faut que gouvernement tienne à leur exécution. (E., 25 mai.)

M. Van Meenen – Il me semble qu'aussi longtemps que le ministère ne viendra pas se plaindre à nous que les ordres du gouvernement ne sont pas exécutés, nous n'avons pas à nous en occuper, car de pareils faits ne sont pas censés exister pour nous. (I., 25 mai.)

M. Van de Weyer – J'ajouterai que quant au désaveu qu'on nous demande et par lequel nous blâmerions toute hostilité commencée sans ordre du gouvernement, l'attitude calme et ferme du congrès au moment où des négociations importantes sont entamées et lorsqu'on nous en promet bientôt la fin , est un sûr garant pour la nation que la guerre ne se fera que lorsque les négociations dont je viens de parler seront épuisées. (I., 25 mai.)

Proposition visant à borner les travaux législatifs du Congrès à certains projets de loi

Rapport de la section centrale

M. le président – L'ordre du jour appelle la discussion sur la proposition de M. Lardinois. (J. B., 25 mai.)

M. Raikem fait le rapport de la section centrale, sur cette proposition, qui tend à ce que le congrès ne s'occupe que des lois sur le sel, sur les distilleries et sur le budget. (I., 25 mai.)

Discussion générale

M. Lardinois – Messieurs, aux considérations que j'ai eu l'honneur de vous présenter , lors du développement de ma proposition, j'ajouterai qu'un des motifs déterminants qui doit nous engager à borner le cours de nos discussions législatives est la haine que nous portons à tout ce qui se rattache au système de l'ancien gouvernement ; ce qui fait que nous sommes un peu trop enclins à promener la faux sur les institutions et les lois qui en ont émané. Il doit nous suffire d'avoir détruit par notre constitution l'ancien colosse des abus, et d'avoir imprimé un mouvement irrésistible à la liberté, pour que le despotisme ait perdu a jamais son trône dans notre pays ; nous ne devons pas désormais changer nos lois avec une rapidité prodigieuse, et nous exposer à créer des institutions qui ne seraient qu'un tissu d'erreurs. Consultons avant tout, messieurs, l'expérience de (page 125) l’histoire ! rappelons-nous que ce fut une grande faute à l'assemblée constituante d'avoir voulu déployer en même temps le génie de la création et de l'organisation. Elle était dès lors sans frein et sans limite, et dans cette confusion de pouvoirs, elle porta une foule de décrets qui furent la cause d’une infinité de malheurs dont la France eut longtemps à gémir.

Au milieu des orages d'une révolution, les lois ne peuvent se faire avec cet esprit d'ensemble, de rapports de mode, qui distingue une bonne législation. Dans les circonstances actuelles, nous n'avons pas assez de temps pour méditer sur les projets qui nous sont soumis, et surtout pas assez de calme pour juger constamment les choses telles qu'elles sont : cette tranquillité est réservée à la législature qui sera chargée d'organiser et de consolider ce que nous avons établi.

En comparaison du temps que nous croyons avoir à parcourir avant notre dissolution, le nombre des projets de lois présentés et à présenter est en quantités presque incommensurables. Vous sentez-vous disposés, messieurs, à embrasser tout ce travail ? Ou plutôt vous est-il possible de le faire avec la maturité et la perfection qu'exige la science législative ? Une loi sur la responsabilité ministérielle a fait reculer plus d'un publiciste, et je pense qu'on ne résoudra pas encore de sitôt cette grande question.

Qui décidera que la loi sur la liberté de la presse doit être faite d'après ces principes larges consacrés par notre révolution, ou avec des dispositions restrictives pour arrêter le débordement de certains journaux, dont les uns causent les émeutes et les autres y provoquent ? La loi sur l'organisation judiciaire n'est-elle pas assez importante pour être soumise, avant discussion, aux lumières des cours de justice du royaume ? Les lois municipales et provinciales ne doivent-elles pas être pesées, mûries, éclairées de l'expérience avant de prononcer sur des institutions qui doivent avoir une influence si grande et si directe sur les affaires publiques ? Je borne là mes questions ; j'aurais pu encore vous parler, messieurs, des autres projets de lois, tels que celui du transit, qui ne peut être séparé de la loi sur les douanes ; mais je pense que mes remarques suffiront pour vous déterminer à admettre ma proposition telle que la commission centrale l'a modifiée, et ne nous occuper que des lois très urgentes, abandonnant les autres à la prochaine législature. D'ailleurs vous n'avez pas l'intention de vous perpétuer en congrès. Si, il y a peu de temps, nous avons rejeté la dissolution, c'était à cause de la situation critique du pays, et pour ne pas abandonner le ministre aux exigences ou aux captations de fausse popularité.

La nation veut sortir de la perplexité dans laquelle elle se trouve ; les ministres doivent avoir bientôt des propositions à faire pour nous conduire à un état stable et définitif. Dans le cas contraire, nous devrons prendre l'initiative ; s'il n'y a pas moyen d'une prompte paix, déclarer la guerre, et dissiper ainsi les ténèbres de la diplomatie, pour connaître nos amis et nos ennemis.

J'ai vu avec plaisir l'empressement du ministre des finances à présenter son budget ; j'espère que les autres ministres l'imiteront, et que les sections seront bientôt saisies de leur examen. Il nous faudra beaucoup de temps pour compulser toutes ces pièces et vérifier les dépenses énormes qui ont été faites. Je suis d'avis que cette seule loi nous tiendra plus de quinze jours, à moins qu'on ne veuille encore voter un budget de confiance.

Je me résume, et je dis que depuis sept mois, nous nous consumons en provisoire ; que nous sommes trop agités pour faire de bonnes lois organiques ; que nous ne devons pas empiéter inutilement sur la puissance législative, et qu'il est important de s'occuper des questions qui peuvent nous faire parvenir à un état définitif. (E., 25 mai.)

M. Henri de Brouckere – Messieurs, je conviens, avec l'auteur de la proposition, que le premier objet de notre mandat est de constituer l'État : aussi, si lorsque nous pouvons nous occuper de cet objet, nous allions nous en détourner pour nous occuper d'autre chose, je crois que nous manquerions essentiellement à notre mandat. Mais dire que le pouvoir législatif ne nous appartient pas, c'est avancer une chose tout à fait inexacte. Il suffit, pour le reconnaître, d'examiner le décret du 24 février dernier, dans lequel le congrès s'est réservé le pouvoir législatif dans toute sa plénitude. Mais quand il n'aurait pas fait cette réserve, le congrès pourrait-il déclarer qu'il ne votera que sur tel ou tel projet ? Non, parce qu'il y aurait de sa part imprudence et légèreté. Dans les projets qui pourraient nous être présentés, il pourrait s'en trouver tel dont l'urgence serait incontestable ; pourquoi irions-nous par avance nous lier les mains, nous interdire le droit de l'examiner ? Je rejetterai donc la proposition. Je la rejetterai .encore par un autre motif. Son auteur propose de borner nos discussions aux lois sur le sel, les distilleries et le budget ; mais parmi les projets présentés, il y en a qui sont (page 126) aussi urgents que les lois financières ; je me bornerai à citer la loi sur le jury, dont on attend l'organisation avec impatience ; je citerai encore la loi sur les récompenses nationales qui ne doit pas être renvoyée à la législature suivante, mais qui entre expressément dans les attributions du congrès.

- L'orateur combat pareillement la proposition de la section centrale ; il la regarde comme inutile en ce que le congrès a déjà déclaré en novembre qu'il ne s'occuperait que de projets et de propositions dont l'urgence aurait été reconnue. En terminant, l'orateur propose de faire un tableau de tous les projets, en commençant par le plus urgent, et d'examiner ces divers projets tant que le congrès se trouvera réuni, puisque dans les circonstances graves où se trouve la nation, la réunion du congrès est indispensable. Enfin il vote pour qu'il soit passé à l'ordre du jour. (I., 25 mai.)

M. Lecocq – Sans examiner jusqu'à quel point les articles 135, 136 et 139 de la constitution, combinés entre eux et avec la disposition de l'article 2 du décret du 24 février 1831, peuvent s'opposer, en droit, à l'examen de toute autre question que celle du choix du chef de l'État, j'estime que cette question doit être mise en première ligne.

La nation est palpitante d'impatience, d'inquiétude : elle veut que la question du choix du chef de l'État soit pour nous une idée fixe ; elle veut peut-être que là soit tout notre travail : l'intérêt du pays, disons le salut public, le commande ainsi.

D'ailleurs, je le demande, quel autre objet peut maintenant captiver nos esprits ? Sans cesse distraits par la gravité de la question culminante, nous ne saurions apporter dans l'examen des questions secondaires le calme, la réflexion, l'étude nécessaires pour faire de bonnes lois.

D'après ces considérations, j'adopte la proposition de M. Lardinois, mais avec les modifications proposées par la section centrale, dont je faisais partie, ce qui me parait tout concilier. (I., 25 mai.)

M. Van Snick demande qu'au mot urgence qui se trouve dans l'article premier du projet de la section centrale, il soit ajouté celui d'importance, afin, dit-il, que le congrès se réserve de voter les lois provinciale et municipale, qu'il doit avoir à cœur de donner à la nation, et qui ne sont que des corollaires de la constitution. (I., 25 mai.)

M. Raikem, rapporteur – Je m'oppose à l'amendement de M. Van Snick. Ce serait faire injure au congrès que de croire qu'il aurait déclaré l'urgence sur des objets qui n'auraient aucune importance. (Rire général.) (I., 25 mai.)

M. le baron Beyts soutient que l'État ne sera définitivement constitué que lorsque les lois municipale et provinciale auront été rendues et lorsque le jury aura été organisé ainsi que la cour de cassation. Toutes ces matières sont donc urgentes sans qu'il soit besoin de le déclarer. Il en est de même de toutes les matières indiquées dans l’article 139 de la constitution ; car sans cela la constitution ne serait qu'une vaine théorie. Je demande donc, si la proposition de la section central admise, que l'on ajoute à l'article 2 la disposition suivante :

« Sans préjudice à l'article 139 de la constitution qui désigne plusieurs matières sur lesquelles il doit être pourvu dans le plus court délai possible. » (I., 25 mai.)

M. Barthélemy, ministre de la justice appuie les observations de M. Beyts, et croit le congrès doit s'occuper des lois qu'il lui a présentées sur le jury, la presse et l'organisation judiciaire. Il rappelle au congrès que la loi fondamentale des Pays-Bas promettait une organisation judiciaire, que le pays a vainement attendue pendant quinze ans. (I., 25 mai.)

M. de Robaulx parle en faveur de la rédaction de la section centrale. (E., 25 mai.)

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée. (E., 25 mai.)

M. Van de Weyer demande la question préalable. (E., 25 mai.)

M. Henri de Brouckere demande qu’il soit passé à l'ordre du jour. (E., 25 mai.)

M. de Robaulx parle sur la position de la question. (E., 25 mai.)

- L'ordre du jour est mis aux voix ; après deux épreuves, le bureau déclare qu'il y a doute. (L’appel nominal !) (E., 25 mai.)

M. Devaux prend la parole pour faire des observations sur la position de la question. (E., 25 mai.)

M. Henri de Brouckere invoque le règlement, d'après lequel on ne peut prendre la parole entre deux épreuves, et se livre à quelques observations. (E., 25 mai.)

M. le président – Vous en appelez au règlement, et cependant vous ne vous y êtes conformé. (E., 25 mai.)

M. Destouvelles – Je demande la permission à M. le président d'appuyer la proposition de M. de Brouckere ; M. Devaux a parlé quand il ne devait plus obtenir la parole ; il devient nécessaire de vider la question qu'il a soulevée. (E., 25 mai.)

(page 127)

On procède au vote par appel nominal.

134 membres répondent à l'appel.

81 votent contre l'ordre du jour.

53 votent pour.

En conséquence l’ordre du jour est rejeté. (P. V.)

Discussion des articles

On passe à la discussion des articles du projet de la section centrale :

Article 1

« Le congrès national décrète :

« Art. 1er. Il y a urgence de s'occuper de tout ce qui peut être relatif au choix du chef de l'État. » (E., 25 mai, et A.)

M. Henri de Brouckere regarde cet article comme une mystification. (E., 25 mai.)

M. Trentesaux dit que l'on veut faire déclarer au congrès que deux et deux font quatre. (E., 25 mai.)

M. Charles Rogier et M. Raikem, rapporteur, sont entendus. (E., 25 mai.)

- L'article premier est adopté. (P. V.)

Articles 2 et 3

« Art. 2. Que, pour le surplus, il ne s'occupera de toute autre proposition qu'autant que l'urgence en aura été reconnue et déclarée par le Congrès. » (A.)

M. le baron Beyts propose d'ajouter :

« Sans préjudice à l'article 139 de la constitution, qui désigne plusieurs matières sur lesquelles il doit être pourvu dans le plus court délai possible.» (P. V.)

- L'article est adopté avec cette addition. (P. V.)


« Art. 3. Que l'urgence d'une proposition sera discutée en séance publique, sans renvoi préalable aux sections, et que le renvoi aux sections n’aura lieu que sur la proposition même et après que l'urgence en aura été déclarée. »

- Adopté. (A., et P. V.)


M. François propose un quatrième article.

- Il est rejeté. (P. V.)


Avant de passer à l'appel nominal, M. Nothomb fait observer que la proposition avait pour but de rétrécir le champ des discussions, et que l'amendement de M. Beyts lui a donné au contraire une grande extension. L'orateur prie le congrès de bien peser les termes de la résolution, contre laquelle il déclare voter. (I., 25 mai.)

Vote sur l'ensemble du projet

On procède au vote par appel nominal sur l'ensemble du décret.

135 membres répondent à l'appel.

58 votent pour.

77 votent contre.

En conséquence le décret n'est pas adopté. (Sensation. Rire général.) (I., 25 mai, et P. V.)

Projet de décret accordant un supplément de traitement aux membres des cours supérieures de justice de Bruxelles et de Liége

Rapport de la section centrale

M. François fait le rapport de la section centrale sur le projet de décret relatif à un supplément de traitement à accorder aux membres des cours supérieures de justice de Bruxelles et de Liége.

M. Le Bègue et M. le baron Beyts prennent la parole. (E., 25 mai.)

- L'impression et la distribution du rapport sont ordonnées. (P. V.)


M. Van de Weyer – J'ai une proposition à faire. Le bureau ne peut disposer des objets dont il est fait hommage au congrès. Un aigle a été donné au congrès par M. Lassalle : je demande qu'au lieu d'en ordonner le dépôt aux archives (on rit), cet intéressant oiseau soit déposé au Musée et livré à la curiosité des amateurs d'histoire naturelle. (I., 25 mai.)

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée. (P. V.)

La séance est levée à trois heures. (P. V.)