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Congrès
national de Belgique
Séance du
samedi 2 juillet 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Préliminaires de paix
(les dix-huit articles) (H. de Brouckere, Beyts, Delwarde, Cruts, Forgeur, d’Elhoungne, Deleeuw, Gendebien (père), d’Arschot, Barthélemy, Jottrand, Van Meenen, Destouvelles, H. de Brouckere, Lecocq, Van Hoobrouck de Mooreghem, Helias d’Huddeghem, Delwarde, Van de Weyer, Raikem, Delwarde, de Tiecken de Terhove, Gendebien (père), Gelders, L. Zoude, J. Goethals, Defacqz, Cruts, A. Gendebien, Pirson, Beyts, Van de Weyer, Blargnies, Devaux, Forgeur, Van de Weyer, Ch. de Brouckere, Van de Weyer, Devaux, de Robaulx, Lebeau, Forgeur, Ch. de Brouckere, Devaux, Ch. de Brouckere, Lebeau)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société
typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844,
tome 3)
(page 382) (Présidence de M. Raikem, premier vice-président)
Même
foule, même empressement ; les dames occupent toutes les tribunes supérieures ;
il est impossible de se faire une idée de l'ardeur avec laquelle elles ont
envahi les premières places dès l'ouverture des portes. (M. B., 4 juill.)
La
séance est ouverte à midi.
Un des secrétaires, donne lecture du procès- verbal ;
il est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions
suivantes :
La
veuve de Joseph de Moor demande une augmentation de
pension.
M. Pierre
de Moor, à Ixelles, prie le congrès de déclarer que
les Belges habitant les territoires qui pourraient être distraits de
La
veuve Serruys, à Couckelaere, présente des
observations concernant le projet de décret sur les distilleries.
Cinquante-six
officiers de la garde civique de la ville de Gand déclarent protester contre
les préliminaires présentés par la conférence de Londres. (M. B., 4 juill., et
P. V.)
- Ces
pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M.
Louis Tauvin, prisonnier de guerre à Louvain, demande
des lettres de naturalisation. (P. V.)
-
Renvoi à la commission des naturalisations. (P. V.)
M. le président – L'ordre du jour est la suite de la
discussion de la question préalable élevée par M. de Robaulx, sur les
propositions de MM. Van Snick et Jacques. (M. B., 4 juill.)
M. Henri de Brouckere – Je fais remarquer, messieurs, comme
le fit hier le dernier orateur, que pour moi la question préalable est la
question du fond. (M. B., 4 juill.)
M.
Camille de Smet – Je demande à faire une motion d'ordre. Dans toutes les
discussions semblables, nous avons entendu tantôt un orateur pour, tantôt
un orateur contre. Je demande qu'il en soit de même en cette
circonstance. (M. B., 4 juill.)
M. Henri de Brouckere – Si quelqu’un veut parler pour les
protocoles, je lui cèderai volontiers la parole. (M. B., 4 juill.)
M.
Cruts – Je ne veux pas parler contre les protocoles, mais je
parlerai contre la question préalable. (M. B., 4 juill.)
- Il
s'élève un débat sur la question de savoir si la discussion s'engagera sur la
question préalable et sur le fond. (M. B,J
M. Henri de Brouckere propose que les orateurs soient entendus
sur le fond de la question en même temps que sur la question préalable, et
qu'on mette ensuite aux voix la question préalable la première. (M. B., 4
juill.)
(page 383) M.
le baron Beyts dit que la question préalable ne peut avoir d'autre but que de décider
qu’il n’y a pas lieu à délibérer, et on nous propose de délibérer sur l'objet
qu'on ne veut pas admettre. Il y a là contradiction : si la question préalable
est adoptée, toute la question est tranchée. Il demande qu'on ne s'occupe que
de la question préalable. (I., 3 juill.)
M.
Delwarde – L'assemblée est libre de décider que la question préalable ne sera mise
aux voix que lorsque tous les orateurs inscrits auront été entendus. La question
préalable se confond entièrement avec la question principale. Je demande que ma
proposition soit mise aux voix. (I., 3 juill,)
M. Cruts veut que la question préalable
soit discutée seule. (I., 3 juill.)
M.
Forgeur
appuie la marche proposée par M. Henri de Brouckere, qu'il trouve très
rationnelle. Il démontre la nécessité de traiter deux questions en même temps,
et s'appuie sur ce que la question préalable n'a été qu'une suite des
propositions de MM. Van Snick et Jacques. (I.,3 juill.)
M. d’Elhoungne parle dans le même sens
que M. Cruts. (I., 3 juill.)
M. Deleeuw, M. Gendebien (père), M.
le comte d’Arschot et M.
Barthélemy
parlent en faveur de la proposition de M. Henri de Brouckere. (M. B., 4 juill.)
M. Jottrand, M. Van Meenen et M.
Destouvelles parlent contre cette proposition. (M. B. 4juill.)
M. le président met aux voix la proposition suivante
:
Veut-on
joindre la discussion de la question préalable à la question du fond ? (M. B. 4
juill.)
M.
Cruts – Tout le monde n'est pas assis. (Hilarité générale.) (M. B., 4 juill.)
- L’assemblée se prononce affirmativement pour la question
posée par M. le président ; en conséquence la discussion est ouverte
simultanément sur la question préalable et sur le fond de la proposition
principale. (P. V.)
M. Henri de Brouckere – Messieurs, je n’ai plus à faire ma
profession de foi sur les questions qui touchent à l'honneur national, à
l'intégrité du territoire. Ma manière de voir à cet égard n’a jamais varié ;
plus d'une fois j'ai été dans l'occasion de vous la faire connaître. Disposé
aux plus grands sacrifices, lorsque le bien de la patrie le requiert, j'ai
toujours regardé comme le plus impérieux des devoirs pour les représentants de
la nation de défendre l'intégrité d'un territoire dont eux-mêmes ont déterminé
les limites, dont tous les habitants sont Belges et veulent le rester.
Pendant
les premiers mois de notre réunion, nous paraissions tous d'accord, messieurs,
sur l'obligation qui nous incombait de n'abandonner à aucun prix la plus minime
partie du territoire belge ; si alors une voix s'était élevée parmi nous pour
proposer l'abandon de quelque partie de ce territoire, j'en appelle à vos
souvenirs, j'en appelle à votre bonne foi, cette proposition n'eût-elle pas été
l'objet des reproches les plus durs, des attaques les plus violentes, en un mot
d'une réprobation générale ? Inutile de citer ici des preuves à l'appui de ce
que j'avance ; ce serait cependant, il faut en convenir, un rapprochement assez
singulier que celui des opinions que soutenaient alors avec tant de chaleur
quelques membres de cette assemblée, et de celles qu'ils semblent professer
aujourd'hui. Ce rapprochement, ce ne sera pas moi qui le ferai ; il n'y aura
rien de personnel dans les paroles qui sortiront de ma bouche et qui seront
peut-être les dernières que j'aurai l'honneur de prononcer devant vous. Le désir
de voir bientôt régner au milieu de nous un prince aux brillantes qualités
duquel tout le monde, et moi le premier, se plaît à rendre hommage ; l'espoir
de rendre le calme et la tranquillité à notre patrie, que la tourmente n'agite
que depuis trop longtemps, ont pu les séduire. L'énergie n'est point le partage
de tous. Quant à moi, je n'hésite pas à le dire, tous les biens, tous les
avantages d'un côté ; de l'autre, de la gêne, des privations et des malheurs :
une semblable alternative même ne me ferait point souscrire à un acte que je
considère comme contraire à mon mandat, contraire à mon devoir, et que ma
conscience me reprocherait à jamais.
De
quoi s'agit-il ? On vous propose, comme conditions de l'acceptation de S. A. R.
le prince de Saxe-Cobourg, certains articles qui, dit-on, formeront les
préliminaires d'un traité de paix, et l'on ajoute que ces articles seront
considérés comme non avenus si le congrès les rejette en tout ou en partie.
Ainsi il ne nous appartient point d'y apporter le plus léger changement, d'y
faire la moindre modification ; il nous faut ou les accepter ou les rejeter
dans leur ensemble.
Eh
bien, messieurs, en dépit des longues paraphrases que nous lisons dans le
journal qui est l'organe du ministère (En note de bas de page de l’ouvrage d’E. HUYTTENS, on peut
lire ce qui suit : « Il s'agit du Moniteur Belge. En effet, à
cette époque, ce journal a publié un grand nombre d'articles politiques non
signés, mais qui étaient de M. Nothomb ». Cette note se poursuit par un
article publié le 2 juillet. Ce dernier n’est pas repris dans cette version
numérisée.), nous ne
pouvons nous (page 384) faire
illusion : ces articles sont, à quelques variantes près dans les expressions,
la répétition des dispositions du protocole du 20 janvier, protocole, du reste,
qui n'est nullement anéanti, et pourrait encore être invoqué contre nous si on
le trouvait bon. Comparez ces deux pièces et jugez.
Dans
l'une comme dans l'autre on rétablit les limites de 1790. Dans l'une comme dans
l'autre on méconnaît nos droits à conserver le Luxembourg ; seulement les
grandes puissances nous promettent leurs bons offices, pour que le statu quo
soit maintenu pendant le cours des négociations. Dans l'une comme
dans l'autre on stipule qu'il sera fait des échanges : par suite de la
première, à la vérité, ces échanges devaient s'effectuer par les soins des
puissances, tandis que l'autre statue qu'ils pourront se faire à l'amiable ;
mais l'article 17 ne nous laisse aucun doute sur leur intervention, dans le cas
où, comme la chose est certaine, nous ne parviendrions pas à nous arranger ; et
pour cela il suffira de l'appel d'une des deux parties. Enfin, en attendant les
échanges, et indépendamment des arrangements, on exige encore que nous
commencions par évacuer réciproquement les territoires, villes et places
auxquels nous n'aurions plus droit : et comme il en résulterait que Maestricht
devrait nous être cédé pour moitié par les Hollandais, on a soin de mettre en
doute un fait avéré, un fait historique, un fait connu de tout le monde, savoir,
que les Provinces-Unies n’exerçaient pas seules la souveraineté dans la ville
de Maestricht en 1790.
J'abandonne
l'examen des autres articles qui vous sont proposés. De ceux dont je viens de
vous rappeler le contenu, je tire la conséquence (sans parler du grand-duché de
Luxembourg, dont les députés de cette province auront sans doute soin de vous
entretenir), que l'on voudrait nous conduire à céder définitivement Maestricht
à
J'ai
dit d'abord qu'on voulait nous conduire à renoncer à la ville de Maestricht.
Pour vous en convaincre, messieurs, , veuillez lire le cinquième des articles
qui vous sont présentés, et vous rappeler ce que j'ai eu l'honneur de vous dire
à cet égard, il y a près d'un mois. La rédaction seule de cet article doit même
suffire, ce me semble, pour ouvrir les yeux à ceux qui chercheraient à
s'aveugler encore, pour leur faire voir ce qu’ils (page 385) à attendre. Je vous l'ai fait remarquer, on ne craint pas
d'y énoncer comme fort douteux, comme devant être prouvé par nous, un fait, qui
vous l’a dit M. le ministre des affaires étrangères lui-même, est absolument
incontestable, est tellement connu de tout le monde, que, pour l'ignorer, il faut ne pas avoir la plus légère notion d’histoire. Vous savez ce
que m'a répondu M. le ministre, quand, dans un comité qui n'a eu de secret que
le nom, je lui ai objecté la bizarre contradiction qui existait entre ses
paroles et le langage de la conférence. « Walter Scott, a-t-il dit, s’est
bien trompé aussi dans un de ses romans, au sujet de notre pays, puisqu'il a
fait parler le flamand aux Liégeois, du temps de Louis XI. » Vous ne vous
attendiez pas plus que moi, messieurs, à voir comparer les membres de la
conférence à un écrivain de romans : sortie de toute autre bouche, cette
comparaison eût été prise pour une piquante et amère satire ; chez M. le
ministre, c'était, je suppose, une distraction ; aliquando
bonus dormitat Homerus :
le fait est qu'il lui eût été impossible donner une bonne réponse, car
n'oubliez pas qu'il y a si peu ignorance de la part de la conférence que,
depuis plus de six mois, tous les envoyés qui se sont succédé à Londres ont
répété à satiété tout ce qui est relatif à la souveraineté mixte de Maestricht
qu'il en est parlé dans bien des traités, connus du plus mince diplomate, et
que ces traités ont d'ailleurs été depuis peu répétés dans tous les journaux.
S'il n'y a pas ignorance, qu'y a-t-il donc ? je vous l'ai dit avant-hier, je me
dispenserai de le répéter.
Du
reste, tous les actes qu'exerce journellement à Maestricht le gouvernement
hollandais, prouvent à l'évidence son intention bien formelle de ne jamais y
renoncer en tout ou en partie.
Je
continue, et je dis qu'on veut nous faire restituer à
J’arrive
à ce qui concerne la ville de Venloo, dont les habitants sont destinés à être
les premières victimes de votre résolution, car, sans contredit, elle
appartenait à
Occupée
par une garnison hollandaise, qui s'était renforcée d'un certain nombre de
douaniers organisés en compagnie, la ville de Venloo a dû rester inactive,
pendant les premiers temps de notre révolution, tout en manifestant secrètement
le désir de faire bientôt cause commune avec nous. Il était pour nous d'une
extrême importance de la posséder, parce que c'était le seul point militaire
que nous pussions occuper entre Maestricht et Nimègue, et que, sans cela, nous
laissions les Hollandais, pour ainsi dire, maîtres chez nous d'un territoire de
vingt-deux lieues de long.
Après
la prise d'Anvers, le gouvernement, qui n'avait encore que bien peu de troupes
à sa disposition, adressa une proclamation aux habitants, ainsi qu'à ceux de
Maestricht, pour les engager à miter les Anversois, à chasser leur garnison, à
épouser la cause des Belges. Je remplissais alors provisoirement les fonctions
de commissaire de district dans l'arrondissement de Ruremonde, fonctions que
j'avais acceptées à la sollicitation du gouvernement, non sans quelque
répugnance, puisqu'elles me détournaient du genre d'études et d'occupations
auquel je me suis par goût dévoué depuis près de quatorze ans. Je fus chargé
d'introduire cette proclamation, je le fis. Les Venlonais,
Belges de cœur, ne furent pas sourds à la voix du gouvernement, qu'ils
regardaient comme l'organe de la nation. Une simple démonstration fut faite par
un petit corps d'armée, et, grâce à leur courage, grâce à leur patriotisme, les
portes furent immédiatement ouvertes, et la garnison tout entière fut faite prisonnière,
sans en excepter un seul homme.
Et
c'est cette même ville, messieurs, que vous allez livrer à ceux dont vous
l'avez engagée à secouer le joug ! Si vous ne vouliez pas protéger ses
habitants, les traiter comme des frères, pourquoi donc les invitiez-vous si
instamment à faire cause commune avec vous ? Pourquoi les poussiez-vous à
exposer leur vie, à compromettre leur avenir ? Etait-ce donc un piège que vous
leur tendiez pour les rendre, quand ils ne vous seraient plus aussi
nécessaires, victimes de leur bonne foi et de leur confiance, pour les livrer,
pour ainsi dire, en holocauste ? Ah ! si vous vouliez les abandonner un jour,
que ne les laissiez-vous en repos ; sans vos instances, ils eussent peut-être
supporté patiemment la domination hollandaise. Et quelle conduite pensez-vous
que tiendront à leur égard les (page 386)
maîtres auxquels vous les rendez ? oublieront-il l'affront sanglant, le tort
incontestable qui leur a été fait dans votre intérêt ? Plusieurs fois le nom
des habitants de Venloo a retenti avec éloge dans cette enceinte ; chaque
parole prononcée à leur avantage aura empiré leur sort, ce sera un nouveau
grief à leur charge. J'en appelle à tout ce qu'il y a ici de cœurs généreux ;
qu'ils me répondent : Pensent-ils que nous puissions ainsi renier d'aussi
dignes concitoyens ?
Mais,
dit-on, il y aura des échanges,. et l'on fera en sorte que Venloo y soit
compris. J'ignore si une assurance de cette nature fera fortune auprès de
quelques-uns de vous, messieurs ; à coup sûr ce ne sera pas auprès de moi. J'ai
une conviction tellement intime, qu'elle équivaut à une certitude, que Venloo
une fois rendu aux Hollandais, ne nous sera par eux restitué à aucun prix. J'en
ai leur intérêt pour garant ; je l'ai prouvé à une époque où quelques personnes
m'ont même, assez mal à propos, reproché d'avoir éclairé les Hollandais sur
leurs intérêts, comme s'ils m'avaient attendu pour les bien apprécier.
Il y
aura des échanges, oui : mais ils ne serviront à nous rendre ni Maestricht ni
Venloo ; ils se borneront à l'abandon de la part de
Vous
vous êtes si souvent récriés contre ce fatal système en vertu duquel on vend et
l’on échange des hommes comme on ferait d'un objet de commerce ; vous l'avez à tant
de reprises différentes flétri d'une manière si énergique ; je ne veux pas
faire en petit ce que vous avez reproché aux souverains de l'Europe d'avoir
fait en grand.
Quant
à ce qui regarde le marquisat de Berg-op-Zoom, la
seigneurie de Ravenstein et les autres enclaves qu'on
assure que nous possédons en Hollande, permettez-moi de ne pas exprimer mon
opinion à cet égard ; vous pourriez regarder comme une imprudence ce que je
serais forcé de vous dire. Toujours est-il que de ce chef mes espérances se réduisent
à rien ou à bien peu de chose.
Je
passe aux objections que l'on peut m’opposer ; je les examinerai brièvement.
Voici
la première :
Mais
les habitants du pays de généralité, ceux de Venloo nommément, ont-ils bien
droit à être Belges ? N'est-il pas juste de les rendre à
Vous
me demandez si les habitants de Venloo ont droit à être Belges ! Vous n'avez
plus le droit, vous, de me faire cette question ; il fallait la leur adresser
avant de les engager à s'unir à vous, à vous aider à chasser les Hollandais.
Eh ! quand j'admettrais que
Mais
quelques personnes révoquent encore en doute, malgré l'évidence, le désir bien
prononcé des habitants de ces communes de rester Belges. Je vous ai déjà parlé,
messieurs, de leur conduite dans ces derniers temps. Voulez-vous d'autres
preuves ? parcourez les nombreuses pétitions que toutes vous ont adressées et
qui sont couvertes d'une foule de signatures honorables. J'en prends une au
hasard et j'y lis, entre autres :
« Nous
déclarons en conséquence d'un manière explicite et formelle, que nous abhorrons
le joug de
« Séparés
violemment de
« Oh
! que serait terrible la première entrevue qu’ils auraient avec leurs anciens
maîtres ! Oh ! que serait, etc., etc. »
Après
cela, messieurs, le doute est-il encore permis ?
On
continue et l'on me dit : C'est un principe incontestable, qu'il faut toujours
sacrifier la partie pour sauver le tout. Voyez cet homme blessé à la jambe ou
au bras ; si l'amputation est nécessaire pour la conservation de ses jours,
hésite-t-il à y consentir ?
D’abord
je nie que, parce que nous aurons refusé de sacrifier une partie du territoire,
nous soyons destinés à être victimes de notre décision ; peut-être
retarderons-nous un peu l'instant où nous pourrons nous constituer
définitivement ; mais je suis loin de croire que nous nous mettions dans l’impossibilité
de le faire jamais. Puis, celui qui sacrifie un de ses membres pour ne pas
perdre la vie, use d'un droit incontestable, ne lèse personne, ne fait souffrir
que lui ; mais je conteste que, pour nous procurer un bien quelconque, nous
puissions, contre leur volonté, sacrifier une partie nos concitoyens, qui sont
de la même famille que nous, mais ne nous appartiennent nullement.
Mais,
ajoute-t-on, l'article 16 stipule : « Aucun habitant des villes, places et
territoires réciproquement évacués, ne sera recherché, ni inquiété pour sa
conduite politique passée.» Messieurs, c'est là une de ces stipulations banales
qu’on rencontre dans tous les traités, et l'on sait comment elle s'observe ;
cela veut dire que votre conduite politique passée ne peut donner lieu à aucune
condamnation judiciaire ; que vous ne serez de ce chef ni fusillé, ni pendu.
Mais cette clause ne vous préservera pas des vexations, des humiliations de
tout genre auxquelles auront recours contre vous des maîtres irrités qui jamais
n'oublieront que vous les avez ignominieusement chassés, et profiteront de
toutes les occasions d'exercer leur vengeance.
On
parle, messieurs, d'indemnités à accorder aux habitants des communes cédées,
qui pourraient ainsi venir s'établir en Belgique. Deux mots suffiront pour
répondre. En admettant même qu'on vote une indemnité telle, qu'elle puisse
compenser les intérêts matériels auxquels il faudra renoncer, on ne se décide
pas si facilement, messieurs, à abandonner à jamais le lieu où l'on est né, où
repose la cendre de ceux. qui vous furent chers, où mille affections, mille
souvenirs vous attachent. Ce sont là des biens qu'un peu d'or ne paye point.
Enfin,
on m'objecte qu'en adoptant mon système, tout échange de territoire devient
impossible. Messieurs, il arrive souvent que des échanges sont avantageux à
toutes les parties, ou que du moins ils ne lèsent ouvertement les intérêts
d'aucune : supposez, par exemple, un échange de quelques communes entre
J'en
ai assez dit pour motiver mon vote ; il sera affirmatif sur la question
préalable, négatif sur la proposition principale, si cette question était
rejetée. Vous pourrez, messieurs, ne pas partager ma manière de voir ; aucun de
vous, j'espère, ne me blâmera. Peut-être serais-je en droit de manifester
quelques inquiétudes à cet égard, après l'article que j'ai lu aujourd'hui dans
le journal qui, comme je l’ai dit, est l'organe avoué du ministère. Voici ce
que contient cet article, extrait d'une autre feuille, mais inséré à dessein
dans ce journal : « Nous prévoyons bien que le parti qui doit nous livrer à
Je
n'ai plus qu'un mot à ajouter. Peut-être la majorité se prononcera-t-elle dans
un sens contraire à mon opinion. Dans ce cas, je croirais mon mandat expiré, et
force me serait de me retirer. Je ne le ferais point sans de vifs regrets ;
mais, messieurs, si vous pouvez vous décider à répudier une partie de mes
commettants, je ne puis plus, moi, continuer à siéger au milieu de vous.
Puissiez-vous alors n'avoir jamais à vous repentir d'avoir exercé, vis-à-vis de
quelques-uns de vos concitoyens, un acte d'injustice, que peut-être un jour on
invoquera contre vous ! (Applaudissements dans l'enceinte et aux tribunes) (M.
B., 4 juill.)
M. Lecocq – Voici une de ces circonstances graves
dans lesquelles on aime à raisonner son vote.
J'ai
médité dans le cabinet sur les questions soumises, sur tout ce qui a été dit
dans le comité général hier, et j'ai cru pouvoir asseoir une opinion première,
sauf à la modifier, s'il y a lieu, d'après la discussion : j'ai l'honneur de
vous la communiquer.
Je
disais le 31 mai à cette tribune : « L'honneur national nous permet-il
d'abandonner Maestricht et Venloo ? Venloo, qui nous a ouvert ses portes, nous
la livrerions à ses anciens maîtres ! non, nous ne nous entacherons pas
d'une pareille infamie ! »
Je
disais le 3 juin, en me résumant : « Le prince Léopold me paraît promettre tout
ce que l'on peut humainement espérer.
« Je
vois dans la réalisation probable d'un projet accessoire, les classes aisées de
deux grandes nations se donner rendez-vous sur le sol heureux de
« Je
vois liberté, patrie, avenir, nationalité, indépendance, honneur et prospérité
publique.
« C'est
dans ces douces illusions que je vote pour le prince Léopold ; mais je sens le
besoin de le répéter aujourd'hui solennellement, ces illusions tiennent à
l'idée fixe de l'intégralité du
territoire ; que si l'avènement du roi ne nous garantissait pas cette intégralité,
alors, homme toujours libre, je le répudierais. »
Tel
était alors mon langage.
Eh
bien, les dernières propositions de la conférence me présentent-elles garantie
de l'intégralité du territoire belge ? Maestricht et Venloo nous
sont-ils conservés ?
Telles
sont les questions que nécessairement tout d'abord je dois me faire à moi-même.
En
d'autres termes, ai-je la certitude morale de conserver le Luxembourg et le
Limbourg, dans l'esprit des articles 3, 4 et 5 des préliminaires ?... Oui,
si je ne me trompe, et je ne balance pas à dire oui ; car, restant entiers dans
toutes nos prétentions, quant au Luxembourg, et obtenant pour aider à vider la
question du Limbourg, la reconnaissance de droits sur certains enclavements,
nous considérerons ces enclavements comme pouvant nous servir de moyens
d'échange, bien décidés toujours à ne point laisser entamer l'intégralité du
territoire : ainsi donc, que l’on négocie à ce sujet ou que l'on guerroie, à
coup sûr notre cause ne
peut que gagner par l'avènement de Léopold au trône de
Mais je
lis l'article 6, qui prescrit l'évacuation réciproque des territoires, villes
et places, indépendamment des arrangements relatifs aux échanges, et je me
demande s'il peut s'appliquer à une ville, à un territoire, faisant partie
d’une province belge tout entière, depuis au moins 1815, à un territoire qui a
fait sa révolution avec les autres provinces, à une ville qui nous a ouvert ses
portes, à une ville qui a sa représentation au congrès !
Venloo
ne peut pas plus être considérée comme conquête que toute autre place qui, un
peu plus tôt ou un peu plus tard, a arboré le drapeau national.
J'admettrais
qu'en exécution du principe consacré en l'article 1er, la possession définitive
de Venloo pût rester en question pour, à la rigueur, devenir un objet
d'échange, et entre-temps rester entre nos mains ; mais puis-je consentir a
l’évacuation provisoire d'une ville que l'honneur me fait un devoir de
conserver à tout prix ? Le mot peut-être, dont s'est servi avant-hier (page 389) l’honorable M. Nothomb en
parlant de l'échange éventuel des enclavements respectifs ; ce mot appliqué,
dans mon imagination, à la ville de Venloo, me fortifierait dans l'opinion de
ne rien abandonner provisoirement. Il nous souvient de l'armistice ; il nous
souvient de la levée du siège de Maestricht.
Voilà
des scrupules, messieurs ; et combien ne doivent-ils pas me dominer, moi
personnellement qui, le 3 juin, ai déclaré solennellement dans le sein de cette
assemblée que, nonobstant mon vote, je répudierais celui qui en était
l’objet si son avènement ne garantissait pas l'intégrité du territoire/ ?
Puis-je reculer devant une pareille profession de foi, devant un tel précédent,
tandis que les mêmes motifs déterminants existent ?
Ici,
messieurs, n'allez pas soupçonner en moi ce que l'on appelle une fausse honte :
l'amour-propre ne me ferait pas tenir irrévocablement à une résolution
première, si je trouvais de graves raisons d'intérêt général pour l'abandonner
; mais je ne vois pas ici cette nécessité publique devant laquelle tout doit
céder.
Certes,
je sais tout ce que l'on peut dire en argumentant de la force des choses ; je
sais même tout ce que l'on pourrait dire pour colorer l'abandon d’un accessoire
à l'effet de sauver le principal ; je sais qu'en négociations diplomatiques,
surtout, l’on ne peut pas toujours se renfermer rigoureusement dans le cercle
des principes absolus ; je sais que l'on ne peut vouloir tout obtenir d'un
trait.
Aussi
me résignerais-je pour le moment, quoi qu’il m'en coutât,
pour ajourner la question de la rive gauche de l'Escaut (question qui du reste
ne tient pas à la constitution) à des temps où nos voisins eux-mêmes nous
fourniront occasion d'y revenir.
Aussi
adopterais-je encore, je le répète, le principe des préliminaires, si le statu
quo, que je considère comme consacré pour le Luxembourg, pouvait
s'appliquer à toutes les parties du Limbourg que nous occupons : je dis comme
consacré, car l'on ne veut rien changer à mes yeux et l’on ne peut rien
changer à l'état des choses dans le Luxembourg : je ne crois pas, moi, comme le
croyait hier un honorable membre, qu'il s'agisse de détacher le Luxembourg de
Ah !
combien il m'en coûterait de devoir prononcer un vote négatif, alors que tant
d'articles me paraissent d'une nature acceptable, alors que je vois certaines
dispositions si heureuses pour ma patrie !
Impossible
que la bonne foi ne se plaise pas à reconnaître un changement du tout au tout
dans la question primitive de la dette : associés, nous payons ce que nous devions
chacun réciproquement avant l'association, et nous divisons dans une juste
proportion ce qui avait été contracté en commun, restant maîtres de contredire
: quoi de plus naturel ?
Les
dispositions de l'article 3 n'inspirent peut-être pas assez de confiance à
plusieurs de nos honorables collègues, pour la conservation du Luxembourg ; et
moi je demande si l'on peut raisonnablement supposer que le prince Léopold se
prêterait à une vile mystification ? Ne sait-il pas déjà que sans le Luxembourg
Ou je
comprends bien mal les articles 9 et 10, ou la neutralité, telle qu'elle y est
caractérisée, ne blesse aucunement l'honneur national, puisque nous sommes
toujours maîtres de venger nos propres intérêts ; tandis que cette neutralité
réalise, tout au profit de nos belles provinces, des vœux exprimés depuis des
siècles, chaque fois que la guerre éclatait entre les grandes puissances de
l'Europe : quelle riche et séduisante perspective, en effet, que
Enfin
notre place est marquée dans la grande famille européenne ; l'on nous y convie,
et nous pouvons y figurer avec orgueil. Constitués, reconnus indépendants et
libres, après neuf mois seulement de révolution, nous présentons à l'univers un
grand miracle politique ; nous formons déjà, et à tout événement, une puissance
d'un rang respectable. Et que sera-ce alors que les destins se trouveront tous
accomplis pour notre heureuse patrie ? alors que nous verrons nos limites
s'étendre jusqu'aux points marqués par la nécessité de nous rendre assez forts
pour bien remplir la noble tâche que la diplomatie nous assigne : celle
d'affermir l'équilibre politique ? oui, car un jour on voudra les moyens après
avoir voulu la fin.
Mais
aujourd'hui, pourquoi faut-il qu'une telle somme de bonheur doive être achetée
par un acte (page 390) que je n'ose
caractériser ici ? Pourquoi faut-il que l'on n'ait pas pu faire comprendre au
prince qui vient s'asseoir sur le trône de Philippe le Bon et de Charles-Quint,
que l'esprit national répugnerait invinciblement à une mesure de lâcheté ! Ce
prince, que l'on dit si magnanime, eût employé toute son influence à l'effet
d'obtenir au moins le statu quo pour une ville deux fois belge ! Nos
cœurs se crispent à la pensée de Venloo ; nous nous sentons humiliés : eh !
n'entendez-vous pas déjà les cris accusateurs d'une population de frères livrés
pieds et poings liés ? Ces cris nous poursuivraient ; ils empoisonneraient tout
le bien-être matériel que peuvent d'ailleurs nous promettre les préliminaires
de Londres.
J'ai
entendu contester nos droits sur ce territoire, Eh ! messieurs, nous avons ici
bien autre chose que des droits, nous avons des devoirs.
Il
m'était venu aussi dans la pensée d'offrir à ces frères sacrifiés sur l'autel
de la patrie, toutes les indemnités propres à consoler peut-être ; d'offrir
même la construction, sur le territoire belge, d'une seconde Venloo ; mais
cette combinaison serait-elle satisfactoire ? La
nation l'agréerait-elle comme œuvre sienne ? L'éloquence de cœur de l'honorable
M. Jaminé vous a répondu hier, et M. Henri de Brouckere aujourd'hui. Quant à
moi, messieurs, je vois d'une part, je l'avoue, des avantages immenses,
assurés, garantis, et la guerre évitée ; mais, d'autre part, des obligations de
conscience ! des devoirs de famille ! des devoirs fraternels et
d'honneur !... L'honneur ! ce mot
sacré ne s'explique pas ; quand on croit devoir l'expliquer, c'est qu'il y a
déjà atteinte. L'honneur ! Hier, un orateur a fait une allusion que j'accepte ;
je l'en remercie : oui, c'est moi qui ai dit que la perte de l'honneur pour
une nation, c'est la mort. Ce que j'ai dit alors, je le tiens pour bien dit
; je le répète aujourd'hui : ce que je pensais alors, je le pense encore
maintenant, et cette vérité culminante sera toujours ma règle de
conduite.
Je
conclus en demandant quel inconvénient il y aurait à adopter les préliminaires,
comme bases de négociations avec
De
cette seule modification ne peuvent résulter rupture et guerre : la conférence
est encore là, elle attend notre réponse, et, si elle n'a pas cru s'humilier en
revenant, malgré les protocoles, à un tout autre langage, à d'autres
propositions, certes elle ne se croira pas humiliée en accédant à une
modification unique, dirigée qu’elle sera sans doute, cette conférence, par des
considérations de salut européen.
Ainsi
toutes les parties se trouveront avoir noblement composé et transigé ; et, fier
d’un tel succès, je ne croirai pas, avec un honorable orateur, revenir contre
tout ce qui a été fait depuis neuf mois.
Non :
nous aurons satisfait au premier de nos besoins politiques, au plus urgent, en
sortant du provisoire pour nous constituer définitivement ; le temps fera
le reste : le roi arrivera ; il pourra prêter son serment, et nous lui
confierons nos destinées sous les obligations de la charte.
Et
vous, honorables collègues, qui, dans l’exaltation de sentiments tout
patriotiques, croyez devoir immédiatement recourir aux armes ; écoutez, je vous
en conjure, des juges que vous ne pouvez récuser, des hommes qui ne connaissent
que l'honneur, qui sont tout honneur ; écoutez ces braves des braves, ces
POLONAIS enfin, nom qui n'a plus besoin d'épithète, il est fait pour en servir
aux autres ; écoutez-les donc ; ils vous disent, ils vous crient : « Belges,
constituez-vous, constituez-vous vous sans délai ! Belges, vous avez assez fait
pour le moment ; vous avez assez fait pour votre patrie : permettez que deux
grandes et généreuses puissances accourent à notre secours ; accourez-y
aussi, et vous fortifierez votre cause, en servant la nôtre : Belges, venez sur
lei rives de
M. Van
Hoobrouck de Mooreghem – Messieurs, l'article 1er de la
constitution désigne les provinces dont, à l'avenir, doit se composer le
territoire de
L'article
3, après cela, s'exprime ainsi : « Les limites de l'État, des provinces et
des communes ne peuvent être changées que par une loi. »
Vous
avez donc prévu le cas, messieurs, où il pourrait convenir ou être nécessaire
de changer les limites de l'État par une loi ; votre qualité de pouvoir
constituant vous en donne incontestablement le droit, et surtout lorsque vous
ne pouvez encore1 vous dire que vous
êtes définitivement constitués.
C'est
donc, selon moi, étrangement abuser des mots que d'attacher le vernis du
déshonneur à un acte que vous proposerait un de vos membres, dans les limites
de cette constitution qui, seule, doit être la règle de votre vie politique.
C'est aussi
abuser des termes que de prétendre, comme l'a fait hier un honorable membre de
l’assemblée, que l'application pratique de l'article 3 (page 391) précité, à la circonstance grave où se trouve
Je ne
vois donc nullement qu'en prononçant les paroles sacramentelles qui suivent : Je
jure d' observer la constitution et les lois du peuple belge, de maintenir
l'indépendance nationale et 1'intégrité du territoire ; ni le vénérable
chef provisoire que vous vous êtes donné, ni le chef définitif que vous vous
donnerez, ne se prêteraient, comme on l’a prétendu, à une violation de votre
constitution en concourant à réaliser l'objet de son article 3. Ces
observations si simples me semblent devoir mettre à l'aise aussi tout membre de
cette assemblée, qui, tout en respectant, comme de droit et de raison, toute
opinion opposée à la sienne, vous proposerait, dans un intérêt bien entendu, et
je dirai indispensable, une dérogation, dût-elle concerner une province
entière, à l'article 1er de votre constitution.
Un
acte que la loi autorise, et que justifierait l’impérieuse nécessité sagement
prévue par elle, ne peut donc jamais devenir un titre à déshonneur pour celui
qui, avec une intention droite, en soumettrait l'adoption à votre sanction. Je
pense, moi, que le déshonneur appartient tout entier à celui, parmi nous, qui,
lié par un vote prononcé à la presque unanimité, s'isolerait de ses collègues,
pour faire prévaloir par tous moyens, à tous risques et périls, un système que
je nommerai antinational, puisque vous l'auriez antérieurement solennellement
rejeté, et qu'en vous seuls, réunis en congrès, réside le pouvoir constituant.
Ces
observations me semblent acquérir une nouvelle force lorsque je considère que
la portion du territoire objet de la négociation proposée, et des échanges qui
pourront en résulter, ne vous appartiennent pas et ne vous a jamais appartenu :
car vous n'avez sans doute pas l'intention, messieurs, d’exhumer la mémoire, ni
d'adopter l' exemple de cette célèbre chambre ardente de Louis XIV : il est
rapporté que ce prince avait une armée prête à envahir successivement, en son
nom, les provinces et territoires limitrophes à son royaume, sur lesquels ce
prétendu tribunal de sa création entendait et déclarait par des arrêtés
solennels lui reconnaître des droits.
Le
résultat de ces honteuses spoliations vous est connu ; l'histoire est là pour
vous dire qu'une coalition générale de l'Europe s'est élevée contre l’imprudent
monarque, et que la fin de son règne a été marquée, malgré ses innombrables
armées et le courage français, par l'humiliation que lui ont imposée les alliés
ses ennemis, de promettre de leur procurer de l'argent pour les aider à ôter la
couronne d'Espagne à son petit-fils.
Pardon,
messieurs, de cette petite digression historique, elle m'a semblé se rattacher
à mon sujet.
Je
rentre dans la question du rejet ou de l'acceptation des dix-huit articles du
traité qui vous est proposé.
D'après
les observations par lesquelles j'ai débuté dans cette tribune, je me crois
autorisé, messieurs, à vous présenter cette question sous tout autre point de
vue que celui de l'honneur national ; je l'envisagerai dans ses conséquences
matérielles.
Les
partisans du rejet ne peuvent disconvenir que ce rejet n'entraîne
inévitablement la guerre, car eux-mêmes ils l'appuient du cri aux armes ! J'admets
leur opinion que nous n'aurions à combattre que
J'admets
aussi que nous avons en troupes bien exercées, disciplinées et toutes dévouées,
soixante mille hommes, guidés par des chefs sûrs et expérimentés ; que nous
avons un bon matériel de campagne et nos magasins bien fournis. Voilà, je
pense, une assez large concession. Examinons maintenant la carte du pays que
nous voulons envahir : avez-vous compté les forteresses que vous avez à prendre
? le nombre et la largeur des rivières que vous avez à franchir, et celui des
combats que vous aurez à livrer avant de pénétrer dans le cœur de ce pays ? Nos
villes belges ont déployé un courage admirable pour se défendre, les barricades
et le dévouement héroïque de leurs habitants ont seuls fait les frais de cette
noble et utile résistance.
Mais
les Hollandais ont aussi le foyer domestique à protéger ; ils ont leurs
remparts, leurs fossés de circonvallation, une artillerie réputée la plus belle
de l'Europe, qui en défendent les approches ; ils appellent les inondations à
leur secours. Aujourd’hui encore et depuis huit mois, ils vous bravent derrière
les bassins de la citadelle d'Anvers.
En cas
de nouvelle agression, même sur tout autre point, ils menacent de réduire en
cendre cette belle cité, et ce que déjà ils ont fait vous répond de ce qu'ils
feront encore ! Et à propos d'Anvers, et puisqu'on nous parle de patriotisme et
d'honneur, y en a-t-il, messieurs, à ne pas craindre de compromettre et de
sacrifier même l'existence d'une population de soixante et dix à (page 392) quatre-vingt mille âmes dont
se compose cette ville ; la conservation du port le plus beau, le plus commode,
le plus sûr de l'Europe ; des bassins, des écluses, des chantiers, des magasins
et maisons construites à neuf, dont la dépense en constructions dépasse les
150,000,000 de francs ; d'une ville dont les débouchés, tant à l'extérieur
qu'à l'intérieur de nos provinces, assurent à vos produits territoriaux et
manufacturiers un écoulement indispensable et toujours constant ?
Et à
quel effet pareils sacrifices ? Pour conserver le nom de Belge à une fraction
de province le sixième de sa circonscription, qui n'appartenait pas à
Ah !
messieurs, lorsqu'à pareilles conditions j'aurai ainsi sauvé Anvers et le
Limbourg, et qu'en même temps j'aurai épargné à ma patrie les horreurs d'une
guerre peut-être générale ; lorsqu’'en m'imposant des
privations et des efforts qui atteignent l'essence de ma fortune, j'aurai
assuré à
M. Helias d’Huddeghem – Messieurs, si le ministère, abordant franchement la question, mesurant
d'un regard ferme et assuré toutes les conséquences et toutes les nécessités de
la révolution de septembre, venait nous dire que nous ne finirons jamais notre
révolution tant et aussi longtemps que nous laisserons la diplomatie de
C'est
après huit mois d'hésitations, de faiblesses, de tergiversations, que le
ministère, se couvrant de la non-responsabilité de
deux membres du congrès, vient soumettre à notre assemblée l'acceptation de
dix-huit articles que la conférence de Londres lui propose. Et pourquoi ?
Pour conserver à peu près la même attitude, je le dis à regret, et pour flotter
encore d'incertitude en incertitude. Messieurs, mon devoir, comme député de la
nation, est de m'expliquer sans aucune réserve. Dans les circonstances
présentes, le refus à l'adoption des articles proposés est une chose grave, je
le sais ; je demande au congrès la permission de lui expliquer les motifs que
j’ai d'appuyer la question préalable. Je le ferais sans déguisement, et dans le
simple langage de la franchise et de la conviction.
Messieurs,
il est triste de devoir vous rappeler le passé ; lorsqu'il s'agissait, le 31 de
mai, de (page 393) l’élection du
prince de Saxe-Cobourg, je vous disais qu’en procédant de suite à l'élection,
nous placions Son Altesse Royale et nous-mêmes dans une fausse position,
puisque les commissaires envoyés à Londres nous assuraient que le prince voulait,
non
Il est
bon de rappeler que la grande majorité de cette assemblée a déjà juré le
maintien de la constitution et ainsi de l'intégrité du territoire.
Maintenant
pouvons-nous nous occuper des dix-huit articles que la conférence nous propose,
là où par l'article 3, le Luxembourg nous est contesté, par l'article 4, une
partie de la province de Limbourg et la rive gauche de l'Escaut ?
Non,
messieurs ; je vous dirai avec M. le ministre des affaires étrangères, lors du
rapport fait le 18 mai dernier, quand il se justifia de l'accusation d’avoir
proposé le 11 avril, quelques jours avant le départ de nos commissaires pour
Londres, de modifier la constitution, notamment dans les dispositions relatives
au serment du roi et à l'étendue territoriale de
Lors
de la discussion sur l'article 3 du décret, proposé par trois de nos honorables
collègues, qui stipulait que, sans préjudice à la souveraineté, il fût mis temporairement
dans la forteresse de Maestricht une garnison étrangère, combien cet
article n'a-t-il pas été vivement combattu ! et après une longue discussion
dans laquelle l'honorable M. Van de Weyer rappela une note verbale du comité
diplomatique du 3 janvier 1831, contenant une protestation contre le
renouvellement du système de 1814 et
Vous
n'avez pas oublié, messieurs, qu'après un appel nominal chaudement réclamé,
tous les membres du congrès national, les ministres qui sont en même temps
députés y compris, rejetèrent l'article 3 du décret relatif aux négociations.
Serait-il possible que ce qui fut rejeté il y a trois semaines à l'unanimité,
passât aujourd'hui à la majorité ? cette contradiction serait trop forte, je ne
la crains pas.
Messieurs,
l'on vous a dit à satiété que les dix-huit articles en question contiennent en
substance le protocole du 22 janvier, sauf néanmoins que nous sommes renvoyés à
terminer nos affaires avec le roi de Hollande ; ainsi, à quoi bon nous occuper
de la question de l'acceptation des propositions de la conférence ; si nous
déclarons accepter les propositions, nous reconnaissons les prétentions du roi
de Hollande sur le Luxembourg, une partie du Limbourg et la rive gauche de
l'Escaut ! N'est-ce pas une mystification de la part de la conférence de nous
renvoyer en ces termes à traiter avec le roi de Hollande ?
Il me
paraît que nous devons dès à présent donner un démenti formel au roi de
Hollande qu'il aurait des droits quelconques à la province de Luxembourg, à
Maestricht et à la rive gauche de l'Escaut.
Messieurs,
ne perdez pas de vue votre décret du 1er février, contenant
protestation contre le protocole des cinq grandes puissances, du 20 janvier
1831.. Nous avions alors le courage de dire aux grandes puissances que le
grand-duché de Luxembourg, le Limbourg et la rive gauche de l'Escaut avaient
appartenu à l'ancienne Belgique, et s'étaient spontanément associés à la
révolution belge de 1830 ; qu'en 1795 et postérieurement,
Et
certes, il appartient aux seuls Luxembourgeois et Limbourgeois de prononcer sur
leur sort, à moins que, par une inexplicable contradiction, on n'entende leur
refuser un droit que la conférence ne refuse pas jusqu'à présent aux autres
Belges, celui de secouer le joug ; car si les Belges sont rentrés dans le
premier droit, et qu'ils aient pu reprendre la couronne et la donner à un autre
qui en fera meilleur usage, pourquoi refuserait-on ce droit aux habitants du
Limbourg et du Luxembourg ? Tout au plus le roi de Hollande pourrait-il (page 394) intervenir en dénonçant la
fin de l'armistice. Mais au lieu de redouter de sa part une telle
détermination, les Belges doivent la désirer : cet armistice est la cause
première de leurs souffrances.
Si au
jour où il leur fut proposé ils eussent dédaigneusement rejeté le juste
milieu, le problème de leur indépendance serait aujourd'hui heureusement
résolu.
La conférence,
dit-on, a enfin reconnu que son rôle est celui de médiateur, ce ne sont plus
des lois qu'elle dicte à
Que
cette leçon serve aujourd'hui au peuple, et à notre diplomatie, qui se laisse
mener et nous mène à son tour !
Des
griefs nombreux existaient contre le gouvernement du roi Guillaume, on en
demanda le redressement : quelques-uns même de nos honorables collègues se
distinguèrent à cette occasion pour appuyer cette demande ; mais ils firent en
vain retentir leur voix aux États-Généraux. A la cour
comme en province, les serviles et les suppôts de Van Maanen
leur prodiguèrent les plus vils sarcasmes : ils n'étaient que des jacobins. Oui
messieurs, je l'ai entendu répéter maintes fois.
Les
masses s'indignèrent du peu de succès des pétitions. Après quinze années de
joug et d'oppression, la liberté s'est réveillée glorieuse et triomphante,
appuyée sur la justice et le bon droit ; à son aspect, le despotisme a fui de
notre beau sol, laissant après lui les traces honteuses de son injustice et de
sa rapacité.
Alors
toutes les classes de la société n'avaient qu'un sentiment : le noble comme le
bourgeois endossant la terrible blouse, le fusil sur l'épaule, chassaient
partout l'ennemi ; Berchem vit tomber le brave Frédéric de Mérode ; ni le pont
de Walhem, ni la forteresse d'Anvers, ces formidables
positions en temps de guerre, ne pouvaient arrêter des citoyens qui
combattaient pour leur indépendance contre les soldats qui se battaient pour
une solde.
Si on
avait laissé faire les volontaires belges au mois d'octobre, c'en était fait de
l'ennemi. Nous entrions dans le cœur de
J'ai
entendu répéter autour de moi que le maintien de la paix dépendait de
l'acceptation des dix-huit articles : erreur, messieurs ; la guerre est
inévitable, car ne vous imaginez pas que vous obtiendrez un pouce de terrain du
roi Guillaume sans recourir aux armes. Je dirai même qu’après l'acceptation des
propositions, si vous faites la guerre, l'on sera en droit de vous dire que
vous voulez faire des conquêtes. Car, convenons-en de bonne foi, les dix-huit
articles établissent que nous n'avons aucun droit à Maestricht, à la rive
gauche de l'Escaut et à la province du Luxembourg.
Je
termine, messieurs ; j'en ai dit assez, je l’espère, pour vous convaincre que
j'agirais contre mon opinion et ma conscience, si je ne protestais contre la
mise en délibération des dix-huit articles de la conférence. (Applaudissements.)
(M. B., supp., juill.)
M.
Delwarde – La politique du gouvernement français a arrêté l'établissement du régime
républicain dans l'Europe entière. Placés au milieu de puissances qui nous sont
supérieures en forces, il nous est impossible d'avoir une politique qui nous
soit entièrement propre. C'est une (page
395) nécessité à laquelle nous devons nous soumettre. Ceux qui rejettent
ces considérations ont-ils bien pesé les résultats d'une guerre avec
Plusieurs
députés quittent
leurs places et demandent l'évacuation des tribunes. (J, B., 4 juill.)
M. Van
de Weyer – Messieurs, le congrès représente ici la nation. Chacun
de ses membres a le droit de s'expliquer avec liberté , et je déclare qu’il y a
de la part des tribunes violation du respect qu'elles doivent à l'assemblée
nationale. (M. B., 4 juill.)
Voix dans la tribune publique – Vive la minorité ! (M. B., 4 juill.)
M. Van
de Weyer – Pour moi, quelle que fût ma résolution touchant le
vote négatif à émettre la proposition de la conférence, je suis et dois être
libre de l'exprimer, et je ne permettrai jamais que l'on vienne par des
clameurs comprimer l'expression de mon opinion. Je demande donc que le
président fasse respecter les membres du congrès, et qu'il fasse évacuer les
tribunes si le scandale qu'elles viennent de donner se renouvelle. (M. B., 4
juill.)
M. le président (M. Raikem)
envoie chercher le
commandant du poste. Pendant ce temps les gardes civiques placés à la tribune
réservée veulent faire sortir un individu qui avait sifflé. On crie de
plusieurs côtés : A bas les baïonnettes ! A bas les baïonnettes ! L'agitation
est comble.
- Un
officier supérieur de la garde civique est introduit. (M. B., 4 juill.)
M. le président, debout – Ici le congrès représente
la nation, chaque député est libre d'exprimer son opinion comme il l'entend. Malheur
à une assemblée dont les discussions ne seraient pas libres ! malheur à une
nation qui ne saurait pas respecter ses représentants ! Les bons citoyens qui
sont dans les tribunes comprendront, je l'espère, qu'il est de leur devoir et
de leur honneur, et de l'intérêt de la nation, que les députés du congrès
soient libres lorsqu'ils discutent les plus graves intérêts du pays. A l'officier
supérieur - Nous avons toute
confiance dans la garde civique ; vous, monsieur, si le tumulte recommence, je
vous invite, au nom du congrès national, à faire évacuer les tribunes. (M. B.,
4 juill.)
L'officier, en saluant – La garde civique répondra aux vœux de
la nation. ( Bravo ! bravo !1 applaudissements.) (M. B., 4 juill.)
M.
Delwarde, continuant son discours – Supposons que notre appel à
la nation française ne produise aucun résultat, dans ce cas
Je ne
crois pas que nous devions déroger à la constitution pour accepter les
préliminaires. D'abord, nous gardons le Luxembourg. On dit qu'ils ne
contiennent autre chose que les protocoles : je répondrai qu'on ne nous fait
ici que des propositions. Quant à Venloo, je pense que l'acceptation du prince
de Saxe-Cobourg est un moyen de conserver cette ville. S'il n'avait pas cru que
c'était possible, il ne se serait pas prêté à la combinaison. L'Angleterre a le
plus grand intérêt à rendre
M. de Tiecken de Terhove – Moi aussi je désire de voir clore la
révolution, de voir mon pays définitivement constitué, de voir les Belges
prendre rang parmi les nations de l'Europe, de conserver la paix avec nos
voisins et de recueillir ainsi les fruits des sacrifices que nous avons faits.
Le duc
de Saxe-Cobourg, dont les qualités personnelles sont reconnues et appréciées,
qui a vécu longtemps dans un pays libre et qui a pu se façonner aux allures
constitutionnelles, en montant sur le trône de
M.
Gendebien (père) – Messieurs, réunis en congrès, chacun de nous, revêtu d'un
mandat dénué d'instructions, puisera ses motifs dans sa raison éclairée par de
nombreux précédents, et par la sagesse et le calme des débats.
Cinq
grandes puissances proposent des préliminaires, nous devons en délibérer ; je
me propose de les accepter.
Une de
ces puissances nous a promis, avec serment, en 1794, de maintenir l'intégrité
de chacune de nos provinces, et d'en consolider la confédération. Ses augustes
aïeux, Marie-Thérèse, Charles VI et
Charles-Quint, avaient donné les mêmes garanties à nos pères, nommèment ces deux derniers, par leurs pragmatiques
sanctions de 1736 et 1512, jurées solennellement, dans le sein de nos États
Généraux, convoqués expressément dans la résidence de Bruxelles.
Le
royaume des Pays-Bas, constitué et délimité, le 20 septembre 1815, à la face du
ciel, et en regard du palais où nous délibérons, a reçu une circonscription
européenne ; le royaume de Hollande recouvrera ce qu'il possédait en
1790 ; le surplus dont le duché de Luxembourg fait partie, formera le
royaume de
La
souveraineté de Maestricht était mi-partie. Les traités en font preuve, et les
recueils de Louvrex et de Méan
ne laissent à cet égard aucun doute.
Une
prévoyance plus grave que les considérations que je viens d'exposer achèvera de
fixer mon vote d'acceptation : l'insurrection est terminée ; des hostilités,
désormais, constitueraient l’état de guerre. Notre nation, sans doute, fut et
sera toujours belliqueuse et brave ; mais en faisant la guerre, j'estime que
nous susciterions contre nous les armées de nos puissants médiateurs, et
peut-être une conflagration générale.
Charles
II, roi d'Espagne, avait juré solennellement aux provinces de Brabant, de
Limbourg et de Luxembourg, à son inauguration, d'en maintenir l'intégrité
inviolablement ; et cependant, au traité de Munster de 1648, il a fait des sacrifices
de pays, détachés de chacune de ces provinces ; il avait fait le même
serment aux provinces de Hainaut et de Namur, et par le traité
d'Aix-la-Chapelle de 1668, il a cédé à Louis XIV des portions de ces deux
provinces, sacrifices sans lesquels il n'aurait pas obtenu cette paix.
L'état
de paix sans doute est préférable ; mais l'état de guerre est possible et doit
être prévu. Toute guerre attend et appelle la paix ; d'où il suit que le droit
public d'un pays ne doit pas être entendu dans un sens exclusif de paix durant
l’état de guerre.
Faire
la paix, c'est transiger ; or, il est de l’essence de toute transaction qu'il y
ait des sacrifices et des compensations.
Je
voterai pour admettre comme points d’armistice et de préliminaires de paix,
dont la négociation sera ouverte incontinent, les dix-huit articles objet de
notre présente délibération.
J'ai
dit. (M. B., 4 juill.)
M. Gelders – Messieurs, je viens dire (page 397) aussi un mot sur le vote que
je vais émettre.
Je
pense que je commettrais une lâcheté en votant l'abandon d'une partie de ma
province, dont les habitants sont Belges comme vous, et qui ont si noblement
coopéré à faire notre révolution.
On
vous a dit, messieurs, qu'après ce malheureux abandon, un échange pourra se
faire du territoire abandonné contre Berg-op-Zoom, Ravenstein, etc. Non, messieurs, nous n'aurons jamais ces
pays, et si effectivement un échange doit avoir lieu pour régler les limites de
Messieurs,
j'ai ma demeure et mon existence dans le pays que vous êtes sur le point
d'abandonner. Vous savez que je suis Belge dans l'âme, et si je suis recherché
pour mes opinions, je perdrai peut-être cette existence. Si donc ce malheur
tombe sur moi et sur ma famille, alors, messieurs, je devrai venir vous
demander une autre existence, me croyant toujours Belge, mais injustement
abandonné par vous. Car dussé-je souffrir la plus profonde misère, je ne ferai
jamais cette demande à une autre nation. Voilà la position dans laquelle vous
placez vos frères et vos concitoyens ! Enfin, je n'ai pas besoin de vous dire,
comme mes honorables collègues du Limbourg, que par l'abandon d'une partie de
ma province, mon mandat tombe, vous le savez très-bien, car alors vous le
déchirez vous-mêmes lâchement, et cela pour récompenser mon patriotisme et
celui de mes commettants. Je vote pour la question préalable et contre les
dix-huit articles, humiliants pour les Belges. (M. B., 4 juill.)
M. Zoude (de Saint-Hubert) – Il suffit de mettre les préliminaires en regard des protocoles pour y
voir que ce qui était décidé dans ceux-ci est remis en question. La question de
la dette est résolue à notre avantage, nous aurons des enclaves situées en
Hollande à échanger contre les territoires contestés.
M. Jean Goethals – Messieurs, comme au 4 juin,
j'appellerais encore de tous mes vœux le prince auquel je donnais ma voix à
cette époque. Mais aujourd'hui comme alors, toujours guidé par l'amour.de mon pays, je protesterai de toutes mes forces
contre ce système injuste et humiliant que la conférence de Londres a adopté
comme principe, et qu'elle ne cesse de suivre contre nous.
Pour
justifier ce double vote, messieurs, je n'ai qu'à recourir aux paroles du
prince même, que nous avons si bien jugé digne de régner sur nous. « Les
destinées humaines, nous dit-il, n'offrent pas de tâche plus noble et plus
utile que celle d'être appelé à maintenir l'indépendance d'une nation, et à
consolider ses libertés. »
Si une
mission d'aussi haute importance peut seule décider le prince à venir parmi
nous, croirez-vous, messieurs, qu'il en sera de même lorsque vous n'aurez plus
à lui offrir qu'un trône souillé au jour de sa naissance, et les tristes
apanages de
Que
ceux qui prétendent avoir le désir de concilier les difficultés qui arrêtent la
conclusion des affaires de
Je ne
vois pas assez, messieurs, régner ces principes généraux de loyauté et de
justice dans les préliminaires de paix qui nous sont offerts, pour oser m'y
livrer avec une confiance aveugle : ma conscience de député et la gloire de mon
pays me défendront donc de les adopter. (M. B., 4 juill.)
M. Defacqz – Messieurs, autant qu'un autre je
désire voir la révolution arriver à son terme ; mais je ne veux la clore qu'à
une condition : c'est que la fin soit digne du principe, c'est que
l'indépendance de la patrie et la constitution nationale, qui en ont été le
but, en demeurent aussi à jamais les fruits glorieux.
Je
viens donc protester de toute la puissance de ma volonté, avec toute l'énergie
d'un vrai patriote belge, contre l'acceptation des préliminaires de la
conférence de Londres. Je repousse ces propositions qui remettent en question
et ce que la révolution a décidé, et le principe même de la révolution ; qui
transportent à la conférence la plus importante des attributions du congrès ;
qui font détruire par le congrès même ce qu'il a accompli de plus grand, de
plus généreux ; qui lui font renier ses actes les plus solennels ; qui
impriment sur lui et sur la nation qu'il représente une tache que rien ne
saurait effacer.
(page 398) Je les repousse, ces
propositions où la conférence, dépouillant enfin ouvertement son caractère de
conciliatrice officieuse, se constitue partie intéressée au traité et stipule
directement contre
Pour
appuyer celte résistance, je ne dois rappeler que les antécédents du congrès,
notre mandat, nos engagements, nos actes.
Lorsqu’à
l'appel du gouvernement provisoire, toutes les provinces qui s'étaient associées
à la révolution et l'avaient scellée de sang, envoyèrent leurs députés au
congrès national, l'assemblée vérifia tous les pouvoirs, reconnut pour Belges
ceux qui en étaient porteurs, et les admit dans son sein.
Toutes
ces parties de territoire ainsi représentées formèrent un traité d'alliance
intime, d'indissoluble union ; le premier des articles de la constitution le
proclama à la face de l'Europe, et les applaudissements unanimes de la nation
belge le sanctionnèrent. .
Ce ne
fut donc point arbitrairement, comme on a osé le dire, que nos limites furent
tracées, mais avec le concours des véritables parties intéressées ; ces parties
étaient, d'une part, les provinces qui s'étaient affranchies en vertu du droit
naturel d'insurrection contre le despotisme ; de l'autre, les provinces avec
lesquelles elles s'unissaient pour former un tout indivisible.
Eh
bien, tout cela s'est fait en vain. D'un mot la conférence méconnaît tout,
détruit tout. C'est elle qui se charge du soin de fixer votre territoire ; elle
décide à l'article 2 de ses préliminaires comment
Ne
croyez pas, cependant, que ce soit le fait en lui-même qui intéresse la
conférence : c'est le droit qui en est le principe qu'elle veut anéantir.
Les
vieilles monarchies, les gouvernements absolus, ne devaient pas permettre que
l'on pût dire qu'un peuple en Europe s'était constitué lui-même. Non, vous
n'aurez pas cet honneur ; il faut que vous alliez chercher au bureau de la
conférence de Londres, que vous receviez d'elle aveuglément votre diplôme de
peuple indépendant, afin que la magnanimité des puissances soit louée ; afin
que l'histoire dise un jour : « Si
Il
faut que la conférence compte bien sur notre faiblesse, sur notre lâcheté, pour
nous adresser de pareilles propositions ! Et qui peut lui inspirer tant de
confiance ? A-t-elle oublié notre protestation du 1er février, cette
protestation énergique et fière où le congrès, s'élevant à la hauteur de son mandat,
répondit à un langage menaçant ces paroles dignes du peuple libre qu'il
représentait : « Le congrès n'abdiquera dans aucun cas, en faveur des
cabinets étrangers, l'exercice de la souveraineté que la nation belge lui a
confiée ; il ne se soumettra jamais à une décision qui détruirait
l'intégrité du territoire et mutilerait la représentation nationale. »
Ne
sait-elle pas l'enthousiasme qui accueillit la proclamation adressée aux Luxembourgeois
par notre vénérable régent, ce modèle des patriotes belges ? Ignore-t-elle que
naguère encore, dans la séance du 2 juin, le congrès repoussa à l’unanimité la
seule idée d'admettre une garnison mixte dans Maestricht, dans ce même
Maestricht dont elle ose vous demander pour l'ennemi la possession provisoire,
comme si nous ne savions pas ce que c'est que le provisoire en
diplomatie ! Ne serions-nous plus ce congrès qui sut parler et agir ainsi
? serions-nous capables de trahir ces nobles antécédents ? Non, et pour moi le
doute seul est déjà une injure.
Que si
les sentiments d'honneur et de patriotisme qui nous dominaient alors étaient
aujourd'hui moins puissants sur nos âmes, au moins nous ne serions pas sourds à
la voix de la justice, à celle de l'humanité. Eh bien ! je demanderais de quel
droit nous disposerions du sol, de la nationalité, de l'existence de nos frères
du Luxembourg et du Limbourg ; à quel titre nous déchirerions le pacte
d'alliance fait avec eux ; à quel titre nous les exclurions, contre leur
volonté, d'une société qu'ils ont formée avec nous et qui ne peut être rompue
que par le consentement unanime toutes les parties intéressées ; je demanderai
si ces principes de justice qu'un particulier ne peut violer sans infamie, qui
seraient notre loi si nous ne représentions que quelques individus, peuvent
être librement foulés aux pieds parce que nous en représentons un grand nombre.
L'intérêt
des autres provinces, cet intérêt que l'on nomme la loi suprême, ne justifie
pas même en apparence la violation de ces principes sacrés ; car, loin de
consolider l'édifice que nous venons (page
399) d’élever, elle l'ébranlerait jusque dans ses fondements. Acceptez en
effet les propositions de la conférence, et que l'issue des négociations (ce
qui n’est que trop facile à prévoir) vous enlève définitivement les territoires
contestés, leurs députés, qui siègent aujourd'hui dans notre assemblée et que
vous en aurez chassés, perdront et leur mandat et jusqu'au nom de Belges ; ils
n'auront jamais été que des étrangers pour les Belges ; parmi nous, que des
intrus ; et le vice de leur présence affectant les délibérations auxquelles ils
auront participé, que deviendront les résolutions où le poids de leur vote aura
peut-être emporté d'un côté la balance qui inclinait de l'autre ?
Quel
sera le sort de l'élection du roi, à laquelle ils ont concouru ? Craignez, en
laissant planer un nuage sur la validité de ce grand acte, craignez de fournir
à de coupables espérances un éternel aliment ; si vous voulez affermir le trône
que vous] érigez, gardez-vous de l'asseoir sur un. terrain mouvant ; prenez
soin surtout d'en bien assurer la base et de la prémunir contre toute secousse.
Encouragée
par la docilité que sans doute elle attend de nous, la conférence ne se borne
plus au rôle de la soi-disant médiation philanthropique, elle ne se contente plus de faciliter
la solution de nos différends avec
Je
n'examinerai point s'il est avantageux à
Qu'est-ce
d'ailleurs que cette neutralité ? un frein ; oui, mais pour vous seulement
qui êtes faibles, et à qui on le fera sentir lorsque, fatigués de tentatives
d'arrangements inutiles auprès de Guillaume, vous voudrez enfin trancher les
difficultés par le sabre. Mais pour vos puissants voisins, c'est un vain mot,
Une convention inutile dans la paix, dérisoire au jour des combats ; car,
vienne la guerre, chacun violera votre territoire neutre aussi souvent que
l'exigeront ses combinaisons militaires.
Voilà
donc tout ce que nous avons à attendre de l'état bâtard où l'on veut nous
réduire. Faiblesse et humiliation ! Je ne serai point coupable de cet autre
assujettissement de mon pays, et comme le congrès l'a fait dans un.
circonstance solennelle, en réponse à des propositions de nature analogue, je
m'en tiens au décret qui a proclamé l'indépendance du peuple belge.
Vous
voulez donc la guerre ! s'écrie-t-on. Eh bien, quand je voudrais la guerre,-
quand je voudrais, les armes à la main, défendre notre ouvrage, qui pourrait
m'en faire reproche ? Ne serais-je pas conséquent avec moi-même ? Lorsque nous
avons voté, avec l'assentiment de la nation, l'indépendance de
D'ailleurs,
vous que semble épouvanter l'idée d'une courte campagne contre
Moi-même,
cependant, je ne veux pas la guerre, si on peut honorablement l'éviter ; et la
conférence aurait pu nous en offrir le moyen, si elle avait (page 400) voulu s'expliquer sans détour
et aller droit au but. Elle nous parle, dans l'article 5 de ses préliminaires,
d'enclaves que les parties posséderaient sur leurs territoires respectifs. Elle
semble considérer l'échange de ces enclaves comme une chose toute naturelle,
qui se fera, pour ainsi dire, d'elle-même, et satisfera toutes les exigences.
Puisqu'elle est si bien instruite des droits des parties, qu'elle a tant à cœur
de les concilier, il fallait ne pas s'arrêter à cette simple indication, mais
pousser l'obligeance un peu plus loin, préparer l'échange, et nous le proposer
quand les éléments en auraient été bien connus et les conditions nettement
posées.
Alors
nous pourrions délibérer en connaissance de cause, sans courir le risque de
lâcher niaisement la proie pour l'ombre, en perdant ce que nous aurons cédé,
sans atteindre ce que nous aurons cru nous appartenir. Alors, si la négociation
échoue, nous ne serons pas exposés au juste reproche de légèreté et aux
imprécations des populations que notre imprudence aura sacrifiées.
Il y a
d'ailleurs une raison décisive pour en agir ainsi : c'est que si un échange est
possible, la conférence y déterminera le roi Guillaume bien plus facilement que
nous ne le ferions nous-mêmes ; car non seulement il est douteux qu'il consente
jamais à traiter avec ceux que son aveugle orgueil s'obstine à nommer des
sujets rebelles, son caractère connu rend, en outre, trop probable
l'impossibilité de tout arrangement amiable.
Je
voudrais donc qu'en écartant les propositions de la conférence, ou, si l'on
veut, qu'avant de prendre à leur égard un parti définitif, on éclaircît la
question des enclaves, et que la possibilité qu'on nous fait entrevoir de
conclure un échange fût convertie en une proposition formelle d'échanger telles
et telles parties de territoire contre telles et telles autres parties.
Jusque-là je repousserai comme un piège qui recèle à la fois ignominie et iniquité,
le dernier acte du Foreign Office, je le repousserai
pour accomplir le mandat que je tiens de la révolution. Ainsi, mon front n'aura
jamais à rougir au nom de Luxembourg, de Venloo, de Maestricht ; ainsi ne
tomberont jamais sur moi les paroles qui ont retenti hier dans cette enceinte,
et qui deviendront populaires, ces sanglantes paroles : IL ÉTAIT DU CONGRÈS, IL
A VENDU SES FRÈRES ! » (Applaudissements dans les tribunes.) (M. B.,
supp. 9 juill.)
M. Cruts – Messieurs, la question
préalable n'est pas pour moi le fond ; tout en votant pour son rejet, je
n'entends aucunement me lier dans la délibération ultérieure sur l'importante
proposition que nous ont soumise les honorables MM. Vau Snick et Jacques, si
cette proposition doit entraîner pour une partie de mes commettants la perte de
la qualité de Belge.
Député
du Limbourg, je porte autant intérêt à mes commettants que qui que ce soit. Je
ne pense pas que mon mandat s'étende jusqu'à renoncer pour une partie
d'entre eux à la qualité de Belge. Mais est-ce une raison pour s'exposer,
sans une entière connaissance de cause, à provoquer une conflagration générale
qui pourrait nous faire perdre à tous cette qualité ?
La
guerre plutôt que le déshonneur, telle est aussi ma devise ; mais la guerre le
plus tard possible et lorsque le pays ne nous permettra plus d'autre moyen de
consolider l'État.
Deux
de nos honorables collègues vous ont fait hier et aujourd'hui un tableau qui
nécessairement a dû vous émouvoir sur le sort des malheureux habitants de
Venloo, qu'on sacrifierait à la conservation commune ; mais avant de nous
laisser aller au sentiment qu'ils ont voulu nous inspirer, examinons,
messieurs, si réellement pareil malheur est inévitable.
En cherchant à parler à vos cœurs plutôt qu’à
vos esprits, il ne me serait pas difficile de vous présenter, d'une part, le
tableau effrayant des horreurs d'une guerre instantanée, et de l'autre les
regrets tardifs de ceux qui y auraient entraîné le pays avant d'avoir fait tout
ce qui était en eux pour l'empêcher ; mais ce n'est pas à votre sensibilité,
c'est à votre raison que je veux en appeler ; je viens vous demander de
faire, pour la proposition la plus importante peut-être qui vous est soumise en
ce moment, ce que vous êtes dans l'usage de faire sans qu'on vous en prie pour
le moindre des objets soumis à vos délibérations.
Eh
quoi ! une disposition transitoire tendant à empêcher que des collèges qui ne
pouvaient plus se compléter ne se réunissent encore au premier mardi de ce
mois, a passé par toutes les épreuves voulues par votre règlement, et une
proposition dont le rejet comme l'admission intéresse au suprême degré
l'honneur et le bien du pays serait écartée par une fin de non-recevoir ! ! Je
ne puis le croire, messieurs, et le calme de la réflexion vous empêchera de
prendre pareille décision. Quant à moi, alors même que mon opinion serait
entièrement formée, alors même que je croirais devoir voter pour le rejet de
toutes les propositions que nous a faites la conférence de Londres, je voterais
polir le rejet de la question préalable et je demanderais le renvoi des
propositions qui nous ont été soumises hier en sections, par cela (page 401) seul, messieurs, que je ne
voudrais pas qu'il fût dit que, dans un débat aussi grave et en présence
d’intérêts aussi majeurs, j'aurais contribué à emporter un décret qui n'eût pas
été pour tous le résultat de l'examen le plus approfondi.
Ce que
j'ai à dire sur la question préalable justifiera amplement ce que je viens
d'énoncer sur la nécessité du renvoi en sections, des propositions soumises.
Le
fondement de la fin de non-recevoir proposée l'honorable M. de Robaulx est,
selon lui, l’inconstitutionnalité des propositions ; et cette
inconstitutionnalité, il la fonde sur ce que, d'après lui, l'acceptation des
propositions de Londres entraînerait nécessairement la perte de Venloo ; il
s’agit donc ici d'une question de droit et d'une question de fait.
Je ne
reproduirai pas ce qui a été dit hier sur la question de droit, votre
omnipotence parlementaire me paraît sur ce point complètement démontrée ;
j'ajouterai seulement que si, dans des débats de cette importance, on voulait
empêcher toute délibération sur des cessions ou des échanges, en se prévalant
de l'article 1er de la constitution, on devrait commencer par en rayer le
soixante-huitième article, qui les autorise.
Mais
je vous demanderai s'il est bien vrai, en fait, que la perte de Venloo soit la
suite nécessaire de l'acceptation des propositions de Londres ? L’honorable M.
Nothomb nous a démontré que, par suite des articles er
et 2 des dix-huit propositions, nous avions droit à toutes les parties de
l’ancien royaume des Pays-Bas, qui, en 1790, ne faisaient pas partie de
Dira-t-on
que, dans l'hypothèse la plus favorable, il faudrait commencer par abandonner
nos frères de Venloo, sauf à les reprendre après ? Mais pareil événement me
paraît également loin d'être inévitable ; car, aux termes de l'article 6 des
propositions de la conférence, l'évacuation des territoires, villes et places,
doit être réciproque ; et si les calculs dont nous a entretenus M. le ministre
de la justice étaient exacts ; si nous avions réellement à réclamer dans
l'intérieur de
La
véritable difficulté, messieurs, celle qui domine la présente délibération, est
donc subordonnée au point de savoir quelle est l'étendue et l'importance des
enclaves que nous donnerait l'acceptation des propositions n".1 et 2,
en Hollande, et ce point, vous ne pouvez l'examiner convenablement qu'en
sections.
En me
résumant, je dirai, en ce qui concerne la question préalable :
1°
Qu'elle n'est pas fondée en fait, parce que la nécessité d'abandonner Venloo
n'est jusqu'ici pas démontrée ;
2°
Qu'elle ne l'est pas en droit, parce que l'article 68 de la constitution
autorise des échanges.
J'ajouterai
ensuite que nos devoirs et le plus grand bien du pays s'opposent à ce que des
points de délibération aussi graves soient écartés par une fin de non-recevoir,
et nous imposent l'obligation de ne les mettre aux voix qu'après le plus mûr
examen ; si celui que je provoque, ou la suite de la discussion, ne me donne
pas la conviction que l'intégrité du territoire de la province du Limbourg
pourra être maintenue, je voterai contre les propositions qui nous sont
soumises. (C. M., supp., 4 juill.)
M.
Alexandre Gendebien – Je demande à faire une motion d'ordre. Si M. Cruts demande
réellement le renvoi en sections, qu'il en fasse la proposition et qu'il la
dépose sur le bureau. Mais je le préviens que ce serait vainement, puisque nous
ne pouvons pas renvoyer aux sections une proposition que nous discutons depuis
hier. (M. B., 4 juill.)
(page 402)
M. Charles de Brouckere
– La question est
décidée ; ce qui me surprend, c'est qu'elle n'ait pas été élevée plus tôt, le
discours de l'honorable M. Cruts étant écrit. (M. B., 4 juill.)
M.
Cruts – Il n'a pas dépendu de moi de prendre plus tôt la parole,
sans cela j'aurais proposé plus tôt le renvoi aux sections ; mais vous vous
rappellerez qu'au commencement de la séance j'ai demandé que l'on ne discutât
que la question préalable ; mon projet ensuite était de demander le renvoi du
fond en sections. (M. B., 4 juill.)
M. le président – Il n'y a pas de proposition écrite,
le congrès ne peut délibérer. (E.,4 juill.)
M. Pirson –
Messieurs, d'un côté union, force, loyauté, des hommes vigoureux et libres dans
tous leurs mouvements légitimes et honorables ; de l'autre, égoïsme, lâcheté,
perfidie, des eunuques politiques, fin honteuse.
Mon
choix est tout fait : le royaume des Pays-Bas est dissous, c'est un fait
accompli ; je n'ai pas besoin de remonter aux causes. Déjà elles sont du
domaine de l'histoire contemporaine ; elles sont jugées par ceux-là mêmes qui
avaient mis la main à l'œuvre.
Comment
s'est opérée la dissolution ? Neuf provinces, désignées dès l'origine sous le
nom de méridionales, ont manifesté l'intention de séparer leurs intérêts de
ceux des neuf provinces dites septentrionales.
Celles-ci
ne paraissaient point du tout contraires à la séparation ; mais la vanité,
l'avarice et l'entêtement d'un seul homme ont dominé le consentement mutuel de
ces deux grandes parties du royaume. La guerre civile a éclaté, le sang a coulé
; à la vue de grands désastres on s'est arrêté. On a cherché à s'entendre à la
faveur d'une médiation qui, d'abord, s'est présentée officieusement, mais qui,
depuis, n'a eu d'autre but que celui de nous punir de notre révolution, de la
faire avorter et de nous remettre sous le joug de l'absolutisme.
Cependant,
un congrès national, composé des députés desdites neuf provinces méridionales,
s'est réuni à Bruxelles. Ce congrès a décrété une constitution dont le premier
article est un véritable contrat d'union entre ces provinces, telles qu'elles
se trouvaient circonscrites par la loi fondamentale de 1815, telles qu'elles
étaient constituées au moment de l'union révolutionnaire en 1830. Si, par
égoïsme, lâcheté, perfidie, une partie de l'union et ses habitants, qui ont
coopéré énergiquement à la révolution, se trouvaient abandonnés, le contrat
d'union serait rompu pour tous ; ceux qui, par intérêt particulier, ou par
défaut de confiance dans une union démoralisée, voudraient se retirer, pourraient
invoquer le principe qui aurait servi de prétexte au premier abandon.
C'est
ainsi que, si le congrès aujourd'hui admettait pour base des droits
territoriaux de
Je ne
crains pas de vous le dire, dégagé de mes serments par ceux qui, en se
parjurant, auraient rompu le contrat d'union qui me lie, j'oserais, peut-être
le premier, arborer le drapeau de 1790 partout où j'en aurais le droit, soit
par ma naissance, soit par mon habitation.
On dit
que l'article 3 de la constitution permet de changer ou rectifier les limites
de l'État et des provinces, en vertu d'une loi ; mais, messieurs, il n'est
point question ici d'échange ni de ratification de limites ; c'est un autre
point de départ, une autre base de limites, que celle voulue par l’article 1er
de notre constitution, que l'on vous propose ; le ministre des relations
extérieures en est convenu formellement ; il vous l'a dit, messieurs : les
propositions de Londres contiennent une dérogation à notre constitution, et
c'est par ce motif, a-t-il ajouté, qu'il n'a pu et ne devait pas faire une
proposition d'adoption ; et puis il faut distinguer entre un temps de paix et
de tranquillité, et un temps de révolution. Des échanges, des rectifications en
temps de paix ne nuisent point à la sûreté des personnes, mais en temps de
révolution il n'en est pas de même.
Si des
révolutionnaires sont livrés, par échange ou autrement, à des gouvernements
despotiques, ils sont infailliblement victimes, malgré les amnisties et les
promesses d'oubli ; il n'est pas besoin de longs raisonnements pour vous en
convaincre. Les exemples de Naples, de Rome, de toute l'Italie, de l'Espagne,
du Portugal, en disent assez.
Je
vous le répète, messieurs, si vous touchiez à l'acte de solidarité et d'union
qui existe maintenant entre tous les habitants des neuf provinces de
Si les
hommes de la curée transigent avec le despotisme, les droits de juillet et de
septembre restent aux hommes libres. Mais les hommes de la curée auront
peut-être dévoré tous moyens de défense et d'attaque. Nous leur ferons bien
rendre gorge, à tous ces hommes de la curée ; des armes et du pain, nous en
trouverons.
Je
l’espère, messieurs, nous resterons unis, nous n'abandonnerons pas un seul
Belge : cette volonté ferme, irrévocable, nous rendra plus forts que ceux qui
spéculent sur nos fautes. Nous en avons commis, et de graves. La plus grave,
ç'a été de nous confier à des diplomates étrangers qui ont bien prouvé leurs
intentions perfides à notre égard. Notre attitude les a déconcertés. Eh quoi !
c’est au moment où ils paraissent décidés à nous lâcher, où ils ne savent plus
que faire de nous, n’osant toutefois nous attaquer, c'est à ce moment, dis-je,
que vous vous dégraderiez au point de signer le bill d'indemnité qu'ils vous
demandent, honteux qu'ils sont d'être accusés à la face du monde entier d'avoir
violé à notre égard, dans leurs protocoles, tous les principes d'équité,
d'honneur et de droit public !
Ici,
j'avais préparé dans mon discours une discussion sur les droits de la
conférence ; mais aujourd’hui j'ai trouvé un article du Courrier anglais
qui les énonce en termes clairs, précis et parfaitement d’accord avec mon
opinion. Je ne veux point paraître plagiaire, je retranche cette partie de mon
discours, dont on retrouvera les idées dans l’article dudit Courrier anglais.
Messieurs,
je vois deux choses dans les propositions qui nous sont venues de Londres :
1° Une
inconstitutionnalité dans les articles 1 et 3 ;
2° Un
bill d'indemnité en faveur de la conférence dans tout l'ensemble.
Sous
le premier point de vue, je voterai pour la question préalable.
Comme
il pourrait se faire que mon opinion ne fût pas celle de la majorité. du
congrès sous ce point de vue, et que sous le second j'espère que cette majorité
n'est pas plus disposée à voter son déshonneur que moi, je resterai pour donner
mon vote sur l'ensemble des soi-disant préliminaires. Après cette épreuve, je
verrai le parti qui me reste à prendre, aussi bien que mon collègue M. Henri de
Brouckere, qui, s'il n'a pas fait ici un effet décisif, c'est que nos cœurs et
certains cœurs sont de marbre. (E., 4 juill.)
M.
le baron Beyts – Messieurs, je ne m'étais préparé à parler que sur la question
préalable ; mais vous avez décidé que l'incident et le fond seraient traités
simultanément, et la discussion m'a assez éclairé pour que je puisse développer
mon opinion, même sur le fond.
Après
ce début, l'orateur soutient qu'il n'est pas possible d'adopter la question
préalable ; car ç'aurait été dire aux puissances représentées à la conférence :
Vous nous proposez des conditions, mais il ne nous plaît pas de les examiner :
chose peu convenable en tout état de cause, et surtout quand la conférence
paraît mieux disposée que amais en faveur de
Abordant
la question du fond, dit l'orateur, je répondrai d'abord à une objection, ou
plutôt à une prédiction de M. de Robaulx, et répétée par l’honorable préopinant
: Je vous prédis, ont dit ces deux orateurs, que vous n'aurez pas le
Luxembourg. C'est très gratuitement qu'on tient un pareil langage. Nous
n'aurions pas le Luxembourg ! Mais quelle preuve en avez-vous ? lorsque la
possession nous reste et qu'on s'oblige à maintenir le statu quo, est-ce
nous enlever le Luxembourg ? Non. Mais, dit-on, le roi de Hollande le
revendique. D'accord ; eh bien, c'est un procès entre le roi de Hollande et
nous ; il s'agit de savoir qui le gagnera. Certes, nous pouvons le perdre, mais
est-ce une raison pour ne pas entrer en négociations ? La fin des négociations
qu'on nous propose, c'est la paix ; et si la paix ne nous donne pas le
Luxembourg, nous ferons la guerre.
Ici
l'orateur examine la question du Luxembourg sous ses rapports avec la
confédération germanique. Il soutient qu'il doit peu importer à la
confédération que ce soit le prince Léopold ou le roi de Hollande qui règne sur
le Grand-Duché, et il le prouve en citant l'exemple du duc de Brunswick chassé
de ses États, et que son frère a remplacé sans opposition. Il le prouve encore
par l'exemple du roi de Saxe, qui s'est donné un corégent aussi sans opposition
de la part de la confédération.
L'honorable
membre ajoute : Vous vous déshonorez, dit-on, vous courbez la tête sous le joug
de
Quant
au Limbourg, la question est bien moins compliquée. Les États-Généraux
étaient en possession de tenir garnison dans Maestricht, et le prince de Liége,
que nous représentons, avait la moitié de l'administration civile, c'est-à-dire
qu'il nommait la moitié des magistrats et des employés. Cela ne lui était pas
contesté, mais lui, contestait aux États-Généraux le
droit de tenir garnison à Maestricht, et les États-Généraux
ont dans tous les traités, depuis 1647, reconnu qu'ils n'étaient là que
provisoirement et sans préjudice des droits d'autrui. Cette formule a traversé
des siècles, et je crains bien qu'elle ne soit pas de sitôt supprimée. (On
rit.) Mais quand ma prévision serait vraie, négocier là-dessus, en quoi
cela blesse-t-il notre honneur ? Nous maintenons notre constitution nonobstant
toute négociation : je me tue pour trouver en quoi nous commettons une
forfaiture à notre honneur (nouvelle hilarité), et je ne puis le
découvrir. Je conçois très bien qu'il y ait des gens qui veuillent à tout prix
faire la guerre. Ceux, par exemple, qui espèrent obtenir des grades, des
épaulettes ; mais en supposant qu'il y ait cinquante mille hommes de cette
opinion en Belgique, il est encore quatre millions plus cinquante mille Belges
qui, ayant tout à perdre et peu à gagner à la guerre, auront grande obligation
au congrès de la leur éviter.
L'orateur,
après avoir réfuté quelques autres arguments de M. de Robaulx, examine la
question relative à Venloo, et avoue que si ce pays appartenait réellement à
(page 405) M. le président donne lecture de l'amendement de M.
le baron Beyts ; il est
ainsi conçu :
« Le congrès national considérera comme non avenu son consentement
aux propositions préliminaires, si un traité de paix définitif n'en est la
suite et le résultat : il se réserve de déclarer, dans ce cas, que son
acceptation est caduque et sans force obligatoire. » (M. B.. 4 juill., et
A. C.)
-
L’assemblée décide que cette proposition sera imprimée pour être discutée en
même temps que la proposition principale. (P. V.)
M. le président donne lecture de la proposition
suivante :
« Le
congrès national, en adoptant les propositions de la conférence, entend bien
charger le gouvernement de stipuler :
« 1°
Que les enclaves en Hollande, reconnues appartenir à
« 2°
Que le statu quo sera conservé, dans le Luxembourg, sous la garantie des
puissances, jusqu’à la conclusion des négociations sur l'indemnité.
« SYLVAIN
VAN DE WEYER. » (M. B., 4 juill., et A. C.)
M. Blargnies demande le développement immédiat de cette
proposition. (E., 4 juill.)
M.
Devaux – Il
me semble que, quand une discussion est ouverte, il faut qu'elle continue, et
si l’on peut, comme vient de le faire M. Beyts, présenter un amendement, on ne
peut pas, sous prétexte d'une proposition, intervertir l'ordre de la
discussion, et obtenir la parole avant son tour d’inscription. (M. B., 4
juill.)
M.
Forgeur – Je
demande le développement ; car enfin, messieurs, vous alliez lever la séance,
et cette proposition, qu'on est venue vous présenter après deux jours de
discussion, vous ne l'eussiez connue que demain. Eh bien, puisque nous avons
l’avantage d'en être saisis dès à présent, il est important que nous sachions
les motifs qui ont déterminé sa présentation. (E., 4 juill.)
M. Van de Weyer – On a mal
interprété mes intentions. J'avais cette proposition dans ma poche depuis hier,
et je ne me suis décidé à vous la présenter que précisément parce que la séance
allait être levée, et que j'ai voulu que les membres du congrès fussent à même
de réfléchir jusqu'à demain matin sur le mérite de cette proposition. (E., 4
juill.)
M.
Charles de Brouckere demande que M. Van de Weyer développe sa proposition, parce
qu'elle est intimement liée aux propositions principales. Il en demande au
surplus l'impression. (M. B.,
4 juill.)
M. Van de Weyer développe sa
proposition en peu de mots ; elle n'a pour but, dit-il, que de lever les doutes
qui paraissent exister sur la manière dont le congrès entend les articles de la
conférence. (M. B., 4
juill.)
M.
Devaux – Je
demande que la proposition de M. Van de Weyer soit renvoyée en sections. (M. B., 4 juill.)
- Plus
de dix membres se lèvent pour appuyer le renvoi. (Agitation.) (M. B., 4 juill.)
M. de Robaulx – Si vous considérez la proposition de
M. Van de Weyer comme étrangère à la discussion actuelle, je ne m'oppose pas au
renvoi en sections. Dans tous les cas, je demande que la discussion continue.
Je voterai du reste contre cette nouvelle proposition, parce qu'elle ne change
rien aux articles de la conférence. (M.
B., 4 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Alors même que j'approuverais la proposition de M. Van de Weyer, contre
laquelle M. de Robaulx votera dans un sens conforme à mon opinion, car je suis
opposé à cette proposition (ah ! ah !), dans l'intérêt du règlement et
par respect pour lui, dès que dix membres demandent le renvoi en sections,
j'appuierai le renvoi. Je demande donc que ce renvoi soit ordonné. (M. B., 4 juill.)
M.
Forgeur entre
dans d'assez longs développements pour prouver que le congrès omnipotent peut
d'autant plus facilement changer son règlement, que d'après le ministère
lui-même, et quoi qu'en ait dit un orateur, l'assemblée pourrait modifier la
constitution. II démontre la connexité qui existe entre la question principale
et la proposition de M. Van de Weyer, et la nécessité de joindre les deux
discussions. Il s'élève avec force contre le renvoi en sections, renvoi qui n'a
été ordonné ni pour la proposition de M. Van Snick, comme le demandait M.
Cruts, ni pour la proposition déposée par M. Beyts, pendant le cours de la
séance. L'honorable membre termine en votant pour que les amendements de MM.
Beyts et Van de Weyer soient joints au fond et discutés demain avec les
questions principales ; il ajoute encore qu'il comprend bien que M. Lebeau ait
déclaré qu'il ne donnerait pas son vote à la proposition (page 406) en question, puisqu'elle pourrait, aux yeux du ministre,
tendre à modifier les préliminaires à l'acceptation desquels l'existence du
ministère est attachée. (E., et M. B., 4 juill.)
M.
Charles de Brouckere, qui avait demandé la parole, déclare qu'il n'a rien à
ajouter à ce qu'a dit M. Forgeur ; il remercie M. de Robaulx d'avoir fourni au
ministère l'occasion de s'expliquer. (M.
B., 4 juill.)
M.
Devaux, ministre d’Etat – Messieurs, je répondrai à M. Charles de Brouckere que le ministère
n'avait pas émis d'opinion, parce qu'il n'avait pas dans cette discussion
d'opinion à émettre. (Oh ! oh !) Je suis fâché d'être en désaccord avec
M. de Brouckere, mais le ministère est d'accord avec la majorité. (Violents
murmures mêlés de sifflets.) Les murmures et les sifflets ne sont pas des
raisons. .
Ici
l'orateur échange avec M. de Robaulx quelques mots, et continue en ces termes –
Le ministère est d'accord avec la majorité, et la majorité du congrès a décidé
hier, contre la proposition de M. Charles de Brouckere, qu'il n'avait pas
d'opinion à émettre. (Oh ! oh !) Je répondrai maintenant à M. Forgeur :
D'abord il paraît que beaucoup de choses sont permises ici contre le ministère.
Aujourd'hui on nous dit que l'existence du ministère est attachée à la
combinaison que nous discutons. Il y a quelques instants que le commissaire de
district de Dinant nous a dit que nous étions des hommes de curée. (Violents
murmures.) (M. B., 4
juill.)
Plusieurs voix de
l’extrême gauche
– Il n'y a pas ici de commissaires de district, il n'y a que des députés.
M. Devaux, ministre d’Etat
– Il m'est permis de
répondre à de pareilles imputations. Je ne suis pas un homme de curée, je le
prouverai sans peine ; on m'a offert cinq places à gros traitements, je les ai
refusées ; j'ai accepté celle que j'occupe à la sollicitation de M. de
Brouckere lui-même, et je l'ai acceptée à la condition de ne pas recevoir de
traitement. Le gouvernement n'a pas tenu compte de cette condition ; un arrêté
a été rendu pour m'accorder 10,000 fl. de traitement. Je les refusés et je n'ai
pas reçu une obole. (Très bien ! très-bien !) Je regrette
d'être obligé de vous parler de moi, mais vous conviendrez qu'il serait fâcheux
de ne pouvoir répondre aux attaques qu'on se permet, et de laisser croire,
quand il n'en est rien, que je suis un homme de curée et de gros traitements.
L'orateur
termine en posant en fait que l’article 29 du règlement veut que tout
amendement ou proposition soit renvoyé aux sections quand dix membres le
requièrent ; il dit qu'il faut ou changer cet article ou l'exécuter en
renvoyant aux sections une proposition qui a besoin d'être examinée avec calme. (M.
B., 4 juill.)
M.
Charles de Brouckere – Je n’ai pas à expliquer aujourd'hui comment je suis entré au
ministère, demain j'y serai forcé. Il est très vrai que j'ai engagé M. Devaux à
accepter le poste qu’il occupe, demain je dirai pourquoi ; mais je dois
rappeler à M. Devaux qu'en 1827, dans cette salle, le ministre Van Maanen fut rappelé à l'ordre pour avoir appelé M. Leclerc
procureur général ; c’est pour qu'il sache à l'avenir qu'il n'y a ici que des
députés. (M. B., 4
juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Puisqu'on ne veut pas croire aux
motifs de scrupules que le ministère pouvait avoir de ne pas s'expliquer sur
les propositions de la conférence, je n'hésite pas à me prononcer. Je le
déclare donc, je suis pour leur adoption ; je déclare de plus que j'y attache
mon existence comme ministre, car c'est pour moi une question d'honneur. (M. B., 4 juill.)
-
Après cette déclaration du ministre, une très longue discussion s'engage pour savoir
si la proposition de M. Van de Weyer doit être renvoyée aux sections. Une foule
d'orateurs parlent successivement ; enfin on met la question aux voix. (M. B., 4 juill.)
-
L'assemblée décide que la proposition sera jointe à la question principale et discutée
en même temps, sans renvoi préalable en sections. (P. V.)
La
séance est levée à six heures. (P. V.)