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Congrès
national de Belgique
Séance du
mercredi 6 juillet 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Vérification des pouvoirs
(élection contestée de de Sauvage) (Pirson, Lebeau, de Robaulx, Lebeau, de Robaulx, Lardinois, Lebeau, Van Snick)
3) Rapport sur les pétitions
relatives aux dix-huit articles (P. Claes, Van Meenen, d’Elhoungne, de Robaulx, Van Meenen, Nothomb, A. Gendebien, Destouvelles, Nothomb, de Robaulx, Van Meenen)
4) Préliminaires de paix
(les dix-huit articles) (A. Gendebien, de Sécus (père), Masbourg, Cartuyvels, H. Vilain XIIII, P. Claes, Barthélemy)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page 471)
(Présidence de M. Raikem, premier, vice-président)
Le
nombre des spectateurs est toujours aussi considérable. Celui des dames qui
occupent les tribunes réservées semble même s'être accru. (M. B., 8 juiIl.)
La
séance est ouverte à midi et demi. (P. V.)
Un des secrétaires donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes
:
M.
Édouard Cervantes, à Bruges, demande des lettres de naturalisation. (M. B., 8
juill., et P. V.)
-
Renvoi à la commission des naturalisations (P. V.)
La
dame Amélie Herchuel demande la grâce de son mari.
Plusieurs
habitants d'Alost et de Verviers protestent contre l'adoption des dix-huit
articles de la conférence de Londres.
M.
Diepenbeek demande la révision immédiate de la solde d'attente. (P. V.)
-
Renvoi à la commission des pétitions. (P. V.)
M. le président – Messieurs, la commission chargée de
la vérification des pouvoirs a reçu ce matin les pièces relatives à l'élection
de M. Étienne de Sauvage ; mais cette élection ayant donné lieu à quelques
réclamations par lesquelles on en demande la nullité, la commission a cru
devoir, avant de vous présenter un rapport, demander quelques renseignements
ultérieurs. (M. B., 8 juill.)
M. Pirson – M. le président, je suis
membre de cette commission, je suis étonné qu'on ne m'ait pas averti. (M. B., 8
juill.)
M. le président – Dès que j'ai su que les pièces
étaient arrivées, j'ai donné à un huissier la liste des membres de la
commission avec ordre de les convoquer. L'huissier a exécuté mes ordres, et il
est revenu en disant qu'il n'avait pas trouvé M. Pirson. (M. B., 8 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Messieurs, il me semble que la commission n'a pas fait ce qu'elle devait
faire. Elle aurait dû nous faire un rapport quelconque ; ce n'est pas elle qui
peut être juge de l'insuffisance des pièces, car, sous ce prétexte, elle
pourrait retarder indéfiniment le rapport. Je crois que quelque consciencieuse
que soit la détermination prise par la commission, il ne lui est pas permis de
fermer l'accès de cette enceinte à un homme envoyé ici par le peuple. Je
demande donc que la commission fasse un rapport, et si elle croit qu'il y ait
lieu à ajourner l'admission, qu'elle prenne des conclusions dans ce sens :
l’assemblée jugera, car c'est à elle, à elle seule, et non à la commission,
qu'il appartient de prononcer. (M. B., 8 juill.)
M. le président – La commission a examiné
scrupuleusement toutes les pièces envoyées ; elle a été d'avis d'attendre
d'autres renseignements ; (page 472) cependant si l'assemblée
désire un rapport, un quart d'heure suffira (M. B., 8 juill.)
M.
de Robaulx – Je demande la parole. Et moi aussi, messieurs, je suis jaloux que les
envoyés du peuple soient le plus tôt possible admis dans cette enceinte. Mais
je m'étonne, je l'avoue, de la grande précipitation qu'on veut imposer â la
commission. Les pièces sont arrivées dans la matinée ; la commission déclare
qu'elles n'ont pas suffi pour éclairer sa religion, et on veut la contraindre à
faire un rapport incontinent ; il me semble que la commission est nommée pour
préparer les décisions de l'assemblée, et qu'elle est le meilleur juge du
moment où elle est en état de le faire. Le motif invoqué par M. Lebeau pour que
M. de Sauvage soit admis sans délai n'est pas fondé. M. de Sauvage a accès dans
cette enceinte, il peut y prendre la parole quand il veut ; il a même le droit
comme ministre de scinder nos discussions, de parler en un mot quand bon lui
semble, et sous ce rapport nous jouissons de toutes ses lumières. Pourquoi donc
tient-on tant à un rapport ? Les pièces sont arrivées ce matin, des
réclamations se sont élevées contre l'élection, elles ont fait assez
d'impression sur l'assemblée pour qu'elle ait cru avoir besoin d'un délai :
reposez-vous-en sur elle du soin d'apprécier les pièces, et donnez-lui un temps
suffisant pour s'éclairer. (M. B., 8 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Je dois relever quelques erreurs de fait et de droit échappées au
préopinant. L'erreur de fait consiste à dire que le député élu à Liége a son
entrée dans l'assemblée, et que comme ministre il a le droit de prendre part à
nos délibérations. Le fait est inexact : si le ministre est introduit, les
convenances lui interdisent de prendre la parole dans une question constituante
; et en supposant le contraire, que serait pour lui la faculté stérile de
parler, s'il n'avait pas celle de voter ? Les électeurs de Liége n'ont pas élu
un député seulement pour parler, mais aussi pour venir déposer dans l'urne un
vote consciencieux. J'ajoute qu'en droit l'erreur n'est pas moins manifeste :
tous les jours en France on fait des rapports sur les élections, et la
commission conclut, quand c'est le cas, à l'ajournement. Voilà ce qui se passe
en France, j'en appelle ici au souvenir de vous tous. L'ajournement doit donc
être décidé par l'assemblée comme juge souverain. La commission fera un
rapport, elle le doit ; mais la décision à porter ne peut pas s'arrêter dans
son sein. J'insiste, messieurs, parce que dans les circonstances solennelles où
nous nous trouvons, il est à désirer que l'assemblée soit aussi complète que
possible, et que tous les représentants du peuple prennent part à nos
délibérations : plusieurs fois j'ai vu des pièces arriver dans la matinée et
les rapports être faits immédiatement. Si vous laissez la commission juge du
moment où elle devra faire le rapport, elle pourrait l'ajourner tant qu'elle
voudrait, et quinze jours, un mois peut-être s'écoulerait sans que le député
fût admis... J'entends dire derrière moi : Ce ne serait pas un grand mal. (M.
B., 8 juill.)
M.
Camille de Smet, placé derrière l’orateur – Je demande la parole. (M. B., 8 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Ce ne serait pas un grand mal ! Je
dis, moi, qu’il serait grand, le mal, parce qu'on ne fait pas de lois
exceptionnelles pour un seul homme. Je vous adjure donc de décider si ce n'est
pas le cas de prier la commission de nous faire son rapport sans délai. (M. B.,
8 juill.)
M. de Robaulx – Ce n'est pas ici une question de
système pour l'opposition. Nous savons tous cependant que M. de Sauvage
appartient au ministère, qu'il pourra donner son avis, qu'il pourra même donner
sa boule ; peu nous importe. Puisqu'il a été parlé d'erreur de fait, il en est
une contre laquelle M. Lebeau ne pourra pas se regimber. Un membre de la
commission vient de nous déclarer qu'il n'avait pas été convoqué. Je soutiens
qu'une commission qui n'a pas été régulièrement convoquée ne peut pas prendre
de décision.
Si je
suis bien informé, quinze cents, peut-être deux mille électeurs se trouvent sur
la liste électorale du district de Liége ; un peu plus de deux cents électeurs
ont pris part au scrutin d'où est sortit le nom de M. de Sauvage. Ce n'est pas
là un triomphe si grand qu'il faille l'annoncer avec tant d'empressement comme
on l'a fait hier. Je conçois qu'il tarde au ministre d'en jouir ; je ne vois
pas que ce soit une raison pour négliger de nous entourer de lumières et de
renseignements. (E., 6 juill.)
M. Lardinois – J'étais à Liége lorsqu’à
eu lieu l'élection de M. de Sauvage. Une protestation été faite par huissier
par des électeurs, comme n'ayant pas été convoqués. Le procès-verbal de
l'élection et les pièces à l'appui ont été renvoyés, par le commissaire de district
avec la protestation. Ainsi la commission a toutes les pièces qu'il lui faut
pour faire son rapport. Du reste, l'orateur pense que l'élection de M. de
Sauvage n'est pas due à l'approbation du système du ministère, mais qu'elle est
un hommage rendu à son caractère personnel. (M. B., 8 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Je demande que la commission fasse son rapport (page 473) demain.
Je n'ajouterai qu'un seul mot à ce que j'ai déjà dit. Si les électeurs de Liége
n'avaient pas été convoqués à domicile, ce serait la faute du gouvernement de
la province (Non ! non !) ou du commissaire de district
; mais dans aucun cas la faute n’en peut être attribuée au ministère.
J'ajouterai que si les électeurs ne se sont pas rendus à l'élection, ce n'est
pas la première fois que cela est arrivé. Dernièrement les électeurs avaient
été convoqués pour nommer un remplaçant à M. Dewandre. Il s'éleva des doutes
sur la certitude de sa démission, les électeurs furent obligés de se retirer.
Ils ne sont pas venus à la dernière élection parce qu'ils ont été plusieurs
fois obligés de se déranger, et qu'ils sont fatigués de ces convocations multipliées.
Ce qui se passe à Liége s'est aussi passé ailleurs, c'est un effet de la
fatigue des électeurs. On ne peut pas, du reste, en tirer la conséquence qu'en
a tirée M. Lardinois ; car si les électeurs avaient désapprouvé la combinaison
du ministère, soyez certains que les opposants ne seraient pas demeurés dans
l'inaction ; ils auraient fait tous leurs efforts pour envoyer au congrès un
député opposé au ministère. Si les électeurs sont restés chez eux, on n'en peut
donc rien conclure en faveur de cette prétendue impopularité que l’on s’efforce
de jeter sur le ministère. (M. B., 8 juill.)
M. Van Snick fait quelques
observations pour appuyer M. Lebeau. - Des conversations particulières couvrent
la voix de l'orateur. (E., 8 juill.)
M. le président – La question est de savoir s’il y aura
un rapport aujourd'hui ou demain. (Demain ! demain !)
En ce cas je prierai les membres de cette commission de se réunir demain au
bureau, une heure avant l'ouverture de la séance.
M. le président – lit la liste des membres de la commission.
(M. B., 8 juill.)
M. Pirson – Nous nous sommes réunis
dernièrement dans une section ; je ne sais pas où est le bureau. (Hilarité
générale.) (M. B., 8 juill.)
- On
indique le bureau à M. Pirson. (M. B., 8 juill.)
M. Claes (de Louvain), rapporteur de la commission des
pétitions – Messieurs, vous avez renvoyé à la commission des pétitions toutes
celles relatives aux préliminaires en discussion. Sept pièces de ce genre ont
été adressées au congrès ; d’abord une pétition de vingt-six habitants de
Charleroy, une de vingt-sept habitants de Binche, et une de soixante habitants
de Gand ; en second lieu, trois pièces signées par deux cent cinquante-deux
habitants de Liége, parmi lesquels un grand nombre d'officiers de la garde
civique ; enfin une pièce signée par cent huit habitants de Louvain. La
pétition des habitants de Binche et de Charleroy est courte. Les signataires se
bornent à dire : « Considérant que les dix- huit articles proposés par la
conférence préparent la honte de
La
commission a pensé à l'unanimité que si le congrès devait s'occuper des
pétitions qui lui sont adressées, elle n'a pas à s'occuper de protestations ;
en conséquence, elle vous propose de déposer les trois premières pétitions au
bureau des renseignements, et de passer à l'ordre du jour sur les trois pièces
de Liége, ainsi que sur celle de Louvain, qui est rédigée dans des termes inconvenants
qui ne me permettent pas d'en donner lecture. (M. B., 8 juill.)
M. Van Meenen – J'ai eu occasion
de prendre connaissance au greffe de la pétition des cent huit habitants de
Louvain ; elle est écrite en termes d'une nature telle que je crois devoir en
demander le renvoi au ministère de la justice, pour voir s'il n'y a pas lieu à
ordonner des poursuites. (M. B., 8 juill.)
M. d’Elhoungne – J'ai quelques observations à faire
pour écarter la proposition de M. Van Meenen. Je ne sais pas jusqu'à quel point
les termes d'une pétition peuvent devenir l'objet d'une instruction judiciaire.
La commission a manifesté l'opinion que la pétition de Louvain était conçue en
termes inconvenants ; elle s'est bornée à ces conclusions, elle qui a pris
connaissance de la pièce ; nous ne pouvons pas être plus sévères, nous qui ne
la connaissons pas. Nous devons d'autant moins craindre les termes plus on
moins inconvenants dans lesquels une pétition est (page 474) rédigée,
que nous avons la faculté de nous refuser à en entendre la lecture publique.
L'opinion exprimée de cette manière ne pouvant présenter aucun danger, il n'y a
pas lieu de rechercher quoi que ce soit à cause de ce fait. Je demande qu'il ne
soit donné aucune suite à la proposition de M. Van Meenen. (E., 8 juill.)
M. de Robaulx – Messieurs, je tiens ici la pétition
des habitants de Liége, où est reproduite la proposition signée par quarante
membres de cette assemblée, protestation dont, au reste, je déclare que je suis
l'auteur, et que je déposerai si la question préalable n'est pas adoptée. La
commission propose de passer à l'ordre du jour sur cette pétition ; mais je
demande si ce n'est pas abuser des mots que de dire que cette pétition est une
protestation, et n'est-il pas bien singulier que, judaïsant sur les termes de
la constitution, on demande que vous passiez à l'ordre du jour, parce qu'on proteste
et qu'on ne demande pas ? Mais une protestation est certainement une demande,
et, dans cette circonstance, par exemple, que vous demande-t-on ? Que vous
rejetiez les articles. Cela résulte implicitement de la protestation qu'on
ferait, si vous les adoptiez. Quant à la pétition de Louvain, on demande aussi
l'ordre du jour parce qu'elle est conçue en termes offensants. Mais, messieurs,
cette pétition exprime un vœu, et c'est assez pour que vous ne la rejetiez pas.
Passez à l'ordre du jour, si vous voulez, sur les expressions offensantes,
comme vous l'avez fait dans une autre circonstance et pour une pétition qui
demandait que l'on mît M. Chazal en accusation, mais rejetez l'ordre du jour
sur le fond de la pétition, et ordonnez, comme je le demande, son dépôt au
bureau des renseignements. (M. B., 8 juill.)
M. Van Meenen, répondant à M. d'Elhoungne,
soutient que le renvoi au ministre de la justice ne porterait aucune atteinte
au droit de pétition, puisque la pièce adressée par les habitants de Louvain a
tous les caractères d'une protestation, et non d'une pétition. Il ajoute
d'ailleurs que le renvoi au ministre de la justice ne préjuge rien ; il persiste
à le demander. (M. B., 8 juill.)
M.
Nothomb – Messieurs,
je viens appuyer les conclusions de la commission. Deux genres de pièces ont
été adressées au congrès ; les trois premières sont des pétitions par
lesquelles des citoyens, s'adressant à l'assemblée, lui font la demande de
rejeter les articles de la conférence. Mais deux autres pièces nous sont
adressées, et ces pièces sont tout à fait en dehors du droit de pétition. Ce
sont, en effet, des citoyens qui s'adressent à nous pour protester contre des
décisions que nous sommes en droit de prendre dans le cercle de nos
attributions. Je ne connais qu'une espèce de protestation contre les décisions
du congrès, c'est celle que chaque député peut faire en votant contre la
décision, et en faisant consigner son vote au procès-verbal. Mais hors de cette
enceinte, un député n'est qu'un simple particulier qui n'a pas plus de droit
qu'un autre citoyen de protester contre nos décisions souveraines. Ici, on a
protesté contre votre décision future ; mais on est allé plus loin : on a dit
par quels moyens on soutiendrait cette protestation. Voici, en effet, comment
on s'exprime... (M. B., 8 juill.)
Plusieurs
voix – C'est
inutile ! ce n'est pas la question. (M. B., 8 juill.)
M. Alexandre Gendebien
– Il semble, en vérité,
que le salut de l'État dépende de ce que vous allez décider sur ces pétitions. (Agitation,
tumulte.) (M. B., 8 juill.)
M.
de Robaulx – Parlez de la pétition. (M. B., 8 juill.)
M. Nothomb – On est allé plus loin, On a non
seulement… (Violents murmures. Interruption.) J'ai la parole, je dois
être entendu. (M. B., 8 juill.)
M.
Forgeur et
M. Destouvelles – Je demande la parole pour une motion
d'ordre. (Le bruit redouble.) (M. B., 8 juill.)
M. Nothomb – Vous n'avez pas le droit de
m'interrompre. (M. B., 8 juill.)
M. Van de
Weyer – Toutes les fois qu'un orateur demande la parole pour
une motion d'ordre, il a le droit d'être entendu. (M. B., 8 juill.)
M. Nothomb – Comment voulez-vous statuer sur la
pétition sans en connaître le sens, au moins indirectement ? (M. B., 8 juill.)
M. Destouvelles –
J'ai demandé la
parole pour une motion d'ordre. (M. B., 8 juill.)
M. le président – Vous avez la parole pour la motion
d'ordre seulement. (M. B., 8 juill.)
M. Destouvelles –
Messieurs, vous avez
entendu M. Claes vous faire un rapport sur les pétitions. Il a demandé que
l'assemblée passât à l'ordre du jour sur quelques-unes d'entre elles, et c'est
sur ces conclusions que vous devez statuer. M. Van Meenen a demandé le renvoi
de la pétition des cent huit habitants de Louvain au ministre de la justice. (Réclamations
nombreuses : A la question ! à la question !') (M. B., 8 juill.)
M. le président – Il me semble que lorsqu'on a la
parole pour une motion d'ordre on ne doit pas discuter le fond, mais seulement
s'attacher à prouver que l'ordre n'a pas été observé soit par l'orateur, soit
par le bureau. (M. B., 8 juill.)
(page
475) M. Destouvelles –
C'est là que
j'allais en venir. On propose l'ordre du jour sur la pétition comme
inconvenante, et l'honorable M. Nothomb veut en lire à l'assemblée précisément les
passages inconvenants. C'est à quoi je m'oppose, et vous voyez que c'est bien
une motion d'ordre et que je suis dans la question. Du reste, je ne crois pas
nous devions renvoyer la pétition à M. le ministre de la justice, et je me
borne à demander l’ordre du jour. (M. B., 8 juill.)
M.
Nothomb – M.
Destouvelles était dans l’erreur s'il croyait que je venais appuyer la
proposition de M. Van Meenen. Je n'appuie pas la proposition, parce que pour
autoriser un tel renvoi il faudrait non seulement que les paroles fussent
inconvenantes, mais encore qu'elles fussent criminelles. Or, voici comment
s'exprime… (Violents murmures. Réclamations générales. (M. B., 8 juill.)
M. de Robaulx – Je demande la parole. (M. B., 8
juill.)
M. le président – Pour la motion d'ordre ? (M. B., 8
juill.)
M.
de Robaulx – Oui, M. le président, et pour que la parole soit maintenue à M. Nothomb.
Si M. Van Meenen ne renonce pas à sa proposition, on a bien le droit de la
combattre. Pourquoi craint-on de laisser parler M. Nothomb ? N'êtes- vous pas
certains qu'il parlera en termes convenables ? Il faut bien, si on veut
demander le renvoi au ministre de la justice, connaître s'il y a dans la
pétition de quoi autoriser ce renvoi ; on a beau dire que le renvoi ne préjuge
rien : ce renvoi est déjà une prévention contre les pétitionnaires, et il ne
faut pas prononcer aveuglément une mise en prévention. Je déclare que, si l'on
persiste, je demanderai lecture de la pétition entière. (M. B., 8 juill.)
M. Van Meenen retire sa
proposition. (E.,8 juill.)
Des voix – La clôture ! la clôture ! (M. B.,
8 juill.)
- La
clôture est mise aux voix et prononcée. (M. B.,8 juill.)
M. le président – Je vais consulter l'assemblée sur les conclusions de la commission. (M. B.,
8 juill.)
M.
de Robaulx – Je demande l'appel nominal (Oh ! oh !) Nous sommes cinq qui
demandons l’appel nominal. (M. B., 8 juill.)
M. le président – Je vais successivement poser à
l'assemblée les questions d'après les conclusions de la commission, et vous
verrez s'il est nécessaire de voter par appel nominal. (M. B., 8 juill.)
- Les
conclusions de la commission sont successivement mises aux voix et adoptées ;
l'assemblée décide : 1° que les pétitions des habitants de Charleroy, de Binche
et de Gand seront déposées au bureau des renseignements ; 2° qu'il sera passé à
l'ordre du jour sur les pétitions de Liége et de Louvain. (P. V.)
M. Forgeur demande qu'il soit fait mention au
procès-verbal qu'il a voté contre l'ordre du jour sur les protestations des
habitants de Liége. (P. V.)
L'ordre
du jour est la continuation de la discussion sur les préliminaires de la
conférence de Londres, sur la question préalable demandée par M. de Robaulx et sur
les propositions de MM. le baron Beyts et Van de Weyer. (P. V.)
M.
Alexandre Gendebien continuant le discours qu'il a commencé hier – Voici comment
on répond à l'argument que nous tirons de l'illégalité dont seraient entachés
nos actes ; illégalité résultant de la part qu'y auraient prise les députés du
Limbourg. Si après une guerre malheureuse nous étions dans la nécessité
d'abandonner une portion de territoire, nos actes en deviendraient-ils illégaux
?
Je
regrette que M. l'avocat Lebeau soit tombé dans cette erreur. Tout ce qui se
serait fait antérieurement à la cession serait sans nul doute légal. Mais ici,
remarquez-le, il faut que nous déclarions n'avoir jamais possédé. L'adoption
des dix-huit articles établit que la possession de Guillaume n'a même pas été
interrompue : n'en résulte-t-il pas que les députés du Limbourg n'auraient
jamais eu le droit de siéger parmi nous ?
J'ai
entendu faire ce raisonnement : Les provinces méridionales et septentrionales
ont formé, en 1815, les Pays-Bas ; si vous voulez
Nous
avons été joints à
(page
476) On a dit : En voulant être libres, sachons aussi être justes. Eh bien,
moi aussi je vous fais le reproche de ne savoir pas être justes. N'y aurait-il
pas injustice, pour nous constituer dans un bien-être qui ne serait d'ailleurs
qu'apparent, de ne le faire qu'aux dépens de nos frères ? Oui, soyons justes,
mais soyons justes envers nos concitoyens, avant de l'être, ou plutôt sans
cesser de l'être envers
M. de
Gerlache nous a assuré que lui et ses collègues, à Londres, ont fait tous leurs
efforts pour faire entendre par tout le monde les limites de
M. de
Gerlache nous disait aussi qu'il fallait traiter notre séparation comme un
divorce dont la règle était dans les traités de 1790 ; il faut en subir les
conséquences. Mais pourquoi partir de ce traité plutôt que de tel autre ! Dans
le principe, la conférence appuyait les protocoles sur les traités de 1814 et 1815
; nous avons tout repoussé, et quand nous avons fait voir le parti que nous
pouvions en tirer, la conférence, dans son omnipotence, a eu recours aux
conventions de 1790. Nous, nous les repoussons.
N'aurions-nous
pas été heureux, nous a fait observer un de nos adversaires, d'accepter en
septembre ce qu'on nous offre aujourd'hui ? Oui, sans doute, car je me rappelle
que le 10 septembre, nous étions dans cette position de nous trouver en
insurrection et contre Guillaume et contre nos propres représentants. Oui, nous
aurions accepté ; mais alors, ni Venloo, ni le Limbourg n'avaient fait leur
révolution : en est-il de même aujourd'hui ? Et ici, répondant aux mêmes
collègues qui nous promettent que les négociations nous donneront et le
Limbourg et Maestricht, je leur demanderai de dégager leurs raisonnements des peut-être,
et de nous fournir des preuves. Qu'ils se convainquent bien que quand nous
aurons reconnu les articles, et que nous serons las de négociations inutiles,
nous ne pourrons plus recourir à la guerre, parce qu'on nous opposera que le
congrès, par l'acceptation des préliminaires, a renoncé à tous droits de
propriété ; parce qu'alors on nous accusera de vouloir faire une guerre de
conquête.
Je
reconnais à M. Lebeau du talent oratoire, une diction sonore, un certain
prestige de tribune ; mais lorsqu'on dégage ses paroles de tout ce vernis
d'éloquence, il reste bien peu de chose. Il y a chez lui de l'esprit, beaucoup
d'esprit, trop d'esprit ; mais voyons la réalité.
M.
Lebeau a commencé par convenir qu'il y avait inconstitutionnalité dans
l'acceptation des dix-huit articles ; et puis il a dit le contraire. Ce
changement prouve qu'il a porté deux jugements. Auquel s'en tiendra+il ? Le
premier était fondé sur notre constitution, sur le décret du 1er février et sur
celui du 3 juin. J'aimerais à savoir sur quoi est fondé son second jugement.
Nous l'avons bien entendu adjurer ses commissaires à Londres de déclarer qu'il
ne leur avait pas donné d'instructions violatrices de la constitution ; mais il
n'en a pas moins manifesté dans cette enceinte l'opinion qu'il fallait la
violer ; et je m'en tiens à cette première opinion de M. Lebeau.
Un
ministre a bien osé nous dire qu'on trompait la nation quand on lui disait que
les préliminaires étaient la reproduction des protocoles. Ah ! ceux-là
bien plutôt la trompent qui, contre toute évidence, affirment le contraire.
Oui, les dix-huit articles sont la reproduction éventuelle des protocoles. Vous
ne pouvez sortir de ce cercle : en les acceptant vous adoptez les protocoles ;
si vous les rejetez, vous retombez encore dans les protocoles, à moins que vous
ne vouliez, comme nous vous y engageons, persister dans les protestations.
M.
Lebeau, au sujet de la rive gauche et de quelques autres points, nous a demandé
à qui doit revenir une propriété usurpée, quand l'usurpateur s'en dessaisit. La
réponse est facile : au propriétaire. Mais quand il y a eu transaction, traité
entre le spolié et le spoliateur, dans ce cas ce n’est plus à titre
d'usurpation que possède le nouveau propriétaire. Eh bien,
(page
477) Dans un autre passage de ses nombreux raisonnements, M. Lebeau
convient que nous serons obligés d'offrir l'indigénat aux habitants de Venloo
et du Limbourg. Nouvelle preuve qu'il reconnaît que l'acceptation des dix-huit
articles entraîne violation de la constitution ; car si, par les dix-huit
articles, nous ne reconnaissions pas avoir jamais possédé, nous ne serions pas
obligés d'offrir l’indigénat à nos concitoyens.
La
révolution a éclaté plus tôt que nous ne l'avions pensé. Vers le 5 ou le 6
septembre nous avons eu connaissance de la résolution du cabinet français de
s'opposer à toute intervention. Dès lors nous avons compris que nous pouvions
marcher sans
M.
Lebeau, dans son ardeur belliqueuse, au futur contingent bien entendu, a dit
que si on nous refusait nos enclaves, nous ferions la guerre. Ainsi, nous
ferons la guerre pour conquérir un territoire au sein de
Nous
sommes, a-t-on dit encore, dans une circonstance grave qui décide de la vie ou
de la mort. Oui, la circonstance est grave ; c'est pour cela qu’elle réclame de
l'énergie, au lieu du calme qui n’est souvent que de l'égoïsme, et dans cette
circonstance grave on nous propose de perdre d'abord l'honneur pour ensuite
faire la guerre sur l'exécution d'un traité ! Je le répète, ce langage n'est
pas sérieux.
M.
Lebeau a dit que le régent ne se retirerait pas. Je sais qu'on a cru devoir
faire intervenir le chef de l'État pour donner un démenti à l'opposition. C'est
peu parlementaire ; c'est compromettre le nom du régent. Si on croit nous
imposer silence par ce nom, si on veut nous donner un avant-goût de ce qu'on
fera quand Léopold sera sur le trône, on pourra compromettre le nom du chef de
l'État, mais on n'arrivera pas à son but. Ce que je sais, ce que j'affirme,
c'est que le régent a déclaré, en présence de quinze à vingt députés et de
plusieurs étrangers, c'est qu'il a dit qu'il ne signerait jamais la reddition
de Venloo.
Je
soutiens que la résolution que vous allez prendre est nulle. Au souverain seul
appartient de faire les traités sous la responsabilité des ministres. D'après
notre constitution, il est certains traités qui ne peuvent avoir d'effet que
par votre ratification, mais il faut toujours que le traité préexiste. Il faut
un traité signé par le régent sur la présentation faite par les ministres. Eh
bien, soumet-on un traité à votre ratification ? Non. Il est arrivé dix-huit
articles que le ministère n'ose même pas prendre sous sa responsabilité. Or,
dans une circonstance où il s'agit des décisions les plus graves, vous n'avez
pas le droit de suivre une marche qui enlève à la nation la responsabilité
qu'elle peut faire peser sur les ministres. Et vous-mêmes, comment oserez-vous
décider ? Toute cette affaire appartient à la diplomatie, qui ne vous
communique rien ; et le ministère, qui doit être au courant, ne veut rien
prendre sur lui.
Je le
répète, toute décision que vous prendrez est nulle, nulle aussi longtemps
surtout que vous la prendrez sur la proposition de MM. Van Snick et Jacques.
Au
surplus, il y a un remède. Que le régent signe un traité, contresigné par les
ministres ; vous délibérerez ensuite. Alors, si vous faites le malheur du pays,
au moins l'aurez-vous fait légalement.
Je ne
peux passer sous silence l'avantage que M. Lebeau voulait tirer hier, au profit
de son système, de l'élection de son collègue M. de Sauvage. Et voilà
qu'aujourd'hui nous savons qu'il y a à Liége quinze ou seize cents électeurs,
que l'élection a été faite par deux cents ou deux cent soixante électeurs
présents ; que les autres protestent contre la légalité. A tout cela encore je
dois ajouter qu'il y a peu de jours, M. de Sauvage s'est (page 478)
exprimé de manière à convaincre ceux qui l'ont entendu qu'il ne partage pas les
opinions de son collègue M. Lebeau.
Je
finis en rappelant qu'après l'élection du prince Léopold, lorsque M. de
Gerlache, président, prononça la formule d'adoption, ce n'est' qu'en insistant,
ce n'est qu'en répétant deux fois l'obligation du prince de maintenir
l'intégrité du territoire, qu'il obtint quelques applaudissements sur cette
nomination. N'oubliez jamais cette circonstance. N'oubliez pas que l'adoption
des dix-huit articles viole l'article 1er de notre constitution.
M.
Lebeau vous a adjurés de vous réunir à lui. A mon tour je vous adjure de ne pas
vous séparer des hommes de septembre, par lesquels vous êtes ici. Pensez que
sans eux vous seriez encore dans les antichambres de Guillaume. Jamais on ne
m'y a vu. Quelques-uns peuvent désirer d'y retourner ; quant à moi, jamais on
ne m'y verra. (Applaudissements.) (M. B., supp., 9 juill.)
M. le baron de Sécus (père) – Toutes les
puissances sont armées. Leurs intérêts sont tellement opposés, qu'il ne faut
qu'une étincelle pour allumer une guerre générale. Si la neutralité qu'on nous
propose nous est garantie par cinq puissances qui s'entendent aujourd'hui et ne
s'entendront peut-être plus, demain, nous devons saisir promptement cette
occasion de nous constituer. Par là seulement nous acquerrons une force capable
d'assurer nos succès au dehors ; sinon nous serons réunis â
M.
Masbourg – L'art profond de comprendre en peu de mots les
matières les plus vastes, et de réduire en dix-huit articles les points
fondamentaux d'une nouvelle constitution politique dans ses rapports avec
l'intérieur et l'extérieur, cet art ingénieux qui se révèle dans le nouvel acte
de la diplomatie, nous avertit assez de l'importance d'un examen sévère,
approfondi, de la nature des propositions et de leurs conséquences.
Admettre
ces dix-huit articles sans en avoir bien étudié l'esprit, sans avoir mûrement
pesé tous les principes qu'ils renferment, toute la suite et l'ordre des
rapports nouveaux qui en dérivent, sans avoir saisi dans l'ensemble le plan et
les vues des auteurs du projet, ce serait s'exposer à compromettre les intérêts
les plus graves de la nation et à lui imposer des engagements d'autant
plus dangereux qu'ils ne pourraient plus
être révoqués que du consentement et avec le concours des cinq grandes
puissances et de
Aussi
je ne conçois pas comment l'assemblée n'a pas ordonné le renvoi en sections de
propositions aussi graves, aussi pleines de difficultés. Je sais bien que les
membres du congrès qui ont vu des motifs péremptoires de rejet dans les
premiers articles ont pu se croire dispensés de s'appesantir sur la suite ;
mais les délibérations en section eussent en général été très utiles.
Les
craintes de guerre, de conflagration générale, de partage, que l'on fait sans
cesse retentir dans cette enceinte ; ces tableaux lugubres dont on veut
effrayer les imaginations, en leur présentant l'avenir de
La
première, la plus importante question à résoudre, est celle de savoir si ces
propositions sont compatibles avec l'honneur et la dignité nationale.
La
négative ne me paraît pas douteuse. Je me bornerai à quelques observations pour
motiver mon opinion.
Par la
disposition de l'article 1er, plusieurs milliers de nos compatriotes perdraient
leur caractère politique. Avant de porter cet arrêt terrible qui les frapperait
de proscription, examinons au moins quelle est la nature, quelle est l'origine
de leurs droits, puisque l'on a révoqué ici en doute la justice de nos
prétentions sur une partie du Limbourg, (page 479) et que des orateurs
très distingués les ont même hautement condamnées comme manifestement iniques.
Il importe, messieurs, de s'assurer si ces accusations sont fondées, car nous voulons
être justes, et justes avant tout. Quel que soit mon patriotisme, la patrie ne
sera jamais pour moi une idole à laquelle j'immolerai la vérité et la justice.
Pour dissiper les nuages qui se sont élevés, et résoudre le point de savoir si
la base énoncée dans l'article 1er est ou n'est pas arbitrairement fixée, il
est nécessaire de s'entendre sur les principes.
Partout
où l'inamovibilité du pouvoir, ce dogme de l'absolutisme, prévaut, on n'accorde
pas que la révolution, même la plus légitime, puisse constituer un droit ; de
là cette différence dans la notion du juste et de l'injuste, qui se reproduit
lorsqu'il s'agit de décider des questions par des principes qui dérivent du
droit et du fait de notre affranchissement politique.
Si le
pouvoir cesse d'être légitime par la violation des lois fondamentales et de
tous les principes de justice, et si le peuple, après avoir vainement recouru à
toutes les voies légales, a le droit de résister à l'oppression, il faut
nécessairement admettre le principe de notre émancipation, et en reconnaître la
légitimité. Le bienfait de cette émancipation ne peut être restreint au
préjudice de l'une ou de l'autre partie de la nation qui l'a conquise. Elle
embrasse évidemment tout le peuple qui a participé au mouvement qui l'a produite.
Or, la révolution est l'ouvrage des populations des neuf provinces méridionales
; le droit qui en dérive n'appartient pas plus aux habitants de l'une que de
l'autre ; ce droit est de la même nature, il a la même origine, il a pris
naissance à la même époque. Prétendre déterminer par un traité de 1790 quels
sont les Belges qui jouissent de droit acquis par la révolution de 1830, c'est
méconnaître le principe et l'anéantir.
En
condamnant, en vertu d'un traité qui est sans force en cette matière, une multitude
de nos frères à être exclus de toutes les garanties constitutionnelles des
Belges, on pourrait faire une juste application d'un article du Code du pouvoir
absolu, qui ravale l'homme à la condition de la brute et en fait la propriété
du souverain ; mais au tribunal de la souveraine justice, ne serait-ce pas,
messieurs, un attentat à la nature morale de l’homme ? Le titre de souverain,
le seul que le roi Guillaume avait sur les habitants du Limbourg comme sur
nous, a été rompu, a cessé pour eux comme pour nous, et en même temps pour eux
que pour nous ; et dès lors, le droit du roi Guillaume n'existant plus, comment
peut-on soutenir qu'il serait injuste de ne pas souscrire à l'article
1er ? Au surplus, je suis persuadé que ceux des honorables membres qui ont
plaidé la cause de Guillaume, au nom de la justice, étaient dans l'erreur. Je
me garderai bien de les confondre au reste avec ces ministres, ces hommes
d'Etat de l'Europe légitime, qui ne sentent pas, comme le dit un célèbre
publiciste de nos jours, la dignité de la nature humaine, qui ne s'en doutent
même pas.
L'erreur
où l'on est tombé provient de ce que l'on n'a peut-être pas assez distingué les
lois de la justice de celles de la nécessité. II est évident que si, dans une
extrémité absolue, l'on est réduit à abandonner une partie de ses compatriotes,
ou, en style diplomatique, une portion de territoire, c'est à l'empire de la
nécessité que l'on cède, mais ce n'est pas un droit que l'on reconnaît.
On a
argumenté, messieurs, du principe que dans le cas d'une séparation chacun
reprend ce qui lui appartenait avant l'union ; mais les lois destinées à régler
le droit de propriété sur des objets matériels seraient inapplicables lorsqu'il
s'agit de régler le sort des peuples et des hommes, à moins qu'on ne les
identifiât avec les choses. La même réponse peut servir de réfutation à
l'argument que l'on a voulu tirer des dispositions relatives à la dette.
J'admets que l'ancienne dette est supportée par
Vous
le voyez, messieurs, toutes les objections viennent se briser contre ce
principe immuable, que l'on ne doit pas régler le sort des hommes et des
peuples par les mêmes dispositions que le domaine des choses, ou en d'autres
termes, qu'il faut distinguer les êtres intellectuels des êtres matériels. II
est donc bien essentiel de se prémunir contre les dangers d'une alliance de la
liberté avec les doctrines dégradantes de l'absolutisme. Voyez où les premiers
pas dans cette carrière nous ont déjà conduits : n'avons-nous pas entendu
d'honorables collègues faire un pompeux étalage des libéralités de la
conférence, en nous annonçant qu'elle nous donnait la province de Liége, les
cantons de Philippeville et autres qui avaient appartenu à
C'est
évidemment dans l'esprit des principes du pouvoir absolu qu'a été conçu
l'article 1er subversif de tous nos droits et de toutes les manières propres à
légitimer notre émancipation.
Passant
à l'article 2, on voit que la conférence persévère dans ses antécédents,
relativement au Luxembourg ; il est retranché du nombre des provinces de
Il
vous a été démontré, messieurs, les traités à la main, que la province de
Luxembourg ne faisait pas partie du royaume des Pays-Bas par ces traités ; par
conséquent, vous la faites disparaître de votre constitution en acceptant les
préliminaires. La constitution dit :
C'est
ce que le congrès avait si bien compris, lorsqu'il opposait ce refus noble et
énergique à la proposition d'adhérer aux protocoles. J'observerai au sujet de
cette réponse au protocole, que l'on a beaucoup équivoqué sur cette partie.
Mais au fond, de quoi s'agit-il ? de se lier par un engagement comme partie
contractante, au lieu de se lier par une adhésion à des engagements à peu près
de même nature.
L'article
3 du projet est le complément du précédent. Après avoir formellement reconnu
par ce dernier que la province de Luxembourg ne fait pas partie de
Ne perdons
pas de vue, messieurs, que la conférence ne garantit rien ; elle promet
d'employer ses bons offices, mais elle laissera le roi Guillaume parfaitement
libre d'agir d'après ses vues.
Si ce
souverain, instruit par la catastrophe qui l'a frappé, venait à s'élever
au-dessus des autres puissances contemporaines, en appréciant toute la dignité
de la nature humaine, s'il repoussait l’or que vous voulez lui offrir, et qu'il
vous exprimât une profonde horreur pour cet odieux trafic d'hommes, et s'il
refusait par obstination, ou bien enfin s'il mettait des conditions impossibles
à la cession, qu'arriverait-il ? Recourrait-on à la voie des armes ? Mais,
après avoir reconnu. la souveraineté dans un traité solennel, violerez-vous la
foi de vos engagements ?
Remarquons
aussi, messieurs, que le prince élu par le congrès ne prêtera le serment de
maintenir l'intégrité du territoire qu'après l'acceptation des dix-huit
articles. Or, dès que vous aurez adopté les articles 2 et 3, vous aurez changé,
vous aurez restreint l'étendue du territoire, vous aurez créé une autre
Belgique, le Luxembourg n'y sera plus compris. L'intégrité du territoire alors
sera déterminée par votre traité, et ce sera cette nouvelle intégrité qui fera
l'objet du serment du prince ; ce serment n'est pas une garantie à l’égard de
cette province. Cette vérité est incontestable, et à cet égard je dois relever
une erreur échappée à l'honorable M. Devaux. Il vous a dit, messieurs, pour
vous rassurer sur les craintes qu'on éprouve à la lecture de l'article 3, que
dans tous les cas il n'y avait pas de danger de perdre cette province, puisque
le prince prêtera le serment fixé par la constitution, et que dès lors vous
aurez une entière garantie. Oui, il prêtera le serment prescrit par la
constitution, mais il le prêtera après le traité, à une époque où, aux termes
de ce traité, cette province ne fera plus partie de
(page 481) C’est aussi une erreur
dangereuse de conclure des termes de l'article 3, où l'on emploie le mot
de négociations, que la
conférence a révoqué ses précédentes décisions au sujet de la souveraineté du
Luxembourg : pourrait-on voir dans ces expressions, par lesquelles elle promet
d'employer ses bons offices pour obtenir le maintien du statu quo pendant
le cours des négociations, une rétractation d'une décision déclarée irrévocable
? Les négociations à proposer au roi Guillaume ne sont relatives qu'à la
demande d'acquérir, à celle de régler les conditions de l'acquisition. C'est
dans ce sens et à peu près dans les mêmes termes que la conférence s'est
expliquée dans l'un des derniers protocoles, en promettant également ses bons
offices pour faire obtenir la cession de cette province à
S’il
ne dépendait que du prince Léopold de conserver cette province à
On se
défendra, dit-on, en invoquant le principe de la révolution ; mais ce droit,
vous l'abdiquez en excluant, par votre traité, le Luxembourg de
Le
seul rayon d'espoir, messieurs, qui peut encore nous tirer de tous ces nuages,
offre aux habitants du Luxembourg la perspective d'un statu quo dont on
n'a pas même la garantie. Ce statu quo, dont on est réduit à espérer le
maintien comme une faveur, combien de
temps durera-t-il ? peut-être plusieurs années, et quelle sera la position des
habitants de la capitale pendant ce long intervalle ?
Si je
ne souscris pas à ce traité, messieurs, j’espère qu'on ne m'accusera pas de
manquer de confiance dans la parole du prince ; comme homme, j'ai confiance
dans la parole du prince ; mais, comme vous représentant de la nation, la
parole du prince n'a plus d'influence sur moi ; je trahirais mes devoirs, je
violerais la constitution, si je me déterminais d'après d'autres garanties que
les garanties constitutionnelles. Quel serait en effet le sort du serment que
vous auriez prêté au prince, si sa parole devient équivalente, aux yeux d'un
député et en sa qualité de député, à un serment ? D'ailleurs le prince n'a pas
promis autre chose, et il n'a pu promettre autre chose, que ses efforts pour
obtenir et conserver la province du Luxembourg à
Tels
sont, messieurs, les motifs qui me déterminent à voter négativement. (M. B., 8
juill.)
M. Cartuyvels – En présence de la question grave qui
nous est soumise, et qui doit avoir pour
Mais
un examen approfondi des propositions de la conférence, l'espoir d'éviter à mon
pays des maux plus grands encore que ceux qu'il a soufferts et surtout cette
voix intérieure, cette voix impérieuse qu'on ne doit jamais méconnaître, m'ont
convaincu que nous pouvions discuter, sans déshonneur et sans honte, les
préliminaires qui nous sont soumis, et même les adopter, eu y apportant les
modifications dont ils sont susceptibles.
(page 482) Mais vous ne pouvez rien y
changer, rien y modifier ! me crie-t-on ; la conférence l'a formellement
déclaré, et vous devez ou les rejeter ou les accepter sans condition, sans
restriction aucune. Telle n'est pas mon opinion, messieurs, et je pense, avec
d'honorables membres de cette assemblée, que nous pouvons dire à la conférence
: Le congrès belge, animé comme vous du désir de concilier les difficultés qui
arrêtent encore la conclusion de ses affaires, mais fermement résolu de
maintenir ses droits, accepte vos propositions, mais sous telle condition, sous
telle réserve.
Rien
ne s'oppose, ce me semble, à une semblable acceptation, car la conférence ne
nous dit pas : Vous accepterez sans condition aucune ; elle dit seulement
qu'elle considérera ses articles comme non avenus si le congrès belge les
rejette en tout ou en partie. Or la conférence, il faut bien en convenir, a
compris enfin que son rôle ne pouvait être que conciliateur, et fidèle cette
fois au principe qu'elle a proclamé, elle ne prétend plus nous imposer
impérieusement une volonté qu'aujourd’hui, comme en février, vous eussiez
énergiquement repoussée. Mais la conférence nous présente des préliminaires de
paix à discuter entre parties, et dont l'adoption doit avoir pour résultat
immédiat l'acceptation de notre couronne par le prince de Saxe-Cobourg. Voilà,
messieurs, comment j'envisage les propositions qui vous sont soumises, et les
raisons qui peuvent déterminer mon adhésion.
Je ne
m'attacherai pas, messieurs, à discuter les motifs, le but et la disposition
des articles de la conférence. Cette question a été traitée ici sous tous les
points de vue, et s'il est vrai qu'ils ne diffèrent guère, quant au fond, du
protocole même du 20 janvier, il faut convenir cependant qu'ils contiennent des
différences essentielles.
Car
sans parler de la dette, qui est pour nous une question d'assez grand intérêt
puisqu'elle dégrève notre budget annal de 12,000,000 de florins, nous avons
plus que de l'espoir de conserver la plus grande partie du territoire contesté,
et notamment le Limbourg.
La
rive gauche de l'Escaut nous échappe, à la vérité, et avec elle notre commerce
maritime perd un grand avantage, mais ses habitants ne se sont point associés à
notre révolution, leurs députés ne siègent pas dans cette enceinte, et sur
cette question territoriale on nous contestait et le fait et le droit ; et dès
l'instant que l'écoulement des eaux des Flandres, l'usage des canaux, la libre
navigation des fleuves nous y sont garantis, si ce n'est pas là tout ce que
nous pouvions réclamer, il faut du moins convenir que c'est à peu près une
grande part de tout ce que nous pouvions espérer.
La question
du Luxembourg, à mon avis, n'est nullement douteuse. Cette province fait, elle
a toujours fait, partie de
Mais
avec toutes ces négociations, nous n'en finirons jamais ! me dit-on : je
pourrais vous en compter dix séparées et distinctes, c'est un dédale à ne pas
en sortir... J'avoue, messieurs, que les négociations seront longues,
difficiles même, mais les moyens qu'on nous propose termineraient tout en un
instant. Et croyez-vous qu'après une bataille il ne faudrait pas commencer par
négocier encore ?
Quant
au Limbourg, si l'on vous disait encore : Vous abandonnerez sans
condition, vous livrerez à la vengeance hollandaise le pays de la généralité,
la ville de Maestricht et la ville de Venloo ; et si vous consentiez, sans une
nécessité absolue, à replonger sous le joug qu'ils ont brisé ces généreux
habitants dont la cause est la nôtre et qui ont versé leur sang pour la
défendre, alors, messieurs, je vous dirais aussi : L'honneur, la dignité
nationale vous font un devoir de rejeter de pareilles propositions : les
Limbourgeois sont Belges, vous n'avez pas le droit d'en trafiquer.
Mais
ce pacte flétrissant n'est pas à craindre ; l'article 5 des préliminaires
nous en donne l'assurance, en sanctionnant l'échange des enclaves, et il paraît
constant que nous en avons assez pour racheter le Limbourg ou du moins la
généreuse Venloo. Mais, si cette garantie des puissances ne vous paraît pas
suffisante, alors, messieurs, nous devons en faire une réserve formelle, nous
en avons le droit, car ce ne sont plus des ordres que (page 483) la conférence vient nous dicter, ce ne sont que des
préliminaires de paix qu'elle soumet à notre sanction.
J'accepterais
donc ses propositions, mais sous la condition expresse que Venloo nous sera
conservée ; car, je le répète, je nie à la conférence le droit de nous imposer
sa loi, et dans cette occasion solennelle nous devons lui prouver que nous
sommes prêts, non pas à courber servilement la tête devant sa volonté, mais à
traiter, sous sa médiation, d'égal à égal avec les Hollandais. Et cette
médiation nous pouvons l'accepter sans honte, vous l'avez reconnu vous-mêmes en
signant l'armistice, mais en nous soumettant à son arbitrage. Je soutiens que
nous avons le droit de lui faire connaître à quelles conditions nous sommes
résolus de traiter.
Dans
tous les cas, notre acceptation conditionnelle ne pourrait jamais être
considérée que comme un refus, et notre cause demeurerait telle que les
préliminaires la déterminent, car, pour protocoles purs et simples, il ne peut
plus en être question, la conférence elle-même l'a reconnu ; mais il lui faut
une réponse aux propositions qu'elle nous a présentées, et je viens de vous
indiquer, messieurs, comment je désirerais qu'elle fût donnée.
Il est
facile, je le sais, de se laisser entraîner par les mots magiques d'honneur et
de dignité nationale, et de repousser tout ce qui semblerait y porter atteinte.
Mais gardons-nous de nous laisser éblouir et aveugler par un vain amour-propre,
car l’amour-propre d'un peuple même doit céder à des intérêts plus graves, doit
fléchir devant ses propres besoins, et c'est pour satisfaire à ces intérêts,
pour répondre à ces besoins, que je me suis déterminé à donner mon vote aux
moyens conciliateurs.
Et
vous qui invoquez la guerre et ses terribles arguments, qui pour assurer le
repos et l'indépendance de la patrie demandez la guerre à grands cris, en
avez-vous combiné toutes les chances, calculé tous les résultats ? et ne
craignez-vous pas que la guerre vous ravisse cette indépendance même qui est
tout pour vous ? car prenez-y garde, le premier coup de canon tiré par vos
ordres peut devenir le signal d'une lutte européenne, qui finirait peut-être
par vous engloutir.
Mais
j'accorde que les puissances restent étrangères à nos débats avec
Mais
l'état du pays, les besoins de la nation nous permettent-ils de recourir
maintenant à ces moyens extrêmes ?
Vous
voulez la guerre, commencez donc par ajouter de nouveaux millions à ceux que
vous avez votés pour l'entreprendre ; mais avant d'accabler le peuple sous de
nouveaux impôts, voyez ce qui se passe autour de vous, consultez les faits, ils
parlent plus haut que tous vos arguments.
Le
commerce est aux abois, la guerre va l'achever ; l'industrie languit, la guerre
va l'anéantir ; l'agriculture présente les plus belles espérances, et la guerre
va porter le ravage au milieu des champs, et ravir aux populations, déjà
exténuées, leurs dernières ressources, leurs dernières espérances !
Notre
avenir même est soumis à la décision que nous allons prendre, car le rejet pur
et simple des propositions de la conférence, entraînant la reprise immédiate
des hostilités, repousse à jamais le prince que vous aviez appelé à régner sur
Mais
le rejet de notre couronne par le roi des Français détruisit cet espoir, et
m'apprit que désormais toute réunion avec
Cet
espoir ne peut donc balancer à mes yeux les avantages que nous présente
maintenant Saxe-Cobourg.
Voilà,
messieurs, les principales raisons qui m'ont déterminé à ne point rejeter les
propositions de la conférence de Londres ; car dans les circonstances où nous
nous trouvons, il n'est plus question de détruire, il faut réédifier, et il le
faut sans délai, car le fardeau est devenu bien pesant, et bientôt chaque jour
ne suffirait pas à sa peine.
Mais
nous aurons beau faire pour éviter la guerre, me dit-on, nous aurons beau nous
soumettre à la conférence, signer concession sur concession, rien n'est fait,
rien n'est décidé ; car pour assurer la paix, il faut encore l'assentiment du
roi Guillaume, et vous ne l'aurez jamais.
Cette
prévision est possible, messieurs, mais elle n'est pas certaine. Et s'il faut
enfin recourir aux armes, s'il faut décider par le fer et le canon les
questions du territoire, très bien ; en nous constituant, la guerre n'est plus
pour
D'ailleurs,
en nous donnant un chef qui rallie autour de lui tous les partis, qui nous
assure la protection de
Et je
vous le demande, messieurs, si la guerre éclatait maintenant, quel parti nous
mènerait au combat ? au profit de qui l'engagerions-nous, divisés comme nous
sommes aujourd'hui ? Que Saxe-Cobourg arrive, il n'y a plus que des Belges, la
puissance révolutionnaire se trouve concentrée dans la seule main qui la
dirige, et marcher au combat, ce serait marcher à une victoire certaine.
Sachons
donc différer un moment encore, et si la guerre devient inévitable, s'il faut
enfin en subir le poids, les hasards, nous pourrons du moins nous dire : Nous
avons tout fait pour l'éviter, et l'on ne pourra nous demander compte des biens
ni du sang de nos frères.
Je
voterai donc pour l'amendement de M Van de Weyer, me réservant mon vote sur les
propositions, si contre mon attente cet amendement était rejeté. (M. B., supp.,
10 juill.)
M.
Hippolyte Vilain XIIII – Il est des circonstances solennelles où chaque représentant
de la nation doit à ses commettants l'explication de sa conduite et
l'expression de son vote ; cette manifestation est surtout indispensable au
moment où une question s'élève, question de vie ou de mort pour tout un peuple,
et qui doit fixer ses destinées dans un long avenir.
Des
préliminaires de paix sont offerts au congrès renfermant tout ensemble la
délimitation de
En
effet, à cette question si simple : Que voulez-vous ? les uns répondent
que plutôt que d’accéder à de pareilles conditions, ils préfèrent garder le statu
quo, faire aux ennemis une guerre d’inertie, et par une longue incertitude,
l'entretien d'une armée coûteuse, les forcer à de justes concessions ; mais ces
mêmes personnes s’écrient parfois que le provisoire tue la nation, qu’il faut
en sortir à tout prix, que
Pour
amener le rejet de ces propositions, on a objecté que leur adoption serait une
violation manifeste de la constitution. C'et une erreur grave et que plusieurs
de mes collègues se sont empressés de relever. Bien plus, on a avancé que, par
cela même que l'intégrité du territoire constitutionnel était mise en péril, la
position du chef de l'État pouvait en être compromise. Mais on a donc oublié le
sens de l'article 5 : ne dit-il pas que c'est aux représentants à fixer par une
loi les limites de l'État, et que ce pouvoir est dans leurs attributions ? Et
que faisons-nous dans ce moment, messieurs, si ce n'est une loi ? Le souverain
jure l'intégrité du territoire tel que l'arrêtent les représentants de la
nation. S'il en était autrement et que ce serment fût impératif et immuable,
autant vaudrait dire que, ne pouvant diminuer le territoire, on ne peut
l'augmenter, et qu'au moment où la conquête et la suite des négociations nous
donneraient une extension de territoire, la constitution devrait être changée
et le serment renouvelé par le roi.
On a
cherché à vous émouvoir sur la position (page
486) incertaine de quelques districts du royaume ; mais, messieurs, si je
voulais m'adresser aux sentiments plutôt qu'à la froide raison de l'assemblée,
j'attirerais ses regards sur d'autres parties qui méritent aussi sa
commisération : je demanderais si le sort des habitants d'Anvers sous le canon
de la citadelle n'exige pas impérieusement un terme ; si ces belles communes de
M. Claes (de Louvain) – Je n'examinerai
pas la question préalable, ni la question d'honneur : elles ont été développées
avec tant de force, tant de clarté, surtout la dernière, que personne, même les
partisans des préliminaires ; n'oserait disconvenir qu'il y aurait lâcheté
d'abandonner ceux qui, depuis le commencement de la révolution et à notre
demande, ont fait cause commune avec nous. Je vais examiner brièvement si, sous
le rapport commercial, les préliminaires de la conférence sont acceptables : la
négative ne sera pas difficile à établir.
Un
honorable membre de cette assemblée a considéré les propositions comme un
présent ; toutefois il s'en est méfié en présentant un petit amendement. Je
suis loin de partager son avis, et, au lieu de trouver un présent dans les
préliminaires, j'y découvre du poison ; leur adoption serait, à mon avis, le
coup de mort porté à notre commerce maritime.
Je
n'ai pas besoin de vous faire remarquer que de tout temps
Les
préliminaires tranchent la question des colonies : Belges, vous n'y serez plus
admis, vous perdrez ce commerce immense. Constructeurs de navires, armateurs,
fabricants, négociants du haut commerce, expatriez-vous, fuyez le sol de
En
adoptant l'article 1er des propositions de la conférence, vous replacez
Mais
l'article 1er des préliminaires va bien plus loin : il donne à
On
peut se passer de Maestricht et Venloo pour arriver au Rhin, et communiquer
avec l'Allemagne ; on fera, dit-on, comme en Angleterre, des routes de fer.
Mais sait-on bien que le terrain de
L'article
6 des préliminaires ne me satisfait en aucune manière. Il ne fixe aucun délai
pour l'évacuation des places, territoires et villes : jusqu'à quand les
Hollandais resteront-ils à la citadelle d'Anvers ? qui peut en assigner le
terme, je le demande ? (page 488)
cette odieuse occupation peut-elle se prolonger davantage ?
Moi,
plus que tout autre, habitant d'Anvers, y ayant ma maison et le siège de mes
affaires, je dois désirer l'évacuation de la citadelle ; mais quand cette
évacuation devrait amener l'anéantissement du commerce d'Anvers, et par
conséquent celui de
L'article
11 des préliminaires serait un motif suffisant pour ne pas donner mon adhésion
aux propositions de la conférence. Savez-vous, messieurs, quelle condamnation
porte cet article contre
J'ai
dit que le seul port où l'on peut construire et armer des vaisseaux de guerre
est le port d'Anvers. Ni le port d'Ostende, ni celui de Nieuport, ni même celui
de Bruges, ne sont propres à la construction ; aucun d'eux n'est à l'abri d'un
coup de main ; rien de plus facile que d'incendier tout ce qu'on pourrait y
construire. Construira-t-on à Boom ? oui, quelques brigantins. Mais ce n'est pas avec des bâtiments de cette
dimension qu'on fera respecter ses droits ; il faut au moins pouvoir se mettre
sur le même pied que ses voisins, et vous savez que
Nous
sommes fatigués, je le sais, nous voudrions en finir à tout prix ; mais en
adhérant aux propositions de la conférence, sommes-nous sûrs d’en finir ? non, rien
ne le présage. Mais pour une fin même incertaine, sacrifieriez-vous le bien le
plus important du pays, le commerce qui doit en faire et assurer la prospérité
? Pour moi, jamais je ne souscrirai à un pareil abandon ; et comme l’adoption
des propositions de la conférence doit amener, d'après moi, l'anéantissement du
commerce, je n’y donnerai pas mon adhésion. Je vote contre les
préliminaires. (M. B., 8 juill.)
M. Barthélemy – Messieurs, vous avez entendu tour à
tour les orateurs les plus distingués de cette assemblée ; tous les effets de
la tribune sont épuisés ; il ne me reste plus que le langage de la froide
raison, de celle qui parle à l'aide de calculs.
Cinq
grandes puissances nous font l'honneur de nous proposer (murmures) des
préliminaires de paix. J'entendais dire hier, par l'un de nos collègues, qu'il
n’y voyait pas un contrat.
Non
sans doute : çe sont des points de départ pour arriver à un contrat.
Il m'avait
toujours paru fort simple de s'en passer, en se contentant de reconnaître pour
limites à
Mais
on a objecté que cette démarcation n'avait pu aujourd'hui se régler sans égard
à la question de savoir si tout ce qui se trouverait de chaque côté de la ligne
était véritablement belge ou hollandais ; que ce qui eût été indifférent sous
la même dynastie, lorsque l'intérêt de la défense du pays était confié au même
chef, cessait de l'être en le plaçant sous deux dynasties qui pouvaient devenir
hostiles ; qu'il y avait alors possibilité d'attaque d'une part et nécessité de
défense de l'autre ; qu'il importait donc, si l'on se séparait comme on
l'a fait en 1830, que chacun connût quel était son véritable territoire
antérieurement.
Il
paraît qu'on pensa de prendre pour maxime la règle, que la séparation
replacerait les parties dans l'état où elles se trouvaient lors de leur réunion
en 1815.
Il est
fort heureux pour nous que cela n’ait pas eu lieu.
On
remonta plus haut et l'on nous reporta en 1790.
On dit
donc, article 1er, à
A
ceux-ci l'on dit : Prenez l'état de 1814, ajoutez-y tous les acquêts faits par
Pour
savoir s'il y a intérêt et avantage à transiger dans cette situation, il faut,
me semble-t-il, se donner la peine de compter ; c'est ce que j'ai fait.
Vous
savez tous ce que
Voyons,
d'un autre côté, ce que
Quant
aux premières, par un traité du 5 janvier 1800,
Ce
traité est confirmé à Berlin pour la partie de
Pour
le Brabant septentrional, par les traités de 1802, réglant les indemnités des
princes d'empire.
Tous
ces pays comportent
Quant
aux secondes, le royaume a encore acquis, par les traités de 1815, huit cantons
cédés par
J'ai
donc
Voilà
ce que nous possédons et que nous pouvons proposer pour balancer les réclamations
de
Je
demande, d'après cela, s'il y a lieu de s'inquiéter sur la possibilité
d'arriver à une délimitation définitive, sans manquer à nos devoirs envers les
habitants de Venloo !
Nous
sommes les maîtres de traiter de cette manière, et pas autrement, parce que
nous avons une balance territoriale dont le solde en étendue est en notre
faveur.
Si
l'on objecte que les valeurs ne sont pas les mêmes, nous ferons ce que l'on
fait dans tous les partages, nous ajouterons l'appoint pour solde, en argent.
. Si
l'on objecte que Venloo est une forteresse, nous répondrons que Sevenaar est au
delà de toutes les eaux qui défendent
M. le président – On a demandé que la séance fût
continuée à demain. (Oui ! oui ! Non, non, encore un discours. Un grand
nombre de membres quittent leurs places.) (E., 8 juill.)
M. Charles de Brouckere
– Je demanderai,
messieurs, qu'on commence demain la séance à dix heures précises ; car nous venons
à midi et demi quand les séances sont indiquées pour onze heures ; nous nous
séparons avant quatre heures et demie : ce ne sont pas là. des séances. (Appuyé !
appuyé !) (E., 8 juill.)
- On
fixe la séance de demain à dix heures. (E., 8 juill.)
La séance
est levée à quatre heures et demie. (P. V.)