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ANOUL Prosper (1794 - 1862)

 

 

 

ANOUL Victor, Prosper, Ernest, né en 1794 à Bruxelles, décédé en 1864 à Saint-Gilles

Age en 1830 : 36 ans

Sans couleur politique (ou libéral). Ministre non parlementaire de la Guerre de 1851 à 1855.

 

 

BIOGRAPHIE

 

(Extrait de : HUISMAN M., dans Biographie nationale de Belgique, t. XXIX, 1956-1957, col. 100-103)

ANOUL (Victor-Prosper-Ernest), officier supérieur, ministre de la guerre, fils de Louis-Philippe, écrivain, et de ­dame Anne-Marie Suys, né à Bruxelles dans la paroisse de Saint-Géry le 15 février 1794, décédé à Saint-­Gilles le 6 septembre 1862.

Sorti de l'École impériale de cava­lerie de Saint-Germain (10 décem­bre 1810), il débuta dans la profes­sion des armes sous les étendards français, participa comme sous-lieu­tenant à la campagne d'Allemagne ­(1813). Sa belle conduite à Leipzig, où il fut blessé, lui valut la croix de la Légion d'honneur. Après la première abdication de Napoléon, il passa dans l'armée des Pays-Bas. Lieutenant au 2e carabiniers belge, il combattit vail­lamment à Waterloo et reçut un coup de biscaïen qui lui traversa la hanche. Promu capitaine, Anoul fut pensionné pour blessures le 1er juillet 1822. Sa carrière militaire n'était pas cepen­dant achevée. Pour être moins aven­tureuse, elle allait se poursuivre au service de la Belgique.

Dès le prélude de la Révolution, Anoul trouva l'emploi de ses apti­tudes, de son expérience. Les mani­festations bruxelloises des 25-26 août 1830 avaient pris une tournure insur­rectionnelle, prolétarienne. Devant l'inaction des autorités, la passivité de la garnison et de la schutterij, des hommes énergiques constituèrent une Garde bourgeoise, chargée d'assurer ­l'ordre et le respect de la propriété. Cette garde se répartit en huit sections calquées sur les divisions de la Ville.

Prosper Anoul, notable considéré., fut choisi comme capitaine comman­dant de la sixième section où il habi­tait. (On doit regretter qu'il n'ait pas laissé de Souvenirs ni de Journal des événements auxquels il assista comme acteur ou spectateur. La tâche de son biographe eût été facilitée.) Sans figurer parmi les « vrais ou faux héros de 1830 », Anoul apporta dans l'ac­complissement de ses fonctions l'es­prit d'organisation et de discipline qui le distinguent, qualités précieuses pour conduire une milice improvisée, se lassant vite d'un service régulier. Anoul désirait que tous les habitants de 18 à 50 ans fussent tenus de se présenter ponctuellement aux chefs de sections. Les événements qui se déroulèrent au cours des semaines agi­tées précédant les «glorieuses » de septembre, mirent aux prises les élé­ments modérés et avancés, ceux-ci devant l'emporter. Anoul fut de ceux qui cherchèrent à maîtriser les exaltés. La garde bourgeoise perdit la con­fiance de la .masse populaire. Après la prise de l'Hôtel de ville, elle fut désemparée ; ses principaux postes, ses patrouilles se laissèrent désarmer par la foule. Anoul, qui ne put retenir ses hommes, remit sa démission à Pletinckx, si l'on ajoute foi aux Mémoires de ce dernier (21 septem­bre 1830). Un mois plus tard, le Gouvernement provisoire l'appelait au commandement de la Place de Bruxelles avec rang de colonel, preuve qu'il n'avait pas démérité (28 octo­bre 1830). Agé seulement de 36 ans, Anoul sera porté jusqu'aux grades les plus élevés dans notre armée nationale. Signalons brièvement les fonctions principales dont il fut revêtu : promu général major, il reçut le gouvernement de la Résidence royale, ensuite le commandement de la gendarmerie (1842). L'année suivante le Roi l'atta­chait à sa personne en qualité d'aide de camp. Nommé lieutenant général, il prit, en 1848, le commandement de la division de grosse cavalerie, en conservant l'inspection générale de la gendarmerie.

Le 13 juillet 1851, Anoul fut chargé du portefeuille de la guerre dans le cabinet Rogier-Frère ; il acceptait, vu les circonstances, une tâche difficile, depuis cinq mois ; le Ministère de la guerre se trouvant sans, titulaire effectif. Le général Mathieu Brial­mont, pressé par son fils - notre futur grand ingénieur militaire ­- avait déposé son portefeuille avec éclat (17 janvier 1851), ne voulant pas s'associer davantage aux vues du gouvernement qui, prétendait réduire le budget de la guerre à un minimum forfaitaire de 25 millions. Rogier, après avoir assumé quelque temps l'intérim, s'était assuré la collabora­tion d'Anoul, officier bien en Cour, plus souple que Brialmont dont l'atti­tude patriotique avait fait au surplus impression.

Anoul conserva son portefeuille pendant quatre années, surnageant à diverses crises ministérielles, et ce, au milieu d'une situation internationale menaçante pour notre indépendance.

Un arrêté royal (14 octobre 1851) instituait une commission composée de parlementaires et d'officiers supé­rieurs avec mission d'examiner toutes les questions intéressant l'établisse­ment militaire du pays. Ce fut au Cabinet centre gauche de Henri de Brouckère à tirer, du travail appro­fondi de cette commission (mixte), des propositions susceptibles d'être adoptées par les Chambres. Anoul déposa le 18 janvier 1853 un projet de loi sur l'organisation et le recrute­ment de l'armée : l'effectif porté de 70 à 100.000 hommes (indépendam­ment du concours éventuel de la garde civique) ; augmentation du cadre par la création de nouvelles unités de réserve ; budget de la guerre fixé à 32 millions. Anoul, assisté du colonel Renard, en qualité de commissaire royal, défendit et fit adopter le projet, malgré l'opposition antimilitariste. Au Sénat, il fut voté à une forte majorité, après que le duc de Brabant dans son maiden-speech, émanation de la pensée royale, eut fait appel au patriotisme de la Haute Assemblée.

En même temps les contingences extérieures exigeaient la réorganisation de notre système de fortifications ; d'accord avec la commission mixte, le cabinet s'était rallié au principe de faire d'Anvers le centre de la défense du pays, le réduit national en cas d'invasion. Le Ministre Anoul élabora un projet, jugé trop timide par certains. Mais sans attendre la décision du Parlement, il fit construire une série de fortins de protection, dont l'érection, froissant des intérêts locaux, valut au ministre des reproches, notamment des représentants de la métropole commerciale.

En mars 1855, de Brouckère, en froissement avec le Souverain, et mal soutenu par son parti, donna sa démission. Anoul le suivit dans sa retraite et reprit le commandement de la division de grosse cavalerie. Pensionné en 1859, il s'éteignit dans sa soixante-neuvième année, en sa demeure rue de Saint-Gilles, quartier Louise, renonçant aux honneurs militaires auxquels il avait droit en sa qualité de Grand Croix de l'Ordre de Léopold. Comme homme de guerre et comme administrateur, il se distingua par le courage, la prudence, un sens élevé du devoir.

Le Musée royal de l'Armée possède son buste en marbre, œuvre de Jean-­Joseph-Jaquet (membre de l'Académie).

Michel HUISMAN.