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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 septembre 1831

(Moniteur belge n°99, du 22 septembre 1831)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à une heure et quart.

Lecture du procès-verbal

M. Lebègue donne lecture du procès-verbal. Il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Liedts donne lecture du sommaire de quelques pétitions, entre lesquelles s’en trouve une contre la loi sur le rapport des miliciens de 1826.

M. Legrelle demande que lecture soit donnée de cette pétition.

- La chambre ordonne cette lecture, qui a lieu en effet. Le pétitionnaire soutient que la classe de 1826 a été entièrement libérée par l’arrêté de M. le régent, et qu’il n’y a pas plus de raison ni de justice à rappeler les miliciens de cette classe que toute autre.

Toutes les pétitions sont renvoyées à l’examen de la commission.


M. Liedts donne lecture d’un message du sénat annonçant l’adoption de la loi sur la promulgation des lois et celle sur le rappel des miliciens de la classe de 1826.

Projet de loi relatif au remplacement en matière de milice

Rapport de la commission spéciale

L’ordre du jour est la discussion sur le projet de loi relatif aux obligations imposées aux remplaçants et aux miliciens de la classe de 1826.

Nous n’avions pu faire connaître hier le rapport fait sur ce projet : nous réparons cette omission aujourd’hui.

M. Leclercq. - Messieurs, la commission que vous avez chargée de préparer quelques dispositions propres à être converties en loi, et à prévenir les difficultés que pourrait faire naître la généralité des termes dans lesquels est conçu le projet de loi que vous avez adopté avant-hier, s’est appliquée avec la plus scrupuleuse attention à prévoir les divers cas dont pourraient résulter des difficultés de ce genre, surtout en ce qui concerne les rapports des remplacés et des remplaçants. Elle ne se flatte point de les avoir rencontrés tous, parce que l’intérêt particulier, qui lutte contre des obligations souvent pénibles, est toujours plus ingénieux que le législateur le plus prévoyant ; elle espère pourtant n’en avoir omis que bien peu dans la résolution qu’elle m’a chargé de vous soumettre ; si cette omission existe, vous saurez y suppléer par la discussion à laquelle vous allez vous livrer.

Nous n’avions point cru devoir nous occuper des contestations pécuniaires qui pourraient s’élever entre les remplaçants et les remplacés, par suite du rapport de la classe de 1826 ; ces contestations ne peuvent être décidées que par l’interprétation des obligations qu’ils ont contactées entre eux, et quoique ces contrats soient uniformes, parce que le modèle en est imposé par les lois sur la milice, l’interprétation néanmoins est du ressort exclusif des tribunaux : le pouvoir législatif ne pourrait la prononcer sans empiéter sur le pouvoir judiciaire, seul chargé de décider les contestations relatives à des droits civils ; il ne le pourrait non plus sans statuer sur le passé et donner à ses dispositions un effet rétroactif.

Nous nous sommes, en conséquence, bornés à régler les rapports des remplacés et des remplaçants avec l’Etat, et, pour y parvenir, nous avons eu soin d’abord de ne point perdre de vue le but du projet de loi adopté avant-hier, qui tend à faire rentrer de suite dans les rangs de l’armée une quantité de vieux soldats habitués aux manœuvres et au maniement des armes, et capables de se présenter à l’instant même devant l’ennemi ; en second lieu, nous n’avons point oublié cette idée qui semble avoir dominé toute la discussion dans votre dernière séance, que, si l’intérêt public exigeait le rapport de l’arrêté du régent du 16 juin 1831, il fallait prendre garde d’occasionner des dommages aux citoyens en portant atteinte à des conventions conclues sous la foi de cet arrêté : la perte d’hommes qui pouvait en résulter pour l’Etat était trop faible, en comparaison de ses dommages et de l’espèce d’injustice qu’il y aurait à ne point les éviter.

C’est dans cet esprit qu’ont été rédigées les dispositions dont je vais avoir l’honneur de donner lecture.

La première porte sur le cas le plus général, celui où un milicien de la classe de 1826 s’est fait remplacer ; le remplaçant est tenu de le libérer du service que les lois sur la milice lui imposaient : c’est le service prescrit par ces lois que réclame le projet adopté. Le remplaçant doit donc revenir sous les drapeaux et non le remplacé qui, d’ailleurs, à cause de son inexpérience, ne procurerait point à l’Etat le genre d’avantage que le législateur a eu en vue.

Les seconde et troisième dispositions embrassent des cas qui doivent être plus rares que le premier ; elles concernent le milicien de la classe de 1826 et le remplaçant d’un milicien de cette classe qui, depuis le congé qu’ils ont reçu en exécution de l’arrêté du 16 juin 1831, ont pris service en qualité de remplaçant. Le milicien qui se trouve dans ce cas doit le service pour lui-même par suite du projet adopté, et si ce projet était exécuté à la rigueur, la personne obligée de servir dans une des classes postérieures à 1826, et qui l’a pris pour remplaçant, devrait faire le service elle-même ou fournir un nouveau remplaçant. Nous avons pensé qu’il ne pouvait en être ainsi ; que le milicien de 1826 devait continuer à servir comme remplaçant, et par conséquent à la décharge du remplacé ; qu’en agir autrement ce serait détruire des contrats passés sous la foi de l’arrêté du régent et sans un grand avantage pour l’Etat, qui, pour chaque contrat, gagnerait à la vérité un homme de plus, mais un homme qui ne répondrait pas au vœu du projet adopté, puisqu’il serait inhabile aux armes.

Nous avons jugé qu’il devait en être de même du cas où le remplaçant d’un milicien de 1826 aurait, depuis l’arrêté du 16 juin 1831, remplacé un milicien d’une des classes postérieures ou toute autre personne au service. Il y a pourtant cette différence entre ce cas et le précédent, qu’ici deux personnes se trouvent exemptées par une seule ; d’abord le milicien de la classe de 1826, puis la personne avec laquelle le deuxième contrat de remplacement a été passé. Mais, comme ce cas serait très rare, nous n’avons point cru qu’il fallût avoir égard à cette perte ; les considérations que nous vous avons présentées pour le cas précédent nous ont semblé devoir l’emporter encore.

Avant de passer à la quatrième disposition, nous devons vous faire remarquer une particularité de la troisième, qui a nécessité une disposition spéciale : le remplacé doit garantir son remplaçant pendant toute la durée du service, à moins qu’après dix-huit mois il ne verse dans la caisse de l’Etat une somme déterminée par la loi, pour tenir lieu de cette garantie.

Ordinairement le remplacé s’assure de la fidélité de son remplaçant en conservant par devers lui une partie du prix de remplacement, et qu’il ne lui paie qu’au moment où celui-ci reçoit son congé ; de là est née la question de savoir si deux personnes successivement remplacées par le même individu devaient la garantie, ou si le dernier remplacé, qui seul avait conservé les moyens de s’indemniser de l’infidélité de son remplaçant, devait aussi être seul tenu à cette garantie. Nous avons préféré cette dernière solution, parce que l’Etat est à couvert de toute perte, dès qu’un homme se représente pour le remplaçant, et qu’ainsi ce serait mal à propos exiger la garantie du premier remplacé, qui, sur le vu du congé résultant de l’arrêté du 16 juin 1831, a probablement payé le reste du prix de remplacement.

La quatrième disposition porte sur le cas où un milicien de la classe de 1826 se serait fait remplacer dans le premier ban de la garde civique.

Ce cas doit se présenter beaucoup plus rarement encore que les précédents, parce que celui qui ne s’est pas fait remplacer dans la milice ne se fera sans doute point remplacer non plus dans la garde civique, dont le service est bien moins pénible, à moins que ses ressources ne soient venues à changer. Cependant, comme il faut prévoir tous les cas, quelques rares qu’ils soient, nous n’avons point cru devoir négliger celui-ci ; et à cause de sa rareté même, et de la perte légère que, par suite de cette rareté, l’Etat devait en ressentir, nous avons pensé qu’il ne fallait point rendre inutile le contrat de remplacement et obliger un homme à servir doublement. Nous vous proposons, en conséquence, d’exempter du rappel le milicien servant comme remplaçant dans le premier ban de la garde civique.

Le dernier cas que nous avons prévu est celui d’un remplaçant marié : ce cas semble compris dans l’article 2 du projet adopté ; car si le milicien marié n’est point rappelé, le remplaçant, qui n’a d’autres obligations à remplir que celles du milicien, semble aussi devoir tomber sous les termes de cet article, et ne pas devoir être rappelé s’il est marié. Une disposition expresse à cet égard paraît inutile au premier abord : mais il faut prendre garde que beaucoup de remplaçants sont mariés au moment où ils remplacent, et que, si l’expression du projet adopté, « miliciens non mariés, » comprenait sans distinction le remplaçant comme le milicien, il en résulterait une exemption que le législateur n’a pas pu vouloir accorder. Le motif de l’exemption en faveur des miliciens mariés est le respect dû aux conventions passées sous la foi de l’arrêté du régent du 16 juin 1831 : ce motif est étranger aux remplaçants qui étaient mariés avant l’arrêté ; l’exemption ne peut donc porter, comme le motif qui l’a dictée, que sur les remplaçants qui, depuis cet arrêté et avant que le projet de loi adopté par vous n’ait force obligatoire, ont contracté mariage.

Tels sont, messieurs, les observations dont j’ai cru devoir, au nom de votre commission, faire précéder, pour plus de clarté, les articles de la résolution que nous vous proposons ; voici ces articles : (M. le rapporteur en donne lecture.)

Discussion des articles

Article premier

Personne ne demandant la parole sur l’ensemble du projet, on passe immédiatement à la discussion de l’article premier ainsi conçu :

« Art. 1er. Les remplaçants de miliciens de la classe de 1826 continueront à servir pour les remplacés. Ceux-ci seront également libérés dans le cas où leurs remplaçants seraient devenus incapables de service, par suite d'infirmité contractées sous les drapeaux, ou seraient décédés. »

M. Raymaeckers combat l’article premier. Il soutient que les remplaçants ont rempli toutes les obligations auxquelles ils étaient soumis par leur contrat, puisqu’après avoir servi pendant le temps voulu par la loi, ils ont obtenu leur congé définitif. L’arrêté du régent les a parfaitement libérés. Il est vrai, dit l’orateur, que ce n’est qu’en temps de paix, selon l’article 8 de la loi de 1817, que les miliciens peuvent obtenir leur congé ; mais le gouvernement est libre de le leur accorder même en temps de guerre, et, une fois ce fait consommé, il n’y a plus à en revenir. C’est ce qu’a fait l’arrêté du régent. Certainement les miliciens même ayant fini leurs cinq ans de service n’avaient pas le droit d’exiger leur congé au mois de juin, puisque nous n’avions pas en temps de paix ; mais le régent a pu leur donner ce congé. Vous leur enlèveriez donc un droit acquis, ce qui n’est pas juste. Je voterai, par ces considérations, contre l’article premier.

M. Brabant. - Je demande la suppression des mots « contractées sous les drapeaux ; » car, de quelque manière que les infirmités soient venues, elles doivent exempter le remplacé. Puisqu’on exempte celui-ci lorsque son remplaçant a contracté mariage, il n’y a pas de raison pour qu’il n’en soit pas de même si son remplaçant est devenu incapable de servir par suite d’infirmités.

M. Verdussen parle dans le sens de M. Raymaeckers contre l’article premier ; il soutient que le gouvernement du régent avait le droit de congédier définitivement les miliciens de 1826.

M. Leclercq. - Deux observations ont été faites sur l’article premier : l’une repose sur la première partie de l’article, l’autre sur la seconde. La première observation est fondée sur ce qu’il y aurait injustice à rappeler le remplaçant qui a rempli ses obligations, dès qu’il a reçu son congé définitif. Je répondrai qu’au mois de juin dernier le milicien n’avait pas rempli toutes ses obligations ; car nous étions en temps de guerre, et le gouvernement avait le droit de le retenir sous les drapeaux. Or, comme le remplaçant s’oblige à remplir toutes les obligations qui sont imposées au milicien, comme milicien, il s’ensuit que le remplaçant doit être rappelé. Sans cela, il faudrait dire que le gouvernement n’a pas même le droit de rappeler les miliciens ; s’il y a injustice pour l’un, il y a également injustice pour les autres. Mais vous êtes passés par-dessus cette considération en adoptant la loi présentée par M. le ministre de la guerre ; alors vous avez cru qu’il n’y avait pas injustice à rappeler les miliciens de 1826 ; les mêmes raisons doivent vous déterminer à rendre une décision semblable.

Quant à la deuxième observation relative au retranchement des mots « contractées sous les drapeaux, » il me semble en effet au premier abord que ce retranchement doit avoir lieu ; mais la commission a considéré que, d’après la loi sur la milice, le remplacé n’était libéré par les infirmités de son remplaçant que dans le cas où elles avaient été contractées sous les drapeaux, et non dans ses foyers ; c’est ce qui nous a déterminés à mettre dans l’article une disposition semblable.

M. Jullien. - L’article premier repose évidemment sur la supposition que le remplaçant est encore aujourd’hui dans la même position qu’avant l’arrêté du régent. Si cette supposition était vraie, l’article premier serait ce qu’il devrait être, et mériterait notre approbation : dans le cas contraire, il devrait être rejeté. Si le régent a en effet rendu un arrêté inconstitutionnel, cet arrêté doit être considéré comme nul et n’ayant produit aucun effet. Si au contraire l’arrêté n’est pas illégal, les miliciens sont valablement libérés, et on ne peut pas revenir là-dessus. Or, il est facile de prouver que l’arrêté n’est pas illégal ; car quoique la loi de 1817 dise que les miliciens ne peuvent obtenir leur congé définitif, après cinq ans de service, que pendant la paix, il n’est pas interdit au gouvernement de le leur accorder pendant la guerre. Je le demande, messieurs, si après l’arrêté du régent un remplaçant eût demandé au remplacé de lui payer le restant du prix de son remplacement, quel est le tribunal qui n’aurait pas considéré comme remplies toutes les conditions imposées au remplaçant, et qui n’eût condamné le remplacé à le payer ?

Mais, dit-on, l’arrêté du régent est rapporté. Soit ; vous avez certainement le droit de rapporter toutes les lois, sauf les lois constitutionnelles. Mais, par ce rapport, retrouvez-vous les choses comme elles étaient auparavant ? Non, vous ne retrouvez que les miliciens, et non les remplaçants. Si vous voulez arriver jusqu’à ceux-ci, vous vous insinuez dans des contrats privés, et vous faites revivre des obligations au préjudice du remplaçant, qui étaient éteintes.

Si vous ne rappelez pas les remplaçants eux-mêmes, vous n’aurez pas d’hommes exercés, dit-on ; cela est vrai, et cette raison peut être bonne pour le ministre de la guerre, puisque le gouvernement a besoin d’hommes exercés ; mais, en justice distributive, de telles raisons sont de peu d’importance ; et quoi qu’on fasse, on ne peut jamais avec justice imposer à Pierre les obligations imposées à Paul. Ces considérations me feront voter contre l’article premier.

M. Barthélemy. - Dans ce que vient de dire l’honorable membre, il y a quelque chose de vrai ; mais certainement, il y a beaucoup de choses spécieuses. En effet, de son raisonnement vous devriez presque conclure que vous n’avez pas le droit de faire revivre les obligations du remplacé, qui est manifestement contraire à la loi que vous avez adoptée. Rappelez, dit-on, le remplacé, parce que lui seul est obligé, le remplaçant ayant rempli toutes ses obligations envers lui. Ici se trouve le raisonnement spécieux ; car il n’est pas vrai que le remplaçant n’ait que des obligations envers le remplacé ; il en a contracté vis-à-vis de l’Etat, car après 18 mois de service, le remplacé est libéré ; l’Etat ne connaît plus de milicien que le remplaçant ; il n’a plus à faire qu’à lui. C’est en vertu de cet engagement que je soutiens le droit que nous avons de rappeler le remplaçant, et je vote en conséquence en faveur de l’article premier.

M. Jullien. - On répond à mes objections que, si nous n’avons pas le droit de rappeler le remplaçant, il s’ensuivrait que nous n’avons pas le droit de rappeler le remplacé. Cela pourrait bien être, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il n’est question que de savoir en effet si vous avez le droit d’imposer de nouvelles charges au remplaçant, quand il a rempli toutes celles qui lui étaient imposées. De ce que vous rappelez le milicien, s’ensuit-il que vous puissiez rappeler le remplaçant ? Non. Si vous avez besoin d’hommes exercés, dites-le, et alors appelez le remplaçant pour son compte : vous aurez deux hommes au lieu d’un.

M. Leclercq combat les arguments de M. Jullien ; il soutient que tous les contrats de remplacement, faits sur le modèle indiqué par la loi, ont astreint les remplaçants à remplir tous les devoirs imposés aux remplacés comme miliciens, et il en tire cette conséquence que les miliciens de 1826 n’étant rappelés que comme miliciens, leurs remplaçants doivent être appelés et non eux ; car c’est aux remplaçants, d’après leur contrat, qu’incombent les devoirs imposés aux miliciens.

- Cette discussion se prolonge sans qu’il en résulte de nouvelles lumières. Les mêmes arguments, ou à peu près, sont reproduits et réfutés tour à tour.

M. de Theux, M. Goethals, M. Barthélemy, M. Leclercq, M. Devaux et M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) soutiennent l’article premier.

M. Blargnies, M. Jullien, M. Verdussen, M. Poschet et M. Destouvelles le combattent. Les uns et les autres prennent plusieurs fois la parole ; enfin la proposition de M. Jullien, consistant à écarter l’article premier, est rejetée.

On met ensuite aux voix l’amendement de M. Brabant : il est pareillement rejeté.

Article 2 à 6

Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 sont ensuite mis aux voix et adoptés sans discussion dans les termes suivants :

« Art. 2. Les miliciens de la même classe qui, depuis l'arrêté du régent du 16 juin 1831, sont rentrés au service comme remplaçants, y demeureront en cette qualité. »


« Art. 3. Les remplaçants de miliciens de cette classe qui, depuis cet arrêté, sont aussi rentrés au service en vertu d‘un nouveau contrat de remplacement, y demeureront de ce dernier chef.

« Dans ce cas , aucune des personnes qu'ils ont successivement remplacées ne peut être soumise au rappel ordonné par la loi susdite, sauf la garantie dont le dernier remplacé est tenu pour son remplaçant, conformément aux lois. »


« Art. 4. Sont également exempts du rappel les miliciens de la classe de 1826 qui se sont fait remplacer dans le premier ban de la garde civique. »


« Art. 5. Il en est de même des remplaçants des miliciens de cette classe qui ont contracté mariage depuis l'arrêté du régent du 16 juin 1831 , et avant l’époque à laquelle la loi du … septembre est devenue obligatoire. »


« Art. 6. Les peines portées par les lois sur la milice sont applicables, en cas d'infraction, aux personnes atteintes par la présente loi et par la loi du … »

Vote sur l’ensemble du projet

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet ; il est adopté par 59 voix contre 20.

Voici les noms de ceux qui ont voté contre : MM. Ch. Vilain XIIII, Jullien, Destouvelles, Seron, Raymaeckers, de Roo, Dautrebande, Domis, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Blargnies, Brabant, Verhaegen, Dugniolle, Morel-Danheel, Lardinois, Verdussen, H. Vilain XIIII et Dams.

Proposition de loi interprétative de la loi organisant la garde civique

Développements

M. Jamme. - Messieurs, je crois de mon devoir d’appeler votre attention sur un objet d’un grand intérêt général ; il s’agit de rectifier l’interprétation erronée que l’on fait de la loi sur la garde civique, dans ses dispositions relatives à la dépense à faire pour l’équipement du premier ban mobilisé.

Le premier ban mobilisé de la garde civique a reçu des ordres pour son départ ; les circonstances justifient pleinement ce départ, mais les vices de la loi le rendront d’une exécution difficile. Le besoin d’amendements à cette loi se fait vivement sentir : ce qui démontre à l’évidence à quel point ils sont nécessaires, c’est la manière peu uniforme dont elle est interprétée par les autorités locales. Il n’est pas douteux que cette loi ne doive subir une révision ; je ne la réclame cependant pas dans le moment actuel, où toute mesure quelconque doit recevoir une exécution immédiate et prompte ; je ne demande aujourd’hui qu’une disposition transitoire ou plutôt une interprétation des dispositions de la loi qui concernent l’équipement du premier ban, dont les frais doivent, à mon avis, être supportés par l’Etat.

Le bien du service réclame une bonne organisation, de la discipline et de fréquents exercices ; ces choses sont toutes dans les attributions du ministre de la guerre. Le premier ban de la garde civique, mobilisé, est régi par les mêmes lois et les mêmes règlements que la milice. Le moyen le plus sûr ou plutôt le seul moyen de discipliner et d’organiser, c’est d’envoyer les bataillons d’une province dans une province voisine ; mais, pour procéder à cette mesure, il faut pourvoir à leur armement et à leur équipement ; à mon avis, ceci est encore dans les attributions du ministre de la guerre. Cependant c’est au sujet du dernier point, l’équipement, que la difficulté s’est élevée.

Je sais que des gouverneurs ont écrit d’une manière précise et même comminatoire à des bourgmestres, pour qu’il soit pourvu par leurs communes, et à leurs frais, à certaine partie de l’habillement connue sous le nom de petit équipement.

Voici, pour éclairer la question, un exposé des articles de la loi relatif à l’objet :

L’article 2 range le premier ban mobilisé dans les attributions du ministre de la guerre.

L’article 50 attribue tous les avantages de la troupe régulière à la garde civique, sans distinction de ban, par le seul fait qu’elle soit appelé à faire un service militaire.

L’article 53 détermine le costume, qui ne consiste qu’en une blouse et un shako.

L’article 55 met à la charge du garde la dépense de la blouse et du shako, laquelle dépense revient à la charge de la commune si le garde ne peut la supporter.

L’article 65 détermine la nature des dépenses qui seules peuvent figurer au budget, et il n’y est nullement question de la dépense d’habillement du premier ban.

L’article 66 assimile complètement le premier ban de la garde civique, mobilisé, à la troupe régulière, sous tous les rapport du prêt, des vivres et des autres avantages.

On voit, messieurs, que le costume déterminé par les articles 53 et 55 ne constitue nullement l’habillement nécessaire à un soldat pour entrer en campagne ; aucun article de la loi ne détermine d’ailleurs les objets, ni la quantité de ces objets, dont devrait se composer l’habillement.

Il résulte de la combinaison des articles que je viens de citer, et qui sont les seuls de la loi relatifs à l’objet, que les parties de l’habillement qui ne sont pas indiquées dans la loi, comme devant figurer au budget communal, doivent être évidemment fournis par le gouvernement.

J’en conclus donc, messieurs, que les communes sont seulement tenues de mettre à la disposition de M. le ministre de la guerre les gardes du premier ban, organisés en bataillons et pourvu du costume d’uniforme déterminé par l’article 55, et que tous les effets nécessaires au soldat, pour entrer en campagne, doivent être fournis par les soins et aux frais du ministère de la guerre.

Le premier ban mobilisé est complétement assimilé à la troupe régulière. Son service est fait pour le bien de l’Etat ; donc, les frais qu’il occasionne sont une dépense de l’Etat. Toute charge doit être répartie avec équité ; tout citoyen qui participe aux avantages de la défense commune doit contribuer, dans une juste proportion, aux frais qu’occasionne cette défense commune : où serait le moyen d’obtenir une juste répartition, en faisant supporter la charge par les communes, puisqu’il est connu que les gardes de plusieurs communes ne sont jamais dans une proportion régulière, comparée à leur population respective ?

Je termine, messieurs, en établissant le principe que les communes ne peuvent être tenues de fournir aucune autre partie de l’habillement que celle stipulée à l’article 53 de la loi, et en me fondant sur l’article 110 de la constitution, qui dit qu’aucun impôt au profit de l’ Etat ne peut être établi que par une loi.

Il ne faut pas craindre, messieurs, que l’opposition à ce que les communes supportent cette charge puisse amener plus de lenteurs dans les mesures de défense que nous avons à prendre que n’en occasionnerait elle-même l’interprétation vicieuse de la loi, qui ne pourrait avoir pour résultat que de produire de la perturbation entre le pouvoir et les communes. Loin de nous les interprétations ministérielles. Si la loi est mauvaise, faisons-en une autre ; conservons intacts les bienfaits d’une révolution à laquelle nous ne cessons de faire des sacrifices ; restons sous le régime de la loi et de la vérité. Le moyen de marcher sûrement et promptement, c’est que chacun connaisse ce que lui impose la loi. Le doute traîne toujours à sa suite les lenteurs, la confusion et le désordre. (L’impression ! l’impression ! et le renvoi en sections !)

Prise en considération

M. Goethals. - Je m’oppose au renvoi en sections. Cette proposition est une modification à la loi du 31 décembre dernier. Par un arrêté du 4 avril, la mesure contre laquelle on s’élève a été exécutée partout.

M. Jamme. - C’est une erreur, on ne l’a pas exécutée à Liège.

M. Destouvelles. - Si j’ai bien compris les développements de la proposition, son auteur ne demande autre chose sinon que les communes ne fournissent aux gardes civiques que l’équipement voulu par la loi.

M. Jamme. - C’est tout ce que je demande.

M. Destouvelles. - Alors cette proposition est parfaitement inutile, car il est bien évident que les communes ne peuvent être tenues de fournir ce que la loi ne prescrit pas.

M. Rogier. - Si la loi sur la garde civique était restée telle qu’elle fut faite, sans qu’aucune mesure du pouvoir exécutif vînt en dénaturer le sens, je conviens que la proposition serait inutile ; mais une circulaire ministérielle est venue imposer aux communes la charge de fournir, outre l’équipement déterminé par la loi, le petit équipement. Et cette circulaire dit en quoi ce petit équipement consiste : ce sont des bas, des souliers, des chemises, pantalons, vestes à manches, etc. Or, je le demande, avons-nous jamais entendu charger les communes de fournir ces objets ? J’en appelle à vos souvenirs. Dans la discussion, comme dans l’article de la loi qui en fut la suite, il ne fut jamais question que de la blouse et du shako ; on évalue même ces objets, car on dit que tel qui ne se les procurerait pas paierait une amende de 7 fl. Si on avait entendu fournir, outre la blouse et le shako, une veste, des bas, des souliers, chemises, etc., je vous demande si tout le monde n’aurait pas payé avec empressement 7 fl. pour avoir tous ces objets. La proposition de M. Jamme est donc utile, et je demande qu’elle soit prise en considération.

M. Legrelle appuie les observations de M. Rogier.

M. Jamme. - Je déclare qu’en ma qualité de bourgmestre de Liège, j’ai fait refus de fournir le petit équipement.

M. Destouvelles. - Quelle que soit la circulaire ministérielle, elle ne peut l’emporter sur le texte de la loi. Ce texte est précis, et la proposition est par conséquent surabondante.

M. Poschet. - Je demande que la circulaire ministérielle soit déclarée nulle. (Murmures.)

M. Legrelle. - Le pouvoir exécutif pense que les communes doivent fournir le petit équipement ; les communes pensent le contraire, il y a doute sur l’esprit de la loi : il s’agit de l’interpréter, et il n’y a pour cela qu’à faire une loi d’interprétation.

M. Ch. Vilain XIIII. - La loi me paraît extrêmement claire. S’il fallait une interprétation à chaque balourdise commise par le ministère, ce serait à n’en plus finir (on rit) ; la loi est claire, la circulaire ministérielle est contraire à son vœu, les communes ne doivent pas l’exécuter.

M. Jamme. - Il y a des petites communes où on obéira à la circulaire ; je demande une décision de la chambre pour éviter cet abus.

M. Destouvelles. - Lorsqu’un texte est clair, il n’est pas besoin d’interprétation.

M. A. Rodenbach. - Il est de l’intérêt public que la question soit décidée. D’abord, plusieurs communes ont décidé qu’elles ne fourniraient que la blouse et le shako ; mais, au moment d’aller combattre, les gardes civiques n’avaient ni chemises, ni souliers. Il faut cependant que les défenseurs du pays aient au moins une chemise et des souliers, et que quelqu’un les leur fournisse.

M. Jamme. - J’insiste pour qu’il résulte de cette discussion un acte quelconque qui manifeste l’opinion de la chambre.

M. Brabant. - J’étais de la commission où cette question fut débattue, et le ministre de la guerre d’alors nous dit bien qu’il était d’avis que les communes ne devaient fournir que la blouse et le shako.

M. Blargnies demande la question préalable, en la motivant sur la clarté de la loi.

M. Rogier. - J’insiste pour que l’on entende le ministre de la guerre avant toute décision.

M. Jullien dit que la loi est claire et que les explications du ministre ne tendraient à rien ; il ne viendrait pas d’ailleurs condamner lui-même sa circulaire.

M. le président. - je vais mettre aux voix la question préalable, en la motivant sur ce que la chambre a trouvé la proposition surabondante.

M. Devaux. - On ne peut pas motiver la question préalable.

M. Legrelle. - Je demande l’insertion du considérant au procès-verbal ; sans cela on regarderait la question préalable comme une preuve que la proposition était mal fondée.

M. Jamme. - J’insiste pour qu’il y ait une manifestation quelconque de la chambre.

M. Van Innis. - Ceux qui demandent l’insertion au procès-verbal ont pour but de donner publicité à l’opinion de la chambre. Leur but ne sera pas rempli par cette voie, car le procès-verbal reste enseveli. Mais les journaux rapporteront cette discussion, et les communes apprendront quels sont leurs droits, et elles n’auront aucun égard à la circulation ministérielle.

- La chambre passe à l’ordre du jour sur la proposition de M. Jamme ; mais les motifs n’en seront pas insérés au procès-verbal.

La séance est levée à trois heures et demie.