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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 20
septembre 1831
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif au remplacement en
matière de milice (Leclercq, Raymaeckers,
Brabant, Verdussen, Leclercq, Jullien, Barthélemy, Jullien, Leclercq, de Theux, Goethals, Barthélemy, Leclercq, Devaux, Ch. de Brouckere, Blargnies,
Jullien,Verdussen, Poschet, Destouvelles, Jullien)
3) Proposition de loi interprétative de la loi
organisant la garde civique. Mise à charge de la commune des dépenses
d’équipement (Jamme, Goethals, Destouvelles, Rogier, Legrelle, Jamme, Destouvelles, Poschet, Legrelle, Ch. Vilain XIIII, Jamme, Destouvelles, A. Rodenbach, Jamme, Brabant, Blargnies, Rogier, Jullien, Devaux,
Legrelle, Jamme, Van Innis)
(Moniteur
belge n°99, du 22 septembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à une heure et
quart.
M. Lebègue donne lecture du
procès-verbal. Il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Liedts donne lecture du sommaire
de quelques pétitions, entre lesquelles s’en trouve une contre la loi sur le
rapport des miliciens de 1826.
M. Legrelle
demande que lecture soit donnée de cette pétition.
- La chambre ordonne cette lecture,
qui a lieu en effet. Le pétitionnaire soutient que la classe de 1826 a été
entièrement libérée par l’arrêté de M. le régent, et qu’il n’y a pas plus de
raison ni de justice à rappeler les miliciens de cette classe que toute autre.
Toutes les pétitions sont renvoyées à
l’examen de la commission.
M. Liedts donne lecture d’un
message du sénat annonçant l’adoption de la loi sur la promulgation des lois et
celle sur le rappel des miliciens de la classe de 1826.
PROJET DE LOI RELATIF
AU REMPLACEMENT EN MATIERE DE MILICE
L’ordre du jour est la discussion sur
le projet de loi relatif aux obligations imposées aux remplaçants et aux
miliciens de la classe de 1826.
Nous n’avions pu faire connaître hier
le rapport fait sur ce projet : nous réparons cette omission aujourd’hui.
M. Leclercq. - Messieurs, la
commission que vous avez chargée de préparer quelques dispositions propres à
être converties en loi, et à prévenir les difficultés que pourrait faire naître
la généralité des termes dans lesquels est conçu le projet de loi que vous avez
adopté avant-hier, s’est appliquée avec la plus scrupuleuse attention à prévoir
les divers cas dont pourraient résulter des difficultés de ce genre, surtout en
ce qui concerne les rapports des remplacés et des remplaçants. Elle ne se
flatte point de les avoir rencontrés tous, parce que l’intérêt particulier, qui
lutte contre des obligations souvent pénibles, est toujours plus ingénieux que
le législateur le plus prévoyant ; elle espère pourtant n’en avoir omis que
bien peu dans la résolution qu’elle m’a chargé de vous soumettre ; si cette
omission existe, vous saurez y suppléer par la discussion à laquelle vous allez
vous livrer.
Nous n’avions point cru devoir nous occuper
des contestations pécuniaires qui pourraient s’élever entre les remplaçants et
les remplacés, par suite du rapport de la classe de 1826 ; ces contestations ne
peuvent être décidées que par l’interprétation des obligations qu’ils ont
contactées entre eux, et quoique ces contrats soient uniformes, parce que le
modèle en est imposé par les lois sur la milice, l’interprétation néanmoins est
du ressort exclusif des tribunaux : le pouvoir législatif ne pourrait la
prononcer sans empiéter sur le pouvoir judiciaire, seul chargé de décider les
contestations relatives à des droits civils ; il ne le pourrait non plus sans
statuer sur le passé et donner à ses dispositions un effet rétroactif.
Nous nous sommes, en conséquence,
bornés à régler les rapports des remplacés et des remplaçants avec l’Etat, et,
pour y parvenir, nous avons eu soin d’abord de ne point perdre de vue le but du
projet de loi adopté avant-hier, qui tend à faire rentrer de suite dans les
rangs de l’armée une quantité de vieux soldats habitués aux manœuvres et au
maniement des armes, et capables de se présenter à l’instant même devant
l’ennemi ; en second lieu, nous n’avons point oublié cette idée qui semble
avoir dominé toute la discussion dans votre dernière séance, que, si l’intérêt
public exigeait le rapport de l’arrêté du régent du 16 juin 1831, il fallait
prendre garde d’occasionner des dommages aux citoyens en portant atteinte à des
conventions conclues sous la foi de cet arrêté : la perte d’hommes qui pouvait
en résulter pour l’Etat était trop faible, en comparaison de ses dommages et de
l’espèce d’injustice qu’il y aurait à ne point les éviter.
C’est dans cet esprit qu’ont été
rédigées les dispositions dont je vais avoir l’honneur de donner lecture.
La première porte sur le cas le plus général,
celui où un milicien de la classe de 1826 s’est fait remplacer ; le remplaçant
est tenu de le libérer du service que les lois sur la milice lui imposaient :
c’est le service prescrit par ces lois que réclame le projet adopté. Le
remplaçant doit donc revenir sous les drapeaux et non le remplacé qui,
d’ailleurs, à cause de son inexpérience, ne procurerait point à l’Etat le genre
d’avantage que le législateur a eu en vue.
Les seconde et troisième dispositions
embrassent des cas qui doivent être plus rares que le premier ; elles
concernent le milicien de la classe de 1826 et le remplaçant d’un milicien de
cette classe qui, depuis le congé qu’ils ont reçu en exécution de l’arrêté du
16 juin 1831, ont pris service en qualité de remplaçant. Le milicien qui se
trouve dans ce cas doit le service pour lui-même par suite du projet adopté, et
si ce projet était exécuté à la rigueur, la personne obligée de servir dans une
des classes postérieures à 1826, et qui l’a pris pour remplaçant, devrait faire
le service elle-même ou fournir un nouveau remplaçant. Nous avons pensé qu’il
ne pouvait en être ainsi ; que le milicien de 1826 devait continuer à service
comme remplaçant, et par conséquent à la décharge du remplacé ; qu’en agir
autrement ce serait détruire des contrats passés sous la foi de l’arrêté du
régent et sans un grand avantage pour l’Etat, qui, pour chaque contrat,
gagnerait à la vérité un homme de plus, mais un homme qui ne répondrait pas au
vœu du projet adopté, puisqu’il serait inhabile aux armes.
Nous avons jugé qu’il devait en être
de même du cas où le remplaçant d’un milicien de 1826 aurait, depuis l’arrêté
du 16 juin 1831, remplacé un milicien d’une des classes postérieures ou toute
autre personne au service. Il y a pourtant cette différence entre ce cas et le
précédent, qu’ici deux personnes se trouvent exemptées par une seule ; d’abord
le milicien de la classe de 1826, puis la personne avec laquelle le deuxième
contrat de remplacement a été passé. Mais, comme ce cas serait très rare, nous
n’avons point cru qu’il fallût avoir égard à cette perte ; les considérations
que nous vous avons présentées pour le cas précédent nous ont semblé devoir
l’emporter encore.
Avant de passer à la quatrième
disposition, nous devons vous faire remarquer une particularité de la
troisième, qui a nécessité une disposition spéciale : le remplacé doit garantir
son remplaçant pendant toute la durée du service, à moins qu’après dix-huit
mois il ne verse dans la caisse de l’Etat une somme déterminée par la loi, pour
tenir lieu de cette garantie.
Ordinairement le remplacé s’assure de
la fidélité de son remplaçant en conservant par devers lui une partie du prix
de remplacement, et qu’il ne lui paie qu’au moment où celui-ci reçoit son congé
; de là est née la question de savoir si deux personnes successivement
remplacées par le même individu devaient la garantie, ou si le dernier
remplacé, qui seul avait conservé les moyens de s’indemniser de l’infidélité de
son remplaçant, devait aussi être seul tenu à cette garantie. Nous avons
préféré cette dernière solution, parce que l’Etat est à couvert de toute perte,
dès qu’un homme se représente pour le remplaçant, et qu’ainsi ce serait mal à
propos exiger la garantie du premier remplacé, qui, sur le vu du congé
résultant de l’arrêté du 16 juin 1831, a probablement payé le reste du prix de
remplacement.
La quatrième disposition porte sur le
cas où un milicien de la classe de 1826 se serait fait remplacer dans le
premier ban de la garde civique.
Ce cas doit se présenter beaucoup
plus rarement encore que les précédents, parce que celui qui ne s’est pas fait
remplacer dans la milice ne se fera sans doute point remplacer non plus dans la
garde civique, dont le service est bien moins pénible, à moins que ses
ressources ne soient venues à changer. Cependant, comme il faut prévoir tous
les cas, quelques rares qu’ils soient, nous n’avons point cru devoir négliger
celui-ci ; et à cause de sa rareté même, et de la perte légère que, par suite
de cette rareté, l’Etat devait en ressentir, nous avons pensé qu’il ne fallait
point rendre inutile le contrat de remplacement et obliger un homme à servir
doublement. Nous vous proposons, en conséquence, d’exempter du rappel le
milicien servant comme remplaçant dans le premier ban de la garde civique.
Le dernier cas que nous avons prévu
est celui d’un remplaçant marié : ce cas semble compris dans l’article 2 du
projet adopté ; car si le milicien marié n’est point rappelé, le remplaçant,
qui n’a d’autres obligations à remplir que celles du milicien, semble aussi
devoir tomber sous les termes de cet article, et ne pas devoir être rappelé
s’il est marié. Une disposition expresse à cet égard paraît inutile au premier
abord : mais il faut prendre garde que beaucoup de remplaçants sont mariés au
moment où ils remplacent, et que, si l’expression du projet adopté,
« miliciens non mariés, » comprenait sans distinction le remplaçant
comme le milicien, il en résulterait une exemption que le législateur n’a pas
pu vouloir accorder. Le motif de l’exemption en faveur des miliciens mariés est
le respect dû aux conventions passées sous la foi de l’arrêté du régent du 16
juin 1831 : ce motif est étranger aux remplaçants qui étaient mariés avant
l’arrêté ; l’exemption ne peut donc porter, comme le motif qui l’a dictée, que
sur les remplaçants qui, depuis cet arrêté et avant que le projet de loi adopté
par vous n’ait force obligatoire, ont contracté mariage.
Tels sont, messieurs, les
observations dont j’ai cru devoir, au nom de votre commission, faire précéder,
pour plus de clarté, les articles de la résolution que nous vous proposons ;
voici ces articles : (M. le rapporteur en donne lecture.)
Personne ne demandant la parole sur
l’ensemble du projet, on passe immédiatement à la discussion de l’article
premier ainsi conçu :
« Art. l. Les remplaçants de
miliciens de la classe de 1826 continueront à servir pour les remplacés.
Ceux-ci seront également libérés dans le cas où leurs remplaçants seraient
devenus incapables de service, par suite d'infirmité contractées sous les
drapeaux, ou seraient décédés. »
M. Raymaeckers
combat l’article premier. Il soutient que les remplaçants ont rempli toutes les
obligations auxquelles ils étaient soumis par leur contrat, puisqu’après avoir
servi pendant le temps voulu par la loi, ils ont obtenu leur congé définitif.
L’arrêté du régent les a parfaitement libérés. Il est vrai, dit l’orateur, que
ce n’est qu’en temps de paix, selon l’article 8 de la loi de 1817, que les
miliciens peuvent obtenir leur congé ; mais le gouvernement est libre de le
leur accorder même en temps de guerre, et, une fois ce fait consommé, il n’y a
plus à en revenir. C’est ce qu’a fait l’arrêté du régent. Certainement les
miliciens même ayant fini leurs cinq ans de service n’avaient pas le droit d’exiger
leur congé au mois de juin, puisque nous n’avions pas en temps de paix ; mais
le régent a pu leur donner ce congé. Vous leur enlèveriez donc un droit acquis,
ce qui n’est pas juste. Je voterai, par ces considérations, contre l’article
premier.
M.
Brabant. - Je demande la suppression des mots
« contractées sous les drapeaux ; » car, de quelque manière que les
infirmités soient venues, elles doivent exempter le remplacé. Puisqu’on exempte
celui-ci lorsque son remplaçant a contracté mariage, il n’y a pas de raison
pour qu’il n’en soit pas de même si son remplaçant est devenu incapable de
servir par suite d’infirmités.
M. Verdussen parle dans le
sens de M. Raymaeckers contre l’article premier ; il soutient que le
gouvernement du régent avait le droit de congédier définitivement les miliciens
de 1826.
M. Leclercq. - Deux
observations ont été faites sur l’article premier : l’une repose sur la
première partie de l’article, l’autre sur la seconde. La première observation
est fondée sur ce qu’il y aurait injustice à rappeler le remplaçant qui a
rempli ses obligations, dès qu’il a reçu son congé définitif. Je répondrai
qu’au mois de juin dernier le milicien n’avait pas rempli toutes ses
obligations ; car nous étions en temps de guerre, et le gouvernement avait le
droit de le retenir sous les drapeaux. Or, comme le remplaçant s’oblige à
remplir toutes les obligations qui sont imposées au milicien, comme milicien,
il s’ensuit que le remplaçant doit être rappelé. Sans cela, il faudrait dire
que le gouvernement n’a pas même le droit de rappeler les miliciens ; s’il y a
injustice pour l’un, il y a également injustice pour les autres. Mais vous êtes
passés par-dessus cette considération en adoptant la loi présentée par M. le
ministre de la guerre ; alors vous avez cru qu’il n’y avait pas injustice à
rappeler les miliciens de 1826 ; les mêmes raisons doivent vous déterminer à
rendre une décision semblable.
Quant à la
deuxième observation relative au retranchement des mots « contractées sous
les drapeaux, » il me semble en effet au premier abord que ce
retranchement doit avoir lieu ; mais la commission a considéré que, d’après la
loi sur la milice, le remplacé n’était libéré par les infirmités de son
remplaçant que dans le cas où elles avaient été contractées sous les drapeaux,
et non dans ses foyers ; c’est ce qui nous a déterminés à mettre dans l’article
une disposition semblable.
M. Jullien. - L’article
premier repose évidemment sur la supposition que le remplaçant est encore
aujourd’hui dans la même position qu’avant l’arrêté du régent. Si cette
supposition était vraie, l’article premier serait ce qu’il devrait être, et
mériterait notre approbation : dans le cas contraire, il devrait être rejeté.
Si le régent a en effet rendu un arrêté inconstitutionnel, cet arrêté doit être
considéré comme nul et n’ayant produit aucun effet. Si au contraire l’arrêté
n’est pas illégal, les miliciens sont valablement libérés, et on ne peut pas
revenir là-dessus. Or, il est facile de prouver que l’arrêté n’est pas illégal
; car quoique la loi de 1817 dise que les miliciens ne peuvent obtenir leur
congé définitif, après cinq ans de service, que pendant la paix, il n’est pas
interdit au gouvernement de le leur accorder pendant la guerre. Je le demande,
messieurs, si après l’arrêté du régent un remplaçant eût demandé au remplacé de
lui payer le restant du prix de son remplacement, quel est le tribunal qui
n’aurait pas considéré comme remplies toutes les conditions imposées au
remplaçant, et qui n’eût condamné le remplacé à le payer ?
Mais,
dit-on, l’arrêté du régent est rapporté. Soit ; vous avez certainement le droit
de rapporter toutes les lois, sauf les lois constitutionnelles. Mais, par ce
rapport, retrouvez-vous les choses comme elles étaient auparavant ? Non,
vous ne retrouvez que les miliciens, et non les remplaçants. Si vous voulez
arriver jusqu’à ceux-ci, vous vous insinuez dans des contrats privés, et vous
faites revivre des obligations au préjudice du remplaçant, qui étaient
éteintes.
Si vous ne rappelez pas les
remplaçants eux-mêmes, vous n’aurez pas d’hommes exercés, dit-on ; cela est
vrai, et cette raison peut être bonne pour le ministre de la guerre, puisque le
gouvernement a besoin d’hommes exercés ; mais, en justice distributive, de
telles raisons sont de peu d’importance ; et quoi qu’on fasse, on ne peut
jamais avec justice imposer à Pierre les obligations imposées à Paul. Ces
considérations me feront voter contre l’article premier.
M. Barthélemy.
- Dans ce que vient de dire l’honorable membre, il y a quelque chose de vrai ;
mais certainement, il y a beaucoup de choses spécieuses. En effet, de son
raisonnement vous devriez presque conclure que vous n’avez pas le droit de
faire revivre les obligations du remplacé, qui est manifestement contraire à la
loi que vous avez adoptée. Rappelez, dit-on, le remplacé, parce que lui seul
est obligé, le remplaçant ayant rempli toutes ses obligations envers lui. Ici
se trouve le raisonnement spécieux ; car il n’est pas vrai que le remplaçant
n’ait que des obligations envers le remplacé ; il en a contracté vis-à-vis de
l’Etat, car après 18 mois de service, le remplacé est libéré ; l’Etat ne
connaît plus de milicien que le remplaçant ; il n’a plus à faire qu’à lui.
C’est en (note du
webmaster :quelques mots sont ici illisibles) le droit que nous avons
de rappeler le remplaçant, et je vote en conséquence en faveur de l’article
premier.
M. Jullien.
- On répond à mes objections que, si nous n’avons pas le droit de rappeler le
remplaçant, il s’ensuivrait que nous n’avons pas le droit de rappeler le
remplacé. Cela pourrait bien être, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il
n’est question que de savoir en effet si vous avez le droit d’imposer de
nouvelles charges au remplaçant, quand il a rempli toutes celles qui lui
étaient imposées. De ce que vous rappelez le milicien, s’ensuit-il que vous
puissiez rappeler le remplaçant ? Non. Si vous avez besoin d’hommes exercés,
dites-le, et alors appelez le remplaçant pour son compte : vous aurez deux
hommes au lieu d’un.
M. Leclercq combat les
arguments de M. Jullien ; il soutient que tous les contrats de remplacement,
faits sur le modèle indiqué par la loi, ont astreint les remplaçants à remplir
tous les devoirs imposés aux remplacés comme miliciens, et il en tire cette
conséquence que les miliciens de 1826 n’étant rappelés que comme miliciens,
leurs remplaçants doivent être appelés et non eux ; car c’est aux remplaçants,
d’après leur contrat, qu’incombent les devoirs imposés aux miliciens.
-
Cette discussion se prolonge sans qu’il en résulte de nouvelles lumières. Les
mêmes arguments, ou à peu près, sont reproduits et réfutés tour à tour.
M.
de Theux,
M. Goethals,
M. Barthélemy,
M. Leclercq,
M. Devaux
et M. le
ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) soutiennent l’article
premier.
M. Blargnies,
M. Jullien, M. Verdussen,
M. Poschet
et M. Destouvelles le combattent. Les uns et les
autres prennent plusieurs fois la parole ; enfin la proposition de M. Jullien,
consistant à écarter l’article premier, est rejetée.
On met ensuite aux voix l’amendement
de M. Brabant : il est pareillement rejeté.
Article 2 à 6
Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 sont ensuite
mis aux voix et adoptés sans discussion dans les termes suivants :
« Art. 2. Les miliciens de la
même classe qui, depuis l'arrêté du régent du 16 juin 1831, sont rentrés au
service comme remplaçants, y demeureront en cette qualité. »
« Art. 3. Les remplaçants
de miliciens de cette classe qui, depuis cet arrêté, sont aussi rentrés au
service en vertu d‘un nouveau contrat de remplacement, y demeureront de ce
dernier chef.
« Dans ce cas ,
aucune des personnes qu'ils ont successivement remplacées ne peut être soumise
au rappel ordonné par la loi susdite, sauf la garantie dont le dernier remplacé
est tenu pour son remplaçant, conformément aux lois. »
« Art. 4. Sont
également exempts du rappel les miliciens de la classe de 1826 qui se sont fait
remplacer dans le premier ban de la garde civique. »
« Art. 5. Il en
est de même des remplaçants des miliciens de cette classe qui ont contracté
mariage depuis l'arrêté du régent du 16 juin 1831 , et avant l’époque à
laquelle la loi du … septembre est devenue obligatoire. »
« Art. 6. Les
peines portées par les lois sur la milice sont applicables, en cas
d'infraction, aux personnes atteintes par la présente loi et par la loi du
… »
Vote sur l’ensemble du projet
On procède à l’appel
nominal sur l’ensemble du projet ; il est adopté par 59 voix contre 20.
Voici les noms de
ceux qui ont voté contre : MM. Ch. Vilain XIIII, Jullien, Destouvelles, Seron,
Raymaeckers, de Roo, Dautrebande, Domis, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Blargnies,
Brabant, Verhaegen, Dugniolle, Morel-Danheel, Lardinois, Verdussen, H. Vilain
XIIII et Dams.
PROPOSITION DE LOI
INTERPRETATIVE DE LA LOI ORGANISANT LA GARDE CIVIQUE
M.
Jamme. - Messieurs, je crois de mon devoir d’appeler votre
attention sur un objet d’un grand intérêt général ; il s’agit de rectifier
l’interprétation erronée que l’on fait de la loi sur la garde civique, dans ses
dispositions relatives à la dépense à faire pour l’équipement du premier ban
mobilisé.
Le premier ban
mobilisé de la garde civique a reçu des ordres pour son départ ; les
circonstances justifient pleinement ce départ, mais les vices de la loi le
rendront d’une exécution difficile. Le besoin d’amendements à cette loi se fait
vivement sentir : ce qui démontre à l’évidence à quel point ils sont
nécessaires, c’est la manière peu uniforme dont elle est interprétée par les
autorités locales. Il n’est pas douteux que cette loi ne doive subir une
révision ; je ne la réclame cependant pas dans le moment actuel, où toute
mesure quelconque doit recevoir une exécution immédiate et prompte ; je ne
demande aujourd’hui qu’une disposition transitoire ou plutôt une interprétation
des dispositions de la loi qui concernent l’équipement du premier ban, dont les
frais doivent, à mon avis, être supportés par l’Etat.
Le bien du service
réclame une bonne organisation, de la discipline et de fréquents exercices ;
ces choses sont toutes dans les attributions du ministre de la guerre. Le
premier ban de la garde civique, mobilisé, est régi par les mêmes lois et les
mêmes règlements que la milice. Le moyen le plus sûr ou plutôt le seul moyen de
discipliner et d’organiser, c’est d’envoyer les bataillons d’une province dans
une province voisine ; mais, pour procéder à cette mesure, il faut pourvoir à
leur armement et à leur équipement ; à mon avis, ceci est encore dans les
attributions du ministre de la guerre. Cependant c’est au sujet du dernier
point, l’équipement, que la difficulté s’est élevée.
Je sais que des
gouverneurs ont écrit d’une manière précise et même comminatoire à des
bourgmestres, pour qu’il soit pourvu par leurs communes, et à leurs frais, à
certaine partie de l’habillement connue sous le nom de petit équipement.
Voici, pour éclairer
la question, un exposé des articles de la loi relatif à l’objet :
L’article 2 range le
premier ban mobilisé dans les attributions du ministre de la guerre.
L’article 50 attribue
tous les avantages de la troupe régulière à la garde civique, sans distinction
de ban, par le seul fait qu’elle soit appelé à faire un service militaire.
L’article 53
détermine le costume, qui ne consiste qu’en une blouse et un shako.
L’article 55 met à la
charge du garde la dépense de la blouse et du shako, laquelle dépense revient à
la charge de la commune si le garde ne peut la supporter.
L’article 65
détermine la nature des dépenses qui seules peuvent figurer au budget, et il
n’y est nullement question de la dépense d’habillement du premier ban.
L’article 66 assimile
complètement le premier ban de la garde civique, mobilisé, à la troupe
régulière, sous tous les rapport du prêt, des vivres et des autres avantages.
On voit, messieurs,
que le costume déterminé par les articles 53 et 55 ne constitue nullement
l’habillement nécessaire à un soldat pour entrer en campagne ; aucun article de
la loi ne détermine d’ailleurs les objets, ni la quantité de ces objets, dont
devrait se composer l’habillement.
Il résulte de la
combinaison des articles que je viens de citer, et qui sont les seuls de la loi
relatifs à l’objet, que les parties de l’habillement qui ne sont pas indiquées
dans la loi, comme devant figurer au budget communal, doivent être évidemment
fournis par le gouvernement.
J’en conclus donc,
messieurs, que les communes sont seulement tenues de mettre à la disposition de
M. le ministre de la guerre les gardes du premier ban, organisés en bataillons
et pourvu du costume d’uniforme déterminé par l’article 55, et que tous les
effets nécessaires au soldat, pour entrer en campagne, doivent être fournis par
les soins et aux frais du ministère de la guerre.
Le premier ban
mobilisé est complétement assimilé à la troupe régulière. Son service est fait
pour le bien de l’Etat ; donc, les frais qu’il occasionne sont une dépense de
l’Etat. Toute charge doit être répartie avec équité ; tout citoyen qui
participe aux avantages de la défense commune doit contribuer, dans une juste
proportion, aux frais qu’occasionne cette défense commune : où serait le moyen
d’obtenir une juste répartition, en faisant supporter la charge par les communes,
puisqu’il est connu que les gardes de plusieurs communes ne sont jamais dans
une proportion régulière, comparée à leur population respective ?
Je termine,
messieurs, en établissant le principe que les communes ne peuvent être tenues de fournir aucune autre
partie de l’habillement que celle stipulée à l’article 53 de la loi, et en me
fondant sur l’article 110 de la constitution, qui dit qu’aucun impôt au profit
de l’ Etat ne peut être établi que par une loi.
Il
ne faut pas craindre, messieurs, que l’opposition à ce que les communes
supportent cette charge puisse amener plus de lenteurs dans les mesures de
défense que nous avons à prendre que n’en occasionnerait elle-même
l’interprétation vicieuse de la loi, qui ne pourrait avoir pour résultat que de
produire de la perturbation entre le pouvoir et les communes. Loin de nous les
interprétations ministérielles. Si la loi est mauvaise, faisons-en une autre ;
conservons intacts les bienfaits d’une révolution à laquelle nous ne cessons de
faire des sacrifices ; restons sous le régime de la loi et de la vérité. Le
moyen de marcher sûrement et promptement, c’est que chacun connaisse ce que lui
impose la loi. Le doute traîne toujours à sa suite les lenteurs, la confusion
et le désordre. (L’impression ! l’impression ! et le renvoi en sections !)
M. Goethals. - Je m’oppose au renvoi en sections. Cette
proposition est une modification à la loi du 31 décembre dernier. Par un arrêté
du 4 avril, la mesure contre laquelle on s’élève a été exécutée partout.
M.
Jamme. - C’est une erreur, on ne l’a pas exécutée à
Liège.
M. Destouvelles. - Si j’ai bien
compris les développements de la proposition, son auteur ne demande autre chose
sinon que les communes ne fournissent aux gardes civiques que l’équipement
voulu par la loi.
M. Jamme. - C’est tout ce que
je demande.
M. Destouvelles. - Alors cette proposition
est parfaitement inutile, car il est bien évident que les communes ne peuvent
être tenues de fournir ce que la loi ne prescrit pas.
M. Rogier. - Si la loi sur la
garde civique était restée telle qu’elle fut faite, sans qu’aucune mesure du
pouvoir exécutif vînt en dénaturer le sens, je conviens que la proposition
serait inutile ; mais une circulaire ministérielle est venue imposer aux
communes la charge de fournir, outre l’équipement déterminé par la loi, le
petit équipement. Et cette circulaire dit en quoi ce petit équipement consiste
: ce sont des bas, des souliers, des chemises, pantalons, vestes à manches,
etc. Or, je le demande, avons-nous jamais entendu charger les communes de
fournir ces objets ? J’en appelle à vos souvenirs. Dans la discussion, comme
dans l’article de la loi qui en fut la suite, il ne fut jamais question que de
la blouse et du shako ; on évalue même ces objets, car on dit que tel qui ne se
les procurerait pas paierait une amende
de 7 fl. Si on avait entendu fournir, outre la blouse et le shako, une
veste, des bas, des souliers, chemises, etc., je vous demande si tout le monde
n’aurait pas payé avec empressement 7 fl. pour avoir tous ces objets. La
proposition de M. Jamme est donc utile, et je demande qu’elle soit prise en
considération.
M.
Legrelle appuie les observations de M. Rogier.
M. Jamme. - Je déclare qu’en
ma qualité de bourgmestre de Liège, j’ai fait refus de fournir le petit équipement.
M. Destouvelles. - Quelle que soit la
circulaire ministérielle, elle ne peut l’emporter sur le texte de la loi. Ce
texte est précis, et la proposition est par conséquent surabondante.
M. Poschet. - Je demande que la
circulaire ministérielle soit déclarée nulle. (Murmures.)
M.
Legrelle. - Le pouvoir exécutif pense que les communes
doivent fournir le petit équipement ; les communes pensent le contraire, il y a
doute sur l’esprit de la loi : il s’agit de l’interpréter, et il n’y a pour
cela qu’à faire une loi d’interprétation.
M. Ch. Vilain XIIII. - La loi me paraît extrêmement
claire. S’il fallait une interprétation à chaque balourdise commise par le
ministère, ce serait à n’en plus finir (on
rit) ; la loi est claire, la circulaire ministérielle est contraire à son
vœu, les communes ne doivent pas l’exécuter.
M. Jamme. - Il y a des petites
communes où on obéira à la circulaire ; je demande une décision de la chambre
pour éviter cet abus.
M. Destouvelles. - Lorsqu’un texte
est clair, il n’est pas besoin d’interprétation.
M. A. Rodenbach. - Il est de
l’intérêt public que la question soit décidée. D’abord, plusieurs communes ont
décidé qu’elles ne fourniraient que la blouse et le shako ; mais, au moment
d’aller combattre, les gardes civiques n’avaient ni chemises, ni souliers. Il
faut cependant que les défenseurs du pays aient au moins une chemise et des
souliers, et que quelqu’un les leur fournisse.
M. Jamme. - J’insiste pour
qu’il résulte de cette discussion un acte quelconque qui manifeste l’opinion de
la chambre.
M.
Brabant. - J’étais de la commission où cette question
fut débattue, et le ministre de la guerre d’alors nous dit bien qu’il était
d’avis que les communes ne devaient fournir que la blouse et le shako.
M. Blargnies demande la question préalable, en la motivant
sur la clarté de la loi.
M. Rogier. - J’insiste pour que
l’on entende le ministre de la guerre avant toute décision.
M.
Jullien dit que la loi est claire et que les explications du
ministre ne tendraient à rien ; il ne viendrait pas d’ailleurs condamner
lui-même sa circulaire.
M. le président. - je vais mettre aux voix la question
préalable, en la motivant sur ce que la chambre a trouvé la proposition
surabondante.
M. Devaux. - On ne peut pas
motiver la question préalable.
M.
Legrelle. - Je demande l’insertion du considérant au
procès-verbal ; sans cela on regarderait la question préalable comme une preuve
que la proposition était mal fondée.
M.
Jamme. - J’insiste pour qu’il y ait une manifestation
quelconque de la chambre.
M.
Van Innis. - Ceux qui demandent l’insertion au
procès-verbal ont pour but de donner publicité à l’opinion de la chambre. Leur
but ne sera pas rempli par cette voie, car le procès-verbal reste enseveli. Mais
les journaux rapporteront cette discussion, et les communes apprendront quels
sont leurs droits, et elles n’auront aucun égard à la circulation
ministérielle.
- La chambre passe à
l’ordre du jour sur la proposition de M. Jamme ; mais les motifs n’en seront
pas insérés au procès-verbal.
La séance est levée à
trois heures et demie.