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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 28 septembre 1831

(Moniteur belge n°107, du 30 septembre 1831)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à une heure.

(Un bien plus grand nombre de spectateurs que les séances de la chambre n’en avaient attiré jusqu’à ce jour sont dans les tribunes publiques et réservées. Dans celles-ci on voit beaucoup de pétitionnaires en costume d’officiers. M. Achille Murat assiste à la séance dans la tribune supérieure.)

Lecture du procès-verbal

M. Lebègue donne lecture du procès-verbal. Il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Liedts lit le sommaire de quelques pétitions, parmi lesquelles une des officiers du 3ème régiment de chasseurs, qui déclarent retirer leur première pétition. (Sensation marquée.) Ces pétitions sont renvoyées à l’examen de la commission.

Rapports sur des pétitions

L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la pétition des officiers du 12ème régiment de ligne.

M. le président. - La parole est à M. Fallon.

M. Gendebien. - J’avais demandé la parole pour un fait personnel ; je la réclame.

M. Legrelle. - Je demande à faire une motion d’ordre.

M. le président (M. de Gerlache). - La chambre a vu avec regret que la discussion avait dégénéré en une question de personnes à la dernière séance : tout le monde doit désirer qu’elle ne recommence pas sur ce ton. J’inviterai dont les orateurs à se renfermer dans la question. La parole est à M. Legrelle pour une motion d’ordre.

M. Gendebien. - M. Legrelle fera sa motion d’ordre après que j’aurai répondu sur des faits personnels, d’autant plus qu’à la dernière séance j’avais obtenu la parole pour cela, et que j’ai le droit d’être entendu. Il a été allégué par M. Lebeau des choses sur lesquelles je ne peux garder le silence ; il en est d’autres que j’aurais tues, mais que je dirai puisqu’on m’y force ; j’espère que la chambre voudra bien m’entendre sans m’interrompre. On a cherché à m’imputer à crime les choses qui m’honorent le plus, je dois les expliquer ; si M. Legrelle veut parler absolument et qu’il doive m’interrompre…

M. Legrelle. - J’ai demandé à faire une motion d’ordre.

M. Gendebien. - Si vous devez m’interrompre, j’aime mieux que vous parliez le premier.

M. le président. - Certainement, M. Gendebien a le droit d’être entendu pour un fait personnel ; mais la discussion ne doit pas reprendre ce ton d’aigreur, affligeant, qui a caractérisé la dernière séance. Nous sommes dans un moment où nous avons besoin d’union ; de telles discussions sont plus nuisibles qu’utiles au pays.

M. Gendebien. - Je ne les considère pas comme nuisibles à la nation ; au contraire, il est bon que le pays connaisse ses vrais amis et quels sont les hommes qui le trompent. Je continue donc, et je prie la chambre de vouloir bien ne pas m’interrompre.

M. Lebeau, pour s’attacher la bienveillance de l’assemblée, m’a accusé d’avoir calomnié l’ancienne opposition aux états-généraux ; c’est une accusation toute gratuite ; je n’en ai pas même parlé. J’ai dit que, dans le mois de septembre, nos représentants étaient allés à La Haye pour n’y représenter personne. C’est là un fait, et un fait vrai. Quand les représentants sont partis, la révolution était consommée, le pacte qui nous unissait à la Hollande était déchiré ; ils ne pouvaient représenter personne, ils l’ont bien reconnu eux-mêmes, et j’ai fait, pour ceux qui n’ont pas osé le faire, une convocation, signée de ma main, de nos représentants à Bruxelles, où eux-mêmes ont déclaré que serait le siège de leurs opérations. J’avais donc raison de dire qu’ils ne représentaient personne à La Haye. J’ai dit qu’ils étaient allés en Hollande pour se faire traîner à la remorque par une majorité ennemie de la Belgique, et c’était encore là un fait vrai. Jamais l’opposition n’a pu vaincre la majorité aux états-généraux ; elle allait donc là se traîner à sa suite. Enfin, j’ai dit que nos députés étaient allés s’exposer aux insultes du peuple hollandais et se faire fouler aux pieds d’un tyran ; les faits ont prouvé si j’avais raison. Voilà tout ce que j’ai dit. M. Lebeau a donc eu tort de m’accuser d’avoir voulu insulter l’ancienne opposition. M. Lebeau a dit ensuite…

M. le président. - M. Lebeau n’est pas ici, monsieur.

M. Gendebien. - J’en suis bien fâché, mais il savait que je désirais répondre ; si M. le président croit que je doive attendre qu’il soit présent…

M. le président. - M. Lebeau demandera certainement à répondre.

M. Gendebien. - J’attendrai une heure ou deux, si on le veut ; mais il m’est indispensable de répondre à des faits qu’on m’a imputés à crime. Je poursuis. Pour répondre aux objections que j’avais faites sur la négligence coupable du ministère qui a causé tous nos revers, on a répondu avec une amère ironie que j’avais la prétention d’avoir une tête encyclopédique, que je croyais réunir à la fois les connaissances les plus grandes en droit civil, en droit public et en stratégie. Je n’ai pas cette prétention, messieurs ; je n’ai pas même celle d’être un bon avocat, quoique cependant ma clientèle m’ait toujours permis de me tenir dans une assez belle position, et ne m’ait pas, pour m’y soutenir, réduit à faire un journal. (Rumeurs et chuchotements.) J’ai abandonné ma clientèle pour gouverner un instant mon pays, et j’ai gouverné mon pays sans le déshonorer, comme l’a fait l’administration qui m’a succédé. (Violents murmures.) Je ne me crois pas des connaissances supérieures en stratégie, mais je ne suis pas assez bête pour ne pas savoir juger les fautes qui ont été faites ; et on n’a pas besoin de grandes connaissances pour voir qu’un ruisseau, un fossé, peuvent servir de point de défense, et ne doivent pas être abandonnés sans raison lorsqu’ils peuvent servir d’obstacle à l’ennemi.

M. Lebeau, et ici, messieurs, l’accusation devient grave ; M. Lebeau, répondant au reproche que je lui faisais d’avoir déversé sur la France des paroles menaçantes, a dit : « Nous n’avons jamais voulu porter la guerre civile en France, ni mettre Louis-Philippe aux prises avec son peuple. » Ah ! messieurs, l’insinuation n’est bien perfide, mais elle est trop directe pour ne pas sentir que c’est à moi qu’elle s’adresse. M. Lebeau, en me défiant de porter une accusation contre son ministère, ma dit hypothétiquement que j’y gagnerai un brevet de calomniateur. Eh bien, non, je ne parle pas ici hypothétiquement, et je dis à M. Lebeau : Vous êtes un calomniateur !... (Violente explosion de murmures.)

M. Lardinois, M. Legrelle, M. Delehaye et plusieurs autres s’écrient à la fois. - Je demande la parole.

M. Lardinois. - Je ne suis partisan de M. Lebeau ni de sa manière d’agir ; mais, lorsqu’on se permet des attaques et des accusations contre un membre de la chambre, quel qu’il soit, il me semble que l’on devrait attendre qu’il fût présent.

M. Gendebien. - Je veux bien l’attendre, si on veut.

M. Delehaye. - Je demande à faire une motion d’ordre.

M. le président. - M. Legrelle l’a demandé avant vous.

M. Legrelle. - Je cède la parole à M. Delehaye.

M. Delehaye. - Je conçois parfaitement que la parole ait été accordée à M. Gendebien pour répondre à un fait personnel ; mais je ne conçois pas qu’au mépris du règlement et de toutes les convenances, on vienne lancer des injures que certainement M. Lebeau a le droit de relever, et dont le moindre inconvénient sera de faire perdre le temps de la chambre en des discussions vaines, quand nous ne devrions nous occuper que des intérêts du pays. Je ne veux pas qu’il soit permis à M. Gendebien de traiter de calomniateur un membre de cette assemblée, et je prie M. le président de faire exécuter le règlement.

M. le président. - Vous connaissez le règlement, M. Gendebien.

M. Gendebien. - Je connais le règlement, mais je crois que j’ai le droit de repousser des personnalités…

M. le président. - Mais c’est vous qui avez commencé.

M. Gendebien. _ Je reprends la parole et je continue. J’aurai l’honneur de vous rappeler que M. Lebeau a porté contre moi une accusation de calomnie ; je ne fais que repousser cette accusation et la renvoyer à M. Lebeau. C’est lorsque M. Lebeau a prononcé ce mot pour la première fois qu’il fallait que l’honorable membre demandât le rappel au règlement. Comment voulez-vous que je conserve le calme en répondant à une expression que notre honorable collègue trouve trop forte quand je l’emploie en me défendant ! Je continue donc et je tâcherai d’être calme. On m’a accusé d’avoir voulu susciter la guerre civile en France. Eh bien ! que s’est-il passé ? Quand à cette tribune nous disions que nos seuls amis étaient en France, que c’est de la France seule que nous devions attendre sympathie et assistance, on nous accusait de gallomanie. Aujourd’hui que l’on s’est aperçu que le roi Léopold avait bien jugé sa position, et qu’il sentait le besoin de s’appuyer sur la France, que fait-on ? On nous représente comme hostiles à la France, et cela pour nous écarter du pouvoir : comme si on ne savait pas que, depuis que je suis sorti du ministère, on m’a deux fois proposé d’y rentrer, et que j’ai refusé. C’est donc à dessein de me nuire qu’on a lancé cette imputation contre moi. Je laisse à l’assemblée le soin de qualifier les faits, et elle verra, j’espère, si la première épithète était déplacée. (Murmures, interruption.) Je la prie de m’écouter encore quelques instants. De l’accusation de M. Lebeau va sortir pour moi l’occasion de vous faire connaître le fait qui m’honore le plus pendant la révolution.

M. Lebeau disait avant-hier : Nous écrivions en faveur de la révolution pendant que le canon de la citadelle menaçait la ville de Liége, et il y a moins loin de Liége à la citadelle que de Valenciennes à Bruxelles. » M. Lebeau a voulu dire que je m’étais réfugié à Valenciennes pendant qu’on se battait à Bruxelles ; eh bien ! écoutez-moi, vous apprendrez des choses qui mériteront une note dans l’histoire de la révolution.

Après le départ de nos représentants pour La Haye, nous nous trouvions dans un grand embarras, puisque nous nous trouvions en insurrection contre le gouvernement et contre nos représentants. Le samedi 18 septembre, à 6 heures et demie du soir, MM. Nicolaï et Vleminckx, que nous avions envoyés à La Haye pour engager nos représentants à ne pas rester en Hollande, étaient de retour. Nos envoyés nous dirent que nos députés nous engageaient à mettre bas les armes, que l’armée hollandaise était échelonnée depuis Breda jusqu’à Bruxelles, et que toute résistance serait inutile. Le même jour, les discours de MM. Doncker-Curtius et Vandam van Ysselt, qui provoquaient le gouvernement hollandais à agir avec la plus grande énergie, avaient été répandus dans la ville. Il y avait là de quoi effrayer des hommes timides ; nous y trouvâmes, nous, une raison de nous préparer à la défense, et je parvins à faire prendre et signer cette résolution. C’est le jour même, à huit heures du soir, que la résolution fut signée ; ce fut alors qu’on me propos la dictature, et je n’en voulus point. Mais, bien déterminé à rendre l’insurrection générale, je partis à 10 heures pour Mons. J’avais des intelligences dans deux places fortes du Hainaut et dans une des Flandres. A 5 heures du matin, j’arriva à Mons, où j’organisai tout pour opérer le mouvement et en assurer le succès. De là j’allai à Lille, d’où j’établis des relations avec Menin. Mon but, en allant à Lille, était d’y prendre un homme que je ne nommerai pas, et je me proposais, avec cet étendard, de revenir à Bruxelles. Malheureusement ceux qui étaient chargés de faire le mouvement à Mons devancèrent le jour fixé ; le coup manqua, et la garde civique fut désarmée. Ce fut cause que j’allai à Valenciennes, où j’avais de nombreux amis qui s’y étaient réfugiés. J’y ralliai les patriotes, et là j’ai fait une proclamation que j’ai signée avec mon ami M. Van de Weyer ; nous y mîmes aussi le nom de M. de Mérode, quoique absent, parce que nous étions convenus le samedi précédent que, quels que fussent les actes que nous ferions, ils seraient censés faits en commun. Nous constituâmes un gouvernement provisoire, et nous partîmes avec trois corps, l’un se dirigeant par Charleroy, l’autre par Leuze, l’autre par Ath ; je me réservai le commandement de ce dernier. A Mons, je courus le plus grand danger d’être arrêté. Deux minutes plus tard, je l’étais ; et si deux voitures n’étaient pas sorties de la même maison, hasard qui fit qu’on se mit à la poursuite de celle où je n’étais pas, j’étais pris et fusillé. C’est avec la certitude d’être fusillé, si j’étais pris, que je me dirigeais sur Bruxelles.

Voilà, je crois, de quoi répondre à l’accusation de M. Lebeau ; je vous laisse le soin de la qualifier, et je puis dire, vanité à part, que je fis alors ce que peu de personnes auraient fait à ma place. Je n’en aurais jamais parlé, si ce n’est dans la page de l’histoire, où je consignerai les faits de la révolution ; mais, puisqu’on m’y a forcé, j’ai cru pouvoir en parler sans violer les lois de la modestie. Voilà comment je réponds à toutes les calomnies des envieux et des intrigants. (Murmures.)

Je dois repousser une autre accusation, et je suis encore obligé de le faire en faisant mon éloge ; on m’y a forcé, c’est là mon excuse. M. Lebeau a dit que, tandis qu’il s’était contenté d’une place d’avocat-général à Liége, je m’étais adjugé, moi, une place de premier président à la cour de Bruxelles. Ah ! messieurs, qu’on juge mal les hommes quand on les juge d’après soi-même !

Ici l’orateur raconte comme quoi il avait refusé cette place avant qu’elle ne fût offerte à M. Kockaert ; comme quoi, après la mort de ce dernier, il la retira encore, s’en croyant indigne. Il indique un arrêté du gouvernement provisoire, qu’on peut trouver dans les archives, qui le nommait à cette place, lequel fut biffé et apostillé de sa main pour approuver la suppression. Il raconte encore comme quoi il fut nommé malgré lui et à son insu, et comme quoi enfin il refusait encore d’accepter une demi-heure avant son installation, et il ne céda que sur l’observation qu’on lui fit qu’il fallait en tête de la cour un homme de la révolution ; puis il ajoute :

Y avait-il un intérêt personnel à accepter cette place ? Sous le rapport de l’honneur, sans doute elle ne pouvait que m’être avantageuse ; mais sous le rapport pécuniaire, ma clientèle me rapportait davantage. Je donnai bientôt ma démission, vous le savez, messieurs ; je la donnai, car mon intention avait toujours été de me retirer dès que la révolution serai finie, et de rentrer dans la vie privée, afin de prouver que, s’il est des intrigants qui exploitent les révolutions auxquelles ils n’ont rien fait, il en est qui n’en veulent retirer d’autre profit que celui d’avoir servi le pays. Oui, messieurs, telle était ma pensée ; je voulais donner cet exemple au monde.

On a dit, à propos de l’élection de M. Lebeau à Bruxelles, que les électeurs de la capitale avaient jugé et approuvé sa conduite. Je n’ai pas été élu par les électeurs de Bruxelles par une raison bien simple, c’est que je ne me suis pas présenté. Lors des élections faites pour le congrès, j’avais été élu par Bruxelles et par Mons ; j’optai pour cette dernière ville. De là j’avais reçu mon mandat, c’est là que je désirai qu’il fût ratifié. Des électeurs du Brabant sont venu m’offrir la candidature ; j’ai refusé pour qu’il n’y eût pas concurrence entre un membre de ma famille et moi. Maintenant, si M. Lebeau a été nommé à Bruxelles, on sait comment.

M. le président. - Mais M. Gendebien…

M. Gendebien. - M. Lebeau se met dans une position triomphante vis-à-vis de lui-même ; il faut bien, dans mon humble position, que je me redresse et que je lui prouve que je peux marcher son égal. Et si les journaux rapportent fidèlement mes paroles, au lieu d’affaiblir mes arguments et de fortifier ceux des autres, la vérité sera connue. A Bruxelles, dans tous les bureaux, on eut soin de répandre le bruit que M. Lebeau ne serait pas nommé à Huy, et que, si on ne l’élisait pas, ce serait faire une injure au Roi, pour l’élection duquel il avait tant fait. (Murmures.) Maintenant qu’a-t-on fait à Mons ? On a insinué aux électeurs que se serai une injure au Roi que de m’élire parce que je m’étais opposé à son élection. On a été plus loin : on a dit aux électeurs que je n’accepterais pas. Mais les électeurs du Hainaut ne se sont pas laissé prendre à ces pièges ; ils ont senti qu’une (manque un mot) aussi vile que celle qu’on lui supposait ne pouvait entrer (manque deux ou trois mots) d’un roi qui a montré tant de noblesse et tant de dévouement pour la Belgique, en quittant une position brillante pour venir prendre le timon de nos affaires, qu’il a sans doute trouvée plus embrouillée qu’on ne le lui avait dit.

« Si vous croyez le ministère coupable, dit en finissant M. Lebeau, ayant le courage de l’accuser, et il en résultera pour vous un brevet de calomniateur. » (M. Lebeau, qui avait été absent jusque-là, entre et va se placer à sa place accoutumée.) M. Lebeau se trompe en fait de courage ; je crois qu’il n’y en aurait pas beaucoup à diriger une accusation contre lui, en ma qualité de député, et c’est ailleurs qu’ici qu’on pourrait faire preuve de courage. M. Lebeau se trompe encore en disant qu’il résulterait un brevet de calomniateur. Si je l’accusais, je remplirais, comme député, une fonction publique ; cette accusation, fût-elle ensuite trouvée mal fondée, je n’en serais pas plus calomniateur pour cela que ne l’est le ministère public dirigeant une accusation contre un individu, et succombant dans son accusation. Au reste, quand il en sera temps, je saurai faire mon devoir comme je l’ai fait toujours, et si le résultat de l'enquête donne lieu à une accusation, de quelque nature qu’elle soit, je la porterai sans hésiter. J’ai dit. (Note du webmaster : cette intention se concrétisera lors de la mise en accusation du ministre au cours de la séance du 14 août 1833).

M. Fallon. - Messieurs, dans un gouvernement constitutionnel, la représentation nationale est la sentinelle des droits et des libertés publiques.

Mais si un de ses principaux soins est de ne laisser passer aucune inconstitutionnalité, son devoir est aussi de protéger l’action du gouvernement lorsqu’il n’agit que dans le cercle de ses attributions.

Sans doute cette protection ne doit pas aller jusqu’au point d’étouffer par un ordre du jour, et sans aucun examen, toute réclamation dirigée contre un acte du gouvernement, par la seule considération que tel acte ne renfermerait aucun excès de pouvoir ; mais aussi ce n’est qu’avec beaucoup de circonspection que la chambre doit se résoudre à intervenir directement dans les actes du pouvoir exécutif ; sinon, la chambre législative se transformerait bientôt en chambre administrative, et finirait par n’être plus qu’un bureau de passeports pour toutes les pétitions d’intérêt purement administratif.

Guidé par ce principe, j’aborde l’examen de la mesure ministérielle que l’on a signalée comme étant inconstitutionnelle, ou tout au moins injuste.

Toute la discussion se heurte d’abord contre un point de fait.

Les pétitionnaires ont-ils ou n’ont-ils pas obtenu du gouvernement provisoire des brevets réguliers et définitifs ?

S’ils justifient de semblables brevets, toute la discussion s’arrête là, et la mesure ne peut plus échapper au reproche d’inconstitutionnalité.

La raison en est évidente, puisque le décret du congrès, du 11 mars 1831, avait rendu l’article 124 de la constitution applicable aux étrangers auxquels le gouvernement provisoire avait conféré des grades dans l’armée.

Si, au contraire, les pétitionnaires ne justifient pas de semblables brevets, la discussion se prolonge et soulève d’autres questions.

L’arrêté du régent du 30 mars ou la possession d’état d’officier dispensent-ils suffisamment les pétitionnaires de la représentation des brevets réguliers ?

Mon honorable collègue M. de Blargnies a traité ces questions avec la logique séduisante et ces talents distingués qui lui sont familiers, mais sa conviction ne m’a pas pénétré.

L’arrêté du régent a incorporé les corps francs dans l’armée régulière, donc, dit-il, cet arrêté est un brevet d’officier délivré en masse aux officiers des corps francs.

Je ne puis admettre cette conséquence : d’abord, parce qu’elle prouverait beaucoup trop.

A l’époque de l’arrêté du 30 mars, la constitution était en vigueur, et l’article 6 ne permettait au gouvernement de conférer des grades militaires qu’à des Belges, sauf dans les cas particuliers déterminés par une loi ; et alors le décret du congrès du 12 avril, qui a autorisé le gouvernement à déroger à la constitution pour certaines fonctions militaires n’existait pas.

Ainsi, comme au 30 mars, il n’était pas au pouvoir du régent de conférer des grades militaires aux étrangers, il faut bien, tout au moins en ce qui regarde les officiers des corps francs qui étaient étrangers, interpréter ce décret de manière à ne pas attribuer un effet qu’il ne pouvait pas légalement produire.

Il faut donc forcément abandonner l’idée de considérer l’arrêté du 30 mars comme pouvant servir de brevet délivré indistinctement et en masse aux officiers francs.

Quant à moi j’envisage cet arrêté sous une autre face, et j’en tire une conséquence plus naturelle.

Je ne crois pas me tromper en disant que cet arrêté n’a eu d’autre but que de faire cesser des plaintes d’insubordination, en assujettissant ces corps francs à l’administration et à la discipline de l’armée régulière, tout en proclamant un témoignage de bravoure et de reconnaissance en leur faveur ; et, s’il en était ainsi, il est évident que cet arrêté n’a rien changé à la condition des officiers de ces corps, et ne leur a attribué d’autres titres que ceux qu’ils avaient antérieurement.

Mais cet arrêté, dit-on, les a trouvés et les a laissés en possession des grades qu’ils exerçaient, et cette possession d’état d’officier, continuée jusqu’aujourd’hui sans aucun trouble, doit dans tous les cas leur tenir lieu de brevet.

Je ne puis attribuer, en droit public, un semblable effet à la possession d’état.

Que la possession d’état dans l’exercice d’une fonction publique puisse, à l’aide de la bonne foi et de la commune renommée, couvrir des actes passés sous la foi d’une fonction putative, je le conçois ; mais que la possession d’état soit suffisante pour se créer un droit acquis au droit public que l’on n’a pas, ou pour être en droit d’obtenir forcément et définitivement celui que l’on n’avait que précairement, c’est ce qu’il ne m’est pas possible d’admettre.

Je pense donc que, si les pétitionnaires n’ont pas obtenu des brevets réguliers du gouvernement provisoire, c’est en vain qu’ils invoquent l’arrêté du régent et leur possession d’état, pour établir qu’il y a à leur égard violation de l’article 124 de la constitution.

Je pense, par suite, qu’en l’absence de brevets du gouvernement provisoire, la mesure censurée n’est plus qu’un acte plus ou moins juste du ministre de la guerre, dont la chambre ne doit pas s’occuper dans les circonstances actuelles.

On ne paraît pas d’accord toutefois sur le point de fait.

On prétend, d’un côté, que les pétitionnaires n’ont point obtenu des brevets du gouvernement provisoire, ou qu’ils n’ont obtenu que des brevets révocables ; et, d’un autre côté, on prétend que des brevets ont été délivrés par le général Nypels en vertu de délégation du gouvernement provisoire ; et que le gouvernement provisoire en a ratifié et confirmé par des actes formels.

Dans cet état d’incertitude sur l’exactitude des faits, quel parti convient-il de prendre ?

Celui, me semble-t-il, que le droit commun suggère en pareil cas.

Il est de principe que c’est à celui qui allègue qu’il appartient de prouver. Les pétitionnaires appuient leur demande sur un fait ; ils l’affirment, mais il n’en rapportent pas la preuve.

Le ministère dénie, et il n’est pas tenu à davantage. L’on ne peut le charger, d’ailleurs, d’une preuve négative.

C’est donc bien dans ce cas que je crois devoir passer à l’ordre du jour, et c’est dans ce sens que je voterai si la question de fait n’est pas autrement éclaircie, et sans m’arrêter davantage au reproche d’injustice dont je ne suis d’ailleurs aucunement convaincu.

On reconnaît que la réorganisation de l’armée est du plus urgent besoin, et qu’il n’y a pas un moment à perdre pour la purger de tout ce qui peut gêner le succès de son action. On a reconnu, par la loi du 22 de ce mois, que, pour atteindre promptement et efficacement ce but, il fallait investir le gouvernement d’un pouvoir extraordinaire sur les officiers de l’armée.

On a reconnu généralement qu’il y avait eu, dans la distribution des épaulettes et dans la nomination des agents de la guerre, non seulement profusion, mais encore défaut de discernement, et qu’il fallait encore corriger un abus qui ruinait le trésor sans utiliser pour l’Etat.

Pour opérer ces réformes, qui devaient nécessairement faire éclater les clameurs des intérêts froissés, il fallait un adminisstrateur qui joignit à la confiance de la nation autant de fermeté que de probité, autant d’activité que de courage.

Vous l’avez, cet homme, dans le ministère de la guerre ; ne l’arrêtez pas dans ses premiers pas ; ne paralysez pas son action, en compromettant la confiance dont il a besoin de rester entouré, et ne l’astreignez pas surtout à venir vous rendre compte des motifs des épurations qu’il a cru devoir opérer. Sinon, et sous prétexte d’équité, vous le forcez à conserver ce qu’il croit nuisible à son plan d’organisation, vous assumez sur vous une portion de sa responsabilité, et la chambre doit prendre soin de ne jamais se placer dans une semblable position.

M. Legrelle vote en faveur du renvoi pur et simple au ministre.

M. Blargnies. - Je ne veux pas non plus, messieurs, la mise en accusation du ministre de la guerre, tant s’en faut. Je ne connais pas les pétitionnaires ; je ne fais pas de la question une question personnelle, je n’y vois qu’une question de droit, et c’est ainsi que je la traiterai. Ces messieurs, dit-on, n’étaient que des officiers provisoires ; en supposant que les brevets données par le général Nypels ne fussent que des brevets provisoires, je dis, messieurs, que l’arrêté du régent du 30 mars est pour tous les officiers un brevet définitif dans l’armée belge. L’arrêté dit que les corps francs seront convertis en trois régiments de ligne : les voilà donc faisant partie de l’armée belge ; car, certes, le régent avait le droit de nommer des officiers. Mais de son arrêté les pétitionnaires ont un droit spécial et plus sacré que s’ils avaient été nommés individuellement et par brevet séparé. Les motifs de cet arrêté portent, en effet, que c’est en récompense des loyaux services rendus au pays par les corps francs qu’on les fait entrer dans la ligne. Ce n’est pas une grâce ou faveur qu’on leur fait, c’est une dette qu’on leur paie, ou tout au moins, c’est un don rémunératoire qu’ils ont mérité, et qu’on ne saurait leur enlever sans injustice ; ils ont fait partie de l’armée depuis le 30 mars, et cependant on soutient qu’ils n’étaient qu’officiers provisoires. Mais l’armée belge était donc provisoire aussi ? Non certes, personne ne le soutiendra. C’était bien une armée définitive ; ces messieurs, en conséquent, faisaient partie de cette armée, non en qualité d’officiers provisoires, mais d’officiers définitifs. Qu’oppose-t-on à leurs droits ? L’article 6 de la constitution, qui dit que les Belges sont admis aux emplois civils et militaires. Je l’ai déjà dit, je ne connais pas les pétitionnaires, et j’ignore s’ils sont Belges ou étrangers ; mais je dis que l’article 6 ne leur est pas applicable, que d’ailleurs l’article 4 du décret du 14 avril assimile les étrangers aux Belges quand des grades leur ont été accordés par le gouvernement provisoire. A la dernière séance, l’honorable M. Gendebien a très bien démontré que le gouvernement provisoire a donné au général Nypels le droit de donner des grades. J’ai donc la chambre à être très sévère, car il s’agit ici d’un droit de propriété, et nous devons prouver à l’armée que nous sommes jaloux de ses droits, et que nous serons toujours prêts à les défendre.

M. Leclercq. - Messieurs, la question dont il s’agit se présente sous une forme complexe. C’est d’abord une question de fait avant une question de droit. Comme question de fait on nous a fait valoir que les sentiments de reconnaissance et de justice pour services rendus par les pétitionnaires auraient dû empêcher M. le ministre de la guerre de les démissionner. On vous a bien dit tantôt, messieurs, qu’il était intempestif de (mot manquant) sur une pareille question ; je ne vous dirai pas que peut-être dans 10 jours, peut-être dans 15, nous serons en présence de l’ennemi ; qu’il est de l’intérêt de tous de rester unis, de resserrer nos rangs de donner au gouvernement la force qui lui est nécessaire, et de seconder le ministère dans ses réformes et dans l’organisation de l’armée. Je vous dirai que ce n’est pas le moment de critiquer ses actes, et qu’un temps viendra où cela nous est possible : ce temps n’est pas loin, ce sera dans deux ou trois ans peut-être ; mais aujourd’hui ces débats seraient tout à fait intempestifs. Je ne peux donc m’arrêter à la question de fait, je ne dois m’occuper que du second point, celui de savoir si la constitution n’a pas été violée. Ce point ne peut souffrir de retard : la constitution, c’est notre vie, et dès le moment qu’une violation de ce pacte nous est dénoncée, nous devons l’examiner et la supprimer si elle existe.

Après ce début, l’orateur examine les titres des pétitionnaires ; il trouve que les brevets donnés par le général Nypels n’étaient que provisoires, mais il considère l’arrêté du régent comme ayant donné des droits incontestables au grade d’officier aux officiers des corps francs ; et si tous les pétitionnaies étaient Belges, il ne verrait pas de difficulté à les reconnaître comme ayant des droits acquis, et par suite il conclurait au renvoi de la pétition au ministre. Si, au contraire, ils étaient étrangers, le régent n’a pas pu, à cause de l’article 6 de la constitution, leur conférer des grades dans l’armée, et le décret du 14 avril n’a pu (manque un mot) en leur faveur puisqu’il ne parle que des grades conférés par le gouvernement provisoire. Je vote donc pour l’ordre du jour, mais en en ce sens seulement qu’il n’y a pas eu violation de la constitution.

M. Jullien reconnaît aux pétitionnaires des droits incontestables acquis au grade d’officier, et il demande le renvoi de la pétition au ministre de la guerre, à la capacité et au patriotisme duquel il se plaît d’ailleurs à rendre hommage

M. de Theux soutient que, M. le ministre de la guerre niant que les pétitionnaires aient la qualité d’officiers, ce serait à eux à faire cette preuve ; mais que la chambre serait incompétente pour décider cette question, qui ne peut concerner que les tribunaux ordinaires. Il faut remarquer que les pétitionnaires sont divisés en trois catégories : les premiers se plaignent d’avoir été mis à la demi-solde, les seconds d’avoir été admis à faire valoir leurs droits à une indemnité pécuniaire, et les derniers d’avoir été placés dans d’autres régiments avec un grade inférieur. Les premiers n’ont aucun droit de se plaindre, car en tout état de cause le gouvernement a certainement le droit de mettre des officiers à la demi-solde ; ceux qui ont été admis à faire valoir leurs droits à une indemnité pécuniaire, doivent prouver leur qualité, et on leur donnera leur traitement de réforme ; enfin ceux qui ont été placés dans des régiments avec un grade inférieur, s’ils l’ont accepté, n’ont pas le droit de se plaindre, et, s’ils l’on refusé, ils n’ont droit qu’au traitement de réforme qu’on ne leur refusera pas. Mais dans tous les cas, leur qualité d’officiers leur étant contestée, c’est à eux à faire la preuve qu’ils sont officiers ; et la chambre, selon l’orateur, n’est pas compétente pour décider la question.

M. Lardinois. - Les derniers événements nous ont appris jusqu’à quel point nous devions placer notre confiance dans l’expérience de la plupart de nos officiers. Si l’armée n’a résisté que faiblement aux attaques de l’ennemi, nous ne pouvons sans doute accuser le courage de nos soldats, mais la manière dont ils ont été conduits par leurs officiers. Le gouvernement a jugé avec tout le monde qu’une réforme dans l’armée était nécessaire, et que le sort des combats ne devait pas être abandonné à des hommes sans capacités militaires. Mais en applaudissant à cette réforme, vous n’avez pas entendu qu’on le fît arbitrairement ; au contraire, vous voulez qu’on s’appuie sur la justice et sur les lois constitutionnelles. C’est par une juste et bonne organisation que l’armée pourra à la fois réparer ses défaites et cueillir des lauriers. Une réforme dans l’armée est donc indispensable, et vous l’avez reconnu en adoptant dernièrement une loi qui avait cet objet pour but. Cette loi ne dit pas qu’il y aura des catégories, ni que l’on proscrira le coupable comme l’innocent, l’innocent comme le coupable. Je demande donc que cette loi soit appliquée aux officiers de tous les régiments sans exception. Les observations qui ont été faites ne m’ont point convaincus que les brevets des pétitionnaires belges ou étrangers fussent illégitimes à leur contester la qualité d’officiers. En conséquence, j’appuierai le renvoi pur et simple de la pétition au ministre de la guerre.

Par ce renvoi, je ne prétends pas gêner l’action du gouvernement ; je veux seulement en appeler à la justice et à la probité du ministre en faveur des pétitionnaires. S’ils sont officiers capables, je ne doute pas qu’il les emploie de préférence à des officiers étrangers. La pétition qui nous occupe a été le signal de récriminations affligeantes. Je ne viens pas, messieurs, les renouveler en me traînant dans le cloaque des injures et des personnalités ; mais je crois qu’il ne faut pas craindre de provoquer des explications qui peuvent détruire des prétentions ou faire apprécier la conduite égoïste de certains hommes.

Il faut bien le reconnaître, il règne dans la nation un sentiment de défiance que nos derniers résultats militaires n’ont que trop justifié. On reproche généralement aux divers gouvernements qui se sont succédé depuis un an, de ne pas s’être assez environnés des hommes de la révolution, tandis que des individus cachés et soudoyés, qui souffraient la discorde, parvenaient à obtenir des places. La pensée que les hommes de septembre étaient répudiés par ceux qu’ils avaient élevés, a comprimé l’ardeur du patriotisme et excité les défiances. Lorsque l’on a appris que des officiers étaient prétendument destitués en masse, et qu’au même moment on professait dans cette enceinte la nécessité de l’arbitraire dans l’administration militaire et civile, alors on a tiré la conséquence qu’un système de persécution était peut-être médité contre les patriotes et contre leur œuvre. Mais qu’on se rassure, la doctrine de l’arbitraire ne prévaudra jamais dans cette chambre ; vous avez déjà prouvé, messieurs, que vous lui portez une haine vigoureuse. Eh quoi ! aurait-on déjà oublié que c’est contre l’arbitraire que nous avons fait la révolution ? Ne se rappelle-t-on pas l’horreur qu’inspira le message du 11 décembre, qui ne permettait pas aux fonctionnaires publics d’avoir une conscience politique ? Ah ! si un Van Meenen nouveau surgissait avec son despotisme, les patriotes se lèveraient aussi de nouveau pour venger la raison publique et la liberté outragées.

Messieurs, un ennemi puissant est à nos portes ; ses efforts sont concertés et ses projets désastreux. Nous avons besoin de tous nos moyens pour le repousser ; ne les divisons pas par notre désunion. N’écartez donc pas les patriotes ; il leur reste encore du sang à verser pour la cause de la révolution, et, lorsqu’ils auront tout fait pour servir la patrie, ils se consoleront si même vous promenez sur eux la faux des démissions. Ces hommes de la révolution ont eu pour but de consacrer un principe qui se formule par ces mots : liberté pour tous, égalité devant la loi, et amélioration du sort des prolétaires. Ils souhaitent, avant tout, la réalisation de ces bienfaits. J’ai dit.

M. Seron. - Messieurs, il est inutile de répéter ce qui a été dit dans la discussion à laquelle vous vous livrez ; deux mots vont motiver mon opinion. Je n’examinerai pas si le général Nypels avait le droit de délivrer des brevets, ni s’il en a effectivement délivré aux pétitionnaires. Pour que je les considère comme officiers, il me suffit de savoir que, le 30 mars 1831, ils faisaient, en cette qualité, partie des corps francs ou des volontaires formés en régiments et incorporés dans l’armée régulière. Il ne faut que du bon sens pour comprendre que l’arrêté du régent, ne destituant personne, laisse chacun dans son grade, et que, si cet arrêté ne contient pas « nomination, » il contient visiblement « confirmation, » ce qui équivaut. N’est-ce pas en raison de leurs grades que des retenues ont été faites ensuite à ces officiers ? Et n’est-ce pas avec leurs grades, qu’on les a envoyés au feu ? Je regarde comme de pures subtilités tout ce qu’on a dit pour soutenir l’opinion contraire.

Si, ce que je suis loin de croire, ils sont « ivrognes, libertins, crapuleux, prodigues, querelleurs, incapables, sans aptitude et sans bonne volonté, » je dirai au minitre : Usez des moyens d’épuration qu’une loi récente vous donne, même un peu largement ; mais n’en usez que dans les bornes de cette loi et suivant les formes qu’elle a établies ; que les dispositions en soient appliquées à tous indistinctement, qu’on ne fasse aucune acception de personne ; que la condition des pétitionnaires ne soit pas pire que la condition des autres officiers de l’armée ; qu’en un mot on puisse dire : La loi est la même pour tous.

J’ajouterai : Vos intentions sont excellentes, j’en suis intimement convaincu ; mais vous êtes homme, et tous les hommes sont sujets à l’erreur. Prenez de nouveaux renseignements, examinez attentivement la réclamation, et faites droit. Il n’y a pas de honte, il y a de la générosité, de la grandeur d’âme à convenir qu’on s’est trompé.

Dans la révolution brabançonne de 1789 à 1790, il y eut aussi des volontaires qui, sous les ordres de Van der Meersch, combattirent et répandirent leur sang pour la patrie, et auxquels on dut les succès obtenus à Turnhout, la défection des troupes autrichiennes et leur retraite au-delà de la Meuse. On les licencia en mars 1790 comme véhémentement suspectés de « démocratie, » et quand les officiers se plaignirent, on propose à plusieurs d’entre eux de les incorporer comme simples soldats, avec une solde de 10 sols de Brabant par jour, dans des régiments nouvellement formés. Cet acte du gouvernement de Van der Noot fut regardé par tous les hommes impartiaux comme une injustice criante, une noire ingratitude, et la postérité en portera sans doute le même jugement. Je ne veux point pour ma part, et à l’occasion de la circonstance présente, mériter un reproche de cette nature. Je vote donc le renvoi de la pétition au ministre de la guerre, comme devant être prise en considération.

M. Jamme. - Messieurs, la manière méthodique et lumineuse avec laquelle plusieurs des honorables préopinants viennent d’examiner la question qui nous occupe ne me laisse aucune espoir de l’éclairer davantage ; si je prends la parole, messieurs, c’est que je ne puis me dispenser de motiver mon vote dans une discussion à laquelle est attaché le plus vif intérêt.

Des citoyens qui se croient victimes d’un acte dont ils contestent la légalité, s’adressent à la chambre, ils réclament son appui ; ils demandent à jouir des garanties que leur offre une loi que nous venons de faire, une loi qui leur donne des juges, une loi des avantages de laquelle ils eussent profité et qu’elle leur assure, si la mesure contre laquelle ils réclament eût été différée de quelques jours seulement.

La question sur laquelle nous délibérons, messieurs, peut se renfermer dans cette seule proposition : Les nominations des officiers pétitionnaires peuvent-elles être considérées comme consommées ou définitives ?

En effet, si les nominations pouvaient être considérées comme consommées, le ministre, en démissionnant une partie de ces officiers et en modifiant la situation des autres, aurait fait un acte inconstitutionnel, et la chambre ne pourrait refuser de connaître de la plainte ou plutôt de la dénonciation des officiers. Si au contraire les nominations n’ont pas été consommées, le ministre a agi dans le cercle de ses attributions, et tout ce que la chambre peut faire dans l’intérêt des pétitionnaires, c’est de renvoyer la pétition au ministre pour avoir un plus ample informé ; or, comme de tous les débats il n’est pas résulté pour moi ni pour la majorité de la chambre, je pense, la conviction que les nominations ne puissent être considérées comme définitives, je ne pourrai voter que pour la demande d’un plus ample informé. Quand nous n’avons, messieurs, pu acquérir de preuves certaines pour juger d’une chose, nous devons nous servir du seul guide qui nous reste, l’équité, et pencher vers l’indulgence ; et certes, messieurs, quand on doit juger des choses qui se lient à l’origine de la révolution, époque à laquelle rien n’était légal, à laquelle le défaut d’institution ne nous laissait d’autre règle de conduite que notre conscience et l’amour du bien public, je crois que l’équité est un guide assez sûr. Je sens, messieurs, à quel point il importe d’entourer, dans le moment actuel, le gouvernement de force et de considération, combien il a besoin de toute sa puissance, combien il faut craindre de porter atteinte à la confiance que doivent inspirer ses actes, et qu’il ne faut y porter l’investigation qu’avec la plus sage réserve. Mais, messieurs, il est une considération qui domine toutes les autres, il faut avant tout être juste. Je n’accuse nullement les intentions du ministre de la guerre : dans ma pensée, elles sont toutes dans l’intérêt public ; mais le ministre est-il infaillible ? Ses forces n’ont-elles pas leur terme ? Peut-il tout voir par lui-même ? Sa volonté de faire le bien peut-elle n’être jamais impuissante ? S’il y a dans les pétitionnaires de ceux qui ont pu manquer à l’honneur par des actes quelconques, je ne me constitue pas leur défenseur : qu’il soit donné à leur égard un exemple d’une juste sévérité, le salut public le commande impérieusement ; mais, s’il faut des victimes, que la loi les désigne, et qu’elles soient entendues avant d’être frappées. Mais, messieurs, je m’associe volontiers à la plainte de ceux auxquels on ne peut reprocher que l’absence des connaissances militaires : c’est moins à eux qu’il faut faire le procès, qu’à ceux qui ont eu l’imprudence de leur conférer leurs grades ; ils n’ont pris que ce qu’on leur a donné. Plusieurs d’entre eux sont des citoyens animés du patriotisme le plus vrai, des hommes des premiers jours de la révolution, de ces jours où tous les Belges étaient animés d’une même et légitime pensée, l’amour de la liberté ; des hommes enfin, qui, éclairés par l’expérience et la nécessité, peuvent devenir encore grandement utiles à la cause qu’ils ont failli perdre. La faute à ceux-là est d’avoir ignoré un art pour lequel ils n’étaient pas destinés, de n’avoir pas vu de quelle responsabilité ils étaient chargés, de n’avoir pas eu le courage et la bonne foi nécessaires pour renoncer eux-mêmes à un grade auquel ils devaient une existence aisée et honorable : et certes convenons que, pour qu’ils eussent donné leur démission, ils auraient dû être doués d’une vertu bien particulière. Je pense, messieurs, qu’à leur égard il est juste de faire largement la part des circonstances ; elles militent hautement en leur faveur ; on sait, du reste, à quel point une investigation sévère des actes de tout administrateur né de la révolution, même le plus intègre, décèlerait, à la fois, d’erreurs, de négligences, de fautes involontaires ; il réclamerait votre indulgence. Nous soyons donc pas trop exigeants à leur égards ; comme nous, ils sont les enfants de la révolution.

Hésitons à les renvoyer dans leurs foyers, en donnant, pour prix de leurs services, un triste brevet d’incapacité.

Le ministre de la guerre, en ne consultant que l’urgence des circonstances, a dû déployer dans toutes les mesures qu’il a prises une grande sévérité, une activité poussée jusqu’à la précipitation ; ce qui suffira pour le justifier de quelques erreurs, si toutefois il en a commis. Je vois qu’il a senti tout ce que lui imposait sa position ; il n’a pas craint de s’entourer de la haine de ceux qu’il savait devoir le taxer d’injustice, il n’a pas reculé en face de toute la responsabilité dont son devoir a voulu qu’il se chargeât. Je regrette, tout en lui rendant la justice que mérite son dévouement rare, que je ne puisse voter pour l’ordre du jour ; je voterai pour le renvoi de la pétition, avec invitation d’un plus ample informé.

M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, dans votre dernière séance, un honorable membre a attaqué tous les hommes, toutes les conditions, toutes les positions. C’est prendre, vous le voyez, une base fort large. Cependant, n’attendez pas de moi que je m’attache à justifier ma carrière parlementaire. De ma carrière militaire je ne dirai qu’un mot : Si, après avoir quitté pour toujours l’uniforme, j’ai repris la carrière militaire ; si je suis devenu ministre de la guerre, c’est malgré moi, et j’invoque à cet égard l’honorable président de la chambre, M. le ministre de la justice et M. Lebeau, qui tous m’ont prié de me charger de ce fardeau. Si avant j’avais accepté le portefeuille des finances, ce fut à la sollicitation du gouvernement provisoire, et cependant l’honorable membre m’accuse de poursuivre de ma haine des hommes qui m’ont fait, dit-il, ce que je suis, et sans lesquels je ne serais pas ministre de la guerre. Je ne serais pas, dites-vous, dans la position où je me trouve ? Et croit-on que je m’y trouve fort à l’aise dans cette position ? Quand je l’ai acceptée, je l’ai fait par dévouement à mon pays, et je ne croyais pas que ce dévouement pût m’être imputé à crime. (Adhésion.)

Ce n’est pas en venant récriminer sans cesse sur l’armée, ce n’est pas surtout en avilissait l’officier aux yeux du soldat, que vous rétablirez la discipline dans l’armée ; et cependant cette discipline est bien nécessaire, car l’ennemi n’est pas loin de nous. (Sensation.) Il ne doit plus s’agit ici de récriminations contre les précédentes administrations, pour des grades conférés à des gens sans mérite ; il ne fait pas surtout jeter la division dans l’armée ; et c’est pourtant ce qu’on cherche à faire en distinguant une ancienne d’une nouvelle armée. Non, messieurs, il n’y a ni nouvelle ni ancienne armée ; il n’y a qu’une armée en Belgique : tâchons qu’elle soit ce qu’elle doit être, unie, forte et bien disciplinée. (Bravo.)

On a fait des récriminations sur les opérations de l’armée devant Louvain. Cela devrait m’importer peu, ce n’est pas moi qui commandais ; on sait quel était le général en chef de l’armée ; mais il m’importe d’éclaircir un fait, celui de la capitulation. On a parlé d’ordres et de contre-ordres, donnés et rétractés tour à tour pour les fortifications de Louvain. Messieurs, il n’y a eu ni ordres ni contre-ordres, mais délibération sur le lieu destiné à devenir le centre des opérations de l’armée. Quant à la capitulation de l’armée, on n’a pas capitulé parce que Louvain n’était pas susceptible de défense ; on savait très bien qu’on aurait pu y tenir quatre ou cinq jours. On a capitulé, parce qu’on savait que le roi Guillaume aurait adhéré au traité qui imposait de retirer ses troupes, et que, pour un point d’honneur mal entendu, on ne voulut pas sacrifier une ville tout entière.

On vous a parlé de la garde civique que je n’utilisais pas, et notamment de deux compagnes d’artillerie appartenant à cette garde. Eh bien ! ces deux compagnies sont ici, et ce soir à 5 heures, elles doivent passer une inspection. (Bien ! bien !)

Mais, dit l’honorable membre, on entend toujours parler d’organisation, et on ne voit rien de cette organisation. Messieurs, l’organisation est dans la force de l’armée, et ce n’est pas seulement sur le papier que j’organise, c’est dans les corps eux-mêmes ; et d’ici à peu de jours on sera à même de juger mon travail. Je peux défier à cet égard le contrôle des plus sévères. J’étais entouré de conseillers aussi bienveillants qu’éclairés ; ils pourront dire si j’ai profité de leurs lumières et de leur expérience. (Marques de satisfaction.)

On m’a fait un reproche plus grave, celui relatif à l’intendance qui a laissé l’armée manquer de vivres ; et à ce sujet on m’accuse de destituer les hommes de septembre. On n’a destitué personne, messieurs ; mais le personnel étant trop nombreux, on a mis des hommes en disponibilité. On a cité spécialement un homme que je ne nommerai pas, et on a eu l’air de dire que je le destituais parce que c’était un homme de septembre ; que devais-je faire d’un homme sur lequel j’avais des notes comme celle-ci ?

L’orateur prend et lit le rapport d’un auditeur militaire sur l’individu en question ; il en résulte qu’il aurait transgressé ses devoirs ; que de nombreux indices de fraude existent contre lui ; qu’il n’aurait fait que le simulacre d’adjudication, au lieu de faire des adjudications sérieuses. Il n’y a pas assez de preuve pour faire un procès criminel à cet individu, mais il y en a de reste pour lui refuser toute confiance.

Que devais-je faire, reprend le ministre, quand j’ai des preuves en main ? Messieurs, on m’y a forcé. Je crois avoir le droit de défendre mes actes.

- Voix nombreuses. - Oui ! oui ! Parlez ! parlez !

M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) lit. - Un tel démissionné, parce que dans sa demande il se donne un grade qu’il n’a jamais eu. Voilà la démission donnée à cet homme par le gouvernement du roi Guillaume. Aujourd’hui le ministère demandant à cet officier la pièce par laquelle il a été démissionné par le gouvernement hollandais, il répond qu’il a cherché cette pièce, mais qu’il n’a pu la trouver ; que du reste, n’ayant jamais tenu de servir sous Guillaume, il y avait ajouté peu d’importance. Nous avions cette pièce en main. Il se faisait passer pour sous-lieutenant et membre de la légion d’honneur depuis le 31 décembre 1813. M. d’Hauterive nous écrit qu’il ne connaît aucun officier de ce nom comme membre de la légion d’honneur, mais bien un sergent. Ces pièces ne suffisent pas pour que nous livrions cet homme aux tribunaux ; mais je les produis pour prouver que si je l’ai destitué, ce n’est pas par haine des hommes de septembre.

On a reproché le défaut d’organisation des régiments qui devaient être formés avec les corps francs. Pendant quatre mois on a demandé les titres à ceux qui voulaient conserver leurs grades, ces titres n’ont pas été produits : est-ce la faute du ministre ?

Mais, dit-on, les pétitionnaires ne demandent pas autre chose que de rentrer dans la loi commune. Oui ; mais, quand le 12ème régiment fut réorganisé, votre loi n’existait pas, et on n’a fait pour tous ces officiers que ce qu’on a toujours fait depuis l’arrêté du régent. Cet arrêté portait que trois régiments seraient formés ; j’ai déjà dit pourquoi ils ne l’avaient pas été. J’ai envoyé un organisateur dans le Limbourg, qui n’était pas plus sévère qu’un autre, et cependant il n’a pu conserver tout le monde, parce qu’il y avait un trop grand nombre d’officiers. Pour vous en donner un exemple, je vous citerai le 3ème chasseurs qui, pour 600 hommes, comptait 200 officiers. Il s’est fait un abus inconcevable de brevets dans les corps francs, et cela n’étonne guère, quand on sait comment se faisaient les choses. Aujourd’hui un tel avait le nombre d’individus nécessaires pour avoir un brevet de capitaine ; on le lui donnait. Que faisait son lieutenant pour avoir un brevet de capitaine ? Il débauchait quelques hommes de la compagnie, en recrutait quelques autres, et obtenait un brevet à son tour ; de sorte qu’il y avait deux brevets pour le même nombre d’hommes. Et ne croyez pas que ceux qui réclament soient des hommes de septembre, ni même d’octobre. Je dirai mieux, il nous est arrivé de la Hollande même des hommes qui avaient été condamnés à la réclusion perpétuelle ; on leur avait ouvert les prisons tout exprès pour qu’ils vinssent demander des brevets d’officiers. Et, si je vous disais que c’est à un colonel qui eut assez d’énergie pour faire prendre un bain à tout son régiment, que nous devons d’avoir découvert les marques sur les épaules de ces officiers. (Rire universel et prolongé.)

Les uns, parmi les pétitionnaires, n’ont que des brevets de corps francs, et les autres pas du tout. On vous a parlé des brevets donnés par le général Nypels ; voici l’arrêté du gouvernement provisoire : « M. le général Nypels est autorisé à nommer les officiers des corps francs, tant étrangers que belges, et à leur délivrer leurs brevets provisoires. » Cela est-il clair ?

Mais, nous dit-on, M. le régent a eu l’intention de les comprendre tous avec leurs grades dans l’armée. Si telle avait été l’intention du régent, on n’aurait pas demandé les titres et les renseignements pour former les corps ; car c’est de ce moment qu’on n’a cessé de demander aux officiers la production de leurs titres. Ce qui a été fait par l’arrêté, c’est que chaque officier a été porté pour avoir la solde. Quant aux insignes, tout officier de corps francs a droit de porter ceux de son grade. Si nous n’avons pas requis l’application du code pénal contre ceux qui portent des insigne d’un grade qui ne leur appartient pas, c’est que nous avons voulu attendre que l’organisation fût terminée et que l’ordre fût introduit partout. Il y a ici à Bruxelles plus de 50 individus portant l’épaulette, et qui ne sont pas officiers : le gouvernement a pris des renseignements sur ces individus : il emploiera ceux qu’il croira capables et dignes, les autres seront écartés. Mais je ne peux pas reconnaître que des officiers de corps francs soient devenus officiers de l’armée par l’arrêté de M. le régent. Dans le 3ème régiment de chasseurs il y aurait 158 officiers de trop, le régiment fût-il au complet. Ici je répondrai à M. Leclercq que parmi les pétitionnaires il y en a qui sont Belges et d’autres qui sont étrangers, et cependant je ne puis reconnaître de droits à personne.

J’ai toujours reconnu que je n’avais pas le droit de démissionner des officiers de l’armée, et c’est pour cela que je suis venu vous demander une loi. Mais, dit-on, ils étaient officiers, vous les avez reconnus tels puisque vous les avez démissionnés. Non, messieurs, je ne les ai pas reconnus pour tels ; je ne les ai jamais reconnus que comme officiers de corps francs, et c’est en cette qualité que je les ai démissionnés. Quelque erreur aura pu être commise ; mais je m’empresserai de la réparer si on me la fait reconnaître.

M. Devaux. - Messieurs, comme ayant appartenu à l’ancienne administration, j’aurai pu prendre ma part à la macédoine d’injures et d’imprécations dont on l’a gratifié ; je n’y répondrai pas cependant. Il est des haines et des malédictions auxquelles il faut savoir se résigner. C’est ce que j’ai fait quand j’étais au pouvoir, c’est ce que les ministres actuels doivent faire ; c’est un conseil amical que je leur donne. Je dis conseil amical, car je suis loin de considérer mes successeurs comme ennemis.

L’orateur, après ce début, combat le principe de nomination d’officiers en masse qu’on a voulu faire surgir de l’arrêté du régent ; quant à la question constitutionnelle, il ne la trouve pas du tout éclaircie par la discussion et dans deux jours, peut-être elle ne le serait pas davantage. Le ministre de la guerre a (manque un ou deux mots) certitude en avouant que quelques erreurs auraient pu être commises. L’orateur demande que le renvoi pur et simple de la pétition lui soit fait ; nous donnerons ainsi, dit-il, une nouvelle preuve de confiance au ministre, nous reconnaîtrons sa haute capacité, et, au lieu de le traîner dans la boue devant la nation, nous lui prouverons que nous le croyons assez juste pour réparer une erreur s’il l’avait commise. Dans tous les cas, j’entends bien que le renvoi ne préjuge rien sur la question de fonds, et que la chambre ne renonce pas à son droit de surveiller l’administration.

M. Poschet. - Je n’entrerai pas dans la question de savoir si les officiers ont reçu des brevets définitifs ou provisoires ; elle ne me paraît pas avoir été décidée d’une manière satisfaisante. S’ils ont eu des brevets définitifs, ils ont droit de jouir des dispositions de la loi que nous venons de porter sur les démissions. Si, au contraire, ils n’ont été nommés que provisoirement, ils ont un titre, au moins aussi sacré, à la justice du ministre : ce sont leurs services.

Je demande le renvoi à M. le ministre de la guerre, afin qu’il puisse rectifier les erreurs qui se sont glissées dans la mesure qu’il a dû prendre à cause des circonstances impérieuses dans lesquelles nous nous trouvons.

Il fallait avant tout organiser l’armée, et l’on ne peut l’accuser d’avoir voulu être injuste ou partial. La nécessité justifie sa conduite ; l’incapacité de la plus grande partie des officiers renvoyés le fait encore mieux. Il saura se mettre à l’abri de tout reproche, en rendant leur grade à ceux qui seront dignes et capables de les remplir.

M. Destouvelles appuie le renvoi dans le sens proposé par M. Devaux. (Aux voix ! aux voix ! La clôture !)

- La clôture est prononcée.

L’assemblée prononce par assis et levé le renvoi pur et simple de la pétition au ministre de la guerre.

La séance est levée à trois heures et demie.