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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 1 novembre
1831
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant approbation du traité
de paix arrêté le 15 octobre 1831 (traité des 24 articles). Application du règlement
de la chambre quant aux votes émis en comité secret (Pirson,
Poschet, H. de Brouckere, de Robaulx, Gendebien, Blargnies, Rogier, Pirson, Rogier, F.
de Mérode, Pirson, Delehaye,
de Robaulx, Gendebien, de Robaulx, A. Rodenbach, Seron, de Robaulx, Seron), vote sur l’ensemble.
(Moniteur
belge n°140-141, des 2 et 3 novembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte
à midi et demi.
M.
Jacques fait l’appel nominal.
Au moment où il
entend son nom, M. Barthélemy, préoccupé sans doute par le vote des 24
articles, répond oui. (Hilarité générale.)
M. Dellafaille donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance publique.
Pendant ce temps, M. Van de Weyer
entre et va prendre place au banc des ministres.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M.
Lebègue présente l’analyse de quelques pétitions, qui sont
renvoyées à l’examen de la commission.
PROJET DE LOI PORTANT
APPROBATION DU TRAITE DE PAIX ARRETE LE 15 OCTOBRE 1831 (TRAITE DES 24
ARTICLES)
Application du
règlement de la chambre quant au vote émis en comité secret
M. le président. - Messieurs, le but de notre réunion est le
vote sur les considérants et sur l’ensemble du projet de loi présenté par MM.
les ministres.
M. Pirson. - Je demande la
parole.
M. le président. - Pourquoi ?
M. Pirson. - Pour un rappel au
règlement.
M. le président. - Je ne peux pas vous accorder la parole. Il
va vous être donné lecture de la décision prise par la chambre.
M. Dellafaille donne lecture de la
décision, qui est ainsi conçue : « La chambre décide qu’on ne pourra demander
la parole sous aucun prétexte, ni sur les articles, ni sur les considérants, ni
sur la position de la question, ni sur le rappel au règlement, et qu’on se
bornera purement et simplement à voter tant sur l’article unique et les
considérants que sur l’ensemble de la loi. »
M. le président. - Est-ce bien là, messieurs, votre décision ?
(Oui ! oui ! Non ! non ! Bruit et
agitation prolongée).
M. Pirson, placé au milieu de l’hémicycle
au bas de la tribune, parle au milieu du bruit ; il insiste pour obtenir la
parole, en gesticulant avec violence. Le tumulte nous empêche d’entendre ce
qu’il dit.
M. le président. - La décision prise hier par la chambre est
une loi pour tout le monde.
M. Pirson s’élance à la
tribune ; il tient le règlement à la main ; il insiste avec force pour obtenir
la parole.
M. le président. - Vous n’aurez pas la parole.
M. Pirson. - Je l’aurai.
- Le tumulte va
croissant. On n’entend que des cris partant de tous les coins de la salle. Parlez ! parlez ! disent les uns. A l’ordre ! à l’ordre ! disent les
autres.
M. le président agite la sonnette et dit, au milieu du tumulte.
- L’assemblée est liée par sa propre décision ; je dois la faire respecter.
M.
Pirson.
- C’est une décision votée par fraude. (A
l’ordre ! à l’ordre !) L’orateur gesticule, frappe tantôt sur la
tribune, tantôt sur le bureau de M. le président, qu’il interpelle avec une
violence extrême ; il nous serait aussi impossible d’en donner une idée à nos
lecteurs que de lui faire connaitre les interpellations qui se croisent dans
tous les sens. Enfin, l’exaspération est à son comble.
M. Poschet de Chimay, se lève et s’écrie. - C’est scandaleux ! La
chambre ne peut se laisser manquer ainsi. Je déclare que, si elle ne maintient
pas sa dignité, je me retire.
M.
H. de Brouckere et un grand nombre d’autres orateurs demandent la parole au milieu du bruit, et ne
peuvent l’obtenir.
M. le président insiste pour que la
décision de l’assemblée soit exécutée.
M.
de Robaulx. - Vous ne pouviez pas décider hier qu’on ne
pourrait pas obtenir la parole aujourd’hui.
M.
Gendebien. - Je demande la parole.
M. le président. - Je ne peux vous l’accorder, d’après la
décision d’hier.
M.
Gendebien. - C’est précisément contre cette décision que
je demande à parler. (Tout ceci se dit au
milieu du tumulte.)
M. le président, profitant d’un court moment de calme. -
Messieurs, n’avez-vous pas décidé hier qu’on ne pourrait prendre la parole sous
aucun prétexte, mais qu’on voterait pas assis et levé sur les considérants, et
par oui et par non sur l’ensemble ? (Oui
! Oui ! Dénégations de la part de plusieurs membres.)
M.
Gendebien, M. Blargnies, M. Rogier et plusieurs autres demandent vainement la
parole.
M. le président. - Il faut que force reste à la décision de
l’assemblée. (Oui ! oui ! Non ! non !)
M. Pirson. - Je ne peux pas me
soumettre à une décision abominable. (A
l’ordre ! à l’ordre ! à l’ordre !)
- Le tumulte
s’accroît de plus en plus ; la plus grande confusion règne dans l’assemblée.
M. le président. - Je déclare la séance suspendue pour une
heure. (Il quitte le fauteuil.)
M. Pirson. - Qu’on en finisse
avec moi, qu’on me mette à la porte, car mon intention est de remonter à la
tribune aussitôt après la reprise de la séance.
M.
Rogier
s’élance au pied de la tribune, en interpellant M. Pirson avec vivacité.
M. F. de Mérode retient M. Rogier et
l’éloigne de la tribune.
- Cependant tous les membres
ont quitté leur place et se forment en groupes fort animé au milieu de la
salle.
A une heure et quart,
le président et les secrétaires rentrent dans la salle et montent au bureau.
M. Pirson monte à la tribune.
Lord Durham, S. R.
Adair et le général Belliard sont dans la tribune diplomatique.
M. le président. - Il va vous être donné lecture de la décision
que vous avez prise hier, et qui tout à l’heure ne vous avait été qu’imparfaitement
présentée. Voici les termes de cette décision : « La chambre décide qu’on
ne pourra demander la parole sous aucun prétexte, ni sur les articles, ni sur
les considérants, ni sur la position de la question, et qu’on se bornera
purement et simplement à voter tant sur l’article unique et les considérants
que sur l’ensemble de la loi. »
M. le président
explique que, s’il n’a pas d’abord présenté exactement la décision qui avait
été prise hier par l’assemblée, c’est qu’elle avait été rendue au milieu du tumulte,
et que les véritables expressions de la délibération lui avaient échappé. Je
crois donc, après cette explication, que M. Pirson peut être entendu.
Un membre. - Sur quoi ?
M. Pirson. (Il est retourné
vers le bureau.) - C’est pour une motion d’ordre et pour expliquer ce qui s’est
passé. (Parlez à l’assemblée !) Je me
suis adressé, pour avoir la parole, à M. le président ; c’est à lui je devais
m’adresser. (Parlez ! parlez !) Il existe
un règlement qui a été discuté et voté en séance publique. Il fait la loi de
l’assemblée. Hier, à la fin du comité générale (et je n’assistais pas à la fin
de la séance), on a changé le règlement. Je pense qu’on ne peut en dénaturer
les dispositions en comité secret ; je le pensais tout à l’heure, et j’ai
demandé la parole pour un rappel au règlement, parce que je lis dans l’article
23 de ce règlement : « On peut toujours demander la parole pour un rappel
au règlement, pour la position de la question et pour un fait personnel. »
M. le président me l’a refusée. Ce refus m’a paru une sorte d’opposition : j’ai
résisté. Mais s’il m’est échappé des paroles désobligeantes, soit pour la
chambre, soit pour son président, je vous en demande pardon à tous, ainsi qu’à
M. le président ; mais en sa seule qualité de président, et non pas comme
homme, parce que je sais comment je dois le traiter d’homme à homme.
J’ajouterai que la décision prise hier ne me paraît pas obligatoire pour les
absents (dénégations, murmures), et
qu’on ne peut déroger aux dispositions du règlement en comité secret. Je passe
à mon observation sur le rappel au règlement. (M. Pirson tire un manuscrit de sa poche. Hilarité.)
J’ai demandé la
parole pour rappeler au règlement et articles réglementaires de la
constitution. Quoi ! Dans la circonstance la plus grave où puisse se trouver
une assemblée délibérante, dans une circonstance où il n’est pas un seul vrai
Belge qui ne soit inquiet sur le sort de la patrie, dans une circonstance où
chacun se demande : « Par quelle issue allons-nous sortir du danger qui
nous environne ? », dans une circonstance où tous les yeux sont tournés
vers nous, où notre dernier mot est attendu comme un sauveur (on le sait, la
plus petite parcelle d’espoir est encore un dernier refuge pour les malheureux)
; eh quoi ! dis-je, c’est en pareille circonstance (le pays est-il assez
malheureux !) qu’on aurait clos définitivement en comité secret la discussion
d’une loi de vie ou de mort pour notre indépendance ! C’est lorsqu’il fallait
du courage, c’est lorsqu’il fallait ranimer le patriotisme agonisant, que six
mortelles doses d’opium lui ont été administrées en comité secret ! Pourquoi ne
propose-t-on point aussi le vote en comité secret, de la loi qui a été discutée
en comité secret ? Le peut-on ? « Pourquoi pas ? dira quelqu’un, cela
n’est écrit nulle part. » Il n’est écrit nulle part non plus que la
discussion d’une loi doive avoir lieu en public.
Que signifieraient
donc ces mots de l’article 33 de la constitution : « Les séances des
chambres sont publiques ? » Ne seraient-elles publiques que pour la
lecture du procès-verbal ? « Mais les deux paragraphes du même article
autorisent les comités secrets. » Oui sans doute, la prudence le demande,
et cette disposition est sage ; mais elle n’est applicable qu’aux choses qui
doivent rester secrètes, et non à la discussion proprement dite ou au vote de
la loi. M. le président ou d’autres membres ont pu croire avec raison que dans
la circonstance il convenait de se réunir en comité secret, afin que nous
passions nous communiquer réciproquement des motifs d’adoption ou de rejet que
nous n’aimerions pas nous dire en public.
J’admets qu’en suite
de ces communications, la chambre peut décider, à la majorité absolue, si la
séance doit être reprise en public sur le même sujet. Quel sujet ! Le sujet
secret, sans doute. L’article 33 de la constitution est précis : « Les
séances des chambre sont publiques ; » voilà le principe. Les deux
paragraphes ne font point exception à ce principe ; ils ne tombent que sur les
incidents qui peuvent surgir de la discussion et demander le secret ; mais il
est impossible d’admettre que la discussion toute entière d’un projet de loi
puisse avoir lieu et être close en comité secret, ou que l’on puisse voter en
secret sur certain projet de loi. S’il en est ainsi, si un précédent aussi
dangereux pouvait s’établir, le sanctuaire de la loi pourrait devenir un
véritable guet-apens, où une majorité démoralisée sacrifierait une minorité
vertueuse. Je m’explique, messieurs, et quand j’aurai fait connaître le danger,
qui est bien loin dans l’avenir sans doute, qui n’arrivera jamais, j’espère,
mais qui cependant serait possible, je suis certain que je ne trouverai pas un
seul contradicteur ici.
Je suppose que, de
précédent en précédent, ou même par une décision fondée sur une fausse et
perfide interprétation de l’article 33 de la constitution, on établisse le
droit qu’aurait la majorité de restreindre dans un comité secret la discussion
tout entière d’une loi : je suppose que l’on abuse (car on peut abuser de
tout), je suppose donc que l’on abuse de la faculté des comités secrets ; que
pour le rendre véritablement secret, on prononce de fortes peines, non
seulement contre ceux qui trahiraient le secret, mais aussi contre ceux qui, par
un moyen quelconque, publieraient ce qui a été dit et fait en comité secret. On
en viendra là, si un jour on abuse des comités secrets. La législation en secret
une fois établie fortement et sévèrement, je suppose que, dans un cas analogue
à celui-ci, une majorité, corrompue par l’or ou les promesses de l’étranger,
vende le pays tout entier ou en partie à cet étranger. Pour parvenir à son but,
la publicité est un obstacle ; elle ordonne un comité secret, dans lesquels
elle délibère en secret et vote même en secret.
Autre cas : je
suppose une majorité composée de fonctionnaires richement payés, de
pensionnaires qui auront déjà vendu leurs suffrages à l’autorité, enfin
d’hommes vaniteux, et pourtant valets de cour, prêts à tout sacrifier à la
faveur. Il est question de budget : on ne voudra pas faire connaître aux
contribuables certains articles du budget comme, par exemple, le paiement des
dettes ou autres folies de quelques grands personnages, le détail de gros
appointements, etc. Si l’on craint les explications que demanderaient des
représentants, vrais défenseurs des contribuables, on proposera un comité
secret ; on ne manquera pas de prétextes. Dans ces deux cas et autres
semblables, quel moyen aurait une minorité en nombre, ou réduite à quelques
hommes courageux, pour déjouer les intrigues de la majorité et conserver sa
pureté dans l’opinion de ses concitoyens, si tout moyen de publicité lui était
interdit ? Déjà le règlement défend d’insérer au procès-verbal les motifs du
vote, et bientôt il sera peut-être interdit à la presse de dire le plus petit
mot sur ce qui se passe en comité secret ; car j’entends tout le monde, je me
trompe, tous les partisans du secret se récrier sur les abus de la presse. Je
vous le demande, quel serait le rôle d’une pareille majorité sous un
gouvernement constitutionnel ? Ce serait un comité occulte de l’absolutisme,
une chambre ardente qui se jouerai de la liberté, de la fortune et de la vie
des citoyens.
Les choses ainsi
organisées par suite des temps, quel serait l’honnête homme qui voulût entrer
dans une chambre qui, je le répète, serait devenue un véritable guet-apens pour
l’honneur et la probité ?
Eh bien ! sans la
publicité de la discussion et du vote de la loi, une pareille majorité pourrait
se former.
Ne soyez donc pas surpris
de l’ardeur que je manifeste pour combattre un antécédent qui pourrait nous
conduire là. Je sais bien que cela n’est pas imminent, qu’il n’y a pas ici un
seul membre qui le voulût ; mais soyons en garde contre la corruption des temps
à venir.
La chambre, toute
préoccupée de l’intérêt du fond de la question qui nous intéresse à un si haut
degré, n’a pas réfléchi aux conséquences du vote qu’elle a émis en comité
secret sur un incident réglementaire : il s’agit de savoir si la discussion de
la loi, le vote même de la loi, peut être secret. Quant à moi, je suis si
intimement persuadé du contraire que, défenseur obligé des libertés publiques
par mon mandat, je crois devoir employer tous les moyens pour leur
conservation.
Sans
doute, il y a des circonstances où l’on peut voter sans discussion préalable,
lorsque personne ne réclame la parole pour s’opposer à un projet de loi ou
l’appuyer ; mais, au moins, le président doit s’en assurer, en demandant si la
chambre est suffisamment instruite (article 26 du règlement). Je réclame
aujourd’hui pour consacrer le principe de la discussion et du vote publics de
la loi. Je le réclame comme la seule garantie de nos libertés, comme moyen
donné à la nation de connaître les opinions et la conduite politique de ses
représentants, comme moyen aussi, donné à chacun de nous, de mériter la plus
belle récompense de ses services envers la patrie : la considération et
l’estime de ses concitoyens.
M. le président
aurait-il la bonté de consulter l’assemblée ? J’attends sa décision avec calme
et confiance.
- M. Pirson est deux
fois interrompu par M. Delehaye, qui demande que l’orateur ne s’écarte
pas de la question qu’il veut traiter.
M. le président s’excuse à son tour
du refus formel qu’il a dû faire de la parole à M. Pirson, qu’il n’a voulu
nullement blesser, et il ajouter qu’il n’a voulu faire respecter que la dignité
de la chambre.
M. Pirson. - Je demande à
présenter une dernière observation. (Non
! non !)
M.
de Robaulx. - Mais vous ne savez pas sur quoi. Laissez
parler.
M. Pirson. - Je ferai cette
seule observation qui m’est suggérée par la lecture des journaux c’est que la
conférence s’occupe d’arranger les affaires de la Grèce. (A la question ! M. Pirson quitte la tribune.)
M.
de Robaulx. - Je demande la parole.
M. le président. - Sur quelle question ?
M.
de Robaulx. - Aussi sur le rappel au règlement. Messieurs,
dit l’orateur, je n’ai pas assisté à vos délibérations secrètes, parce qu’il
m’a paru que pour une semblable discussion, la publicité n’était pas de trop.
C’est votre affaire. Mais ce que je devais faire constater ici (mouvement)… Ne vous effarouchez pas, je
ne parlerai pas sur le fond (hilarité),
ce sont les droits de la minorité. J’ai cru que la publicité était l’essence
des débats parlementaires, et que cette publicité était la seule garantie de la
minorité. Je viens donc m’élever contre la décision que vous avez prise, parce
que vous m’obligez à répondre seulement non, et à renfermer ma protestation
dans ce seul mot : non. Vous ne pouvez pas ôter à la minorité le droit de faire
connaître son opinion. Ce droit est aussi celui de la majorité, et jamais il ne
nous est venu la pensée de le lui contester. Réfléchissez bien, messieurs, au
refus que vous faites à la minorité de faire entendre sa voix. Les minorités
d’ailleurs ont quelquefois, et souvent même, raison, témoin cette minorité qui,
sous Charles X, fut si souvent flétrie, qui se trouva réduite à 12 hommes
courageux. Eh bien ! si la majorité d’alors, si les 300 de cet homme qui sera l’exécration
de la postérité, de M. de Villèle, avaient voulu rendre toutes les séances
secrètes, c’en était fait du gouvernement représentatif et de la liberté ; car
alors on n’aurait pas connu les intentions coupables du pouvoir et le but qu’il
voulait atteindre. Encore une fois, messieurs, réfléchissez bien à la décision
que vous avez prise ; gardez-vous de poser de semblables précédents : avec eux,
vous perdriez bientôt votre gouvernement représentatif et votre constitution.
M. le président. - Il me semble, M. de Robaulx, que vous
retombez dans la discussion.
M.
de Robaulx. - J’y retombe d’autant moins que je n’ai pas
dit un mot des 24 articles. Je n’ai parlé que de la décision prise hier. Je
demande que la publicité soit rendue à la fin de la discussion.
M. le président. - Mais le contraire a été décidé quand M.
Gendebien a fait sa proposition.
M.
Gendebien demande la parole. - Je serais fâché, dit l’honorable
membre, qu’on pût interpréter défavorablement pour moi les paroles de M. le
président. C’est par suite de la proposition que je fis, de rendre la séance
publique, que le contraire fut décidé. L’orateur rappelle qu’on a introduit
furtivement dans la section centrale la question du secret ; que seul il s’y
est opposé ; qu’il a fait observer, lorsqu’on a renouveler en comité général la
proposition de la section centrale, qu’on voulait juguler la constitution, et
qu’alors il fallait avoir le courage de le faire en public. Il ajoute qu’il est
venu aux séances secrètes, mais que toujours il désirait que la discussion fut
reprise en séance publique. L’orateur espère que ses explications le
justifieront pleinement aux yeux de ses collègues et du public.
M. le président présente une observation tendante à prouver que
jamais il n’a voulu dire que ce fût sur la demande de M. Gendebien que le
comité général a eu lieu.
M.
de Robaulx. veut continuer son discours. (Non ! non !) Messieurs, il est évident
que je ne parlerai pas si vous ne voulez pas m’entendre ; je n’ai pas
l’intention d’aller m’accrocher à la tribune, mais je laisserai sous la responsabilité
de ceux qui étoufferont ma voix la conduite qu’ils tiennent en ce moment.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai
qu’on prononce en séance publique la clôture de la discussion.
Plusieurs membres. - La discussion a
été close hier.
M.
de Robaulx. - Prenez garde à la décision que vous avez
prise.
M. Seron. - Messieurs, chacun
a fait insérer dans les journaux l’opinion qu’il a énoncée dans le comité
secret ; je n’ai pas fait imprimer la mienne, parce que je l’ai modifiée : la
voici.
M. le président. - La chambre ne peut vous accorder la parole.
(Non ! non ! non !)
M.
de Robaulx. - Nous demandons acte du refus qui nous est
fait.
Un membre. - M. le président,
donnez acte de ce refus.
M.
Seron
fait la même demande.
M. le président. - On va passer au vote par assis et levé sur les
considérants, et au vote par oui et non sur l’ensemble du projet.
M. de Robaulx. - Je vais faire une
proposition ; je demande la question préalable.
M. le président. - Vous ne pouvez faire aucune proposition.
M.
de Robaulx et M. Seron montent avec leurs discours à la tribune des
journalistes. (Murmures.)
Messieurs, leur dit M.
de Robaulx., vous serez sans doute plus libéraux que la
chambre.
Vote sur les articles
et l’ensemble du projet de loi
On vote par assis et
levé sur les considérants : ils sont adoptés par assis et levé. On procède à
l’appel nominal sur l’ensemble.
Voici le résultat : 59
membres pour l’adoption, 38 contre. La chambre adopte.
Deux membres, MM.
Rouppe et Nothomb, s’abstiennent.
Les trois députés
manquant à l’appel sont : MM. Ch. de Brouckere, ministre de la guerre, l’abbé
de Foere et Zoude de Saint-Hubert. Les pouvoirs de ce dernier n’ont pas encore
été vérifiés.
Ont voté pour : MM.
Barthélemy, Goblet, Van Innis, de Terbecq, Lefèvre, Ullens, de Muelenaere, de
Theux, W. de Mérode, Raymaeckers, Dugniolle, Coppieters, Verhagen, Lebègue,
Lebeau, CH. Vilain XIIII, Mesdach, Vuylsteke, Mary, Cols, Dellafaille, Brabant,
Pirmez, Dumont, Dewitte, Duvivier, Poschet, Delehaye, Thienpont, F. de Mérode,
Vanderbelen, Hye-Hoys, de Nef, Morel-Danheel, H. Vilain XIIII, Le Hon,
Verdussen, Fallon, Van Meenen, Sécus,
Osy, Polfvliet, de Roo, Dautrebande, Milcamps, Legrelle, de Woelmont, Jonet,
Coghen, Olislagers, Devaux, Boucqueau de Villeraie, Bourgeois, Raikem,
Vandenhove, Serruys, Desmanet de Biesme, Angillis et de Gerlache.
Ont voté contre : MM.
Vergauwen, C. Rodenbach, d’Huart, Jaminé, Corbisier, d’Hoffschmidt, Rogier,
Pirson, Dams, Gelders, Watlet, Jamme, Leclercq, H. de Brouckere, Jullien,
Tiecken de Terhove, Destouvelles, de Haerne, Blargnies, Gendebien, Desmet,
Domis, Lardinois, de Meer de Moorsel, Jacques, Seron, Coppens, Fleussu, Davignon,
Berger, Dubus, Helias d’Huddeghem, A. Rodenbach, Dumortier, de Robaulx, Liedts,
Goethals et d’Elhoungne.
M. le président. - Conformément au règlement, j’invite MM.
Rouppe et Nothomb à expliquer les motifs qui les ont fait s’abstenir.
M. Rouppe. - Messieurs, je
croyais avoir développé suffisamment les motifs de mon abstention, qui
d’ailleurs a reçu une publicité entière.
L’homme qui se trouve
sous le poids d’une injuste condamnation, s’il est doué d’une certaine force
d’âme, ne se débat point contre l’exécuteur. Protestant contre l’arrêt inique,
il pose sa tête sur le bloc et succombe noblement.
Eh ! messieurs, ne
croyez pas que, par un inutile refus, je veuille exposer mon pays aux maux dont
on nous menace. Ceux qui ont pu nous dicter le prétendu traité de paix ne se
feraient aucun scrupule de l’exécuter violemment. Ils ont pour eux la force,
ils n’argument que par la force.
Comme représentant de
la nation, je me soumets aux 24 articles ; mais je ne saurais les accepter, et
l’adhésion à intervenir en vertu de la loi projetée emporterait, à mon sens,
acceptation indirecte, surtout si cette adhésion était accompagnée de réserves
et conditions desquelles la russe diplomatie se hâterait de nos concéder la
plus innocente pour en tirer contre nous la conséquence d’un consentement
volontaire sur le, tout.
M. Nothomb. - J’ai exposé dans mon discours les motifs de mon
adhésion, je ne pourrais que me répéter ; j’avais d’avance satisfait au
règlement à cet égard.
La séance est levée à
deux heures.