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Chambre des représentants de Belgique

Séance du mardi 27 décembre 1831 (séance de l’après-midi)

 

Sommaire

1) Pièces adressées à la chambre, notamment rapport ministériel sur les pétitions de tirailleurs francs.

2) Projet de loi portant le budget sur pied de guerre du budget du département de la guerre pour l’exercice 1832 (Brabant)

3) Projet de loi  portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1832. Proposition de ne voter les recettes que pour une partie de l’année en attendant une révision générale du système d’impôt (Pirson, Gendebien, Coghen, (+service de la poste) (A. Rodenbach, Coghen), Pirmez, Gendebien, de Theux, d’Elhoungne, Barthélemy, Duvivier, Gendebien, Duvivier, d’Elhoungne, Angillis, Gendebien, Angillis, Ch. de Brouckere, Jullien), droit de leges (Dumortier, Coghen, Ch. de Brouckere, Gendebien, Duvivier, Osy, Legrelle, Coghen, Leclercq, Destouvelles, Jullien, Dumortier, Serruys), réduction sur la contribution foncière dans les provinces de Flandres et d’Anvers (Thienpont, Dumortier, Ullens, d’Elhoungne, Gendebien, Ch. de Brouckere, de Nef, Osy, d’Elhoungne), dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg (Coghen, Gendebien), dans les provinces de Flandres et d’Anvers (Bourgeois, A. Rodenbach, Devaux, Legrelle, Leclercq, Destouvelles, Osy, Ch. de Brouckere), patentes sur les bateliers (Gendebien, A. Rodenbach, d’Elhoungne, Barthélemy, Osy, Corbisier)

 

(Moniteur belge n°197, du 29 décembre 1831)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à midi et demi.

M. Jacques fait l’appel nominal.

M. Dellafaille lit le procès-verbal, qui est adopté.

 

PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE

 

M. Jacques analyse quelques pétitions qui sont renvoyées à la commission.

M. Davignon annonce que des affaires pressantes l’empêchent d’assister, pendant quelques jours aux séances ; mais que son absence sera de courte durée.

M. le secrétaire annonce que M. le ministre de la guerre a envoyé un rapport sur les pétitions de quatre tirailleurs francs. Il est renvoyé à la commission des pétitions.

M. Jobard fait hommage à la chambre du dernier numéro de l’Industriel.

 

PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET SUR PIED DE GUERRE DU BUDGET DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1832

 

M. Brabant présente ensuite à la chambre un rapport de la section centrale sur le budget de la guerre pour le pied de guerre. La section centrale, se trouvant dans l’impossibilité d’achever son travail avant le 15 janvier, propose d’accorder un crédit de 2 millions pour les besoins du mois de janvier.

 

PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1832

 

Discussion des articles

 

Article premier

M. le président. - L’ordre du jour est la suite de la délibération sur le budget des voies et moyens. M. Pirson a présenté un amendement ainsi conçu : « Les impôts actuellement existants continueront d’être recouvrés pour 1832, savoir : la contribution foncière pour l’année entière, les autres pour les six premiers mois, etc. »

M. Gendebien. - Je demande la parole pour présenter quelques développements en l’absence de notre honorable collègue M. Pirson. Il est sensible et palpable pour tout le monde que, si nous votons aujourd’hui le budget pour toute l’année, nous ne pourrons espérer d’y voir introduire des améliorations pour 1832. Il me semble qu’il faudrait au moins laisser au peuple, qui a tant souffert, l’espoir que son fardeau sera allégé avant la fin de 1832.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Les inconvénients des crédits provisoires ont été déjà assez démontrés. Je répondrai seulement à M. Gendebien que le gouvernement s’occupe depuis quelque temps des améliorations à introduire dans le système de l’impôt. Des commissions ont préparé en ce moment des projets de lois sur le sel et les distilleries ; la loi des patentes sera aussi révisée, et nous pourront vous présenter une loi financière dans le courant de 1832.

M. A. Rodenbach. - Puisqu’il y a possibilité de nous soumettre un nouveau système de finances endéans les six mois, je sollicite ardemment de nos ministres de bien vouloir réviser une foule de lois financières, informes et incomplètes. La poste aux lettres exige un sévère examen. Cette administration ne rapporte que 800,000 fl., tandis qu’il en coûte à l’Etat 360,000 ; ce qui fait 44 p. c. de frais sur le produit. Passe encore, si ce service public offrait des garanties réelles ; mais la responsabilité n’y est point suffisante. Une lettre contenant des billets de banques a été naguère escamotée : à la vérité, elle n’était point chargée. Le particulier lésé n’a pas droit à être indemnisé, parce qu’on ne peut charger que les lettres, et non point les mandats qu’elles contiennent. Il en résulte que, lorsqu’une lettre s’égare ou est enlevée, on ne peut réclamer que 150 francs, quand même elle contiendrait toute la fortune d’un individu. Il y a eu également des employés fripons à la grande poste de Paris, et tout récemment encore, on vient d’en arrêter un à Bruxelles fortement compromis.

Le système des accises aussi est très vicieux. Examinez les voies et moyens : que rapportent les eaux-de-vie étrangères ? La chétive somme de 80,000 florins ; et cependant la consommation, en Belgique, du cognac, du rhum et des spiritueux étrangers, est très considérable.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - M. A. Rodenbach vient le bien comme nous le voulons tous. Ce qu’il a dit est exact, et je regrette avec lui que l’administration des postes ne soit pas plus productive pour l’Etat. Quant au fait qu’il a signalé, relatif à un billet de banque détourné, je ferai d’abord remarquer qu’il est très imprudent de mettre un billet de valeur dans une lettre non chargée. D’ailleurs ce fait était aussi parvenu à ma connaissance : on a fait des recherches ; on a surpris un employé qui s’emparait des lettres, et il est en ce moment sous la main de la justice.

M. Pirmez. - Je ferai observer, relativement aux abus que vient de signaler M. A. Rodenbach, que chacun de nous a le droit de présenter une proposition de loi pour corriger les vices qu’il aperçoit dans la législation.

M. Gendebien. - On nous parle toujours des inconvénients des crédits provisoires. Je crois qu’il ne pourrait y en avoir que pour la contribution foncière, et encore quels seraient-ils ? Ce serait de donner un peu plus de besogne aux agents de l’administration pour dresser de nouveaux rôles. Mais cela ne doit pas nous arrêter. D’ailleurs il n’y a plus d’obstacle, car M. le ministre vient de nous informer que les projets d’amélioration sont prêts, et il n’y a aucun inconvénient à ce qu’ils soient discuter pour le second semestre de 1832. En attendant que les ministres nous montrent des obstacles insurmontables, je voterai pour l’amendement.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L’inconvénient des crédits provisoires, c’est que leur discussion exige un temps précieux qui ne doit être employé que pour amener un résultat définitif. D’ailleurs, messieurs, vous pouvez toujours voter les voies et moyens, et si plus tard des lois d’amélioration sont adoptées, celle-ci cessera ; cat toujours une loi antérieure finit quand une nouvelle est portée.

M. d’Elhoungne appuie l’amendement , parce que d’ici à six mois le budget des dépenses peut être réglé, et qu’il n’y a aucun inconvénient à fixer une limite.

M. Barthélemy vote contre l’amendement, sur le motif que les lois sur l’organisation provinciale et judiciaire exigeront un temps considérable, et seront à peine finies à la chambre des représentants au bout de six mois. On a signalé, dit-il, des lois comme vexatoires, celles sur le sel et les patentes. Eh bien ! si elles sont révisées avant les six mois, la recette se fera d’après les nouvelles dispositions. Je m’oppose à cette division du budget et deux termes. C’est bien assez d’ouvrage comme cela pour toute l’année. Peu m’importe, d’ailleurs, que les ministres aient plus ou moins de facilité pour dresser les rôles. Je pense que, dans tous les cas ils feront leur devoir : faisons le nôtre. J’ai toute confiance dans MM. les ministres, et je les remercie d’avoir accepté de continuer à supporter le fardeau des affaires dans un moment aussi difficile : s’ils avaient donné leur démission, je crois qu’ils n’auraient pu être remplacés (rires) ; car le pays est pauvre en capacités administratives comme en capacités militaires. Je les remercie encore une fois… (Hilarité générale.)

M. Duvivier dit, relativement à la contribution personnelle, que sur les réclamations qui ont été faites on a remédié, dès la première loi, aux vices de l’expertise qui se fait maintenant tout à l’avantage des citoyens, et qu’aucune plainte n’a eu lieu depuis cette loi. Mais, ajoute-t-il, comment veut-on fixer une limite au gouvernement pour les améliorations des autres lois en matière d’accises ? M. d’Elhoungne, qui est membre de la commission d’industrie chargée de préparer plusieurs de ces lois, sait combien il faut de temps pour les élaborer ; il faut les refaire et les défaire pour concilier tous les intérêts. Celles sur le sel et les distilleries viennent seulement d’être achevées. D’ailleurs, je ferai observer que ces lois ne sont pas à la disposition du gouvernement, puisqu’elles sont entre les mains de commissions spéciales, au sein desquelles les agents de l’administration n’interviennent que sur leur invitation.

M. Gendebien. - Je le répète, on parle bien des inconvénients qu’il y a à diviser le budget en deux termes, mais on n’en signale aucun. Quant aux vices de la loi sur le personnel, relatifs à l’expertise qu’on a fait disparaître, ils n’empêchent pas d’autres injustices plus graves qui s’y trouvent encore, et qui reposent sur la base même de l’impôt. Cette base, messieurs, favorise les riches et accable les classes souffrantes. Vous aurez beau vouloir pallier cet inconvénient, il n’en restera pas moins constant que vous prenez l’argent là où il est en moins grande quantité. Je ne fais que répéter ce qui a été dit tant de fois aux états-généraux. Les observations qu’on a fait valoir alors, et qui étaient de toute justice, doivent, à plus forte raison, recevoir ici leur application.

M. Duvivier. - M. Gendebien demande que nous signalions les inconvénients de diviser le budget ; mais j’ai cité des faits réels ; j’ai fait sentir le danger de mettre de la précipitation dans l’élaboration des projets qui ont pour but d’améliorer, et j’ai dit d’ailleurs que ces améliorations dépendaient de commissions spéciales.

M. d’Elhoungne. - Je dois déclarer ici qu’aucun des membres de ces commissions spéciale n’a entendu accepter la responsabilité de la révision d’un système contre lequel il n’y a qu’un cri de réprobation ; c’est au ministère que reste toute cette responsabilité. Si l’on a invoqué le secours de bons citoyens pour hâter cette révision, et s’ils ont tous répondu à l’appel, ils n’ont pris d’autre engagement que d’éclairer le gouvernement de leurs lumières. Puisque nous en sommes sur cet objet, je rappellerai que les commissions dont il s’agit n’ont pas été convoquées depuis 15 jours.

M. Angillis dit que la loi sur le personnel est injuste et qu’il la flétrira toujours, mais que ce qui l’empêche de se rallier à l’amendement soutenu par M. Gendebien, c’est que l’Etat ne se trouve pas encore constitué, et qu’on ne peut asseoir sur de nouvelles bases le personnel. Si l’on répond à cet argument, il ne fera aucune difficulté de l’adopter.

M. Gendebien. - Notre collègue, M. Angillis, vient de dire que la loi infâme de la contribution personnelle ne pouvait être révisée en ce moment, parce que notre Etat n’est pas définitivement constitué ; je ne comprends pas bien cette objection ; car je ne vois pas la nécessité de prolonger un mal reconnu de tous, parce qu’il plairait au roi de Hollande, qui est très entêté, de nous entraver. A ce compte, nous pourrions rester pendant 40 ans non constitués, et nous ne pourrions faire de loi financière. D’ailleurs, il me semble que cette assertion n’est pas exacte. MM. les ministres nous ont assuré que notre Etat était constitué, que notre indépendance était déclarée par les cinq puissances ; nous savons les charges qu’il nous faut supporter, et notre pacte fondamental est exécuté depuis plusieurs mois ; à moins que M. Angillis ne prévoie un nouveau décret en 24 articles, qui aurait pour but de nous enlever encore quelques provinces ou quelques morceaux de provinces, je ne vois pas pourquoi il dit que nous ne sommes pas constitués.

M. Angillis. - Quand j’ai dit que nous n’étions pas définitivement constitués, j’ai voulu dire constitués en état de paix ; notre indépendance, je le sais, est reconnue ; mais je voudrais voir arriver l’état de paix, qui n’est sans doute pas loin de nous, pour asseoir l’impôt sur une nouvelle base.

M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, dans une dernière séance, j’ai fait valoir quelques raisons pour vous prouver la nécessité de voter le budget des voies et moyens pour l’année entière. J’ajouterai aujourd’hui quelques considérations. Les lois financières ne doivent pas se faire pièce à pièce. C’est un système tout entier qu’il s’agit de concevoir et d’exécuter, si on veut arriver à un résultat quelconque. Quand tout le système sera changé, il restera encore à voir si la réunion totale des impôts à percevoir d’après ce système suffira pour couvrir les dépenses. Je parle ici, messieurs, d’après des antécédents ; il n’y a pas de partie où l’on doive agir avec plus de circonspection qu’en matière de finances, ne fût-il question que du plus petit changement. Je peux en prendre un exemple dans ce qui s’est passé chez nous pendant 15 ans. Vous savez que, sous le gouvernement hollandais, le système financier a été changé trois fois. Nous avons eu le système de 1816, qui remplaça le système français ; ensuite, le système de 1820 ; enfin le système de 1822. Un honorable membre vous a dit quel était la plaie du gouvernement hollandais ; il vous a signalé les causes de ces déficits qui se succédaient rapidement. Eh bien ! messieurs, les causes signalées par l’honorable membre ne sont pas les véritables. La cause réelle, c’est le changement des systèmes financiers. Le gouvernement hollandais n’était pas le dernier à s’en apercevoir ; mais il n’en continuait pas moins, par amour-propre, à persister dans les changements qu’il avait demandés. En s’opiniâtrant, il cachait les déficits existants. Aussi l’entendiez-vous, à chaque présentation de budget, vous dire : « Nous avions compté que telle branche, les accises, par exemple, rapporteraient 20 millions ; elles n’en ont rapporté que 10. Mais cela vient de ce que les employés n’entendaient pas encore parfaitement la loi ; ce déficit sera comblé quand elle sera bien comprise. » Le gouvernement donnait ensuite des ordres en conséquence, et de là des vexations sans nombre de la part des employés pour obtenir de la loi ce qu’elle ne pouvait pas rapporter. Je le répète donc, quelque urgent qu’il soit de changer notre système de finances, quelque mauvais qu’il soit, fût-il même détestable, il fait agir avec circonspection et attendre que le gouvernement ait eu le temps de vous présenter un système complet.

Ici l’orateur rappelle que le gouvernement a nommé une commission pour s’occuper de la réforme du système financier ; et, après avoir insisté sur le long temps qu’il faudra employer à ce travail, il ajoute : Et je suppose que dans trois mois on pût vous présenter un système complet, le discuterez-vous aussitôt ? Non sans doute. Il faudrait le faire connaître aux intéressés ; vous voudriez sans doute permettre aux consommateurs de faire leurs observations. Souvenez-vous qu’en 1820, lors du changement opéré alors, il s’éleva plus de 200 réclamations ; tous les intéressés le combattaient, et après ces contradictions les états-généraux travaillèrent encore le projet pendant plusieurs mois, ce qui n’empêcha pas qu’on ne leur adressât, et avec justice, le reproche de s’être trop hâtés. Aujourd’hui que le sénat n’est plus comme la première chambre des états-généraux, il voudra aussi examiner mûrement le projet, et cela ne contribuera pas peu à prolonger la discussion. Je maintiens que si, dans les six mois, le système général est arrêté, à peine les derniers six mois de l’année suffiront-ils pour le discuter. Je crois donc que tout ce qu’il est humainement possible de faire, c’est d’avoir un nouveau système pour l’année prochaine.

M. Jullien pense qu’il est impossible qu’un nouveau système soit prêt dans six mois. Il votera donc contre l’amendement, par les considérations qu’il a fait valoir hier, en y ajoutant celle-ci : c’est qu’il est probable, même certain, que dans six mois les chambres ne seront pas réunies, et que le gouvernement se trouverait dans l’embarras ou obligé de convoquer les chambres avant le temps.

- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et rejeté.

M. Dumortier se plaint de ce qu’on perçoit encore un droit sous le nom de leges aux douanes, aux entrepôts et dans d’autres administrations. Ce droit est illégal, dit l’honorable membre, et il produit des sommes énormes ; il demande au ministre des finances si la perception doit en être continuée.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - J’ai fait à la chambre un rapport sur cet objet.

M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). Explique ce que c’était que ce droit de leges. Il avait été établi par un arrêté du roi Guillaume en 1814. Il se percevait sur les passeports, les permis de chasse, sur les mandats sur le trésor, etc., etc. Il rapportait des sommes considérables aux employés qui le percevaient à leur bénéfice ; leurs appointements en était souvent doublés. Cette perception illégale a été abolie par le gouvernement provisoire ; on perçoit encore un droit que l’on confond avec celui-là, mais c’est pour frais d’impression, frais de commis, etc., et la loi de 1822 a autorisé la perception de ce droit.

Ces explications sont confirmées par M. Gendebien, qui lit l’arrêté abolitif du droit.

Une assez longue discussion s’engage sur ce droit de leges. M. Duvivier, M. Osy, M. Legrelle, M. le ministre des finances (M. Coghen), M. Leclercq, M. Destouvelles et M. Jullien y prennent part. Il en résulte la confirmation entière des explications de M. le ministre de la guerre.

M. Dumortier demande, par un amendement à l’article premier, que le droit de leges soit perçu au profit du trésor.

Cet amendement, combattu par M. Destouvelles, M. Jullien, M. Serruys et M. Osy, est rejeté.

L’article premier du projet est adopté en ces termes : « Les impôts actuellement existants continueront d’être recouvrés pendant l’exercice 1832, d’après les lois qui règlent l’assiette, sauf les modifications contenues dans les articles 3, 4 et 5 ci-après, et celles qui pourront être apportées ultérieurement.

« La perception de ces impôts est maintenue sur le pied et dans la forme déterminée par les lois qui les régissent.

« Les cents additionnels, perçus pendant l’exercice courant, tant pour le fonds de non-valeur qu’au profit de l’Etat, des provinces et des communes, sont maintenus pour 1832. »

 

Article 2

On passe à la discussion de l’article 2, qui fixe le chiffre total de la contribution foncière à 7,278,111 fl., et qui en fait la répartition entre les provinces.

La section centrale a proposé sur cet article un amendement tendant à diminuer de 5 p. c. l’impôt foncier dans les Flandres.

M. Thienpont propose un amendement tendant à porter la réduction à 10 p. c.

M. Dumortier propose un amendement pour ne faire porter la réduction que sur la Flandre orientale.

M. Ullens. En propose un pour étendre la réduction à la province d’Anvers.

M. d’Elhoungne propose de prélever dans toutes les provinces, les Flandres exceptées, l’impôt foncier d’après les rôles de 1831 : il propose en même temps de convertir en francs et centimes les dénominations de florins et cents, comme devant opérer une réduction de 5 1/2 p. c. sur les traitements des fonctionnaires publics.

M. le président. - M. Thienpont a la parole pour développer son amendement.

Plusieurs voix. - Mais tous ces amendements ont été développés dans la discussion sur l’ensemble.

M. Gendebien. - Il me semble qu’hier, en discutant la loi générale, nous avons discuté amplement ces amendements, et aujourd’hui vous n’entendrez rien de nouveau.

- Nonobstant ces observations, chacun des orateurs précités développe son amendement ; ils sont tous appuyés.

M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) combat celui de M. d’Elhoungne, spécialement comme tendant à priver les communes d’un droit qui leur est acquis, de faire valoir les mutations qui se sont opérées dans l’annéé. Quant à la deuxième partie, l’orateur ne croit pas que l’on puisse improviser accidentellement un changement (deux ou trois mots sont illisibles) il annonce qu’une loi doit être présentée prochainement sur le système monétaire, et c’est alors seulement que la question devra être examinée comme elle mérite de l’être.

M. de Nef. - En matière de contribution foncière, tout le monde, je pense, est d’accord qu’il faut prendre pour base, non l’étendue du terrain, mais bien la valeur de son produit ou revenu.

Dès lors, messieurs, je ne crains pas d’affirmer que dans tout le royaume, il n’est pas une seule contrée qui puisse, autant que la Campine, se plaindre d’être surtaxée ; la contribution foncière y est tellement élevée, que dans plusieurs communes, elle équivaut au cinquième ou sixième du revenu, et que même, en quelques localités, ce taux, quelque exorbitant qu’il soit, se trouve encore excédé.

Quiconque connaît le pays sablonneux de la Campine, ou y possède des propriétés, devra convenir qu’il n’y a pas la moindre exagération dans ce que j’avance ; et au surplus je pourrais facilement, au besoin, en fournir la preuve.

Dans cet état de choses, puisque l’amendement de la section centrale n’est proposé que dans l’intérêt des Flandres seules, et qu’il est d’ailleurs impossible de faire cesser toutes les plaintes, vu que le mal réside surtout dans l’inégalité de la répartition par subdivision, je me vois forcé d’y refuser mon assentiment : ce n’est pas que je veuille contester la surtaxe dont ces deux provinces se plaignent ; mais puisque les opérations du cadastre doivent avoir pour résultat de faire disparaître toutes ces injustices, et que l’on trouve que la Campine peut encore attendre jusque-là, il me semble qu’il peut aussi en être de même des deux Flandres. Si cependant l’amendement de la section centrale venait à être adopté je me propose, dans ce cas, de voter pour l’amendement que l’on a annoncé vouloir déposer dans l’intérêt de la province d’Anvers.

M. Osy appuie l’amendement de M. Thienpont ; il votera subsidiairement pour celui de la section centrale.

M. d’Elhoungne retire la fin de son amendement.

M. le ministre des finances (M. Coghen) propose un amendement ainsi conçu : « Dans les parties du territoire des provinces du Limbourg et du Luxembourg cédées à la Hollande par le traité de paix, l’impôt foncier sera perçu sur les rôles de 1831 par douzième, aussi longtemps que ces provinces seront administrées par le gouvernement belge. »

M. Gendebien. - Je m’oppose à l’adoption de cet amendement. Il ne faut pas habituer trop ces provinces à se considérer comme ne devant plus faire partie de la Belgique. Vous voyez ce qui se passe aujourd’hui dans le Luxembourg ; si ces pays se considèrent déjà comme séparés de vous, vous les livrerez à toutes les intrigues du roi Guillaume, et, quand il s’en sera mis en possession, ou quand il en aura fait prendre possession par les habitants eux-mêmes, Dieu sait ce qui arrivera pour faire évacuer la province d’Anvers. Je demande donc que les habitants du Limbourg et du Luxembourg soient traités comme nous sans discussions. (Appuyé.)

M. Bourgeois présente quelques observations que nous ne pouvons saisir.

M. A. Rodenbach. - Je demande aux ministres s’ils se rallient à l’amendement de la section centrale.

M. Devaux. - Je demande la parole. Je voterai pour le dégrèvement de l’impôt des Flandres, parce que la surtaxe me paraît évidente. Cependant, je regrette que le ministère n’ait pas avisé à une meilleure répartition de l’impôt, alors que les besoins du trésor sont pressants, et qu’il sera, sans doute, nécessaires d’augmenter l’impôt foncier. Au lieu de dégrever les Flandres, j’aurais voulu qu’on établît l’équilibre entre les provinces, en les mettant toutes au niveau des Flandres. C’est à ceux qui sont chargés de prévoir les besoins du trésor à proposer les augmentations qu’ils croient nécessaires. Ce n’est jamais aux députés à faire des propositions semblables. En France elles ne sont faites que par le gouvernement, jamais par les chambres. Je voterai, je le répète, pour l’amendement de la section centrale, parce que je veux l’égalité entre les provinces ; mais j’aurais préféré que cette égalité fût obtenue en élevant l’impôt dans toutes les autres provinces.

M. Legrelle. - Je suis étonné que, trouvant juste de dégrever les Flandres, l’honorable préopinant ne parle pas de la province d’Anvers. (Hilarité générale.)

M. Devaux. - Je suis étonné, à mon tour, de l’interpellation de M. Legrelle. Je ne me considère pas comme député d’une seule province, mais comme député de la nation. C’est dans l’intérêt général que je parle, parce que je veux justice pour tous. Si la province d’Anvers a des droits à réclamer, qu’elle les fasse valoir ; mais je ne me déterminerai que par des considérations d’intérêt général.

M. Leclercq. - On a dit que la province d’Anvers était tout autant et même plus surchargée que les Flandres ; mais la section centrale ne s’est pas guidée sur le tableau que l’on invoque ; car, s’il en eût été ainsi, elle aurait étendu la mesure jusqu’à la province d’Anvers. La section centrale a reconnu que ce tableau ne contenait que des données vagues. Mais la surtaxe était incontestablement prouvée pour les Flandres ; car il était de notoriété publique que plusieurs fois elles avaient réclamé, et que jamais on n’avait prétendu leurs réclamations injustes et mal fondées. Cette notoriété publique n’existait pas pour la province d’Anvers ; dès lors, son droit n’étant pas incontestable, la section centrale ne pouvait prendre sur elle de proposer un dégrèvement à son égard. Un honorable membre a dit aussi que la section centrale avait proposé une diminution de 5 p. c. pour les Flandres, mais qu’elle n’avait pas proposé de les répartir sur les autres provinces. Cela vient, messieurs, de ce que la cause de la surtaxe n’est pas un fait public ; on a dit qu’elle provenait de la réunion qu’on avait faite des deux contributions, savoir : de celle qu’on payait au gouvernement autrichien, et de celle dont les provinces étaient autorisées à s’imposer elles-mêmes. Mais les mêmes causes ou d’autres n’ont-elles pas pu aussi faire surtaxer les autres provinces ? Tout parlait en faveur des Flandres, mais ce n’était là qu’une présomption favorable ; et sur une simple présomption on peut bien décharger une province, mais on ne peut en charger d’autres.

M. Legrelle. - Il est étonnant que M. Leclercq, qui est un ancien membre distingué des états-généraux… (Rire général.)

Plusieurs voix. - Il n’en a jamais fait partie.

M. Legrelle. - Il n’en est pas moins vrai que M. Leclercq aurait dû savoir que la province d’Anvers avait réclamé. Je puis donner l’assurance qu’elle a toujours réclamé, et la présomption qui existe pour les Flandres devrait existe pour elle.

M. Destouvelles. - J’ajouterai à ce qu’a dit M. Leclercq que ce serait une souveraine injustice que de faire peser sur les autres provinces le dégrèvement qu’on aurait accordé à l’une d’elles ; car de ce qu’une province paie trop, il n’en résulte pas que les autres ne paient pas assez.

- La discussion sur l’article 2 et sur les amendements est close.

Après une légère discussion sur la question de savoir de quelle manière on votera sur les amendements, la chambra adopte l’ordre suivant :

L’amendement de M. Thienpont est le premier mis aux voix et rejeté.

M. Osy propose, par amendement, de faire porter le dégrèvement de 5 p. c. sur la province d’Anvers. Cet amendement est mis aux voix ; après l’épreuve et la contre-épreuve, plusieurs membres demandent l’appel nominal, dont voici le résultat : 34 membres votent pour et 44 contre ; il est rejeté.

Celui de M. Dumortier, qui a pour but de restreindre la diminution de 5 p. c. à la Flandre orientale seulement, est ensuite mis aux voix. D’après l’épreuve par assis et levé, cet amendement semblait être adopté ; mais, par suite de l’appel nominal, il est rejeté par 44 voix contre 32. MM. Helias d’Huddeghem et Legrelle s’abstiennent de voter : l’un, parce qu’il est convaincu que la Flandre occidentale est aussi surtaxée que la Flandre orientale ; et le second, parce qu’il trouve que l’amendement le place dans une fausse position.

Ensuite, l’amendement de la section centrale est mis aux voix et adopté à une évidente majorité, après l’épreuve et la contre-épreuve par assis et levé.

M. le président se dispose à mettre aux voix l’amendement de M. d’Elhoungne, restreint aux premier et deuxième paragraphes.

M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) propose cette rédaction : « Le principal de la contribution foncière des provinces d’Anvers, de Liége, du Brabant, du Hainaut, du Limbourg et du Luxembourg, reste fixé pour 1832 comme pour 1831.

« Pour les provinces de Flandres, le principal de la même contribution, réduite à 5 p. c. pour 1831, formera le contingent de 1832. »

- Cette rédaction est mise aux voix et adoptée.

 

Article 3

On passe à l’article 3 relatif aux patentes, amendé par la commission.

M. Gendebien propose de suivre, à cet égard, la loi de frimaire an VII.

M. A. Rodenbach appuie cette proposition.

- Elle est rejetée.

M. d’Elhoungne propose un autre amendement, ainsi conçu :

« Les bateaux étrangers employés au transport des charbons de terre paieront les mêmes droits que les nationaux. »

Après une légère discussion, à laquelle prennent part M. Barthélemy, M. Osy et M. Corbisier, M. d’Elhoungne déclare le retirer.

- L’article 3, amendé par la section centrale, est adopté.

Sur la proposition de M. le ministre des finances (M. Coghen), la chambre décide qu’elle se réunira en séance du soir à huit heures.

La séance est levée à quatre heures et demie.

_________________

Noms de MM. les représentants absents sans congé à la séance du 27 décembre 1831 : MM. Rouppe, de Foere, de Robaulx, d’Hoffschmidt, Pirson, Seron, Tiecken de Terhove.

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