Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 23 janvier
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative aux biens des
fabriques d’église et des établissements de charité (proposition Brabant-Dubus)
3) Interpellation relative à une atteinte portée
à la liberté de la presse par une autorité militaire (+orangisme à Gand) (Ch. de Brouckere, de Robaulx,
de Haerne, Gendebien, Osy, Raikem, Barthélemy,
Gendebien, Angillis, Legrelle, Ch. de Brouckere,
d’Elhoungne, Jullien, Raikem, Fleussu, de Robaulx, Leclercq, Destouvelles, A. Rodenbach,
Pirson, Leclercq, Gendebien, de Muelenaere, Gendebien, de Muelenaere, Pirson, A. Rodenbach, d’Elhoungne)
4) Mise en œuvre de la loi d’emprunt de 10
millions de florins (Jonet, Coghen,
H. de Brouckere, Poschet, de Theux, Duvivier, Delehaye, Dumont, Devaux, Corbisier, d’Elhoungne, Gendebien)
(Moniteur
belge n°25, du 25 janvier 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à une heure.
M. Lebègue fait l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Lebègue analyse
les pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. H. Vilain XIIII fait hommage à la chambre d’une brochure sur les inondations des
Flandres.
M. Goethals réclame contre la
sévérité de la chambre qui lui a refusé le congé qu’il a demandé. Il rappelle
son assiduité aux séances, et informe ses collègues que des occupations de la
plus haute importance le retiennent encore chez lui, mais qu’il se rendra sous
peu de jours à son poste.
PROPOSITION DE LOI
RELATIVE AUX BIENS DES FABRIQUES D’EGLISE ET DES ETABLISSEMENTS DE CHARITE
M. le président annonce que les sections ont autorisé la lecture du
projet de loi sur les biens des fabriques, et de celui sur les biens de
établissements de charité.
M.
Brabant et M. Dubus
lisent successivement ces deux propositions.
- Les
développements en sont ajournés à vendredi prochain.
INTERPELLATION RELATIVE
A LA PASSATION D’UN MARCE MILITAIRE (MARCHE HAMBROUCK)
M. le président. - L’ordre du jour appelle les explications de M. le
ministre de la guerre sur l’arrêté du général Niellon.
M. le ministre de la guerre (M. Ch.
de Brouckere). - Messieurs, j’aime à croire que la chambre reconnaît
la nécessité et la légalité de la mise en état de siège dans des circonstances
extraordinaires de guerre, qu’elle approuve une pareille mesure quand elle est
justifiée par le voisinage de l’ennemi et l’importance de la position
militaire.
Avant que je
n’arrivasse au ministère de la guerre, et postérieurement à la promulgation de
la constitution, Anvers avait été mis en état de siège. Le décret du 24
décembre 1811 y avait été exécuté sans que personne, soit dans le congrès, soit
au-dehors, eût élevé la voix contre cette mesure. (Mouvement d’attention.)
Le 20 et le 21
décembre, le général Niellon m’instruisit que l’on mettait tout en œuvre à Gand
pour empêcher la garde civique de se réunir, pour l’engager à désobéir à
l’ordre de départ ; qu’immédiatement après le départ du premier régiment de
chasseurs à cheval un complot devait éclater : il me transmis une délibération
des différents chefs d’armes, demandant la mise en état de siège.
Je répondis, le
21, qu’en vertu du décret de 1811 le général Niellon était autorisé à mettre
les places en état de guerre ; que, pour ce qui était de l’état de siège, il
était le seul juge compétent pour déterminer si la ville était dans un des cas
prévus par l’article 53 du décret.
Le lendemain, par
un nouveau rapport, j’appris que des hommes armés avaient parcouru les rues
tumultueusement et tambour battant ; que des individus avaient suivis en les
excitant à la révolte ouvertement ; que des coups de fusil avaient été tirés
sur plusieurs points, et que, sans le concours de deux bataillons, l’affaire
eût pu devenir sérieuse.
A ce rapport était
joint une résolution signée par les gouverneurs civil et militaire, le colonel
chef d’état-major, le colonel commandant de place, le colonel chargé de
l’organisation de la garde civique, l’intendant militaire, le procureur du Roi,
le commandant du génie et de l’artillerie. Cette résolution portait que le seul
moyen à employer pour mettre la ville de Gand à l’abri des maux dont elle était
menacée, était la mise en état de siège. L’arrête du général Niellon était
joint à ces pièces.
Les communications
entre le gouvernement et la place de Gand n’étant pas interrompues, je crus
qu’il était nécessaire, aux termes de l’article 53 du décret impérial du 24
décembre 1811, que la mise en état de siège fût confirmée par arrêté royal et
qu’un ministre en prît la responsabilité ; je l’assumai sur ma tête, en
contresignant l’arrêté du 23 octobre qui approuve la mise en état de siège.
Messieurs, j’ai
compris l’article 53 en ce sens que les cas énumérés où le commandant supérieur
d’une place peut la déclarer en état de siège supposaient un danger actuel, et
n’investissaient cet officier d’une autorité aussi immense qu’en raison de
l’imminence du danger ; que hors de là le chef de l’Etat seul pouvait agir, et
que son action même avait pour limites la nécessité. Je n’ai jamais eu la
pensée que ce pouvoir était discrétionnaire, que c’était une arme qu’on pouvait
manier à volonté. Le droit cesse où commence l’abus. Vous êtes institués,
messieurs, pour faire justice des abus ; les ministres en sont responsables.
Le décret de 1811
n’est point de ceux qui sont rapportés par le fait de la promulgation de la
constitution ; le congrès lui-même en a décidé ainsi, sur l’interpellation d’un
membre, lors de la discussion de l’article 138. D’ailleurs, l’article 68
confère au Roi le droit de faire la guerre. On a voulu nécessairement lui en donner
les moyens, et, dans une guerre défensive, l’un des principaux, des plus
indispensables, est la mise en état de guerre ou en état de siège des places
menacées ou exposées aux surprises de l’ennemi. Dans de pareils cas, l’autorité
doit être concentrée dans une seule personne ; les moyens de répression doivent
être prompts ; il y va de l’existence du pays.
Si l’article 138
avait aboli le décret de 1811, il eût virtuellement détruit les pouvoirs donnés
au Roi par l’article 68.
Messieurs, après
vous avoir rappelé dans quelles circonstances et en vertu de quelles
dispositions j’ai contresigné l’arrêté du 23 octobre, permettez-moi de vous
entretenir des instructions que j’ai transmises au général Niellon ; elles
détruisent les accusations dont on se plaît à poursuivre le ministre. Dès le
premier jour, je recommandai la plus grande modération dans l’exécution, et de
ne pas faire sentir aux habitants leur changement de position autant que cela
serait possible ; dans toutes les occasions, et par une fausse délicatesse, je
priai de ne pas faire attention aux attaques du Messager, précisément parce que j’étais le point de mise de ses
attaques.
Le 14 novembre,
j’écrivis à la régence de Gand : « Vous pouvez être persuadés que le
gouvernement a l’œil ouvert sur les démarches de ses agents ; que, déplorant
lui-même les mesures de rigueur imposées par l’état de guerre, il veille avec
d’autant plus de soin sur la conduite des hommes investis du pouvoir dans les
places en état de siège, et que, si des abus d’autorité avaient lieu, je serais
le premier à les repousser. »
Le 16 janvier, je
m’exprimais ainsi dans une lettre au général Niellon : « Général, je viens
de recevoir votre dépêche d’hier ; je regrette d’apprendre que vous ayez été
forcé d’en venir à des mesures de rigueur. Votre esprit conciliant était,
jusqu’ici, parvenu à faire envisager la mise en état de siège comme une simple
formalité ; aussi, je suis persuadé qu’il vous a fallu des motifs graves pour
user des pouvoirs que vous donne le décret du 24 décembre.
« N’ayant
aucune connaissance des articles incriminés, je ne puis apprécier la nature de
l’accusation, etc. »
Le Messager de Gand, lui-même,
m’autorisait à tenir ce langage ; dans un article en date du 25 décembre, il
s’exprimait ainsi : « L’arbitraire, grâce aux mains auxquelles on l’a
confié, a revêtu des formes si décentes et si polies, que la légalité comme la
comprennent certains hauts magistrats nous effraierait à coup sûr
davantage. »
J’arrive,
messieurs, à l’interpellation de l’honorable M. Gendebien, et je me félicite du
silence que j’ai gardé dans la dernière séance. Ami des libertés publiques,
longtemps défenseur acharné de celle de la presse, j’eusse gémi sur des mesures
préventives, j’eusse dû les blâmer ; mais il m’est impossible de croire que jamais
le général Niellon eût, sans un péril extrême, porté atteinte aux libertés pour
lesquelles il avait combattu, et qu’il avait gravement coopéré à conquérir. Je
ne crois pas même que l’idée d’établir la censure fût jamais entrée dans son
esprit. Je ne m’étais pas trompé.
Le 21, je reçus un
long rapport sur ce qui se passait à Gand, et les explications sur l’arrêté du
17 janvier. En voici un passage : « Et d’abord la censure n’est pas plus
dans cet arrêté que dans ma pensée. Il ne s’est jamais agi de soumettre aucun
imprimé à l’examen préalable ; j’ai même eu soin, pour qu’on ne se méprît pas
sur mon intention, de faire prévenir par le commandant de la place tous les
éditeurs des journaux existants, que leurs feuilles pouvaient paraître comme
par le passé. Je n’y mettais que la condition de me faire connaître les nom,
qualité et demeure de l’éditeur réel, parce que, le sieur Stéven ayant été
arrêté pour les motifs détaillés dans son acte d’accusation, son imprimerie
n’en était pas moins restée en activité, et qu’il n’en était pas moins sorti
des journaux, des pamphlets tout aussi incendiaires que les précédents, avec
son nom au bas ; desquels lui Stéven déclinait la responsabilité, n’y ayant
pris, déclarait-il, aucune participation. Il m’était indispensable de savoir à
qui m’en prendre de telles publications ; voilà pourquoi, armé des pouvoirs que
donne l’état de siège, j’ai exigé une autorisation que je n’aurais refusée à
personne, qu’aurait obtenue le Messager
de Gand lui-même, s’il eût offert un éditeur responsable à la place du
sien, qui déclarait ne plus l’être en ce moment. »
Le lendemain 22,
et pour les motifs exprimés dans l’acte même, le général Niellon m’envoya
l’arrêté dont la teneur suit :
« Le général
commandant la division des Flandres,
« Voulant
éviter toute fausse interprétation et n’ayant pas eu l’intention d’établir la
censure, mais de prévenir que des écrits périodiques paraisent sous des noms
supposés ;
« Revu
l’arrêté du 17 janvier courant ;
« Vu l’état
de siège de la place ;
« Vu les
articles 92, 95, 101, 102 et 103 du décret impérial du 24 décembre 1811,
« Arrêté :
« Art. 1er.
Tous les journaux et écrits périodiques peuvent être imprimés et distribués
comme par le passé, à la seule condition que les éditeurs fassent connaître au
commandant de place leurs noms et domiciles.
« Art. 2. les
délits contre la sureté de l’Etat, commis par la presse aussi bien que par
d’autres moyens, continueront à être jugés par le conseil.
« Gand, le 22
janvier 1832.
« Signé,
Niellon. »
Voilà, messieurs,
l’explication des actes. Voici les faits qui les ont provoqués. (L’attention redouble). Si la chambre
n’est pas satisfaite du narré que je vais lui faire, si elle crois que
j’exagère, je lui demanderai de se constituer en comité et lui donnerai lecture
des pièces ; mais elle sentira qu’en ce moment je ne puis les livrer à la
publicité.
On a commencé par
répandre un appel du prince d’Orange aux troupes belges, à insinuer que les
officiers perdraient ici leurs grades à la paix, tandis qu’ils les
conserveraient en Hollande. Ce moyen, je le sais, était par trop absurde pour
faire des dupes ; d’une part, la constitution garantir aux militaires leurs
grades, honneurs et pensions ; de l’autre, on ne parviendra pas à faire croire
à un officier, si toutefois il s’en trouvait un seul capable de trahir,
qu’ayant gagné, par ce qu’on appelle la révolte, un ou deux grades, il serait
admis à commander ceux qui sont demeurés sous les drapeaux de l’ennemi et
qu’’on appelle « les fidèles » en Hollande.
Mais, près du
soldat, les moyens de corruption ont été employés avec plus d’adresse et de
perfidie : tous les jours on placarde, dans les environs des casernes, des
provocations à la désertion ; dans les cabarets on prêche hautement la révolte,
ailleurs on fait croire au soldat qu’il est vendu par ses chefs ; et ce moyen a
malheureusement réussi sur l’esprit de quelques hommes, qui, par suite de ces
menées, se sont rendus coupables de rébellion et ont été traduits devant un
conseil de guerre.
On répandait en
même temps le bruit, et on appuyait ce bruit par des écrits, que la conférence
avait nommé le prince d’Orange gouverneur général de la Belgique, et que
Léopold allait être rappelé à Londres. (Hilarité
générale). On alla plus loin ; car on poussa les choses jusqu’à avertir
l’autorité, pour paralyser son action, qu’un courrier, porteur de cette
résolution, avait passé par la ville de Gand. Si vous rapprochez tous ces
faits, et ceux qu’il me reste encore à vous faire connaître, vous concevrez
aisément que le commandant de la ville de Gand, sur lequel pèse une immense
responsabilité, ait pu croire à l’existence d’un complot et ait prit toutes les
mesures nécessaires pour les déjouer.
Pendant que ces
bruits circulaient, on essayait d’introduire de la poudre dans la ville : deux
barils y entrèrent clandestinement. Les employés de l’octroi les ayant arrêtés,
le conducteur fit tous ses efforts pour les séduire à force d’argent, ; il n’y
put réussir. On lui demanda d’où venait cette poudre, il dit qu’il n’en savait
rien : un charretier la lui avait remise sur la route de Bruxelles, en le
priant de la porter jusqu’à Gand. On lui demanda le nom du destinataire, il
l’ignorait. Pressé de questions, il dit enfin qu’on saurait le nom du
destinataire chez le commandant d’armes : on l’y conduisait ; malheureusement,
dans le trajet il parvint à s’évader. Enfin, messieurs, plusieurs fois des
coups de fusil ont été tirés sur les sentinelles de la citadelle. Ces faits,
corroborés de rapports venus de l’extérieur, d’où résultait que des envois
considérables d’argent avaient lieu pour semer la corruption partout où cela
était possible ; ces faits, dis-je, étaient bien suffisants pour provoquer des
mesures énergiques.
Sans
doute, tout cela ne permet de douter, ni de l’esprit de l’armée, ni de celui de
la population ; mais il en résulte évidemment qu’une poigné de malveillants
cherchent à semer à prix d’argent la division dans la troupe, et à tenter en
dernier effort en faveur de la famille déchue.
Messieurs, si
malgré ces faits il pouvait résulter quelque blâme de votre jugement, qu’il
retombe tout entier sur le ministre qui se déclare responsable des mesures
prises par le général Niellon ; mais qu’il n’en rejaillisse rien sur un
militaire aussi dévoué que courageux, sur qui pèse une responsabilité immense,
et auquel est confié un poste à la fois important et périlleux.
M. de Robaulx. - Je crois inutile de me
livrer à une longue discussion sur l’objet qui nous occupe ; mais je dois
déclarer que l’arrêté du général Niellon, dont M. le ministre de la guerre
assume sur lui la responsabilité, est tout bonnement un acheminement ; je me
trompe, une amélioration dans la voie arbitraire. Que l’on s’appuie sur un
décret impérial que j’appelle, moi, un décret de l’absolutisme, pour soutenir
une mesure produite sous un régime constitutionnel, c’est ce que je ne conçois
pas. Par un second arrêté, le général Niellon n’a fait que pallier un des torts
du premier. Il déclare qu’il n’a pas voulu rétablir la censure, parce qu’il a
senti que c’était violer la constitution ; mais il y a encore dérogé sous un
autre point, en portant atteinte à la liberté individuelle. Les articles du
sieur Stéven ont pu blesser la susceptibilité de tel ou tel ministre. (Interruption… Oh ! oh !) Oh ! oh ! J’ai
lu ces articles, et je puis en parler ainsi ; mais ce n’était pas une raison
pour agir comme on l’a fait à son égard.
L’orateur soutient
que la loi sur la presse ne permet pas d’emprisonner préalablement et qu’on
ordonne que les délits de la presse soient soumis au jury. Ensuite, si l’on
admet que la constitution a pu abroger, comme de fait elle a abrogé, toutes les
lois et arrêtés antérieurs qui lui sont contraires, il en résulte qu’on ne peut
se servir de ces lois et arrêtés pour établir une espèce de cour prévôtale, et
pour donner à l’autorité le droit de suspendre la constitution.
Or,
il est certain que l’autorité militaire l’a suspendue, c’est-à-dire l’a
entravée dans une de ses parties. Il cite plusieurs articles de la loi de 91,
portée par l’assemblée constituante, et dit que d’après cette loi il n’y a état
de siège que lorsque la place est investie, et que, pour déclarer la guerre, il
fallait un décret du corps législatif. Mais, parce que dans une ville en état
de siège la police appartient au commandant de place, ce n’est pas une raison
pour conférer à l’autorité militaire le droit de juger la presse. Ce n’est pas,
ajoute-t-il, dans un décret de Napoléon que nous devons chercher les règles qui
nous sont tracées, c’est dans la constitution. Il termine en disant qu’on peut
traduire devant le jury celui qui s’est rendu coupable d’un délit de la presse,
mais qu’envahir brutalement, comme on l’a fait, l’imprimerie d’un éditeur de
journal, arrêter et emprisonner préalablement un écrivain, c’est une mesure
d’arbitraire et d’injustice, dont le gouvernement de Guillaume lui-même n’offre
pas d’exemple.
(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1832)
M.
l’abbé de Haerne. -
Liberté en tout et pour tous, telle a toujours été ma devise ; c’était aussi la
devise des trois ou quatre cent mille pétitionnaires, c’était la devise des
unionistes qui ont fait la révolution. Liberté pour les saint-simoniens comme
pour les catholiques, liberté pour les orangistes comme pour les patriotes ; et
répression des délits d’après les lois constitutionnelles.
La ville de Gand a
été mise en état de siège pour prévenir un mouvement contre-révolutionnaire, et
cet état de siège a donné lieu à des mesures inconstitutionnelles. Si la mise
en état de siège est, de sa nature, contraire à la constitution, ce que je ne
crois pas, il faut que la législation sur cette matière soit modifiée et mise
en rapport avec nos principes constitutionnels ; car il ne peut être permis de
s’écarter dans aucun cas, et sous aucun prétexte, de notre pacte fondamental.
Tel est le système libéral que la révolution a fait naître en Belgique, tel est
le régime sorti des barricades : la liberté est une dette que nous devons à tout
le monde, et que nous ne pouvons pas même refuser à ceux qui ne la veulent pas
pour nous. Ceux-ci, comme les meilleurs citoyens, ne sont soumis qu’aux lois
communes.
La liberté est
bonne, dit-on, en temps de paix ; mais en temps de guerre elle est
impraticable. On en conclut qu’il faut suspendre la constitution en temps de
guerre ; et comme, avant que la guerre arrive, il faut un certain laps de temps
pour s’y préparer, et, après qu’elle a eu lieu, un certain laps de temps pour
se tenir en garde contre de nouvelles attaques, il s’ensuivrait que l’état de
suspension de la constitution deviendrait la règle, et le régime
constitutionnel l’exception. Une fois qu’on autorise le gouvernement à porter
l’atteinte la plus légère à la constitution, on met toutes les libertés en
question. C’est ainsi que Napoléon a foulé aux pieds tous les droits
constitutionnels de la France, et qu’il l’a courbée avec le reste de l’Europe
sous un despotisme commun. On dit que la constitution ne suffit pas à la sûreté
de l’Etat : d’abord, je le conteste, et pour le temps de guerre et pour le
temps de paix ; car l’article 19 qui défend les rassemblements tumultueuse à
huis-clos, et soumet les rassemblements en plein air aux lois de police,
accorde au gouvernement plus de pouvoir
qu’il n’en fait pour maintenir l’ordre public.
Mais, quand on dit
que le régime de la liberté ne peut pas se concilier avec la tranquillité de
l’Etat, comprend-t-on bien tout ce qu’on dit ? Comprend-on que c’est dire que
la liberté ne se suffit pas à elle-même ? Oui, messieurs, parler ainsi c’est se
moquer de la liberté, c’est faire une satire sanglante contre la révolution.
C’est là un
blasphème que vous n’entendrez jamais sortir de ma bouche. Je dirai à ceux qui
osent le proférer : Pourquoi avez-vous donc secoué le joug de Guillaume ? Que
ne demandez-vous à retourner sous son sceptre de fer ? Alors vous auriez de
l’ordre ; l’ordre règnerait à Bruxelles comme il règne à Varsovie.
La
liberté de la presse est, à mes yeux, de toutes les libertés constitutionnelles
la plus précieuse, parce qu’elle est la garantie et la sauvegarde de toutes les
autres. Voyez cependant, messieurs, quelles pourraient être les conséquences de
l’état de siège établi sur le pied de celui de Gand. La ville d’Anvers est
aussi en état de siège ; on pourrait donc y établir la censure ou d’autres
mesures préventives comme à Gand ; car, malgré les assertions du ministre de la
guerre, il reste toujours que la liberté de la presse a été violée. Les
orangistes qui ont intérêt à dépopulariser la révolution et par conséquent à
détruire une à une toutes nos libertés et à faire oublier les griefs du roi
Guillaume, contre lesquels toute la nation s’est soulevée, les orangistes, dis-je,
n’auraient qu’à faire à Liége et puis à Bruxelles ce qu’ils ont fait à Gand,
pour y voir entraver la liberté de la presse et pour anéantir ainsi directement
une de nos libertés les plus précieuses. Qu’il ferait beau, messieurs, pour le
roi de Hollande, le jour où toute la Belgique serait mise dans un tel état de
siège ! Il se dirait sans doute : Il faut que les Belges recommencent à
pétitionner comme ils ont pétitionné contre moi.
Non, messieurs,
nous ne pouvons pas tolérer un tel abus de pouvoir, nous ne pouvons pas
autoriser le gouvernement à violer la constitution. Ce serait renoncer à notre
plus bel apanage, ce serait renier notre existence.
(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1832)
M. Gendebien. - J’ai entendu avec plaisir M. le ministre de la
guerre déclarer qu’il reconnaissait l’illégalité de l’arrêté du général
Niellon, en ce qu’il rétablissait la censure. J’aime à croire que ce n’était
qu’une erreur, et je suis disposé à l’indulgence envers un honorable militaire
qui a tant de titres à l’estime publique. Mais qu’on y prenne garde, ce qui est
erreur aujourd’hui deviendra crime demain. Je le répète, j’aime à penser que
l’intervention de ce général et du ministère n’est pas un essai vers
l’arbitraire, mais je dois dire qu’aucun citoyen ne peut être incarcéré
qu’après les formalités prescrites par la loi ; et, d’après un article de notre
constitution, aucun citoyen ne peut être distrait, contre son gré, du juge que
la loi lui assigne.
Or,
les juges naturels se trouvent dans les tribunaux ordinaires et non dans les
conseils de guerre. Cependant des poursuites ont été intentées contre le
directeur du Messager de Gand, qui
est traduit devant un conseil militaire ; je dois déclarer que, si ces
poursuites continuent sous cette forme illégale, je ne pourra plus croire que
c’est une erreur ; je regarderais cela comme un crime contre la constitution.
Quant aux motifs qui ont amené la mise en état de siège, je ne puis aujourd’hui
me prononcer. J’invite M. le ministre de la guerre à déposer au greffe son
rapport et les pièces qu’il a lues, et, après les avoir examinées avec calme et
attention, nous verrons s’il y a lieu de
faire une motion d’ordre à cet égard. Les circonstances graves dans lesquelles
se trouve le pays ne permettent pas de discuter aujourd’hui ; mais, en
attendant je réitère mon invitation à M. le ministre de déposer les pièces au
greffe, et je désirerais qu’il nous donnât toutes les explications nécessaires,
dût la chambre se former en comité général. Du reste, les inquiétudes, les
terreurs que l’on ressent en ce moment proviennent de ce qu’on a étouffé la
révolution. Si l’on n’avait pas découragé tous les patriotes, si l’on n’avait
pas renvoyé sans pain de braves officiers, ces inquiétudes n’existeraient pas.
Les doctrinaires disent maintenant que la révolution est finie. Non, messieurs,
elle n’est pas finie, le fait qui vient d’avoir lieu prouve que l’on a encore
besoin de l’énergie du peuple. Pour en revenir à la mesure en discussion, vous
vous jetez dans une carrière funeste contre ce que vous appelez les orangistes.
Il ne faut mécontenter aucun parti, tant qu’il n’y aura pas crime. Quand il y
aura crime, sévissez alors ; sans cela, la nation ne vous secondera pas, et,
sans l’appui de la nation, un gouvernement ne peut pas exister. Je n’en dirai
pas davantage, car je craindrais d’aller trop loin.
M. Osy déclare que l’arrestation arbitraire du directeur du Messager de Gand est une violation de la
constitution, et qu’il espère que le prévenu sera traduit devant les tribunaux
civils.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne soumettrai que de
courtes observations à la chambre. Je crois que, d’après les explications
données par mon honorable collègue M. le ministre de la guerre, il ne peut plus
rester de doute raisonnable que la mise en état de siège, lorsqu’on se trouve
en état de guerre, rentre dans l’article 68 de la constitution. Maintenant on
s’est appuyé sur la loi de l’assemblée constituante et on a dit qu’il fallait
un décret du corps législatif pour la déclaration de guerre.
Mais nous sommes
aujourd’hui sous une autre législation. D’après l’article 68 de a constitution,
le Roi a le droit de paix et de guerre ; l’état de guerre dépend donc de la
seule volonté du Roi. Il résulte de là que, par la seule volonté du Roi aussi,
une ville peut être déclarée en état de siège, car la guerre peut nécessiter la
mise en état de siège ; et le Roi est juge de cette nécessité. Il faut en
conclure que l’arrêté du 24 décembre 1811, qui est le dernier état de la
législation, est en pleine vigueur ; ainsi, sous le rapport du droit que l’on a
eu de mettre en état de siège la ville de Gand, il ne peut y avoir le moindre
doute.
On a fait deux
objections principales, auxquelles je répondrai brièvement. La première est
celle-ci : on a arrêté le sieur Stéven avant de l’avoir jugé, tandis que la loi
de la presse interdit l’arrestation préalable d’un journaliste ou de l’auteur
d’un écrit incriminé. La seconde consiste à dire que, d’après la constitution,
les délits de la presse devant être jugés par le jury, ce n’est pas d’un
conseil de guerre que le sieur Stéven est justiciable. J’observerai d’abord que
ce dernier point se rattache à un cas particulier qui sort du domaine de la
législature, et qu’elle n’est pas compétente pour le décider ; mais je passe à
la réfutation de la première objection. L’emprisonnement préalable ne peut pas
avoir lieu, dit-on, en matière de presse : c’est là une erreur. Il est très
vrai que, quand il ne s’agit que d’un simple délit de la presse, délit qui ne
pourrait entraîner qu’une condamnation à une peine correctionnelle,
l’emprisonnement préalable est défendu ; mais il en est autrement quand il
s’agit d’un crime : alors l’emprisonnement préalable est permis. La loi est
formelle à cet égard, et un crime en matière de presse peut se commettre
facilement : il suffit pour cela qu’on ait provoqué par un écrit à commettre un
crime. Quand dont un écrivain est accusé d’avoir commis un crime par la voie de
la presse, l’emprisonnement préalable est permis ; or, une prévention de crime
pèse sur le sieur Stéven ; donc son emprisonnement préalable n’a rien que de
légal.
La
deuxième objection consiste à dire que le délit dont il s’agit devrait être
jugé par le jury. On a déjà fait observer que, d’après le décret de 1811, dans
une ville en état de siège, tous les pouvoirs des tribunaux ordinaires passent
au conseil de guerre, à moins d’une réserve contraire ; donc, dans le cas
actuel, c’est le conseil de guerre qui doit juger. Mais, dit-on, l’article 98
de la constitution sera violé ; car il dit que le jury est établi en toutes
matières criminelles, et pour délits politiques et de la presse. Cela est vrai
dans les cas ordinaires et en général ; mais la règle posée par l’article 98
reçoit nécessairement une exception par l’application du décret de 1811, et ce
n’est pas la seule, messieurs. Remarquez, en effet, où vous conduirait une trop
stricte interprétation de l’article 98. Toute matière criminelle étant de la
compétence du jury, on pourrait dire que les crimes et délits militaires
doivent aussi être jugés par le jury ; alors les conseils de guerre deviennent
inutiles, ou ils n’auront plus à s’occuper que de simples fautes contre la
discipline. Je termine ici mes observations, en faisant remarquer qu’il s’agit
ici d’un cas particulier que les tribunaux seuls sont aptes à décider, et qui
n’est pas du ressort de la législature.
M. Barthélemy. - J’avais demandé la parole
pour expliquer la loi de la presse, dans le sens que l’a fait M. le ministre de
la justice. C’est moi qui ai eu l’honneur de proposer au congrès la disposition
d’après laquelle il ne pouvait plus y avoir d’emprisonnement préalable pour
délits de la presse ; mais pourquoi ? C’est qu’il était douloureux, et même
absurde et ridicule, d’emprisonner préalablement quand il n’y avait lieu qu’à
une simple condamnation d’emprisonnement. Mais la même loi, dans son article
premier, a conservé les dispositions de l’ancienne législation, pour ce qui
concerne les crimes de la presse : par exemple, quand il s’agit de provocation
à la rébellion, pour laquelle, dans certains cas, elle prononce la peine de
mort ; alors elle permet l’emprisonnement préalable. L’objection qu’on a faite
n’est donc pas fondée. Maintenant, par qui ce crime doit-il être jugé ? Quand
le crime compromet la sûreté d’une place ; par exemple, quand on s’avance à
main armée comme Grégoire, je doute qu’on puisse soutenir qu’l n’y a pas lieu
de renvoyer devant un conseil de guerre. C’est alors à lui de décider s’il est
ou non compétent. Ainsi, si l’on traduit le sieur Stéven devant un conseil de
guerre qui se déclare incompétent, alors il sera renvoyé devant les tribunaux
civils ; si, au contraire, le conseil de guerre se déclare compétent, il lui
sera libre de recourir en cassation. Mais, je le répète, c’est au conseil de
guerre seul qu’il appartient de décider si l’affaire est dans l’ordre de sa
juridiction.
Je ne m’étendrai
pas sur la question de savoir à qui appartient le jugement du crime reproché à
Stéven ; ce n’est pas nous qui pouvons le décider, et rien ne nous est soumis à
cet égard. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu de s’occuper des deux objections
dont il s’agit ; mais je suis d’avis que les pièces soient déposées sur le bureau,
pour que chacun de nous puisse les méditer et voir s’il n’y a pas lieu ensuite
de faire une proposition.
M. Gendebien. - Je désirerais qu’on n’entamât pas une question
aussi délicate avant le dépôt des pièces qu’a lues M. le ministre de la guerre.
Je le crois même nécessaire, pour répondre à l’objection que vient de présenter
M. le ministre de la justice, et qui, selon moi, n’est pas fondée. Mais, dans
tous les cas, avant de la réfuter, il faut s’entourer de tous les renseignements.
M. Angillis. - J’approuve entièrement les
observations de mon honorable collègue M. Gendebien, et j’attendrai pour
émettre mon opinion, que M. le ministre de la guerre nous ait fournit tous les documents
et toutes les explications convenables.
M. Legrelle. - Si la question qui nous
occupe ne se liait pas intimement à des principes d’inviolabilité
constitutionnelle, je ne me hasarderais pas à rompre le silence dans ce moment
critique : mais la constitution que j’ai juré d’observer m’impose le devoir de
protester hautement contre l’application d’une théorie qui tendrait à soumettre
au jugement d’un conseil de guerre les crimes ou délits de la presse. Je rends
grâce au ministre qui a fait révoquer l’arrêté du 17 de ce mois, qui
rétablissait la censure.
M. le ministre de la guerre (M. Ch.
de Brouckere). - C’est le général Niellon qui l’a révoqué de son
chef.
M. Legrelle. - Tant mieux ! J’en exprime
ma reconnaissance au général Niellon ; nous sommes donc rentrés à cet égard
dans la voie légale, et je désire que nous n’en sortions pas en portant les
délits de la presse devant une cour martiale, contrairement aux articles 8 et
98 de la constitution, ainsi conçus :
« Article 8.
Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui
assigne. »
« Article 98.
Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour délits politiques et
de la presse. »
Gardons-nous,
messieurs, de laisser violer des dispositions qui nous assurent le liberté, et
craignons de fournir à nos ennemis des armes qu’ils pourront un jour tourner
contre nous ; craignons de laisser ressusciter, par un lâche silence,
l’horrible tribunal de sang dont un chef militaire imposa jadis les
irrévocables décrets à notre belle patrie. Loin de moi, messieurs, de vouloir
justifier la marche et les opinions du rédacteur du Messager de Gand, ni son prédécesseur de la Sentinelle de sale mémoire ; ces opinions sont diamétralement
opposées aux sentiments religieux et politiques que je professe. S’il était
permis à un homme de se réjouir du malheur qui arrive à ses ennemis, je ne
m’affligerais pas du sort que subissent des écrivains qui ont toujours attaqué
avec cynisme ce que je chéris le plus, car les intérêts moraux me sont mille
fois plus chers que les intérêts matériels ; mais je sais distinguer les
personnes de leurs principes, et je compatis à leurs maux en haïssant leurs
opinions. D’ailleurs, les écrivains incriminés fussent-ils les plus abominables
des hommes, encore ne faudrait-il pas violer à leur égard les principes
conservateurs qui nous garantissent la liberté.
M. d’Elhoungne. - Si je prends la parole,
c’est pour rappeler la proposition qu’a faite M. Gendebien. Je pense que la
discussion est trop grave, trop délicate, pour être abordée en ce moment. Je
demande donc l’impression du rapport et communication de toutes les pièces,
fût-ce, s’il le faut, en comité secret. Il s’agit, messieurs, de la liberté de
la presse, il s’agit enfin de nous soustraire au despotisme militaire ; il est
plus que temps de commencer la lutte, mais préparons-nous-y avec calme, et le
grand jour de la justice viendra. La nation sortira de la stupeur où l’on a
voulu la plonger ; la vérité des principes pour lesquels la révolution a été
faite triomphera, et l’inviolabilité du domicile et la liberté individuelle,
qui ont été indignement violées à l’égard du sieur Stéven, ne seront plus de vains
mots.
M. Jullien. - Je m’étais proposé de
discuter sous toutes les faces l’arrêté du général Niellon, mais son dernier
arrêté et les antécédents de cet honorable militaire m’imposent le silence en
ce moment. Je suis d’avis, comme mes collègues, que les circonstances critiques
où nous nous trouvons exigent la plus grande circonspection, et que la seule
proposition admissible, c’est celle faite par M. Gendebien, tendante à ce que
le ministre de la guerre dépose ses pièces et nous donne les explications
convenables, car celles que nous avons entendues sont encore vagues. Mais je
demanderai en attendant, que M. le ministre de la justice nous dise où en sont
les poursuites contre le sieur Stéven et si l’on a l’intention de le faire
juger par les tribunaux ordinaires ou par un conseil de guerre ; car, quand
nous auront examiné toutes les pièces, il ne sera peut-être plus temps. Je
conçois que, si le sieur Stéven était prévenu d’un crime, on a pu l’emprisonner
préalablement ; mais si on le laissait juger par un conseil de guerre, ce
serait aller trop loin, et je ne crois pas que ce soit l’intention du
ministère.
M. le ministre de la
justice (M. Raikem). - Toutes les explications que je puis donner
résultent d’une lettre écrite par l’auditeur militaire en campagne pour la
division des Flandres. Le sieur Stéven se trouve poursuivi de plusieurs chefs,
et notamment pour avoir, dans le numéro du Messager
du 21 décembre, reproduit l’ordre du jour du prince d’Orange, par lequel on
portait à la connaissance de l’armée que les déserteurs seraient bien
accueillis par les Hollandais ; et, dans celui du 7 janvier, la proclamation du
colonel Cleerens, qui invite les soldats belges à venir s’enrôler dans son
corps, en leur promettant une haute paie : enfin celui où est rapportée la
proclamation faite dans le Luxembourg, par M. de Tornaco. J’observerai d’abord
que celui qui engage les soldats à la désertion se trouve passible d’une
poursuite criminelle. En outre, d’après l’article 65 du code pénal militaire,
celui qui invente où débite des nouvelles tendant à induire en erreur les
militaires peut être de même poursuivi criminellement. C’est donc d’un crime
que le sieur Stéven est accusé. Quant au fond même de la question, relativement
à la compétence, je crois que c’est aux tribunaux à en juger. Si j’ai bonne
mémoire, d’après une loi française, quand quelqu’un se croit distrait de son
tribunal, il peut recourir à la cour de cassation pour règlement de juges ;
mais jusque-là, c’est aux tribunaux seuls à décider s’ils sont compétents.
Quant à la question de savoir si l’on peut emprisonner préalablement quand il y
a crime, il ne peut s’élever à cet égard de contestation sérieuse.
M. Fleussu. - La loi le dit.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - En second lieu, la question
est de savoir si la constitution aurait dérogé d’une manière absolue à
l’article 108 du décret de 1811, relatif à la composition des conseils de
guerre dans les villes en état de siège. J’entends toujours dire : Oui, la
constitution y a dérogé ; mais c’est décidé la question par la question. C’est
un objet important qui dit être mûrement médité ; et, quand il s’agit de
mesures protectrices et qui ont pour but la sécurité de l’Etat, on doit bien
réfléchir avant de se prononcer.
M. de Robaulx. - Je demande la permission à
la chambre de lui lire l’article 65 du code de Guillaume, qu’invoque M. le
ministre et qu’on veut appliquer au sieur Stéven : « Quiconque, militaire
ou autre, invente ou répand des bruits propres à décourager les troupes, sera
puni par la corde. » (On rit.)
Or, je vous le demande, faut-il attendre que le sieur Stéven soit pendu ?
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je vous ai lu la lettre de
M. l’auditeur-général ; mais j’ai cité la loi du 12 décembre 1817, je crois,
qui punit celui qui s’est rendu coupable de ce crime, non pas de la corde, mais
d’un emprisonnement.
M. Leclercq. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. En
présence d’un ennemi qui aux attaques à l’extérieur joint des menées et des
intrigues à l’intérieur, notre position est des plus graves, et exige une
extrême circonspection. C’est dans cet esprit que sont conçues les paroles de
plusieurs de nos honorables collègues, et en dernier lieu de M. Jullien, qui a
demandé le dépôt du rapport et des pièces. Réfléchissez, messieurs, que toutes
nos paroles auront un retentissement dans le pays, et cette discussion aura un
résultat funeste, si nous n’usons pas de prudence et de précaution. C’est dans
le but d’empêcher la précipitation que le règlement a été fait ; c’est surtout
dans les grandes circonstances qu’il faut s’en abstenir ; or, c’est aujourd’hui
le cas ou jamais d’invoquer le règlement. Aucune proposition n’ayant été faite,
il n’y a pas lieu à discuter. Je demande donc que la discussion s’arrêté là, et
qu’on ordonne le dépôt au greffe de toutes les pièces et documents nécessaires.
De toutes parts. - Appuyé ! appuyé ! La clôture ! la clôture !
M.
Destouvelles. - Toutes les observations faites par M. le ministre
de la justice me donnent la conviction intime que la question n’a pas acquis le
degré de maturité convenable pour être discutées en ce moment. Mais s’il y a
des questions de droit ardues, il y en a une autre d’où dépend peut-être la vie
du sieur Stéven, celle de savoir s’il doit être jugé par un conseil de guerre.
En conséquence, outre le rapport et les pièces que nous a lues M. le ministre
de la guerre, je demande que l’on fasse aussi le dépôt de celui de
l’auditeur-général pour la division des Flandres, et que, jusqu’à ce que la
chambre ait pris une résolution digne d’elle et de la constitution, il soit
sursis au jugement du sieur Stéven. (Violents
murmures et agitation prolongée. La clôture ! la clôture !)
M. A. Rodenbach. - Plus de dix membres ont
demandé la clôture.
M.
Pirson. - Je demande la parole.
M. Leclercq. - Je demande qu’on mette aux voix ma motion d’ordre.
M. le
président. - Il y a encore
plusieurs orateurs inscrits.
M. Leclercq. - C’est précisément pour empêcher la discussion que
j’ai fait ma motion d’ordre.
Plusieurs voix. - La clôture aux voix.
M.
Pirson. - je demande à parler contre la clôture.
M. Gendebien. - Si je croyais qu’il y eût
le moindre danger pour le sieur Stéven, j’insisterais pour que la chambre
restât en permanence jusqu’à ce qu’elle eût pris une décision ; mais je suis
certain, d’après le peu de paroles qui ont été prononcées, qu’aucun ministre
n’oserait assumer sur lui la responsabilité de faire juger Stéven, encore moins
de le faire passer par la corde. (Agitation
prolongée.)
M. le ministre des affaires étrangères
(M. de Muelenaere). - Messieurs, la discussion a complètement changé de
terrain ; je ne m’étais pas d’abord proposé d’y prendre part, mais je suis
obligé de répondre à ce que vient de dire M. Gendebien. Quant à moi, je crains
que les paroles qui ont été prononcées ne produisent un mauvais effet, et
qu’elles ne paralysent l’énergie si nécessaire au brave commandant des
Flandres. Dans cette séance, on vient de mettre en doute tous les droits que
confère au général Niellon la mise en état de siège de la ville de Gand ; c’est
à tort qu’on l’a fait, et je suis bien aise de le dire pour que le général
Niellon sache que, tant qu’il ne prendra que des mesures légales, il trouvera
dans cette chambre des hommes toujours prêts à défendre ses actes. Or, je
maintiens que le décret de 1811 subsiste dans toute sa force, et je le
prouverai quand l’occasion sera venue. Dès lors, messieurs, je n’assume sur moi
aucune responsabilité par rapport au jugement du sieur Stéven. Il sera traduit devant
les tribunaux civils ou devant les tribunaux militaires, peu m’importe ; mais
les tribunaux seuls prononceront, et, quand les tribunaux prononcent, il n’y a
de responsabilité pour personne.
Une voix. - Il n’y a pas de doute.
D’autres. - La clôture ! la clôture !
M. Gendebien. - On nous accuse de faire des
propositions dangereuses, et nous faisons au contraire tout ce que nous pouvons
pour éviter la discussion. Du reste, M. le ministre des affaires étrangères
peut ne pas vouloir m’entendre ; mais je suis certain que M. le ministre de la
guerre m’aura entendu, et qu’il ne fera pas juger le sieur Stéven.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. de Muelenaere). - Mes paroles ne s’appliquaient pas à M. Gendebien,
puisque c’est lui qui propose d’éviter toute discussion aujourd’hui. (La clôture ! la clôture !)
M.
Pirson. - Je demande à parler contre la clôture. M. le
ministre a dit que la question avait été déplacée ; mais c’est le ministère
lui-même qui l’a déplacée.
Voix nombreuses. - Vous n’avez la parole que contre la clôture.
M.
Pirson. - On ne peut pas prononcer la clôture, car il s’agit
d’une procédure criminelle qui peut entraîner une peine capitale. Je demande
que le ministère nous rende compte, jour par jour, de la marche de la
procédure. (Longs et violents murmures.)
Plusieurs voix. - Vous ne parlez pas contre la clôture.
M.
Pirson. - Il s’agit de la vie d’un homme.
M. A. Rodenbach. - Quand Grégoire a fait périr
quarante-six personnes, il n’a pas été pendu ; il n’y a pas de danger.
M. d’Elhoungne fait observer
que M. Pirson a complètement interverti l’ordre de la discussion, en parlant
sur le fond, quand il n’avait la parole que contre la clôture. L’honorable
membre insiste pour que la clôture soit mise aux voix.
- La clôture est
mise aux voix en effet, et prononcée.
On met aux voix la
question de savoir si le rapport de M. le ministre de la guerre, et l’extrait
des lettres qu’il a lues, seront déposés au greffe ; la chambre se décide pour
l’affirmative.
Aussitôt M. le
ministre de la guerre quitte sa place, et va se placer à côté de M. Gendebien ;
un groupe se forme autour d’eux. Un autre groupe se forme autour de M. Jullien.
La chambre est fort peu attentive tout le reste de la séance.
MISE EN ŒUVRE DE LA LOI
D’EMPRUNT DE 10 MILLIONS DE FLORINS
L’ordre du jour
appelle l’examen des explications fournies par M. le ministre des finances sur
la pétition de la régence de Mons, dénonçant une illégalité dans la répartition
de l’emprunt des 10 millions.
(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1832)
M.
Jonet, rapporteur de la commission
des pétitions. - Messieurs, à la suite d’un premier rapport, vous avez ordonné
que la pétition par laquelle la régence de la ville de Mons vous dénonçait une
illégalité dans la répartition de l’emprunt de 10 millions serait renvoyée au
ministre des finances, avec demande d’explications.
Le 13 de ce mois,
j’ai eu l’honneur de vous faire un second rapport sur une nouvelle pétition,
par laquelle la même régence vous faisait connaître les moyens par lesquels le
gouvernement était parvenu à la contraindre à donner la main à l’exécution de
l’arrêté inconstitutionnel du 21 octobre.
Le même jour, 13
janvier, M. le ministre des finances vous ayant transmis les explications que
vous lui aviez demandées par votre résolution du 13 décembre, vous avez ordonné
que ces explications seraient examinées par le commission des pétitions, qui
ensuite vous en ferait rapport.
Votre commission,
messieurs, après avoir examiné cette pièce, avec toute l’attention que la
matière exige, est demeurée convaincue que les intentions du gouvernement,
pures dans leur principe, ne méritaient pas de reproches fondés.
Mais il n’en a pas
été de même du fait : toute portée qu’elle était à l’indulgence, votre
commission n’en a pas moins persisté à blâmer les actes illégaux signalés par
la régence de Mons, et a cru utile de réfuter, en peu de mots, les hérésies
constitutionnelles que contient le mémoire dont je viens d’avoir l’honneur de
vous donner lecture.
La question à
décider est celle-ci : la loi du 21 octobre 1831 établir un emprunt : 1° d’une
somme égale à la contribution foncière de l’exercice courant, et 2° de 80 p. c.
du principal de la contribution personnelle pour l’exercice 1831.
L’article 5 dit
que « le recouvrement de la première partie de l’emprunt se fera sur les
rôles de la contribution foncière de l’exercice courant ; » et l’article 6
porte que « la seconde partie de l’emprunt sera répartie entre la moitié
des contribuables les plus imposés au rôle de la contribution
personnelle. »
L’article 11
statue que « aucune réclamation ne sera admise contre l’assiette de
l’emprunt, que pour autant qu’elle soit fondée sur une erreur matérielle, sur l’inobservation
de l’article 2 (qui dispense de l’emprunt les propriétés détruites ou
submergées par suite de la guerre), ou sur une réclamation antérieure présentée
du chef de la contribution foncière ou de la contribution personnelle. »
Avec de semblables
dispositions législatives, le gouvernement a-t-il pu statuer, comme il l’a fait
par l’article 4 de l’arrêté du 21 octobre, que les personnes décédées avant la
publication de la loi ne seraient pas portées au rôle de l’emprunt établi sur
la contribution personnelle ?
La commission
soutient la négative de cette question, et, pour démontrer son opinion, elle
dit que ne pas porter au rôle les personnes qui, d’après la loi, devraient y
être portées ; faire une exception qui ne comportent ni les termes, ni l’esprit
de la loi, c’est modifier ou changer la loi ; c’est, selon elle, contrevenir
aux articles 27, 69 et 78 de la constitution ; c’est commettre un excès de
pouvoir ; c’est, en un mot, commettre une inconstitutionnalité.
Vainement, M. le
ministre dit-il qu’il serait absurde de faire figurer un mort au rôle de
l’emprunt ; car, en réalité, il n’est pas plus absurde de le voir figurer sur
ce rôle qu’il ne l’est de le voir figurer au rôle de la contribution foncière.
L’emprunt, remarque-le bien, est établi sur le rôle de 1831. D’après les
articles 1er, 6 et 11 de la loi, toutes les personnes portées au rôle de la
contribution personne doivent y être maintenues, sauf celles à l’égard
desquelles la loi fait une exception. Nulle disposition n’en affranchit les successions
opulentes ; et pourquoi la loi les en affranchirait-elle, lorsqu’elle ne les
affranchit pas de l’impôt personnel ? S’il y avait absurdité dans un cas, il y
aurait absurdité dans l’autre. Pour être rationnelle, l’administration devrait
dire que, par la mort, l’impôt personnel cesse d’être obligatoire. Cependant
vous savez tous, messieurs, qu’elle ne le dit pas ; et elle fait bien, puisque
la loi ne l’y autorise en aucune manière.
Cette
cotisation, continue M. le ministre,
serait, d’ailleurs, sans effet.
C’est une erreur :
elle n’est pas plus sans effets pour l’emprunt de 10 millions qu’elle ne l’a
été pour l’emprunt de 12 millions ; elle ne l’est pas plus pour l’emprunt
qu’elle ne l’est pour les autres contributions personnelles. Dans tous ces cas,
ce ne sont pas les morts qui paient, mais ce sont les veuves et les héritiers,
ou, si vous voulez, les successions.
De quel droit,
ajoute le ministre, viendrait-on réclamer le montant de l’emprunt à l’héritier
qui aurait accepté une succession, après en avoir apprécié les charges ?
Nous l’avons déjà
dit, du même droit que vous exigez de cet héritier la contribution personnelle
du défunt ; du droit que vous exigez l’emprunt de toutes les fortunes qui
peuvent le supporter ; du droit de la loi qui, en ordonnant un emprunt basé sur
le rôle de la contribution personnelle de 1831, n’a pas fait d’exception en
faveur des riches fortunes dont les auteurs étaient décédés dans l’année ; du
droit constitutionnel, enfin, qui, en vous confiant l’exécution des lois, ne vous
a pas autorisé à les changer selon votre bon plaisir.
Mais, dit-on, ce
serait donner un effet rétroactif à la loi.
C’est encore une
erreur : en faisant la loi du 21 octobre, le législateur a su qu’il y avait des
personnes décédées depuis la confection des rôles de la contribution
personnelle. Il a su aussi que, parmi ces personnes, il y en avait qui avaient
laissé de riches veuves ou de riches héritiers, qui continuaient à occuper les
maisons des défunts : il a frappé ces veuves et ces héritiers de m’emprunt,
comme il a frappé toutes les autres personnes qui étaient comprises dans la
moitié des contribuables les plus imposés. En cela, il n’a porté atteinte à
aucun droit acquis, car personne dans l’Etat n’a le droit de jouir des
avantages sociaux sans en payer les charges : ce droit serait un privilège que
toutes nos lois repoussent. La loi n’a donc pas plus commis d’effet rétroactif
en frappant ces veuves et ces héritiers qu’elle n’en a commis en frappant, en
général, les plus imposés.
Un mort, dit le
ministre, n’est pas un contribuable.
Nous en convenons
; mais un mort laisse une succession qui peut contribuer, et, si nous
abandonnons les mots pour nous en tenir aux choses, c’est en effet cette
succession et non le mort qui paie l’emprunt, comme elle paie la contribution
personnelle, etc., etc.
Si on avait porté
le mort au rôle, disent les explications ministérielles, il y aurait eu des
réclamations, et par suite un déficit dans la caisse de l’Etat ; ce déficit
aurait donné lieu à une réimposition : en résultat, les choses se seraient
passés comme elles se sont passées en effet.
Nous le disons
ouvertement, cette argumentation contient presque autant d’erreurs que de mots.
D’abord, il ne fallait pas porter les morts au rôle ; mais il fallait les y
laisser, puisque la loi établit l’emprunt sur le rôle de 1831, dont elle
exempte seulement la moitié la moins imposée. En second lieu, des réclamations
auraient pu être faites, mais elles n’auraient pas changé l’économie de la loi
ni amené un déficit ; ces réclamations n’auraient été admises que pour autant
que les veuves et les héritiers auraient prouvé que leurs auteurs n’étaient pas
dans la moitié des contribuables les plus imposés. Et, comme nous ne parlons
pas pour ceux-là, il n’y avait pas de réimposition possible, puisqu’il n’y
avait pas de réclamations admissibles. Les résultats n’eussent donc pas été les
mêmes, puisque l’on n’aurait pas vu les plus riches douairières de la ville de
Mons affranchies de l’impôt au détriment des personnes moins aisées qui, à cause
de ce dégrèvement injuste, ont dû supporter une plus forte part que leur
fortune ne le permettait.
Un mort, disent
encore les explications, ne peut pas plus être considéré comme contribuable
qu’il ne peut être considéré comme électeur.
Ici, M. le
ministre confond un droit attaché à la personne avec une charge imposée sur les
biens. L’auteur du mémoire semble ignorer que c’est l’homme personnellement qui
exerce les droits d’élection, tandis que c’est la fortune qui paie l’impôt.
L’homme donc est électeur ; la fortune mobilière paie l’impôt que l’on appelle
personnel, comme la fortune immobilière paie la contribution foncière. M. le
ministre pourrait avoir raison, si l’impôt était une capitation ; mais, nous le
savons tous, notre contribution personnelle n’a rien qui ressemble à cette taxe
établie uniquement sur les personnes.
Le pouvoir
exécutif, dit le ministre, n’a pas dépassé les limites de ses droits.
Nous croyons et
nous soutenons le contraire ; et, pour convaincre M. le ministre de son erreur,
nous le renvoyons aux articles 28, 67 et 68 de la constitution.
M. le ministre
pense que l’exécution de la loi, telle qu’elle est faite, aurait entraîné des
retards et des dépenses préjudiciables à l’Etat.
Si cela était
vrai, nous dirions à M. le ministre qu’il devrait encore exécuter la loi telle
qu’elle est, puisque, chargé de l’exécution de la loi faite, il n’a pas le
droit de faire une autre loi. Mais, au fait, il n’en est pas ainsi ; l’impôt,
nous le répétons, est établi sur les rôles de 1831. Ces rôles étaient tout
faits ; il ne fallait qu’en extraire la moitié des contribuables les moins
imposés, et répartir leurs quotes-parts sur les plus imposés. Cette opération
est moins difficile à faire que celle que le gouvernement a ordonnée par son
arrêté illégal du 21 octobre ; dont il y avait moins de temps à perdre en
suivant la loi qu’en ne la suivant pas.
M. le ministre
finit par déplorer l’opposition qu’il a rencontrée momentanément dans la
régence de la ville de Mons, et la résolution qu’elle a prise de s’adresser à
la chambre.
La majorité de la
commission pense que, d’après la lettre que M. le ministre de l'intérieur a
écrite le 22 décembre et qui a été remise au bourgmestre le 23, il ne restait
plus à la régence de Mons d’autres moyens constitutionnels que de s’adresser à
la chambre, pour lui faire connaître l’excès de pouvoir ou l’empiétement du
pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif. Cette même majorité pense encore
que, bien loin de mériter le blâme et les peines infâmantes dont M. le ministre
paraît menacer les membres de cette régence, ceux-ci, au contraire, ont tenu
une conduite constitutionnelle digne d’éloges. Comme tous les fonctionnaires
publics, comme tous les bons citoyens, ces messieurs ont juré de maintenir la
constitution ; pouvaient-ils d’après cela la voir déchirer sans faire aucun
effort pour la conserver, sans en prévenir, au moins, le pouvoir qui, par son
droit d’enquête et son droit d’accusation, semble plus spécialement être chargé
de faire maintenir cette loi des lois ?
La
chambre aura à décider entre l’opinion de la commission et l’opinion de M. le
ministre ; en déposant nos observations dans son sein, nous nous en référons,
d’avance, à ce qu’elle ordonnera.
En résultat, la commission n’a pas trouvé bon de vous proposer l’ordre
du jour qui forme l’objet des conclusions du mémoire explicatif, parce que en
agir ainsi, ce serait en quelque sorte sanctionner la disposition de l’article
4 de l’arrêté du 21 octobre. Mais, portée à l’indulgence pour un fait consommé,
qui ne peut avoir des suites bien graves s’il n’est pas renouvelé, votre
commission vous propose le dépôt des requêtes, du mémoire explicatif et de
toutes les pièces qui concernent cette affaire, au bureau des renseignements.
M. le ministre des finances (M. Coghen) persiste dans les explications donnés dans son
mémoire et demande que la chambre passe à l’ordre du jour.
M. H. de Brouckere appuie les conclusions de la commission.
On entend encore M. Poschet,
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux), M.
Duvivier, M. Delehaye,
M. Dumont,
M. Devaux contre les conclusions de la commission, et M. Corbisier, M. d’Elhoungne et M. Gendebien dans un sens contraire.
- La clôture est
mise aux voix et prononcée.
L’ordre du jour
est rejeté, et les conclusions de la commission sont adoptées.
La séance est
levée à 4 heures.