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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 22 février 1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative au jury d’assises
(proposition Devaux) (Devaux, Destouvelles)
3) Projet de loi portant modification du code
pénal (jury d’assises)
4) Projet de loi portant des crédits provisoires
pour l’année 1832
5) Réponse du ministre de la guerre à
l’interpellation formulée sur la passation du marché Hambrouck (+responsabilité
politique du ministre) (Ch. de Brouckere, A. Rodenbach, Lardinois, Delehaye, Gendebien, Jullien, Ch. de Brouckere, Gendebien, Lebeau, Gendebien, Jullien, Gendebien, A. Rodenbach, de Theux, de Robaulx, Dumortier, Ch. de Brouckere,
Lebeau, Leclercq, de Theux, Devaux, de Robaulx, d’Elhoungne, Gendebien, Devaux, de Theux, Leclercq, de Robaulx)
(Moniteur belge n°55, du 24 février 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à une heure.
Après l’appel
nominal, le procès-verbal est lu et adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Lebègue analyse ensuite quelques pétitions, qui sont
renvoyées à la commission.
PROPOSITION DE LOI
RELATIVE AU JURY D’ASSISES
Les sections ayant
autorisé la lecture d’une proposition de M. Devaux, relative au jury, M. Devaux la
lit à la tribune. Elle est ainsi conçue :
« Art. 1er.
Les présidents des cours d’assises, chaque fois que l’exigera le nombre
d’affaires criminelles à juger pendant une session, pourront diviser ces
affaires en plusieurs séries, de telle manière que chaque série, autant que
possible, n’occupe pas la cour et les jurés pendant plus de dix à quinze
jours. »
« Art. 2.
Pour chaque série, le président du tribunal de première instance, sur la
réquisition du président de la cour d’assises, tirera au sort, dans la forme
prescrite par le décret du 19 juillet 1831, trente-six noms qui formeront la
liste des jurés de cette série. »
« Art. 3. Il sera fait pour chacune des séries formées, ainsi qu’il
est dit à l’article premier, un rôle particulier contenant le nom des accusés,
la nature de l’accusation, le jour fixé pour la mise en jugement. Ce rôle sera
affiché dans l’auditoire du tribunal de première instance vingt-quatre heures,
au moins, avant le tirage au sort des jurés de cette série. »
« Il sera
fait mention de l’accomplissement de cette formalité dans le procès-verbal du
tirage au sort, qui contiendra, outre les noms des jurés, l’indication des
affaires sur lesquelles ils pourront être appelés à juger. »
Sur l’observation
de M.
Destouvelles, la chambre prend immédiatement cette proposition en
considération, et elle nomme, pour l’examiner, une commission qui sera composée de MM. Bourgeois, Van
Meenen, Raikem, de Robaulx, Lebègue et Devaux.
PROJET DE LOI PORTANT
MODIFICATION DU CODE PENAL
M. le ministre de la justice (M. Raikem) présente ensuite un projet de loi tendant à modifier
quelques articles du code pénal. (Nous le ferons connaître.)
La chambre en
ordonne l’impression et le renvoi à la commission nommée pour examiner la
proposition de M. Devaux.
M. Corbisier, rapporteur de la commission, présente à la chambre
le travail de cette commission. (Nous le ferons connaître également).
Il sera imprimé et
distribué aux membres de la chambre.
PROJET DE LOI PORTANT
DES CREDITS PROVISOIRES POUR L’ANNEE 1832
L’ordre du jour
appelle ensuite le vote sur l’ensemble du projet de loi relatif aux crédits
provisoires.
Après quelques
observations sans importance, les amendements précédemment adoptés sont remis
aux voix conformément aux termes du règlement, et adoptés.
On passe à l’appel
nominal sur l’ensemble du projet. Il est adopté par 71 membres contre 6. Les
opposants sont MM. De Haerne, de Robaulx, Domis, Polfvliet, Seron et Gendebien.
REPONSE DU MINISTRE DE
LA GUERRE A L’INTERPELLATION FORMULEE SUR LA PASSATION DU MARCHE HAMBROUCK
La suite de
l’ordre du jour est la discussion de la proposition de M. Jullien relative au
marché Hambrouk.
M. le ministre de la guerre (M. Ch.
de Brouckere). (Profond
silence.) (Supplément au Moniteur
belge non daté et non numéroté) - Messieurs, vous savez de quelle
importance est pour moi la discussion qui s’ouvre ; j’ose donc réclamer toute
votre attention.
Avant d’aborder le
fond de la question, permettez-moi de fixer un instant votre attention sur un
fait qui, par sa nature et par les circonstances qui l’ont accompagné, est
propre à rectifier le jugement qu’on a porté avec trop de légèreté sur le
marché des subsistances de l’armée.
Vous vous rappelez
les attaques auxquelles j’ai été en butte, attaques dont la violence augmentait
à mesure que le danger s’éloignait. Longtemps j’avais tenu à une réputation
achetée par seize années de services publics, rendus à mes dépens, et par
quatre années d’opposition parlementaire consciencieuse. J’en ai fait le
sacrifice pour continuer à servir le pays.
Je savais, en
effet, messieurs, qu’en me rendant à Calais pour contracter l’emprunt, je
donnerais un nouvel aliment à la malignité, que je livrais ma vie publique aux
chances du hasard. Cependant je n’hésitai pas à accepter la mission dont me
chargea le conseil des ministres, et j’allai passer un nouveau marché, à
huis-clos, et bien autrement important que le marché Hambrouk.
Mes prévisions
s’accomplirent, même avant mon départ ; bientôt les attaques personnelles
s’étendirent à l’acte, et si ce que j’appelais de tous mes vœux, si
l’entrepreneur et ses ayant-cause eussent fait un bénéfice de 7 à 8 p. c.,
j’étais perdu dans l’esprit de tous les hommes superficiels, pendant que le
crédit et l’avenir du pays s’affermissaient par la mesure à laquelle j’avais
pris une part active. Mais, d’un côté, une catastrophe individuelle que je
déplore ; d’un autre côté, des lenteurs dans la diplomatie, une dépréciation
des fonds en général, modifièrent l’opinion des organes de l’opinion publique :
ce marché fut approuvé.
Je me trompe,
messieurs ; aujourd’hui aucune voix ne s’élève plus pour approuver un ministre.
Il semble que, du moment où un homme touche à un portefeuille, il devient une
espèce de paria politique ; et les temps n’est pas loin où, comme le disait
Paul Louis, l’on nommera les ministres à tour de rôle, par corvée, à l’aide de
gendarmes, et sous peine d’amende et de prison.
Bref, il n’y eut
pas une voix pour approuver ; mais la critique se tut.
Si jamais je
devais défendre l’emprunt, soyez persuadés, messieurs, que je dépouillerais le
fait des circonstances qui l’ont suivi, et que je ne tiendrais compte que de
celles qui l’ont accompagné et précédé. Je me bornerais à exposer la situation
politique et financière du moment, les prévisions du jour, le taux des fonds
publics et celui des emprunts contractés ailleurs. Je vous demande de juger de
la même manière le marché Hambrouk, de tenir compte de notre position au 26 septembre,
des prix des denrées à cette époque, et des chances que présentait alors un
avenir que les faits postérieurs permettent difficilement d’apprécier. Une fois
identifiés avec l’époque du marché, j’ai la conviction, messieurs, qu’au moins
vous ne blâmerez plus celui qui l’a passé.
Messieurs, je vous
prie de croire que c’est de bonne foi que je défends les actes de mon
administration : si j’avais agi avec légèreté, avec précipitation, voire même
avec turbulence, comme on l’a dit dans cette enceinte, je viendrais en faire
l’aveu, et je vous prierais de considérer dans quel temps, dans quelle
situation, j’ai eu le triste courage d’accepter le portefeuille de la guerre ;
j’ose croire que l’énumération de ce que j’ai dû faire pendant trois mois pour,
je ne dirai pas me tirer sans honte de ma tâche, mais pour constituer une armée
qui fît honneur au pays, vous porterait à user d’indulgence, surtout si je vous
prouvais qu’aussitôt que j’ai eu quelques instants de répit, ils ont été
consacrés à l’introduction d’économies faites à la fois dans l’intérêt du
soldat et du trésor public. Par de nouvelles dispositions sur le mode de
pourvoir à l’habillement et à l’équipement des troupes, j’ai obtenu les
résultats les plus avantageux, et ceux-là ne sont pas momentanés.
Je ne serai plus
peut-être en position de vous entretenir des économies que j’ai introduites,
et, quelque fastidieuse que puisse vous paraître l’énumération des objets
qu’elles ont atteints, vous m’avouerez que je ne puis négliger aucun moyen de
repousser d’injustes imputations.
Pantalons et
guêtres de toile pour sous-officiers, diminution 40 p. c.
Iden pour les
soldats, 28 p. c.
Pantalons pour
cavalerie, 25 p. c.
Caleçons, 30 p. c.
Chemises, 20 p. c.
Essuie-mains, 24
p. c.
Sacs à avoine, 48
p. c.
Musettes, 20 p. c.
Sacs à habit, 28
p. c.
Toile à doublure,
30 p. c.
Shakos
d’infanterie, 25 p. c.
Shakos de
cavalerie, 20 p. c.
Schapkas, 27
p. c.
Kolbacs, 24
p. c.
Shakos
d’artillerie, 30 p. c.
Peignes, brosses,
etc. 45 p. c.
Cordes à fourrage,
étrilles, éponges, ciseaux, sangles, etc., 50 p. c.
Charivaris, 16 p.
c.
Plaques de shakos,
75 p. c.
Jugulaires, 37 p.
c.
Boutons, 45 p. c.
Galons d’or et
d’argent, 20 p. c.
Galons de laine,
45 p. c.
Epaulettes idem,
48 p. c.
Aiguillettes,
cordons, dragonnes, etc., 45 p. c.
Panaches, plumets,
50 p. c.
Crinières, 90 p.
c.
Chaussettes,
bonnets et gants de laine, 37 p. c.
Coiffes, 50 p. c.
Messieurs, je
n’avais pas besoin de m’étendre sur ce point : j’ai la conscience d’avoir fait
mon devoir le 26 septembre ; mais ce sont là des économies obtenues, non sur
des prix momentanés, par suite d’une baisse également momentanée ; c’est le
résultat d’un nouveau système substitué à celui que nous avions suivi pendant
15 ans. Je reviens à la question.
Le marché est
attaqué sous un double rapport : sa forme est insolite ; au fond il est
onéreux.
Quant à la forme,
les arguments de l’honorable auteur de la proposition se résument dans les
objections suivantes :
« L’intitulé
porte : Cahier des charges et conditions auxquelles le ministre fera adjuger,
etc. Il n’y a pas eu d’adjudication : l’entrepreneur n’a pu croire qu’il
traitait avec le gouvernement, mais seulement avec M. de Brouckere, ministre de
la guerre.
« Il n’y a
pas eu d’adjudication, tandis qu’aux termes de la loi du 17 avril 1791, tout
marché doit se faire par adjudication publique.
« En vertu de
l’article 68 de la constitution, l’Etat ne peut être grevé qu’avec
l’autorisation des chambres : cette autorisation n’ayant pas été donnée, aucun
marché ne pourrait avoir lieu. »
L’invocation de
l’article 68 ne prouve que trop que l’orateur lui-même a senti la faiblesse de
son argumentation, qu’il a compris que la seconde partie de la proposition
était insoutenable.
L’article 68, en
effet, confère au Roi le droit de déclarer la guerre et de faire les traités de
paix, d’alliance et de commerce. Le second paragraphe met à ce droit une
restriction : « Les traités de commerce, et ceux qui pourraient grever
l’Etat ou lier individuellement les Belges, n’ont d’effet qu’après avoir reçu
l’assentiment des chambres. » Et c’est de ce paragraphe qu’on argumente
pour trouver que le gouvernement n’avait pas le droit de pourvoir à la
subsistance de l’armée ! Je n’ose insister sur ce point, de crainte d’abuser de
vos moments.
La loi du 17 avril
1791 n’est pas citée avec plus de justesse ni d’à-propos. Mais si l’honorable
membre avait pris la peine de feuilleter quelques pages de plus dans le Bulletin des lois, il aurait trouvé que
l’assemblée constituante, par un décret du 21 du même mois, avait ordonné qu’en
temps de paix, les fournitures de toute espèce pour le service ordinaire de
l’armée seraient faites par entreprise laissée au rabais, sauf les fournitures
des vivres et fourrages qui pouvaient être confiées par le ministre de la
guerre à une ou plusieurs compagnies composées chacune des personnes qu’il
croirait les plus capables de bien remplir l’un et l’autre service.
Ainsi donc, même
en temps de paix, la Constituante avait reconnu que l’adjudication publique
n’était pas toujours praticable ; elle avait abandonné au ministre la liberté
d’action. Peut-on, de bonne foi, vouloir restreindre cette latitude en temps de
guerre ? Peut-on se prévaloir de dispositions vagues, ou plutôt de dispositions
relatives aux propriétés des communes ou des hospices, pour attaquer un contrat
dont les formes sont consacrées par un usage constant et sanctionnées par la
loi, même en temps de paix ?
« Mais
l’intitulé du contrat porte : Cahiers de charges et conditions auxquelles le
ministre fera adjuger, etc. ; il n’y a pas eu d’adjudication, dont le contrat
porte dans sa lettre une nullité évidente… » Je ne m’attendais pas, je
l’avoue, messieurs, à devoir répondre à cette tribune à de pareils arguments ;
mais enfin, puisque je suis provoqué, force m’est de m’expliquer. Le cahier que
vous avez sous les yeux a été imprimé le 17 juin, au nombre de 200 exemplaires
; il était destiné à l’adjudication des vivres dans le Limbourg, annoncée par
affiche du même jour. Cette adjudication ne put avoir lieu à cause de la
hauteur des soumissions ; un marché à huis-clos fut passé le 11 juillet.
Les imprimés étant
restés au ministère, on les employa pour éviter des frais et des écritures
inutiles. De là le titre contre lequel on récrimine ; de là encore les
changements à deux articles, changements sujets à des attaques aussi peu
fondées que les premières.
J’ai déjà eu
l’honneur de vous le dire dans une autre occasion, messieurs : le ministre de
la guerre avait contracté différents marchés de vivres ; il avait essayé de
l’adjudication publique, mais avait dû y renoncer à cause de l’élévation des
prix demandés par les soumissionnaires.
Un premier essai
avait été fait par le ministre de la guerre, au mois de mars, pour les troupes
stationnées dans la province d’Anvers ; il fut infructueux. Le 25 du même mois,
marché à huit-clos fut passé avec de Visscher-Vanhove. Le contrat porte en tête
: « Cahier des charges auxquelles le ministre de la guerre adjugera la
fourniture des vivres, paille de couchage et bois de chauffage, nécessaires,
etc., » parce que l’on se servit du cahier préparé pour l’adjudication
publique, en y ajoutant une de ces clauses, celle du paiement par forme
d’avance, de 10 en 10 jours, qui auraient dû faire accourir les entrepreneurs
en foule de l’orient et de l’occident pour adorer les fournitures, comme l’a
dit l’orateur dans le simple exposé des motifs de la proposition.
Le 18 avril
suivant, un second marché de la même nature fut passé avec Dutilloeul pour la
fourniture de vivres dans le Luxembourg ; il porte le même intitulé que le
précédent, et contient, article 43, la même garantie de paiement par tiers de
la fourniture présumée les 10, 20 et 30 de chaque mois. Le marché avait de
nouveau remplacé une adjudication publique : annoncée par affiches.
Enfin, le 17 juin,
une troisième adjudication fut annoncée pour la fourniture des vivres aux
troupes cantonnées dans le Limbourg ; le cahier des charges fut imprimé : c’est
celui qui a servi de texte au marché Hambrouk.
Trois
soumissionnaires se présentèrent le 1er juillet ; voici le détail de leurs prix
:
(suit un tableau
reprenant ce détail par soumissionnaires (Teuwens, Neven et Lauwers), non
inséré dans la présente version numérisée)
Le premier et le
troisième soumissionnaires refusaient de se soumettre aux clauses du cahier des
charges ; malgré l’élévation de leurs prix, ils déclaraient regrader leurs
offres comme nulles, si l’on ne modifiait pas les conditions de paiement, si
l’on ne stipulait qu’ils seraient payés par 10 jours. Le second demeurait,
ainsi que ses cautions, à Maestricht, inconvénient grave, et il demandait une
indemnité pour les frais qu’il aurait été dans le cas de faire, si par suite de
circonstances le marché n’était pas mis à exécution. Le ministre n’adjugea pas,
et, le 11 du même mois, il passa un marché à huis-clos avec le premier
soumissionnaire, à raison de 24 cents 70/100 la ration de vivres.
Le contrat fut
écrit et signé sur un des imprimés qui devaient servir à l’adjudication
publique ; on ajouta, à la main, dans l’intitulé : « pour troupes campées,
etc., pendant la durée du camp ; » puis, article 48 : « En attendant,
l’intendant militaire délivrera à l’entrepreneur, par forme d’avance, le 10, 20
et dernier jour de chaque mois, un mandat payable comptant du montant du tiers
de la fourniture présumée du mois entier, afin de le mettre à même d’assurer
convenablement le service. »
Les mêmes imprimés
(car, pour la fourniture d’un camp, il ne dut en être distribué qu’un petit
nombre), les mêmes imprimés servirent à libeller le marché Hambrouck. Il y fut
fait des changements, consacrés par un usage bien établi, avec cette différence
que, les fournitures acquérant une très grande extension, l’on stipula qu’au
lieu de délivrer les mandats de dix en dix jours, ils le seraient de cinq en
cinq jours.
En outre, l’article
49 fut modifié ; mais il le fut bien plus dans l’intérêt de l’Etat que dans
celui de l’entrepreneur.
Jusque-là on
n’avait établi aucun magasin de réserve ; les approvisionnements de siège
avaient été l’objet de contrats particuliers pour les places de Liége, Huy et
Namur ; la manière dont ces approvisionnements avaient été faits, ce qu’il en
coûtait pour leur entretien, m’ôta l’envie de les prendre pour type ; et
cependant je devais approvisionner Anvers, Gand, Termonde, Ostende ; je devais
établir des réserves dans d’autres villes choisies pour centre d’opérations.
Ainsi à Liége, à
Venloo et à Huy, la farine de froment a été fournies à 18 fl. les 100 kil. ;
La viande sur pied
à 38 fl. les 100 kil. ; la viande salée au même prix ;
L’eau-de-vie de
France à un florin le litre, et le genièvre à 55 cents ;
Le riz à 38 fl. 50
cents les 100 kil. ;
Le sel à 19 fl. 50
cents ;
Le vinaigre à 22
cents le litre.
A Namur les
bestiaux furent payés par pièce 76 fl. 54 cents ; la viande salée à 41 fl. 75
cents les 100 kilos ;
La farine de
froment, 20 fl. 50 cents ;
L’eau-de-vie, 68
cents ;
Le riz, 30 fl. 50
cents ;
Le sel, 17 fl. 75
cents.
Ce qui portait le
prix de la ration, d’une part, à 25 14/000 cents, et de l’autre à 27 14/000,
indépendamment du vinaigre, avec charge pour le trésor de payer la conservation
des denrées, la nourriture des bestiaux, et de supporter la dépréciation des
prix en cas de non-consommation. La nourriture des bêtes sur pied coûtait au
moins 100 fl. par jour ; il y avait 5 conservateurs aux appointements de 1,200
fl. chacun, et encore j’ai été forcé de revendre à une immense perte une partie
des denrées menacées de corrupton, d’en faire détruire une autre partie.
Voilà, messieurs,
ce que j’ai voulu prévenir par l’article 49, voilà un premier résultat obtenu
au bénéfice du trésor. Le 31 décembre, lorsque l’armée avait pris des
cantonnements d’hiver, je diminuai considérablement le nombre des magasins ;
l’entrepreneur reprit aussitôt ses denrées, et particulièrement le genièvre, le
riz, le sel, dont il avait des approvisionnements considérables, en bonifiant
au trésor la totalité de l’avance faite de ce chef.
Mais l’article 49
contient une dérogation aux stipulations des marchés antérieurs. En effet,
jusqu’ici le ministère s’était réservé la faculté de résilier le contrat, soit
pour cause de départ ou de déplacement de l’armée, soit en introduisant un
nouveau mode de pourvoir à sa subsistance.
Les causes de
départ ou de déplacement peuvent exister lorsque le marché est partiel ; tous
l’avaient été jusqu’alors. Mais, le marché étant général, cette clause de
résiliation ne pouvait se reproduire.
L’introduction
d’un nouveau mode était prévu par la nature même du marché ; il y a trois
moyens de pourvoir à la subsistance des troupes : sur pied de guerre, en
délivrant des rations, dans les cantonnements, en indemnisant les habitants des
frais de nourriture ; et sur pied de paix, en faisant vivre le soldat à ses
frais. Ils étaient prévus par le marché même.
Il y avait dans
les marchés antérieurs une clause à charge du ministère, celle d’avertir à
temps utile l’entrepreneur pour l’écoulement de ses magasins. Les inconvénients
en avaient été sentis ; ils seraient devenus immenses par l’approvisionnement
des places de guerre et l’établissements des magasins de réserve. Le
gouvernement n’aurait pu disposer de l’armée, la remettre sur pied de paix, et
aurait été, pendant des mois, à la merci d’un entrepreneur s’il n’avait trouvé
un autre moyen de dédommagement. De là le marché à long terme ; je m’en
expliquerai encore ultérieurement.
Je crois en avoir
dit assez, messieurs, pour établir que l’entrepreneur n’a jamais pu croire
qu’il avait traité avec M. de Brouckere, mais bien avec le ministre de la
guerre, au nom du gouvernement ; que j’avais le droit de contracter ; que la
loi et l’usage plaident pour moi ; qu’aucun des arguments de l’auteur de la
proposition ne résiste au plus léger examen.
Aussi, j’ai la
persuasion que l’honorable membre n’a jamais cru que cette partie de la
proposition fût soutenable, et je le tiens pour trop bon jurisconsulte pour me
permettre de croire qu’il ait sérieusement examiné la question. Peut-être
a-t-il espéré que, cédant aux attaques de la tribune et de la presse, j’eusse
violé la foi du contrat, amené par quelque manège l’entrepreneur à demander
lui-même la résiliation ; peut-être cette partie de la proposition a pour objet
de faire passer l’autre. Le contrat est-il onéreux ? Celle-ci, en effet,
isolée, serait sans fruit pour le trésor public ; mais elle flétrirait le
ministre, elle ferait peser sur lui une condamnation morale, plus dure mille
fois que toute autre.
L’adoption de la
proposition est une véritable mise en accusation ; c’est une présomption de
culpabilité admise par la chambre, que je dois repousser de toutes mes forces.
Ministre, je ne
signerai jamais la résiliation d’un contrat passé de bonne foi ; ministre, je
ne demeurerai pas sous le poids d’une accusation. Je préparerai, dans la
retraite, des moyens qui sont sacrés dans la bouche d’un accusé, qui seraient
des dénonciations dans celle d’un ministre : je dépouillerai les vêtements qui
peuvent éveiller les susceptibilités ou soulever les passions.
Messieurs, en
traitant le second point : « le marché est-il onéreux ? » j’irai au-devant
des objections qui n’ont pas été faites encore, pour ne laisser rien à désirer
dans l’examen de la grave question qui vous est soumise.
Les troupes furent
réunies au camp de Diest du 20 au 25 septembre ; il état pourvu à leur
subsistance par suite de l’extension donnée au marché du sieur de
Visscher-Vanhove, dans les premiers jours du mois d’août.
Le contrat passé
avec lui le 25 mars, pour la nourriture des troupes dans la province d’Anvers,
fut, par suite des événements, étendu à celle du Brabant. Mais, dès mon arrivée
au ministère, l’entrepreneur éleva des réclamations sur l’exiguïté des prix,
sur les approvisionnements demeurés à sa charge ; il avait accédé à l’extension
du marché, parce que toutes les troupes passant subitement des environs d’Anvers
à Louvain, il eût, aux termes de son contrat, été chargé à ses risques de
l’écoulement de ses magasins ; il accéda à la prolongation du terme, lors de la
formation du camp, par des motifs de même nature ; l’armée avait été disloquée,
les troupes envoyées en garnison et mises sur le pied de paix.
Je dois croire
encore aujourd’hui les plaintes et les lamentations journalières de
l’entrepreneur fondées, puisqu’il renonça volontairement à la fourniture des
vivres dans la province d’Anvers.
Pendant que les
subsistances étaient adjugées pour le camp, elles ne l’étaient pas dans les
autres provinces, et cependant l’armistice ne devait durer que jusqu’au 10
octobre : tout le monde s’attendait, pour cette époque, à une reprise des
hostilités. Le gouvernement était dans la même attente que le public ; il
travailla à renforcer l’armée et à régulariser tous les services : ses efforts
furent applaudis.
Je viens de le
dire, le service des vivres n’était organisé que sur un seul point ; il fallait
l’étendre au pays entier.
Une foule de
projets et de mémoires furent soumis et examinés : je m’arrêtai à celui qui
s’écartait le moins de l’ordre de choses établi. Jusque-là, on avait
successivement contracté avec des fournisseurs, tantôt pour un camp, tantôt
pour une brigade, tantôt pour une province ; je conservai le mode de
fournitures, mais je concentrai en un seul marché tous les marchés spéciaux,
prévoyant tous les cas, toutes les positions.
Pour défendre
cette innovation, je ne dirai pas qu’il est sans exemple qu’une armée ait été
scindée par localités ou par corps pour les moyens de subsistance ;
j’invoquerai notre propre expérience et le raisonnement.
Dans le Limbourg,
les troupes avaient manqué de vivres, parce que le marché du 11 juillet avait
été passé pour un camp ; dans le Brabant, il en eût été de même, si la division
entière du général Tieken n’avait pas fait un mouvement sur la droite et rendu
inutiles les approvisionnements faits dans les environs d’Anvers.
Au surplus, en
divisant les fournitures par localités, il est impossible de pourvoir à la
subsistance de l’armée, sans exiger dans chacune d’elles des approvisionnements
suffisant à tous les mouvements possibles d’une armée en campagne, sans par
conséquent exiger un personnel 4 à 5 fois trop considérable, et stipuler des
conditions d’écoulement fort onéreuses.
Deux moyens
pouvaient mener à l’exécution de mon plan : l’adjudication publique, et le
marché de gré à gré.
Je choisis ce
dernier. Sous le rapport de la légalité, le fait est justifié ; je vais
l’envisager sous celui de l’opportunité et de la convenance.
Je pourrais
alléguer que le temps manquait pour procéder à une adjudication ; qu’arrivé au
ministère, je ne pus pas embrasser en un moment toute l’étendue des besoins de
chaque service ; que je devais mûrir les propositions qui me furent faites ;
que la présence de l’armée française ne pouvait, avant l’arrivée du protocole
du 31 août, faire croire à la possibilité d’une reprise prochaine des
hostilités. Mais non, messieurs, des motifs plus prépondérants que l’urgence
même me guidèrent.
Il me fallait, je
le répète, un homme probe et capable ; sans cette double condition, je ne
conçois pas la possibilité d’assurer le service des vivres en temps de guerre.
Ce n’est pas le fait d’un homme ordinaire et sans expérience d’organiser le
service des subsistances de toute une armée, de préparer les moyens de suivre
ses mouvements.
Avec un homme
inhabile, l’administration eût été sans cesse en contestation : le soldat eût
manqué de vivres, tantôt sur un point, tantôt sur un autre ; avec un malhonnête
homme, les troupes eussent été mal nourries et le trésor dilapidé.
La double
condition d’homme capable et d’honnête homme était essentielle, non seulement à
la régularité et à la sûreté du service, mais à l’affermissement de la
discipline et au maintien du bon esprit de l’armée.
Je croyais
rencontrer les qualités exigées dans l’ancien entrepreneur, n’ayant encore, à
cette époque, reçu aucune plainte à sa charge : je vous ai communiqué les
propositions qu’il me fit ; j’ai eu l’honneur également de vous informer des
antécédents de l’entrepreneur actuel. Sur celui-ci, au moins, je ne me suis pas
trompé : le témoignage unanime de l’armée peut être invoqué sur la manière dont
il remplit ses engagements.
Le marché fut donc
contracté ; il le fut au prix de 26 cents la ration de vivres de campagne. Ce
prix a paru exorbitant, et, chaque fois qu’on a voulu stigmatiser le marché, on
a eu soin de dépecer la ration : cependant, messieurs, les différentes parties
étant inséparables, c’est d’après le taux de la ration entière qu’il convient
d’envisager les choses. Je démontrerai tout à l’heure où mènerait tout autre
mode d’appréciation.
Pour le moment je
m’attache à un article qui a été l’objet des reproches les plus amers, et qui
se trouve en dehors de la ration : la paille. La paille, messieurs, devait
fournir des bénéfices immenses, à en croire les critiques. Eh bien ! la
fourniture totale de la paille, pendant les trois derniers mois de 1831, n’a
pas coûté 20,000 fl.
Quelque exagérés
qu’on suppose les bénéfices de cette partie de l’entreprise, il n’y a pas lieu
à crier au scandale ; mais, à l’époque du contrat, le gouvernement n’est
parvenu qu’avec peine à obtenir la paille nécessaire à l’établissement du camp,
chez le paysan, à raison de 3 cents le kilo ; il en a été alloué 4 à
l’entrepreneur, et certes il a perdu au marché : car, lors de la levée du camp
de Diest, il est resté nanti d’un approvisionnement considérable acheté au même
prix de 3 cents et revendu par lui, si je suis bien informé, à 1 c. 40/100.
Cette variation du prix n’a rien d’étonnant ; elle est le résultat naturel des
besoins momentanés et urgents, remplacés tout à coup par l’abondance sur un
point, par la cessation de toute demande d’achat.
Je passe à la
ration de vivres. L’article principal de la ration est le pain : d’abord, parce
qu’il est plus élevé en prix que tous les autres, et puis encore, parce qu’il
continue à être fourni à la troupe sur pied de paix ; vient ensuite la viande
dans la ration de guerre à raison de son prix ; toutefois, comme elle ne se
distribue jamais qu’avec la ration complète, elle ne peut être considérée
isolément.
L’administration
n’a pas à s’enquérir des calculs des soumissionnaires dans leurs détails ; elle
ne doit tenir compte que des résultats. A cet égard, je vous citerai un exemple
frappant pour expliquer mieux ma pensée.
Lors de
l’adjudication des fourrages pour 1832, le sieur Charon soumissionna à raison
de 1 cents 2/100 la livre de paille, 7 cents la livre de foin et 3 cents 6/100
la livre d’avoine.
A considérer
isolément le prix du foin, on serait autorisé à conclure que l’entrepreneur
doit gagner 100 p. c. ; mais, par contre, ses prix pour la paille et l’avoine
sont beaucoup en dessous de la valeur des denrées, et, en masse, le prix de la
ration du sieur Charon est tel, qu’il est adjudicataire.
Sans être aussi
fortes, des anomalies de ce genre se reproduisent dans presque toutes les
adjudications, et vous pouvez en retrouver des traces dans les prix des denrées
fixés par les soumissionnaires pour l’adjudication des vivres dans le Limbourg.
Ainsi le soumissionnaire le plus bas sur l’ensemble demandait 2 cents par
ration de sel, tandis qu’un des autres l’avait cotée à 70/100 de cents.
Je reprends les
éléments de la ration pour les réunir en un corps ; et d’abord, j’admettrai
comme exacts les calculs établis par les critiques les plus acharnés.
Il ne vous
paraîtra pas étrange que j’emprunte les chiffres d’un journal de l’opposition,
lorsque l’auteur de la proposition que nous discutons s’en est rapporté à ces
mêmes chiffres pour flétrir le marché.
Les calculateurs
de l’Emancipation ont évalué le prix
de l’hectolitre de froment à 11 fl., et ils en ont déduit le coût de la ration
de pain à 9 cents 75/100 ; ils ont établi de la même manière, et en partant du
prix d’une bête sur pied, la valeur d’une ration, et en partant du prix d’une
bête sur pied, la valeur d’une ration de viande à 7 cents 1/2 ; et enfin,
celles du riz à 1 c. 02 ; de sel à 0,25, du genièvre à 2 cents. En ajoutant à
l’ensemble de ces prix celui du vinaigre, la ration de vivres complète
coûterait au fournisseur 20 cents 50, tandis qu’il perçoit 26 ; en d’autres
termes, l’Etat paierait au fournisseur 20 p. c. pour ses avances, ses risques,
la conservation, le transport et la distribution des vivres.
Je vous le
demande, messieurs, en supposant tous les calculs qui précèdent exacts,
rigoureux, y aurait-il de quoi se récrier ? Mais, d’avances de fonds, il n’y en
a pas à faire, dira-t-on peut-être ; l’entrepreneur est payé tous les 5 jours.
Sans doute, un fournisseur sans prévoyance du lendemain eût pu se passer
d’approvisionnements extraordinaires ; mais, au moment où la guerre paraissait
imminente, il n’y avait pas à balancer, et, sur plusieurs points, le sieur
Hambrouk doubla les approvisionnements réclamés par le gouvernement.
Les risques sont
non seulement en raison des avances de fonds ; ils sont, de plus, subordonnés à
l’exactitude du service, à la qualité des vivres et à la fidélité, à la probité
des préposés : les articles 42 et suivants en donnent la mesure ; deux cautions
sont responsables de l’exécution des clauses du marché. Les risques enfin sont
indépendants de la volonté de l’entrepreneur, dans les marches et contremarches
de l’armée. Je vous ai cité un exemple relatif à la paille, lors de la levée du
camp de Diest, je pourrais multiplier les citations ; je me bornerai à un
second exemple, bien connu de l’armée. 30,000 rations de pain avaient été
transportées à Heyst-op-den-Berg ; elles n’y furent pas consommées, par suite
d’un nouveau mouvement de la troupe, et furent vendues, tant les communications
étaient difficiles, pour le prix de transport de Malines à la commune de
Heyst-op-den-Berg et retour.
La conservation et
la distribution des vivres exige un personnel nombreux ; nous avons eu jusqu’à
quarante magasins de distribution et de réserve. Nous avons fait l’expérience
de ce qu’il en coûte pour conserver des vivres dans quelques places fortes ; le
fournisseur devait, indépendamment des denrées, avoir constamment deux cents
bêtes sur pied.
Le transport des
marchés au magasin (car c’est le prix du marché que l’on a pris pour base),
puis celui d’un magasin à l’autre, par suite de mouvements dans l’armée, est un
objet de dépense pour le fournisseur, et qui pouvait d’autant moins être
évalué, qu’il était subordonné aux opérations militaires.
Après avoir donné
à la critique la part la plus large qu’il soit possible, vous me permettrez,
messieurs, de rectifier quelque peu ses calculs.
Le prix de
l’hectolitre de froment a été calculé à raison de 11 fl., tandis qu’à Louvain,
marché principal de la Belgique et en même temps centre de nos magasins,
l’hectolitre était coté, la veille de la conclusion du marché, à 12 fl. 21
cents ; le lendemain à 12 fl. ; le 3 octobre, à 12 fl. 14 cents ; le 10, à 12
fl. 35 cents. Or, messieurs, c’est d’après le prix du jour que les calculs de
prévoyance devaient être établis ; c’est d’après ceux qui ont suivi
immédiatement le marché que l’entrepreneur a dû faire les achats
d’approvisionnements. J’examinerai plus tard si la baisse survenue depuis était
dans les prévisions humaines. La moyenne des prix des mois de septembre et
d’octobre est représentée par 12 fl. 2 cents ; celle des prix, depuis le jour
de la conclusion du marché au 10 octobre, jour de la mise en vigueur, par 12
fl. 17 1/2 cents ; ces chiffres sont certifiés par la régence de Louvain.
Je serais autorisé
de prendre pour point de départ le prix de 12 fl. 21 cents ; mais, pour ne pas
être taxé d’exagération, je m’arrête au prix moyen des deux mois : il porte le
prix de la ration de paix à 10 cents 40.
Des déclarations
des principales villes prouvent que la viande s’y vendait, dans les mois de
septembre et d’octobre, de 34 à 38 et 40 cents ; je prends le minimum du prix,
et je crois rester en dessous de la réalité, eu égard à l’obligation de tenir
des parcs de bestiaux, en comptant que la ration de viande revenait au
fournisseur à 8 1/2 cents.
A Anvers, Malines
et Hasselt, il y a un octroi sur le froment ; dans les mêmes villes, et de plus
à Bruxelles, Alost, Audenaerde, Gand, Lokeren, Saint-Nicolas, Termonde, Menin,
Nieuport, Ostende, Venloo, Namur, Dinant, Philippeville, Marienbourg, Mons,
Charleroy, Tournay, Ath il y a un octroi sur la viande. Les documents me
manquent pour la province de Liége.
L’octroi sur le
froment à Anvers est de 1 fl. 5 cents par 100 kil. de farine non butée ou 1/15
de la valeur au taux déterminé, et par conséquent il renchérit la ration de
50/100 de cents environ ; à Malines, l’octroi est de 71 cents et influe de
35/100 sur la ration. Ces deux places sont des centres d’opérations ; une
partie de l’armée pouvait s’y porter : Anvers a eu pour continuité 1/6 des
forces actives concentrées dans ses murs. Vous estimerez de nouveau que je suis
très modéré, en évaluant à 10/100 de cents l’influence de l’octroi sur le pain,
ce qui porte le coût de la ration à 10 cents 50.
La moyenne de
l’octroi sur la viande, dans 25 villes, s’élève à 2 fl. 92 cents par bête (bœuf
et vache). Dans ces villes sont comprises Anvers, Malines, Gand, lieux
principaux de rassemblement et où la moyenne s’élève à 3 fl. 83 cents ; ou, en
d’autres termes, la moyenne de l’octroi de toutes les villes où il est établi
par bête est de 36/100 de cents par ration : elle est de 50/100 dans les trois
villes principales, et à Ostende et à Termonde, où l’impôt se perçoit au poids.
Ici je serai de nouveau au-dessous de l’expression vraie, en représentant, dans
le coût de la ration, l’octroi par 25/100, ce qui porte le prix à 8 c. 75.
Sans aller plus
loin et en admettant le bénéfice énorme
de 60 sur 100 pour le sel et de 33 sur 100 pour le genièvre, il est clair que
le bénéfice brut de la ration est déjà réduit à 12 1/2 p. c.
Je ne reviendra
pas sur le sel, quoique je puisse établir qu’il y a erreur dans les calculs ;
mais cet article est trop peu important pour faire poids dans la balance, et
puis l’erreur est compensée par une autre commise dans l’évaluation du prix du
riz. Je me tais également sur le taux du vinaigre, bien que l’entrepreneur y
perde 10 p. c. ; mais le prix du genièvre, et surtout l’influence de l’octroi,
doivent modifier encore le résultat obtenu.
Le prix du
genièvre a été calculé à 40 cents le litre ; il se vendait de 45 à 48, lorsque
le marché a été passé. De plus, cette liqueur est soumise à un droit d’octroi
de 6 fl. l’hectolitre à Anvers, Malines, Venloo, Gand et Ruremonde, de 4 fl. 50
cents à Bruxelles, de 8 fl. à St-Nicolas et Hasselt, de 9 fl. à Mons ; ailleurs
il est établi sur le taux de l’accise. Ainsi, dans les villes, la moyenne est
de 6 cents environ par litre. Donc, en tenant 50 cents pour prix moyen du litre
dans toutes les localités, le coût de la ration sera élevé de 1/2 cents, et le
bénéfice brut réduit à 10 1/2 p. c.
Je viens,
messieurs, d’établir des calculs, non en ministre qui veut esquiver une
discussion, mais en juge rigoureux des actes du ministre, et le résultat de cet
examen est au bénéfice brut de 10 1/2 p. c. !
Dans toutes les
entreprises où le paiement se fait au comptant, dans les estimations des
travaux publics, payés par dixièmes ou par douzièmes, et en raison des
déboursés, les bénéfices nets sont calculés à 10 p. c. Le génie civil estimé à
5 p. c. les frais imprévus pour tous les travaux publics, et calcule ainsi,
dans des entreprises où il n’y a aucun risque, aucune charge de négligée, les
bénéfices bruts à 15 p. c., tandis que, pour un marché où l’entrepreneur peut
être ruiné en un seul jour, où j’ai négligé de calculer les pertes, le
personnel et le transport des denrées, les frais d’enregistrement, le bénéfice
brut ne surpasse pas 10 1/2 p. c.
Messieurs, je
viens de prouver que le marché, considéré en lui-même est avantageux à l’Etat,
eu égard au temps où il a été contracté ; je vais établir comparativement
qu’aucun marché n’a été conclu antérieurement à des conditions aussi
favorables.
Les premiers
marchés, ceux d’approvisionnement des places fortes, portaient la ration aux
prix de 25 14/100 cents et 27 14/100 pour des fournitures à faire sur les
lieux, sans risques ni frais aucuns.
Le marché du sieur
de Vissher-Vanhove fut conclu le 25 mars : la ration était payée à raison de 24
25/100 cents : mais il n’avait à fournir que dans les limites resserrées de la
province d’Anvers ; mais à cette époque le froment se vendait au-dessous de 11
fl. la rasière. Depuis, l’entrepreneur a eu recours à des expédients
qu’attestent différents rapports et procès-verbaux.
L’entreprise du
Limbourg a été accordée à raison de 24 70/100 ; mais elle était circonscrite
dans un camp, libre de tout octroi, n’assujettissait à aucun déplacement, à aucun
transport, à aucuns frais de conservation, dans un temps où le froment se
vendait 10 fl. 50 c. l’hectolitre.
Dans le
Luxembourg, où le froment est coté à 20 p. c. de moins que dans les autres
provinces, le 18 avril on contracta à raison de 27 49/100 cents, avec
conditions imposées à l’entrepreneur actuel, mais pour un espace plus resserré,
mais sans la charge des magasins de réserve. La difficulté des communications,
il est vrai, avait influé sur le taux de la ration.
Je ferai observer
transitoirement que, dans ce dernier marché, le sel était coté à 3 21/100 cents
la ration ; dans l’avant-dernier, à 0 70/100, tandis que le prix contre lequel
on a tant récriminé dans le marché Hambrouk est de 0 60/100.
J’ai eu l’honneur
de dire, lors de la présentation du budget, et je dois répéter que les frais de
transports et de conservation ne sont pas à apprécier a priori, qu’à cet égard
on ne peut juger que par comparaison, et j’ai établi alors que le prix accordé
à l’entrepreneur actuel était équivalant à la moyenne des prix accordés
jusqu’alors pour des fournitures faites sur une plus petite échelle, et par
conséquent avec moins de risques et de frais dans des temps où le prix du
froment était moins élevé. J’ajouterai à ces termes de comparaison un nouveau
terme.
Le vinaigre ne se
distribue que dans les camps et seulement pour améliorer, assainir l’eau quand
elle n’est pas limpide et pure ; il n’entre pas dans la ration habituelle, dont
le prix est ainsi reporté à 25 75/100 cents. Lorsque le soldat est cantonné, l’Etat
paie à l’habitant 10 cents pour le logement et 25 cents pour la nourriture.
Ainsi donc toute la différence qu’il y a entre le coût de l’homme nourri chez
l’habitant, sans prévoyance du lendemain, sans moyens de concentration, et le
soldat sur pied de guerre, avec des approvisionnements derrière lui, capables
de pourvoir à toutes les exigences des opérations militaires, est de 75/100 de
cents par jour. Cette différence est amplement compensée par les avantages
qu’elle produit, et qui, indépendamment des moyens d’assurer la subsistance de
l’armée dans toutes ses positions, s’étendent à la discipline et à la santé du
soldat. Dans beaucoup de localités, le logement avec nourriture est regardé
comme une charge pesante par les habitants ; dans d’autres, le soldat n’obtient
que des aliments malsains et indigestes ; partout il vit isolé et sans
régularité. 75/100 de cents par jour est peu de chose pour racheter tous ces
inconvénients.
Enfin, sur pied de
guerre le soldat ne coûte que 4 cents 25 de plus que sur le pied de paix. Je ne
sais, messieurs, si l’on pourra trouver beaucoup d’armées où la dépense du pied
de guerre diffère si peu de celle du pied de paix ; je ne sais si l’on citera
beaucoup de marchés aussi avantageux que celui de Renier Hambrouk.
Messieurs, après
cet exposé, vous n’attendez pas de moi que je repousse les comparaisons qu’on a
voulu établir : on a cité des noms sans rien y comprendre, sans s’enquérir
des motifs qui avaient soulevé la critique, sans connaître les clauses des
contrats. Si l’on veut juger le marché des subsistances par analogie, qu’on
prenne pour terme de comparaison les marchés les plus avantageux passés à
d’autres époques, soit en Belgique, soit ailleurs.
Voulez-vous savoir,
par exemple, ce que coûte en ce moment la ration de vivres à Maestricht ? Eh
bien ! messieurs, le service d’une ville de garnison située dans une province
où les denrées abondent, où il n’y a aucun transport, aucun risque à courir,
est adjugé à 17 19/100 cents par ration, non compris le pain qui se fait par
continuité dans une boulangerie de l’Etat. Ici je paie pour les mêmes vivres
c’est-à-dire la viande, le sel, le riz et le genièvre en même quantité, 14
25/100 cents.
Dans la même ville
de Maestricht, les Hollandais paient la ration de fourrage de grosse cavalerie,
sur pied de guerre, 76 cents ; nous la payons dans le Limbourg 55 cents. Je
parle de fourrage pour établir que ce n’est pas la position spéciale de
Maestricht, la mise en état de siège qui influe sur le prix des rations, parce
que, pendant que la ration de fourrage s’y livre à 76 cents, elle en coûte 83
dans le Brabant septentrional.
Et cependant,
messieurs, les ministres en Hollande ne sont pas chaque jour mandés à la barre,
prévenus ou accusés d’incurie ou de dilapidations. Là, permettez-moi de le
dire, on entend autrement le patriotisme ; on sent que dans les circonstances
difficiles il faut de l’union, de la confiance pour être forts. Messieurs, ne
vous y méprenez point ; je ne réclame pas d’indulgence mais de deux choses
l’une : ou je ne mérite pas votre confiance, et alors prononcez-vous une bonne
fois, ou je n’ai pas démérité, et alors aussi, je le demande parce que j’en ai
besoin pour l’accomplissement de mon devoir, montrez à l’armée que vous ne me
jugez pas indigne de l’administrer.
Mais ce n’est pas
ainsi qu’on juge les choses ; ce n’est pas en se reportant à l’époque de la
passation du contrat qu’on le pèse ; c’est a posteriori, c’est avec la
connaissance des évènements qui l’ont suivi, qu’on calcule les bénéfices, qu’on
apprécie les faits.
Aujourd’hui, par
exemple, on vient vous dire qu’il y a une différence de 25 p. c. entre les prix
du paix fourni à l’armée et ceux fournis aux hôpitaux en 1832.
Il y a erreur dans
cet allégué : le prix moyen de la ration du pain dans les hôpitaux est de 9
25/100 cents ; elle diffère donc de 20 et non de 25 p. c. La raison en est
simple : du mois d’octobre au moins de décembre, la moyenne du prix du froment
a baissé de 12 p. c. ; puis l’entreprise des hôpitaux est faite par des
boulangers qui n’ont aucuns faux frais pour l’établissement de fours ou de
magasins. Et, messieurs, si je voulais m’appesantir sur le parallèle qu’on a
voulu établir, je pourrais en cirer des conséquences bien autres que celui de
votre commission du budget. Liége, Mons et Namur sont, en effet, des villes qui
influent sur cette différence de 20 p. c. ; à Liége, le prix a été obtenu par
suite d’une réadjudication et de l’animosité de deux concurrents ; de tout
temps, le pain à Mons et à Namur a été soumissionné à des prix de beaucoup
inférieurs à ceux de toutes les autres localités, et cependant, dans la
répartition de l’armée, ces deux places entrent pour une très faible part : 35
sur 875, et encore n’y entrent-elles que par suite de la rentrée de quelques
corps dans l’intérieur. En négligeant cette fraction de 1/25 de la force, la
différence entre le prix du pain à l’armée et aux hôpitaux n’est plus que de 12
p. c., ou égale à la différence des prix des denrées aux deux époques.
Dans les journaux,
on a comparé le prix du pain fourni à l’armée avec celui de cette denrée
distribuée aux prisonniers ; mais on a de nouveau oublié de tenir compte du
temps et des circonstances. D’après les règlements en vigueur, les vivres sont
mis en adjudication publique par trimestre pour les prisons, mais ils sont
adjugés trois mois d’avance pour donner le temps au gouvernement de procéder à
de nouvelles adjudications dans le cas où il improuverait celles passées par
les commissions locales.
Ainsi, au mois de
juin, le froment fut adjugé par hectolitre à raison de 8 fl. 25 pour la maison
de réclusion de Gand pendant le dernier trimestre de 1831, tandis qu’au mois
d’octobre, le prix d’adjudication s’éleva à 11 fl. 25 pour la livraison du
trimestre actuel. Si donc l’on veut tirer des conséquences de ces prix, il faut
tenir compte non du temps de la fourniture, mais de l’époque où l’adjudication
a eu lieu. Celle qui correspond avec le marché est la dernière ; or, d’après
des renseignements authentiques, elle porte le prix de la raison à 9 cents 94,
non compris les frais de la manutention exécutée par les prisonniers.
Ici, messieurs, je
n’ai pas en vue de vous cacher les bénéfices de l’entrepreneur : les
circonstances lui ont toutes été favorables jusqu’aujourd’hui, tout comme elles
le sont aux fournisseurs des prisons pour le premier trimestre de 1832 ; mais
je désire pouvoir vous reporter au point d’où je suis parti, pour
l’appréciation des faits.
Il ne me reste pus
maintenant qu’une objection à résoudre, un fait à expliquer : la durée du
marché.
J’ai contracté
dans un mauvais moment ; le prix des grains était trop élevé, il était probable
qu’une baisse aurait lieu.
Quant à l’époque,
je n’avais pas l’option du choix ; limiter la durée du contrat était le seul
moyen de tenir compte de la baisse éventuelle du prix des denrées.
Cette baisse
était-elle à prévoir ?
Le 26 septembre,
la guerre était imminente ; personne ne voyait d’autre issue aux affaires de la
Belgique et de la Hollande, et, en général, on croyait que cette guerre
deviendrait le signal d’une guerre générale. Cette supposition, alors probable,
bien loin d’influer favorablement sur le prix des denrées, devait les pousser à
la hausse.
Le court séjour
des troupes françaises avait fourni une preuve flagrante des résultats des
bruits de guerre, des effets du passage d’un corps d’armée. Dutilloeul
fournissait les vivres aux troupes dans le Luxembourg ; le 3 août, lors du
départ de ces troupes pour Liége, il reçut l’ordre de vendre les pains qu’il
n’avait pu délivrer par suite du mouvement. De l’état-perte qu’il a fourni pour
solde son compte, il résulte qu’une partie du pain a été vendue avec bénéfice
pour l’Etat, et cependant il lui était alloué 11 53/000 par ration. A Namur, il
y eu disette momentanée, et le particulier se trouvait heureux d’obtenir du
pain au même prix de 11 53/000 les 750 grammes.
L’entrepreneur
présent sentit comme tout le monde alors l’avenir ; il fit des achats immenses,
et cependant tout ce qui excédait les stipulations du contrat était à ses
risques : un revers, une journée malheureuse compromettait sa fortune et celle
de ses cautions.
Pour
contrebalancer ces risques, il demandait à contracter pour un long terme ; il
demandait 15 mois d’exercice.
Messieurs, il y
avait d’autant moins de raisons de s’opposer à cette condition que pour toutes
les fournitures, sans exception, le ministre de la guerre contracte par année ;
que les contrats se font, doivent se faire, assez à temps pour que le service
puisse être établi dans toutes les localités au 1er janvier. Cette année, les
seuls inconvénients d’adjudications tardives se sont fait sentir pour plusieurs
objets, tellement qu’à l’avenir il sera nécessaire de contracter 3 mois
d’avance, comme on le fait dans les prisons, pour obtenir de la régularité dans
les services.
Faire des marchés
partiels, isolés de l’entreprise générale, pour la fourniture du pain en
garnison, était chose impossible, à moins de bonifier à l’entrepreneur des
vivres de guerre, au moment de la cessation de son service, la différence des
prix, de reprendre les magasins au compte de l’Etat, ou de les faire consommer
à la paix. Cette consommation rendait toute autre entreprise impossible, ou
forçait, comme je l’ai déclaré antérieurement, à maintenir, sans but, l’armée
sur pied de guerre. La bonification des pertes pour des magasins destinés à une
armée de 80,000 hommes eût largement compensé les bénéfices d’une entreprise
ultérieure.
Une autre
considération vient se joindre aux précédentes ; aussi longtemps que dure la
guerre, il n’est pas donné au gouvernement de fixer les villes de garnison, de
prévoir d’un jour à l’autre la position des troupes.
Indépendamment des
apparences de guerre, d’autres causes pouvaient influer sur le prix des denrées
; elles ont baissé de prix, messieurs, par l’arrivage de grains étrangers et
par le maintien de la prohibition de sortie. Mais, si la guerre avait éclaté,
les arrivages cessaient ; et ces arrivages, qui de vous peut en dire la cause
et la source ? Si la paix se faisait, la libre sortie des grains en eût été la
suite probable.
Après toutes ces
explications qui, j’ose le croire, sont de nature à satisfaire toutes les
exigences, je vais envisager la question a posteriori.
Pour quelques
places de garnison, le fournisseur général a sous-traité avec divers
particuliers, il s’est réservé les principales pour l’écoulement éventuel de
ses magasins.
Les marchés
spéciaux, toutefois, sont loin de présenter les résultats que les
pétitionnaires de Mons vous ont dénoncés ; j’ai la preuve qu’il n’y a pas eu de
cascade, qu’au contraire le sieur Roger fait les livrances pour son compte
personnel. Le taux moyen des sous-traités faits au mois de décembre donne au
fournisseur un bénéfice moyen de 15 p. c. Le bénéfice est le résultat de la
baisse des grains : il n’était pas à prévoir ; mais n’importe, il est immense
pour n’entraîner d’autre obligation que la responsabilité de l’exécution.
Si donc, au 1er
janvier, la paix avait été conclue, supposition la plus favorable à
l’entrepreneur, il eût fait un bénéfice de 15 p. c., et, tenant compte des
bénéfices éventuels des sous-entrepreneurs, l’Etat eût fait une perte de 10 p.
c. par la concentration du marché, et toujours dans la supposition que le
gouvernement eût prévu une baisse au mois de décembre et attendu cette époque
pour contracter, et que, de plus, aucun approvisionnement n’eût été fait au
mois d’octobre. Il y aurait même une perte de 12 p. c. si l’on peut admettre
que les sous-entrepreneurs eussent contracté aux mêmes conditions avec le
gouvernement que les livranciers des hôpitaux.
Mais, parmi les
suppositions qui précèdent, une au moins ne pouvait en aucun cas se réaliser :
l’existence des magasins est un fait ; les approvisionnements ont dû se faire
de toute nécessité pendant le mois d’octobre ; à part ceux pour compte et
risques de l’entrepreneur, ils consistaient en 6,600 hectolitres de froment,
faisant 850,000 rations, et pouvant servir à la nourriture de 20,000 hommes
pendant 43 jours.
Plus 23,250 kil.
de riz, 39,750 litres de genièvre que l’entrepreneur devait revendre à ses
risques et périls.
Mais une autre
supposition ne s’est pas réalisée : nous sommes encore dans un état de guerre,
et, par suite, des magasins et un personnel administratif ont dû être conservés
; par suite il a fallu prendre des dispositions pour assurer le service, et
l’entrepreneur fournit des vivres de campagne à 10,000 hommes répartis en 12 à
15 localités. Le personnel nécessaire pour une aussi petite quantité de vivres
répartis sur autant de points absorbe au moins les bénéfices.
Mais
l’entrepreneur n’a fait de sous-traités que pour une partie des garnisons : il
a conservé Malines, Louvain, Anvers et Bruxelles, c’est-à-dire les villes où la
moyenne du prix du pain fourni aux hôpitaux est de 9 cents 97 par ration,
tandis qu’il ne gagne 15 p. c. que sur celles où le prix moyen est de 8,78
d’après l’état que j’ai eu l’honneur de fournir à la commission du budget.
Mais les
sous-traitants du sieur Hambrouk n’ont aucun risque à courir ; ils fournissent
aux garnisons : s’il y a guerre, les grains et toutes les denrées haussent, les
garnisons s’éclipsent, et l’entrepreneur reprend tout le service.
Mais la baisse
n’était pas à prévoir, mais le gouvernement ne pouvait pas attendre cette
baisse pour prendre ses mesures, mais enfin et surtout l’avenir est encore
incertain, et le plus léger événement peut déranger toutes nos suppositions,
renverser nos calculs.
Je
finis, messieurs : vous apprécierez maintenant avec facilité le marché que j’ai
conclu avec Renier Hambrouk. Comme ministre, je tiens à vos suffrages ; je ne
puis rester sous le poids d’une prévention pour des faits de cette nature,
alors que je harcèle les dilapidateurs de deniers publics, gourmande les
prodigues.
Citoyen, la
conscience d’avoir bien fait me suffit ; militaire, j’ai pour moi le témoignage
de tous les généraux de l’armée ; c’en est assez pour me dédommager des
critiques les plus amères. Mais, ministre, il m’importe de ne pas rester plus
longtemps dans une position fausse vis-à-vis de la représentation nationale.
Toute la question se réduit à savoir si j’ai conservé ou perdu la confiance de
la chambre : c’est ainsi que je résume le but et les effets de la proposition
de M. Jullien ; elle ne saurait en avoir d’autres.
(Moniteur belge n°55, du 24 février 1832)
M. A. Rodenbach. - J’ai le droit, messieurs,
de demander la parole pour un fait personnel. C’est moi qui ai dit à la tribune
au ministre de la guerre qu’il avait conclu le marché Hambrouk avec légèreté et
turbulence. Personne ne disconvient que M. de Brouckere a rendu de grands
services à la nation, et qu’il a puissamment contribué à nous donner une armée
; mais il n’en est pas moins vrai qu’il a commis une grande faute qu’il est du
devoir de tout mandataire de signaler. Si le marché Hambrouk n’avait été qu’un
marché d’urgence pour trois, quatre, cinq ou même six mois, personne de nous,
je pense, n’eût soulevé la question ; mais pour quinze mortels mois, terme qui
donne deux deux récoltes, cela est sans exemple dans les annales des barèmes
présents et passés.
Je le répète, et
je persiste dans mon sentiment, que c’est le long terme du marché qui m’a fait
dire que le ministre a traité avec légèreté et turbulence.
M. Lardinois. - Messieurs, le marché des
subsistances pour l’armée a été l’objet de critiques amères, et dans cette
chambre, et dans les journaux, et dans les entretiens particuliers. Si nous
remontions à la source de ces récriminations, nous pourrions découvrir que
l’éveil fut donné par des gens qui n’avaient pu obtenir cette entreprise à des
conditions bien autrement désavantageuses pour l’Etat.
Dans cette
hypothèse, je considère les renseignements dont on a entretenu le public comme
dictés sous l’influence d’un sentiment intéressé et passionné. C’est ainsi que
je m’explique l’exagération des faits et les attaques dont a accablé un homme
que ses antécédents auraient dû faire mieux apprécier.
Si la servilité et
l’adulation sont des actes méprisables dans la vie ordinaire, à plus forte
raison leur exercice doit-il être proscrit dans la vie publique. Mais, en
condamnant un pareil système, je suis loin d’approuver celui qui tendrait à
déverser toujours le blâme et l’injure sur toute mesure, en haine de la
personne ou du pouvoir qui en aurait fait la proposition.
Jusqu’à présent on
ne m’a pas vu prodigué d’éloges envers le gouvernement. Je ne me suis même pas
extasié devant le mérite du ministre de la guerre, quoiqu’à part moi je susse
lui rendre justice et lui souhaiter de sortir heureusement de la tâche immense
qu’il ne pouvait embrasser qu’en exposant ses jours et son honneur.
Rappelez-vous,
messieurs, à quel degré de désorganisation l’administration de la guerre était
arrivée au mois d’août dernier : sans chef, sans ordre, sans subsistance, sans
matériel, sans discipline. On pouvait dire, comme après l’incendie et la
retraite de Moscou : « Tout est misère et catastrophe ! »
C’est dans cet état
de choses que M. Ch. de Brouckere a accepté le portefeuille de la guerre. En
cette circonstance, il a fait preuve d’un grand dévouement ; car il ne
s’agissait de rien moins que de reconstruire tout l’édifice du département de
la guerre, tandis que l’ennemi était à nos portes qui nous menaçait de ses
cohortes furieuses.
Pour réussir dans
cette réédification, le ministre devait être secondé par des hommes capables et
de bonne volonté. Vous savez tous, messieurs, de quelle manière est montrée
l’administration de la guerre : c’était un corps composé d’éléments hétérogènes
que la révolution avait pris çà et là, sans choix ni discernement. Ce premier
jet est un ouvrage défectueux, qui a grand besoin d’être revu et corrigé.
Si, à toutes ces
difficultés à vaincre, vous ajoutez la considération qu’un gouvernement a
rarement le choix entre le bien et le mal, qu’il doit au contraire presque
toujours choisir entre plusieurs maux, alors vous ne serez pas surpris que le
ministre de la guerre ait commis quelques fautes, mais que la plupart de ses
mesures ne soient pas reprochables.
Je ne prétends pas
soulever ici une question de personne, ni justifier de mauvaises mesures par la
qualité des individus : non, je connais plusieurs dispositions de
l’administration de la guerre qui sont préjudiciables à l’Etat, et je me
propose de les signaler lorsque l’occasion sera venue. Mais, lorsque je vois
que les attaques portent plutôt sur l’homme que sur les actes, et que des
insinuations perfides tendent à faire prendre la probité pour un prévaricateur
officiel, alors il est bien permis d’élever la voix et de protester contre ces
diffamations. Il est une nature de calomnie qui a la propriété de ruiner les
meilleurs réputations ; souvent ceux qui en sont les victimes se découragent, et
l’on prive ainsi la nation des services des hommes qui sont sincèrement
attachés au bien public.
Le marché Hambrouk
est une grande faute administrative ; non pas précisément par le prix, mais
surtout par le terme. Je crois que le ministre aurait dû seulement contracter
pour quatre mois, sauf à renouveler ce contrat si les circonstances l’eussent
exigé. Tous les arguments que l’on a débités pour justifier cette clause ne
sont, à mon avis, que des sophismes.
Un second reproche
à faire à cette opération est le manque de publicité. En règle générale, la
publicité, pour les marchés et les fournitures, est de l’essence d’une bonne
administration. Cependant, je ne voudrais pas en faire une loi absolue, car
j’admets qu’elle peut être dangereuse dans plusieurs circonstances ; mais alors
il faudrait au moins soumettre les mesures d’une certaine importance en conseil
des ministres.
La proposition de
l’honorable M. Jullien a pour but, en dernier analyse, d’obtenir la réalisation
du marché Hambrouk. Je pense qu’il serait imprudent à une chambre législative
de laisser croire même à l’apparence de la violation d’un contrat civil.
J’ignore aussi jusqu’à quel point nous pouvons entrer dans cette question, sans
empiéter sur le pouvoir exécutif et sur le pouvoir judiciaire. Dans l’ordre
constitutionnel, je sais que nous avons le droit de censurer les actes de
l’administration, et, lorsque la dignité de l’Etat se trouve compromise ou ses
intérêts sacrifiés, nous pouvons exprimer notre mécontentement par une
résolution au procès-verbal, une adresse au Roi, et même accuser les ministres
pour des cas graves ; mais là doit se borner l’intervention des chambres, si on
ne veut pas confondre tous les pouvoirs.
L’opinion publique
et la chambre s’est prononcée clairement sur le marché Hambrouk. Maintenant il
appartient au ministre d’y déférer en ce qu’il y a de juste, soit en adoptant
la voie des transactions, ou en invoquant les moyens de nullité. Quant à nous,
messieurs, il me paraît que nous ne devons pas nous immiscer dans cette convention,
parce que nous sommes pouvoir législatif et non administratif.
S’il faut en
croire les feuilles publiques, la démission du ministre de la guerre serait
certaine. Le salut d’un peuple ne dépend
pas d’un homme, je le sais ; mais, dans la crise actuelle, j’envisage cette
retraite comme un malheur pour le pays. Que son remplaçant soit choisi ou non
dans le système triangulaire, il n’inspirera pas la même confiance, et force
lui sera de faire une école dont les frais seront encore payés par l’Etat. Et, lorsqu’il
aura acquis une expérience capable de le garantir de bien des erreurs, il devra
aussi probablement songer à quitter un poste où, pour prix de vos peines, de
votre zèle, de votre dévouement, vous ne devez le plus souvent attendre que
dégoûts, injures et calomnies. C’est ainsi que, voguant sur une mer d’anxiété
continuelles, nous formons des administrations et des hommes d’Etat qui ne
profitent pas à l’Etat.
Je ne puis
m’expliquer les motifs de la démission du ministre de la guerre ; mais, en
supposant qu’elle soit réelle, je m’imagine que la puissance royale, mieux
avisée, conservera l’homme qui fait la principale force du gouvernement. Eh
quoi ! aurait-on oublié sa conduite du mois d’août et son heureuse influence,
qui rendît le courage à une armée démoralisée ? Chacun de nous rend justice aux
talents et au patriotisme du ministre ; et, si ses nombreux amis politiques,
mus par un sentiment de probité civique, ont les premiers exigé des
explications sur certains actes administratifs, ils sont prêts à témoigner
qu’il ne recourut jamais à de misérables échappatoires et que ses réponses
furent toujours sincères et officielles.
J’admets, en principe, qu’aucune partie des actes
ministériels ne peut être soustraite à l’investigation de la chambre, pourvu
que ce soit dans les limites tracées par la constitution. Dans cette
occurrence, je regarde un plus ample examen du marché Hambrouk comme superflu ;
car nous n’avons pas le droit de l’annuler, ni d’en provoquer directement la
réalisation. Cet acte ne peut être réputé illégal ou arbitraire ; c’est tout au
plus une opération onéreuse pour l’Etat, laquelle implique la responsabilité
morale du ministre, parce qu’il a eu la délicatesse de ne pas répudier un fait
qui n’est pas sien. Par ces motifs, je voterai contre les conclusions de la
section centrale.
M. Delehaye. - Je ne pense pas que la
chambre doive passer à l’ordre du jour ainsi que le propose M. Lardinois. Bien
qu’il soit convaincu que le marché Hambrouk n’est pas onéreux, nous ne pouvons
adopter sur-le-champ son opinion. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’entrer dans
des explications détaillées sur le fond de la question, mais simplement de
nommer une commission chargée de l’examiner.
M. Gendebien. - Messieurs, veuillez-vous
rappeler que toutes les sections, et même la section centrale, ont senti la
nécessité de nommer une commission à l’effet de vérifier si le marché Hambrouk
est onéreux ou non. J’avoue que je suis fort étonné maintenant que M. le ministre
de la guerre s’oppose à la nomination de cette commission. A sa place, loin de
m’y opposer, je l’aurais provoquée au contraire, puisqu’elle aura pour mission
d’éclaircir un fait d’où dépend sa justification. L’ordre du jour de cette
séance, c’est le vote sur sa proposition amendée par la section centrale. Or,
qui peut vous empêcher de voter aujourd’hui ? Serait-ce les calculs que vous a
présentés M. le ministre ? Non, messieurs : il faut au contraire que ces
chiffres soient vérifiés, et il est d’autant plus nécessaire de nommer une
commission pour le faire.
L’orateur cherche
à démontrer que M. le ministre de la guerre s’est trompé plusieurs fois dans
ses calculs et dans ses assertions, par exemple, relativement aux marchés de
manipulation. M. Ch. de Brouckere a dit que, dans ces sortes d’entreprises, il
fallait faire les avances et qu’il n’en était pas ainsi pour le marché
Hambrouck, tandis qu’il a été déjà forcé d’avouer qu’on lui avançait un tiers
des approvisionnements. D’un autre côté, les marchés précédents qu’a cités M.
le ministre ne peuvent servir de termes de comparaison ; car celui de
Luxembourg exigeait de grands frais de transport par suite des marches et
contremarches des troupes. Quant à ceux des Flandres, c’étaient des marches
d’urgence ; ils ont été faits en présence de l’ennemi, avec l’approbation de
l’intendant militaire…
Plusieurs membres font remarquer à l’honorable membre qu’il n’est pas
dans la question.
M. Gendebien. - Je suis parfaitement dans
la question, car il s’agit de justifier l’utilité de la commission ; et je
démontre les inexactitudes dans lesquelles est tombé M. le ministre, pour
prouver que son rapport a besoin d’être examiné. Quand il s’agit d’une question
aussi importante, il me semble qu’il faut bien laisser la faculté de parler
pendant cinq minutes à un membre qui n’a pas coutume de s’écarter du sujet.
L’honorable
membre soutient que les conditions des marchés des Flandres exigeaient quelque
chose en plus des fournisseurs pour le riz, le sel, le genièvre, et que
cependant il y a encore une différence de 9 p. c. en faveur du marché Hambrouk.
Il ajoute que le ministre s’est bien gardé de citer un autre marché de Namur,
où les rations, semblables à celles que fournit M. Hambrouk, ne sont estimées
que 28 cents 28/100. Il termine en demandant l’impression du rapport.
M. Jullien. - M. le ministre de la
guerre, qui a pris son temps pour combattre les arguments que nous avions fait
valoir contre le marché Hambrouk, est venu se justifier avec des larmes dans la
voix… (Violents murmures d’improbation,
agitation prolongée.) Messieurs, on nous reprochera probablement notre
vivacité ; je n’empêche personne de s’attendrir au discours de M. le ministre ;
mais moi aussi j’ai des larmes pour le peuple, dont on prodigue les deniers
qu’il a tant de mal à payer. (Nouveaux
murmures.)
M. Jullien
rappelle les circonstances où il a présenté sa proposition ; il en donne
lecture pour en montrer la modération, et dit qu’après que toutes les sections
ont été d’avis de nommer une commission, il ne conçoit pas que M. le ministre
vienne dire aujourd’hui qu’il croit son honneur exposé si l’on nomme cette
commission : c’est s’opposer à ce que le long rapport qu’il vient de lire soit
examiné. Il ajoute que, d’après les termes de la loi du 22 avril 1794,
confirmés par la loi de ventôse an IV, les ministres sont responsables de
l’emploi des fonds publics, et ne peuvent pas seuls contracter des marchés,
sans l’autorisation de la législature ou d’un conseil ad hoc.
Quant aux motifs
d’urgence qu’a fait valoir M. le ministre de la guerre, l’orateur soutient
qu’il n’y avait pas urgence au 26 septembre, puisque les troupes françaises
protégeaient encore le territoire belge, et que tout le monde était tranquille.
Dans tous les cas, il fallait rester dans les termes de l’urgence et ne pas
contracter pour un long espace ; car l’urgence ne peut durer 15 mois : s’il en
était ainsi, il n’y aurait pas de raison qu’elle ne durât point 8 et 10 ans. Il
laisse à M. Gendebien le soin de réfuter ce qu’a dit M. le ministre
relativement aux prix, mais il a été démontré qu’ils sont exorbitants, et une
personne qui s’y connaît lui a encore déclaré aujourd’hui que le véritable prix
de la ration n’excédait pas 18 cents, ce qui est fort éloigné des 28 que coûte
celle fournie par Hambrouk.
Pour prouver la
supériorité des adjudications publiques, M. Jullien cite la mesure que vient de
prendre M. le ministre de la guerre. Il a mis en adjudication des draps pour
habiller les douaniers, et il les a eus à 25 p. c. meilleur marché que ceux
achetés par M. le ministre de la guerre. Si M. Hambrouk avait entrepris par
adjudication publique, et qu’au lieu de 5 ou 6 mille florins qu’il gagne, à ce
que l’on dit, il en eût même gagné 10 mille, il n’y aurait rien à dire, car
alors il aurait couru les chances d’un contrat aléatoire ; mais il n’y a aucun
risque, c’est lui-même qui fixe la somme nécessaire ; le gouvernement la
fournit, et lui n’a que la peine de vider ses magasins. Voilà la vérité, ajoute
l’orateur, et toutes les arguties, toute la sensiblerie du monde ne
parviendraient à la changer en rien. Voilà pour la part du ministre.
Quant à l’entrepreneur, il soutient qu’il n’a aucun droit sur le trésor
de l’Etat, parce qu’il n’a contracté qu’avec M. de Brouckere ; il invoque en
outre un autre principe du droit civil, résultant de l’article 1997 du code
civil sur le mandat. D’après cet article, le mandataire qui a donné à la partie
avec laquelle il contracte une suffisante connaissance de ses pouvoirs, n’est
tenu d’aucune garantie pour ce qui a été faite au-delà. Mais ici, comme M. le
ministre n’a montré aucun mandat à M. Hambrouk, il s’ensuit que ce dernier n’a
traité qu’avec M. de Brouckere personnellement, et non avec le ministre
mandataire de l’Etat ; par conséquent, le trésor n’est aucunement engagé avec
lui. Il demande, en terminant, que l’on nomme une commission qui examinera si
le marché est onéreux ou non, et si même, étant reconnu onéreux, les circonstances
l’autorisaient.
M. le
ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Je demande la parole pour
un fait personnel. J’ai entendu prononcer le mot de sensiblerie par l’orateur
qui vient de parler ; j’en suis d’autant plus étonné que je ne me suis pas
adressé aux sentiments de la chambre, puisque je lui ai présenté des chiffres.
Du reste, quand il est question de son honneur, il est bien naturel que l’on
éprouve quelque émotion.
Maintenant, on a
prétendu que l’entrepreneur gagner 5,600 fl. par jour. Je n’ai qu’un mot à
répondre, c’est que toutes les fournitures ne montent chaque jour qu’à 5,200
florins.
M. Gendebien. - Je n’ai pas dit que M.
Hambrouk gagnait 5,600 florins par jour pout toutes les fournitures, mais qu’il
avait chaque jour un bénéfice de 5,600 francs sur le pain ; j’ai ajouté que,
pour le tout, il devait gagner 6,000 florins pour une armée de 80,000 hommes.
M. le ministre de la guerre (M. Ch.
de Brouckere). - Je ne conçois pas comment l’entrepreneur pourrait
gagner 5,600 francs par jour sur le pain, quand il n’en fournit que pour 3,200
francs. (On rit.)
M. Lebeau. - Messieurs, nous vivons dans
un temps où, lorsqu’on se charge du lourd fardeau du pouvoir, il faut faire bon
marché de sa popularité ; et il est telle époque où, il faut avoir le courage
de ne pas reculer devant l’injustice de l’opinion. C’est une expérience que
j’ai faite et qui me donne le droit de donner ce conseil à l’honorable M. de
Brouckere. Je connais les antécédents de ce ministre et les services qu’il a
rendus, et, quoique dans des questions importantes nous ayons été d’une opinion
différente, je n’hésite pas à dire que, dans cette circonstance, il a fait ce
que son devoir lui prescrivait, et je suis certain que sa conscience ne lui
reproche rien.
Il y a quelque
chose d’assez singulier dans l’insistance de ceux qui veulent que la chambre
nomme une commission, tendante, selon eux, à justifier le ministre de la guerre
de l’accusation d’avoir conclu un marché onéreux ; et il y a quelque chose de
bizarre, quand ils demandent qu’on leur laisse explorer les chiffres de son
marché, de lui laisser entrevoir une réhabilitation après examen. Et quand tient-on
ce langage ? Quand on n’hésite pas à dire que l’entrepreneur, au marché conclu,
ne gagne pas moins de 6,000 florins par jour ! Certes, pour ceux qui mettent en
avant de tels arguments, on conviendra qu’une commission est tout à fait
inutile, et que, de toutes les corvées à imposer à une commission, celle de
constater un fait patent et bien avéré est la plus vaine.
On a argumenté,
pour condamner le marché Hambrouk, de la législation républicaine et de celle
de l’empire, et l’on a professé, à cet égard, des principes incontestables. Le
gouvernement, a-t-on dit, ne peut disposer, sans excès de pouvoir, des denier
du trésor public, et il ne le peut qu’avec l’autorisation de la législature. Je
suis parfaitement d’accord sur le principe avec l’honorable M. Jullien. Mais
par quels moyens la chambre peut-elle atteindre un ministre qui, sous ce
rapport, aurait excédé ses pouvoirs ? Ce n’est qu’à l’occasion des crédits
provisoires du budget que de telles questions peuvent être soulevées. Je
conçois que, quand il s’agit d’examiner le budget d’un ministre, on voie s’il
n’a pas dépassé ses pouvoirs en faisant des dépenses non autorisées, et, dans
le cas où il ne les aurait pas dépassés, qu’on examine ensuite si ce n’est pas
le cas de lui accorder un bill d’indemnité.
Nous sommes dans
ces termes, messieurs, par rapport au marché Hambrouk. Quand nous examinerons
le budget de 1832, nous verrons si le ministre a pu grever le trésor d’une
dépense aussi forte sans outrepasser ses pouvoirs. Si telle est votre
conviction, alors vous lui refuserez les subsides servant à acquitter cette
dépense. Mais quand cela ? A l’époque, je le répète, du vote du budget ; après
que l’impression du rapport du ministre aura eu lieu, et je demande cette
impression, après que vous aurez eu le temps de prendre connaissance des faits
et de les apprécier. Quand votre conviction sera formée, et que le temps de
parler sera venu, vous direz au ministre : « Vous avez dépassé vos
pouvoirs, et nous vous refusons les subsides ; » ou bien : « Vous
étiez placé dans la nécessité de contracter un marché onéreux, vous l’avez
subie ; nous vous accordons un bill d’indemnité. » Voilà, messieurs, quel
sera votre langage, et vous serez dans votre droit en agissant ainsi.
Je dois relever
une autre erreur commise par M. Jullien. Quoi ! dit-il le ministre nous aurait
obligés pour toute l’année, tandis que le Roi, qui a le droit de faire la paix
et la guerre, ne peut faire des traités de commerce pouvant grever l’Etat sans
l’assentiment des chambres ! C’est mal à propos que M. Jullien veut argumenter
de l’article 68 de la constitution ; il ferait par-là, du sieur Hambrouk,
l’égal du roi des Belges ou du roi des Français (on rit) ; car il ne s’agit dans cet article que des traités à faire
de puissance à puissance.
Mais
revenons à la question. Quel sera, je le demande, le but que pourra atteindre
la commission ? Aucun. Dans la marche qui nous est tracée
constitutionnellement, nous arrivons au contraire à la satisfaction la plus
complète. Le marché Hambrouk est devenu public ; la proposition de M. Jullien
est imprimée avec ses développements ; les explications de M. le ministre de la
guerre le seront aussi ; nous aurons toutes les pièces sous les yeux, de telle
sorte que, quand viendra le budget de la guerre, vous aurez eu le temps et les
moyens de vous éclairer sur ce marché. Si vous le trouvez onéreux et si vous
pensez que le ministre ait la faculté de le résilier, vous demanderez qu’il le
soit, et, si le ministre persiste à dire qu’il n’est pas onéreux, et à
s’opposer à sa résiliation, vous lui refuserez les subsides : il sera forcé de
quitter le ministère, et vous ne donnerez qu’à son successeur les sommes
nécessaires pour les dépenses de l’année. Voilà la seule marche rationnelle que
vous ayez à suivre. Par là vous obtenez une complète satisfaction. Je défie la
commission qu’on veut nommer d’arriver jusque-là. Que fera, en effet, la
commission ?
M. Gendebien.- Elle éclairera la chambre.
M. Lebeau. - Mais, pour ceux qui insistent
le plus, il n’est pas besoin de plus grandes lumières ; ils sont convaincus que
l’entrepreneur fait un bénéfice de 6,000 fl. par jour.
M. Gendebien. - Je demande la parole.
M. Lebeau. - Qu’on ne dise pas que passer à l’ordre du jour,
comme l’a proposé l’honorable M. Lardinois, ce serait laisser planer une
accusation sur la tête du ministère, et qu’il est intéressé à ce que la
question soit éclaircie. Non, messieurs : passer à l’ordre du jour, c’est tout
bonnement déclarer que le temps n’est pas venu de soulever cette discussion. Je
regarde donc la nomination d’une commission et toute discussion ultérieure
comme une perte de temps pour la chambre, comme cela est arrivé autrefois à
propos de propositions adoptées à la légère. (Assentiment marqué.)
M. Jullien. - Messieurs, il y a une
singulière analogie entre le sort qu’on prépare à cette proposition et celui
qu’on fit subir à l’enquête sur les désastres du mois d’août. Rappelez-vous
qu’alors on vous proposa de faire une enquête, et que la proposition n’éprouve
pas de contradiction de la part d’un seul membre ; la commission fut nommée,
et, quand elle voulut marcher en avant, on lui impose des entraves, si bien qu’il
n’en a plus été question. Aujourd’hui que propose-t-on ? Vous avez voulu
examiner le marché Hambrouk, vous avez tous demandé dans les sections qu’une
commission fût nommée à cet effet, et aujourd’hui on ne veut pas que cette
commission soit nommée, et on vous rejette sur le droit que vous avez de
refuser les fonds au ministre de la guerre, quand viendra la discussion du
budget ! Je ne pense pas, messieurs, que vous vous laissiez prendre à ces
conclusions.
L’orateur soutient
ici que le droit de nommer une commission en cette circonstance se rattache au
droit d’enquête que les chambres tiennent de la constitution ; il insiste pour
que la chambre use de ce droit, et termine ainsi : En vérité, lorsque je vois
repousser de semblables propositions, et contester de tels droits, je suis
tenté de croire que notre glorieuse constitution s’en va le même chemin que
notre glorieuse révolution (rires et
murmures), c’est-à-dire que, sous le scalpel de quelques habiles
opérateurs, elle disparaîtra lambeaux par lambeaux, et qu’il n’en restera plus
que le squelette.
M. Gendebien. - Messieurs, j’appuie tout ce
que vient de dire M. Jullien, parce que je suis entièrement convaincu que l’on
veut faire du gouvernement représentatif un mensonge, et que nous marchons à
grands pas vers ce but. Je dois d’abord répondre à un des préopinants, qui a
dit qu’une commission était inutile parce que ceux qui la demandent avec le
plus d’instance disent qu’ils sont convaincus que l’entrepreneur gagne 6,000
fl. par jour. Admirable raisonnement ! Quoi ! parce que M. Gendebien est
convaincu de ce fait, il est maître de nommer une commission pour le vérifier ?
Mais ma conviction personnelle est-elle celle de la chambre entière ? En
vérité, messieurs, ou il y a une perturbation complète dans mon esprit, ou dans
celui qui raisonne ainsi. (Rires et
murmures.) Quoi ! parce que toute la chambre a été d’avis de nommer une
commission, M. Lebeau compris (car tel a été son vote dans les sections), il
faut aujourd’hui se dispenser de la nommer ? Mais je ne pense pas que,
nonobstant la conviction de la chambre ou de quelques membres, il y ait preuve
acquise du fait à éclaircir ; et c’est cette preuve qu’il s’agit d’acquérir.
On vous a dit
qu’il était impossible que l’entrepreneur gagnât 6,000 florins par jour.
J’établirai que Hambrouck, à raison de 80,000 hommes sous les armes, dont il
fournit la subsistance, doit gagner 6,000 fl. par jour, 80,000 rations à 30
cents l’une font une dépense totale de 24,000 fl. Eh bien ! avec un gain de 25
p. c., le bénéfice journalier s’élève à 6,000 fl. sur l’article seigle,
Hambrouck gagne 178 p. c. ; sur le riz, 74 p. c., et aux prix où il a fait
dernièrement une acquisition à Anvers, de plus beau riz de la Caroline, il
gagne encore 47 p. c. ; sur le genièvre, 33 p. c., en supposant qu’il fût au
degré voulu, et on a constaté le contraire. Sur la paille, Hambrouck gagne 200
p. c. Sur le pain et la viande il ne gagne pas autant, il est vrai ; mais il
gagne encore 20 ou 21 p. c. Ainsi que l’on cesse de dire que le peuple n’a pas
le droit de se plaindre, et que je développe ici une vaine théorie, puisque je
viens avec des chiffres.
On
vous a dit que ce n’était pas aujourd’hui le moment de discuter, mais que ce
moment viendrait lors du vote du budget. Admirable remède, et bien digne de la
logique de la première proposition qu’on vous a faite ! Mais, quand nous en
serons venus là, que dira-t-on ? On vous dira : Prenez garde de rejeter le
budget ; car, si l’armée manque un seul jour de solde, elle est dissoute.
Ainsi, on vous fera mettre de côté tout examen, et vous aurez sanctionné,
malgré vous, un marché ruineux. Le ministre est de bonne foi, je veux le croire
; sa probité est incontestable, je veux le croire encore ; mais, en vérité, il
me rendrait l’une et l’autre douteuses, en s’opposant plus longtemps à la
nomination de la commission. En tout cas, messieurs, la chambre ne doit pas se
laisser enlever une de ses plus précieuses prérogatives : que serait la
liberté, que serait la constitution sans le droit d’examiner la conduite des
ministres ? Au contraire, que l’on enlève la constitution, si l’on veut, et que
l’on établisse clairement, en trois lignes, la responsabilité ministérielle, et
je suis satisfait.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, si notre honorable collègue M. Lebeau ne
s’était point opposé à la nomination d’une commission, je me serais abstenu de
demander de nouveau la parole ; mais mon mandat de représentant me commande
impérieusement de déclarer à l’assemblée que je crois la commission éminemment
utile, vu que, dans mon âme et dans mon conscience, je suis persuadé que le
marché est onéreux. Il y a encore 10,000 hommes à Louvain, à Malines et à
Tirlemont, qui reçoivent des vivres de campagne ; toutes les troupes casernées
obtiennent le pain ; il est prouvé, et je défie qui que ce soit de me le
contester, que Hambrouk ne soustraite pas à 16 1/2 cents par pain de deux
rations. Ce fournisseur reçoit 23 cents, donc il fait un bénéfice de 6 1/2
cents par pain qu’il fournit au grand nombre de soldats.
Je
forme des vœux bien sincères pour que ce marché puisse être résilié. Il y a un
antécédent, je le citerai ; le voici. Les marchés d’Ouvrad, le Bonaparte des
munitionnaires (on rit), comprenant
tous les services de l’armée d’Espagne en vivres, fourrages et transports,
furent signés à Bayonne entre l’intendant général, représentant le ministre de
la guerre, le 6 avril 1828. Non content de cette signature, Ouvrad exigea en
outre l’approbation écrite du prince généralissime ; mais une clause même de
ces marchés, celle qui spécifiait le cas de différends entre les deux parties,
l’Etat et l’illustre munitionnaire (et on prescrivait la solution au moyen
d’arbitres), suffit d’abord pour amener la modification de Victoria par les
soins de l’intendant Regnaud, d’autres encore à Madrid, par les soins de
l’intendant Joinville, et enfin sa résiliation en 1829. Malgré toutes ces
circonstances, l’administration française réduisit encore la liquidation
générale d’environ 15 à 14,000,000 de francs. En vain le munitionnaire épuisa
toutes les juridictions, depuis la première instance jusqu’à la cour des pairs
inclusivement. La réduction n’en eut pas moins son effet : j’ignore si le tout
n’a pas fini par une transaction. En tout cas, voilà un marché reconnu onéreux,
modifié une première, une seconde fois, et enfin résilié, plus une réduction
opérée sur la liquidation définitive. Je conclus de tout ceci qu’un acte signé
même par un prince a été résilié parce qu’il froissait l’intérêt du peuple ; à
plus forte raison celui d’un ministre peut être contrôlé.
M. le ministre
de l’intérieur (M. de Theux)
demande que la discussion soit continuée à demain, parce que l’heure est
avancée. (Appuyé !)
M. de Robaulx. - Je demande la parole pour
faire une motion d’ordre. M. Lebeau a l’habitude de soulever des questions
constitutionnelles ; je ne suis pas toujours de son avis, mais en ce moment je
conviens que la question est extrêmement grave et mérite d’être examinée avec
beaucoup d’attention. M. de Brouckere nous a présenté des chiffres qu’il m’a
été impossible de saisir au passage et de vérifier en un instant. Je désire
donc que le rapport soit imprimé, afin que chacun de nous puisse en prendre une
connaissance exacte, et je demande que la discussion soit renvoyée à trois
jours. (Mouvement en sens divers.)
M. Dumortier. - Je m’oppose à l’ajournement de la discussion, parce
que dans les circonstance soù nous sommes, au moment où nous nous trouvons
presqu’en présence de l’ennemi, il y aurait un grand danger à prolonger ainsi
cette importante question.
M. le
ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Je me rallier à la motion
d’ordre de M. de Robaulx, pour que la chambre ait le temps d’examiner les
chiffres que je lui ai soumis. Alors on ne pourra plus me reprocher de
soustraire mes calculs à la vérification de la chambre.
M. Lebeau.- On m’a reproché d’avoir voté
pour la nomination d’une commission : j’ai voté en effet pour une commission,
parce que je désirais que les faits fussent éclaircis ; mais, du moment où M.
de Brouckere en fait une question ministérielle, convaincu que j’étais de sa
bonne foi et de sa probité, convaincu, en outre, du besoin qu’a le pays de ses
services, j’ai dû me prononcer aujourd’hui pour l’ordre du jour.
M. Leclercq. - S’il s’agissait d’examiner en ce moment si le
marché Hambrouk est onéreux, moi aussi je demanderais un délai de 3 jours et
même de 8 ; mais telle n’est pas la question. Nous devons, au contraire, nous
abstenir de la traiter aujourd’hui. Il s’agit simplement de nommer une
commission qui sera chargée de ce soin. En conséquence, il serait complètement
inutile de remettre la discussion à trois jours.
M. de Robaulx et autres. - Appuyé ! appuyé !
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je pense que la proposition de l’honorable M. de
Robaulx doit être adoptée par la chambre. On vous dit que la section centrale a
été d’avis de nommer une commission ; mais le résultat de cette opinion est
qu’aucun membre ne sera plus habile à examiner la question. Quant à moi, je dis
qu’avant de nommer une commission, il faut que l’on soit persuadé qu’elle est
nécessaire, et pour cela il faut examiner l’état de la question.
M. Devaux. - On dit que la question de
savoir si le marché Hambrouk n’est rien en ce moment : je soutiens au contraire
que c’est tout. C’est celle qui nous a occupé. Je n’en veux pour preuve que les
discours qui viennent d’être prononcés, et dans lesquels on a traité la
question de savoir si les conditions de ce marché sont onéreuses. Je prends à
témoin les propres paroles de M. Jullien, qui a dit que ces conditions
compromettaient l’honneur du ministre de la guerre. En conséquence, je me
rallie à l’opinion de M. de Robaulx, qui
cette fois me paraît être la véritable… (Hilarité générale et prolongée,
partagée par l’orateur lui-même.) Je prends la vérité partout où elle se
trouve, et ce n’est pas la première fois qu’elle est du côté de M. de Robaulx.
M. de Robaulx. - Je remercie M. Devaux
d’avoir reconnu que j’étais dans la vérité aujourd’hui. (On rit.) Je n’ai qu’une chose à répondre, c’est que le futur
jugera, si toutefois le futur s’occupe de nous, qui de nous deux avait tort ou
raison pour les autres objets. Vous le savez, messieurs, j’ai l’habitude de
parler franchement, car je ne suis pas jésuite. Eh bien ! je dirai que toute la
discussion gît dans la question de savoir si le marché est onéreux ou non. On
parle de la question constitutionnelle ; mais les murs de Gand sont là pour
attester la violation qu’on a fait subir à notre pacte fondamental, et, quand
viendra le moment de s’en occuper, à la discussion du budget, nous verrons si
l’on sera toujours de mon avis ; car c’est là un nouveau grief contre le
ministère. Pour en revenir au sujet en délibération, je demande à M. Gendebien
et à M. Jullien s’il leur sera possible de discuter tout de suite un très long
mémoire lu avec autant de rapidité. J’avais demandé trois jours ; je crois que
ce n’est pas encore assez. Prenez-y garde, messieurs de l’opposition !
Rappelez-vous que c’est pour n’avoir pas assez mûrement examiné la proposition
d’enquête qu’elle n’a amené aucun résultat. Accordons à la chambre tout le
temps nécessaire aujourd’hui ; qu’elle entende les accusateurs et le défenseur,
et alors il devra sortir quelque chose de nos délibérations ; voilà pourquoi je
désire que le rapport soit imprimé. Maintenant je demande que la discussion
soit remise à six jours, ou plutôt avant celle du budget.
M. d’Elhoungne. - Mon habitude n’est pas
d’empêcher une personne accusée de se défendre et de donner tous les
éclaircissements qu’elle désire ; mais, s’agit-il de prendre aujourd’hui une
décision définitive ? Non, messieurs, il existait des doutes bien légitimes sur
la légalité et la bonté du marché Hambrouk, et la chambre a été d’avis, à
l’unanimité, de soumettre ces questions à une commission. Mais, dit-on, la
question de chiffres est tout. Je pense le contraire. Si c’était pour la
première fois que l’on s’occupât de cet objet, je concevrais cela ; mais nous
ne sommes plus dans ces termes. La presse et les discours qui ont été prononcés
dans cette enceinte ont prouvé que ces doutes étaient irrécusables ; dès lors,
il n’est plus besoin d’examiner avant de renvoyer à une commission. J’appuie
l’observation de M. Leclercq, par le motif que, dans les explications de M. le
ministre de la guerre, il lui est échappé de dire que le marché ne pouvait produire
que 2 mille florins de gain, par jour, pour l’entrepreneur, et que ce n’était
pas trop. En face de tous les besoins du pays, ce fait seul suffit pour que
nous ne puissions déclarer un tel bénéfice licite ; je demande donc, comme M.
Leclercq, que l’on discute la question portée à l’ordre du jour, qui consiste à
savoir si l’on nommera ou non une commission.
M. Gendebien. - J’ai très peu de chose à
ajouter à ce que vient de vous dire mon honorable collègue. Pourquoi renvoyons-nous
une proposition aux sections ou à une commission ? C’est afin qu’elle soit
examinée à fond et pour éviter de longues discussions. Eh bien ! il n’y eut
jamais plus de raison qu’aujourd’hui de procéder de cette manière ; car
autrement on perdrait un temps précieux. En nommant une commission, au
contraire, vous aurez un rapport détaillé, et, lors de la discussion, vous
trouverez dans votre sein des membres qui répondront aux interpellations que
vous voudrez leur faire. A la place du ministre de la guerre, loin de m’y
opposer, j’insisterai pour que cela se fît ; car je tiendrais ce que les faits fussent éclaircis, et à ce
qu’on ne put pas dire que c’est à des mouvements oratoires que je dois ma
justification. D’ailleurs, il est de la dignité de la chambre d’agir ainsi.
M. Devaux. - La question n’est pas de savoir si l’on nommera une
commission. (Si ! si !) La question
est de savoir s’il faut remettre la discussion à demain ou à 3 jours, ainsi que
la proposé M. de Robaulx.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Dans trois jours, restera toujours à examiner la
question posée par la section centrale ; puisque la chambre n’est pas assez éclairée,
elle ne risque rien de remettre la discussion. Cette seule considération suffit
pour ne point agir de rigueur envers un ministre qui a rendu tant de services
au pays.
M. Leclercq. - Il ne s’agit pas d’exercer des rigueurs envers un
ministre qui a mérité la reconnaissance du pays, et je suis fort étonné que
l’on qualifie ainsi les résolutions de la chambre.
Maintenant je
demande la parole pour la position de la question. Il s’agit de renvoyer la
discussion à demain, si l’on ne veut pas examiner le fond ; si au contraire on
veut examiner la question de savoir si le marché est onéreux, 3 jours ne
suffisent pas, et je propose d’ajourner la discussion à huitaine.
M. de Robaulx se rallie à cette proposition.
- La question de
savoir si la discussion sera renvoyée à demain est mise aux voix. L’épreuve est
douteuse, on procède à l’appel nominal : sur 78 membres présents, 32 répondent
oui et 46 non.
- La chambre
ajourne la discussion à huitaine, et ordonne que le rapport soit imprimée le
plus tôt possible.
La séance est
levée à 5 heures.