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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 24 mars
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département de la justice). Etablissements pénitentiaires
(Raikem, Ch. de Brouckere, d’Elhoungne, Ch. de Brouckere,
Rogier, H. de Brouckere, d’Elhoungne, Ch. de Brouckere,
Leclercq, Destouvelles, Rogier, d’Elhoungne, H. de Brouckere, Dubus, Raikem, Leclercq, de Theux, H. de Brouckere, d’Elhoungne), sûreté de l’Etat (Osy)
(Moniteur belge n°86, du 26 mars 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi et demi.
Après l’appel nominal, le
procès-verbal est lu et adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Lebègue analyse ensuite quelques
pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE 1832
(DEPARTEMENT DE LA JUSTICE)
Discussion des articles
Chapitre VII. - Administration des prisons
L’ordre du jour est la discussion des
articles relatifs à l’administration des prisons et à celle de la sûreté
publique, portés au budget de l’intérieur, et qui doivent être transférés au
budget de la justice.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem). - Plusieurs objets doivent être
transférés du ministère de l’intérieur au ministère de la justice par suite de
leur réunion à ce département. Vient d’abord le personnel de l’administration
centrale des prisons. (M. le ministre récapitule les traitements des employés,
parmi lesquels sont ceux d’un administrateur et d’un inspecteur.)
Quant à l’administration de la
police, ajoute-t-il, je me suis vu forcé, vu les circonstances, de demander une
augmentation de 10,000 fl. pour le personnel. Pour le matériel, nous sommes
convenus avec le ministre de l’intérieur de le transférer à mon budget.
M. le président.
- Nous allons procéder à la discussion du chapitre X du budget du ministère de
l’intérieur.
M. Ch. de Brouckere.
- Je ferai remarquer à M. le président qu’il ne s’agit point ici du chapitre X
du budget de l’intérieur, mais il s’agit de majorer d’une somme de 26,050 fl.
l’article premier du budget de la justice, intitulé : Administration centrale,
personnel et matériel. C’est là la véritable question sur laquelle doit
d’établir la discussion.
M. d’Elhoungne
a la parole. - Messieurs, dit-il, il me semble que l’objet qui nous occupe
mérite de fixer l’attention de la chambre. Il me semble qu’il n’y a pas besoin
pour nos prisons d’un administrateur-général. Je conçois qu’il y en ait un en
France ; mais pour la Belgique, dont la population est infiniment moindre,
cette espèce de sous-ministre ne me paraît pas nécessaire. Déjà, dans un
rapport du 12 octobre, on a été d’avis de confier cet emploi à un chef de
division. Je crois donc qu’il y a une réduction à opérer de ce chef. Il y a
encore une autre économie à faire pour la place d’inspecteur-général, dont on
demande la suppression. Je ferai remarquer, d’ailleurs, qu’au budget précédent
ne figurait que le traitement d’un administrateur. Je propose, sur ces deux
objets, une réduction de 4,500 fl.
M. Ch. de Brouckere.
- Messieurs, quand le premier budget des dépenses a été présenté, il y avait un
ministre chargé de la police de l’administration des prisons. Ainsi sous ce
rapport il y aurait aujourd’hui plutôt économie que majoration ; mais il faut
dire quelle était autrefois l’administration des prisons. Sous le gouvernement
des Pays-Bas, un ministre de l’intérieur ne faisait rien, exactement rien. Le
roi, ne voulant pas lui ôter son portefeuille, prenait un autre moyen, celui de
créer des chefs de division, à la condition qu’ils travailleraient directement
avec lui ; et c’était à ces chefs de division qu’était confiée l’administration
des prisons. Mais il y a dans ces administrateurs quelque chose
d’incompréhensible, c’est qu’ils correspondent avec les gouverneurs : or,
sont-ils les supérieurs de ces derniers ? S’ils ne le sont pas, de quel poids
est la correspondance ? Ce sont de purs renseignements. Aujourd’hui que la
chose existe, je voterai pour les administrateurs des prisons ; mais sans cela
je ne voudrais pas que l’on en créât, car ce sont des personnages équivoques et
qui ne sont pas hiérarchisés.
Maintenant on a parlé de la
suppression de l’inspecteur ; je m’y oppose d’une manière formelle. On pourra
bien avoir un chef de division ; mais ce n’est pas un inspecteur à 2,500 fl. ou
à 3,000 qu’il faut faire, car ce serait une dérision, il faut lui donner au
moins 5,000 fl. ; et, s’il fait bien son devoir, les frais de route et de
séjour absorberont la moitié de cette somme. Cet inspecteur est d’autant plus
nécessaire, messieurs, qu’il faut ramener l’administration de toutes les
prisons à un système d’uniformité. Pour vous prouver combien cela a été
négligé, je vous citerai un fait. En 1826, le gouvernement des Pays-Bas avait
réformé le mode d’administration des prisons ; eh bien ! en 1830, les nouveaux règlements
n’étaient pas encore introduits dans un grand nombre de localités. Les prisons
sont administrées pro deo ; ceux qui se chargent de remplir ces fonctions sont
obligés de sacrifier une grande partie de leur temps, et sur un mois ils
travaillent 8 jours depuis le matin jusqu’au soir.
Il est nécessaire qu’il y ait un
inspecteur spécial qui porte sur toute l’administration une surveillance
active.
A cette occasion, je ferai remarquer
que le système actuel d’administration est beaucoup trop compliqué, et cette
complication donne lieu à des frais considérables. Par exemple, si l’on veut
donner une chemise à un prisonnier, le papier pour la comptabilité coûte plus
que la chemise elle-même ; je crois qu’on emploie à cet égard 53 feuilles. Je
dis donc qu’il faut que le gouvernement ait un fonctionnaire supérieur zélé
pour veiller sur ces abus.
Il y a de grandes
prisons où l’on travaille pour le compte de l’Etat, qui fournit les matières
premières ; il faut nécessairement là une surveillance de tous les jours pour
les travaux. J’ai vu les comptes qu’on a dressés, ce sont d’immenses colonnes ;
et je suis sûr que ceux qui les avaient arrêtés pendant quatre ans n’y
comprenaient rien, car ils comptaient 50,000 fr. de bénéfice quand il y avait
un déficit de 100,000 fr. Je le répète, il faut nécessairement un fonctionnaire
supérieur pour améliorer le physique des prisons, car vous ne pourrez trouver,
dans les administrations de toutes les provinces qui remplissent leurs
fonctions pro deo, des hommes également zélés, également capables.
M. Rogier.
- J’ai lu, dans le rapport de la section centrale, que les première, troisième
et quatrième sections veulent supprimer l’inspecteur des prisons ; mais je n’ai
pas trouvé les motifs de cette suppression.
Messieurs, nos prisons ont
aujourd’hui une administration très compliquée. Ce sont de véritables fabriques
qui confectionnent et vendent leurs produits. En octobre 1830, il y avait à
Vilvorde pour 565,000 fl. de matières fabriquées. Si vous ne voulez pas
d’inspecteurs pour cette administration, vous n’en aurez pas besoin non plus
pour le cadastre, les impôts et la cavalerie. Tout le monde sait combien un tel
fonctionnaire contribue à la régularité du service. Quand les employés
s’attendent sans cesse à l’arrivée instantanée de leur supérieur, ils
s’acquittent mieux de leur devoir. Il est utile surtout de surveiller les
tableaux de conduite de chaque détenu, de sorte que la comptabilité morale soit
parfaitement combinée avec le droit de grâce. Je pense que ces observations
suffiront pour faire sentir toute l’importance de cet inspecteur.
M. H. de Brouckere.
- Il y a peu de jours que j’ai eu l’honneur de faire connaître à la chambre mon
intention d’entrer dans quelques détails sur l’administration des prisons,
lorsque nous en serions venus au chapitre du budget du ministère de la justice,
concernant cette administration. Je n’abuserai cependant pas de vos moments,
pour deux motifs principaux. D’abord, j’ai eu depuis ce temps, avec M. le
ministre de la justice, un entretien qui m’a donné la certitude qu’il
s’occupera incessamment, d’une manière toute particulière, de cette partie
importante de ses attributions, et qu’il apportera tous ses soins à simplifier
ce que d’autres ont compliqué ; en second lieu, différentes réflexions vous ont
déjà été soumises, qui rentrent pleinement dans ma manière de voir.
Je me bornerai donc à présenter à la
chambre et au gouvernement deux observations que je regarde comme très
essentielles, et qui serviront de réponse à ce qu’a dit un honorable
préopinant. La première, c’est que je désire voir révoquer le plus tôt possible
l’arrêté du 13 juillet 1831, relatif au droit de grâce, droit que selon moi, il
a complètement dénaturé, et qui a introduit ce qu’on est convenu d’appeler le
« système de comptabilité morale des détenus, » système fort beau en
théorie, et dont le but est sans doute louable, mais qui, en pratique, ne
présente aucun avantage, et n’a d’autre résultat que d’augmenter et de
compliquer la besogne de tous les fonctionnaires attachés aux prisons.
La
seconde, c’est que j’appelle de tous mes vœux le moment où le gouvernement
renoncera à faire travailler lui-même les matières premières par les détenus à
ses risques et périls, et où il se décidera à louer les bras des détenus à des
entrepreneurs avec lesquels il sera passé des contrats, dans lesquels on
stipulera toutes les conditions que commandent l’humanité et l’intérêt que l’on
doit à des hommes malheureux. Ce changement aura les résultats les plus
avantageux ; je me fais fort de l’établir d’une manière péremptoire, et,
d’ailleurs, je suis en cela d’accord avec la plupart des hommes qui ont étudié
la matière. L’administration sera simplifiée ; on n’aura plus à craindre les
abus résultant nécessairement de la nécessité où l’on est d’abandonner le
maniement de sommes considérables (500,000 fl.) à des hommes qu’il est bien
difficile de contrôler ; le gouvernement y fera un grand bénéfice, et les
détenus mêmes s’en trouveront infiniment mieux.
M. d’Elhoungne.
- Je partage l’opinion de l’honorable préopinant sur la nécessité de mettre en
adjudication les ateliers des prisons. Un gouvernement est le plus mauvais et
le plus cher des fabricants. Ce n’est pas du sein d’un bureau qu’on dirige une
immense fabrique. Il faut donc mettre en entreprise les ateliers des prisons,
encore plus importants comme école des mœurs que comme établissement industriel
; le trésor s’en trouvera mieux, et, au moyen de mesures sages, le sort des
prisonniers ne pourra qu’y gagner.
Quant à l’inspection des prisons,
l’utilité de ces fonctions n’a pas été démontrée ; à mes yeux, elle n’existe
pas.
Depuis que l’administration française
nous a fait connaître ces inspections partant de la capitale, j’ai constamment
remarqué qu’elles ne produisaient rien et qu’elles ne peuvent rien produire :
car comment se font-elles ?
Au jour fixé, M. l’inspecteur prend
sa place à la diligence et parcourt avec hâte et négligence les lieux qu’il est
appelé à visiter, interrompant brusquement l’inspection, quand l’aiguille de
l’horloge lui apprend que la voiture publique, qui doit le conduire ailleurs ou
le ramener chez lui, est sur son départ ; et, à son retour, il présente un
rapport qu’il avait peut-être tout dressé dans sa malle, avant de s’être mis en
route. C’est ainsi que j’ai vu faire plus d’une inspection générale. Je vous le
demande, messieurs, est-ce à cela que vous consacrerez les deniers publics ?
Mais, dit-on, ces inspections sont
nécessaires pour surveiller le régime intérieur des prisons.
Messieurs, à chaque prison préside
aujourd’hui une administration spéciale : quoique ses membres gèrent
gratuitement, je ne puis admettre qu’ils négligent leurs devoirs ; au
contraire, d’après ce que j’ai vu pratiquer dans plusieurs localités, je dois
croire que tous s’emploient avez zèle et efficacité à améliorer le sort des
prisonniers. Croyez-moi, messieurs, nous pouvons encore avoir foi dans
l’humanité et la charité de nos concitoyens, bien plus que dans le zèle de tous
les employés qui ne connaissent d’autre stimulant que le chiffre de leur
traitement.
L’un
des préopinants vous a étalé le tableau de cette grande manufacture et des
comptes courants qu’on y tient. C’est sans doute fort bien que de tenir des
comptes courants, mais je désirerais aussi qu’on rendît compte ; or, sous ce
rapport, il ne semble pas que l’administration des prisons est en règle, car il
résulte du rapport de la section centrale qu’elle n’a pas obtenu des
renseignements complets sur l’état des magasins des ateliers des prisons à
diverses époques.
J’ignore si M. le ministre a déposé
sur le bureau les renseignements que votre section centrale a vainement
réclamés ; mais, certes, peu d’entre nous, messieurs, en ont connaissance.
Je persisterai à réclamer la
réduction de 4,000 fl. que j’ai eu l’honneur de proposer sur le personnel de
l’administration centrale des prisons, maintenant réunie au département de la
justice.
M. Ch. de Brouckere.
- Il ne s’agit pas ici de question personnelle ; je n’ai pas blâmé le zèle des
administrateurs des prisons, car je me serais condamné le premier, moi et mon
voisin, puisque nous avons rempli ces fonctions ; mais j’ai dit qu’il fallait
de grandes lumières, et qu’on n’en trouverait pas également dans toutes les
provinces. J’ai cité un fait, c’est que depuis 1826, date de la réforme des
prisons, on avait négligé jusqu’en 1830 d’introduire les nouveaux règlements
dans plusieurs prisons, et j’ai soutenu, comme je soutiens encore, qu’il faut
un fonctionnaire spécial qui embrasse toute l’administration, et y porte la
surveillance du supérieur. Je répète encore que, de tous les inspecteurs
voyageants, celui des prisons est le plus nécessaire. Il faut centraliser cette
administration ; mais ce n’est pas à dire pour cela que l’inspecteur fera sa
besogne à Bruxelles, il exercera partout une active vigilante.
Ce que j’ai dit tout à l’heure au
sujet de l’administrateur n’était point pour m’opposer à l’allocation demandée
pour son traitement. Je reconnais qu’aujourd’hui ce fonctionnaire est sans
doute utile ; il faut au moins pour le rétribuer 2,500 fl., et pour
l’inspecteur-général 5,000 fl. Or, le gouvernement ne demande que 7,000 fl. Il
n’y a donc rien à diminuer.
M. Leclercq. - Je reconnais
avec l’honorable préopinant toute l’importance pour l’administration des
prisons, car c’est par elle que notre pénalité doit produire l’effet qu’on en
attend. Je suis persuadé que l’argent que l’on dépense pour cette
administration rapporte au centuple ; mais je pense aussi qu’il n’y a pas
besoin d’administrateur et d’inspecteur pour atteindre le but que nous nous
proposons. Si l’administration des prisons était encore réunie au ministère de
l’intérieur, je concevrais alors qu’on eût besoin de ces fonctionnaires ; car
ce département est divisé entre trop de branches diverses pour que le ministre
puisse les surveiller lui-même ; mais le ministre de la justice, à l’exception
des travaux législatifs, n’a presque plus rien à faire, car les tribunaux ne
réclament en rien son intervention, et il est rare qu’il ne laisse pas agir le
ministère public lui-même. Un simple commis qui connaisse la comptabilité
suffit. Le ministre pourra donc surveiller l’administration des prisons.
Quant
à l’inspection des travaux, elle n’est pas aussi nécessaire qu’on le dit ; car
les commissions administratives, telles qu’elles existent, sont de véritables
surveillances. On a dit que les nouveaux règlements n’avaient pas été
introduits dans les prisons ; c’est de celles de la Hollande qu’on a entendu
parler ; mais je crois qu’ils l’ont été dans toutes celles de la Belgique.
Quant à l’influence d’une inspecteur sur la régularité du service, je
concevrais que cette observation fût juste, si les administrateurs étaient des
fonctionnaires salariés.
M. Destouvelles
pense que la question est prématurée, et qu’il faut laisser subsister
provisoirement la place d’administrateur et d’inspecteur jusqu’à ce que le
ministre présente un projet de loi organique sur les prisons.
M. Rogier. - Un
inspecteur-général, a dit M. d’Elhoungne, ou n’inspecte pas du tout, ou
inspecte fort mal ; il vous a dit qu’il se bornait à prendre la diligence, à
aller au lieu de son inspection, et qu’il s’en retournait de même. Mais
qu’est-ce que cela prouve ? Qu’il y a des inspecteurs qui ne font pas leur
devoir. Mais y a-t-il donc une fatalité qui doit rendre impossible de trouver
un bon inspecteur de prisons ? Non, sans doute. On a parlé du désintéressement,
de la charité des administrateurs des prisons ; je rends hommage au désintéressement de ces messieurs. Mais il ne va
pas jusqu’à voyager gratis ; il faudra les payer s’ils voyagent, et je ne vois
pas que, sous ce rapport, on doive gagner du côté de l’économie. Quand j’ai
parlé de l’efficacité des inspections sur la bonne administration des prisons,
je n’ai pas entendu dire que cet effet dût être produit sur les administrateurs
eux-mêmes, quoique, à cet égard, ma proposition fût soutenable, mais sur les
employés des prisons qui travaillent sous leur surveillance immédiate. Je dois
répondre deux mots à M. H. de Brouckere, qui est venu critiquer l’arrêté du 13
juillet sur le droit de grâce, et nous parler d’un système à lui sur
l’administration des prisons ; mais, pour nous donner la préférence, je
voudrais qu’il nous fît connaître ce système, si ce n’était pas abuser des
moments de la chambre. Quant à la nécessité de l’inspecteur-général, elle est
incontestable, soit que vous adoptiez le système économique ou le système
d’adjudication ; dans ce dernier cas même, il deviendrait plus nécessaire pour
veiller à ce que les entrepreneurs exécutassent fidèlement les clauses de leur
contrat.
M. d’Elhoungne.
- M. Destouvelles a dit que la question de la suppression de
l’inspecteur-général était prématurée ; moi je la crois fort opportune, car il
est très naturel, dans la discussion du budget, d’examiner si telle place, pour
laquelle on demande une allocation, est nécessaire ou si elle ne l’est pas. Je
pense donc que la chambre ne se laissera pas fourvoyer par cette observation,
et qu’elle votera la suppression du traitement demandé pour
l’inspecteur-général.
M. H. de Brouckere.
- Un honorable préopinant vient de m’interpeller sur le point de savoir quel
système je veux établir relativement au droit de grâce ; j’aurai l’honneur de
lui répondre que je ne veux aucun système, que je veux au contraire laisser au
chef de l’Etat, dans toute sa plénitude, un droit que la constitution lui a
conféré sauf restriction, et c’est en partie pour cela que je me suis élevé
contre l’arrêté du 13 juillet.
Cet arrêté ne se borne pas à décider
qu’il ne sera fait des propositions de grâce qu’à certaines époques et
moyennant certaines conditions (sauf les cas extraordinaires) ; il statue que
les réductions de peines ne seront accordées que conditionnellement et de
manière à ce que les détenus qui n’auraient pas continué à se bien conduire
puissent être privés de tout ou partie des bénéfices des réductions accordées
précédemment.
Eh bien ! je dis
que c’est là dénaturer et avilir le droit de grâce. Quand le chef de l’Etat
daigne commuer ou réduire la peine d’un détenu, ce n’est pas pour sa conduite
future, mais pour sa conduite passée, et il y a, en quelque sorte, cruauté à
n’accorder une faveur à un malheureux que sous la condition de la lui pouvoir
ravir à la première faute qu’il commettra. Que, si on m’objecte qu’on a voulu
ainsi s’assurer de la bonne conduite des détenus, je répondrai que le mobile
qui agit sur eux, et ce mobile est suffisant, c’est l’espoir d’obtenir de
nouvelles réductions par la suite.
L’orateur entre ensuite dans de longs
détails sur le système de comptabilité morale des détenus, qu’il combat
fortement ; il établit que la marche suivie autrefois pour s’assurer de la
conduite et de la moralité des détenus était beaucoup plus simple, présentait
plus de garanties, en un mot était préférable à tous égards.
M. Dubus
donne des explications sur les réductions opérées par la section centrale. Il
dit, à propos de la place d’inspecteur-général, que la section, en proposant sa
suppression, n’a fait que se rendre l’écho du désir manifesté pour toutes les
sections, à l’exception d’une seule : il rappelle qu’au mois de novembre
dernier une commission chargée d’examiner le budget du ministère de l’intérieur
avait exprimé le même vœu, et il persiste à demander les réductions proposées.
M. le ministre de la justice (M. Raikem)
combat ces réductions. Il fait observer d’abord que les améliorations à
apporter au régime des prisons doivent faire l’objet de méditations
approfondies, et ne sauraient être improvisées à propos du budget. Quant au
droit de grâce, il concerne exclusivement le chef de l’Etat ; à lui seul il
appartient de le régler. M. Ch. de Brouckere, continue le ministre, pour ramener l’uniformité dans le système à suivre ;
aussi, dans les objections que vous avez entendues, a-t-on fait plutôt la
critique des mauvais inspecteurs que de leurs attributions, comme si, en
critiquant la négligence de certains fonctionnaires, on pouvait en tirer des
inductions contre la nécessité des fonctions qu’ils remplissent. Au reste, il
est impossible d’appliquer les observations que vous avez entendues à l’ancien
inspecteur général, dont tout le monde connaît le zèle, le désintéressement et
la capacité. Quant à la nécessité de l’administrateur, elle est aussi facile à
démonter. Il y a une comptabilité à tenir, des mesures à prendre et à faire
exécuter, des améliorations à proposer ; il faut pour cela un homme spécial, et
il existe en ce moment ; ; il a besoin d’employés sous ses ordres, et
l’administration est assez compliquée pour que le travail à faire soit
considérables. Sous ces divers rapports, les traitements ne sont pas trop
élevés, et j’espère que la chambre maintiendra les allocations demandées. (Aux voix ! aux voix !)
M. Leclercq. - Je demande la
division ; car, pour ma part, je pense que dans les circonstances actuelles les
dépenses de la police ne sauraient être réduites ; mais je voterai pour des
réductions sur l’administration des prisons.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) et M. H. de Brouckere soutiennent que
la division est impossible, puisqu’il ne s’agit que de majorer de 26,000 fl.
l’administration centrale de M. le ministre de la justice.
M. d’Elhoungne.
- C’est juste.
- La réduction proposée par la
section centrale est rejetée par appel nominal à la majorité de 35 voix contre
38. Le chiffre proposé par le gouvernement est adopté.
On adopte ensuite une augmentation de
3,000 fl. sur l’article 3, intitulé : Matériel.
Chapitre VIII. - Police et sûreté de l’Etat
On passe au chapitre X du ministère
de l’intérieur, qui devient le chapitre VIII du ministère de la justice.
Une longue discussion s’engage sur
l’article 3 ainsi conçu : « Frais de constructions nouvelles, réparations,
entretien des bâtiments, du mobilier, etc. : fl. 90,000. »
M. Osy propose de n’allouer que
30,000 fl., en décidant qu’il ne sera pas fait de constructions nouvelles de
cette année.
- Cet amendement est adopté.
La séance est levée à 4 heures.