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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 6 avril
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département des finances). Administration de
l’enregistrement (Osy, d’Huart, Destouvelles, d’Elhoungne,
Fayder, Milcamps, Bourgeois, Fayder, d’Elhoungne, Ch. de Brouckere,
Fayder, d’Elhoungne, Coghen, A. Rodenbach, Fayder, Barthélemy, Dumortier, Barthélemy, H. de Brouckere, Ch. de
Brouckere, Destouvelles, d’Elhoungne),
administration des forêts (Zoude, d’Huart,
(+administration des bois communaux) Pirson, Ch. de Brouckere, d’Huart)
(Moniteur belge n°99, du 8 avril 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à une heure.
Après l’appel
nominal, le procès-verbal est lu et adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Lebègue
analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE 1832
(DEPARTEMENT DES FINANCES)
Discussion des articles
Chapitre IV. - Administration de l’enregistrement
et des domaines
Section
I. Personnel
M. le président. - La séance est suspendue un instant, en attendant que M. Osy finisse
de rédiger le rapport de la section centrale sur les articles relatifs à l’enregistrement,
qui lui ont été renvoyées hier.
Après cinq minutes
d’attente, M. Osy entre dans
la salle, et il présente à la chambre le rapport dont il s’agit, et qui est
ainsi conçu :
La section
centrale a examiné s’il convient de maintenir la remise de 1 3/4 p. c. pour le
montant de l’enregistrement et des domaines, sur une recette évaluée à
8,987,655 fl. ; à raison de 1 3/4 p. c., la remise serait de 157,284 fl.
L’administration
fait en outre une recette pour les provinces et des tiers de 460,000 fl., à
raison de 1 3/4 p. c., soit 8,050.
Ensemble, 165,334
fl.
Le minimum fixé
par l’arrêté du gouvernement provisoire étant de 135,300 fl., il y a un
excédant de 30,034 fl.
La section
centrale a pensé que le montant de 1 3/4 était trop élevé, même dans ces
circonstances ; comme, d’après toutes les prévisions, les recettes de
l’enregistrement se monteront au-delà de 10,000,000 fl., elles donneraient un
nouvel excédant de dépenses de 17,500 fl.
Un membre de la
section centrale a proposé de n’allouer que 1 p. c. deux 1/4, ce qui n’a
pas été appuyé pour cette année ; cependant la majorité de la section croit
qu’à la paix, et à partir de l’année 1833, il faudra arriver à ce taux. La
section vous propose d’allouer, cette année une remis de 1 1/2 p. c., ce qui
donnera, pour les employés de l’administration centrale et pour ceux dans les
provinces, une dépense de 141,715 fl., toujours comptant sur un produit pour le
trésor de 8,987,635 à 460,000 fl. pour les provinces et le tiers.
Si cette proposition
d’allouer 1 1/2 p. c. pour tous les employés de l’administration et des
domaines est adoptée par la chambre, la section centrale vous propose de
revenir sur le vote de l’article 6, chapitre premier, de l’administration
centrale, et de n’allouer que 41,970 fl. 25 c. au lieu de 43,000 fl. En voici
le compte :
Le minimum des
traitements pour l’administration centrale est de 31,150 fl.
Sur le pied de 1
1/2 p. c., l’augmentation étant de 15 1/2 p. c., il y a lieu d’accorder un
crédit de 35,978 fl. 25 c., et pour 10 expéditionnaires 6,000 fl., total 41,978
fl. 25 c.
Ayant donc porté à
l’administration centrale 35,978 fl. 25 c. reste pour les employés dans
les provinces une somme de 105,736 fl. 75 c.
Nous devons vous
prévenir que M. le ministre des finances a déclaré à la section centrale que
les employés de l’enregistrement ne prélèveront rien pour les recettes des
biens vendus par le syndicat, et c’est d’après cette déclaration que nous avons
établi nos calculs. Nous observons encore que, conformément à l’article 115 de
la constitution, ce ministre devra porter, l’an prochain, au budget des voies
et moyens le produit de 5 p. c. que le trésor touche pour la recette qu’il fait
pour le compte des provinces, ce qui cette année, sur une recette présumée de 300,000
fl. fera une somme de 15,000 fl. S’il arrivait, comme on n’en peut douter que
les produits de l’enregistrement s’élevassent au-delà du chiffre porté au
budget des voies et moyens, il y aura lieu de voter un crédit supplémentaire,
toujours sur le taux de 1 1/2 p. c., afin de porter le montant de la remise à
la hauteur du produit réel, et pour que la cour des comptes puisse ordonnancer
ce supplément.
Tantième à raison
de 1 1/2 p. c. sur une recette présumée de 8,987,655 fl.
Pour
l’administration de l’enregistrement, tant au département des finances que dans
les provinces, 134,815 fl.
Tantième au même
taux pour une recette présumée de 300,000 florins à effectuer au profit des
communes et des provinces : fl. 4,500.
Tantième en raison
de la même remise sur une recette présumée de 160,000 florins provenant des
dépôts et consignations : fl. 2,400.
Traitement
des expéditionnaires de l’administration centrale : fl. 5,000.
Total : fl.
146,715.
L’administration
renseignera le produit de la retenue de 5 p. c. à prélever à titre d’indemnité
sur les recouvrements à opérer pour compte de tiers. A l’avenir, ces articles
figureront au budget des voies et moyens. L’administration individuera
pareillement le produit des contingents assignés aux établissements publics pour
la garde de leurs bois.
La situation de la
caisse des dépôts et consignations sera fournie avec le même budget et le
compte réglé par la chambre des comptes.
L’administration
centrale ne touchera aucune remise sur les recettes en los rentent ou rentes
rédiméables.
M. d’Huart. - Je demande l’impression et la distribution de ce
rapport, parce qu’il est impossible de saisir les chiffres qu’il contient à une
première lecture.
M. le président. - La question est infiniment simple. La section centrale propose
d’adopter le droit de 1 1/2 p. c. au lieu de 1 3/4.
M. d’Huart. Pardon, M. le président, la question est très
importante, car il s’agit de revenir sur une décision de la chambre.
D’ailleurs, l’impression n’apportera aucun retard à la délibération du budget ;
car nous pouvons passer aux articles subséquents.
M. le président donne une seconde lecture du rapport.
M. d’Huart
et M. Destouvelles insistent pour l’impression, en faisant remarquer que c’est une
question qui mérite toute l’attention de la chambre, puisqu’il s’agit de
changer un arrêté par un amendement au budget.
M. d’Elhoungne appuie la proposition et il demande qu’on imprime en même temps un
amendement qu’il a rédigé dans le sens du rapport.
- La chambre,
consultée, ordonne l’impression et la distribution du rapport et de
l’amendement, et ajourne la discussion des articles auxquels a trait ce rapport
à lundi prochain.
Section II. Remise des receveurs
On passe ensuite à
la discussion du chapitre IV, section 2, intitulé : « Remises des
receveurs, » pour lesquelles il est porté au budget une somme de 180,000
fl.
La section
centrale propose d’appliquer aux receveurs d’enregistrement le tarif du 11
janvier 1831, d’où résulterait sur l’objet dont il s’agit une économie
d’environ 50,000 fl.
M. Fayder, commissaire du gouvernement, fait remarquer que les receveurs ont des frais de
commis et de bureau. Il lui semble impossible qu’on veuille faire peser sur eux
une réduction aussi considérable que celle dont il est parlé dans le rapport de
la section centrale. Il demande le maintien du tarif qui régit en ce moment ces
employés.
M. Milcamps. - Messieurs, la section centrale a comparé, dans son
rapport, les receveurs de l’enregistrement aux receveurs des contributions. Je
ne vois pas, quant à moi, qu’il y ait aucune comparaison à établir entre ces
deux sortes de fonctionnaires. Il faut prendre en considération la capacité et
les connaissances des receveurs d’enregistrement. Chacun sait combien de
registres ils sont obligés de tenir et les connaissances qu’ils doivent
posséder pour percevoir les droits, tandis que les receveurs des contributions
ont leur marche toute tracée et ne rencontrent jamais de difficultés. Je ne
pense donc pas qu’on puisse les assimiler les uns aux autres, et je demande que
l’on maintienne le tarif actuellement existant.
M. Bourgeois. - Je ne crois pas non plus qu’il y ait de comparaison
à faire entre les receveurs d’enregistrement et les receveurs de contributions.
Si ces derniers n’ont pas de frais de bureau, d’un autre côté il sont pour la
perception des tarifs avec une taxe fixe, tandis que les receveurs
d’enregistrement ont besoin de grandes connaissances en droit pour savoir de
quelle nature est l’acte qu’on leur présente. Il faut qu’ils soient au courant
de toutes les lois judiciaires et des règlements et lois qui concernent leur
administration. Il y a en outre un arrêté qui exige qu’ils soient licenciés en
droit, ou qu’ils aient travaillé deux ans chez l’avoué ou chez l’avocat, et
ensuite qu’ils aient fait un surnumérariat de plusieurs années encore pour
parvenir à leurs fonctions. Or, je demande après cela si on peut les comparer
aux receveurs de contributions. Il y a encore une autre considération à
envisager, c’est que ces derniers sont obligés de travailler à leur bureau tous
les jours jusqu’à une heure fixe, tandis que les receveurs de contributions ne
sont pas occupés plus de deux ou trois jours par semaine.
Quant
à la question de savoir si, comme on l’a proposé, on doit leur accorder un
traitement fixe, je répondrai par un seul exemple. Messieurs, quand une société
ou un propriétaire chargent quelqu’un de faire leurs recettes, s’il donnent un
traitement fixe à ce receveur, il n’apporte pas le même zèle aux recouvrements
que, lorsqu’on lui accorde un tantième sur ces recouvrements, parce qu’il est
toujours sûr de toucher ses émoluments, que la recette soit plus ou moins
considérable. Il en est de même pour le cas qui nous occupe. Maintenant, comme
je ne connais pas bien l’arrêté du 17 janvier 1831, qui fixe le tantième des
receveurs, je demanderai qu’il soit aussi imprimé avec le rapport de M. Osy.
M. Fayder cite un passage du discours de M. le ministre des
finances en réponse au rapport de la section centrale, où il est dit que le
directeur-général et les sous-directeurs de l’enregistrement en France sont
plus rétribués que les directeurs-généraux et les directeurs des autres
branches d’administration, et cela en raison de l’importance de leurs
fonctions. Ce passage contient, en outre, l’opinion de M. Dalloz sur
l’administration de l’enregistrement et des domaines, qu’il regarde comme
s’élevant au-dessus de toutes les autres administrations financières, qui sont
purement fiscales, tandis que celle-ci exige des hommes instruits et dignes de
la confiance des citoyens qui n’ont pas assez d’acquis pour discuter leurs
intérêts.
Il insiste pour
que l’on conserve le taux actuel du tarif.
M. d’Elhoungne répète que le crédit demandé est exagéré, par rapport
au chiffre de la recette présumée porté au chiffre des voies et moyens, et il
propose un amendement tendant à réduire l’allocation à 271,934 fl. 35 c. Quant
aux capacités des employés de l’enregistrement, il est bien loin de méconnaître
qu’ils appartiennent à une toute autre catégorie que ceux des autres
administrations financières ; mais il pense cependant que la simple
connaissance des généralités du droit leur suffit pour apprécier la perception
qu’ils doivent faire sur les actes. Il déclare que, pour lui, il n’a pas encore
vu un seul licencié en droit receveur d’enregistrement.
M. Ch. de Brouckere. - On a déjà suffisamment établi la différence qui
existe entre les receveurs d’enregistrement et les receveurs des contributions,
et je ne reviendrai plus sur ce point, mais le dernier orateur me semble avoir
ravalé les receveurs de l’enregistrement. Il a dit, messieurs, qu’il n’en avait
pas vu qui fussent licenciés en droit ; mais cela n’ôte rien à leur capacité,
car on peut être licencié sans être bon jurisconsulte : c’est un titre qui a
été bien souvent accordé par complaisance ou à prix d’argent. Remarquez,
messieurs, que le chiffre porté par le gouvernement ne peut en rien charger les
contribuables, puisque les receveurs ont un tantième sur les receveurs. Or,
comme le montant de la recette ne peut être fixé qu’a posteriori, il est
inutile de présente à cet égard aucun amendement.
M. Fayder appuie
l’observation de M. Ch. de Brouckere, contrairement à l’opinion que M.
Dumortier avait émise hier, que la constitution n’oblige pas la législature à
fixe le chiffre d’une manière invariable.
M. d’Elhoungne. - messieurs, j’ai déjà dit à la séance d’hier que pour
l’appréciation des dépenses relatives aux traitements à accorder aux agents du
gouvernement, il fallait partir d’une base ; or, cette base, c’est le budget
des voies et moyens ; les dépenses ne peuvent être appuyées que sur ce
fondement. L’orateur répète que si la recette excède la somme présumée, il sera
facile de présenter un crédit supplémentaire.
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- D’après les observations qui vous ont été présentées , vous voyez qu’on ne
peut en aucune manière assimiler les receveurs des contributions aux receveurs
d’enregistrement. Quant à la recette, il est impossible, comme l’a dit M. Ch.
de Brouckere, d’en fixer dès aujourd’hui le montant. Il n’y a donc aucune
difficulté à adopter le chiffre que j’ai proposé.
M. A. Rodenbach désirerait savoir si le système de division des
bureaux est avantageux au gouvernement.
M. Fayder répond que ce mode est adopté pour faciliter le
travaux dans les bureaux qui ont une très grande étendue.
M. Barthélemy soutient qu’il est inutile de fixer le chiffre au budget. (Aux voix ! aux voix !)
Plusieurs orateurs qui avaient demandé la parole y renoncent.
M. Dumortier,
dont le tour d’inscription vient ensuite, la réclame, et à peine a-t-il
articulé quelques mots qu’il se retourne vers les tribunes publiques, et dit. -
Je ne sais pas pourquoi, messieurs, on se permet de siffler un membre de la
représentation nationale…
M. le président. - Si une personne a en effet sifflé dans les tribunes, on va la faire
sortir à l’instant.
Plusieurs membres. - Mais nous n’avons pas entendu siffler.
M. H. de Brouckere. - On n’a pas sifflé ; non, on n’a pas sifflé.
M. Dumortier.
- Je vois, messieurs, que lorsqu’il s’agit de fixer les traitements des
employés, on cherche à obtenir des sommes très fortes ; mais on oublie de
ménager les sueurs du peuple. On a parlé des connaissances qu’exigeait
l’enregistrement ; mais ne faut-il pas des connaissances spéciales dans toutes
les parties ? Un receveur d’enregistrement ne pourrait pas plus remplir les
fonctions d’un receveur de contributions que celui-ci ne pourrait remplir
celles de receveur d’enregistrement. M. d’Elhoungne vous a fait remarquer avec
raison qu’il suffisait pour être bon receveur, de connaître les généralités du
droit, et on ne l’a pas réfuté quand on a répondu que les licenciés n’étaient
pas des jurisconsultes. Ce que nous avons eu en vue dans la section centrale,
c’est que l’arrêté du 24 janvier n’a opéré de réduction aux remises des
receveurs que sur les recettes au-dessus de 120,000 fl., tandis que celui du 11
janvier en a opéré à l’égard des receveurs de contributions, sur les moindres
sommes. C’est cette injustice que nous avons voulu faire disparaître.
Quant à la
possibilité de fixer les traitements de l’administration centrale, je le
prouverai facilement lorsqu’on en sera venu à cet objet lundi prochain.
On a dit,
messieurs, que les particuliers accordaient tant sur la recette de leurs
receveurs. Les particuliers font comme ils le veulent, tandis que nous nous
devons suivre la marche qui nous est tracée par la constitution.
M. Ch. de Brouckere répond, à l’observation faite par M. Dumortier, qu’il
n’y a pas eu deux systèmes de réduction, mais qu’on a procédé relativement à
chaque administration sur les mêmes bases. Il ajoute. - Quant à ce qu’a dit M.
Dumortier qu’il fallait des connaissances spéciales partout, je ferais
remarquer qu’un pareil argument ne détruit en rien les observations fort justes
qu’on avait présentées. Pour être receveur des contributions, messieurs, il ne
faut que savoir compter ; mais pour être receveur d’enregistrement, il faut
connaître la législation civile. J’ai vu 3 jurisconsultes être partagés d’avis
sur une perception, et ne s’arrêter à une opinion qu’après de longs débats. Je
ferai remarquer, en terminant, l’habitude que l’on a, pour combattre des
arguments, de parler sans cesse des sueurs du peuple. C’est par des phrases
sonores qu’on répond à des raisonnements justes qu’on ne peut réfuter.
M. Destouvelles soutient que les receveurs d’enregistrement doivent avoir de plus
grandes connaissances que les autres, et il s’oppose à la substitution d’un
tarif à un autre que propose la section centrale.
- La clôture de la
discussion est mise aux voix et prononcée.
La proposition de
la section centrale est rejetée.
Le chiffre de
271,934 fl. 35 c. proposé par M. d’Elhoungne est adopté.
Section III. Traitements des employés de
l’enregistrement et des agents forestiers
Article
12
« Art. 12. Traitement
fixe des premiers commis et commis adjoints des directeurs : fl. 14,700. »
Le gouvernement a
proposé, depuis le budget, une majoration de 3,600 fl.
M. Fayder lit la note du discours de M. le ministre des
finances, qui explique que c’est par une erreur de calcul que la somme de 3,600
fl. avait été portée en moins.
La proposition de
la section centrale, tendante à réduire l’allocation de 5,700 fl. est mise aux
voix et rejetée.
Un amendement de M. d’Elhoungne, fixant le chiffre à 15,700 fl., est également mis aux voix. L’épreuve
étant douteuse, on passe à l’appel nominal. 26 membres se prononcent pour
l’amendement, et 41 contre. En conséquence, il est écarté.
L’allocation est
fixée à 18,300 fl.
Articles
13 et 14
Le chiffre de
l’article 13 est maintenu.
« Art. 14.
Traitement des employés de toute nature dans les provinces : fl. 14,547. »
- La section
centrale propose une réduction de 2,547 fl. qui est adoptée.
« Art. 15.
Traitement des agents forestiers : fl. 112,796. »
La section
centrale propose de n’allouer que 100,000 fl.
M. Zoude. - En lisant les observations du ministre sur les
traitements des agents forestiers, vous aurez remarqué que la section centrale
a été induite en erreur par une transposition de chiffres, et que cette erreur
devait avoir pour conséquence la proposition d’une réduction.
En effet, si
l’inspecteur de Liége avait joui d’un traitement de 3,262 fl. 50 c., au lieu de
2,362 fl. 50 qui est le chiffre réel, il y aurait eu une disproportion
choquante avec celui de Dinant, beaucoup plus riche en bois, et rétribué
seulement par 1,500 fl.
Une telle
disproportion aurait annoncé quelque chose d’irrégulier, et eût présenté un
caractère de partialité qui n’aurait pas inspiré une grande confiance dans les
opérations de l’administration forestière. Mais au moyen de la rectification,
la différence entre les traitements se justifie, en ce que les bois de
l’inspection de Dinant sont resserrés dans les limite d’un seul arrondissement
judiciaire, tandis que les bois de l’inspection de Liége sont épars dans les
province de Liége et de Limbourg, dont plusieurs à des distances éloignées, ce
qui rend les opérations de cet inspecteur plus longues et par suite plus
dispendieuses. Ajoutez à cela que l’inspecteur de Liége est chargé seul de tout
le contentieux pour les affaires forestières portées à la cour supérieure.
Quant au
traitement des gardes sur lesquels retomberait malheureusement encore la
réduction proposée, je vous ferai remarquer que, d’après un tableau que j’ai
sous les yeux, le taux moyen de leur salaire n’est que de 146 fl. Si vous le
réduisez, n’aurez-vous pas à craindre qu’en compromettant l’existence de ces
agents, vous ne les exposiez aux séductions qui pourraient faire perdre en un
jour toute l’économie que vous vous proposeriez pour une année ?
J’ai dit,
messieurs, que si vous adoptiez la réduction, les agents subalternes en
seraient principalement les victimes, donc les intérêts de l’Etat plus
directement compromis, et j’en ai la preuve en main ; en effet, je vois que,
sur une réduction que l’administration a opérée elle-même, les employés
supérieurs y contribuent seulement pour 1744, tandis que les simples gardes en
supportent la 11ème partie. Si on suivait la même échelle, le traitement d’un
garde ne serait plus que de 120 florins. Cependant, messieurs, il n’est
personne qui, habitant le voisinage des bois, ne connaisse combien un forestier
doit apporter de zèle et d’exactitude pour remplir convenablement ses fonctions.
Or, ce zèle, vous ne pouvez l’obtenir que par un salaire qui le mette à l’abri
du besoin, et il est à voir chez moi, comme partout ailleurs sans doute, que le
bois le plus dégradé est presque toujours celui dont le garde est le plus mal
rétribué. Mais voyons ce que nous demande l’administration forestière : 40
cents par bonnier ou environ 62 cents pour le salaire réuni des agents
forestiers de tous les grades.
Or, je n’hésiterai
pas à en appeler à tous les propriétaires forestiers, assez nombreux dans cette
enceinte, et je leur demanderai si l’administration de leurs bois est
sensiblement moins coûteuse. Pour mon compte, je réponds négativement : et
notez bien, messieurs, que sur le chiffre total qui, depuis la destitution de
Stappers, n’est plus que de 110,996 fl., le trésor reçoit en remboursement des
communes, établissements, etc., etc., une somme de 75,500 fl., ce qui réduit la
charge du trésor à 35,496 fl.
Le ministre, dans
son rapport, n’élève ce remboursement qu’à la somme de 69 6/5 ; mais le ministre
n’a établi son calcul que sur les sommes qui étaient rentrées alors.
Toutefois,
messieurs, sur la somme totale de 112,796 fl. que vous demande le gouvernement,
je vous propose de n’allouer que celle de 100,000 fl.
La
différence serait couverte par l’économie de 1,800 fl. résultant de la
destitution de Stappers, et je laisserais à l’administration le soin de
répartir le restant, de manière cependant à ce que les agents subalternes
fussent exempts de toute nouvelle réduction. Une économie plus considérable
compromettrait évidemment le service, et ne pourrait être que préjudiciable au
domaine de l’Etat.
D’ailleurs,
messieurs, veuillez faire attention qu’au moyen des réductions opérées par le
ministre, et de l’amendement que j’ai l’honneur de vous proposer, la dépense de
ce service pour 1832 est soulagée de plus de 21 p. c.
M. d’Huart. - Je m’oppose à la réduction de 12,796 fl. que la
section centrale propose de faire subir à l’allocation de 112,796 fl. demandée pour
le traitement des agents forestiers.
Habitant d’une
province où se trouvent en majeure partie les forêts du domaine et les bois
communaux, je suis en situation d’apprécier comment le service forestier se
fait et quelle est la besogne des agents de cette administration. Je ne crains
pas de dire que, s’il est une des sommes demandées au budget qui ne soit pas
raisonnablement susceptible de réduction, c’est bien celle dont il s’agit en ce
moment. Aucuns fonctionnaires ne sont aussi mal rétribués que les agents
forestiers, qui pourtant ont une surveillance de tous les instants à exercer et
des fatigues continuelles à supporter.
Pour s’assurer de
la modicité de leurs appointements, il n’y a qu’à considérer la moyenne du
traitement de tous les fonctionnaires, inspecteurs, sous-inspecteurs et
gardes-généraux compris : elle ne s’élève pas à 220 fl. par tête.
Par une partialité
digne du gouvernement hollandais, les forestiers ont été ainsi maltraités parce
que, tous les bois se trouvant exclusivement dans les provinces méridionales,
les emplois étaient occupés par des Belges qui n’étaient pas, comme on sait,
les benjamins du roi Guillaume.
Vous ne voudriez
pas, messieurs, aggraver une injustice, qui a pesé pendant 15 ans sur une
classe très intéressante de fonctionnaires ; vous ne réduirez dont point leurs
traitements, et vous ne forcerez pas non plus le gouvernement à rendre leur
tâche plus pénible qu’elle ne l’est déjà, en le mettant dans la nécessité de
diminuer le personnel de l’administration forestière, ce qui dans ma conviction
compromettrait gravement le service.
La section
centrale a pensé qu’il y aurait lieu de réduire à fl. 1,500 le traitement de
tous les inspecteurs forestiers, ses raisonnements à cet égard, basés, ainsi
que l’a dit l’honorable M. Zoude, sur une erreur qui se trouve rectifiée dans
le dernier rapport fourni par le ministre des finances, tombent nécessairement
d’eux-mêmes. De toute manière et quelque partisan que je sois des économies, je
ne consentirai jamais à anéantir tout zèle et toute émulation, en arrachant aux
employés la perspective d’obtenir, après une longue carrière, un traitement de
2 à 3 mille florins, avec le grade le plus élevé de l’administration.
Je ne vois de
réduction possible sur l’allocation de 112,796 fl. demandée, que celle de 1,800
fl. consentie par M. le ministre, résultant de la suppression de la place de
l’inspecteur de Stappers.
Dans la pensée qui
paraît avoir dominé M. le ministre des finances, lors de la confection de son
budget, que le traité de paix serait immédiatement mis à exécution, il a omis
de comprendre dans sa demande d’allocation les traitements des agents
forestiers du sol à abandonner en vertu de ce traité dans les provinces du
Limbourg et du Luxembourg. Les évènements ayant trompé l’attente de M. le ministre,
il y a lieu aujourd’hui de pourvoir au salaire de ces fonctionnaires, qu’il
serait injuste de placer dans une position exceptionnelle ; et j’aurais
l’honneur de vous proposer à cette fin un amendement tendant à majorer
l’allocation ministérielle d’une somme de 19,343 fl. nécessaire, suivant les
explications jointes au budget, pour le paiement des agents forestiers des
parties cédées du Limbourg et du Luxembourg.
Je
ne pense pas, messieurs, que ce soit aujourd’hui le moment de s’occuper de la
question d’administration des bois communaux, qui a suscité tant de
réclamations sous le précédent gouvernement ; elle trouvera naturellement sa
place lors de la discussion des lois provinciale et communale. Consacrant alors
l’application des principes posés dans l’article 108 de la constitution, qui
assurent aux conseils provinciaux et communaux l’attribution de tout ce qui est
d’intérêt provincial et communal, on fera cesser les inquiétudes de ceux qui
craignent la continuation de l’ordre de choses actuel, en ce qu’il touche à la
haute direction des bois communaux.
M. Pirson. - Ce n’est point contre le chiffre du budget qui
pourvoit au traitement des agents forestiers que je m’élève. Mais je saisis
cette circonstance pour réclamer, au nom des communes et des particuliers,
l’affranchissement de leurs propriétés boisées. La loi fondamentale des
Pays-Bas assurait aux communes (article 155) « la direction pleine et
entière de leurs intérêts particuliers et domestiques. »
Cependant, leurs propriétés
boisées sont restées jusqu’aujourd’hui sous la direction et l’administration
des forestiers du gouvernement. Je ne ferai pas aujourd’hui l’énumération du
tort qui résulte pour les communes des formalités et de toutes les exigences de
la foresterie, et des dépenses qu’elle occasionne. Là un grade forestier, en
dissidence avec l’administration communale, suscite toutes sortes d’entrave
relativement à l’exploitation des coupes : souvent elles ne sont levées qu’au
moyen de quelque cadeau en nature ou en argent. Quelquefois un garde a dans son
triage de surveillance des bois éloignés de la commune qu’il habite, en sorte
que cette surveillance est à peu près nulle.
Pour donner
soi-disant à vivre à un garde forestier, on lui alloue un traitement souvent en
disproportion avec la valeur réelle et le revenu de certains bois communaux. On
ne tient pas compte de l’aménagement des coupes déjà mesurées ; il faut bien
que l’arpenteur de l’administration vive. Ainsi, mesurage nouveau à chaque
renouvellement de coupe. Lorsque j’étais commissaire de district, j’ai cherché
à abréger les (manque un mot). Par
exemple, je renvoyais les demandes en délivrance de coupes à l’inspecteur
forestier, en l’invitant à me les remettre avec son avis. Je donnais le mien,
et les envoyais au gouvernement ; mais bientôt on a rétabli les formes
hollandaises. On a voulu que ces demandes parcourussent d’abord toute la
hiérarchie du domaine en ligne ascendante et descendante ; et puis la même
opération recommence, dans la hiérarchie administrative proprement dite. Tous
ces délais, sans être dispendieux, sont pourtant très nuisibles, en ce que les
autorisations arrivent souvent en temps inopportun.
Si cet état de
choses continuait avec la stagnation de la forgerie, bientôt on verrait
plusieurs communes abandonner leurs propriétés boisées, pour se soustraire à
des impôts trop élevés et à des frais qu’elles ne pourraient plus acquitter.
Notre constitution
actuelle consacre, comme la précédente, le droit que doivent avoir les conseils
communaux d’administrer les biens de leurs communes respectives. Il faut que
l’article 108 de notre constitution devienne une vérité ; il ne faut pas que
les droits communaux soient éludés comme sous le gouvernement précédent.
J’espère donc que le ministère tiendra note de mes observations et qu’il
s’empressera de faire cesser un état de choses qui ne peut pas exister plus
longtemps.
Voilà ce que
j’avais à dire dans l’intérêt des communes.
Voici d’autres
observations dans l’intérêt des particuliers.
La France nous a légué,
en fait de bois particuliers, une législation qui est tombée en désuétude sous
certains aspects. On n’exige plus des propriétaires une déclaration des coupes
de bois qu’ils se proposent de faire. On ne les soumet plus à la demande
d’autorisation pour faire des défrichements. Mais, chose inconcevable, les
commissions des gardes particuliers de bois doivent encore être soumises aux
agents forestiers du gouvernement.
Je conçois que,
pour l’ordre public, une autorité soit chargée de s’assurer si un garde particulier
jouit d’une réputation intacte. Mais ce ne sont point les agents forestiers qui
doivent être chargés de cette mesure de police ; ce devrait être le procureur
du Roi près le tribunal, par devant lequel tout garde particulier est tenu de
prêter serment de remplir ses fonctions avec fidélité et en honnête homme.
Je crois qu’une
disposition du ministre de la justice suffirait à cet égard, et qu’il n’y
aurait pas besoin d’une loi.
Je désire que MM.
les ministres de l’intérieur et de la justice veuille bien prendre note de mes
observations.
On ne pourra,
avant la fin de cette année, changer le système, j’en conviens.
Le
ministère tout entier aura à s’occuper des moyens de transition, non seulement
en ce qui concerne la foresterie, mais encore en ce qui concerne les
contributions, les instructions, etc.
J’observe que, si
l’on est arrêté par ce qu’on appelle droits acquis d’un grand nombre de
fonctionnaires et d’employés, on n’opérera aucune des réformes réclamées par
l’intérêt du trésor et des contribuables.
Quant
au chiffre relatif au traitement des agents forestiers, s’il s’élève des
objections, je me réserve de donner des explications qui sont à ma
connaissance. Je crois que le chiffre amendé par le gouvernement lui-même doit
être maintenu.
M. le président se dispose à mettre les amendements aux voix.
M. Ch. de Brouckere. - Mais je m’étonne que le gouvernement n’ait rien
dit sur la demande d’une majoration faite par M. d’Huart.
M. d’Huart
répond que M. le ministre des finances lui a dit qu’il avait présenté lui-même
un amendement à cet égard.
- La proposition
de M. Zoude, tendante à réduire le chiffre demandé par le gouvernement de 2,796
fl. 25, est adoptée.
La séance est
levée à 4 heures.