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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 avril 1832 (séance du matin)
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département de l’intérieur). Instruction publique. Service
de l’inspection scolaire et organisation générale de l’instruction donnée aux
frais de l’Etat (Jamme, (+universités) Fallon,
A. Rodenbach, de Theux, H. de Brouckere, Bourgeois),
enseignement universitaire (Fallon, Delehaye,
d’Elhoungne, de Theux, Jamme, Destouvelles), subsides
pour l’instruction moyenne (Jullien, Tiecken
de Terhove, Jamme, de Theux, A. Rodenbach, d’Huart, d’Elhoungne, Dumont, Fallon, de Theux, Jullien), traitements d’attente pour les professeurs des
établissements supprimés (H. de Brouckere, Lebeau, Tiecken de Terhove),
instruction primaire (Leclercq, de
Theux, Dubus, d’Huart, de Theux). Encouragement à l’agriculture et à l’industrie
et/ou fonds de l’industrie (Mary, Corbisier,
Jamme, Tiecken de Terhove, Pirmez, Delehaye, (+industrie
cotonnière) de Theux, Devaux, Barthélemy, Jamme, A. Rodenbach, (+primes pour la construction de navires) Osy, Hye-Hoys, Devaux,
de Theux, Delehaye)
3) Interpellation relative à l’enlèvement du
gouverneur de la province du Luxembourg (Thorn) par des troupes hollandaises (d’Hoffschmidt, de Theux,
(+ordre honorifique) Dumortier, Lebeau,
de Muelenaere, Dumortier,
Fallon)
(Moniteur belge n°111, du 20 avril 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à 10 heures et un quart.
Après l’appel nominal,
l’un des secrétaires donne lecture du procès-verbal, qui est adopté.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR
L’EXERCICE 1832 (DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR)
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du budget de l’intérieur.
Discussion des articles
Chapitre VI. - Instruction publique
Article
premier
« Art. 1er.
Traitements et abonnements des fonctionnaires supérieurs de l’instruction
publique : fl. 16,100. »
La section
centrale propose de n’allouer que 5,000 florins.
M. Jamme. - Messieurs, la loi sur l’enseignement public
subsidié par l’Etat ne nous ayant pas encore été présentée, cette circonstance
place la chambre dans l’alternative de voter presque sans examen les crédits
demandés pour l’instruction publique, ou de s’exposer, en faisant des
réductions inopportunes, de compromettre les intérêts les plus chers, les
intérêts de la classe qui s’instruit et ceux de la classe qui donne
l’instruction.
Il n’y a que très
peu de réductions proposées sur ce chapitre auxquelles je consentirai.
Remarquez,
messieurs, que la loi du budget ne peut avoir d’effet rétroactif quant aux
traitements des fonctionnaires des universités, ni des institutions quelconques
; ainsi, toutes les réductions que nous ferions n’auraient d’effet que pour le
court terme qui s’écoulera entre le jour auquel la loi du budget sera
promulguée et l’époque à laquelle la nouvelle loi sur l’enseignement recevra
son exécution ; je repousserai donc toutes les réductions qui pourraient atteindre
le personnel ; elles seraient presque nulles, comme je viens de le démontrer,
sous le seul point de vue qu’il faille les envisager, qui est l’économie, et
leur résultat sera un préjudice notable pour l’instruction, en portant le
dégoût et la perturbation dans tout le corps enseignant.
Quel effet funeste
ne résulterait-il pas, messieurs, pour l’instruction d’accumuler, en peu de
mois, innovations sur innovations ! Il n’y aurait, dans cette conduite, ni
prévoyance, ni sagesse.
Ne perdons pas de
vue, messieurs, que pendant que l’enseignement primaire et l’enseignement moyen
subsidiés par l’Etat cheminent, à l’aide de leurs anciens errements, à travers
les inconvénients résultant du défaut d’une organisation régulière et d’une
sage surveillance, l’enseignement libre se développe avec une activité
incessante et sous toutes les formes. Ce n’est pas, messieurs, que je voie ce
développement avec préoccupation. C’est de l’instruction élémentaire que l’on
donne, et qui est particulièrement donnée aux classes pauvres et moyennes :
qu’elle arrive cette instruction, je l’appellerai toujours de tous mes vœux.
C’est de
l’instruction que l’on donne à ces classes, en même temps qu’on leur inculque
les préceptes dogmatiques et moraux de la religion : cet enseignement est le
premier besoin du peuple, et le plus sûr moyen d’améliorer sa condition.
Le grand principe
est consacré.
L’instruction est
libre, je m’en félicite ; l’émulation est le principe de toute activité. Que
chacun s’organise ; le plus actif, le plus zélé gagnera le pas sur l’autre ;
évitons de nous mettre à la remorque.
J’invite
le ministre de la manière la plus instante à nous présenter son projet de loi ;
déjà j’appréhende qu’il ne puisse être discuté avant le commencement de l’année
scolaire prochaine : je ne doute pas que M. le ministre ne se hâte d’écarter
l’espèce de responsabilité qui pèserait sur lui, si à cette époque la nouvelle
organisation ne pouvait être mise en pratique.
L’orateur entre
dans beaucoup de détails pour appuyer son opinion, qui est de rejeter la
proposition de réduction faite par section centrale, qu’il n’admettra qu’en ce
qui concerne le crédit destiné au traitement des quatre inspecteurs pour
l’instruction primaire, la nomination de ces fonctionnaires ne pouvant avoir
lieu qu’après l’adoption de la loi sur l’enseignement.
M.
Fallon. - Messieurs, la commission qui a été chargée de
proposer un projet de loi ayant pour objet d’approprier l’instruction publique
à nos institutions a terminé son travail.
A la veille
d’examiner et de discuter ce projet, je pense qu’il serait imprudent de changer
quelque chose au régime actuellement existant, et de désorganiser
provisoirement cette branche importante de l’administration de l’intérieur.
Ce n’est pas au
moment de la discussion du budget que l’on peut, avec maturité et sagesse,
improviser des mesures transitoires, alors qu’on va être appelé sous peu à
prendre des mesures définitives pour le changement du système, et que quatre
mois de cet exercice vont se trouver écoulés.
La suppression de
l’un ou l’autre des fonctionnaires attaché au régime actuel de l’instruction
publique pourra être la conséquence du nouveau système qui sera adopté, si la
chambre juge qu’ils ne peuvent être utilement employés au service de ce nouveau
système. Ce serait, me semble-t-il, agit inconsidérément que de les supprimer à
l’avance.
Je ne pense pas,
du reste, qu’à l’occasion du budget il convienne à la chambre de supprimer des
fonctionnaires nommés par des arrêtés légaux, et de grever à l’avance le trésor
de pensions ; car, dans l’instruction publique, ces fonctionnaires ont droit à
la pension.
Si cependant la
chambre trouve convenable d’en agir autrement, et partage l’avis de la section
centrale de n’avoir plus qu’un seul inspecteur-général pour les universités et
autres établissements d’instruction entretenus ou subsidiés par l’Etat, alors
il est une observation importante à faire, si c’est réellement une économie que
l’on veut obtenir.
Il existe près de
chaque université un secrétaire-inspecteur dont l’office est indispensable, et
qui reçoit un traitement de 2,500 fl.
Le
secrétaire-inspecteur de l’université de Liége est en même temps inspecteur des
trois universités, et, pour cet accroissement de travail et de surveillance, il
reçoit un accroissement de traitement de 1,000 fl., de manière que, pour les
deux fonctions, il jouit du traitement de 3,500 fl. qui figure à l’article
premier du chapitre sur lequel nous délibérons.
Du reste, en portant
votre attention à la page 91 du cahier d’observations qui accompagne le budget,
vous verrez qu’effectivement il n’existe ni cumul ni double emploi.
Les traitements
des secrétaires-inspecteurs près les universités de Louvain et de Gand figurent
dans le détail des allocations demandées pour couvrir les frais de ces deux
universités, tandis que le traitement du secrétaire-inspecteur près de
l’université de Liége ne figure pas dans le détail de l’allocation demandée
pour cette université. Ainsi donc, si l’on supprime l’inspecteur des
universités, on ne fait réellement qu’une économie de 1,000 fl., puisqu’il faut
alors majorer le détail des frais de l’université de Liége du traitement de
2,500 fl., qui lui est dû en sa qualité de secrétaire-inspecteur près de cette
université.
En supprimant au
contraire l’inspecteur des athénées et des collèges, qui n’exerce aucune
fonction, l’économie et non de 1,000, mais de 3,000 fl., sauf toutefois la
pension qui est due à ce fonctionnaire.
Sous le rapport de
l’économie, il n’est donc pas douteux qu’en cas de suppression de l’un de ces
inspecteurs, il faut suivre l’avis de la section centrale, et conserver
l’inspecteur des universités en le chargeant en même temps de l’inspection des
athénées et des collèges.
Sous le rapport
des intérêts matériels de l’Etat, c’est également l’inspecteur des universités
qu’il convient de conserver.
En effet,
messieurs, c’est lui qui est chargé de veiller à ce que les demandes que font
ces universités pour leur service journalier, soit pour constructions,
réparations ou entretien des locaux, achat et entretien de mobilier, soit pour
conservation et entretien des bibliothèques, n’excèdent pas les véritables
besoins ; et c’est lui qui est également chargé, pour éviter des dépenses
inutiles, de faire les transferts d’une université à l’autre, des objets qui
existent dans les bibliothèques, cabinets d’histoire naturelle et jardins
botaniques, lorsqu’il existe des doubles emplois ou que l’objet convient plus
spécialement à l’une ou à l’autre université.
Vous
sentez, messieurs, combien il est important pour la conservation et l’entretien
de ces dépôts précieux de ne pas en abandonner l’inspection et la surveillance,
et vous sentez également qu’il n’importe pas moins de conserver le
fonctionnaire qui, par les notions spéciales qu’il a admises dans cette branche
d’administration, sera le seul en état d’éviter que rien ne soit distrait du
matériel des trois universités, alors qu’il s’agira sous d’une fusion.
Si donc il peut
être question de supprimer l’un des deux inspecteurs, j’appuie la proposition
de la section centrale, et je demande que l’inspecteur des universités soit
conservé, en lui attribuant l’inspection des athénées et des collèges.
M. A. Rodenbach. - L’on nous demande pour traitement des
fonctionnaires supérieurs de l’instruction publique 16,100 fl. Cette allocation
me paraît d’autant plus exorbitante, que les deux tiers de nos sections ne
voulaient qu’un inspecteur, et que l’autre tiers demandait la suppression de
cette espèce de sinécure ou canonicat. Vous conviendrez, messieurs, que c’est
également outrepasser la juste mesure de l’économie que d’allouer pour deux
inspecteurs 6,500 florins, non compris leurs frais de voyage, commis, etc. Il
n’existe point encore de loi sur l’instruction primaire, et déjà le ministre
nous demande 6,000 fl. pour quatre inspecteurs, sans compter les frais de route
et de séjour. Je suis donc d’avis de ne point accorder de l’argent pour un
service par anticipation, et je crois une somme de 5,000 fl. suffisante pour le
chapitre premier.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je n’ajouterai rien aux motifs que j’ai déjà fait valoir
auprès de la section centrale. Quant aux quatre inspecteurs de l’instruction
primaire, il n’y aura pas lieu à les payer avant la nouvelle loi sur
l’instruction publique. En conséquence, je ne m’oppose pas à ce qu’on retranche
de l’allocation la somme qui était affectée à leurs traitements.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) déclare consentir à une réduction de 8,000 fl.
M. H. de Brouckere demande que la réduction soit portée à 8,600 fl., ces
600 fl. servant à payer un commis de l’inspecteur des universités, qu’il
regarde comme inutile.
M. Bourgeois appuie la réduction de la section centrale, qui est
mise aux voix et adoptée.
- En conséquence,
le chiffre reste fixé à 5,000 fl.
« Art. 2.
Frais des trois universités : fl. 179,880. »
La section
centrale propose de n’allouer que 160,000 fl.
M.
Fallon propose de majorer cette
somme de 2,500 fl. pour l’inspecteur de Liége, qui ne figure plus à l’article
premier, d’après la réduction de la section centrale qui vient d’être adoptée.
Cette majoration,
combattue par M. Delehaye
et M. d’Elhoungne, et appuyée par M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux), M. Jamme
et M. Destouvelles, est mise aux voix et adoptée.
Le chiffre proposé
par la section centrale, majoré de ces 2,500 fl., est également adopté.
Article
3
« Art. 3.
Frais des athénées et collèges. Subside annuel : fl. 40,315. »
La section
centrale ne propose pas de réduction.
M. Jullien. - Je ne sais comment M. le ministre de l'intérieur
entend la justice distributive, mais il a oublié d’en faire l’application à
l’article qui nous occupe. En effet, je vois dans cet article qu’il propose
d’allouer, à titre de subside, 12,000 fl. pour l’athénée de Bruxelles, 9,000
pour celui de Tournay, et 10,515 pour celui de Namur, c’est-à-dire plus des
deux tiers de toute la somme globale. Ainsi, tout à l’un et rien à l’autre,
telle semble être la règle qu’a adoptée M. le ministre.
L’orateur réclame
en faveur de l’athénée de la ville de Bruges. Remontant à l’origine des
athénées, il dit qu’ils ont remplacé à la restauration les lycées fondés dans
les principales villes de la Belgique sous le gouvernement français et payés
par lui, et que le gouvernement déchu en mit les frais à la charge des villes.
Toutefois, il accordé à celui de Bruges un subside de 6,000 fl. jusqu’en 1820,
où cette somme lui fut supprimée.
Invoquant
à l’appui de sa réclamation l’état de détresse de la ville de Bruges, qui, dit-il,
n’a plus de sa grandeur passée que les souvenirs, et le principe d’une juste
répartition entre les villes à raison de leurs charges, il demande que dans le
crédit demandé l’athénée de Bruges soient compris pour une somme de 3,000 fl.
Si le ministre, ajoute-t-il, s’y refusait, je croirais qu’il sert les intérêts
de ceux qui veulent sacrifier cet athénée à un établissement rival qui est
situé à quelques lieues de là.
M. Tiecken de Terhove. - Messieurs,
moi aussi, j’ai été frappé en voyant la disproportion qui existe dans la
répartition de la somme de 40,315 fl. dont l’allocation est demandée pour
subsides ordinaires des athénées et collèges ; trois ville, Bruxelles, Tournay
et Namur sont spécialement favorisées, et obtiennent des sommes considérables.
J’observerai encore qu’il me paraît étrange qu’il n’y ait que dix villes qui
participent à ce subside. Je ne reconnais pas là cette justice distributive qui
devrait président à tous les actes du gouvernement ; tous les athénées, tous
les collèges, en raison de leur importance et des localités, devraient avoir un
droit égal à la protection du gouvernement, et quelques localités ne doivent
pas être favorisées aux dépens de toutes les autres. Je remarque
encore que la province du Limbourg est exclue ici dans la participation de
cette somme, et cependant elle en aurait grandement besoin. Comme je me flatte
que le gouvernement nous présentera incessamment un projet de loi sur
l’organisation de l’instruction publique, je ne ferai pas dans ce moment de
proposition à cet égard. Je désirerais cependant apprendre de M. le ministre
par quels motifs le gouvernement a cru devoir favoriser si spécialement les
villes de Bruxelles, Tournay et Namur, aux dépens de toutes les autres, et si
son intention est réellement de nous présenter pendant cette session ce projet
d’instruction, qui à mes yeux est d’une urgence manifeste, beaucoup de
localités se trouvant privées de toute instruction, depuis qu’elle est devenue libre.
M. Jamme. - Je l’ai déjà aussi fait observer, messieurs, il
existe une disparité choquante dans la répartition des subsides accordés aux
collèges et aux athénées. Je pourrais, à l’imitation de l’honorable M. Jullien,
faire remarquer que Liége ne reçoit que trois mille florins de subside, pour un
collège qui lui coûte annuellement quinze mille ; mais, messieurs, je crois que
pour le moment, nous ne devons faire sur ce point aucune réclamation et encore
moins en admettre. Car je vois qu’il existe sur ce point une irrégularité
tellement grande, qu’il n’est guère possible d’y obvier que lors de la
discussion de la nouvelle loi. Je ne doute pas que M. le ministre ne fasse
usage, lorsqu’il nous présentera cette loi, de tous les arguments qui viennent
de surgir. J’entends dire que Liége a tort de faire entendre des plaintes,
tandis qu’elle a l’avantage de posséder une université. Oui, messieurs, mais
j’établis une différence totale entre les universités et
les collèges : les collèges sont des établissements municipaux, plus ou moins à
la charge des régences, et la preuve, c’est ce que coûte le collège à la ville
de Liége ; tandis que les universités sont des établissements d’intérêt
général, que l’on place dans les villes où on trouvent réunis tous les éléments
les plus propres à en amener le succès, et qui ne dispensent aucunement ces
villes de se constituer en dépenses pour l’établissement d’un collège. Je dois
ajouter que ce n’est pas une réclamation que j’ai faite, mais seulement des
observations ; car remarquez, messieurs, que la régence de Liége refusera
peut-être tout subside pour le collège, si par la nouvelle loi, l’inspection
que le gouvernement se réservera ne peut lui convenir en lui enlevant
l’indépendance dans laquelle elle veut se maintenir à l’égard d’un
établissement presqu’en totalité rétribué des deniers de la ville.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je répondrai d’abord à un honorable membre que, si
sa mémoire avait été fidèle, il se serait rappelé que j’avais déjà annoncé la
présentation du projet de loi sur la nouvelle organisation de l’instruction
publique pour cette session.
Quant
à la réclamation de M. Jullien, elle me paraît très fondée en effet ; mais je
lui ferai observer qu’il ne peut m’accuser de partialité et d’injustice envers
la province, car il est un autre article dans mon budget, l’article 5, où la
Flandre occidentale est portée pour une somme de 11,622 fl. Maintenant, si
l’article que l’on discute en ce moment contient des allocations très fortes
pour certaines villes, c’est qu’elles m’ont été signalées par l’administrateur
et l’inspecteur, comme ayant les plus grands besoins. Il en est ainsi de la
régence de Bruxelles, qui se trouve dans un état de délabrement tel qu’un
secours de 7,800 fl. lui est nécessaire. Si d’ailleurs les sommes portées pour
ces villes sont trop fortes, une partie pourra en être reportée sur d’autres
objets ; mais dans le cas même où je ne pourrais prendre dans le présent
article un subside pour l’athénée de Bruges, il pourrait être prélevé sur
l’article 5.
M. A. Rodenbach. - Il faut convenir, messieurs, que l’inégalité de la
répartition des 40,315 fl. pour les athénées et collèges est par trop inique :
Bruxelles a 12,000 fl., Namur, 10,515 fl., Tournay, 9,000 fl. Gand, Anvers,
Malines et une quarantaine d’autres villes que je pourrais vous citer, zéro.
Quelle singulière justice distributive !
J’en conclus qu’il
ne faut point d’allocation : outre la somme de 10,515 fl. que l’on accorde à
l’athénée de Namur, on alloue encore à cette ville une somme de 12,000 fl.
Guillaume leur
avait accordé ce montant, afin d’incruster dans la tête des Namurois
l’harmonieuse langue néerlandaise.
Est-ce que là par
hasard la langue d’Outre-Moerdyck doit continuer à être enseignée dans les
provinces wallonnes ?
M. d’Huart se plaint de ce qu’il n’est rien alloué pour la
province du Luxembourg. Il ne parle pas du collège qui se trouve dans la ville
de Luxembourg ; mais pour toute l’instruction publique de la province. En
conséquence, il annonce qu’il proposera un amendement à l’article 5, tendant à
majorer l’allocation portée pour le Luxembourg, jusqu’à concurrence de 12,350
fl.
M. d’Elhoungne Se plaint aussi de l’injuste répartition du subside
dont il s’agit, puisque, sur neuf provinces dont se compose le royaume, cinq en
sont privées. Toutefois, il ne peut approuver la proposition de M. Jullien,
parce que, l’année étant commencée, il est à craindre que si l’on diminue une
partie du crédit affecté tout entier à certains établissements pour la reporter
sur d’autres, cela n’occasionne un bouleversement. Du reste, il fait remarquer
que les études, telles que nous les ont transmises nos aïeux, ne répondent plus
aux besoins de la civilisation actuelle, et que, dans la nouvelle organisation
de l’instruction publique, il faudra s’occuper davantage des sciences
physiques, des sciences exactes, de la langue maternelle et des autres langues
vivantes, et moins du grec et du latin. Sous ce rapport il donne son
approbation à l’administration de l’instruction publique à Bruxelles dont
l’athénée, dit-il, est monté sur le pied le plus respectable. Il annonce qu’il
sera toujours disposé à voter des fonds pour obtenir de pareils résultats, mais
il ne pense pas que les sommes de 5 ou six cents fl., qu’il voit figurer dans
l’article, puissent atteindre le but que se propose.
M. Dumont demande, pour éviter l’inconvénient signalé par M.
d’Elhoungne, que le chiffre proposé par M. Jullien soit ajouté à l’article
comme majoration.
M.
Fallon. - Mon honorable collègue M. Dumortier a déjà expliqué
comment il se fait que la ville de Namur paraît favorisée dans la répartition
du subside. Il a omis cependant une considération assez importante, c’est que,
la province de Namur renfermant des mines de toute nature, le gouvernement a
pensé fort sagement qu’il importait à l’industrie comme à la science d’établir
à l’athénée de Namur une chaire de minéralogie et de métallurgie, ce qui a fait
naturellement majorer l’allocation.
Du reste, si on
veut, et on le veut sans doute, que les établissements d’instruction publique
puisse soutenir la concurrence à côté d’établissements particuliers, c’est dans
ce moment surtout qu’il y a nécessité de protéger l’athénée de Namur, et cela
par des considérations locales dont il n’est pas nécessaire que j’entretienne
la chambre.
Au surplus, est-bien au moment où l’on va s’occuper
d’un nouveau système d’enseignement moyen, et au moment surtout où il ne reste
plus que quatre mois de l’année scolaire, que l’on peut penser à désorganiser
cet enseignement ?
J’appuie donc
fortement l’avis de la section centrale, et, par suite, l’allocation telle
qu’elle est demandée par le ministre.
- La discussion se
prolonge. Sur l’observation de M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) qu’il trouvera sur la somme globale de 40,315 fl. de
quoi accorder un subside de 3,000 fl. à l’athénée de Bruges, M.
Jullien retire son
amendement.
Le chiffre de
l’article 3 est mis aux voix et adopté.
Article
4
« Art. 4.
Réserve pour les demandes éventuelles des régences et pour la création possible
de nouveaux cours : fl. 9,685. »
La section
centrale propose de supprimer cet article.
- Il est mis aux
voix et rejeté.
M. H. de Brouckere propose une allocation pour les professeurs et
régents de collèges supprimés qui ont réclamé des secours par plusieurs
pétitions, de l’une desquelles il a fait lui-même le rapport à la chambre. Il
ajoute que le sort de ces hommes, privés de leurs moyens d’existence, mérite
toute la sollicitude de la chambre.
M. Lebeau. - J’appuie la proposition de notre honorable collègue
M. H. de Brouckere, parce que les instituteurs dont il s’agit sont des hommes
recommandables qui se trouvent aujourd’hui plongés dans la plus profonde
misère, et, si je voulais parler ici des personnes, je pourrais rapporter des
choses qui exciteraient, je ne dirai pas la compassion de la chambre, mais son
plus vif intérêt, et l’engageraient à voter une mesure de rigoureuse justice.
M. Tiecken de Terhove. - Ennemi des traitements d’attente, quand ces
traitements sont prodigués à des hommes qui n’ont rien fait pour les mériter,
et ne sont, comme nous l’avons vu souvent, que le résultat de la faveur, je
viens aujourd’hui appuyer la proposition de M. H. de Brouckere, tendante à
venir au secours de quelques fonctionnaires qui ont été privés de leurs places,
par suite des événements de notre révolution, et ont été l’objet des
persécutions de nos ennemis. J’en connais un, messieurs, qui se trouve dans une
situation telle, qu’elle vous inspirerait à tous les sentiments de la plus
vives sollicitude. Voué depuis longues années à l’enseignement public, avec un
zèle infatigable ; mari, père et fils, entretenant et soignant une mère infirme
avec une tendresse vraiment filiale, ce digne citoyen, animé des sentiments du
plus pur patriotisme, tout dévoué à la cause du peuple belge, et à qui
l’introduction de la jeunesse maestrichoise était confiée, en sa qualité de
principal du collège de Maestricht, a été persécuté, pourchassé par nos
ennemis, pour ses opinions politiques, et forcé de quitter instantanément ses
fonctions, et quelques temps après, la ville.
Malgré ses
talents, ses connaissances variées, et sa haute instruction dans les langues
anciennes et modernes, et ainsi que dans les mathématiques et les lettres ;
malgré une activité et un zèle infatigable, qui l’ont toujours éminemment
distingué, ce brave et digne citoyen est aujourd’hui dans l’impossibilité de
pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille. Messieurs, quand on présente
des titres pareils à l’obtention d’un traitement provisoire, je crois qu’il
n’entre dans la pensée de personne de nous de vouloir s’y refuser. J’espère
donc que la chambre, s’associant aux vues philanthropiques et patriotiques du
congrès, en accordant et plaçant les fonctionnaires de la partie cédée, qui
voudraient s’établir en Belgique, voudra bien accorder à cet ancien fonctionnaire
la continuation provisoire de ses appointements de 1,500 fl., dont il jouissait
comme principal du collège de Maestricht, et que M. le ministre, lors de
l’organisation de l’instruction publique, voudra bien lui accorder une place
qui soit en rapport avec son mérite, utiliser ainsi son talent, lui rendre une
existence et les moyens de pourvoir aux besoins de sa famille. J’ai cité ce cas
particulier, messieurs, qui est parfaitement à ma connaissance, parce que je
puis supposer qu’il n’est pas le seul ; et en conséquence, j’appuie fortement
la proposition de mon honorable collègue M. de Brouckere.
Après un léger
débat, la proposition de M. H. de Brouckere est adoptée.
« Art. 5.
Traitements et supplémentes de traitements aux instituteurs, et autres frais de
l’enseignement primaire dans les provinces : fl. 116,124. »
La section
centrale propose une réduction de 16,124 fl.
M. Leclercq
demande si les bourses dont il est parlé au troisième
paragraphe de cet article sont des bourses existantes ou encore à créer.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) répond qu’elles ont été accordées par des arrêtés royaux.
Il n’en sait pas bien le nombre, mais il pense qu’il n’a été donné que deux ou
trois bourses entières et deux demi-bourses, et il propose de réduire
l’allocation de 4,500 fl., qui figure de ce chef dans l’article, à 900 fl.
M.
Dubus, rapporteur., lit une note de
l’inspecteur de l’instruction publique, de laquelle il résulte que 750 fl. sont
suffisants pour cet objet. En conséquence, il propose de restreindre la
réduction de la section centrale à 15,150 fl.
M. d’Huart
propose de porter l’allocation de la province du Luxembourg à 12,350 fl., au
lieu de 8,703 ; mais sur l’observation de M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) que les allocations ont été fixées approximativement
sur les rapports de l’administrateur de l’instruction publique, et que, si la
province de Luxembourg éprouve de plus grands besoins que ceux qui ont été
prévus, il pourra reporter sur elle une partie des autres allocations, il retire
son amendement.
- La réduction
primitive de la section centrale est mise aux voix et rejetée.
Le chiffre total
de l’article s’élevant à 100,374 fl. est également adopté.
Chapitre VII. - Agriculture, industrie et
commerce, sciences et arts, service de santé
« Art. 1er.
Lettre A. Pour soutenir et encourager l’agriculture, l’industrie et le
commerce, et procurer du travail aux ouvriers des fabriques : fl.
300,000. »
La section
centrale propose de n’allouer que 150,000 fl.
M. Mary propose de
joindre à la discussion de cet article celle du premier article du chapitre
XVII, intitulé : « Subsides aux villes et aux communes. »
- Cette
proposition est écartée.
M. Corbisier. - (Nous donnerons son discours.) (Note du webmaster : ce discours n’a pas
été retrouvé).
M. Jamme. - Messieurs, lors de la discussion générale du budget
du ministère de l’intérieur, déjà j’ai fait connaître mon opinion sur le crédit
de 300,000 florins demandé pour l’encouragement de l’agriculture, de
l’industrie et du commerce : j’ai dit alors que je ne voterais que pour le
crédit réduit par la section centrale, et qu’en temps ordinaire, je voudrais
que ce crédit fût même encore réduit. Je dois aujourd’hui motiver mon vote avec
précision.
Il ne fallait rien
moins, messieurs, que les sévères leçons de l’expérience pour que je me
montrasse opposé à ce qu’on allouât un crédit que, arrivé à sa juste
destination, pourrait avoir des résultats éminemment utiles et conformes à ma
pensée, qui, réellement, est toujours portée à accorder encouragement et
protection à toutes les sources de la prospérité publique ; mais la conviction
qu’il est trop difficile d’atteindre ce but, et que souvent des encouragements
ou de secours sont accordés aussi bien à l’obsession ou à l’intrigue qu’au
besoin réel, me détermine.
La surveillance
sur l’administration des deniers publics nous est confiée ; nous devons nous
opposer à tout emploi douteux qui pourrait en être fait. Nous ne sommes pas les
dispensateurs de la fortune publique, nous n’en sommes que les administrateurs,
et nous devons l’administrer pour le plus grand avantage de l’intérêt général.
J’ai déjà fait
connaître, messieurs, de quelle manière je pense qu’il faut protéger
l’industrie et le commerce ; c’est par de bonnes lois qu’il faut les protéger,
des lois qui concordent avec l’intérêt général, mais presque jamais par des avances
de fonds : l’expérience le prouve. L’emploi que le gouvernement précédent a
fait des deniers publics, sous la dénomination de fonds destinés à
l’encouragement de l’industrie nationale, démontre à l’évidence le vice du
système, système qui semble n’avoir été imaginé que pour accorder des faveurs à
quelques industriels aux dépens du trésor. Pour quelques capitaux qui peuvent
avoir atteint le but pour lequel ils étaient prêtés, la masse des autres n’aura
servir qu’à établir une industrie factice, à préparer un état de gêne pou
certains emprunteurs, la ruine pour certains autres, et finalement la perte
d’une partie des capitaux pour l’Etat.
Au moment,
messieurs, où nous discutons longuement et péniblement pour obtenir sur
l’ensemble de tous les budgets quelques petites économies, qui vont peut-être
compromettre le service ou l’existence de quelques employés, il est dû au
trésor 7 millions de florins. L’existence de ce capital considérable est plus
ou moins gravement compromise.
Dans cette valeur
de 7 millions, celle de 4,537,503 a été avancée aux industriels. Les époques
des remboursements sont déterminées pour la plupart des avances faites ; pour
quelques autres, elles ne le sont pas. L’époque des remboursements est arrivée
pour une partie de ces avances ; les remboursements n’ont pas lieu et les
intérêts ne sont pas payés.
Les hypothèques de
plusieurs de ces capitaux sont compromis par la faillite des emprunteurs ou le
mauvais état de leurs affaires. Plusieurs des capitaux avancés n’on pas reçu la
destination pour laquelle on les avait demandés. Reste alors 2,500,000 fl.
Engagé dans des entreprises dans lesquelles le gouvernement était intéressé. Si
je suis bien informé, messieurs, des intérêts d’une aussi haute importance
n’ont été l’objet d’aucun soin, d’aucune surveillance depuis la révolution ; je
puis même dire que j’en ai la preuve, puisque le budget des voies et moyens
n’offre aucune trace du mouvement de ces valeurs ni de leurs intérêts.
Je dois inviter
itérativement M. le ministre des finances à donner à la chambre des
explications sur ces opérations et sur la manière occulte dont elles se
traitent. Je regrette que M. le ministre ne soit point présent ; je devrai
l’interpeller une autre fois.
Je vous laisse penser,
messieurs, si, avec la conviction que les faits dont je viens de vous
entretenir sont exacts, je puis hésiter dans le vote que je dois émettre. Je
voterai toujours pour la réduction de moitié du crédit en considération de
l’urgence des circonstances dans lesquelles le pays pourrait se trouver.
M. Tiecken de
Terhove.
- (Nous donnerons son discours.) (Note du
webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé).
M. Pirmez
s’oppose à l’allocation.
M. Delehaye
insiste sur la nécessité d’accorder un subside à l’industrie et au commerce,
sous peine de voir 80,000 hommes sur le pavé.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) appelle l’attention de la chambre sur l’industrie
cotonnière, pour laquelle il pense qu’il serait utile de créer des primes
d’exportation. Il lit à cet égard une note du comité d’industrie, qui propose
pour cette industrie le système de primes.
M. Devaux fait observer que les primes sont une matière trop
grave pour être laissées à l’arbitraire du gouvernement, et il pense qu’elles
ne peuvent être accordées qu’en vertu d’une loi spéciale.
M. Barthélemy dit qu’il
sait de science certaine que les fabriques de coton travaillent, et que le
débouché de Batavia est de nouveau rouvert à cette industrie.
M. Jamme
appuie les observations de M. Devaux.
M. A. Rodenbach. - Tous les économistes célèbres sont d’accord sur le
principe qu’il faut laisser faire l’agriculture, le commerce et l’industrie. Je
partage entièrement cette opinion ; mais, vu les circonstances fâcheuses dans
lesquelles nous nous trouvons encore, je voterai, non point les 300,000 fl.
réclamés par le ministère, mais le chiffre de la section centrale qui ne
s’élève qu’à 150,000 fl. ; mais, tout en allouant cette somme, je crois, comme
mon honorable collègue M. Devaux, que le ministre doit rendre compte de
l’emploi des fonds. Le commerce des toiles et les distilleries n’ont, jusqu’à
présent, point obtenu de gratifications à titre d’encouragement, et je ne
prétends point que les 300,000 fl. demandés soient des cent mille florins
Merlin. On nous a si souvent parlé, messieurs, du million Merlin, que je ne
trouve pas inopportun de vous dire ce que le mot Merlin signifie, dont il ne
faut point rendre compte. Je prie M. le ministre de bien vouloir se rappeler
cette définition grammaticale.
M. Osy. - Je suis également d’opinion que notre gouvernement
ne doit pas suivre la marche suivie par l’ancien gouvernement pour soutenir ou
favoriser l’industrie. Mais, après la grande secousse que le commerce et
l’industrie ont subi depuis la révolution, je crois que nous devons allouer une
somme pour soutenir, au moyen de primes, les branches d’industrie nationale qui
ne pourraient l’être suffisamment sans élever certains droits à une hauteur qui
aurait des suites défavorables pour le commerce, où servirait d’appât à la
fraude, mais aussi à encourager les fabriques, les manufactures, la pêche et
l’agriculture. J’espère donc que la commission d’industrie adoptera un système
convenable à notre situation actuelle. Aussi je voterai pour les 150,000 fl.
que la section centrale vous demande, et, si un système avait été adopté par la
commission, j’aurais demandé les 300,000 fl. proposés par le gouvernement ;
mais je pense que, pour l’année prochaine, nous devrons allouer au moins
300,000 fl.
En vertu de la loi
du 12 avril 1821, l’ancien gouvernement avait accordé des primes pour la
construction des navires, et par ses arrêtés des 5 octobre 1823, 29 juillet
1825 et 10 septembre 1827, on prenait sur les produit des droits d’entrée et de
sortie, transit, tonnage, les fonds nécessaires pour payer ces primes. Depuis
la révolution, on a lancé plusieurs navires de nos chantiers, et, par plusieurs
demandes au gouvernement et aux chambres, on réclame en vain depuis 18 mois de
liquider ces prétentions de stricte justice.
La commission du
congrès, en faisant son rapport sur le budget des voies et moyens dont M. de
Theux était rapporteur, disait : « L’on s’est principalement attaché à
fixer par approximation l’excédant disponible de l’exercice 1830 : les fonds
disponibles de cet exercice ne montaient, au 15 du présent mois, qu’à 2,509,331
fl. ; mais il faut en défalquer les prétentions à charges du trésor provenant
du même exercice 1830, comme primes pour la construction des navires,
réclamations de traitements, etc. »
Vous voyez donc,
messieurs, que le congrès avait déjà reconnu en principe qu’il fallait payer
ces primes, et même le gouvernement provisoire a fait payer une somme de 12,000
fl. à M. Fleury-Duray, à compte sur les primes qui lui étaient dues pour
constructions de bâtiments maritimes (voyez l’état des dépenses depuis le 18 au
30 novembre 1830, fourni au congrès) ; il n’y a donc pas de doute que nous
sommes obligés d’autoriser le gouvernement à liquider ces justes prétentions.
Le gouvernement aurait dû le faire avec les fonds en caisse de 1830 ; mais, M.
le ministre de l'intérieur m’ayant dit que les comptes de cet exercice étant
clos, je viens vous proposer d’allouer une somme au chapitre VII, pour
satisfaire aux diverses demandes adressées au ministère de l’intérieur.
Depuis
les informations qui m’ont été fournies par le ministre, les sommes demandées
jusqu’à ce jour montent à 72,000 fl. ; mais il paraît qu’il nous viendra encore
quelques réclamations pour les navires qui n’ont pu être lancés dans le temps voulu
par la loi, les constructeurs en ayant été empêchés par force majeure : ces
navires se construisaient sur des chantiers contre la citadelle d’Anvers et
dans les rayons des Hollandais, et aucun Belge n’a pu y approcher depuis 1830.
Je viens donc demander 80,000 fl. pour solder des primes pour les navires en
construction avant 1831.
M. Hye-Hoys. - Je demande la parole pour répondre à l’honorable
M. Osy qu’il se trompe s’il croit que les marchandises anglaises ne sont
imposées qu’à un droit de 5 à 6 p. c., tandis qu’il y a des articles qui paient
25 et même 50 p. c. à la valeur.
Je dirai à l’honorable M. Barthélemy qu’il règne, à la
vérité, aujourd’hui une certaine activité dans les fabriques de Gand pour les
besoins du moment, mais nous n’avons aucune certitude que cela continuera ;
tout dépendra des circonstances. Il pourrait arriver une époque, je suppose la
reprise des hostilités contre la Hollande, qui pourrait faire cesser toute
commande, et, dans pareil cas, le gouvernement doit avoir des moyens pour
pouvoir venir au secours des masses d’ouvriers qui pourraient se trouver sans
travail : en conséquence, je voterai pour la somme allouée.
M. Devaux interpelle le ministre de l’intérieur pour savoir si
des primes ne seront accordées qu’en vertu d’une loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) répond qu’il ne voit aucune difficulté à présenter un
projet de loi sur cette matière ; mais il insiste pour que l’on accorde
l’allocation demandée à titre de secours.
- Sur la
proposition de M. Delehaye.,
la proposition de M. Osy est renvoyée à la section centrale après double épreuve.
Le chiffre de
150,000 fl. proposé par la section centrale est ensuite mis aux voix et adopté.
INTERPELLATION RELATIVE A L’ENLEVEMENT DU
GOUVERNEUR DE LA PROVINCE DU LUXEMBOURG (THORN)
M. d’Hoffschmidt. - Je demande la parole pour faire une interpellation
à MM. les ministres. (Mouvement
d’attention.) Messieurs, la nouvelle vient de se répandre que M. Thorn,
gouverneur de la province de Luxembourg, aurait été enlevé, dans sa maison de
campagne, par des maréchaussées sortis de la ville de Luxembourg avec la bande
Tornaco et conduit dans la citadelle de la place. Je demanderai à MM. les
ministres si le fait est vrai : ce serait, de la part de la Hollande,, un
commencement d’hostilités bien propre à jeter la consternation dans le
Grand-Duché, surtout s’il ne se trouvait pas sur les lieux des forces
suffisantes pour empêcher que de pareils attentats ne soient commis sur
d’autres personnes. Je prie donc MM. les ministres de nous dire ce qu’ils
savent à ce sujet, et s’il y a des forces suffisantes dans le Luxembourg. (Agitation.)
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - En effet, messieurs, il est arrivé hier au soir, au
gouvernement, l’avis que M. Thorn avait été enlevé dans les environs de la
citadelle par des gendarmes hollandais ; mais le fait n’est pas certain. C’est
sur le dire d’un individu que la lettre que nous avons reçue a été écrite. On
ne parle pas qu’il y ait eu aucun acte d’hostilité.
M. d’Hoffschmidt. - Vous ne répondez pas à ma question s’il y a des
forces suffisantes dans le Luxembourg, en cas de reprise des hostilités.
M. Dumortier
(vivement). - Messieurs, le fait
qu’on nous annonce est extrêmement grave ; à coup sûr, le gouvernement ne doit
pas souffrir une aussi coupable violation du droit des gens. Il faut qu’il
montre en cette circonstance la plus grande énergie, et qu’il use de
représailles pour empêcher qu’on ne renouvelle des actes aussi atroces, et pour
sauver la cause de la révolution que le roi Guillaume s’efforce de
compromettre. Il ne faut pas s’y méprendre, M. Thorn exerce dans le Luxembourg
une grande influence, et son enlèvement décèle, de la part de la Hollande, une
arrière-pensée qu’elle ne tardera pas, sans doute, à exécuter. Je le répète, il
faut que le gouvernement prenne enfin une attitude digne de notre cause et de
notre révolution, qu’il adresse une note énergique aux puissances contre
l’attentat commis sur M. Thorn, et qu’il se mette en mesure de repousser
l’ennemi qui, sans doute, se prépare à nous attaquer : ce n’est que par ce
moyen que notre révolution sera sauvée, et non plus par les voies
diplomatiques. Je demanderai à ce propos pourquoi on n’a pas encore présenté un
projet de loi constitutif d’un ordre pour récompenser les hommes qui ont
combattu en septembre, et les braves de notre armée. C’est un moyen d’émulation
qu’il ne faut pas négliger, car nous avons affaire à un ennemi perfide et astucieux,
contre lequel nous ne saurions employer trop de ressources.
Je
demanderai en outre à M. le ministre des affaires étrangères s’il est vrai,
comme le bruit s’en répand, que les ratifications aient eu lieu ; je n’ai
jamais cru aux ratifications, mais j’ai pu me tromper dans mes prévisions et
dans ce cas je pense que, dès le jour où elles auront été faites, le roi
Guillaume ne tardera pas à nous attaquer. Il a vu que par sa première invasion
en Belgique, il avait obtenu des conditions meilleures ; il voudra en obtenir
de meilleures encore par une nouvelle attaque. Il faut donc nous préparer à la
guerre. J’invite le ministère à y songer, et à nous dire s’il a reçu les
ratifications.
M. Lebeau. - Messieurs, l’abominable guet-apens qu’on vient de
nous signaler ne peut rencontrer qu’un sentiment unanime dans cette assemblée :
indignation contre ceux qui l’ont commis, et sympathie pour la victime. Mais,
avant de se laisser aller à son indignation, il faut vérifier le fait, ne pas
alarmer le pays sur un bruit qui peut n’être pas fondé, et ne pas nous livrer à
des emportements anticipés qui, s’ils ne reposaient sur rien, après
vérification pourraient paraître ridicules. Je demanderai donc avant tout à M.
le ministre de l'intérieur, s’il a envoyé un courrier sur les lieux, aussitôt
la nouvelle reçue pour s’assurer si elle est exacte.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Je vous avoue, messieurs, que la sortie de l’honorable M. Dumortier a droit
de m’étonner. Il me semble qu’avant de se livrer à de telles exagérations, il
faudrait au moins que les faits fussent vérifiés et constatés ; alors
l’indignation serait légitime, et je serais le premier à la partager. Quoi
qu’il en soit, voici ce qui est arrivé. Hier soir, une lettre, écrite par un
employé subalterne, a été reçue par le ministre de l’intérieur. Cet employé
annonce, sur la foi du rapport qu’en aurait fait le conducteur d’une diligence,
que M. Thorn aurait été enlevé dans sa maison de
campagne. Le fait est possible, messieurs, car il faut nous attendre à tout de
la part de notre ennemi. Mais je vous avoue que, sur la communication que m’a
faite de la nouvelle M. le ministre de l'intérieur, je n’ai pas même osé la
dénoncer aux agents diplomatiques de la France et de l’Angleterre. M. Thorn est
gouverneur de la province de Luxembourg. Quand il est absent ou indisposé, le
plus ancien député des états provinciaux doit le remplacer, et c’est de ce
fonctionnaire que nous devons attendre la nouvelle officielle du fait : il ne
manquera pas, sans doute, de nous l’envoyer, si la nouvelle est vraie, et
aussitôt le gouvernement prendra les mesures nécessaires. (Appuyé ! appuyé !)
M. Dumortier
demande la parole au milieu du bruit. Je ne croyais pas, dit-il, que l’on pût
taxer d’exagération les paroles patriotiques que j’ai fait entendre.
-
Tous les membres quittent leur place et se disposent à sortir ; M. Dumortier ne
peut pas se faire écouter.
M. le président. - Messieurs, messieurs, la séance n’est pas levée.
M.
Fallon. - Je demande à faire une motion d’ordre. L’expérience
nous a prouvé que nous ne gagnions rien à avoir deux séances ; hier soir nous
n’avons délibéré que pendant deux heures, et, en restant ici jusqu’à quatre,
nous aurions fait tout autant de travail. D’un autre côté, avec les précautions
sanitaires qu’on est obligé de prendre, il est insalubre de se réunir le soir.
(Hilarité.)
M. le président. - Il y a à cet égard décision prise par la chambre. A ce soir à 6
heures.
- La séance est
levée à 2 heures.
Noms des membres
qui n’ont pas répondu à l’appel nominal : MM. Barthélemy, Cols, Dewitte, de
Woelmont, Domis, Goblet, Lardinois, Nothomb, Verdussen, H. Vilain XIIII, Jonet,
Devaux, Van Meenen, Watlet.
Noms des membres
absents sans congé : MM. Boucqueau de Villeraie, Dams, Ch. de Brouckere, de
Foere, F. de Mérode, de Nef, de Robaulx, Gelders, Goblet, Jacques, Jaminé, Lebègue,
Legrelle, Pirson, Poschet, Seron, Thienpont.