Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 mai 1832

(Moniteur belge n°139, du 18 mai 1832)

(Présidence de M. Destouvelles.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

Après l’appel nominal, M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal, qui est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Liedts analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.

Projet de loi relatif au conseil des mines

Discussion générale

M. le président.- L’ordre du jour est la discussion du projet de loi relatif aux mines. La discussion sur l’ensemble du projet est ouverte. Quelqu’un demande-t-il la parole pour la discussion générale ?

M. Pirmez. - J’ai proposé un amendement.

M. le président.- Je fais observer que d’après le règlement la discussion sur les amendements ne peut s’établir que lorsque la discussion générale est close sur l’ensemble du projet.

M. Pirmez. - Je parlerai sur l’ensemble de la loi.

M. le président.- M. Pirmez a la parole.

M. Pirmez. - La discussion du projet a excité de vif débats dans le sein de la commission ; mon amendement…

- Plusieurs membres. - Il ne s’agit pas actuellement de votre amendement.

M. Pirmez. - Je propose de substituer au paragraphe 2 de l’article 3 les dispositions suivantes :

« Quant aux autres mines, il ne pourra être statué que sur les demandes en concession faites en vertu de l’article 53 de la loi du 21 avril 1810, sans toutefois préjudicier aux droits des propriétaires du sol tels qu’ils existaient lors de la publication en Belgique de la loi du 12 juillet 1791, et sauf les conventions faites entre ces propriétaires et les exploitants.

« Celui de ces droits qui aurait pour objet l’exploitation d’une partie de la mine, pourra être modifié, lors de la révision de la législation sur les mines, de manière à concilier ce qu’exige l’intérêt public avec le respect dû aux droits tant des propriétaires du sol que des concessionnaires. »

« Jusqu’à cette révision ce droit ne pourra être exercé qu’avec le consentement du concessionnaire et à défaut de ce consentement, qu’avec la permission du gouvernement, donnée après avoir consulté l’administration des mines. »

Messieurs, la rédaction du projet a excité au sein de la commission de longs et vifs débats. Mon amendement a pour but d’obvier aux dangers d’une décision précipitée sur le point de la contestation principale seulement, en proposant de ne donner gain de cause ni aux propriétaires, ni aux concessionnaires, jusqu’à la révision de la loi de 1810, annoncée par le projet. Quant aux dispositions de cette loi, dont on dit que l’urgence se fait sentir, je ne m’oppose pas à ce que vous les remettiez en vigueur dès aujourd’hui.

Messieurs, cette question difficile n’a jamais été parfaitement comprise par l’assemblée. Parmi les honorables membres qui prirent part à la discussion précédente, les uns parurent croire que les propriétaires de la surface réclamaient en vertu de leur droit de propriété, tel que le définit le code, la faculté de disposer du dessus et du dessous d’une manière absolue, de vendre et d’exploiter les couches à une profondeur indéfinie ; les autres pensèrent qu’ils invoquaient les dispositions favorables de la loi de 1791, qui leur accorde la préférence sur tous les demandeurs en concession. C’est une double erreur qu’il importe de rectifier.

Sans doute le code Napoléon et la loi de 1791, à laquelle concourut Mirabeau et dont vous avez entendu faire un juste éloge, sont de nature à faire impression sur les esprits dans les circonstances ordinaires. Mais les principes du code Napoléon et ceux de la loi de Mirabeau doivent ici fléchir devant l’impérieuse nécessité des faits. L’application de ces principes ruinerait complètement tout le pays houiller.

Aussi les propriétaires du sol n’exigent-ils pas que vous leur reconnaissiez le droit d’user et d’abuser de leur propriété ; ils ne demandent pas même le bénéfice de la loi de 1791. De pareilles prétentions, quoique fondées sur des lois, auraient quelque chose d’outré, d’exorbitant, d’évidemment contraire à l’intérêt public. Elles seraient d’ailleurs sans objet, dans l’état actuel du morcellement des propriétés puisque l’exploitation des mines de houille à une certaine profondeur, exige des frais immenses hors de proportion avec la plupart des fortunes.

Le propriétaire du sol réclame seulement le droit d’extraire la terre-houille. C’est, comme nous l’avons déjà vu la partie de la couche la plus élevée, celle qui aboutit d’ordinaire à la surface. L’extraction de la terre-houille ne demande point de travaux coûteux et, quelle que soit l’exiguïté d’un champ, elle est toujours possible.

Ce droit, je ne saurais trop le répéter, on ne le fonde point sur la loi de 1791, trop favorable au propriétaire. Le droit qu’on invoque a la même origine, est de même nature que celui des concessionnaires inférieurs eux-mêmes ; il résulte, comme celui-ci, d’une concession seigneuriale. Les habitants de plusieurs communes connaissent encore l’origine de leurs droits, quoiqu’elle semble s’enfoncer dans les ténèbres du moyen âge. On m’a cité, par exemple, un acte du mercredi après Pâques fleuries, de l’an 1297, par lequel un comte de Namur, seigneur de trois communes des environs de Charleroy, leur concède le droit d’extraire la mine à 60 pieds de profondeur.

Si dans plusieurs communes les propriétaires, ayant perdu leurs titres, ne peuvent plus alléguer qu’une longue possession, un grand nombre d’exploitants inférieurs se trouvent absolument dans le même cas.

Au surplus, messieurs, il ne s’agit pas de vous faire déclarer aujourd’hui que le propriétaire du sol a droit à la mine, il tend seulement à tenir en suspens ce droit, s’il existe, jusqu’à la révision de la loi.

Il y avait donc autrefois deux sortes de concessions, dont l’une était séparée de la propriété, et dont l’autre, ayant pour objet la partie supérieure de la mine, était inhérente à la propriété.

Messieurs, je vous prie de bien remarquer aussi que deux droits réels différents se confondent ici dans la personne du propriétaire du sol puisqu’il est en outre propriétaire de la partie supérieure de la couche, à titre de concessionnaire.

L’article 28, paragraphe 3, de la loi de 1810, est ainsi conçu : « Si l’opposition est motivée sur la propriété de la mine acquise par concession ou autrement, les parties seront envoyées devant les tribunaux et cours. »

Cependant, messieurs, lorsqu’une demande en concession était portée au conseil d’Etat, les propriétaires de la partie supérieure de la mine avaient beau motiver leur opposition sur cette qualité, exhiber leurs titres seigneuriaux. justifier de leur longue possession et demander le renvoi devant les tribunaux, en s’appuyant sur le texte formel de la loi, le conseil d’Etat leur répondait : Votre opposition n’est pas motivée sur la propriété de la mine. Comme si pour motiver, il n’eût pas suffi d’exposer simplement un fait, d’alléguer une raison quelconque.

Toute incroyable que la chose paraisse, le conseil d’Etat a pris plusieurs fois de semblables décisions, notamment en ce qui concerne les mines de fer, sur des oppositions étayées de titres seigneuriaux dont on ne pouvait contester l’existence ni la validité.

Qu’on ne vienne donc plus dire au propriétaire que, s’il réclame un droit à la mine, comme concessionnaire, le conseil d’Etat doit le renvoyer devant les tribunaux. Il lui importe peu que le conseil d’Etat doive le faire, s’il ne le fait point.

Il est des objections qu’on a beau réfuter, elles se représentent sans cesse sous la même forme, telle est cette assertion, qu’on ne doit pas reprocher à la loi les abus de la loi. Mais, messieurs, c’est précisément parce que les abus sont possibles que la loi est mauvaise. Si les séances du conseil d’Etat, au lieu d’être secrètes, eussent été publiques ; si les divers intérêts y eussent été défendus de vive voix, au lieu de l’être par des mémoires écrits auxquels souvent on ne pouvait répondre ; si la loi de 1810 avait établi une procédure régulière, au lieu de tout abandonner à l’intrigue, on n’aurait certainement pas à reprocher ce déni de justice au conseil d’Etat.

Le projet charge des conseillers des cours de Bruxelles et de Liége de prononcer sur ces sortes de contestations. C’est un pas vers le bien ; des membres de l’ordre judiciaire offrent des garanties de lumières et d’impartialité que l’on chercherait vainement ailleurs que dans la magistrature. Cependant, messieurs, ces garanties sont loin de me satisfaire pleinement, il est impossible de connaître le véritable état de la question, d’après des mémoires écrits, que l’on ne peut réfuter à l’instant même.

Nous possédons dans cette assemblée plusieurs magistrats éclairés ; ils entendent aujourd’hui pour la troisième fois discuter longuement des questions relatives aux mines. Eh bien, ils vous diront s’ils peuvent se former une idée bien exacte de ces propriétés souterraines et les contestations auxquelles elles donnent lieu. Cependant, il s’agit ici de faits généraux, que nul ne conteste, que chacun cherche à expliquer clairement, à présenter de manière à faire triompher le bon droit, notre but à tous ; que serait-ce s’il s’agissait de cas particuliers compliqués, de mille circonstances obscures, que l’une des parties aurait intérêt à embrouiller encore, et où la chicane viendrait déployer toutes ses ressources ?

On assure que le conseil des mines qui, d’après l’article 2 du projet doit donner un avis préalable, saura respecter et concilier tous les intérêts. On ne réfléchit pas sans doute combien cette tâche est difficile. Les éléments dont se compose le conseil des mines sont bien plus propres à vous rassurer à cet égard. Sous le rapport des lumières, rien de mieux que des ingénieurs et des délégués des chambres du commerce, mais je ne vois pour les propriétaires du sol aucune garantie sous le rapport de l’impartialité et du désintéressement. Dans les pays de mines où naturellement les chambres de commerce se composeront presque exclusivement de grands concessionnaires, quels intérêts représenteront leurs délégués ? Et quant aux ingénieurs dont les études habituelles ont pour objet les grandes difficultés de l’art dans les travaux inférieurs, que leur importe qu’il s’élève ou non, çà et là, quelques chétives exploitations à la surface ? Ces fonctionnaires ne sacrifieront-ils pas trop facilement à leurs théories tout ce qui présentera l’ombre d’un obstacle ?

Messieurs, si l’on doit se tenir en garde contre les suggestions de quelque part qu’elles viennent, c’est lorsque la matière qui y donne lieu nous est absolument étrangère. Un membre de cette chambre qui paraît avoir voué à la loi de 1810 un culte d’admiration, puisqu’il traite de blasphème la critique modérée qui en a été faite, nous a révélé un fait curieux et qui montre combien il est dangereux de voir par les yeux d’autrui.

Il nous a dit que le gouvernement hollandais ne concédait les mines de fer que parce qu’un savant avait décidé qu’elles n’étaient plus exploitables à l’ancienne manière. Cependant l’honorable membre, pensant sur ce point comme la plupart d’entre vous, a démontré invinciblement que les mines de fer ne sont pas concessibles. Voilà donc de l’aveu du plus ardent apologiste de la loi de 1810, les abus révoltants qui en découlent. Sur l’avis d’un savant, des milliers de citoyens furent expropriés brutalement sans indemnité, toutes leurs réclamations furent vaines. Il suffit d’un savant pour porter la ruine et la désolation dans les familles. Si vous ressuscitez la loi, qui nous préservera des savants et de leurs désastreux systèmes ?

La commission reconnaît que la loi de 1810 ne vaut rien et doit être changée, pourquoi donc vouloir l’appliquer de suite en ce qu’elle offre de plus dangereux ? Pour moi, messieurs, je ne vois pas la nécessité de nous jeter tête baissée dans ces questions difficiles que n’osaient même aborder les gouvernements précédents.

Lors de la dernière discussion sur les mines, un membre de la majorité de la commission reconnut que depuis la publication en Belgique de la loi de 1791, l’acte de maintenue n’a pu être obtenu par un centième des anciens concessionnaires. Ne pouvait-on attendre quelques mois encore après tant d’années d’attente ? Est-ce au sortir d’une révolution, quand tous les esprits sont distraits par les hautes questions de politique extérieure, quand nous tremblons encore pour notre existence nationale au milieu de tant d’émotions diverses, qu’il faut brusquer les choses et trancher des difficultés à la solution desquelles on ne saurait apporter une réflexion trop mûre, un examen trop approfondi.

C’est une mesure provisoire, dit-on, oui sans doute, mais c’est une mesure provisoire dont les effets seront éternels. Dans quelques mois tout le mal sera peut être consommé et la législation définitive, à laquelle auront concouru toutes les lumières, sur laquelle tous les intérêts auront été consultés, la bonne législation, morte avant de naître, viendra ainsi grossir d’une page inutile le recueil de vos actes.

Messieurs, il faut nous garantir de l’exagération à laquelle il est de notre nature de nous laisser entraîner si facilement. On vous a représenté l’extraction de la terre-houille comme devant détruire tous les charbonnages. Cependant, il est prouvé que les exploitations supérieures et les exploitations inférieures ont marché concurremment depuis 1297 jusqu’en 1810, c’est-à dire pendant au moins cinq siècles. Le propriétaire est, pour une autre raison encore, fondé à croire que l’extraction de la partie supérieure, ou de la terre-houille, ne nuit pas aux travaux inférieurs : c’est qu’à peine lui est-elle enlevée, qu’il la voit exploitée par le concessionnaire inférieur lui-même, ou par d’autres qui paient à celui-ci une rente en argent ou en nature.

Les prétentions du propriétaire du sol n’ont rien d’exagéré lorsqu’il demande à user d’un droit qui, comme nous l’avons vu, lui appartient à un double titre. Elles n’ont rien d’exagéré lorsqu’il réclame, pour le cas où l’expropriation serait jugée nécessaire, une indemnité, non fictive, mais réelle, une indemnité proportionnée au dommage, c’est-à-dire, une indemnité égale à la valeur de la mine à laquelle il lui sera désormais interdit de toucher.

Cependant, messieurs, il importe tellement qu’on agisse avec lenteur et avec prudence dans cette grave question, qu’il convient peut-être de laisser en suspens l’exercice des droits du propriétaire, tout incontestables qu’ils sont, jusqu’à la révision de la loi de 1810, annoncée par le projet. C’est le but de mon amendement.

Vous chargerez, sans doute, une commission de la rédaction de la loi nouvelle, il faut qu’elle ait eu le temps d’examiner mûrement les raisons qui seront produites de part et d’autres, afin de concilier ce qu’exige l’intérêt public avec le respect dû aux droits, tant des propriétaires du sol que des concessionnaires.

Messieurs, pour apprécier l’importance de ces questions, je vous prie de bien remarquer que c’est ici le seul cas où, pour cause d’utilité publique, on enlève à un particulier son patrimoine pour en gratifier un autre particulier, circonstance qui offre un grand danger et qui exigera de grandes précautions lors de la confection d’unie loi nouvelle.

M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, le travail qui vous a été présenté par votre commission spéciale, chargée de l’examen du projet de loi relatif aux mines, est devenu l’objet de vives critiques tant de la part de plusieurs industriels, que des ingénieurs des mines.

Ils se plaignent de ce que le projet pose en principe la nécessité de réviser la loi du 21 avril 1810, qu’ils regardent comme contenant les dispositions les plus sages sur cette matière, et surtout de ce que la commission, croyant à cette nécessité, ne propose rien pour remplacer la législation actuellement existante, indique le mal sans y porter aucun remède, et consacre une espèce de provisoire indéfini, véritable fléau de l’industrie qui pour risquer ses capitaux, a besoin non de vague, mais de positif.

Je partage cette opinion sans me dissimuler que les mesures législatives à prendre sur cet objet qui touche à une des principales sources de notre richesse nationale, sont hérissées de difficultés. Je crois au surplus, par d’autres motifs que je vais faire connaître, devoir refuser mon assentiment au projet de la commission.

Ce projet confère aux membres, choisis parmi les conseillers des cours d’appel de Bruxelles et de Liége, présidés par un ministre, les attributions du conseil d’Etat. Or, messieurs, si comme moi vous êtes pénétrés de l’importance des affaires qui seront soumises à ce conseil, de leur multiplicité, des soins qu’elles demandent, des discussions auxquelles elles donnent lieu, vous serez convaincus que le personnel de cette commission sera trop peu nombreux et devrait au moins être porté à neuf conseillers.

Quant à la composition du conseil, j’aime à y supposer la réunion très rare des connaissances administratives et judiciaires ; mais je crains néanmoins que cette formation n’offre de graves inconvénients. J’entends sans cesse répéter que le personnel des cours est insuffisant ; les affaires sont, dit-on, en retard, l’on ne peut y suffire ; si ces assertions et d’autres sont fondées, comment peut-on vouloir encore retirer trois conseillers aux deux cours existantes ? N’est-il pas à craindre que les affaires judiciaires ordinaires, ou celles concernant les mines, ne restent en souffrance, car je pense que, pour le bien de l’industrie, il est indispensable que ce conseil soit permanent.

Messieurs, je suis du nombre de ceux qui croient que l’on se passera difficilement en Belgique d’un conseil d’Etat. Les changements notables que subissent d’ordinaire, à la chambre des représentants, les projets de loi émanés du ministère, prouvent qu’ils auraient besoin d’être mieux élaborés, avant d’être livrés à la discussion publique.

Les commissions spéciales, si souvent et si inutilement nommées par le gouvernement, tout me fait penser qu’il serait inutile d’en revenir à cette institution, qui pour avoir offert des abus sous le gouvernement précédent, tant par le choix de quelques hommes incapables, que par l’idée malheureuse d’en faire une espèce d’hôtel d’invalides pour les employés supérieures, n’en a pas moins rendu de grands services, et a formé de bons administrateurs parmi les jeunes conseillers et les référendaires.

C’est surtout dans ce qui concerne les mines que je regrette l’absence de ce corps, et il me semble qu’il sera impossible de se passer d’une institution quelconque qui exerce les fonctions qui lui étaient dévolues.

Le projet de la commission remplit-il cet objet ? Non sans doute ; bientôt on demandera, et je le demande dès aujourd’hui, que le conseil soit plus nombreux et permanent ; de là on établira le besoin d’augmenter le personnel des cours, et l’on en viendra à faire passer une branche importante du pouvoir administratif au pouvoir judiciaire. Cet empiétement d’un ordre sur l’autre me semble assez important pour devoir être signalé.

J’aborde ce qui concerne les concessions de minerai de fer. J’ai toujours, messieurs, déploré les actes de l’ancien gouvernement à cet égard fort peu touché des inconvénients très chimériques, selon moi, que devaient amener le droit d’extraction des propriétaires de la surface, puisqu’il avait le droit de faire surveiller les travaux, de prescrire les mesures de sûreté, et d’empêcher que les richesses enfouies sous le sol ne fussent perdues pour l’avenir. Cette liberté eût eu pour résultat de rendre tout monopole impossible et de consacrer un acte de rigoureuse justice, car je serais ennemi de toute concession, si l’expérience ne prouvait que, dans les travaux d’extractions frayeuses, comme celles de houille, la liberté serait la ruine totale de cette précieuse industrie.

Mais aujourd’hui, je ne suis pas sans crainte sur le résultat qu’aurait pour le commerce de fer, le refus de toute nouvelle concession, et j’explique ici ma pensée.

La très grande partie des terrains contenant le minerai de fer est concédée. Les concessions ont été en général obtenues, ou par de grands propriétaires, ou plus encore par de grands industriels. Tous ceux qui voudront actuellement former des établissements de forgerie, ou ceux qui, sur la foi de promesses de concessions antérieures à la révolution, ont employé d’immenses capitaux, vont se trouver sous la dépendance des concessionnaires actuels, qui après avoir retenu le minerai nécessaire à leurs mines, fixeront à un taux élevé la vente du minerai indispensable aux industriels moins favorisés. Il en résultera que forger deviendra une espèce de privilège entre quelques particuliers, et que les industriels seront divisés en catégories.

Je ne vois, dans le projet en discussion, rien qui puisse calmer les inquiétudes, tout y est laissé à l’avenir, quand le présent réclame toute notre sollicitude ; persuadé que, si nous l’adoptons, le gouvernement laissera, peut-être pendant des années, cette industrie dans un triste état de provisoire, je refuse mon assentiment au projet, espérant, s’il était rejeté, que l’on serait forcé d’en venir à une organisation définitive pour tout ce qui concerne les mines.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, il fait convenir que c’était un important et difficile travail, que celui dont nous chargions quelques-uns de nos collègues, en leur confiant l’examen du projet de loi relatif aux mines. Concilier les droits et les intérêts des anciens concessionnaires, des demandeurs en concession, des propriétaires du sol, sans jamais perdre de vue ce que réclame l’intérêt commun et l’équité. Voilà qu’elle était la tâche de votre commission, tâche véritablement immense. La commission l’a-t-elle bien remplie, je ne le crois point.

Je ne reviendrai pas sur les dispositions des lois du 12 juillet 1791 et 21 mars 1810 ; dans plusieurs de vos précédentes séances, elles ont été critiquées et défendues avec une égale force et une égale chaleur ; je me bornerai à examiner en lui-même le projet qui nous est soumis.

J’ai peu de chose à dire sur les deux premiers articles ; l’on peut, je pense, approuver sans crainte le choix fait de trois conseillers pris dans chacune des cours de Bruxelles et de Liége, pour remplir les attributions conférées au conseil d’Etat par la loi de 1810 ; seulement j’estime qu’il faut retrancher de l’article 2 les expressions « et sur l’avis préalable du conseil des mines, institué par l’article 18 de l’arrêté du 29 août 1831, » parce qu’il y a de graves inconvénients à invoquer ainsi dans une loi, un arrêté que le pouvoir exécutif peut abroger d’un jour à l’autre. On ne sait en effet, si on laissait subsister ces expressions dans la loi, ce que ferait la commission, s’il plaisait au gouvernement de révoquer l’arrêté du 29 août.

L’article 3 du projet, est celui sur lequel tombent particulièrement mes observations et mes critiques.

Le premier paragraphe de cet article défend d’accorder provisoirement aucun concession nouvelle de mines ou de minerai de fer. La généralité de cette disposition donnera nécessairement lieu à de grandes injustices.

Ainsi, un particulier ou une société qui aura fait toutes les démarches et tous les frais à l’effet d’obtenir une concession, dont les titres seront incontestables, et peut-être non contestés, et que les circonstances politiques ont seules empêcher d’atteindre son but, se verra tout d’un coup frustré dans son attente ; il n’y aura aucun moyen de faire droit à ses réclamations, quelques justes qu’elles soient.

La loi n’est que provisoire, dira-t-on, c’est vrai, mais toute provisoire qu’elle est, elle pourrait bien subsister longtemps. L’expérience nous a appris ce que sont les lois provisoires.

Le second paragraphe me paraît moins admissible encore que le premier. Si vous l’adoptiez, il en résulterait qu’il pourrait être statué favorablement sur les demandes faites en vertu de l’article 53 de la loi du 21 avril 1810, relatives aux mines, autant que celles de fer, c’est-à-dire sur les demandes en maintenue et en délimitation, et sur les demandes en extension de concession, qui se rattachent à celles-ci ; mais, dans aucun cas, il ne pourrait être disposé sur des demandes en concessions nouvelles.

Or, messieurs, ne perdez point de vue une chose, que personne, je pense, ne sera tenté de me contester : une demande en délimitation est presque toujours une demande en extension, et une demande en extension équivaut à une demande en concession.

Ainsi, en adoptant le projet, vous accorderiez un véritable privilège aux anciens concessionnaires, en d’autres termes, vous consacreriez ce principe, qui trouve rarement une juste application : « donnez beaucoup à celui qui a beaucoup, » et si le projet n’ajoute point : « ôtez à celui qui a peu, même le peu qu’il a, » il dit du moins en termes exprès : « ne donnez rien à celui qui n’a rien, et pour cela même qu’il n’a rien. »

Il m’est impossible d’admettre un projet renfermant des dispositions aussi peu équitables.

M. Mary. - Au lieu de s’en tenir simplement aux dispositions du projet de loi proposé par le gouvernement, on a cru devoir y rattacher plusieurs amendements qui y sont totalement étrangers et qui avaient pour but de mettre les dispositions de cette loi en harmonie avec celles de la loi de 1810, portée par des législateurs éclairés, et qui a passé pour approcher de la perfection.

La loi de 1810 présentait d’immenses avantages ; ces avantages étaient réellement si grands, que nous avons vu prospérer sous son régime la plupart des établissements concernant les mines. Pourquoi changer toute l’harmonie des sages dispositions qu’elle renferme ? Je crois que si l’on veut, plus tard, examiner les dispositions qui doivent être changées, il faudra soumettre ce travail à une commission spéciale et consulter les intérêts des provinces.

Quoi qu’il en soit, je vais présenter quelques observations sur le projet de loi qui nous est présenté.

Les deux premiers articles me conviendraient assez. Par ces articles, le gouvernement n’est pas tenu de s’assujettir aux avis des hommes instruits qu’il consultera et on propose de substituer au conseil d’Etat, qui n’existe plus, une commission spéciale composée de six conseillers pris dans les cours d’appel. Je dois faire remarquer que les cours supérieures sont déjà surchargées d’affaires, de travaux. Vous le savez, si vous avez à poursuivre un débiteur, si vous avez une affaire sommaire, il faut attendre six mois ; si vous avez une affaire ordinaire, il faut attendre trois ans. Dans cet état des choses, pouvez-vous augmenter les attributions des cours ?

Dans la loi sur l’organisation judiciaire, nous avons inséré plusieurs incompatibilités de fonctions avec d’autres fonctions ; avons-nous droit maintenant d’exiger que les conseillers se forment en comité spécial ? D’après la constitution, le déplacement d’un juge ne peut avoir lieu sans son consentement, et un juge ne peut remplir des fonctions salariées : pourrons-nous forcer les conseillers à se transporter d’un lieu dans un autre ? Et remarquez que vous allez les assujettir à des fonctions gratuites, puisqu’ils ne pourront réclamer aucun émolument pour les déplacements.

Messieurs, le projet de la commission présente un autre inconvénient. Le conseil, composé de juges, est appelé à décider sur les affaires relatives aux concessions ; et si des difficultés s’élèvent sur la propriété, il faudra que les mêmes juges viennent prononcer sur la contestation. Ainsi vous les placez alternativement dans des situations inverses. Tantôt ils sont administrateurs, tantôt ils sont juges dans la même affaire. Cependant je ne verrais pas une grande difficulté à adopter cette disposition si l’on adoptait mon amendement.

J’en viens à l’article 3.

Cet article, messieurs, porte que l’on n’accordera aucune concession nouvelle sur les mines et les minerais de fer : ainsi on va mettre les maîtres de forges dans une position toute particulière. Beaucoup de personnes ont fait des demandes en concessions ; celles qui n’ont pas obtenu seront dans une situation très différente de la situation des personnes qui ont obtenu. La loi de 1810 renferme des dispositions relatives aux concessions possibles à accorder et il ne pouvait y avoir aucun abus dans ces dispositions. L’autorité a d’ailleurs l’œil ouvert sur l’abus qui pouvait résulter des concessions. Je dois même dire que les concessions ont toujours été accordées d’une manière très équitable ; car en même temps qu’on accordait une concession, c’est-à-dire un droit, à un maître de forges, on accordait un droit au propriétaire foncier, droit qui était loin de blesser les intérêts du maître de forges.

M. de Brouckere a fort bien fait ressortir les inconvénients qui résulteraient des extensions de concessions. Un propriétaire de mines viendra demander une extension sur mon terrain, et moi, propriétaire, je ne pourrai exploiter la mine qui se trouve sous mon sol ! Cela est contraire à toutes les règles de la justice.

Si on trouve du cuivre, de l’étain, et d’autres matières inconnues en Belgique, on ne pourra en obtenir la concession, et ces richesses demeureraient enfouies, d’après la loi proposée. Dans l’état où se trouve notre industrie, pouvez-vous admettre de semblables dispositions ?

L’article 4, messieurs, a déjà été réfuté par l’honorable préopinant. Il me semble que cet article est parfaitement inutile ; car la loi de 1810 porte que le demandeur en concession doit, pendant 4 mois de suite, déposer sa demande par écrit, et que jusque-là toute personne peut faire une demande en concurrence. Après les 4 mois, les pièces étaient transmises au ministre de l’intérieur, et des délais étaient encore nécessaires avant d’obtenir la concession puisqu’il fallait prendre l’avis d’un conseil spécial. Je ne vois pas qu’il soit nécessaire d’augmenter les difficultés. Je crois que la chambre adoptera le projet tel qu’il est présenté par le gouvernement, et je crois, qu’au lieu de prendre des juges, il suffira que la commission des mines sont nommée hors du sein du conseil d’Etat.

M. de Robaulx. - Le mal que je trouve aux dispositions que nous discutons, c’est qu’elles sont toutes provisoires. S’agit-il d’examiner la loi de 1810, de nombreux orateurs s’élèvent pour et contre et l’on n’aboutit à rien. L’avis que j’avais émis, c’est que l’on ne fît rien sur la loi de 1810 avant d’en avoir étudié toutes les parties. Je défie que l’un touche à une partie, sans attaquer en même temps toutes les autres. Il faut donc les modifier ensemble, sans quoi on ferait un travail défectueux.

Vous touchez maintenant au système des concessions ; que va-t-il arriver ? (Je ne parle ni pour, ni contre le projet). M. de Brouckère l’a déjà fait ressortir : si vous donnez le droit d’extension à ceux qui possèdent déjà, vous froissez les intérêts de ceux qui ne possèdent pas ; d’un autre côté, si vous touchez aux concessions déjà obtenues, vous attaquez l’industrie.

Les difficultés pour obtenir des concessions conduisent à des grands abus. On vous a dit qu’une noble dame se fait trente mille livres de rentes dans son pays. Eh bien, cette dame n’exploite pas son propre fonds ; elle exploite le fonds des communes environnantes, et voici comme elle fait.

La loi de 1810 a dit que pour les établissements qui exigeaient des avances considérables de fonds, il était juste, il était nécessaire d’accorder une concession ; mais on a abusé de cette disposition. On s’adresse au gouvernement ; l’administration croit devoir des égards à de grands noms, à une grande fortune, et par cette influence on obtient une concession de quatorze ou quinze cents bonniers, exploitation qui n’exige ni ouvrages de l’art, ni grandes dépenses. Les petits particuliers ne peuvent obtenir de concession ; et quand ils veulent exploiter, on leur dit : vous exploiterez dans votre jardin, dans votre terrain, moyennant une rétribution que vous me donnerez à moi qui ai su avoir une concession. C’est par ce moyen qu’on se fait trente mille livres de rente, sans bourse délier.

J’admets que dans la loi de 1810 il faut conserver ce qui concerne les intérêts de l’industrie ; mais il ne faut pas tout enlever aux propriétaires, pour tout donner aux industriels ; et il ne faut pas que quelques personnes puissent, au détriment des malheureux, se faire une grande fortuite sans travail et sans industrie.

J’en connais plusieurs qui se font sept à huit mille livres de rentes sans frais ; je le demande, est-il possible de maintenir un aussi monstrueux abus ? Selon moi, la loi de 1810 doit être révisée et la révision doit être faite dans l’intérêt de l’industrie, et dans celui des propriétaires. Il faut des concessions pour les établissements qui exigent des avances de plusieurs centaines de mille francs ; mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’en donner pour les minerais de fer.

Voilà ce que j’avais à vous dire sur le projet en général, et relativement à la révision de la législation sur les mines. J’aurais voulu que le projet en discussion fût ajourné ; si la proposition en est faite, je m’y rallierai.

Vous avez une constitution libérale, il faut que les dispositions des lois soient en harmonie avec cette constitution, il faut que la propriété soit protégée en même temps que l’industrie. Je ne dirai pas que la loi, portée sous le grand dominateur, froissait bien des intérêts ; mais en conservant ce qu’elle renferme de bon, en supprimant ce qu’elle a de mauvais, on pourrait faire quelque chose de supportable.

Je voudrais que la révision en fût faite et qu’elle eût lieu prochainement. Il faut savoir ce qui se passe pour en comprendre la nécessité. Il est certains cantons à Liége, par exemple, où des concessions sont données, mais sous la condition de droits de tirage en faveur des propriétaires voisins, sous la condition de leur accorder le vingt-quatrième panier ; cette disposition pourrait être reproduite. Celui qui fait de grandes avances doit avoir une concession ; mais dès qu’il passe sous ma propriété, le vingt-quatrième panier m’appartient. Les propriétaires doivent faire des sacrifices dans l’intérêt public, mais ils doivent en être indemnisés. Dans votre loi vous accordez huit, dix, vingt-cinq cents, n’est-ce pas une indemnité dérisoire ? On dit que c’est un hommage rendu au droit de propriété ; moi je dis que c’est se jouer de ce droit. Je voudrais donc que la loi conciliât les droits de l’industrie avec les droits des propriétaires.

En vertu de leurs concessions, plusieurs entrepreneurs ont fait des dépenses considérables ; il ne faut pas les priver de leurs avances ; mais il ne faut pas établir un monopole en faveur des concessionnaires.

Quant aux détails de l’exécution de la législation sur les mines, je conçois qu’il faut un corps quelconque, chargé de prononcer sur les droits de chacun, puisque nous n’avons pas de conseil d’Etat.

L’article premier dit, que, provisoirement et jusqu’à la révision de la loi du 21 avril 1810, les attributions conservées au conseil d’Etat, seront exercées par une commission de six membres, nommés par le Roi.

Ainsi, indéfiniment vous aurez un conseil provisoire ; et ce conseil sera composé de trois juges pris dans la cour de Bruxelles et de trois juges pris dans la cour de Liége. Il me semble qu’il fallait dire que les juges seraient pris, en nombre égal, dans chacune des cours du royaume.

- Plusieurs membres. - Il n’y a pas de mines dans le ressort de la cour de Gand.

M. de Robaulx. - Qui vous dira que, dans le ressort de la cour de Gand, vous ne trouverez pas de minerais ? (Bruit.)

Un peu d’attention, messieurs ; il me serait impossible de continuer au milieu des interruptions.

Vous ne savez pas quelles parties de la province du Hainaut seront réunies à la Flandre orientale : je suis porté à croire qu’il y aura des mines dans le ressort de la cour de Gand.

Lors même qu’il n’y aurait pas de mines dans ce ressort, serait-ce un motif pour éloigner les conseillers de la cour de Gand ? Les juges qui composeront le comité décideront administrativement, puis ils pourront être appelés à décider judiciairement sur la même affaire dans les questions de propriété, c’est peut-être un motif suffisant pour déterminer à prendre des juges dans le ressort desquels il n’y ait pas de mines.

On a demandé s’il serait convenable d’autoriser les propriétaires de la surface à exploiter les mines de houille qui se trouvent sous leurs terrain,. Cette question ne peut être résolue que par la révision de la législation.

Je demande donc une révision, afin d’obtenir une législation en harmonie avec les besoins de l’industrie et les droits de la propriété. Pour voter la loi présentée, j’attendrai les observations qui seront faites.

M. Helias d’Huddeghem. - Je trouve, messieurs, qu’il existe des difficultés à former la commission qui remplacerait le conseil d’Etat des fonctionnaires pris dans l’ordre judiciaire.

Sous l’ancien régime, messieurs, la fonction de juger se trouvait réunie à différents pouvoirs politiques, tels que celui de décider réglementairement, de réviser, de modifier, de rejeter les lois, d’arrêter, en plusieurs cas, les opérations de la puissance administrative.

Un des premiers soins de l’assemblée constituante a été de nommer une commission pour préparer un projet d’organisation judiciaire, l’ancienne étant jugée incompatible avec les nouveaux principes constitutionnels qui admettaient la distinction des pouvoirs. Depuis lors, une ligne de démarcation existe entre les fonctionnaires de l’ordre judiciaire et les fonctionnaires de l’ordre administratif : et toute confusion de pouvoir a cessé.

Si nous examinons les lois et décrets qui régissent les mines, je pense, en effet, qu’il existe une incompatibilité morale autre les fonctions de conseillers de cours de justice et les attributions que le projet de loi leur donnerait.

Plusieurs décrets sur la matière des mines, règlent ce qui est de la compétence de l’autorité administrative à l’exclusion des tribunaux, et ce qui est de la compétence des fonctionnaires de l’ordre judiciaire à l’exclusion de l’autorité administrative.

C’est ainsi qu’un décret impérial du 11 août 1808 établit que c’est à l’autorité administrative, seule, qu’il appartient, soit d’autoriser les travaux nécessaires à l’exploitation des mines, soit de maintenir ou de faire supprimer les ouvrages faits sans autorisation : en conséquence que les tribunaux ne sont pas compétents pour prononcer la destruction de chaussées pratiquées par les exploitants sur le terrain des propriétaires de fonds environnants.

Un décret impérial, de la même date, décide qu’en matière de mines, la connaissance des contestations relatives aux demandes et règlements d’indemnités appartient exclusivement à l’autorité judiciaire.

Le décret du 21 février 1814 prescrit que toute limitation de mine faite administrativement, au préjudice des propriétaires d’une autre mine, ceux-ci non entendus, est susceptible d’être querellée devant l’autorité administrative du conseil d’Etat ; et qu’il importe peu qu’elle ait été faite par lignes droites d’après les instructions ministérielles, ces instructions ne s’entendant que des terrains concédés, sans dommage pour les concessions déjà faites. Mais que les contestations qui s’élèvent sur la propriété ou la limitation des mines acquises par concession ou autrement doivent être jugées par les tribunaux.

Il me paraît suivre des dispositions qui précèdent que la formation du personnel de la commission proposée par l’article premier du projet, doive être changée. Et en effet, par exemple, il est admis en jurisprudence que l’autorité administrative est seule compétente pour connaître des contestations relatives aux patouillets ou lavoirs nécessaires à l’exploitation des mines ; et que les juges ne peuvent statuer sur les demandes en dommages intérêts formées par les particuliers, qu’après que l’administration a prononcé sur la légitimité du placement des lavoirs.

Je le demande, messieurs, ne serait-il pas inconvenant que les magistrats devraient se déclarer incompétents pour connaître des dommages intérêts jusqu’à ce qu’ils auraient statué administrativement sur le placement des lavoirs ou patouillets nécessaires aux mines ?

Ce que l’orateur qui a parlé le premier dans cette discussion a avancé, me paraît mériter votre attention : il faut des connaissances spéciales ; trouvera-t-on les connaissances spéciales dans une commission exclusivement composée de magistrats ? Il me paraît que le projet présente par M. Tielemans au congrès national, le 7 février 1831, sur la formation d’une commission pour remplacer le conseil d’Etat, remédierait aux inconvénients signalés par MM. Desmanet et Mary.

Voici ce qu’il disait entre autres dans son rapport :

« Le conseil d’Etat qui, aux termes de la loi du 21 avril, était investi de la connaissance des demandes en concession de mines, et qui décidait, en dernier ressort, sur toutes les questions qui n’atteignent pas la propriété, a cessé de faire partie des grands corps de l’Etat ; sa dissolution, ou son absence, laisse incomplète l’une des branches les plus importantes de l’administration et de l’industrie de la Belgique ; ni le conseil d’Etat tel qu’il existait sous le gouvernement hollandais, ni la section de ce conseil qui était chargée de l’instruction des affaires des mines, lors de la promulgation de la loi de 1810, ne remplissaient le but de leur institution. En matière de mines, des connaissances spéciales, une instruction théorique et pratique des exploitations, et les richesses de la Belgique possède en mines de toute espèce sont d’une telle importance, que les hommes appelés à remplacer le conseil d’Etat, doivent être capables comme légistes, exploitants, minéralogistes ou ingénieurs, de juger, en connaissance de causes, les affaires qui seront soumises à leur examen.

« Un conseil des mines, revêtu, en ce qui concerne cette partie de l’administration, des mêmes attributions que le conseil d’Etat et composé d’hommes instruits qui auraient les connaissances spéciales dans l’art des mines, me semble l’institution la plus propre à donner à l’Etat et aux exploitants toutes les garanties que leurs intérêts respectifs peuvent réclamer.

« Ce conseil, qui serait présidé par un de ses membres, et au besoin par le chef du département de l’intérieur, serait composé de deux exploitants, de deux autres ingénieurs des mines et d’un jurisconsulte. »

Et, ici, messieurs, on pourrait augmenter le nombre et le fixer à trois jurisconsultes.

Je propose, messieurs, que la commission qui remplacerait le conseil d’Etat soit composée de deux exploitants, trois jurisconsultes et trois ingénieurs. Un de ces membres sera en même temps secrétaire du conseil.

D’abord j’attirerai votre attention sur un principe qui nous a été légué par l’assemblée constituante. Ce principe est l’un des plus sages en législation, c’est la séparation des pouvoirs. La loi de 1810 a posé la limite du pouvoir judiciaire et du pouvoir administratif, en ce qui concerne la matière sur laquelle elle était portée ; je crains que le projet en discussion ne fasse confusion de ces pouvoirs. Je sais bien qu’en donnant la décision des contestations sur les mines aux tribunaux, c’est un pas fait vers le bien, comme l’a dit un honorable membre ; mais quand vous parlez de remplacer le conseil d’Etat, corps essentiellement administratif, par l’autorité judiciaire, je dis que vous mettez l’autorité judiciaire dans l’administration, que c’est un abus. Pourquoi sépare-t-on les pouvoirs ? C’est parce que les pouvoirs tendent à l’usurpation les uns sur les autres, Malgré les délimitations des pouvoirs établies par les lois, combien n’avons-nous pas vu d’empiètements sous le nom de conflits ?

Vous serez inconséquents avec vos principes si vous placez l’ordre judiciaire dans l’administration, ou l’administration dans l’ordre judiciaire.

On distrait trois conseillers de la cour de Liège, et trois conseillers de la cour de Bruxelles pour former une commission ; je demanderai, avec l’honorable M. de Robaulx, pourquoi on n’adjoindra pas de conseillers de la cour de Gand ou de Bruges. Je sais bien qu’il n’y a pas de mines dans les Flandres, mais je pense, avec M. de Robaulx qu’il serait bon que les juges ou les conseillers ne fussent pas pris tous au milieu des propriétaires de mines.

Une autre considération : C’est que vous allez rendre le travail des cours parmi lesquels vous prendrez des conseillers encore plus pénible. Dans ce royaume on ne rend pas la justice, on l’attend. Si donc vous enlevez des juges à leurs occupations ordinaires, au lieu d’attendre deux, ou trois ou quatre ans, leurs décisions, vous attendrez plus longtemps.

(Erratum inséré au à Moniteur n°140 du 19 mai 1832 : une erreur s’est glissée dans le compte rendu du développement de la proposition que j’ai faite à la séance du 16 mai sur la composition de la commission des mines : dans le dernier paragraphe il faut retrancher tout ce qui suit la phrase suivante, savoir : vous allez rendre le travail des cours parmi lesquelles vous prendrez des conseillers, encore plus pénible).

M. Jullien. - Je conçois toutes les difficultés, tous les embarras que la commission a pu rencontrer pour faire, même transitoirement, un projet de loi sur une matière des plus difficiles que l’on ait à traiter. Je rends justice à son travail ; cependant il est vrai de dire que ce travail se ressent de tous les inconvénients qui appartiennent aux lois transitoires, car les lois transitoires manquent de cette unité de vues, de cette fixité de principes que l’on doit trouver dans les lois destinées à demeurer. Je signalerai, dans de courtes observations, les plus graves inconvénients qui me paraitraient résulter de l’adoption du projet de loi.

Vous parlez d’une commission et vous dites qu’elle se composera de trois conseillers pris dans une ville, et de trois conseillers pris dans une autre ; mais les conseillers de Bruxelles iront-ils à Liége, et ceux de Liège iront-ils à Bruxelles ? Les conseillers, en tant que membres de la commission, auront-ils une résidence, ou la commission sera-t-elle voyageuse ? Dans le cas de déplacement, les membres de la commission auront-ils une indemnité ? La loi n’en dit rien.

Quelque chose de plus grave doit encore attirer votre attention. Dans l’article 3, tout en disant que de nouvelles concessions ne seront plus accordées, on dit, en même temps, que l’on accordera des extensions, et cette seconde disposition fait évanouir la première. Voici ce que dit l’article 3 :

« Cette commission n’accordera provisoirement aucune concession nouvelle de mine ou de minerai de fer.

« Quant aux autres mines, elle ne disposera que sur les demandes faites en vertu, et conformément aux dispositions de l’article 53 de la loi du 21 avril 1810, ou sur les demandes en extension de concession, qui se rattachent à celles-ci. »

Je demande, messieurs, ce que c’est qu’une extension de concession qui se rattachera à une concession déjà donnée ? Je n’ai pas assez de connaissance sur la matière, pour savoir ce que c’est précisément qu’une extension. Je pense que c’est l’autorisation de creuser plus profondément. Si c’est cela, je ne vois pas là d’inconvénient pour le propriétaire de la surface. Mais si vous entendez par extension une plus grande étendue de terrain, une veine prolongée sous le terrain d’autrui, n’est-il pas vrai qu’alors l’extension est une concession nouvelle que vous accordez ?

Les juges conseillers n’iront pas sous terre voir ce qui s’y passe ; qu’accordera-t-on aux malheureux propriétaires ? quelque mince indemnité ; je pense que ce serait en quelque sorte dérisoire.

J’ai lu deux foi, avec attention la dernière partie de l’article 4, et je ne l’ai pas bien comprise. Dans la première, on parle des oppositions fondées sur des droits résultant de titres, etc.

Cette disposition est tirée de la loi d’avril 1810 ; des oppositions sont une mesure très fondée ; mais dans la seconde partie, il est dit que la publication de la concession faite pendant un mois dans les lieux et suivant la forme établie par la loi de 1810, sans qu’il ait été formé d’opposition, « purgera irrévocablement les droits desdits propriétaires. » Cette dernière expression est difficile à saisir pour ceux qui ne sont pas praticiens.

Quel sont les propriétaires quand il s’agit de mines ? Ce sont les entrepreneurs, les propriétaires du sol, les concessionnaires ; eh bien ! quels droits seront purgés ? Je vous avoue que je n’ai pas bien saisi le sens de la loi. J’attends des explications à cet égard.

On a distribué un mémoire sur la législation des mines ; ce mémoire est adressé par des particuliers, nous n’avons pas eu le temps de le lire, il est vrai que ce mémoire ne saurait arrêter la chambre ; cependant il peut nous éclairer ; si la discussion était remise à demain, peut-être trouverions-nous dans cet écrit les moyens de faire disparaître du projet en discussion les inconvénients que l’on a signalés. Dans tous les cas, j’ajournerai mon vote jusqu’à ce qu’on ait amélioré le projet.

M. Bourgeois. - Messieurs, comme membre de la commission qui proposé le projet de loi sur les mines, qui est en discussion, je crois devoir présenter à la chambre quelques explications sur l’esprit dans lequel ont été conçues les dispositions des deux premiers articles du projet.

En proposant de créer une commission des mines, la commission n’a eu d’autre intention que de remplacer l’absence de conseil d’Etat, et de donner à cette commission les attributions qui lui étaient conférées par la loi de 1810.

Si la commission a proposé de la composer, entre autres, de trois conseillers de chacune des cours de Bruxelles et de Liége, ce n’est pas comme fractions de ces cours qu’elle a entendu en créer une cour ou tribunal spécial ou un corps judiciaire, mais la commission a uniquement tâché de trouver des membres qui, par leurs précédents, présentaient des prévisions suffisantes d’impartialité et de connaissances de la matière.

Elle a cru de trouver cette double garantie dans des personnes qui, à l’occasion de leurs fonctions dans les cours de Bruxelles et de Liége, avaient été souvent dans le cas de traiter des questions controversées en matière de concession des mines.

Ainsi si, lors de son rapport sur la loi concernant les mines, M. Tielemans, comme l’a dit un honorable préopinant, a proposé de composer cette commission destinée à remplacer le conseil d’Etat de deux exploitants, d’ingénieurs et d’un ou plusieurs jurisconsultes, ce n’est que dans le même sens que le projet propose des conseillers, et la question n’est plus que d’apprécier quelle composition présente le plus de garantie de connaissance et d’impartialité.

Mais l’opinion de quelques honorables orateurs qui ont pensé qu’il devait en résulter une confusion d’attributions de pouvoir judiciaire et administratif manque de base.

On a dit que le projet ne réglait ni le siège de la commission, ni l’indemnité de déplacement si elle devait être voyageuse.

Mais votre commission a cru que le plus utile serait que la commission des mines s’assemblerait, soit à Bruxelles, soit à Liége, selon qu’il s’agirait des mines situées dans le ressort des cours respectives de Bruxelles ou de Liége, ou même habituellement dans l’une de ces deux villes si cela fût trouvé plus convenable, et quant aux indemnités de déplacement que sa réunion devait occasionner, elle a cru inutile de les régler, attendu qu’un règlement encore existant, dont je ne me rappelle pas la date juste, mais que je crois être de 1818, fixe l’indemnité de déplacement des fonctionnaires de toutes les classes et catégories.

Quant aux articles 3 et 4 du projet, j’attendrai de me prononcer à leur égard, jusqu’à ce que la discussion aura été ultérieurement éclaircie par ceux de mes honorables collègues qui ont des connaissances spéciales en matière d’exploitation des mines. Toutefois, sans m’expliquer sur la nécessité des dispositions que ces deux articles présentent, je dois dire seulement que, selon moi, l’esprit qui a présidé à la rédaction de la disposition finale de l’article 3 concernant les demandes en extension de concessions, quant aux demandes en maintenue faites en vertu et conformément aux dispositions de l’article 53 de la loi de 1810 ; que cet esprit, dis-je, n’a été autre que de borner cette extension aux parties des veines qui se rattachaient nécessairement aux exploitations dont la maintenue était demandée, et tellement que cette extension n’en pourrait être détachée, et que c’est cette intention que le projet a cru exprimer dans ces termes : « qui se rattachent à celles-ci. »

Si je me trompais sur ce dernier point, mes honorables collègues de la commission pourront m’éclaircir à cet égard.

M. Gendebien soutient que les anciens concessionnaires des mines dont les droits ont été maintenus ne peuvent en être dépossédés, et passant ensuite à l’examen de chacun des articles du projet, il annonce qu’il adoptera les articles 1, 2 et le premier paragraphe de l’article 3, mais il demande le retranchement du deuxième paragraphe de l’article 3, ainsi que tout l’article 4 qu’il regarde comme inutile.

M. Taintenier. - Les observations de l’honorable préopinant m’ont paru justes en partie, mais j’ai été surtout frappé de sa doctrine lumineuse, doctrine basée sur les vrais principes. Ce n’est pas sans le plus grand péril que l’on voudrait changer ce qui existe : il n’y faut porter la main qu’avec la plus grande circonspection, car sans cela on marcherait à un bouleversement funeste.

Les propositions qui sont présentées sont faites dans la vue du bien, mais ce n’est qu’après une méditation profonde qu’on peut en calculer toute la portée. L’honorable M. Jullien vous a dit qu’un opuscule distribué aux membres de cette assemblée au commencement de la séance était propre à jeter de la lumière sur la question. Ce document qui est très bien rédigé pourrait éclairer la chambre sur une matière avec laquelle la plupart de ses membres se sont pas familiers. Je ne demanderai pas que l’on suspende la délibération, et qu’on la renvoie à demain pour avoir le temps d’étudier ce mémoire, mais il y aurait grand bien à le faire. Je reviens à la question.

La loi de 1810 porte que les demandes en concession de mines seront délibérées en conseil d’Etat. Mais ce n’était pas le conseil d’Etat qui faisait les concessions, c’était le gouvernement. Or notre constitution ayant aboli le conseil d’Etat, il me semble que le gouvernement aurait dû dire : ce rouage n’existant plus, je dois marcher sans m’en servir ; ou s’il croyait que cet adminicule lui fût nécessaire, il fallait en proposer le rétablissement dans les formes constitutionnelles. Mais je suis surpris qu’on vienne demander à la législature de nommer une commission pour combler cette lacune.

Si l’on admet qu’il soit nécessaire de remplacer le conseil d’Etat par une commission pour ce qui concerne les mines, il faudrait donc nommer des commissions par rapport aux autres objets qui étaient dans les attributions du conseil d’Etat ? Non, messieurs, le gouvernement pouvait exécuter la loi de 1810 sans le secours du conseil d’Etat. La question de remplacer le conseil d’Etat par une commission n’aurait donc pas dû être faite, mais elle l’a été, et c’était cette question qu’il fallait discuter.

Ici l’orateur appuie de nouveaux arguments la doctrine émise par M. Gendebien, que les anciens concessionnaires ont des droits irrévocables, et, passant en revue les articles du projet de loi, fait remarquer qu’il n’aurait pas dû aller jusqu’à interdire toute concession nouvelle de mines ou de minerai de fer, et que le deuxième paragraphe de cet article, ainsi que l’article 4, doivent disparaitre comme inutiles.

La loi de 1810 est suffisante, poursuit l’orateur, et l’on ne doit pas faire le procès à cette loi, mais à la manière dont elle a été exécutée. Elle concilie les principes de la propriété avec les garanties nécessaires aux exploitants des mines, et à cet égard je vais vous citer l’opinion de l’éloquent M. Regnault-St-Jean d’Angély. Voici comment il a envisagé cette question :

« Les mines sont-elles une propriété domaniale où sont-elles la propriété de celui auquel appartient la surface sous laquelle elles sont cachées ? Telle est la question depuis longtemps controversée et sur laquelle les meilleurs esprits sont partagés. Sans entrer dans le détail des raisonnements à l’appui de chacun des systèmes, je vous ferai simplement connaitre le résultat des longues discussions qui ont eu lieu.

« On a reconnu, d’un côté, qu’attribuer les mines au domaine public, c’était blesser les principes consacrés à l’article 552 du code Napoléon, dépouiller les citoyens d’un droit consacré, porter atteinte à la grande charte civile, premier garant du pacte social. On a reconnu de l’autre qu’attribuer la propriété de la mine à celui qui possède le dessus, c’était lui reconnaître, d’après la définition de la loi, le droit d’user et d’abuser, droit destructif de tout moyen d’exploitation utile, productif, étendu ; droit opposé à l’intérêt de la société qui est de multiplier les objets de consommation, de reproduction de richesse ; droit qui soumettrait au caprice d’un seul la disposition de toutes les propriétés environnantes de nature semblable, droit qui paralyserait tout autour de celui qui l’exercerait, qui frapperait de stérilité toutes les parties de mines qui seraient dans son voisinage.

« De ces vérité on a déduit tout naturellement cette conséquence que les mines n’étaient pas une propriété ordinaire, à laquelle pût s’appliquer la définition des autres biens et les principes généraux sur leur possession, tels qu’ils sont écrits dans le code Napoléon.

« Et cependant pour que les mines soient exploitées, pour qu’elles soient l’objet du soin assidu de celui qui les occupe, pour qu’il multiplie les moyens d’extraction, pour qu’il ne sacrifie pas à l’intérêt du présent l’espoir de l’avenir, l’avantage de la société à ses spéculations personnelles ; il faut que les mines cessent d’être des propriétés précaires, incertaines, non définies, changeant de main au gré d’une législation équivoque, d’une administration abusive, d’une police arbitraire, de l’inquiétude habituelle de leurs possesseurs. Il faut en faire des propriétés auxquelles toutes les définitions du code Napoléon puissent s’appliquer.

« Il faut que ces masses de richesses placées sous de nombreuses fractions de la superficie du territoire, au lieu de rester divisées comme cette superficie même, deviennent par l’intervention du gouvernement et en vertu d’un acte solennel, un ensemble dont l’étendue sera réglée, qui soit distinct du sol, qui soit en quelque sorte une création particulière.

« Dans cette création le droit du propriétaire ne doit pas être méconnu ni oublié ; il faut au contraire qu’il soit consacré pour être purgé, réglé pour être acquitté, afin que la propriété que l’acte du gouvernement désigne, définit, limite et crée en vertu de la loi, soit d’autant plus invariable, plus sacrée, qu’elle aura plus strictement satisfait à tous les droits, désintéressé même tous les prétentions.

« Ainsi, les mines seront désormais une propriété perpétuelle ; disponible, transmissible lorsqu’un acte du gouvernement aura consacré cette propriété par une concession qui règlera le droit de celui auquel appartient la surface.

« Tout se concilie dans ce système : l’intérêt des exploitants, l’intérêt des propriétaires du sol. »

Ainsi vous le voyez, messieurs, le législateur de 1810 a eu pour but de conserver les intérêts généraux de la société, mais aussi il n’a pas sacrifié les intérêts des particuliers. Ce n’est pas lui qui est venu vous proposer cette indemnité dérisoire de 25 cents par bonnier de terre. Songez-y bien, messieurs, la loi de 1810 est un édifice sur le fronton duquel vous lisez : prospérité publique. Prenez garde de le détruire.

Vérification des pouvoirs

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole.

M. le président. - Avant de vous l’accorder, permettez-moi de donner un avis à la chambre. M. Vandenhove est élu député depuis six semaines. J’invite la commission chargée de vérifier ses pouvoirs de se mettre à même de faire son rapport demain.

M. Van Meenen. - M. Angillis est absent, c’est lui qui est chargé de faire le rapport.

M. le président. - Il est absence pour cause d’indisposition.

M. Jullien. - On pourrait compléter la commission par la désignation d’un autre membre.

M. le président. - C’est ce qu’il faudra ; car, si M. Angillis restait indisposé pendant trois ou quatre mois, il ne faudrait pas pour cela que M. Vandenhove fût empêché d’entrer à la chambre.

Projet de loi relatif au conseil des mines

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. de Theux.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, les questions importantes qui ont été soulevées dans la discussion à laquelle on s’est livré précédemment dans cette enceinte, m’avaient déterminé à consulter les députations des états des diverses provinces sur le meilleur mode de remplacement du conseil d’Etat, sur la composition actuelle du conseil des mines, enfin sur les diverses questions qui sont présentées à propos du projet en discussion. Je regrette que quelques-uns de ces avis me soient parvenus trop tard ; sans cela, j’en aurais fait un résumé complet, et je me serais fait un devoir de vous en présenter l’analyse. Toutefois, messieurs, je dois le dire, le projet en discussion se trouve en opposition avec l’avis de la plupart des conseils provinciaux.

La question la plus importante qu’il s’agit de décider est celle de savoir comment on remplacera le conseil d’Etat. Les auteurs ont proposé que ce fût par une commission spéciale, composée de six membres appartenant à l’ordre judiciaire, laquelle devra prendre l’avis du conseil des mines, institué par l’arrêté du 29 août 1831. Aussi on a pensé à créer deux institutions pour en remplacer une. Eh bien ! cette double institution est réprouvée par tous les conseils provinciaux comme devant entraver les affaires relatives aux concessions de mines, qui ne le sont déjà que trop.

En effet, il y a une multitude d’affaires de ce genre, dont la décision est suspendue depuis longtemps : je demande s’il est bien dans l’intérêt des anciens exploitants, qu’on les soumette à de nouvelles et plus longues formalités.

Les avis de tous les conseils provinciaux sont, de plus, opposés à ce que la commission soit composée de membres appartenant à la magistrature, parce que cela tendrait à mêler l’ordre judiciaire à l’ordre administratif. Au surplus, on n’a pas trouvé le personnel de la commission conforme à ce qu’on aurait désiré pour remplacer le conseil d’Etat, qui n’était pas appelé à décider des questions de propriété.

On a dit que la commission devait être composée de juges, afin d’examiner s’il n’existait pas dans les oppositions des questions de propriété qui doivent être renvoyées devant les tribunaux aux termes de la loi du 21 avril 1810.

Je ferai observer que la commission établie deviendrait inutile, par les dispositions de l’article 4, puisque cet article exige de nouvelles publications, même après la concession accordée, en spécifiant un délai pendant lequel seront reçues les oppositions, lesquelles en définitive devront être jugées par les tribunaux.

Vous voyez, messieurs, que si tel doit être le sort des concessionnaires, donner de telles attributions à la commission, c’est tout bonnement constituer la commission prise parmi la haute magistrature en-dessous d’un tribunal de première instance : puisque, malgré la concession accordée sur l’avis de cette commission supérieure, chacun sera admis à plaider devant les tribunaux de première instance, que cette commission s’est trompée en décidant qu’il n’y avait pas de question de propriété à décider.

Je résumerai maintenant en peu de mots, les avis de divers conseils provinciaux.

La députation de Namur a pensée qu’un conseil d’Etat devait être de nouveau institué, non seulement pour donner son avis, sur les affaires de mines, mais encore sur toutes les affaires de haute administration.

Une autre députation est d’avis que le conseil des mines devrait être composé de deux ingénieurs, de quatre exploitants et de quelques jurisconsultes. Une autre voudrait qu’il fût composé d’un ingénieur, de deux exploitants et de plusieurs propriétaires de la surface.

Une autre, en acceptant le conseil des mines pour remplacer le conseil d’Etat, aurait voulu qu’on y ajoutât trois membres pris dans chacune des chambres législatives.

Vous voyez qu’il y a plusieurs opinions sur la manière de remplacer le conseil d’Etat, mais toutes sont d’accord pour repousser le projet en discussion.

Les députations des trois provinces les plus intéressées à la question, voudraient que la loi se bornât à créer une institution unique qui remplaçât le conseil d’Etat, sans autre disposition.

Une d’elles a remarqué que les vices reprochés à la loi de 1810 ne sont qu’apparents, et ne résultent que des abus qui se sont glissés dans son exécution. Elle a fait remarquer surtout qu’on avait eu tort d’introduire cette indemnité de 5, 10 ou 15 cents par bonnier en faveur des propriétaires de la surface, et cette indemnité est réellement absurde.

Elle a remarqué également que c’était à tort que le gouvernement n’accordait pas la préférence aux propriétaires de la surface, lorsque, sous d’autres rapports, leurs titres étaient égaux à ceux des demandeurs non propriétaires ; elle a remarqué enfin que la concession des mines de fer était une contravention à la loi de 1810, parce que les mines de fer sont généralement des mines d’alluvion.

On a donc cru qu’il dépendrait uniquement du gouvernement de satisfaire à toutes les exigences en imprimant aux affaires de mines une direction plus conforme au véritable esprit de la loi de 1810, pourvu que le conseil d’Etat fût remplacé par le conseil des mines, composé dans le sens des propositions qui ont été faites.

On a trouvé qu’il y aurait quelque inconvénient d’accorder aux propriétaires le droit d’exploiter à la surface ; on a pensé que ce droit ne devrait pas être réservé dans la loi. Cependant une députation a pensé au contraire que ce droit devait être clairement exprimé, sauf les modifications à apporter dans les circonstances où l’intérêt public l’exige impérieusement.

Ainsi, en résumé, il ne s’agirait maintenant que de remplacer le conseil d’Etat par un conseil des mines, sur l’avis duquel les concessions seraient accordées conformément à la loi de 1810.

M. H. de Brouckere. - M. le ministre de l'intérieur propose-t-il un amendement ?

M. Pirmez. - Il paraît qu’un des préopinants a pensé qu’il s’agissait de porter atteinte aux droits acquis par les anciens propriétaires. Mais, messieurs, cette crainte n’a aucun fondement. Personne n’a élevé cette prétention ; elle ne résulte ni des propositions qui ont été faites ni de mon amendement ; nous voulons au contraire maintenir les droits de tous ceux qui en ont. La crainte qu’on a manifestée à cet égard est donc chimérique.

Je ferai remarquer au surplus, à propos de la loi de 1810, que ce sont les abus auxquels elle a donné lieu qu’on attaque, et que c’est parce que les abus sont possibles sous cette loi qu’elle est mauvaise. M. Gendebien en a signalé le vice principal, c’est celui qui provient de ce que l’administration avait par son moyen, ou s’arrogeait le droit de juger des questions de propriété. Quand une concession était demandée, et qu’on y faisait opposition en s’appuyant sur le droit de propriété, le conseil d’Etat n’y avait pas égard.

C’est ainsi que cela est arrivé maintes fois pour des concessions de mines de fer. Les propriétaires y formaient opposition fondé sur ce qu’ils étaient propriétaires, le conseil d’Etat est passé outre, et maintenant les concessionnaires jouissent de leur concession au mépris des droits des propriétaires.

M. H. de Brouckere. - J’avais demandé la parole dans le cas où le ministre de l’intérieur aurait proposé un amendement, mais je me réserve de parler dans la discussion sur les articles.

M. Taintenier. - Je ne nie pas les abus qui ont pu être commis sous l’empire de la loi de 1810 ; tout le monde sait qu’on peut abuser de tout, d’une loi comme d’autre chose, mais comme l’a très bien dit M. le ministre de l'intérieur, il suffirait que le gouvernement imprimât à cette partie une direction plus conforme à la loi, pour empêcher le renouvellement des abus.

Le préopinant a dit que la loi consacrait le principe que le conseil d’Etat prononcerait sur les questions de propriété ; je défie qu’on me cite un mot dans la loi qui justifie cette assertion. On a parlé d’oppositions rejetées, je le conçois si on n’avait pas articulé que l’opposition était fondée sur un droit de propriété, mais si en articulant ce fait on n’avait pas renvoyé les parties devant les tribunaux, c’eût été une criante injustice. Je connais vingt arrêtés royaux qui ont prononcé ce renvoi : M. Gendebien les connaît comme moi, et je suis surpris qu’il ait avancé que le conseil d’Etat jugeait des questions de propriété.

On a dit que cela était arrivé dans la concession des mines de fer ; je ne sais jusqu’à quel point le fait est vrai, mais j’ai de la peine à le croire, et certainement, s’il y avait eu articulation formelle du droit de propriété, la question aurait été renvoyée devant les tribunaux.

M. Gendebien. - Je demande à dire un mot, sans rentrer dans la discussion, pour relever une erreur commise par M. Taintenier. Je n’ai pas dit que l’autorité administrative avait rejeté une opposition fondée sur le droit de propriété, mais qu’une opposition fondée sur des titres avait été considérée comme ne reposant pas sur une question de propriété et avait été rejetée.

M. Poschet. - Je demande que la suite de la discussion soit renvoyée à demain.

M. H. de Brouckere. - Il faut fermer la discussion.

M. Poschet. - Je demande, au contraire, que la discussion ne soit pas fermée, parce qu’on pourra consulter d’ici à demain les mémoires qu’on nous a fait distribuer, et ceux qui connaissent la matière comme ceux qui ne la connaissent pas seront bien aises de s’éclairer.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et rejetée. La discussion continuera demain.

M. Gendebien. - M. le ministre de l'intérieur nous a dit tout à l’heure, qu’il avait reçu des avis sur la matière des députations des provinces ; je crois qu’il conviendrait, pour l’ouverture de la séance de demain, qu’il nous en donnât une analyse.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il y a des mémoires qui sont extrêmement volumineux, et si on voulait en avoir une connaissance complète, je les communiquerais à la commission. J’en présenterai dans le cas contraire, demain, une analyse succincte.

- La séance est levée à quatre heures.


Noms de MM. les membres absents sans congé à la séance du 16 mai : MM. Angillis, Barthélemy, Berger, Brabant, Dams, Dautrebande, F. de Mérode W. de Mérode, de Muelenaere, de Sécus, Dumont, Dumortier, Fleussu, Gelders, Jamme, Lebeau, Nothomb, Raymaeckers, C. Rodenbach et Seron.