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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 19 juin 1832

(Moniteur belge n°173, du 21 juin 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

A midi et demi on procède à l’appel nominal.

M. Dellafaille fait lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lebègue présente l’analyse des pétitions adressées à la chambre.

Proposition de loi portant abolition de la peine de mort

Lecture

M. le président. - Messieurs, la proposition déposée hier par M. H. de Brouckere a été renvoyée dans les sections. La première rejette la lecture. La seconde section autorise la lecture, en demandant que la discussion de la prise en considération ait lieu dans la prochaine session. La troisième section demande que la lecture soit renvoyée à la session prochaine. La quatrième section autorise purement et simplement la lecture. La cinquième est d’avis que pour le moment la proposition ne doit pas être développée. La sixième demande l’ajournement de la lecture.

Il résulte de là qu’une seule section autorise la lecture.

M. Jaminé. - Mais la deuxième autorise aussi la lecture. Il est vrai qu’elle demande que la discussion de la prise en considération n’ait lieu que dans la session prochaine.

M. Liedts. Il n’y a pas qu’une seule section qui autorise la lecture, il y en a deux.

M. le président. - M. de Brouckere a la parole pour lire sa proposition.

M. H. de Brouckere. - M. le président, voulez-vous me l’envoyer ?

M. Lebègue, l’un des secrétaires, fait lecture de cette proposition ; elle est conçue dans les termes suivants :

« Projet de loi :

« Léopold, Roi des Belges, à tous présents et à venir, salut :

« Considérant que, dans l’impossibilité de procéder dans un bref délai à la révision de la législation pénale, il est urgent d’en faire disparaître les peines qui ont cessé d’être en harmonie avec nos mœurs, qui sont contraires à l’humanité et à la justice, ou dont l’exécution est devenue impossible ;

« Considérant qu’il importe cependant de laisser subsister dans les peines une graduation qui permette de punir chaque crime selon sa gravité ;

« Nous avons, de commun accord, etc.

« Art. 1. La peine de mort, celle de la déportation, la flétrissure et la mutilation, mentionnée, dans l’article 13 du code pénal, sont abrogées.

« Art. 2. La peine de mort est remplacée par celle des travaux forcés à perpétuité.

« Art. 3. Dans tous les cas on les lois actuellement en vigueur prononcent cette dernière peine, elle est remplacée par celle des travaux forcés pour un temps qui ne pourra excéder trente années ni être moindre de quinze.

« Art. 4. Dans tous les cas où les lois prononcent la déportation ou les travaux forcés à temps, cette dernière peine est appliquée pour un temps qui ne pourra excéder quinze années ni être moindre de cinq.

« Art. 5. L’arrêté-loi du 30 janvier 1815 (publié le 31 juillet suivant) reste en vigueur, mais seulement pour les cas prévus par l’article précédent. »

« Art. 6. Sont et demeurent abrogées les dispositions de l’article ... de la loi monétaire du … modifiant les articles 132, 133 et 134 du code pénal auxquels s’appliquera la présente loi.

« Art. 7. La présente loi n’est point applicable aux crimes militaires en temps de guerre. »

M. H. de Brouckere. - Il y a plusieurs projets qui doivent être discutés par l’assemblée et qui sont très urgent ; je demanderai en conséquence la permission de présenter le développement de ma proposition dans quinze jours ; alors la plupart des lois auront été soumises à l’assemblée.

Si aucun membre de la chambre ne s’opposait à la proposition, fort de plusieurs antécédents, je demanderais que la prise en considération fût décidée immédiatement. Quant à moi, je ne puis développer ma proposition qui ne mériterait pas au recours d’être prise en considération.

M. le président. - On demande à présenter le développement d’aujourd’hui en 15.

M. H. de Brouckere. - A condition que la proposition sera prise en considération.

M. Jullien et M. Lebeau. - Ce n’est pas possible.

M. le président. - La proposition sera développée dans 15 jours.

Projet de loi relatif à la formation d'une armée de réserve

Rapport de la section centrale

M. le président. - La parole est à M. le rapporteur de la section centrale sur le projet de loi relatif à la formation d’une armée de réserve.

M. Destouvelles monte à la tribune. Il s’exprime en ces termes. - Messieurs, le désarmement général si longtemps annoncé ne s’effectue pas.

L’attitude guerrière des puissances du Nord semble présager de nouvelles luttes.

Leurs nombreuses phalanges s’ébranlent.

L’armée hollandaise campe près de nos frontières.

Les protocoles se traînent lentement. Le traité du 15 novembre reste sans exécution.

La Belgique ne peut voir avec indifférence ces mouvements qui s’opèrent autour d’elle, et se reposer exclusivement sur la diplomatie du soin de ses intérêts les plus chers, de son indépendance et de ses libertés.

Les chambres ont naguère fait connaître au Roi la pensée du pays. S. M. l’a comprise.

Le contingent de l’armée, fixé à 80,000 hommes par la loi du 30 décembre 1831, est tout entier sous les armes.

20,000 gardes civiques sont organisés et en activité.

La Belgique compte donc en ce moment 100,000 combattants prêts à entrer en campagne.

Quelque imposantes que soient ces forces, le gouvernement vous demande l’autorisation de former une armée de réserve. Une réserve, vous a dit le ministre directeur de la guerre, est une des conditions essentielles d’une bonne organisation militaire tant pour l’attaque que pour la défense.

Le projet de loi qui vous a été présenté et l’exposé des motifs qui l’accompagne ont été examinés dans vos sections.

Le principe de la formation d’une armée de réserve a été unanimement admis. Mais le mode de sa composition a trouvé de nombreux contradicteurs. Les articles 1er et 3 particulièrement n’ont pas reçu un accueil favorable.

La question d’inconstitutionnalité a été soulevée et vivement discutée. En effet, l’article premier du projet primitif porte que l’armée de réserve sera prise parmi les hommes qui composent actuellement le premier ban de la garde civique. Par l’article 3 le gouvernement réclame la faculté de conserver ou de remplacer à son gré les officiers, sous-officiers et caporaux. Or, l’article 122 de la constitution attribue aux gardes les nominations des titulaires de tous les grades jusqu’à celui de capitaine au moins, sauf les exceptions jugées nécessaires pour les comptables. On ne peut, néanmoins, méconnaître que l’article 122, pris dans un sens trop absolu, entraînerait de graves inconvénients, lorsque les gardes civiques sont mobilisés et mis en activité. Car, outre qu’une partie des titulaires choisis par les gardes peut laisser à désirer les connaissances militaires indispensables en temps de guerre, un personnel trop nombreux surcharge le trésor de frais inutiles.

En ce moment, par exemple, dans la ligne il y a un officier pour 38 hommes, et dans la garde civique, un sur 23. En réorganisant les bataillons, en portant les compagnies au complet de 100 à 150 hommes, conformément à la loi du 30 décembre 1830, on obtiendrait une meilleure organisation et on ferait cesser des dépenses onéreuses pour l’Etat. La section centrale appelle l’attention du gouvernement sur cet important objet.

Le nouveau projet qui va vous être soumis, en substituant le rappel de 30,000 hommes sur les classes de la milice non encore libérées à la mise en activité de 50,000 gardes civiques, place le gouvernement, par rapport aux hommes rappelés, dans la même position où il se trouve relativement à l’armée de ligne.

L’inconstitutionnalité reprochée au premier projet est écartée. Les intentions manifestées dans vos sections sont remplies. Pour vous mettre à même d’en acquérir la certitude, je vais résumer leurs observations sur les articles premier et 3. Les autres n’ont donné lieu qu’à de légers changements de rédaction.

(Suit ce résumé, non repris dans la présente version numérisée. Le rapporteur continue ensuite ainsi :)

Trois nouvelles rédactions de l’article 3 ont été successivement mises aux voix et rejetées. Cependant la section a ordonné qu’elles seraient consignées dans son procès-verbal pour être mises sous les yeux de la section centrale. Ces diverses rédactions se rapprochant quant au fond, de celles qui ont été présentées par les autres sections, il semble inutile de les résumer.

La section centrale a invité le ministre de la guerre à venir partager ses travaux. Il s’est empressé de répondre à cette invitation. Conjointement avec lui, elle a cherché les moyens de satisfaire à la demande du gouvernement. La nouvelle rédaction adoptée par la section centrale, et dont j’aurai l’honneur de vous donner lecture, paraît atteindre ce but.

Le gouvernement, en proposant la levée d’une armée de réserve de 50,000 hommes, y comprenait les 20,000 gardes civiques du premier ban qui sont en ce moment d’activité.

Le nouveau projet ne touche pas à ces 20,000 hommes. Il les fait seulement entrer en ligne de compte pour arriver aux 50,000 déjà demandés. Mais comme ils sont organisés et en activité, il ne les soumet pas aux dispositions de la nouvelle loi. Celle-ci ne concerne que les 30,000 hommes à appeler à la défense de la patrie.

D’après les lois sur la milice, les miliciens restés disponibles ne sont pas libérés du service militaire, tant que les classes auxquelles ils appartiennent n’ont pas été définitivement congédiées.

Les classes de 1826 à 1831 sont en ce moment sous les armes. Tous ceux qui font partie de ces classes sont donc à la disposition du gouvernement, et en les appelant il n’aggrave pas les obligations que leur impose la législation de 1817 et 1820 sur la milice.

L’article premier du nouveau projet autorise la levée de 30,000 miliciens, qui, réunis avec les 20,000 gardes civiques, formeront le chiffre de 50,000 hommes.

L’article 2, pour composer la réserve, appelle les miliciens disponibles sur les classes de 1826 à 1831.

Ces dispositions ont sur le premier projet un double avantage. Elles font disparaître l’inconstitutionnalité ; elles appellent des hommes encore soumis à la milice, mais que les circonstances avaient permis de laisser jusqu’aujourd’hui dans leurs foyers. Ces classes de 1830 et 1831 n’auraient pas fait partie de l’armée de réserve, si elle eût été exclusivement composée des gardes civiques du premier ban. Cependant, les miliciens de ces classes n’ont pas encore accompli leur 21ème année, et généralement ils n’ont formé aucun établissement ; le service militaire ne les a point encore atteints, tandis que les autres classes, tant de l’armée de ligne que des gardes civiques, ont déjà passé plusieurs années sous les drapeaux. La chambre appréciera ces puissantes considérations.

L’article 3 a pris la population pour base de la répartition ; et, afin de ne pas surcharger les cantons dont la garde civique est en activité, il les exempte de concourir à la formation de la réserve. Cette exemption est un acte de stricte justice.

Les articles 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 ne concernent que des mesures d’exécution conformes, sauf quelques légers changements apportés aux lois sur la milice.

Les articles 11 et 12 sont relatifs aux remplaçants ; l’article 11 exempte celui qui a fourni un remplaçant actuellement servant dans l’armée de ligne. Sans porter atteinte, par une disposition rétroactive, à des contrats passés de bonne foi sous l’empire d’une législation qui les autorisait, ou reproduire cette odieuse fiction française qui faisait rester les mêmes individus sous deux drapeaux, là personnellement, ici par son remplaçant, la section centrale ne pouvait écarter des actes légalement consommés.

L’article 12 reconnaît les droits consacrés par la loi du 22 juin 1831.

Les articles 11 et 12 préviennent toutes les plaintes, respectent tous les droits acquis.

Les sections n’ont pas été d’accord sur l’époque à déterminer pour que les publications de mariage dispensent ceux qui les auront requises de concourir à la réserve. Elles ont respectivement adopté des termes plus ou moins rapprochés de la présentation du projet communiqué à la chambre le 11 juin.

L’article 13 fixe la première publication au 10 juin ; il exige que le mariage soit célébré dans le délai de 30 jours.

Cette disposition, au premier aspect, pourra paraître vigoureuse. Mais elle a été jugée indispensable pour prévenir les fraudes, et ces unions simulées dans le seul but de se soustraire à la loi, et qui traînent après elle de tardifs repentirs, et sont souvent la source de troubles et de désordres.

Les articles 14 et 15 se rattachent à des mesures d’exécution.

Les causes qui nécessitent l’augmentation de l’armée venant à cesser, la réserve sera licenciée.

Le droit de conférer les grades dans l’armée appartient au Roi ; ce droit est établi par l’article 66 de la constitution. Ceux que S. M. aura accordés aux officiers de la réserve ne pourraient leur être conservés après la paix sans surcharger le trésor d’une dépense qui aggraverait la position des contribuables.

Le renvoi des officiers de la réserve dans leurs foyers est la conséquence du licenciement de cette partie de l’armée.

Vous remarquerez, messieurs, la différence qui existe à cet égard entre les officiers de ligne et ceux de la réserve.

Cependant la patrie ne saurait sans ingratitude refuser d’acquitter la dette de la reconnaissance envers les blessés, les veuves et orphelins. Ils jouiront des mêmes pensions allouées à l’armée régulière.

Les dispositions des articles 16, 17 et 18 complètent ainsi un projet dont la prompte exécution donnera à la Belgique une attitude imposante.

Le pays, messieurs, a fait au maintien de la tranquillité européenne de nombreux et pénibles sacrifices ; il est temps qu’il en reçoive le prix. C’est pour le recueillir qu’il fait un nouvel effort ; le meilleur moyen d’accélérer la conclusion de la paix est de se préparer à la guerre. La Belgique est armée.

(Suit le texte du projet, non repris en cet endroit de la présente version numérisée.)

M. le président. - Le projet sera imprimé et distribué demain.

M. Destouvelles. - Nous devons dire que le gouvernement s’est rallié au projet.

M. le président. - A quand la discussion ? (Demain ! demain ! Après-demain ! après-demain !)

La question et de savoir si d’ici à demain on aura le temps d’examiner la loi.

M. d’Huart. - S’il est possible que le projet soit distribué demain, on peut en commencer la discussion demain car chacun de nous l’a examiné.

M. Seron. - Demain il nous sera impossible d’examiner le projet de loi avant d’arriver ici en séance. C’est une plaisanterie ! C’est que vous n’avez pas envie de l’examiner.

M. Leclercq. - Ce projet est tout nouveau, personne ne l’a examiné : il s’agit de 50 mille hommes ; il faut remettre la discussion à après-demain.

- La discussion est renvoyée à après-demain.

Projet de loi portant organisation judiciaire

Discussion des articles

Titre II. Des cours d'appel

Article 34

L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de loi sur l’organisation judiciaire.

« Art. 34. Il y a près de chaque cour un procureur-général et quatre substituts, dont deux portent le titre d’avocats-généraux. »

M. Barthélemy. - Messieurs, d’après la différence des travaux des diverses cours, vous saurez ce que vous avez à accorder à chacune d’elles ; c’est en conséquence de cette différence de travaux que je demanderai pour Bruxelles et Liége un procureur-général et 3 substituts, et pour Gand un procureur-général et un substitut ; et je vais établir que cela est suffisant pour le service.

Mais, indépendamment de cette preuve, comme je suis occupé à signaler des abus, j’en vais signaler un grave qui existe dans l’administration de la justice.

En 1814 on avait un ministre de la police ; on a réuni ce ministère à celui de la justice ; avec le ministre de la police on avait des commissaires, ils ont été supprimés, et l’on a converti les procureurs-généraux en commissaires de police, et dès lors ils ont cessé de faire le service du parquet.

Autrefois nous avions dans les cours des procureurs généraux qui ne dédaignaient pas les travaux du parquet. C’est ainsi que nous avons eu des Merlin, des Daniels et des Beyts ; mais depuis 1814, les procureurs-généraux ont fait la police ; ils ont tous formé leurs parquets en petits ministères ; ils ont eu chacun un secrétaire et des commis, dont les traitements sont au budget. Quant à un secrétaire je conçois bien qu’ils peuvent en avoir besoin, mais relativement aux commis ils pouvaient s’en passer ; des jeunes avocats en grand nombre ne demanderaient pas mieux que de faire la besogne gratis, afin de parvenir à être classés dans les tribunaux inférieurs.

Quoi qu’il en soit, vous avez dans chaque parquet une espèce de petit ministère de la police ; cet état ne peut durer, et les parquets doivent rentrer dans leurs fonctions. Les procureurs-généraux doivent se faire honneur d’assister aux audiences et de traiter des questions de jurisprudence ; ils doivent se faire honneur de suivre la carrière parcourue par Dagnesseau, et qui a immortalisé tant de grands magistrats. Mais ce n’est pas en faisant de la police obscure dans un cabinet qu’on peut acquérir cette gloire.

En proposant, comme j’ai l’honneur de le faire, pour les cours de Liège et de Bruxelles un procureur-général et trois substituts, et pour la cour de Gand un procureur-général et un substitut, vous voyez que vous avez de quoi faire le service de quatre chambres dans les cours les plus occupées. Mais à Bruxelles et à Liége il n’y a que trois chambres fixes dont les trois substituts feront le service ; le procureur-général peut s’attacher à une section civile, s’il le veut, et alors deux substituts s’attacheront à l’autre section civile et à la chambre des appels de police correctionnelle. Cela peut s’exécuter de cette manière-là ; il n’y en avait pas davantage autrefois. C’est depuis que les substituts se sont abstenus de faire le service près des tribunaux qu’on en a augmenté le nombre : voilà des abus que vous pouvez réprimer aujourd’hui ; c’est le moment opportun. Si vous conservez un trop grand nombre d’employés, il vous sera difficile d’en diminuer le nombre quand vous voudrez corriger l’ensemble de l’administration.

Vous avez reconnu qu’il y avait à Gand un tiers de besogne de moins que dans les autres cours, et quand vous lui donnez un procureur-général et un substitut, c’est bien assez.

Voilà mon amendement, je l’enverrai écrit si l’on veut.

J’oubliais de dire que, dans l’ancien régime, il n’y avait qu’un procureur-général et un substitut au grand conseil.

M. Lebègue. - Mais je ne vois pas dans l’amendement la reproduction de ce que je trouve dans l’article 34 ; cet article parle des avocats-généraux.

M. Destouvelles. - On distingue dans les cours les avocats-généraux et les substituts du parquet : les avocats-généraux portent la parole à l’audience ; les substituts sont chargés du service intérieur du parquet et particulièrement de la chambre des mises en accusation.

Je crois que les membres du parquet sont réduits à un trop petit nombre par l’amendement ; car quoique le procureur-général porte la parole, non pas tous les jours, ce qui est impossible, parce qu’il est une espèce d’administrateur général qui dirige le parquet, qui correspond avec le ministre de la justice, et même avec le gouvernement, on ne peut le forcer à tenir continuellement l’audience. Il ne doit porter la parole que dans les grandes occasions, dans les questions d’Etat. L’assujettir à de fréquentes audience, ce serait le distraire de ses plus graves occupations ; il a une administration judiciaire, si je puis m’exprimer ainsi. Deux avocats-généraux et deux substituts sont absolument nécessaires.

M. Van Meenen. - Je prends la parole dans une affaire qui en quelque sorte me concerne ; je prie cependant la chambre de ne voir dans mes observations que des vues de bien public.

Je puis rassurer l’honorable M. Barthélemy ; le procureur-général ne fait plus de police administrative ; il fait ce qu’il doit faire, il dirige la police judiciaire qui est sous sa surveillance. Or, cette direction de la police judiciaire entraîne la nécessité pour le procureur-général d’avoir une correspondance très active avec tous les procureurs du Roi.

Voilà d’abord un point sur lequel il est constant que la correspondance du procureur-général est une chose essentielle. Car notez bien que dans les circonstances actuelles où les liens de la police sont relâchés par l’absence des commissaires de police, il en résulte que la police judiciaire éprouve des tiraillements, des chocs, ce qui rend les correspondances et plus fréquentes et plus embarrassées.

M. Barthélemy rappelle les exemples de Daguessau, de Merlin, de Douai, de Daniels, qui ne dédaignaient pas de porter la parole dans les audiences : je ne sais pas si un M. Barthélemy connaît des procureurs généraux qui dédaignent de porter la parole dans les circonstances graves, mais je puis lui certifier que je n’en connais aucun qui dédaigne cet honneur : quant à moi je ne l’ai pas aussi souvent que je le désire.

Le procureur-général a une correspondance administrative intérieure ; il a une correspondance qui doit être suivie avec la plus grande attention et la plus grande sollicitude. Toute difficulté qu’éprouve un procureur du roi se reflète au parquet ; c’est du procureur-général qu’il attend la direction à imprimer à toute la police judiciaire.

Je ne crois donc pas que l’amendement de M. Barthélemy puisse être adopté, je ne le crois pas pour toutes les considérations qu’il a fait valoir et qui toutes sont déniées par les faits ; elles supposent une absence complète de toute notion sur ce qui constitue le travail d’un procureur-général.

Quant à la question de savoir si vous augmenterez ou vous n’augmenterez pas le nombre total des membres du parquet, c’est une question à part. Je ne sais pas si en établissant trois cours au lieu de deux, on peut vouloir diminuer le nombre des magistrats ; tout ce que je sais c’est qu’en établissant des cours, il faut donner les magistrats indispensables pour faire le service.

Je dirai qu’à Bruxelles, un procureur-général et quatre substituts, donc deux exerçant les fonctions d’avocat-général, il n’y a rien de trop.

Voilà, Messieurs, les observations que je croyais utile de vous soumettre.

M. Barthélemy. - On vous a dit que le procureur-général avait une espèce d’administration à diriger ; et M. Van Meenen, vient de vous déclarer que le procureur-général correspondait avec les procureurs du roi de son ressort ; eh bien calculons le travail. Il y a trois procureurs du roi en Brabant, trois dans le Hainaut, trois dans la province d’Anvers ; cela fait 9 correspondants pour le procureur-général de Bruxelles.

Pour faire cette correspondance, il a un secrétaire très habitué à ce genre de travail et un secrétaire payé par le budget. Je crois même qu’à Bruxelles il y en a deux… (Non ! non !) Au moins il y en a un… Ce secrétaire connaît la marche des affaires, il rédige toutes les lettres, et M. le procureur général n’a qu’à signer. (On rit.) Cela ne peut donc empêcher M. le procureur-général de tenir les audiences.

Sa principale affaire, son premier devoir, est de tenir les audiences, et tous les magistrats que j’ai connus se sont fait honneur d’y assister. Les membres du barreau vous diront que MM. Beyts et Daniels y assistaient, leurs successeurs s’en sont abstenus depuis qu’on leur a donné la police. Ou nous assure qu’ils ne l’ont plus ; tant mieux.

Le mal s’était étendu jusqu’au procureur du Roi de Bruxelles ; ce procureur du Roi avait un substitut dans son parquet ; il y venait à onze heures pour correspondre avec le directeur de police Knyl et il s’en allait à une heure. Je ne mettrai pas les pieds à l’audience.

C’est actuellement le moment de faire cesser tous les abus. Le procureur-général à une correspondance avec 9 procureurs du Roi je le veux bien ; il leur écrit à chacun une fois par semaine et voilà tout le travail. (On rit.)

M. Ch. de Brouckere. - Le parquet est composé d’un procureur-général, de quatre avocats-généraux, de quatre substituts ; on propose de réduire le nombre des membres à cinq, c’est-à-dire à un procureur-général, deux avocats-généraux et deux substituts. Il est impossible, comme le fait observer M. Van Meenen, de marcher sans cela.

En effet, il y aura trois chambres qui occuperont trois membres du parquet ; le quatrième sera employé aux assises. Quand il ne sera pas aux assises, il aidera un de ses collègues et notamment celui qui est chargé du service des mises en accusation, qui sera obéré de travail, les affaires criminelles de neuf arrondissements devant lui passer par les mains.

Il restera un membre du parquet qui ne sera attaché à aucune chambre spécialement ; ce sera le procureur-général. Il siégera quelquefois, il portera la parole dans les affaires d’une haute importance, mais il est impossible qu’avec le grand nombre d’affaires qu’il a à diriger, il puisse être attaché à une chambre quelconque.

S’il n’y avait pas un des cinq membres du parquet qui ne fût pas attaché à une chambre, on ne pourrait pas remplacer ceux qui se trouveraient empêchés.

Messieurs, le procureur-général a une correspondance avec bien d’autres fonctionnaires que les procureurs du Roi, et à ceux-ci il a souvent non une lettre, mais cinq, six et sept lettres par jour à écrire, des lettres très longues et qui exigent beaucoup de travail.

Je demande pour Bruxelles et pour Liège un procureur-général deux avocats-généraux, deux substituts.

J’ignore si pour Gand on pourra diminuer le personnel du parquet.

M. le président. - La parole est à M. Leclercq.

M. Leclercq. - J’y renonce si la chambre est suffisamment éclairée.

M. Helias d’Huddeghem. - Je demande la parole.

M. le président. - Alors M. Leclercq va parler.

M. Leclercq. - Je n’ai renoncé à la parole qu’autant que la chambre croirait ne pas devoir continuer la discussion.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - On vous a fait observer que le projet de la section centrale, conforme à celui du gouvernement quant à l’article 34, ne présentait pas un personnel trop nombreux pour Bruxelles et pour Liége.

Relativement à Gand je ne sais pas si ce personnel ne serait pas trop considérable. Comme on a réduit le nombre des conseillers de cette cour, je ne m’opposerai pas à ce que le parquet soit également réduit. Cependant je ne pense pas que l’on puisse proposer autre chose que la réduction d’un substitut.

M. Legrelle. - Je demande la suppression d’un substitut à Gand ; c’est un sous-amendement que j’ai l’honneur de faire.

M. Helias d’Huddeghem. - A Gand il faudra au moins deux chambres civiles, une chambre des appels de police correctionnelle, laquelle tiendra les assises ; si un substitut ne pouvait pas remplir ses fonctions, il faudrait le remplacer par un conseiller ; mais les conseillers que vous avez votés sont très peu nombreux, il n’y en a que 15 ; le remplacement serait impossible. Conservez donc au moins le personnel du parquet.

M. Lebègue. - Les assises ne durent que huit jours dans les Flandres : à Gand elles occupent tout au plus pendant trois ou quatre semaines ; voilà des faits qu’on ne peut contester. La réduction demandée est possible.

M. le président. - Je vais mettre aux voix les amendements de M. Barthélemy.

« 1° Je propose pour les cours de Bruxelles et de Liége un procureur-général et trois substituts. »

L’amendement est rejeté.

« 2° Je propose pour la cour de Gand un procureur-général et deux substituts. »

- L’amendement est rejeté.

L’amendement de M. Legrelle, par lequel cet honorable membre demande pour Gand un procureur général et trois substituts, est mis aux voix et adopté.

M. Destouvelles. - L’amendement est adopté, mais il est incomplet, parce qu’il faut savoir combien de substituts prendront le nom d’avocats-généraux, et combien garderont le titre de substituts.

M. Legrelle. - Il s’agit ici de deux avocats-généraux et d’un substitut.

M. Lebeau. - Un seul avocat-général suffit.

M. Lebègue. - M. Legrelle a dit que son intention était qu’il y eût deux avocats-généraux.

M. Legrelle. - Non ! non !

M. Lebègue. Mais la proposition a été combattue par M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je n’ai pas parlé de l’objet qu’on vient de mentionner ; je n’ai pas proposé deux avocats-généraux : dans le projet du gouvernement, la cour de Gand avait trois substituts, et l’un d’eux devait porter le titre d’avocat-général.

M. le président. - On va mettre aux voix s’il y aura deux avocats-généraux ou s’il n’y en aura qu’un.

M. Lebeau. - On ne peut pas mettre aux voix une question complexe ; mettez aux voix s’il y aura un avocat-général.

- La chambre consultée décide qu’il n’y aura qu’un avocat-général à la cour de Gand et deux substituts.

M. Mesdach. - Est-il dans l’intention de la section centrale que ce soient les plus anciens eu grade qui prennent le titre d’avocats-généraux, ou bien si ce sont les substituts actuellement en fonction, qui passent de droit avocats-généraux ?

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Un article de la constitution dit que le Roi nomme et révoque les agents du parquet ; c’est donc au Roi à fixer leur rang.

M. le président. - L’article 34 est maintenant ainsi conçu :

« Il y a près de la cour de Bruxelles et de Liége un procureur-général et quatre substituts, dont deux portent le titre d’avocats généraux.

« Il y a près de la cour de Gand un procureur-général et trois substituts, dont un porte le titre d’avocat-général. »

- L’article mis aux voix est adopté.

Article 35

« Art. 35. Il y a près de chaque cour un greffier, nommé directement par le Roi, et des commis-greffiers, dont le nombre est, d’après les besoins du service, fixé par le gouvernement.

« Les commis-greffiers sont nommés par le Roi sur une liste triple de candidats, présentée par le greffier. »

M. H. de Brouckere. - Messieurs, d’après le projet de la section centrale, la nomination des commis-greffiers, qui est laissée au Roi, se ferait sur une liste triple de candidats présentée par le greffier, de manière que la cour n’interviendrait en rien pour la nomination du commis-greffier. Je crois qu’une disposition pareille aurait de très mauvais résultats.

Je ne sais si mon amendement aura du succès, je crains qu’il n’en ait pas parce que M. le ministre de la justice le combattra ; cependant je n’en désirerai pas moins qu’il soit inséré dans la loi.

Messieurs, il arrive très souvent que des hommes qui conviennent au greffier pour être ses commis ne conviennent nullement à la cour.

Il est cependant à désirer que les membres des cours qui sont obligés de travailler continuellement avec les commis-greffiers, n’aient pas pour collaborateurs des hommes qui ne leur conviennent pas, et qui peut-être ne sont pas faits pour travailler avec eux. Tel est l’inconvénient dans lequel vous allez tomber en laissant la présentation des commis-greffiers aux greffiers exclusivement.

On dira que la nomination des commis n’est pas dévolue aux greffiers, que c’est le Roi qui nomme ; mais, messieurs, on sait à quels moyens on a recours pour faire prévaloir son candidat ; on l’accole à deux individus qu’il est impossible de choisir.

Il est d’autant plus urgent que les cours interviennent dans la nomination des commis-greffiers que la nomination des greffiers en chef est laissée au choix du gouvernement.

Je sais très bien ce que vont dire ceux qui s’opposeront à mon amendement : ils diront que pour la cour de cassation on a déjà admis que les commis-greffiers seraient nommés par le Roi, sur la présentation de candidats par le greffier, et qu’il faut conserver de l’harmonie dans les dispositions d’une loi. Vous vous souvenez, messieurs, que j’ai réclamé contre cette disposition ; malgré son adoption, mes observations ne m’en paraissent pas moins exactes, et je persiste dans mon amendement.

M. le président. - Voici l’amendement de M. H. de Brouckere :

« Les commis-greffiers sont nommés par le Roi sur une liste triple de candidats présentés par le greffier et approuvée par la cour. »

M. Leclercq. - D’après l’amendement qui vous est soumis, le greffier n’aurait plus qu’un simple avis à donner.

Cependant, d’après les lois en vigueur, le greffier et solidairement responsable des faits de tous les commis-greffiers. La conséquence de la législation c’est que le greffier doit intervenir dans leur nomination, ou bien la loi est souverainement injuste : on ne peut être responsable d’hommes à la nomination desquels on n’a pas concouru.

Vous avez déjà reconnu ce principe pour la nomination des commis-greffiers de la cour de cassation. La responsabilité des greffiers des cours d’appel est encore plus grande.

Les dommages et intérêts auxquels ils seraient tenus pour les fautes de leurs commis sont plus considérables que pour la cour de cassation, car les actes en appel sont plus nombreux et ils sont plus exposés.

Celui qui est responsable doit choisir l’agent dont il répond. Voilà ce qui a déterminé la section centrale et ce qui vous déterminera sans doute vous-mêmes à adopter la mesure indiquée dans le projet de loi.

M. Mesdach. - On a reproché à la section centrale d’être trop stationnaire ; moi je lui reproche de faire trop d’innovations. Il est fâcheux qu’elle se soit laissée entraîner au désir de changer une mesure qui existe depuis quarante ans.

D’après la législation d’août 1790, celle de vendémiaire an IV, auxquelles il n’a pas été apporté de changements par la législation, de ventôse de l’an VIII, et d’avril 1810, les cours nommaient les commis-greffiers. Cela n’a été changé qu’en 1824, par le roi Guillaume, qui a dit dans un arrêté que la nomination des commis greffiers serait sanctionnée par le roi. Cependant la nomination des commis-greffiers a continué d’être faite sans l’autorisation du roi. Cet arrêté était inconstitutionnel et irrégulier, il faut proscrire ce régime des arrêtés ; et cependant que propose-t-on aujourd’hui ? On propose de donner au pouvoir la nomination des commis, sur la présentation du greffier : vous n’aurez que des hommes indignes.

A la cour de Bruxelles une nomination de commis a eu lieu il y a quelques mois. Le greffier présenta une liste de candidats ; elle ne convenait pas ; on lui dit d’augmenter sa liste, et alors il y eut une nomination faite par 20 suffrages sur 22 votants.

Par la proposition de la section centrale la cour ne sera pas consultée.

Je dois vous dire ici toute ma pensée. Je suis ennemi de toute disposition qui tendrait à donner à un seul individu le droit de présenter des candidats. Un individu est sujet aux caprices ; il peut avoir ses passions ; mais des corps de magistrats n’en ont point. Messieurs, quand j’avais l’honneur d’exercer les fonctions de procureur du Roi à Anvers, j’ai souvent reconnu le danger de donner à un seul la présentation des candidats.

Je me suis trouvé dans la fâcheuse nécessité d’employer toute mon influence pour empêcher qu’un forçat gracié, qui avait été condamné pour crime de concussion, pour crime de faux, d’attentat à la liberté individuelle, ne fût nommé juge. Ce que j’avance est la vérité. Un membre qui siège à côté de moi peut vérifier la chose.

Il a dans son parquet toutes les pièces relatives à cette affaire.

Je dirai avec d’autant plus de confiance mon opinion qu’elle est partagée par les cours de Bruxelles et de Liége ; qu’elle est réclamé par le barreau et que de toutes parts on demande le maintien de ce qui existe depuis 40 ans.

M. Liedts. - L’honorable M. Leclercq a déjà développé les motifs qui ont fait adopter l’article 35 par la section centrale. Je désire seulement répondre à la seule objection qu’on ait faite.

Ce sera, dit-on, le greffier qui en réalité fera la nomination de ses commis-greffiers car il présentera, outre le candidat qu’il voudra faire réussir, deux autres candidats visiblement incapables, et de cette manière, il fera nommer qui il voudra. La cour verra ainsi siéger dans son sein des hommes qui seront peut-être incapables ou indignes de sa confiance.

Messieurs, cette crainte est bien futile ; le greffier étant seul responsable des actes de ses commis-greffiers, il a le plus grand intérêt à ne présenter que de bons candidats : s’il en faisait nommer qui n’eussent ni capacité ni probité, c’est lui qui en souffrirait. Que si contre toute probabilité, le greffier introduisait dans la cour des sujets indignes d’y siéger, remarquez, messieurs, que le greffier est lui-même révocable, et que la cour pourrait dans ce cas provoquer auprès du gouvernement la destitution du greffier. Ces deux garanties, savoir la responsabilité du greffier d’une part et sa révocabilité d’autre part, me rassurent complétement.

M. Destouvelles. - Je dirai peu de mots pour relever une erreur qu’on vient d’émettre. On a dit que c’était par les lois françaises que la cour nommait les commis-greffiers ; cependant l’article 55 de la loi de juillet 1810 porte que le greffier fera admettre au serment le nombre des commis-greffiers nécessaires au service de la cour impériale. Ainsi c’est le commis-greffier qui choisit les commis, seulement il les présente au serment.

Les commis-greffiers ne sont pas nommés à vie ; ils sont révocables, et si un commis-greffier ne présentait pas les conditions requises, la cour trouverait bien le moyen de déterminer le greffier qui, lui, a intérêt à vivre en bonne harmonie avec les magistrats, à faire une autre présentation au roi.

Dans l’article 58 de ce même décret du 6 juillet 1810, vous trouvez des dispositions qui prouvent évidemment que le choix des commis appartient au greffier.

Et comment voudrait-on lui ravir ce droit, lorsqu’aux termes de l’article 27 de la loi, le greffier est solidairement responsable des dommages et intérêts résultant des contraventions, délits ou crimes dont ses commis se seraient rendus coupables dans l’exercice de leurs fonctions.

Quant à l’opposition qui pourrait naître entre la cour et le greffier, elle n’est pas à redouter. Le greffier a le plus grand intérêt à ne pas être hostile envers la cour. Si les commis ne convenaient pas, ils seraient bientôt révoqués.

Le premier motif qui a fait déférer la nomination des commis-greffiers au Roi, a été très bien déduit par M. Liedts : foi doit être ajoutée aux actes signés par les commis-greffiers ; leurs actes ont un caractère d’authenticité ; ils doivent donc être nommés par le Roi, qui seul peut donner ce caractère aux officiers ministériels.

M. d’Elhoungne. - L’honorable auteur de la proposition a senti que le commis-greffier doit en quelque sorte être l’homme qui a obtenu l’assentiment de la cour près de laquelle il prête son ministère. Il est indubitable que la nomination de ces agents doit appartenir, quant à la présentation, au greffier, puisque le greffier est responsable de tous les faits de sa gestion.

Je pense que l’objection faite, que le commis doit être nommé par le Roi, afin d’imprimer à ses actes un caractère d’authenticité, n’est pas fondée : les fonctions de greffier sont de telle nature qu’il faut qu’il prête son ministère à différentes parties du même tribunal ; ne pouvant être partout, il a fallu lui adjoindre des agents légaux ; mais comme la responsabilité ne peut se partager, on a regardé le commis comme un simple agent du greffier. Si le titulaire n’a pas la nomination, il doit avoir au moins la présentation.

Mais il importe que le commis-greffier ne soit pas désagréable aux membres de la cour. Cela est évident.

Alors donnez la nomination du commis-greffier, non au Roi mais aux tribunaux eux-mêmes, puisqu’ils ont un droit de censure à exercer sur le choix du commis, car il leur importe d’avoir des hommes qui possèdent leur confiance. Quant au gouvernement, il est dans l’impossibilité d’exercer aucune influence utile dans la nomination de cet agent.

En France, jusqu’à ce jour, les commis n’ont pas été salariés par le trésor. C’est le greffier qui les salarie, c’est lui qui les paie ; par conséquent c’est à lui qu’en doit appartenir la présentation. Ici ils sont salariés par le trésor ; cet abus ne s’est glissé que sous un gouvernement qui cherchait à se faire craindre.

La responsabilité qui pèse sur le greffier exige que les commis ne soient que ses agents ; c’est à lui à pourvoir à leur traitement. Si l’on trouve que cette charge est trop onéreuse au greffier, on peut le soulager en augmentant son traitement.

Je voudrais que les greffiers eux-mêmes fussent à la nomination des tribunaux auxquels ils sont attachés, car il importe à une bonne administration de la justice qu’on ne donne pas aux juges un greffier qui n’aurait pas leur approbation.

Je demanderai que le commis soit nommé directement par la cour sur la présentation du greffier ; c’est dans ce sens que je suis adhérent à la proposition de M. H de Brouckere.

M. H. de Brouckere. - Je retire mon amendement et me rallie à celui de M. Mesdach.

M. Mesdach. - Un honorable membre vient de dire que la présentation appartenait au greffier. Je ne conteste pas ce point ; au contraire, je dis que la loi de 1790 le dit. On cite un décret de 1810 ; ce décret porte que le greffier présentera les candidats au serment ; ce décret était organique et faisait un changement à la législation de 1790.

L’article 24 de la législation du 18 août 1810 dit positivement que le greffier présentera les commis ; mais à qui les présentera-t-il ? Au tribunal. Il n’y a aucune loi qui ait donné la nomination au Roi.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Les présentations des commis, d’après le projet de la section centrale sont faites par le greffier : il est responsable de ses commis, c’est donc lui qui a le plus grand intérêt ou le seul intérêt à avoir de bons commis-greffiers et c’est à l’intérêt qu’il faut se fier pour la bonté des présentations ; c’est donc avec raison que l’on a déféré la présentation au greffier.

Cela n’empêche pas que si les présentations ne conviennent pas aux cours et tribunaux, on peut révoquer les commis-greffiers.

Je ne sais pas où l’on a pu trouver que les commis-greffiers auraient été nommés par les cours ou les tribunaux. On a cité la loi de 1790 et celle de l’an IV ; ces lois disent que les commis-greffiers seront révoqués par les cours et tribunaux ; c’est qu’alors les juges étaient nommés pour cinq années par voie d’élection.

En 1790, les élections se faisaient par le peuple. En l’an IV, nous avions des assemblées primaires qui nommaient les électeurs ; et les électeurs les juges pour cinq ans. Et sous cette administration purement républicaine, je crois qu’alors les tribunaux pouvaient nommer les commis. Mais actuellement je crois que les nominations doivent être faites par le roi.

Par l’article 4 de la loi en discussion, vous avez un antécédent. Le Roi nomme directement le greffier de la cour de cassation ; et il nomme les commis-greffiers sur la présentation d’une liste dressée par le greffier. Je crois que c’est agir conformément à ce que vous avez fait.

On a invoqué la législation française ; on a invoqué le décret de 1810 ; d’après ce décret le greffier présentait les commis au serment. C’est que les commis-greffiers n’étaient pas à cette époque salariés par l’Etat et qu’ils l’étaient par le greffier. Je ne sais pas si c’est le meilleur mode d’avoir de bons commis, je ne le crois pas ; mais enfin puisqu’ils sont salariés par l’Etat, ils doivent être nommés par le Roi. (Aux voix ! aux voix !)

M. Barthélemy. - Le gouvernement a fait des commis-greffiers de grands seigneurs : pour les encourager davantage (c’est sous le régime précédent que cela a eu lieu), le gouvernement s’est chargé de payer MM. les commis : qu’est-il arrivé ? c’est que tous les jours ils demandent davantage.

Quand le greffier était chargé de les payer, le travail se faisait avec beaucoup d’économie. On les admettait seulement au serment parce qu’on ne voulait pas avoir le premier venu.

Actuellement et greffier et commis-greffier tout est grassement rétribué, et à Bruxelles, le greffier est mieux rétribué que le premier président de la cour. (Bruit.)

M. Gendebien. - Je ne ferai pas la proposition que les commis-greffiers soient nommés par les tribunaux ; mais je déclare protester contre la nomination donnée au Roi, afin que mon silence ne soit pas une approbation.

Il est indécent que les corps les plus respectables ne puissent pas nommer leurs greffiers et commis-greffiers avec lesquels ils ont de fréquentes relations. Songez aux abus qui peuvent résulter de ces nominations données au pouvoir ? C’est qu’on peut attacher près des tribunaux de véritables espions…

- Une voix. - Non ! non !

M. Gendebien. - Nous avons eu des exemples de commis-greffiers qui étaient le fléau des cours... Les mêmes abus amènent les mêmes résultats !

Je proteste contre la nomination des commis par le roi, afin que mon silence ne soit pas approbatif. Maintenant vous ferez espionner vos cours si vous le voulez, cela m’est bien égal.

- La chambre ferme la discussion.

M. le président. - Deux amendements restent à mettre en délibération ; ce sont ceux de M. d’Elhoungne et Mesdach.

L’amendement de M. d'Elhoungne est le premier mis aux voix.

Il est ainsi conçu :

« Les commis greffiers sont nommés par les cours sur une liste triple présentée par le greffier. »

- Deux épreuves par assis et levé donnent des résultats douteux.

On procède à l’appel nominal.

En voici le résultat :

36 membres ont répondu oui. 33 membres ont répondu non. L’amendement est adopté.

Ont voté pour : MM. Berger, Taintenier, Bourgeois, Coppieters, Corbisier, Dautrebande, H. de Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Dellafaille, de Roo, Desmet, d’Hoffschmidt, d’Huart, Fleussu, Gendebien, Jaminé, Jonet, Jullien, Lardinois, Lebègue, Leclercq, Lefebvre, Legrelle, Liedts, Mary, Mesdach, Osy, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Seron, Thienpont, Vanderbelen, Van Meenen, Vergauwen.

Ont voté contre : MM. Barthélemy, Boucqueau, Brabant, Cols, Coppieters, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Sécus, Destouvelles, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Dubus, Dumortier, Goethals, Helias d’Huddeghem, Jacques, Lebeau, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Polfvliet, Poschet, Raikem, Ullens, Vandenhove, Verdussen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Watlet, H. de Gerlache.

M. Brabant. - Je me suis trompé dans l’appel nominal ; j’ai dit non, parce que je croyais qu’il s’agissait de donner la nomination des commis-greffiers au roi.

M. le président. - La réclamation est sans objet. L’amendement est adopté.

L’article 35 sera maintenant conçu en ces termes :

« Il y a près de chaque cour un greffier nommé par le roi, et des commis-greffiers, dont le nombre est, d’après les besoins du service, fixé par le gouvernement.

« Les commis-greffiers sont nommés par les cours, sur une liste triple présentée par le greffier. »

- Cet article ainsi rédigé est mis aux voix et adopté.

Article 36

« Art. 36. En exécution de l’article 99 de la constitution, l’ordre de présentations des conseils provinciaux, aux places de conseillers qui deviennent vacantes, est réglé de la manière suivante :

« Cour de Bruxelles :

« Le conseil provincial d’Anvers présente à sept places, ceux du Brabant et du Hainaut, chacun à neuf.

« La première présentation appartient à la province du Hainaut, la seconde à celle du Brabant, la troisième à celle d’Anvers, et ainsi alternativement, jusqu’à la 21ème présentation inclusivement.

« Les quatre dernières présentations sont faites alternativement par la province du Hainaut et du Brabant, en suivant le même ordre qui vient d’être indiqué.

« Cour de Gand :

« Le conseil de la Flandre orientale et celui de la Flandre occidentale présentent chacun à onze places.

« Ils exercent ce droit alternativement.

« La première présentation appartient à la province de la Flandre orientale.

« Les trois dernières nominations sont exclusivement attribuées à cette province.

« Cour de Liége :

« Le conseil provincial de Liége présente à dix places, celui de Namur à six, celui du Limbourg à cinq, et celui du Luxembourg à quatre.

« La première présentation appartient à Liége, la deuxième à Namur, la troisième au Limbourg, la quatrième au Luxembourg.

« Cet ordre est suivi jusques et y compris la 16ème présentation.

« La 17ème est attribuée à Liége, la 18ème à Namur, la 19ème au Limbourg, la 20ème à Liége, la 21ème au Luxembourg.

« Les quatre dernières présentations sont faites par le conseil provincial de Liége. »

Sur cet article, M. le ministre de la justice présente l’amendement suivant :

« Cour de Bruxelles :

« Le conseil provincial d’Anvers présente à six places, ceux du Brabant à sept places et celui du Hainaut à huit.

« La première présentation appartient à la province du Hainaut, la seconde à celle du Brabant, et la troisième à celle d’Anvers, et ainsi alternativement, jusqu’à la 18ème présentation inclusivement.

« La 19ème et la 21ème présentation appartiennent à la province du Hainaut, la 20ème à celle du Brabant.

« Cour de Gand :

« Le conseil de la Flandre orientale présente à dix places, celui de la Flandre occidentale à huit.

« Ils exercent alternativement ce droit jusqu’à la 16ème présentation.

« La première présentation appartient à la province de la Flandre orientale.

« Les trois dernières présentations lui appartiennent également.

« Cour de Liége :

« Le conseil provincial de Liége présente à neuf places, celui de Namur à cinq, celui du Limbourg à quatre, et celui du Luxembourg à trois.

« La première présentation appartient à la province de Liége, la seconde à celle de Namur, la troisième à celle de Limbourg, la quatrième à celle de Luxembourg.

« Cet ordre est suivi jusques et y compris la 12ème présentation. La 13ème appartient à la province de de Liége, la 14ème à celle de Namur, la 15ème à celle de Limbourg, la 16ème à celle de Liége, la 17ème à celle de Namur.

« Les quatre dernières présentations sont faites par le conseil provincial de Liége. »

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, l’amendement que je propose est calqué sur l’article du projet de la section centrale ; toute la différence qui existe entre eux, vient de ce que la section centrale ayant d’abord proposé que les cours fussent composées de 25 membres, l’article 36 avait été rédigé en conséquence ; aujourd’hui qu’il n’y aura plus que 21 conseillers à Liège et à Bruxelles, et un nombre encore moindre à Gand, il a fallu faire une réduction proportionnée. (Aux voix ! aux voix !)

M. Dubus. - Je demande la parole. Messieurs, je remarque que, d’après l’amendement de M. le ministre de la justice, le conseil provincial d’Anvers aura la présentation pour six places de conseillers, celui du Brabant sept, et celui du Hainaut huit. On n’a pas indiqué la base de cette nouvelle répartition. Dans une des dernières séances, on nous a fait remarquer que l’élément de la population n’est pas le seul qu’il faille consulter pour la composition des cours, mais qu’il faut encore avoir égard à l’importance des causes judiciaires fournies par chaque province. Si on ne consultait que l’élément de la population, la répartition serait déjà singulièrement favorable à la province d’Anvers ; car, d’après la proportion des populations respectives de chacune des trois provinces, Anvers ne devrait avoir la présentation qu’à cinq places, tandis qu’on lui en accorde six, et le Hainaut devrait en avoir neuf, tandis qu’on ne lui en accorde que huit.

Si à présent vous consultez le nombre et l’importance des causes fournies par chaque province, vous verrez que celle du Hainaut l’emportera. On vous l’a déjà dit à une autre séance ; les causes qui viennent du Hainaut sont très compliquées ; elles exigent une longue instruction, de longues plaidoiries ; une chambre civile ne suffit pas à l’expédition des causes de cette seule province. Vous aurez à Bruxelles deux chambres civiles ; une seule devra s’occuper exclusivement des procès de la province du Hainaut, l’autre des procès des provinces d’Anvers et du Brabant, en sorte, qu’à elle seule, la première donnera à la cour autant de travail que les deux autres ; il y aurait donc lieu à augmenter plutôt qu’à diminuer le chiffre de la province du Hainaut. D’après ces raisons, je proposerai un amendement ainsi conçu :

« Le conseil provincial d’Anvers présente à cinq places ; celui du Brabant à sept, et celui du Hainaut à neuf.

« La première présentation appartient à la province de Hainaut, la seconde à celle de Brabant, la troisième à celle d’Anvers, et ainsi alternativement jusqu’à la 15ème présentation, inclusivement.

« Les quatre présentations suivantes sont faites alternativement par les provinces de Hainaut et de Brabant en suivant le même ordre qui vient d’être indiqué.

« Les deux dernières nominations sont attribuées à la province de Hainaut. »

M. d’Elhoungne. - Le projet a été calculé sur la population ; les réductions proposées par le ministre ont été calculées sur la même base, et le résultat en est cependant plutôt avantageux que préjudiciable au Hainaut, car il est à remarquer qu’on retranche un sur sept à Anvers, tandis que dans le Hainaut on ne retranche que un sur neuf ; tout l’avantage est donc de son côté pour la différence qui se trouve entre un septième et un neuvième. On ne veut pas cependant se contenter de ce résultat, et on voudrait déduire les autres provinces pour maintenir à neuf celle du Hainaut. Je crois, messieurs, que le rapprochement que je viens de faire suffit pour vous prouver l’injustice de cette demande, et pour que vous accordiez la préférence au projet ministériel.

M. Dubus. - Je m’étonne, messieurs, qu’en puisse dire que la province du Hainaut aura trop d’après l’amendement, et que celle d’Anvers n’aura pas assez. J’ai dit que la population seule ne devait pas être prise pour base de la répartition, et qu’il fallait tenir aussi compte du nombre et de l’importance des affaires ; en me répondant, l’honorable membre n’a tenu compte que de la population : veut-on n’avoir égard qu’à cet élément ? Je le veux bien. La population totale des trois provinces s’élève à 1,516,000 habitants ; celle d’Anvers n’en compte que 355,000 ; donc d’après la juste proportion, il ne reviendrait pas cinq places sur vingt-et-une à la province d’Anvers.

M. Legrelle. - Messieurs, je ne conteste pas les calculs de l’honorable préopinant ; je n’ai en ce moment aucun moyen de le contredire ; mais je crois que ce n’est pas seulement au chiffre de la population qu’il faut avoir égard, mais encore au nombre des causes et à leur importance, et sous ce rapport je crois que la province d’Anvers mériterait au moins qu’on la mît sur la même ligne que les deux autres provinces. Comparez l’importance des causes fournies par le Hainaut avec celles qui viennent d’Anvers, et vous verrez de quel côté est l’avantage. Je ne vous parlerai pas, messieurs, de l’importance de son port, de sa prééminence commerciale sur toutes les autres villes du royaume, je me contenterai seulement de vous affirmer qu’en adoptant l’amendement de M. le ministre, non seulement on ne fait pas trop pour la province d’Anvers, mais qu’on ne fait pas même assez. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président lit l’amendement de M. Dubus ; il est mis aux voix et rejeté.

- La première partie de l’amendement de M. le ministre de la justice, relative à la cour de Bruxelles, est ensuite adoptée.


M. le président lit la deuxième partie, qui concerne la cour de Gand.

M. Devaux. - Messieurs, je demande que les deux provinces des Flandres nomment chacune à neuf places alternativement. Comme on l’a dit tout à l’heure, il ne faut pas seulement se régler sur la population ; et d’ailleurs ici, cette base serait injuste encore, car la différence dans le nombre des présentations dépasse la différence proportionnelle de la population des deux provinces.

Si on compare le nombre des causes fournies par chacune d’elles, on verra que la Flandre orientale en fournit 140 et la Flandre occidentale 138. La différence est seulement d’un vingtième. Or, la différence entre les deux populations n’est pas tant s’en faut d’une fraction aussi minime. Remarquez d’ailleurs, que dans cette cour, vous n’avez pas en présence des conseillers de trois ou quatre provinces, et il pourrait arriver que, par esprit de localité ou de camaraderie, les conseillers de la province qui aurait la majorité, s’entendraient au préjudice de l’autre province toutes les fois qu’il s’agirait de faire quelque nomination ; et en cas de nomination d’un président ou d’un vice-président, il serait à craindre que cet esprit, je ne dirai pas d’inimitié, mais de rivalité qui a toujours existé entre les deux provinces ne se manifestât encore, et ne trouvât sans cesse dans cet état de choses un nouvel élément. Je ne ferai pas valoir l’avantage qui a déjà été accordé à la Flandre orientale par l’établissement de la cour à Gand, ce serait cependant une assez puissante considération, mais je crois en avoir assez dit pour démontrer la justice qu’il y a à établir l’égalité entre les deux provinces.

M. Lebègue. - Messieurs, quoi qu’en dise l’honorable préopinant, il est certain qu’en vertu du principe même qui fixe les droits des électeurs, il faut tenir compte ici de la différence qui existe entre les deux provinces. Nous pouvons à ce sujet partir avec certitude des dispositions contenues dans la loi électorale ; on y trouve 23 députés envoyés au corps législatif par la Flandre occidentale, 27 par la Flandre orientale. Or cette proportion, établie sur la population, est-elle gardée relativement à la présentation des conseillers à la cour d’appel ? On ne saurait en douter, d’après la simple position de la règle proportionnelle suivante : 8 est à 10 comme 23 est à 28 plus une fraction. Ce qui égale de très près le nombre des députés, 23 d’un côté, 27 de l’autre ; tandis que si sous adoptez le chiffre de 9 contre 9, vous trouverez que si la Flandre occidentale n’a que 23 députés, la Flandre orientale n’en devrait également avoir que 23 au lieu de 27, ou bien diviser également entre les deux provinces le nombre total de tous leurs députés.

M. de Roo. - Messieurs, la proportion entre les deux provinces, d’après la proportion de la population, n’est pas de 8 à 10, mais de 9 à 10. On a invoqué la loi électorale, mais on n’a pas dit que dans cette loi, pour arriver au nombre exact des députés, il a fallu négliger une fraction de 20,000 âmes. Il ne s’agit d’ailleurs ici, comme on vous l’a fait remarquer que de deux provinces, et si vous accordez l’avantage à Gand, la Flandre orientale l’emportera toujours, et vous n’aurez jamais un président ou un vice-président appartenant à la Flandre occidentale.

M. Mary. - Je crois, messieurs, que l’un des éléments à consulter est la population, mais que ce n’est pas le seul, et à cet égard, je ne peux qu’appuyer l’amendement présente par l’honorable M. Devaux. Il existe une différence entre la population de la Flandre orientale et celle de la Flandre occidentale ; la différence est au préjudice de cette dernière ; je le sais, mais il est à remarquer que vous avez placé la cour à Gand. Or les présentations ne se feront pas seulement par les états provinciaux, mais encore par la cour. Il est bien certain que cette dernière sera toujours portée pour se compléter à choisir parmi les membres du barreau, qu’elle connaîtra, les ayant sans cesse sous les yeux ; et il est évident que son choix sera fait au préjudice de la Flandre occidentale ; le moins que vous puissiez faire pour balancer ces désavantages, c’est de donner un nombre égal de nominations aux deux provinces.

M. H. de Brouckere. - Je ne viens ni appuyer ni combattre l’amendement de M. Devaux ; mais je vais vous soumettre deux observations, qui pourront peut-être calmer les inquiétudes des préopinants.

De ce que le conseil d’une province a un plus grand nombre de présentations à faire qu’un autre conseil, ii ne s’en suit pas nécessairement qu’il y aura toujours à la cour un plus grand nombre de conseillers de cette province. En effet, lorsqu’un conseiller vient à mourir, ce n’est point la province à laquelle il appartenait qui a droit à la présentation, mais celle dont le tour est arrivé, d’après l’ordre établi par l’article que nous discutons ; ainsi, si la mortalité est plus grande parmi les conseillers de la Flandre orientale, par exemple, il pourra très bien arriver que la Flandre occidentale ait à la cour un plus grand nombre de membres. Il est à remarquer, en second lieu, que le roi peut nommer un des candidats présentés par la cour, et la cour n’est pas tenue à prendre ses candidats dans une province plutôt que dans une autre, de manière qu’en résultat la proportion à établir ici entre ces provinces n’est pas aussi importante qu’on semble le penser.

M. Devaux. - Ce que vient de dire M. de Brouckere prouve précisément en faveur de mon amendement ; car dans le cas de décès des conseillers de l’une ou l’autre province, le hasard sera toujours entre elles dans le rapport de 8 à 10, et comme l’a dit M. Mary, la cour elle-même concourant à la présentation des candidats, les chances seront toujours pour la Flandre orientale. En accordant un nombre égal de présentations, tout sera égal entre les deux provinces, il n’y aura plus pour l’une d’elles d’influence exclusive.

M. Gendebien. - Je demande aussi, messieurs, que les nominations doivent être faites en nombre égal par les deux provinces ; si les membres de la cour de Gand étaient en nombre pair, je crois qu’il y aurait justice d’accorder une nomination de plus à la Flandre orientale ; mais le nombre étant pair, il n’est pas possible de lui en attribuer moins de deux de plus, et la différence est trop forte. Songez que déjà la ville de Bruges, qui cependant avait quelques droits, a été déshéritée du privilège d’être le siège de la cour. Ne faisons pas une seconde injustice à son détriment. L’équité exige que les deux provinces aient un nombre égal de nominations, ce sera encore un moyen d’éteindre les rivalités existantes entre les deux provinces.

M. Lebègue. - Il ne s’agit par seulement d’une différence de vingt mille âmes, comme on l’a dit, mais de quatre fois quarante mille âmes, si on s’en rapporte à l’amendement qu’on vous propose, et qu’on abandonne les bases qui ont servi à la loi électorale. J’ajoute que la rivalité dont on parle n’existe que dans l’imagination des orateurs qui vous en ont entretenu.

M. le président. donne une nouvelle lecture de l’amendement de M. Devaux.

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.


On passe à la troisième partie de l’amendement de M. le ministre de la justice, relative à la cour de Liége ; cette troisième partie est adoptée sans réclamation.


M. Devaux. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je voudrais savoir si on a l’intention de faire ce qu’on a fait par cet article. Il me semble que ceci doit être fait pour la première nomination. Mais je crois que dans la suite quand le conseiller appartenant a une province sera décédé, la nomination devra appartenir à cette province. (Non ! non !) Sans cela, il est tout à fait inutile de séparer ainsi les dispositions de cet article.

Par exemple, on accorde à la province d’Anvers six nominations ; si un des conseillers de la province meurt, il faudra que la nomination soit faite par elle. (Nouveau signe de dénégation.) Je conçois que pour la première fois cela se passe ainsi ; mais pour les nominations subséquentes, je ne le conçois pas. Je demande donc si la section centrale a eu des motifs pour régler ainsi les choses.

M. Leclercq. - Il me semble que le préopinant a raisonné dans un tout autre esprit que celui de l’article et de la constitution. Il semblerait résulter de son raisonnement que la constitution a eu pour but de faire administrer la justice par voie de représentation ; or, ce n’est pas l’esprit de la constitution. D’abord la première pensée du congrès et de la section centrale avait été de charger, les corps judiciaires de faire eux-mêmes les présentations ; on les considérait comme les plus capables de faire les meilleures présentations. Cependant, après mûre réflexion, on a craint l’esprit de népotisme, on a pensé que si un tribunal était mauvais, ses présentations seraient mauvaises, et pour corriger cet abus possible, on a conféré au sénat et aux conseils provinciaux le droit de faire les présentations. Il résulte de là que l’on ne doit pas diviser les nominations, de manière que toujours chaque province ait le même nombre de conseillers.

M. Devaux. - Le préopinant fait le procès à la loi elle-même, car quel besoin avions-nous de déterminer le nombre de places pour chaque province si ce nombre ne doit pas toujours être le même ? Remarquez ce qui va arriver s’il en est autrement. Vous voulez que le Hainaut ait huit nominations parce que votre intention est que la représentation de cette province soit plus considérable que celle des autres. Supposez maintenant qu’il meure quatre ou cinq conseillers nommés par le Hainaut : cette province se trouvera peut-être dix ans, peut-être davantage, avec trois conseillers. Est-ce là ce que vous avez voulu ?

M. Jaminé. - M. le président, quel article discutons-nous ?

M. le président. - Nous ne discutons sur rien, l’article est adopté, et il n’y a aucune proposition de déposée. (On rit.)

M. Devaux. - Nous discutons sur quelque chose, puisque j’ai demandé en quel sens on avait entendu l’article. Du reste, je vais rédiger une proposition.

M. Van Innis. - Je ferai remarquer que la constitution donne la nomination au roi et que les conseils provinciaux n’ont que le droit de présentation. Or il ne s’agit pas maintenant de la nomination des conseillers, mais de la présentation des candidats.

Est-il possible d’astreindre les conseils provinciaux à ne présenter que des candidats appartenant à la province ? Non sans doute, car sans cela il faudrait aussi astreindre le roi à nommer toujours les candidats de la province qui manquerait de conseillers. Il faudrait encore astreindre les conseils provinciaux à ne présenter que des candidats de leur province. Or ce n’est pas, je crois, ainsi qu’on peut l’entendre. (Aux voix ! aux voix !)

M. Vergauwen. - Aux voix : sur quoi ? Sur rien.

M. Devaux. - Je n’ai pas eu le temps de rédiger une proposition, je la rédigerai plus tard, on peut passer outre.

M. Leclercq. - Plus tard on aura perdu de vue la discussion.

M. Devaux. - Chaque membre de la chambre a le droit de faire telle proposition additionnelle que bon lui semble.

M. Leclercq. - Je le sais, mais comme la discussion était ouverte maintenant sur ce point, et qu’elle est close (Elle n’est pas close !), faire une proposition demain, c’est faire une chose tout à fait inutile.

M. Devaux. - La chambre jugera.

M. le président. - Il faut voter sur l’ensemble de l’article 36.

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Articles 37 à 42

« Art. 37. Lorsqu’une place de président ou de conseiller devient vacante, il est procédé à la formation de la liste de présentation ou à la nomination, suivant le mode établi par les articles 7, 8, 10 et 14. »

- Adopté.


« Art. 38. Le procureur-général et les conseils provinciaux observent, chacun en ce qui les concerne, les dispositions des articles 9, 11 et 12. »

- Adopté.


« Art. 39. Les listes de présentation sont rendues publiques conformément à l’article 13. »

- Adopté.


M. le président. - Les articles 40, 41 et 42 ont déjà été votés.

Articles additionnels

M. le président. - Il y a deux amendements présentés par M. Bourgeois, qui a la parole pour en développer les motifs.

M. Bourgeois. - Messieurs, en revoyant le projet de loi proposé par la section centrale, j’ai cru m’apercevoir d’une lacune qu’il sera besoin de remplir, tant au titre II des cours d’appel qu’au titre Ier de la cour de cassation.

C’est pour y parvenir, que j’ai l’honneur de proposer à la chambre les deux articles additionnels suivants.

Le premier à placer à la fin du titre II de l’appel, ainsi conçu :

« Les questions d’état et autres qui, aux termes des articles 22 du décret du 30 mars 1808 et 7 de celui du 6 juillet 1810, doivent être jugées par deux chambres réunies, le seront par une seule chambre au nombre complet de sept membres.

« En cas d’empêchement légitime d’un ou de plusieurs des membres dont cette chambre se compose, ou si le nombre des membres dont elle est composée, était inférieur à celui de sept, cette chambre sera complétée par des conseillers d’une autre chambre, à la désignation du premier président. »

Le deuxième article additionnel à placer au titre Ier de la cour de cassation serait ainsi conçu :

« Les pourvois en cassation contre des arrêts rendus dans les cas prévus par l’article … de la présente loi, seront jugés par la chambre civile au nombre complet de neuf membres.

« En cas d’empêchement légitime d’un ou plusieurs des membres dont elle se compose, cette chambre sera complété par d’autres conseillers, à la désignation du premier président. »

Dans le système de la loi d’organisation judiciaire que nous discutons, les lois et décrets antérieurs, relatifs à la matière, restent provisoirement en vigueur.

L’article 22 du décret du 30 mars 1808 statue que les contestations sur l’état-civil des citoyens et les prises à partie (autres s’entend que celles contre une cour ou un tribunal entier ou contre l’une de leurs chambres qui appartiennent directement à la cour de cassation) seront portées aux audiences solennelles, composées des deux chambres réunies.

Cet article porte la même disposition pour les renvois après cassation d’un arrêt, mais il ne s’en agit pas dans les articles additionnels que je propose, attendu que par l’article 22 du projet la chambre a déjà décidé qu’en ce cas les cours d’appel jugeraient par deux chambres réunies.

Mais en ce qui concerne les questions d’état et les prises à partie, si l’on s’en tient au prescrit dudit article 22 du décret de 1808 sans y porter altération, il en résultera que dans nos cours d’appel, les contestations en ces matières devront dès prime-abord être portées devant deux chambres réunies, composées de onze membres au moins, puisqu’il a été admis que chaque chambre devait juger au nombre fixe de cinq conseillers.

S’il y a pourvoi en cassation contre un arrêt de cette espèce, il devra être porté devant la cour de cassation, soit devant la chambre civile seule, soit devant les chambres réunies. Les lois antérieures ni même les commentateurs que j’ai presque tous consultés, ne disent rien de ce qui se pratique à cet égard à la cour de cassation de France.

Mais dans l’une comme dans l’autre supposition j’y vois le même inconvénient en Belgique, par le nombre restreint des membres dont notre cour de cassation est composée.

Si le pourvoi doit être porté devant une seule chambre jugeant au nombre fixe de sept, il en résultera que sept conseillers connaîtront du pourvoi contre un arrêt rendu par onze conseillers en appel, ce qui ne paraît pas rationnel.

Si, au contraire, le pourvoi doit être porté devant les chambres réunies de la cour de cassation, il en résulte que quinze membres au moins devront en connaître, et qu’ainsi dans la supposition d’un second pourvoi contre un second arrêt d’appel après cassation du premier, la cour de cassation devra en connaître une seconde fois chambres réunies, et qu’il ne restera tout au plus, en admettant que le nombre des membres de la cour fût complet et aucun légitimement empêché, qu’il ne restera, dis-je, que quatre membres qui n’auront pas déjà connu de l’affaire et qui pourraient se joindre aux quinze premiers.

Cet inconvénient ne se présente pas en France, où la cour étant composée de 48 membres et un premier président, et où, en supposant que la première fois les deux chambres réunies eussent connu de l’affaire à la plénitude des membres qui les composent et ainsi au nombre de trente-deux, il reste encore dix-sept membres pour juger toutes les chambres réunies

La lacune que je signale avait été prévue lors de l’arrêté du 9 avril 1814 sur la cassation provisoire.

Le respectable auteur de cet arrêté avait codifié les dispositions du décret du 30 mars 1808 en ce sens :

« Art. 8. Les questions d’état et autres qui doivent être jugées par deux chambres réunies le seront désormais par une seule chambre, renforcée de deux juges à la désignation du premier président. »

« Art. 9. Les pourvois en cassation contre les arrêts rendus dans le cas et d’après le prescrit de l’article précédent seront portés devant les deux autres chambres civiles, renforcées de deux juges à la désignation du premier président comme ci-dessus.

« En cas de cassation, ces deux mêmes chambres ainsi renforcées jugeront de nouveau le fond par un nouvel arrêt, et sans recours ultérieur en cassation. »

Il est évident, messieurs, que dans le nouveau système la cour de cassation ne connaissant plus du fond le grand nombre des juges qu’exigeait ce dernier article, n’est plus aucunement requis.

Je pense ainsi avoir atteint le même but et le même renforcement relatif de juges nécessaires pour connaître de ces genres d’affaires, par les dispositions additionnelles que j’ai l’honneur de proposer.

En vain m’objectera-t-on que les chambres n’ayant pas admis une chambre des requêtes, les arrêtés de 1814 et 1815 relatives aux pourvois devant les cours d’appel, ne seront pas abrogés, comme le propose l’article 57 du projet.

J’admets que ceci peut être vrai quant à la forme de la procédure à suivre en cassation, et que l’on sera obligé de substituer à cet égard audit article un règlement calqué en quelque sorte sur les formes de procédures prescrites par ces arrêtés.

Mais je ne peux l’admettre en ce qui concerne la compétence relative des chambres en cassation pour juger de divers pourvois : cette partie exige, me paraît-il, des dispositions positives nouvelles qui doivent faire partie de la loi que nous discutons.

M. Destouvelles. - Les articles additionnels présentés par l’honorable préopinant forment tous un système nouveau sur lequel il serait fort dangereux de se décider sans un mûr examen. Je demande l’impression non seulement des deux articles, mais encore des motifs dont on les a accompagnés.

M. Bourgeois. - Je ne m’oppose pas à ce qu’on les examine avant de les discuter ; ils seront demain dans le Moniteur.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, il me semble que les deux articles s’écartent tellement du projet et du but que nous nous proposons en le discutant, que je crois parfaitement inutile d’en ordonner l’impression.

Dans le système du projet, on a seulement l’intention de pouvoir aux lacunes que nos nouvelles institutions avaient opéré dans la législation existante. Les seules questions propres à mettre nos codes en harmonie avec la constitution ont dû être examinées et toutes les autres laissées à l’écart. Je sais que les articles de l’honorable M. Bourgeois méritent toute l’attention de la représentation nationale, mais par cela même, ce n’est pas aujourd’hui le moment de nous en occuper, car tout le monde a reconnu qu’il était impossible de cette session de s’occuper de la révision de la législation.

De quoi s’agit-il dans les articles proposés ? De savoir comment se composeront les chambres des cours appelées à juger les questions d’état. Mais, messieurs, la loi actuelle y a pourvu ; on ne peut porter la main sur ses dispositions. Nous devons les respecter et nous borner à combler les lacunes de notre législation là où il en existe. Je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour.

M. Bourgeois. - Je conviens, messieurs, que le cas est prévu par les décrets existants, et si ma proposition devait toucher en rien au fond de la chose, certainemenM. d'Elhoungne aurait raison de demander qu’elle fût écartée par l’ordre du jour. Mais ma proposition n’a pour but que de faire marcher le projet avec la composition restreinte de nos cours d’appel et de la cour de cassation. Il est bien certain, comme je l’explique dans mes motifs, qu’il est rationnellement impossible de faire marcher la composition actuelle de nos cours, quand il s’agira de questions d’état, avec les décrets existants. Je pense donc que l’honorable M. d'Elhoungne a mal compris le but de ma proposition, et la chambre reconnaîtra, j’espère, qu’elle ne doit pas être écartée par l’ordre du jour.

M. d’Elhoungne. - Puisque la proposition de l’honorable membre est motivée sur l’insuffisance du personnel des cours composées d’après le projet actuel, je retire ma motion. (L’impression ! l’impression i)

- Une voix. - Ces articles seront dans le Moniteur.

M. Leclercq. Il faudrait les faire imprimer à part, car le Moniteur ne nous parvient souvent qu’à 11 heures.

M. le président. - Les articles seront imprimés à part.

Des tribunaux

M. le président. - La discussion est ouverte sur le titre III du projet, intitulé : Des tribunaux.

Article 43

« Art. 43. La circonscription des tribunaux de première instance et de commerce, ainsi que celle des justices de paix et des tribunaux de simple police actuellement existants, sont maintenues jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu, lors de la révision des lois sur l’organisation judiciaire. »

M. le président. - M. C. Rodenbach propose sur cet article : « Le nombre et les sièges des tribunaux de première instance, de commerce et des justices de paix, ainsi que leur circonscription respective, seront fixés par une loi, à porter dans la prochaine session législative. »

M. Dewitte en propose un autre en ces termes : « Les tribunaux de première instance, de commerce, des justices de paix et de simple police, actuellement existants, et leur circonscription actuelle, sont provisoirement maintenus. »

M. de Terbecq. - Je demande la parole pour combattre la proposition de M. Rodenbach.

- Plusieurs voix. - Laissez-le développer son amendement.

M. C. Rodenbach. - Des motifs d’intérêt public m’ont engagé à vous présenter, conjointement avec mon honorable ami Eugène Desmet, une nouvelle disposition pour remplacer l’article 43 du projet.

Je crois devoir appeler l’attention de la chambre sur la nécessité de ne pas trop retarder la circonscription des tribunaux. Cette nécessité se fait particulièrement sentir dans le district de St-Nicolas où les justiciables, pour se rapprocher de leurs juges, sont obligés de parcourir, par des routes impraticables, de très grandes distances.

La ville de Termonde, située à l’extrémité de la juridiction du pays de Waes, est adossée au Brabant, et se trouve par là très éloignée des polders dont les communications avec le chef-lieu d’arrondissement judiciaire sont difficiles, et ne peuvent se faire qu’à grands frais.

La population du pays de Waes, dont la ville de St-Nicolas est le point central et le chef-lieu, s’élève à 112 mille âmes.

L’étendue des transactions commerciales et civiles de ce pays, la fraude exercée sur la ligne, les frais énormes pour le trésor public dans les affaires criminelles et correctionnelles, sont, messieurs, autant de considérations qui doivent porter la législation à consacrer promptement le principe de quatre arrondissements judiciaires dans la province de la Flandre orientale.

La ville et le district de St-Nicolas sont en instance depuis quinze ans, pour réclamer le tribunal qui leur a été injustement enlevé. Il est temps de réparer dans ce pays les pertes essuyées par la révolution, et d’accorder les avantages promis par le nouvel ordre de choses.

Je pense donc qu’il importe qu’on nous présente une loi sur la circonscription judiciaire dans la session prochaine. C’est un grief qu’il faut faire cesser de suite, si on ne veut faire violence au principe de justice distributive. Attendre, messieurs, l’exécution du traité des 24 articles, de la part du roi Guillaume, c’est renvoyer la circonscription des tribunaux aux calendes grecques.

M. Dewitte. - Je demande la parole pour développer aussi mon amendement. Messieurs, il est connu de tous les membres de la chambre qu’un grand nombre de demandes lui ont été adressées pour l’établissement de nouveaux tribunaux ou pour de nouvelles circonscriptions. Toutes ces demandes, à mesure qu’elles ont été reportées, ont été renvoyées, par la chambre, à M. le ministre de la justice, non pas pour qu’il mît à l’écart et n’en tînt aucun compte, mais au contraire pour qu’il en fît l’objet d’un sérieux examen, et pour qu’il les prît en grande considération quand le temps serait venu.

Ces demandes ne sont pas des demandes de faveur, mais des demandes de justice. Il est probable que plusieurs d’elles seront trouvées assez bien fondées pour être accueillies. Si aujourd’hui vous maintenez définitivement les tribunaux actuellement existants, vous vous interdisez de faire droit à ces demandes, parce que vous ne pourrez pas revenir sur la composition des tribunaux ni sur leur circonscription ; et si vous vouliez y revenir, on vous arrêterait en vous disant que tout cela a été définitivement fixé par l’article 43.

M. H. de Brouckere. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

M. de Terbecq. - Laissez-moi répondre à M. Rodenbach. (Hilarité.)

M. H. de Brouckere. - Ma motion d’ordre mettra fin à tout ce débat, et je la justifiera d’un seul mot. Insérer dans la loi, comme on le propose, qu’à la session prochaine on fera une loi pour régler la circonscription des tribunaux, est chose tout à fait inutile, car il dépendra toujours de nous de faire ou de ne pas faire la loi. D’ailleurs, nous ne sommes pas seuls pour faire les lois, il faut aussi le concours du sénat, celui du pouvoir exécutif, et nous ne pouvons les lier eux, quand même nous pourrions nous lier nous-mêmes. Je demande donc que la chambre passe à l’ordre du jour. (Appuyé !)

M. Destouvelles. - La question préalable !

M. de Terbecq. - M. le président, j’ai demandé la parole.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole. (C’est inutile ! La question préalable !)

M. le président. - M. le ministre a la parole.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne sais pas, messieurs, s’il y a lieu à adopter la question préalable, mais je sais bien que l’on ne peut déterminer dans la loi l’époque fixe à laquelle pourra se faire la circonscription des tribunaux ; mais je trouve que l’article 43 va trop loin en postposant la circonscription à la réorganisation judiciaire. Il me semble que cet article devrait se borner à dire : « La circonscription, etc., sont maintenus jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu. » (Appuyé ! appuyé ! La clôture !)

M. d’Elhoungne. - Je demande la parole. (Aux voix ! La motion d’ordre !)

M. le président. - Si on ne va pas aux voix sur la motion d’ordre, la parole est à M. de Terbecq. (Aux voix ! aux voix !)

- La question préalable sur les amendements de MM. Rodenbach et Dewitte est mise aux voix et adoptée.


M. d’Elhoungne. - Messieurs, je partage l’opinion de M. le ministre de la justice sur le danger quil y aurait à subordonner la circonscription des tribunaux de première instance à l’organisation judiciaire, mais je crois que la propositions de M. le ministre de terminer l’article par ces mots : « jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu » est sans objet, car il dépendra toujours de la législature de faire ou de ne pas faire de loi sur cette matière.

Je voudrais à mon tour donner une autre rédaction à l’article. Il est à la connaissance de la chambre que lorsque le gouvernement hollandais voulut proscrire la langue française, il publia des arrêtés qui bouleversèrent totalement la circonscription de certains tribunaux et cela en haine de la langue française. Les arrondissements furent morcelés de manière à porter le plus grand préjudice à l’administration de la justice, et par conséquent aux justiciables.

Ce qui est arrivé dans la province de Brabant, fournit un exemple frappant à l’appui de ce que j’avance ; on détacha de l’arrondissement de Louvain des communes qui n’en étaient qu’à deux lieues de distance, pour les réunir à l’arrondissement de Nivelles. Il en résulte que les justiciables de ces communes doivent traverser Louvain, et la ville de Bruxelles pour se rendre à Nivelles, c’est-à-dire qu’ils sont obligés, pour aller trouver leur justice, de faire huit ou dix lieues, tandis qu’ils pourraient la trouver à Louvain, c’est-à-dire à deux lieues de leur domicile. Il en est arrivé de même pour des communes que l’on a détachées de la justice de paix de Tirlemont pour les réunir au canton de Jodoigne ; les habitants de ces communes aussi, sont obligés de traverser pendant 8 mois de l’année la ville de Louvain, pour se rendre à Nivelles, parce que, pendant huit mois, les autres chemins qu’ils pourraient prendre sont impraticables.

Cet ordre de choses a excité un grand nombre de réclamations. Vous en avez vu passer sous vos yeux un grand nombre du temps du congrès national. Je pense que le moment est venu d’y faire droit, et de faire cesser un état de choses forcés, résultat de l’injustice de l’ancien gouvernement, et qui n’a pas été une des moindres causes de la révolution. Voici l’amendement que j’aurai l’honneur de proposer :

« La circonscription des tribunaux civils et de commerce, ainsi que des justices de paix et des tribunaux de police actuellement existants, est maintenue.

« Néanmoins, à partir du 1er janvier prochain, les justices de paix et les arrondissements dont la circonscription a été modifiée depuis le 1er octobre 1822, seront rétablis tels qu’ils existaient à cette date. »

Par là, messieurs, se trouvera rétabli un ordre de choses qui avait existé pendant 23 ans sans donner lieu à aucune plainte, et on répondra aux réclamations nombreuses qui se sont élevées.

- Plusieurs membres. - Je demande la parole !

D’autres membres. - Mais d’abord l’amendement est-il appuyé ?

M. le président. - Y a-t-il cinq membres qui appuient l’amendement ?

- Personne ne se lève.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole.

- Plusieurs voix. - C’est inutile, l’amendement n’est pas appuyé.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande à dire un mot.

M. Jaminé. - Est-ce comme ministre ou comme député ?

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ce sera comme vous voudrez, vous avez la police de l’audience.

M. le président. - M. le ministre à la parole.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, il est incontestable qu’il y a des améliorations à opposer dans la circonscription des tribunaux ; aussi ai-je dès longtemps demandé des renseignements pour pouvoir faire et vous présenter un tableau général des circonscriptions. Plusieurs de ces renseignements me sont parvenus, d’autres m’arriveront prochainement, et j’aurais bien, j’espère, le moyen de vous présenter le tableau. J'ai déjà fait remarquer précédemment qu’il était impossible de faire la circonscription avant l’adoption définitive des 24 articles, parce qu’il est certain qu’après cette adoption il eût fallu nécessairement modifier la circonscription. Je crois donc qu’à la prochaine session, il sera possible de vous présenter un projet de loi sur ce point.

M. Devaux. - Messieurs, je voudrais savoir ce que nous votons en adoptant cet article, et ce qui arrivera si plus tard on divise en deux certaines arrondissements. Vous savez que d’après la constitution un juge ne peut pas être déplacé sans son consentement. Je voudrais que la section centrale nous donnât quelques explications à cet égard.

Je ne peux m’empêcher d’exprimer le regret que j’éprouve de voir que toujours en tout nous ne faisons que du provisoire, nous faisons aujourd’hui du provisoire dans les tribunaux de première instance, cela va nous entraîner dans un autre provisoire encore, pour l’organisation provinciale, parce que vous savez qu’on se propose de faire que les arrondissements administratifs soient les mêmes que les arrondissements judiciaires. Ainsi nous aurons des arrondissements administratifs et des arrondissements électoraux provisoires.

Je sais bien qu’il était impossible de faire du définitif pour deux provinces, mais on aurait pu en faire l’objet d’une disposition particulière et régler définitivement la circonscription des arrondissements dans toutes les autres. J’aurais encore préféré une circonscription définitive même un peu vicieuse à un provisoire qui finira on ne sait quand.

M. Destouvelles. - Messieurs, dans aucune province, les travaux préparatoires pour la circonscription des arrondissements ne sont achevés. Ce ne sont pas seulement les provinces du Limbourg et du Luxembourg qui ne peuvent pas, à cause de leur position particulière, voir circonscrire leur arrondissements, mais toutes les autres sont dans le même cas. Les embarras peuvent être moindres, mais ils existent. Il est impossible de nous en tirer pour le moment si nous voulons ménager les vrais intérêts de la justice et des justiciables.

Quant à la question du déplacement des juges, soulevée par l’honorable M. Devaux, dans le cas où un arrondissement serait divisé pour en former deux, je n’hésite pas à la résoudre affirmativement. Sans doute, d’après la constitution vous ne pouvez pas déplacer un juge de son siège tant que ce siégé existe ; mais vous avez le droit par une loi de supprimer un tribunal, et dans ce cas, il faut bien qu’un juge se déplace s’il veut être employé.

Quant au changement de rédaction proposé par M. le ministre de la justice, je n’y vois pas d’inconvénient.

M. le président. - Voici un nouvel amendement de M. Dewitte, d’après lequel l’article 43 serait ainsi conçu :

« Les tribunaux de première instance, de commerce, de justice de paix et de simple police, actuellement existants, et leur circonscription actuelle, sont provisoires maintenus. »

M. Dewitte. - Vous voyez que j’ajoute un seul mot, le mot « provisoirement, » pour éviter toute équivoque. (Aux voix ! aux voix !)

Je demande à ajouter deux mots pour développer mon amendement (bruit), deux mots seulement. J’ai voulu rédiger ainsi l’article, parce qu’il me semble que de la rédaction de l’article de la section centrale, on pourrait induire que la circonscription seule est provisoire et que les tribunaux eux-mêmes ne le sont pas.

M. Bourgeois. - Est-ce qu’on entend que le personnel des tribunaux est aussi provisoire ?

- Voix nombreuses. - Non ! non !

M. Destouvelles. - C’est précisément pour établir une distinction entre le personnel des tribunaux et leur circonscription que l’article a été rédigé ainsi.

M. Leclercq. - Le mot « provisoirement » est inutile si on ajoute à l’article, « jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu. »

M. Dewitte. - Si on ajoute ces mots à l’article, je consens à ce qu’on supprime le mot « provisoirement ». Je me rallie sous ce rapport à l’amendement de M. le ministre de la justice. (La clôture ! la clôture !)

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

L’amendement de M. Dewitte est ensuite mis aux voix et rejeté.

L’article 43, avec l’amendement de M. le ministre, est mis aux voix.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ces messieurs qui ont présenté des amendements ont craint qu’on ne maintînt définitivement les tribunaux existants ; on pourrait ajouter à l’article ces mots : « le siège des tribunaux et leur circonscription. »

M. d’Elhoungne. - Il y a clôture, tout est consommé.

- L’article 43 est adopté.

La séance est levée à quatre heures un quart.