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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 décembre
1832
Sommaire
1) Motion d’ordre relative au mode de discussion
du budget de l’Etat (Verdussen)
2) Projet de loi relatif à l’impôt des
distilleries (Duvivier, d’Elhoungne,
Duvivier, A. Rodenbach, de Theux, de Brouckere, A. Rodenbach)
3) Nomination des commissions permanentes de
l’industrie et des finances (Dumortier, A. Rodenbach, Milcamps, Jullien)
4) Vérification des pouvoirs des membres
nouvellement élus. Elections contestées de Liége (Marcellis,
Kauffman) (Milcamps, Jullien, Nothomb)
(Moniteur belge
n°340, du 8 décembre 1832)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Jacques
fait l’appel nominal à une heure. La séance est ouverte.
M. Dellafaille Donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
- M. Berger, proclamé membre de la chambre dans l’une
des séances précédentes est admis à prêter serment.
M. Dams.
- Je suis dans la nécessité de faire une absence assez longue, je prierai la
chambre de m’accorder un congé jusqu’à la première séance de janvier.
- Le congé est accordé.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU MODE DE DISCUSSION DU
BUDGET DE L’ETAT
M. Verdussen.
- Les développements concernant le budget des voies et moyens vous ont, sans
doute, été remis ainsi qu’à moi ; je pense qu’il serait convenable,
conformément à l’article 52 du même règlement, que la discussion sur ce budget
fût ouverte dans toutes les sections à la fois, afin qu’une partie du travail
fût terminée avant la fin de cette année.
Si nous sommes obligés d’entrer dans la nouvelle année
avec des crédits provisoires, ce sera une calamité que je voudrais qu’on pût
éviter. Je voudrais, en outre, que les sections ne s’occupassent pas du budget
de la guerre sur le pied de paix ; c’est un travail tout à fait oiseux.
Maintenant, je demanderai que le budget concernant
l’armée sur le pied de guerre soit renvoyé à une commission, parce que
plusieurs personnes, dans les sections, n’ont pas des notions suffisantes pour
prendre part à sa discussion. L’année dernière ce budget fut renvoyé à une
commission spéciale, et l’on s’en est bien trouvé.
M. le président.
- Tous les budgets sont compris dans un même projet de loi ; on ne peut les
séparer. (C’est vrai ! c’est vrai !)
PROJET DE LOI RELATIF A L’IMPOT DES DISTILLERIES
M. le ministre des finances (M. Duvivier) prend la parole et s’exprime en ces termes. -
Messieurs, le 30 mai 1831, l’honorable M. Charles de Brouckere, alors ministre
des finances, présenta au congrès national un projet de loi sur les
distilleries qui avait été conçu et préparé dans une assemblée générale des
distillateurs élus dans les différentes provinces ; il y joignit une note
expliquant l’origine et les motifs de ce projet.
Plus tard, une commission de révision créée par arrêté
du 21 octobre 1831 (Bulletin officiel,
n°111) revit le projet, et en adopta un autre que cette même commission ne
jugea pas ensuite remplir le but qu’elle s’était proposé.
Le 1er juin 1831, l’honorable M. Coghen, en sa qualité
de ministre des finances, reproduisit à votre assemblée ce projet des
distillateurs avec un exposé des motifs de cette reproduction.
Enfin, au mois de juillet 1832, un comité de membres
de la chambre des représentants y présenta un autre projet de loi qui fut
renvoyé immédiatement à une commission dont le rapport vous fut présenté à la
fin de la dernière session en séance du 13 juillet 1832.
La chambre se sépara sans
avoir mis aucun de ces projets en discussion.
Dans une séance récente de la session actuelle, un
honorable membre s’est cru fondé à jeter sur l’administration des reproches de
ce que ces projets étaient demeurés sans suite. J’ai dû démontrer alors que
l’administration ni le ministère n’étaient point la cause de ce retard.
Mais, pressé aujourd’hui par des distillateurs de
faire à la chambre une proposition expresse, afin qu’il lui plaise de mettre en
délibération les projets dont elle se trouve saisie, j’ai l’honneur de vous
demander, messieurs, de décider d’abord auquel des deux projets vous jugez
devoir donner la priorité, et de fixer ensuite le jour auquel celui qui aura
obtenu cette priorité sera mis en discussion.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, les faits que M. le ministre des
finances vient de rappeler sont exacts ; mais je crois que la proposition qu’il
vient de faire de mettre ex abrupto, en délibération, la question de priorité
sur deux projets dont la chambre se trouve encore saisie, ne peut être adoptée.
En voici deux raisons :
C’est d’abord que la plupart des membres qui composent
la chambre ont perdu de vue le rapport qui a été présenté, pendant la session
dernière, par la commission ad hoc ; dès lors la chambre déciderait en quelque
sorte aveuglément.
En second lieu, on doit remarquer que la chambre a
subi des modifications importantes dans son personnel. Nos nouveaux collègues
n’ont aucune connaissance du projet ; je demanderai qu’au lieu de mettre en
délibération la question de priorité, la chambre décide que la commission
reproduira son travail, lequel sera imprimé et distribué, et qu’ensuite la
chambre fixera le jour de la délibération.
Le moyen d’aller rapidement est de mettre la chambre
en état de décider.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) - J’appuie en
tout point les observations présentées par M. d’Elhoungne. Je n’ai pas entendu
que la chambre procédât plus rapidement qu’elle ne veut aller ; je demande
seulement qu’elle prenne les projets de loi en considération. J’ai voulu céder
aux différentes démarches faites près de moi par des distillateurs distingués,
et prouver que le ministère n’a rien tant à cœur que de régler les intérêts
nationaux. Pour ma part, j’y concourrai de mes faibles lumières.
M. A. Rodenbach. - Je suis satisfait de ce que vient de dire M. le
ministre des finances. Je ne le suis pas également de ce qu’il a dit dans une
précédente séance. Le Moniteur a
rapporté les paroles de M. Duvivier, et n’a pas reproduit ce que j’avais
répondu ; je me plains de l’infidélité du Moniteur
à cet égard.
Quant à la manière dont le projet de loi de M. de
Brouckere a été préparé, on sait qu’on a appelé près de l’administration un
distillateur par arrondissement. Il y a des arrondissements qui comptent
jusqu’à 400 distillateurs.
En tout 40 distillateurs furent entendus.
Le ministre et M. Duvivier étaient présents : ils
prirent des notes ; et, avec les observations des distillateurs et les
dispositions de l’ancienne législation, on a fait un
pot-pourri que l’on a appelé loi de Brouckere ou loi des distillateurs ; mais
cette dernière dénomination n’est pas exacte.
M. de Theux. - Si le ministère ne s’oppose pas à ce qu’on donne
la priorité au projet de la commission, il n’y a aucune objection à faire ;
mais s’il persiste dans la proposition du gouvernement, comme l’initiative
appartient au gouvernement, on doit délibérer sur ce projet. C’est une question
constitutionnelle importante que l’on ne doit pas perdre de vue. Lorsque la
chambre a pris l’initiative dans la proposition d’un projet de loi, le
gouvernement ne peut paralyser cette initiative ; réciproquement, lorsque le
gouvernement a pris l’initiative, la chambre ne peut paralyser ce droit en
laissant de côté la proposition ministérielle.
M. H. de Brouckere. - Il s’agit de savoir si nous voulons entendre de
nouveau le rapport de la commission ; voilà la question à décider actuellement.
Quand nous aurons entendu ce rapport nous verrons à quel projet il fait
accorder la priorité. Je le répète, la question est uniquement de savoir si
nous voulons adopter la proposition de M. d’Elhoungne que, quant à moi,
j’approuve, ainsi que l’a fait M. le ministre des finances. (Appuyé ! appuyé !)
M. A. Rodenbach. - La commission a examiné le projet ministériel ; elle a examiné
également le projet élaboré par plusieurs membres de cette assemblée ; la
commission s’est emparée des deux projets ; M. d’Elhoungne a fait un rapport.
Ainsi, on ne s’est dessaisis ni de l’un ni de l’autre des projets. (C’est juste ! c’est juste !)
- La chambre, consultée, adopte la proposition de M.
d’Elhoungne. Ainsi, la commission chargée de l’examen du projet de loi sur les
distilleries sera invitée à faire de nouveau son rapport.
M. Brabant.
- Je dois faire observer à la chambre que deux membres de la commission des
distilleries ne font plus partie de la chambre, ce sont MM. Serruys et Goethals
; je demande qu’on les remplace.
M. le président.
- Comment la première commission a-t-elle été nommée ?
Plusieurs membres.
- Par le bureau ! par le bureau !
NOMINATION DES COMMISSIONS PERMANENTES DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
M. le président.
- L’ordre du jour est un rapport sur la vérification des pouvoirs.
Plusieurs membres.
- Il y a une opération commencée relativement à la vérification des pouvoirs ;
il s’agit de prononcer sur les élections de MM. Marcellis et Kauffman.
M. Dumortier. - Je demande qu’avant de procéder à l’examen des
élections, on nomme la commission de l’industrie et la commission des finances
; la commission de l’industrie est l’une des plus importantes que la chambre
puisse former dans son sein. Une première opération a été faite pour en
désigner les membres, il faut en faire une seconde pour compléter le travail
commencé.
J’insiste vivement pour que la chambre commence sa
séance par cette nomination. L’année dernière cette commission n’a rien fait ;
car qu’a-t-elle présenté ? Un rapport sur les chapeaux de paille, sur les
foulards, sur le bonheur de la vie champêtre. (On rit.)
M. Mary. - Je dois déclarer, au nom de la section centrale,
que son rapport sur le budget des voies et moyens est prêt. Je demande que son
travail soit déposé sur le bureau et qu’il soit imprimé et distribué.
M. A. Rodenbach. - A propos de finances et d’industrie, je ne crois
pas inopportun de rappeler à M. le ministre des finances que la commission des
finances devrait publier son travail sur l’impôt. Le système de l’impôt doit
être modifié ; cette modification importe aux contribuables, autant et plus que
les petites démarches diplomatiques.
M. Milcamps.
- Je crois que l’on doit commencer cette séance par la vérification des
pouvoirs, car il importe de savoir si la province de Liége sera ou non représentée
dans cette chambre. D’un autre côté, la chambre a entendu, par la lecture du
procès-verbal, que la question de la vérification des pouvoirs est placée au
premier ordre. Ainsi nous devons suivre l’ordre indiqué par le procès-verbal.
M. Jullien.
- La vérification des pouvoirs des élus de Liége est une opération commencée.
M. Dumortier.
- L’autre opération est également commencée.
M. le président.
- Je dois consulter la chambre pour savoir par quels travaux elle commencera sa
séance.
- La chambre décide qu’elle va procéder immédiatement
au scrutin de liste pour la nomination des commissions de l’industrie et des
finances.
M. Jullien.
- On vous prie, M. le président, de vouloir bien rappeler ceux qui dans la
dernière séance ont obtenu le plus de voix pour être membres de la commission
de l’industrie.
M. le président.
- Ce sont : MM. Dumont qui a obtenu 37 voix ; Legrelle qui en a obtenu 23 ;
Brabant 22 ; Coghen 21 ; Pirmez 18 ; Dumortier 17 ; Mary 17 ; A. Rodenbach 16 ;
Hye-Hoys 14.
- Le scrutin de liste est ouvert. En voici le résultat
:
Il y a 59 votants ; majorité absolue, 30.
Les suffrages sont ainsi répartis :
MM. Brabant 36 ; Legrelle 27 ; Coghen 26 ; Dumortier
24 ; Dumont 23 ; Pirmez 18 ; Rodenbach 16.
M. le président.
- M. Brabant, ayant seul obtenu la majorité, est membre de la commission.
- Le troisième scrutin est un scrutin de ballottage
entre les six candidats qui ont obtenu le plus de voix.
MM. Legrelle, Coghen, Dumortier, ayant la majorité
relative par le troisième scrutin, sont proclamés membres de la commission de
l’industrie et la complètent.
________________
M. le président.
- Maintenant il va être procédé à la nomination de la commission des finances,
qui doit être composée de 7 membres. L’année dernière, elle était composée de
MM. d’Elhoungne, Osy, Angillis, Dubus, Legrelle, Brabant, Seron.
Un scrutin de liste est ouvert. Son dépouillement
donne la répartition suivante des suffrages :
MM. Angillis 50 ; d’Elhoungne 48 ; Osy 44 ; Dubus 44 ;
Meeus 44 ; Brabant 29 ; Mary 23 ; Dumont 20 ; Legrelle 16.
Le nombre total des votants est de 59 ; majorité 30.
Par conséquent, MM. Angillis, d’Elhoungne, Osy, Dubus,
Meeus, sont proclamés membres de la commission des finances.
Un autre tour de scrutin est ouvert pour compléter la
commission des finances.
Le nombre des votants est de 55. M. Mary ayant obtenu
38 voix, et M. Dumont en ayant obtenu 38, sont désignés membres de la
commission des finances.
VERIFICATION DES POUVOIRS DES MEMBRES NOUVELLEMENT ELUS
M. le président.
- La suite de l’ordre du jour est la discussion des conclusions de la
commission de vérification des pouvoirs sur les élections de MM. Kauffman et
Marcellis, à Liège. La commission a proposé l’admission.
M. Milcamps.
- Je viens prétendre qu’après une élection de représentants, l’exercice d’un
pourvoi en cassation contre des décisions qui ont précédé l’élection est
inutile ; que ce pourvoi en cassation ne saurait être suspensif de la décision
de la chambre ; et, après avoir donné quelques développements à ces deux
propositions, j’examinerai au fond la question de validité de l’élection.
Le pourvoi en cassation, après l’élection, contre une
décision qui l’a précédée, est inutile ; car immédiatement après l’élection il
existe un tribunal unique appelé à prononcer sur la validité des opérations
électorales ; c’est la chambre (article 40 de la loi électorale.)
Il y en a une raison fort simple ; c’est qu’avant
l’élection il existe des pouvoirs qui ont des attributions. La chambre n’est saisie
de rien. Les décisions que ces pouvoirs portent dans le cercle de leurs
attributions doivent être suivies. Ainsi la décision d’un conseil provincial,
conformément aux règles prescrites par la loi et contre laquelle un pourvoi en
cassation n’aurait pas été exercé dans les cinq jours, aurait l’autorité de la
chose jugée, et elle serait reçue pour la vérité même ; la chambre, avec toute
son omnipotence, ne pourrait pas s’en écarter.
Mais des décisions rendues après l’élection par
quelque autorité que ce soit ne sauraient être considérées que comme raison
écrite, parce que, du moment que l’exécution est consommée, un seul pouvoir est
appelé à prononcer sur la validité des opérations électorales : c’est la
chambre, et elle juge souverainement.
De l’inutilité, après l’élection, du pourvoi en
cassation, l’on doit facilement conclure que ce pourvoi ne saurait être
suspensif de la décision de la chambre. C’est d’ailleurs une règle générale que
le pourvoi n’est pas suspensif, et la loi électorale ne contient pas
d’exception ; et sur ce point je n’ajouterai rien aux éclaircissements soumis
dans une séance précédente, lorsqu’il s’est agi pour la première fois des
élections de Liége.
J’aborde maintenant la question au fond, bien que les
pétitionnaires se soient bornés à demander que la chambre suspende sa décision
jusqu’à ce que la cour de cassation ait statué sur le pourvoi, et par la
considération que la pétition tend virtuellement à l’annulation des opérations
électorales de Liège, et que des membres de cette assemblée qui exerce un droit
légal en soutiennent la nullité.
A cette occasion, je ne puis me dispenser de faire
remarquer, si ce qu’on m’assure est exact, qu’il y a quelque chose d’étrange de
voir figurer parmi les pétitionnaires des électeurs qui ont voté dans
l’assemblée électorale. Dans les règles ordinaires ils sont censés avoir
acquiescé aux décisions du 6 novembre.
A part cette circonstance, et relativement à ces
décisions du 6 novembre, il n’est pas inutile de faire observer que, si
l’article 8 de la loi électorale fixe un délai pour réclamer devant
l’administration locale, aucune disposition de cette loi ne détermine un délai
pour se pourvoir devant la députation permanente du conseil provincial. Dès
lors, on peut réclamer auprès de cette dernière autorité en tout temps, et
ainsi la veille de l’élection. La question est de savoir si la réclamation doit
subir les deux degrés de juridiction, où si le réclamant peut saisir de plano
la députation permanente. A cet égard, il est encore bon de faire remarquer
que, dans l’esprit de la loi électorale, les deux degrés de juridiction sont
établis en faveur du réclamant. Or il est de maxime que chacun peut renoncer
aux avantages qui lui sont déférés pour son intérêt personnel.
Il est encore de principe qu’il peut être dérogé par
la volonté des parties aux lois qui établissent les deux degrés de juridiction.
C’est ainsi qu’il a été décidé qu’une cour d’appel peut, du consentement des
parties, statuer sur leur contestation, quoiqu’elle n’ait point été portée
devant le tribunal de première instance. Il faut d’ailleurs remarquer que la
régence de Liège avait fait annoncer qu’elle ne pouvait admettre de
réclamations après les délais fixés par l’article 8 de la loi électorale. La
non-admission des réclamations avait donc été proclamée,
S’il en est ainsi, qu’en résulte-t-il ? C’est que la
loi électorale n’ayant fixé aucun délai fatal pour se pourvoir devant la
députation permanente, les 18 personnes dont il s’agit ont pu faire constater
leurs droits devant cette autorité, la veille même de l’élection, et que les
décisions du 6 novembre ont été compétemment rendues et exécutées.
Dira-t-on qu’après le délai aucune réclamation ne peut
plus être admise, qu’il y a déchéance ? Mais la loi n’en prononce aucune. En
France même, malgré que la loi de 1828 prononce la déchéance, on interprète la
loi de manière que celui qui acquiert la possession annale du cens, avant la
convocation du collège, est admis à voter.
Vainement viendrait-on objecter que, d’après cette
doctrine, il n’existera aucun moyen de s’opposer à la décision à intervenir,
et, d’après celle précédemment professée, aucun de se pourvoir, après
l’élection, contre la décision intervenue : cela est vrai. Mais d’où cela
vient-il ? Le législateur l’a-t-il ainsi voulu ? Ou bien y a-t-il une lacune
dans la loi ? Je l’ignore. Mais on peut admettre la première hypothèse d’après
l’article 23, qui y semble favorable ; et, en effet, dans le système contraire,
cet article 23 est un non-sens, une véritable superfétation, ce qu’il n’est pas
permis de supposer.
D’ailleurs, dans la première hypothèse, reste toujours
le recours à la chambre ; et la présente discussion prouve que ce n’est pas une
garantie illusoire.
Ainsi, si les pétitionnaires venaient établir, prouver
que les décisions du 6 novembre sont frauduleuses, qu’elles ont introduit dans
l’assemblée de faux électeurs soit parce qu’ils n’étaient pas Belges de
naissance et n’avaient point reçu la grande naturalisation, soit parce qu’ils
ne payaient pas le cens déterminé, et que l’introduction de ces faux électeurs
a déplacé la majorité au préjudice de M. Tielemans, assurément la chambre
ferait justice d’une pareille fraude en annulant, en vertu de son omnipotence,
les opérations électorales.
Mais les pétitionnaires
n’allèguent point que les 18 personnes qui ont été admises par les décisions du
6 novembre à l’exercice de leurs droits politiques ne réunissaient pas les
conditions requises. Ils n’allèguent pas même que les votes de ces personnes
aient déplacé la majorité au préjudice de M. Tielemans, mais seulement qu’elle
a pu la déplacer. Or, de ce qu’une chose a été possible on ne peut conclure
qu’elle a été faite. Seulement ils dénient que la députation permanente ait pu
être saisie de plano de la connaissance de la réclamation des 18 personnes, et
concluent de là que les décisions du 6 novembre ont été rendues incompétemment.
Incompétence que j’ai combattue et que je crois non fondée.
Dans de telles circonstances, la considération
qu’aucune fraude dans les opérations électorales n’est alléguée, la faveur due
aux citoyens pour l’exercice des droits politiques, la considération que plus
le nombre d’électeurs est élevé, mieux le vœu du pays se manifeste dans le
choix des représentants de la nation, l’incertitude si les votes de 18
personnes, contre lesquels on réclame, ont été défavorables à M. Tielemans, le
droit qu’a la province d’être représentée dans la chambre, et à l’appui de tout
cela l’article 23 de la loi électorale, seront pour moi, messieurs, des motifs
suffisants pour déterminer mon vote en faveur de l’admission de MM. Marcellis
et Kauffman.
(Moniteur belge
n°341, du 9 décembre 1832) M. Jullien. - Messieurs, j’ai fait partie de la
minorité de la commission de vérification des pouvoirs, qui a soutenu la
nullité de l’élection de MM. Marcellis et Kaufman. Cette circonstance, jointe à
l’importance des questions qui vous sont soumises est pour moi un motif
suffisant de soumettre à la sagesse de la chambre les raisons qui ont déterminé
mon opinion.
Vous connaissez les faits par le rapport qui vous a
été présenté ; permettez-moi cependant de vous les rappeler succinctement.
Lorsqu’il s’est agi de l’élection de trois
représentants à Liége, le 7 novembre dernier, après que la révision annuelle
des listes électorales avait été faite par la régence, que tous les délais
donnés pour les réclamations étaient expirés, un assez grand nombre de
personnes, qui croyaient avoir droit d’être électeurs, se sont adressées à
cette autorité, pour être portées sur ces listes. La régence a répondu
verbalement, car aucun document n’est produit, que d’après la loi, et une fois
les listes closes, elle ne pouvait plus les réviser et que les délais étant
expirés, elle ne pouvait avoir égard à ces réclamations.
Cependant, ceux qui avaient échoué devant la régence
ont trouvé le chemin plus facile devant la députation permanente des états de
la province. Parmi les documents communiqués, se trouve une lettre d’après
laquelle la députation permanente prévient la régence, qu’à la vérité
l’autorité communale n’a plus le droit d’inscrire les réclamants sur la liste ;
mais que le recours reste toujours ouvert devant la députation.
Quelques réclamants ont profité de cette bonne
disposition de la députation permanente, et dès le mois d’octobre, ceux-là se
sont fait inscrire sur la liste. Mais le 6 novembre, veille des élections, 17
individus se sont présentés à cette même autorité et de ces 17 décisions, la
seule qu’on ait communiqué, dit : qu’attendu que un tel paie le cens, il est
admis comme électeur. Et le 7 novembre, ces 17 individus, conjointement avec
ceux qui avaient pris les devants, se sont présentés au collège électoral, et
tous ont voté.
Cette manière de procéder a éveillé la sollicitude des
électeurs et de ceux qui se croyaient lésés. En conséquence, vous avez reçu une
pétition par laquelle on vous supplie de ne pas passer outre à l’examen des
élections de Liége, avant que la cour de cassation ait rendu son arrêt. Et en
effet, les pétitionnaires ont déposé au secrétariat de la province dans les
délais de la loi, un pourvoi contre les 17 décisions dont s’agit.
Lors du premier rapport qui vous a été fait, la
commission avait pensé qu’il était prudent d’attendre la décision de la cour
suprême, avant de se prononcer ; mais cet avis de la commission n’a pas été
tout à fait goûté par la chambre, et on l’a invité à présenter un rapport sur
le fond. La chambre a dit : nous ne devons pas être liés par le pourvoi ; nous
sommes omnipotents en matière électorale, principe vrai en soi. Et le rapport
vous a été fait dans la séance d’avant-hier par M. Hye-Hoys.
Toute cette contestation, messieurs, peut se résumer
dans les quatre questions suivantes : 1° Après la révision annuelle des listes
électorales et tous les délais expirés pour les réclamations, peut-on encore se
faire porter sur les listes ; en d’autres termes, peut-il y avoir lieu à des
révisions nouvelles ?
2° La députation permanente, à défaut d’une décision
de l’administration communale, que je soutiens être le juge de première
instance, a-t-elle pu se saisir directement de pareilles réclamations ;
était-elle compétente pour en décider ?
3° En cas d’affirmative sur cette question, la
décision de la députation permanente de Liége est-elle légale, est-elle
valable, est-elle fondée ?
4° Dans ce cas encore, c’est-à-dire, en supposant que
la décision fût valable d’après la loi, les électeurs qui ont été admis le 6
par cette décision, pouvaient-ils le lendemain, aller voter dans le collège
électoral au mépris du recours en cassation que l’article 14 de la loi
électorale accorde aux parties intéressées ?
Voilà, messieurs, les questions que je me propose
d’examiner, et sur lesquelles je jetterai autant de clarté qu’il me sera
possible. Pour décider toutes ces questions, messieurs, il faut recourir à la
loi et pour la comprendre et l’expliquer il faut la lire, veuillez donc suivre
avec moi les citations que j’aurai l’honneur de vous faire puisque vous avez la
loi électorale sous les yeux ; d’après l’article 6, « La liste des électeurs
est permanente sauf les radiations et inscriptions qui peuvent avoir lieu lors
de la révision annuelles. » (Voilà une disposition bien positive).
« La révision sera faite conformément aux
dispositions suivantes : »
Voilà une disposition impérative, ainsi la révision,
qui est le seul cas d’exception, sera faite conformément aux dispositions qui
suivent. Voyez les articles 8 et 9.
« Art. 7. Les administrations communales feront,
tous les ans, du premier au 15 avril, la révision des listes des citoyens de leurs
communes qui, d’après la présente loi, réunissent les conditions requises pour
être électeurs ; » cet article est clair.
« Art 8. Lesdites administrations arrêteront les
listes et les feront afficher pour le premier dimanche suivant. Elles resteront
affichées pendant 10 jours, cette affiche contiendra invitation aux citoyens
qui paient le cens requis dans d’autres communes, d’en justifier à l’autorité
locale, dans le délai de quinze jours, à partir de la date de l’affiche, qui
devra indiquer le jour où ce délai expire.
« La liste contiendra en regard du nom de chaque
individu inscrit, la date de sa naissance et l’indication du lieu où il paie
des contributions propres ou déléguées, jusqu’à concurrence du cens électoral.
S’il y a des réclamations auxquelles l’administration communale refuse de faire
droit, les réclamants pourront se pourvoir à la députation du conseil
provincial. »
Ces dispositions constituent la publicité et le
contrôle : la publicité, afin que personne n’ignore que tels ou tels se sont
présentés comme électeurs ; le contrôle afin que tous les citoyens puissent
réclamer, puissent dire : Vous avez porté tel individu qui ne doit pas être
porté ; il ne paie pas le cens ; il possédait une propriété et ne la possède
plus ; tous renseignements qui ne peuvent être donnés qu’au domicile de
l’électeur.
S’il y a des réclamations à faire, celui qui a intérêt
à réclamer fait ses démarches près de l’administration communale ; et si cette
administration refuse d’y faire droit, le réclamant a son recours devant la
députation des états qui est le juge d’appel dans ces affaires.
Voyez maintenant l’article 9 :
« Art. 9. Après l’expiration du délai fixé pour
les réclamations, les listes seront immédiatement envoyées au commissaire du
district ; un double en sera retenu à la secrétairerie de la commune ; chacun
pourra prendre inspection des listes tant à la secrétairerie de la commune
qu’au commissariat du district. Le commissaire du district fera la répartition
des électeurs en sections, s’il y a lieu,
conformément à l’article 9 de la présente loi. »
D’après cet article, vous voyez, messieurs, que tout
est consommé devant l’administration communale. Mais vous allez demander quel
est le sort des réclamations qui ont été ouvertes aux électeurs en vertu de
l’article 8 ? Suivez, je vous prie, et vous allez trouver cette filière dans
les articles 12, 13 et 14 de la loi électorale.
L’article 12 dit : « Tout individu indûment
inscrit, omis ou rayé, ou autrement lésé, dont la réclamation n’aurait pas été
admise par l’administration communale, pourra s’adresser à la députation
permanente du conseil provincial, en joignant les pièces à l’appui de sa
réclamation.
« De même, tout individu jouissant des droits civils
et politiques, pourra réclamer contre chaque inscription indue ; dans ce cas le
réclamant joindra à sa réclamation la preuve qu’elle a été notifiée à la partie
intéressée laquelle aura dix jours pour y répondre, à partir de celui de la
notification. »
Ainsi voilà qui règle la manière dont les réclamations
seront faites, la manière dont elles seront publiées, la manière dont elles
seront notifiées aux parties intéressées ; et c’est toujours dans les délais
que la loi donne pour les révisions annuelles.
L’article 13 dispose : « « Art. 13. La députation permanente du conseil
provincial statuera sur ces demandes dans les cinq jours après leur réception,
ou dans les cinq jours après l'expiration du délai d'opposition à la
réclamation, si la demande est faite contre un tiers. Les décisions seront
motivées.
« La communication de toutes les pièces sera
donnée sans déplacement aux parties intéressées qui le requerront ou à leurs
fondés de pouvoirs.
« Les décisions seront immédiatement notifiées
aux parties intéressées et au commissaire du district, pour faire les
rectifications nécessaires.
« Toutes les réclamations et tous les actes y
relatifs pourront être sur papier libre, et seront dispensés de
l'enregistrement ou enregistrés gratis. »
Cette loi, messieurs, est calquée sur la loi
française. Je vous prie de remarquer avec quelle attention elle suit l’électeur
dans tous ses mouvements, et de quelles précautions elle entrave la
constatation de la capacité électorale.
Allez maintenant à l’article 14.
« Art. 14. Le recours en cassation sera ouvert
contre les décisions de la députation du conseil provincial.
« Les parties intéressées devront se pourvoir
dans le délai de cinq jours après la notification.
« La déclaration sera faite en personne, ou
par fondé de pouvoirs, au secrétariat du conseil provincial, et les pièces
seront envoyées immédiatement au procureur général près la cour de cassation.
Le pourvoi sera notifié dans les cinq jours à celui contre lequel il est
dirigé.
« Il sera procédé sommairement et toutes
affaires cessantes, avec exemption de frais de timbre, d'enregistrement et
d'amende. Si la cassation est prononcée, l'affaire sera renvoyée à la
députation du conseil provincial le plus voisin. »
Je vous prie de faire attention à cette dernière
disposition : « Il sera procédé sommairement… » Vous voyez,
messieurs, comment la loi a soin d’abréger les délais. A la députation elle dit
: Vous jugerez dans les cinq jours les réclamations ; à la cour de cassation
elle dit : Vous jugerez dans les cinq jours les pourvois, toutes affaires
cessantes : ainsi, quelque importantes que soient les affaires de la cour
suprême, on a mis les questions électorales en première ligne.
Conférez cet article avec l’article 18, qui dit :
« Art. 18. La réunion ordinaire des collèges
électoraux pour pourvoir au remplacement des députés sortants, a lieu le
deuxième mardi du mois de juin.
« Lorsqu'il y a lieu de procéder à une
élection par plusieurs collèges réunis, elle se fera le troisième mardi du même
mois. »
Ainsi, la révision a commencé le premier avril ; les
délais pour les affiches, pour les réclamations, se suivent et correspondent
entre eux, et la loi a justement calculé que, dans cet intervalle d’environ
deux mois et demi, tous ceux qui avaient fait des réclamations pouvaient avoir
une décision définitive. Voilà, messieurs, toute l’économie de la loi et de
l’article 23, sur lequel on s’est tant appuyé et que je m’en vais vous lire :
« Art. 23. Nul ne pourra être admis à voter s’il
n’est inscrit sur la liste affichée dans la salle et remise au président.
« Toutefois le bureau sera tenu d’admettre la
réclamation de tous ceux qui se présenteraient munis d’une décision de
l’autorité compétente, constatant qu’ils font partie de ce collège, ou que
d’autres n’en font pas partie. »
Il n’y a rien de plus simple et de plus clair que
toutes ces dispositions ; ne voyez-vous pas qu’elles se lient entre elles,
qu’elles s’enchaînent et que l’une appelle l’autre ?
Quand le réclamant a fait toutes ses démarches en
temps utile, qu’il a épuisé les différents degrés de juridictions, il est bien
juste que pour prix de ses diligences, il pût jouir du bénéfice de la décision
qu’il avait obtenue ; voilà toute la raison de l’article 23.
Mais on a dit : Vous parlez pour les élections
ordinaires ; mais il s’agit ici d’élections extraordinaires, et qui arrivent
après que la révision annuelle est faite. Eh bien ! messieurs, c’est l’article
11 de la loi qui va décidez cette question.
L’art. 11 dit : « Lorsqu’il y aura lieu à une
élection extraordinaire, à cause d’option, de décès, de décision ou autrement,
les listes, dressées conformément aux articles précédents, serviront de base
pour la convocation des électeurs. »
Quand il se présente un cas d’élection extraordinaire,
il faut bien que l’on indique quelles listes doivent être invoquées : ce seront
les listes dressées en conformité des articles 6, 7, 8 et 9 ; cela ne veut-il
pas dire qu’on ne peut appeler dans les collèges électoraux que ceux qui ont
été portés sur les listes, lors de la dernière révision, voilà la base pour la
convocation.
Si vous voulez appliquer à l’élection extraordinaire
les mêmes formalités qu’à l’élection ordinaire, alors le temps va vous manquer
; vous ne pourrez plus donner les délais pour les affiches, pour les
réclamations et pour les décisions à intervenir ; il fallait donc bien que le
législateur s’arrêtât à une chose, c’est-à-dire au principe de la permanence
des listes ; il n’y a que ceux qui sont portés sur les listes permanentes qui
peuvent voter, et c’est ainsi que la loi a résolu la première question.
Je viens maintenant à la seconde question : La
députation permanente du conseil provincial était-elle compétente ? Je dis que
non. Vous avez vu, messieurs, par l’article 8 de la loi électorale que, lorsque
l’administration communale refuse de faire droit à la réclamation de
l’électeur, on en appelle à la députation permanente. L’article 12 répète
encore la même chose. J’en conclus que la députation permanente de la province
n’est pas autre chose qu’un juge d’appel : nier cette vérité, c’est nier
l’évidence. Eh bien ! messieurs, il y a un vieil adage en droit, qui dit : Il
n’y a de dévolu au juge d’appel, que ce qui est appelé. D’où il faut conclure
que quand il n’y a rien appelé devant le juge, rien ne lui est dévolu. Et cela
est tout simple, car un juge d’appel est celui qui révise en seconde instance.
Or il ne peut pas y avoir de révision en seconde instance, s’il n’y a pas eu de
décision en première instance.
Il s’agit toujours pour un juge d’appel de confirmer
ou d’annuler la décision du premier juge. Cela est incontestable. Eh bien ! si
la députation permanente de la province n’est pas autre chose qu’un juge
d’appel, comment voulez-vous la rendre compétente pour le cas qui nous occupe,
lorsqu’elle s’est saisie de son chef de réclamations qui n’ont pas été portées
devant l’administration communale ? Mais on dira : L’avis de la régence de la
ville de Liége, inséré dans les gazettes, doit être considéré comme une
première décision.
Messieurs, je n’envisage pas cet avis comme une décision.
Aucune réclamation n’a été faite à l’administration
communale, et elle n’a eu à décider sur rien ; seulement elle a dit aux
réclamants que, ne pouvant rien pour eux, ils n’avaient qu’à s’adresser à
l’administration provinciale qui prétendait pouvoir les aider. Je soutiens donc
que la députation des états n’était pas compétente. Et comment en effet
pourrait-elle enlever aux réclamants un degré de juridiction ? Le premier degré
de juridiction était l’administration communale, et il leur a été enlevé. Mais
dit-on, si les ayants-droit n’ont pas réclamé, que nous importe ? L’erreur
vient de ce que l’on ne voit point que le contrôle n’appartient pas seulement à
ceux qui ne sont pas portés sur la liste, mais encore à tous les électeurs qui
prétendent que c’est à tort que d’autres y sont portés. Ainsi donc vous les
privés d’un degré de juridiction, ainsi la députation des états n’était pas
compétente.
Mais supposons qu’on décide qu’elle était compétente,
il faut maintenant examiner si sa décision est fondée, et je soutiens que
jamais en matière électorale il ne vous sera présenté une décision plus
irrégulière et plus illégale que celle-là. D’abord, la lettre de la députation
des états porte avec elle la condamnation de la décision dont il s’agit. Cette
lettre dit à la régence que l’administration communale ne pouvait plus faire
droit aux réclamations ; mais que cependant l’autorité provinciale le pouvait.
Or, je vous demande, pourquoi l’administration communale ne pouvait faire droit
? C’est parce que le délai déterminé était expiré et que la loi défendait de
réviser la liste. Mais si l’administration communale ne pouvait le faire, parce
que la loi le défendait, comment cela était-il permis à l’autorité provinciale
? Y a-t-il donc deux lois différentes, l’une pour la première autorité et
l’autre pour la seconde ? Comment ! lorsque la loi défend à l’administration
communale, c’est-à-dire au juge de première instance de réviser la liste des
électeurs parce que cette liste doit être permanente, vous qui êtes juges en
deuxième instance, vous pourriez dire : Moi j’ai ce droit de révision. Je
voudrais bien voir où l’on a puisé cette singulière doctrine ? Il y a,
vraiment, messieurs, aberration complète de tous les principes dans une
pareille décision.
Ainsi, quant à la troisième question, je la résous
encore négativement, c’est-à-dire la décision n’est pas fondée. Mais j’examine
la dernière question, qui se résoudra négativement comme toutes les autres. Car
supposons que, par impossible, on puisse décider contre tous les principes que
j’ai exposés, que cette décision est fondée, qu’elle vaut quelque chose, et
qu’elle est conforme à la loi, dans ce cas même, est-ce que les électeurs admis
le 6 pourraient aller voter le 7, au mépris des dispositions formelles de
l’article 14 de la loi électorale, qui donne cinq jours pour attaquer la
décision ? A quoi bon m’accorder le droit de recourir en cassation contre une
décision, dans les cinq jours, si cette décision est exécutée le lendemain même
? L’orateur qui m’a précédé a dit que nous avons décidé que le pourvoi n’était
pas suspensif. Non, messieurs, nous n’avons rien décidé, nous avons laissé la
question entière.
Quant à moi je soutiens que
d’après la loi, d’après l’esprit du législateur, le pourvoi en cassation est
suspensif, et je me fonde sur ce qu’il a entendu que ce pourvoi fût jugé de
suite. Le législateur a voulu, en détournant la cour de cassation, cette
magistrature suprême, de ses occupations ordinaires juger sur-le-champ le
pourvoi, que le réclamant pût jouir immédiatement du bénéfice de sa
réclamation. Si ce pourvoi n’était pas suspensif, on aurait laissé les choses
dans le droit commun, et l’on n’aurait pas forcé la cour suprême à quitter à
chaque instant ses fonctions habituelles pour s’occuper, toutes affaires cessantes,
de la matière électorale.
En résumé, vous voyez,
messieurs, que d’après la résolution donnée légalement à ces quatre questions,
l’élection qui vous occupe est complétement nulle et qu’elle renverse toute
autre loi électorale, qui, quoiqu’on en dise, est très claire, et je ferai
observer en passant, que quand il s’agira de toucher à cette loi, il faudra
procéder avec la plus grande circonspection.
J’arrive maintenant aux principaux arguments que j’ai
entendu faire valoir dans la commission par les adversaires de la minorité.
Je crois qu’on les reproduira, car je doute qu’on
puisse en présenter de plus solides ou du moins de plus spécieux. Voici ces
arguments. On a dit : La loi qui détermine toutes ces formalités, tous ces
délais, n’a pas prononcé la peine de déchéance. Or, d’après le droit commun,
toutes les fois qu’une formalité est prescrite sans que la loi attache au
défaut d’accomplissement la nullité ou la déchéance, il ne faut pas s’y
arrêter. C’est ce que les jurisconsultes appellent (je puis bien me servir des
termes consacrés puisqu’il s’agit ici d’une question toute de droit), c’est ce
que les jurisconsultes appellent : nudum praeceptum, un précepte nu.
Mais, messieurs, est-ce une simple formalité que la
disposition qui prescrit la permanence des listes ? La loi a dit que ces listes
seront permanentes ? Cela suffit. Elle n’avait pas besoin d’attacher là une
pénalité. Quand elle dit expressément que les listes seront permanentes, vous
ne pouvez pas lui faire dire qu’on aura la faculté de les réviser toute
l’année. Si vous admettez cela, il en résultera qu’elles ne seront plus
permanentes du tout. Ainsi que vous appelez une formalité, je l’appelle moi une
disposition impérative. Ensuite qu’on ne vienne pas nous parler de déchéance !
Il ne s’agit pas ici de déchéance.
Est-ce que les personnes qui n’ont pas réclamé en
temps utile leur inscription sur la liste, sont pour cela déchues de leur droit
d’électeurs ? Non certainement. Seulement l’exercice de ce droit est suspendu
pour cette année, à cause de leur négligence ; mais l’année suivante, s’ils
sont plus diligents, ils pourront l’exercer. Il y a encore un axiome de droit
qui dit : le droit sert à ceux qui sont vigilants. Les électeurs négligents ne
font donc que porter la peine de leur défaut de vigilance.
Il y a dans notre code civil une infinité de cas
analogues. La loi attache la condition, la possession d’un avantage à
l’accomplissement d’une formalité. Si on n’a pas soin d’accomplir cette
formalité, on ne peut pas jouir du bénéfice de la loi. Par exemple, vous avez
droit d’hypothèque sur les biens de votre débiteur ; mais si vous ne prenez pas
inscription, vous n’êtes pas créancier hypothécaire. Il en est de même dans
plusieurs autres cas. Si vous négligez ce que la loi vous prescrit, vous portez
la peine de votre négligence. Il n’y a pas, je le répète, déchéance du droit,
mais seulement suspension temporaire. Il faut distinguer d’ailleurs entre
l’aptitude à acquérir un droit et un droit acquis. Quand vous payez le cens,
vous êtes habile à devenir électeur, mais vous ne le devenez qu’en justifiant
du paiement, conformément à la loi, et si vous ne faites pas ce qu’elle
prescrit, il s’en suivra que le droit ou l’exercice du droit restera en
suspens.
Je n’ai plus après cela que deux observations à vous
présenter. Voici le grand raisonnement de ceux qui ont soutenu l’admissibilité.
Ils ont dit : Ces électeurs supplémentaires ne sont pas de faux électeurs,
puisqu’ils paient le cens, et qu’ils se sont présentés de bonne foi. Pourquoi
donc ne les admettriez-vous pas ? Je réponds d’abord qu’il ne m’est pas
justifié qu’ils paient le cens, parce que je n’accepte pas comme justification
la décision rendue le 6 pour autoriser à voter le 7. Il me faut une autre
garantie, il me faut la preuve que la publicité a été donnée aux réclamations,
et que le contrôle a été ouvert pendant le temps nécessaire pour constater
qu’elles étaient fondées. Qu’on produise un extrait qui dise : un tel paie
tant. C’est bien, mais a-t-on laissé la faculté de vérifier cet extrait, de rechercher
par exempte si la propriété payant l’impôt porté sur cet extrait n’est pas
indivise et si le réclamant n’en possède que le quart, le tiers ou la moitié ;
ou bien si la propriété pour laquelle il justifie d’un impôt n’a pas été vendue
l’année dernière ? Il y a plus, c’est que je n’ai trouvé dans le dossier qu’une
seule décision sur 17 réclamants, et cette décision est très vague et se
contente de dire : Attendu qu’un tel paie le cens, nous l’admettons comme
électeur. Voici pour un. J’ai vu ensuite dans le dossier des notes relatives au
paiement des contributions qui portaient seulement : Un tel a justifié qu’il
payait le cens en 1831, sans autre explication. Je demande s’il était possible
d’asseoir sur pareilles bases une décision qui donne le droit électoral, et
cela sans avoir aucune autre assurance ni garantie.
Ne vous y trompez pas, messieurs, par la solution que
vous donnerez à cette question, vous allez décider de notre législation
électorale ; vous allez la maintenir ou la ruiner de fond en comble. On a
répété cent fois dans certaines feuilles que nous n’étions que les
représentants de la sacristie à cause de l’influence qu’on attribue au clergé
sur les élections. Mais au moins quand on peut justifier qu’on a fidèlement
obéi à la loi électorale, alors on peut soutenir, quelle que soit d’ailleurs la
valeur de ces reproches, que les élections sont censées être l’expression libre
du vœu des électeurs et si on ne représente que la sacristie, on représente au
moins quelque chose.
Mais si vous admettez qu’on
puisse, en faisant fraude et violence à la loi, en détruisant toutes les
garanties de publicité et de contrôle dont elle a sagement entouré le droit
électoral, faire des fournées d’électeurs à l’instant même, pour favoriser ou
contrarier telle ou telle élection, alors ceux qu’on introduit ainsi dans la
représentation nationale ne représentent rien ; cette grande institution est
viciée dans sa source, et elle n’est plus aux yeux du pays qu’un grossier
mensonge ; c’est à vous maintenant à maintenir ou à renverser, et pour cette
fois, du moins, un honorable membre que je n’aperçois pas sur ces bancs, ne
pourra pas dire que les démolisseurs sont du côté de l’opposition.
Je voterai contre les conclusions de la commission et
pour la nullité de l’élection.
(Moniteur belge n°, du décembre 1832)
M. Nothomb.
- Messieurs, comme l’honorable préopinant, je suis membre de la commission, et
comme lui je tiens à justifier l’opinion que j’ai soutenue avec la majorité, et
le vote que je vais émettre. La question électorale qui vous est soumise est,
sans contredit, la plus importante que vous ayez eu à discuter, Elle est grave
par les difficultés qu’elle présente en elle-même ; grave par l’influence que
votre décision, quelle qu’elle soit, doit exercer sur l’ensemble de la
législation. Ce n’est pas, messieurs, que les faits soient extraordinaires ;
ils ne sont même pas nouveaux, et, depuis un an et demi, aucune élection n’a
été faite qui n’en présente d’analogues. Vous auriez pu, dans une infinité de
cas, vous saisir d’office de la question ; aujourd’hui vous en êtes saisis par
une action qui vient du dehors.
Je l’ai déjà dit la première fois qu’il s’est agi de
cette affaire devant la chambre. Voyez toutes les pièces du volumineux dossier
qui nous a été envoyé ; vous n’y rencontrerez aucune circonstance odieuse,
aucune qui puisse éveiller les soupçons et justifier la défiance. Tout s’est
passé d’après le cours ordinaire des choses et d’après l’expérience que chacun
de vous peut avoir de ces sortes d’affaires. La fraude n’est pas articulée ;
or, toute question électorale est avant tout une question de bonne foi.
Le rapporteur de votre commission et le préopinant ont
exposé les faits assez imparfaitement pour que j’éprouve le besoin de les
rétablir, car il est telle circonstance qu’il importe de relever ; je ne
citerai aucun fait, aucune date qui ne soient empruntés à une pièce que vous
pouvez consulter.
Le 14 octobre, les électeurs du district de Liège ont
été convoqués pour le 7 novembre ; plusieurs citoyens, réunissant notoirement
les qualités électorales, remarquant que leurs noms avaient été omis sur la
liste permanente, réclamèrent auprès de la régence.
La régence en référa à la députation des états le 17
octobre.
La députation décida, le 20, que, bien que la régence
dût s’abstenir de faire des inscriptions supplémentaires, ce droit n’en
appartenait pas moins à la députation.
Cette décision du 17 octobre fut renvoyée à la régence
qui, le 24 du même mois, la fit insérer, non pas seulement dans le Mémorial administratif, mais dans les
quatre journaux qui s’impriment à Liége.
La députation se trouve ainsi saisie des réclamations
; elle ordonne successivement trois inscriptions : la première, le 27 octobre ;
la seconde, le 31 octobre, et la troisième le 6 novembre. Ces trois
inscriptions ont produit, non pas 17 électeurs, mais 33 : La dernière
inscription est seulement attaquée.
Le 7 octobre, les élections se font. Les
procès-verbaux de tous les bureaux constatent que la liste principale et les
listes supplémentaires étaient affichées, qu’elles ont été lues ; aucune
réclamation n’a été faite, et cependant on pouvait réclamer aux termes de
l’article 22 de la loi.
Ce n’est que le 10, alors que tout était consommé, qu’on
jugea à propos de se pourvoir en cassation, De ces faits il résulte que la
régence a été d’abord saisie des réclamations, qu’elle a refusé d’y faire
droit, que la députation s’en est alors saisie, qu’il y a eu publicité de la
décision de la régence, de celle de la députation, qu’il y a eu publicité des
listes supplémentaires, que les élections se sont faites sans la réclamation
autorisée par l’article 22, qu’il y a eu 3 inscriptions supplémentaires, qu’il
n’y a de pourvoi que contre la troisième, que ce pourvoi ne porte que sur des
formalités, les qualités électorales n’étant pas contestées.
Avant de passer à la question de droit, je dois encore
insister sur quelques faits.
Il n’y a rien d’odieux dans la circonstance que la
troisième inscription s’est faite la veille des élections.
Il n’y a là aucun motif de suspicion. Ce qui le
prouve, c’est qu’il y a eu trois inscriptions ; on a inscrit au fur et à mesure
que les réclamations étaient venues, et les affaires instruites.
Il n’y a pas de contradiction entre la conduite de la
régence et celle de la députation ; la régence pouvait très bien nier sa propre
compétence, et ne pas révoquer en doute les pouvoirs extraordinaires de la
députation.
Il y a donc eu décision en première instance, quoique
en masse et d’une manière générale. La régence ayant refusé de faire droit, la
députation se trouve appelée à statuer.
En droit je ne m’attacherai qu’à une seule question et
qui domine toute cette affaire. Cette question, la voici :
Peut-on faire des changements aux listes électorales
dans l’intervalle d’une révision annuelle à l’autre ?
Je me sers à dessein du mot « changements, »
car je prouverai qu’il peut y avoir radiation aussi bien qu’addition.
Les partisans de l’opinion contraire à la mienne
s’attachent exclusivement à l’article 6 de la loi électorale, et posent le
principe de la permanence d’une manière absolue. D’après eux il n’est qu’un
mode d’inscription, c’est la révision annuelle, et dès lors tout est immuable
jusqu’à la révision de l’année suivante. Si vous admettez, disent-ils, des
inscriptions supplémentaires, il n’y a plus de permanence ; vous inscrivez dans
la loi un principe fondamental, et à côté du principe une exception qui le
détruit en entier, ils ajoutent que, pour prévenir tout moyen de fraude, le
législateur a pu sans injustice frapper d’une peine la négligence.
D’après moi il y a deux genres d’inscriptions :
l’inscription ordinaire, qui se fait annuellement à une époque fixe, et
l’inscription supplémentaire, qui se fait dans la prévision d’élections
extraordinaires.
Je dis que ces deux modes d’inscription sont dans la
loi et dans la nature des choses.
La révision annuelle commence au 1er avril, et s’opère
d’après les articles 8 et suivants de la loi électorale.
Une fois la révision annuelle terminée, il s’écoule
dix mois jusqu’à l’époque de la révision de l’année suivante.
Dans ce long intervalle de dix mois, il arrive bien
des changements qui n’ont pu échapper aux prévisions du législateur. Les uns
perdent les qualités électorales, d’autres les acquièrent. Que ferez-vous, s’il
y a lieu à une élection extraordinaire ?
Je dis qu’il faut rayer les uns et ajouter les autres
; si votre loi ne m’offre pas ces moyens, elle est doublement
inconstitutionnelle ; car elle maintiendrait sur la liste des individus qui
n’ont pas le droit d’y être et elle en exclurait des citoyens qui ont le droit
de s’y trouver.
Vous m’objectez que les droits profitent aux
vigilants. Votre objection ne peut s’appliquer à celui qui, depuis la révision
annuelle, a atteint l’âge, acquis le cens, ou qui, dûment inscrit dans une
commune, a changé de domicile.
L’injustice serait d’autant plus grande que les
élections ordinaires peuvent ne pas être les plus importantes. Vous avez
accordé à la royauté le droit suprême de dissolution. Les deux chambres peuvent
être dissoutes, et cet événement peut venir se placer entre les deux révisions.
Exclurez-vous du concours au renouvellement intégral des chambres les citoyens
qui, aux termes de la constitution, ont acquis la capacité électorale, en y
admettant d’un autre côté, par je ne sais quelle inconcevable contradiction,
ceux qui ont perdu cette capacité ?
Votre loi ne peut être entachée de cette double
inconstitutionnalité. Elle a dû prévoir un deuxième mode d’inscription. Je le
trouve dans les articles 11 et 23.
L’article 23 dit que la liste annuelle servira de base
pour les élections extraordinaires : est-ce à dire qu’il ne faille rien y
changer ? Non. Car, en immobilisant ainsi la liste, vous y maintiendriez de
faux électeurs et vous en excluriez de véritables ?
L’article 23 a remédié à ce double inconvénient, en
déclarant que le bureau est tenu d’admettre aux élections tous ceux qui seront
munis d’une décision d’une autorité compétente. Mais qu’est-ce que l’autorité
compétente ? J’en appelle ici aux souvenirs de ceux d’entre nous qui, comme
membres du congrès, ont pris part aux délibérations sur la loi électorale. Le
projet primitif portait les mots « députation des états. » L’idée
dominante alors était de rendre le système électoral aussi libéral que
possible, et de le dégager de toutes les formalités gênantes. On a trouvé que
c’était trop limiter le droit par l’adoption de la rédaction proposée, et on a
demandé que les mots « autorité compétente » fussent substitués dans
le projet primitif. Cet amendement a été adopté. L’autorité compétente pour les
opérations électorales est évidemment l’administration communale et la
députation.
J’avouerai que l’inscription supplémentaire aurait pu
être entourée de plus de garanties ; qu’on a peut-être trop sacrifié à l’idée
d’établir la législation la plus libérale ; mais je ne puis aller jusqu’à nier
le deuxième mode d’inscription.
L’honorable préopinant vous a parlé de la législation
française. Nous savons tous que c’est à cette législation que nous avons emprunté
le principe de la permanence. Nous lui avons aussi emprunté les deux genres
d’inscriptions, mais sans les garanties attachées à la deuxième. L’article 22
de la loi du 2 juillet 1828 permet d’inscrire sur la liste électorale tous les
citoyens qui ont acquis la capacité depuis la révision annuelle, mais il faut
qu’ils usent de cette faculté dans les 8 jours qui suivent la publication de
l’ordonnance de convocation pour les élections extraordinaires. La déchéance
est formellement prononcée.
Ce système n’a pas été établi en France sans
opposition, et il n’est pas sans importance de rappeler les débats qui se sont
élevés à ce sujet. La question a été vivement débattue pendant deux séances de
la chambre des députés les 8 et 9 mai 1828. Plusieurs députés soutinrent que le
principe de la permanence s’opposait à toute inscription supplémentaire. Le
ministre de l’intérieur, qui avait conçu et proposé la loi, donna à cet égard
les explications suivantes :
« Il y avait deux partis à prendre : ou déclarer
que la liste révisée devait être conservée comme conférant des droits pour
l’année, de manière qu’aucune modification ne pourrait être faite ; ou ajouter
des dispositions supplémentaires pour le cas où la réunion des collèges
arriverait après la publication du dernier tableau. Le premier mode était
beaucoup plus simple : il prévenait tous les abus, il prévenait même tous les
soupçons de fraude ; et ce serait un grand avantage pour un projet de loi que
d’écarter ces éternels soupçons qu’on élève contre l’administration.
« Nous aurions donc choisi ce premier moyen de
préférence, car nous aussi nous ne
voulons point ce qui peut faire naître la fraude ; mais nous avons été arrêtés
par la plus grave des considérations. Cette disposition eût été formellement
contraire aux dispositions de la charte, et nous n’avons pas pensé qu’il nous
vous permît de vous proposer de la violer.
« La charte veut qu’aucun citoyen ne puisse
exercer les fonctions électorales s’il n’est âgé de 30 ans et s’il ne paie 300
fr. de contributions. Il fallait donc rayer de la liste tous ceux qui, dans
l’intervalle, auraient perdu le droit de voter. La charte accorde le droit de
voter à tous les Français qui sont âgés de 30 ans et qui paient 300 fr. de
contributions. Il fallait donc inscrire sur la liste tous ceux qui, dans
l’intervalle, en avaient acquis le droit... Voilà ce qui nous a forcés de
recourir à l’autre moyen...
« Il n’y a point de contradiction entre ce que
nous proposons et le principe de la permanence. Savez-vous en quoi consiste la permanence
? Non pas dans la stabilité matérielle des listes, mais dans l’exercice d’un
droit qui ne peut être enlevé que conformément aux dispositions de la
loi... »
Tenons donc pour constant qu’il y a deux modes
d’inscriptions, et que toute loi électorale qui se bornerait à la révision
annuelle violerait la constitution.
On vous a dit, messieurs, que la représentation
nationale ne devait plus être un mensonge. C’est pour la rendre réelle que vous
avez brisé l’ancien système électoral, introduit l’élection directe, abaissé
l’âge et le cens, au point d’atteindre presque toutes les classes de la
société. Ce serait dénaturer votre système électoral que d’exclure des
élections tous ceux qui, dans l’intervalle d’une révision à l’autre,
c’est-à-dire pendant 10 mois de l’année, acquièrent les qualités requises ; ce
serait même le dénaturer que de punir trop sévèrement la négligence. Vous
n’admettrez pas cette interprétation étroite, tout en prenant acte des lacunes
de la loi pour les combler un jour.
- Il est quatre heures et demie. La séance est levée.
Membres absents sans congé à la séance du 6 décembre
1832 : MM. Boucqueau, Coppens, Coppieters, Davignon, de Foere, de Muelenaere,
de Robaulx, de Woelmont, Dumont, Helias d’Huddeghem, Jaminé, Lardinois,
Legrelle, Osy, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Rogier, Seron, Thienpont, Vergauwen,
Verhagen.