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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 20 décembre
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget des voies et
moyens pour l’exercice 1833. Discussion des articles. Exemption en faveur des
habitants des territoires cédés (d’Hoffschmidt, Mary, Berger, de
Robaulx, Angillis, Faider, d’Hoffschmidt, Dubois, Jullien, Osy, d’Huart,
de Robaulx, Duvivier, Dubois, F. de Mérode), contribution
personnelle (taxe sur les foyers de cheminée) (Gendebien,
Faider, Duvivier, Gendebien, de Robaulx, Duvivier, Gendebien, Davignon, Jullien, Duvivier), droits de succession (de
Robiano), intégration dans la loi des voies et moyens des tableaux détaillés
de recettes (Corbisier, d’Elhoungne,
Duvivier, Mary, A. Rodenbach, Dumortier, Corbisier, d’Elhoungne, Faider, Fallon, Osy,
Verdussen, Mary)
3) Projet de loi relatif aux droits sur les fers
(+industrie forestière). Développements (Zoude)
4) Proposition de loi modifiant la loi
d’organisation monétaire (Seron, A.
Rodenbach, (+société générale et caissier de l’Etat) Meeus,
Seron, Gendebien, d’Elhoungne, Verdussen)
(Moniteur belge
n°354, du 22 décembre 1832)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Jacques
fait l’appel nominal à une heure moins un quart.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
PIECES
ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Jacques
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
Discussion des articles
Article additionnel
L’ordre du jour est la suite de la discussion de la
loi des voies et moyens pour l’exercice 1833.
La chambre en est restée à l’article additionnel
proposé par M. d’Hoffschmidt. Cet article a pour but d’exempter les habitants
des parties du Limbourg et du Luxembourg, cédées par le traité du 15 novembre,
de l’augmentation de 40 centimes sur la contribution foncière, et de 13
centimes sur les patentes.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, l’amendement que j’ai l’honneur de vous proposer n’a
besoin, pour être apprécié, que de très peu de développements ; je me bornerai
donc à vous rappeler en quelques mots la position actuelle des habitants du
Luxembourg et du Limbourg en faveur desquels il est conçu.
Après le refus du roi Guillaume d’accepter les 24
articles, vos concitoyens de ces parties proscrites ont espéré fortement que
jamais le déchirement de la Belgique n’aurait lieu malgré que le consentement
de leur abandon ait été arraché à la représentation nationale, et ils
continuèrent, avec le patriotisme ardent qui les a constamment animés, à faire
tous les sacrifices exigés d’eux pour le maintien de notre indépendance ; les
exemptions qui ont été faites en leur faveur ont même été mal reçues, parce
qu’elles découragèrent les moins confiants.
Malheureusement, messieurs, les progrès qu’a faits la
diplomatie (progrès qui sont formulés dans la trop fameuse note du 2 novembre)
sont venus dissiper entièrement ces douces illusions au moyen desquelles aucune
charge ne paraissait trop lourde à des hommes qui chérissent aussi la liberté
avant tout.
Mais maintenant, messieurs, ne serait-ce pas une
amère, même une cruelle dérision de leur demander un surcroît de charges au nom
de cette indépendance qu’on leur arrache ? Croyez-vous que des Belges qui
s’attendent tous les jours à être replacés par les baïonnettes prussiennes sous
le joug de leur ancien oppresseur, pour essuyer le même sort que les malheureux
Polonais, verraient sans indignation que ceux qui les sacrifient exigent en
outre d’eux qu’ils se dépouillent en leur faveur avant de les quitter ?
Non, messieurs, cette ingratitude révoltante vous
attirerait trop de malédictions et de mépris, vous ne la commettiez pas ! Vous
laisserez des ressources à vos frères afin qu’ils puissent adoucir l’exil
qu’une partie d’eux sera forcée de faire ; car, n’en doutez pas, messieurs leur
Sibérie est au-delà des mers où ils seront obligés de combattre des hommes
luttant contre l’esclavage qu’on leur destine à eux-mêmes pour les punir de ce
qu’ils se sont joints à nous.
D’ailleurs, messieurs, dans leur position actuelle ils
refuseraient sans doute de faire de nouveaux sacrifices, et ils auraient raison
car ils savent que s’il est juste qu’ils contribuent aux frais de
l’administration paternelle qui les régit encore, il serait, d’un autre côté,
très injuste, inique même, de leur imposer une part dans les dépenses
extraordinaires occasionnées par notre diplomatie et par notre belle armée,
pour laquelle il leur paraît qu’ils sont déjà très généreux puisqu’elle est
encore composée en partie de leurs enfants.
Je n’ajouterai rien à ces considérations, qui me
paraissent suffisantes pour vous faire approuver les motifs qui m’ont
déterminé, messieurs, à proposer l’amendement dont il vient de vous être donné
lecture, et qui tend à exempter les populations abandonnées de l’augmentation
contenue dans le projet que nous discutons et contre lequel, n’eussé-je que ce
motif, je me croisais obligé de voter s’il ne contenait cette exemption, que je
considère comme étant de la plus rigoureuse justice.
- La proposition de M. d’Hoffschmidt est appuyée.
M. Mary. - Non, messieurs, aucun de nous ne veut que les
habitants des territoires cédés dans le Limbourg et le Luxembourg se dépouillent
en faveur de la Belgique ; mais vous avez fait vous-mêmes une distinction entre
ces habitants et nous, en repoussant un amendement de M. Dumortier. Il ne
s’agit pas d’un budget de voies et moyens extraordinaires, mais d’un budget
ordinaire pour faire face aux dépenses ordinaires de l’Etat. Cela est si vrai
que j’ai déjà eu l’honneur de vous faire observer qu’en demandant 25 millions
de francs pour la guerre, vous auriez à payer 72 millions, et qu’ainsi il
faudra pourvoir aux 47 millions excédants.
Les habitants des territoires cédés, en payant des
centimes additionnels, ne paieront que les frais. Avec nous, ils paient par
tête 22 fr. ; réunis à la Hollande, ils paieront plus du double. On objectera
que, dans le budget des dépenses, on a porté une somme de 8,400,000 fl. pour
faire face à la dette hollandaise, et qu’ils ne doivent pas contribuer pour ce
paiement ; mais, si chez nous ils ne contribuaient pour 8 millions, ils
contribueront aux 30 millions de florins que la Hollande doit dans ce moment-ci
: ainsi leur position est meilleure avec nous. Ils doivent subvenir aux
dépenses de l’Etat, puisqu’ils font partie de l’Etat, et ils ne sont pas dans
une situation pire que s’ils n’en faisaient pas partie.
M. Berger.
- Il me semble qu’il est de la politique de ne pas surcharger les habitants des
territoires cédés. Ces territoires sont parcourus par des agents du roi
Guillaume. Vous ne pouvez les forcer à contribuer à l’exécution d’un état de
choses qui est la conséquence des 24 articles ; ce ne peut être pour eux une
charge ordinaire.
M. de Robaulx. - Il me paraît, d’après les explications données,
que le budget en discussion n’est relatif qu’aux charges ordinaires ; alors les
habitants des parties du Limbourg et du Luxembourg que nous perdrons,
puisqu’ils sont encore régis et protégés par l’administration belge, doivent
contribuer aux frais de cette administration.
Je vote contre l’amendement.
M. Angillis. - Les charges énormes que l’on nous demande ne
résultent pas de l’état de paix, mais d’une position particulière où se trouve
la Belgique : nous faisons des sacrifices pour assurer notre indépendance. Je
demande si les malheureux du Limbourg et du Luxembourg jouiront des avantages
que nous aurons étant indépendants ? Que les charges que nous consentons soient
ordinaires ou extraordinaires, elles dérivent toujours de la situation où nous
sommes placés.
Je voterai pour l’amendement de M. d’Hoffschmidt.
M. Faider, commissaire du Roi. - Je combattrai l’amendement et défendrai la
proposition du gouvernement tendant à ce que les impôts établis continuent à
frapper également sur les parties de territoire cédées. Mon principal moyen
sera tiré de la réponse que S. M. a faite à l’adresse que vous avez votée :
dans cette réponse, S. M. assure ces parties du Limbourg et du Luxembourg de la
haute protection du gouvernement. Je dirai que pour que cette protection soit
efficace, il faut que le gouvernement ait dans les mains les ressources
nécessaires pour faire valoir ses justes prétentions. Vous appuierez donc
l’avis émis par les honorables préopinants, MM. Mary et de Robaulx.
M. d’Hoffschmidt. - Je ferai quelques observations sur ce qu’a dit M.
Mary. Il prétend que notre budget est ordinaire : comment persuaderez-vous
qu’un budget de 83 millions de francs, comprenant des augmentations de 40
centimes, soit un budget ordinaire ?
Vous ne donnerez pas cette persuasion à des gens qui
vont se séparer de nous. Vous aurez beaucoup de peine à exécuter vos lois
d’augmentation des impôts dans ces pays. M. le commissaire du Roi nous rappelle
l’assurance donnée par S. M. de protéger les habitants des territoires cédés ;
faisons comme S. M., venons au secours de ces habitants, et ne les surchargeons
pas d’impôts.
M. Dubois.
- Je ne pense pas non plus que nous ayons un budget ordinaire ; le discours du
ministre des finances, en présentant le budget des voies et moyens, me confirme
dans cette idée. Le ministre a dit que le projet de loi comprend des dépenses
temporaires.
En effet, est-ce que les 40 centimes seront imposés
encore l’année prochaine ? Alors on ne peut pas dire que le budget est
temporaire.
M. Jullien. - Voulez-vous exempter les habitants du Limbourg et du Luxembourg des
40 centimes et des 13 centimes additionnels ? Il me semble que la question ne
peut être douteuse. Toute la difficulté consiste à savoir si on demande une
contribution ordinaire ou extraordinaire. Quand on demande 40 p. c. et 13 p. c.
d’augmentation sur le principal, c’est à cause des circonstances
extraordinaires où nous sommes, circonstances qui ne peuvent frapper les
habitants des territoires cédés.
Qu’on demande à ces habitants l’impôt ordinaire, il
faudra qu’ils paient cet impôt quelque part ; mais qu’on ne leur demande pas un
impôt vraiment extraordinaire : les 40 centimes et les 13 centimes sont une
subvention de guerre. Par ces motifs, je voterai pour l’amendement de M.
d’Hoffschmidt.
M. Dubois. - Je vote également pour l’amendement.
M. Osy. -
Messieurs, lorsqu’on vous a proposé de ne pas faire payer par anticipation la
contribution foncière aux provinces du Limbourg et du Luxembourg, j’ai voté
pour cette proposition. Ne sachant pas quand ces provinces nous seront
arrachées, il serait injuste de les faire payer d’avance ; mais aussi longtemps
que les provinces seront réunies à nous, elles doivent participer à toutes nos
charges ordinaires. Le budget que nous votons est un budget ordinaire ce sont
les 47 millions que nous voterons pour la guerre qui formeront le budget
extraordinaire.
M. d’Huart. - Dans le budget que nous discutons, il y a
nécessairement des charges extraordinaires. C’est ainsi que l’on vous porte 17
millions pour l’intérêt de la dette publique. On vous porte ensuite 5 millions
d’intérêt pour l’emprunt de 48 millions, et pour la dotation de l’amortissement
1 million, D’où proviennent ces dettes, ces emprunts ? Ne les a-t-on pas
dépensés pour frais de guerre ? N’était-ce pas pour soutenir notre nationalité
que nous avons fait ces dépenses ? Comment pouvez-vous faire contribuer pour
ces sommes des hommes qui perdent leur nationalité, que vous rejeter sous le
joug de leur ancien oppresseur ? On prétend que si ces habitants appartenaient
à la Hollande, ils paieraient double de ce que nous leur demandons. Quand ils
tomberont sous le joug de la Hollande, le roi Guillaume ne leur tiendra compte
de rien, et surtout des sommes qu’ils auront payées pour maintenir la
nationalité belge. En payant les contributions en 1833 comme ils les ont payées
en 1832, ce sera déjà un fardeau assez lourd pour eux.
M. de Robaulx. - Je ne puis concevoir qu’on nous signale un budget
de 83 millions de francs comme un budget extraordinaire. Quand nous étions
réunis à la Hollande, nous payions en budget décennal et annal 85 millions de
florins ; c’était le budget ordinaire ; il y a de la différence de cette somme
avec 83 millions de francs.
On objecte l’augmentation de 40 centimes ; mais ce ne
sont pas les frais de la guerre qui occasionnent cette augmentation ; c’est
parce qu’on s’est trop hâté de diminuer les contributions en 1830 et en 1831 :
vous ne faites maintenant, par les augmentations, que réparer le déficit ; vous
restituez, en 1833, ce que vous n’avez pas assez perçu en 1831 et 1832. Les
frais de guerre, vous les trouvez dans l’emprunt Rothschild. Sans doute que
l’on demande de l’argent pour payer l’intérêt de cet emprunt ; mais on n’en
demande point pour payer le capital. Si on demandait pour payer le capital, je
concevrais qu’ils diraient alors : Nous ne pouvons payer une somme qui a servi
à nous arracher à la patrie.
Vous pourrez, peut-être, diminuer le budget ordinaire
; mais ce sera en changeant le système de l’administration. Si vous payez
davantage en 1833, c’est pour combler le déficit du non-perçu des années
précédentes : nous ne faisons que le budget ordinaire, et cela est si vrai que,
si vous avez des frais de guerre, il faudra un emprunt.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Un honorable
membre a désiré savoir si le budget était ordinaire ou extraordinaire ; je
crois avoir déjà répondu à pareille question ; j’appellerai ce budget un budget
mixte : il y a des sommes qui y figurent et qui disparaîtront des budgets
suivants. Par exemple, les frais de premier établissement à l’hôtel de la
Monnaie.
Ces dépenses n’en sont pas moins des dépenses
ordinaires, auxquelles il fallait faire face par le budget des voies et moyens.
Le budget est ordinaire, il n’y a pas le moindre doute.
M. Dubois.
- Il y a donc, de l’aveu du ministre, de l’ordinaire et l’extraordinaire dans
le budget. Je voudrais que les 40 centimes et les autres augmentations ne
fussent pas applicables aux territoires cédés.
M. F. de Mérode. - Messieurs, je ne demanderais pas mieux que de soutenir la proposition
de M. d’Hoffschmidt, si je croyais réellement servir des populations qui
m’intéressent autant que personne.
Toujours, le gouvernement qui succède à un autre a
soin de prélever les contributions qui eussent été perçues par celui dont il
recueille l’héritage. Le fisc hollandais, si vous faites une exception en
faveur des Luxembourgeois et Limbourgeois, en profitera plus tard pour son
propre compte. Il leur dira : « Vous avez été exempts de ces 40 et 13 p.
c. pendant autant de mois, soldez actuellement ces sommes ; » et nous les
perdrons sans aucun avantage obtenu par ceux dont il s’agit. Voilà, messieurs,
ce qui me décide à voter contre l’amendement. Je n’hésiterais pas à m’y rallier
sans ces considérations, tant j’aimerais à adoucir le plus possible la pénible
situation de nos concitoyens.
- L’amendement est mis aux voix et rejeté.
Amendement
de M. Gendebien
M. le président. - Deux amendements sont proposés par M. Gendebien.
Par le premier, cet honorable membre demande que pour
les habitations où il n’y a qu’un foyer, ce foyer ne paie pas la taxe.
Par le second, il demande que les foyers des ouvriers
et des fabriques soient exempts de la taxe.
M. Gendebien
a la parole pour développer le premier de ces amendements. - Messieurs, dit-il,
je ne sais si l’amendement que je présente sera mieux accueilli cette année
qu’il ne l’a été l’année dernière.
Je l’ai présenté à la précédente session pour remplir
un devoir d’humanité, je le présente à cette session pour remplir le même
devoir. Je crois qu’il est par trop rigoureux, alors que pour éviter quelque
gêne aux riches, vous exemptez le 13ème foyer, de ne pas exempter le foyer
unique du pauvre.
Vous ne pouvez mettre un malheureux dans la position
de mourir de froid par l’impuissance de payer l’impôt ; j’ai donc lieu de
penser que vous reviendrez sur la décision prise l’année dernière.
M. Faider, commissaire du Roi. - La nouvelle exemption que l’on propose et celles
qui existent déjà en faveur des petites habitations, forment une accumulation
d’exemptions qui finiraient par être fatales au trésor. Il y a exemption de la
contribution personnelle quand la valeur locative de l’habitation est
au-dessous de vingt florins ; la loi a donc fait la part du pauvre. Il y a
beaucoup d’habitations dont la valeur locative est supérieure à vingt florins
et qui n’ont qu’un foyer. Il y a des contribuables dans une certaine aisance
qui n’ont pas deux foyers : vous porteriez atteinte, et une vive atteinte, au
quantum de l’impôt, si vous adoptiez l’amendement de l’honorable M. Gendebien.
Quant aux foyers des usines et des fabriques, ils ne
sont atteints par la loi que lorsque les fabriques et les usines font partie de
l’habitation ; je ne crois pas que les bâtiments employés exclusivement aux
usines soient atteints par la loi.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - La part du malheureux est faite sous le rapport de
l’exemption des foyers. Lorsque la maison qu’il habite est d’une valeur
locative au-dessous de vingt florins, il est exempt de tout impôt.
M. Gendebien. - Messieurs, je voudrais savoir quelle influence
exerça, sur l’impôt personnel, l’exemption du foyer unique. Le ministre devrait
nous dire exactement le chiffre de réduction que je propose ; alors la chambre
verrait s’il vaut la peine de vexer le malheureux. On vous dit qu’il y a
exemption pour les locations au- dessous de 20 florins ; mais, messieurs, on
sait comment on opère cette évaluation ; elle est tout à fait arbitraire. Si
les agents du fisc mettent beaucoup de formes quand ils agissent vis-à-vis du
riche, ils mettent la plus grande rigueur vis-à-vis du pauvre. J’en ai vu
l’exemple sous les yeux. Des malheureux, qui n’avaient pas de pain, étaient soumis
à l’impôt ; on prenait note chez eux d’une chaise de paille, du moindre objet ;
mais lorsqu’il s’agit d’attaquer l’aristocratie mobilière ou de l’argent, on se
garde bien de déranger ces messieurs, on ne dérange pas même leurs valets de
chambre. Lorsque le malheureux réclame, l’administration repousse sa plainte.
Il faut qu’il paie, et il paie quelquefois au moyen
d’aumônes. J’ai été scandalisé de certaines estimations faites dans des
communes ; les malheureux ne pouvaient pas payer, et l’administration a été
inexorable.
M. de Robaulx. - Je me prononce contre l’amendement de M.
Gendebien. Que veut-il ? Dégrever autant que possible la misère ? Le but de
l’amendement est atteint par la loi qui dégrève l’individu qui habite une
maison d’une valeur locative au-dessous de 20 florins. Que résulterait-il de
l’amendement proposé ? C’est que beaucoup de gens de campagne, possédant de
grandes exploitations, beaucoup de fermiers et de propriétaires qui ne sont que
très légèrement imposés, ne possèdent qu’un foyer, vivent avec leurs
domestiques et seraient exempts de l’impôt. Il faut absolument à l’Etat les
sommes nécessaires et quand chacun de nous aura dégrevé la classe à laquelle il
s’intéresse, il faudra établir un nouvel impôt, ou mettre à 60 ou 80 centimes
les centimes additionnels de l’impôt foncier. L’amendement favoriserait ceux
qui ne doivent pas jouir de cette faveur. J’en vote le rejet.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Dans le nouveau
projet sur les impôts la base relative aux foyers disparaîtra et je m’en
félicite. En effet elle prêtait à beaucoup d’abus, de fraudes peut-être, de
vexations. Cependant, il ne faut pas croire que les contribuables soient
abandonnés aux caprices des agents du fisc. Je prie la chambre d’être bien
convaincue que les experts sont bien choisis, et désignés par les autorités
provinciales et cantonales ; ils font leur devoir avec décence et justice. Il y
a sauvegarde dans les opérations relatives aux patentes, parce que les
répartiteurs sont surveillés par les échevins. Je ne prétends pas qu’il n’y ait
pas d’abus, mais je puis assurer qu’ils sont bien moindres qu’on ne le dit.
J’espère que la plupart des abus signalés dans cette chambre disparaîtront successivement
ou par la refonte des lois fiscales ou par leur amélioration.
M. Gendebien.
- Je retire mon amendement ; je préfère le retirer à le voir échouer.
M. le président.
- Le second amendement de M. Gendebien est en discussion.
M. Gendebien. - Messieurs, il me semble qu’il y a anomalie à
grever l’industrie d’une patente, puis à l’arrêter à chaque pas qu’elle fait,
pour lui demander encore de l’argent. Il me semble, messieurs, que dans
l’évaluation des patentes, le nombre des foyers représente l’importance plus ou
moins grande de la fabrique ou de l’usine, et que ce nombre de foyers entre en
ligne de compte dans l’estimation de la patente. Pourquoi faire payer cet objet
une seconde fois ? Il y a telle usine qui n’a qu’un foyer, une machine à vapeur
et telle autre qui en a 15 ou 20 ; cependant la première peut valoir 5 à
600,000 fl., et l’autre, qui a 15 foyers, n’est que d’une valeur de 50 à 60,000
fr. Les foyers des fabriques peuvent-ils entrer dans la catégorie du personnel
ou du mobilier personnel d’un négociant ? Il est temps de faire une juste
exemption. L’administrateur de l’enregistrement dit qu’elle existe déjà ; je
crois que c’est une erreur ; elle n’est pas dans la loi.
M. Davignon.
- Si, comme on vient de nous le dire, l’exemption proposée par M. Gendebien, se
trouve dans la loi, hâtons-nous, messieurs, d’en prendre acte ; car, par suite
d’une de ces décisions ministérielles, que j’ai qualifiées hier, les foyers des
usines et fabriques ont été imposés dès le principe, et n’ont cessé de payer
depuis. Il serait de toute justice, comme l’a dit l’honorable membre, que tout
ce qui se rattache directement à une profession fût compris dans la patente.
J’appuie donc l’amendement proposé ; c’est une première rectification d’une loi
absurde.
M. Jullien. - J’ai voté hier pour l’exemption du treizième
foyer, non par des considérations aristocratiques, mais parce que je suis
convaincu que le maintien de l’impôt du treizième foyer ne faisait que
continuer des vexations pour les contribuables sans profit pour le trésor. Je
m’en suis expliqué hier, et ce sont ces considérations que j’ai exposées hier
qui ont déterminé l’assemblée à consentir la suppression.
Quant à l’amendement de M. Gendebien pour les usines,
je l’appuierai de toutes mes forces. Aux aubergistes, vous faites payer une
patente ; si vous leur faisiez payer encore les foyers, vous mettriez un double
impôt ; eh bien, la même chose existe pour les usines, qui n’existe pas sans
foyers, sans fourneaux : vous leur faites payer une patente, et cela doit
suffire, Là où il y a le même droit, il y a même raison de décider. Je vote
pour l’amendement.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il est évident que la loi n’exempte pas les foyers
des usines, et c’est par cette raison que l’on a cru devoir les imposer.
L’administration, ayant été consultée, a dû appliquer la loi : tout ce qui n’est
pas formellement exempté doit être frappé par l’impôt.
- L’amendement de M. Gendebien, mis aux voix, est
adopté ; ainsi les foyers des usines sont exempts de l’impôt.
Amendement
de M. de Robiano
M. Robiano de Borsbeek demande la suppression des déclarations pour les
successions qui ne paient rien au trésor.
Il s’exprime ainsi. - Messieurs, je vous prie de
remarquer que dans cet amendement je ne dérange en rien l’économie des voies et
moyens : le trésor ne perdra rien, nous pouvons être en sécurité à cet égard.
Hier, j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre différentes observations afin
qu’elles produisent leur fruit plus tard. Je reconnais qu’on ne peut introduire
des changements quand l’impôt peut souffrir. Ici nous ne voyons rien de
semblable à craindre ; je ne demande la suppression des déclarations que là où
le fisc ne perçoit rien. Mon but, messieurs, est de répandre, dans tout le
pays, une grande satisfaction, parce que les déclarations des moindres
successions sont extrêmement désagréables à tout le monde. Elles engagent dans
une multitude de formalités, de dépenses, et cela dans le moment de
l’affliction des familles. Il y a un autre motif qui me paraît très important.
Les déclarations que l’on fait mettent le gouvernement dans la confidence des
secrets des familles, des fortunes de tout le monde. Par suite de ces
déclarations il est facile à chacun de savoir ce que possède son voisin. Dans
un pays libre, il faut que le gouvernement ne se mêle pas des affaires de
famille, ou le moins possible. Il faut des impôts, certainement ; mais on peut
les établir sans s’ingérer d’une manière odieuse dans les affaires de famille.
Je fais grand cas des mesures qui ont un effet moral ;
le patriotisme est précieux, il donne des ressources à l’Etat ; mais il faut
des bases au patriotisme pour qu’il s’établisse. Il faut que le citoyen sache
qu’il est libre, qu’il est son maître ; alors il consent des sacrifices pour
conserver son indépendance. On dira que le gouvernement a intérêt de connaître
les biens des familles, afin de les atteindre convenablement pour les impôts :
cette objection est réelle ; mais, messieurs, il me semble que le gouvernement
a d’autres moyens d’atteindre celui qui doit payer, et il est inutile de lui
donner le pouvoir inquisitorial contre lequel je réclame. Au moment de voter de
majorations sur les impôts, l’amendement étant adopté donnerait satisfaction à
toute la Belgique. Le gouvernement d’un pays libre doit s’occuper le moins
possible des affaires de la province, de la commune, et encore moins des
affaires des particuliers. Pourquoi donc demander des déclarations minutieuses
pour n’obtenir rien à verser dans les caisses de l’Etat. Le gouvernement
atteint toujours le propriétaire par la terre dont le cadastre lui fait
connaître la moindre parcelle ; il faut bien que le propriétaire se déclare.
On me dit que ce n’est pas dans un budget des voies et
moyens que le changement que je propose doit s’opérer ; j’en conviens ; mais la
loi dans laquelle ma proposition pourrait trouver place peut être retardée.
Plusieurs voix. -
L’amendement viendra ailleurs ! L’amendement dans une autre loi !
- La proposition de M. de Robiano de Borsbeek n’a pas
de suite.
Amendement
de M. Corbisier
M. Corbisier.
- Il me semble que dans le projet qui nous occupe, il se trouve une lacune, que
je crois devoir vous signaler. Suivant les règles de toute bonne comptabilité,
le budget des dépenses doit se balancer par le budget des recettes. Pour que
cette balance puisse se faire, il faut que le chiffre total de chacun de ces
budgets soit fixé ; or, dans la loi en discussion, ce chiffre total n’est point
déterminé. On m’objectera peut-être qu’on ne peut le déterminer d’une manière
rigoureusement exacte, d’une manière précise. Mais il faut remarquer qu’en
matière de budget, sauf ce qui concerne les dépenses fixes et les recettes
invariables, on procède toujours par voie d’évaluation.
L’omission sur laquelle j’appelle l’attention de la
chambre, s’était glissée dans la loi des voies et moyens du 29 décembre 1831.
Plusieurs membres de cette assemblée ont, dans une occasion toute récente, été
à même d’en reconnaître les inconvénients. C’était dans le sein de la
commission que vous aviez nommée pour examiner le projet de loi tendant à
autoriser le paiement par anticipation des deux tiers de la contribution
foncière de 1833. Il s’agissait de savoir si le produit de l’emprunt négocié
avec la maison Rothschild figure dans le budget des recettes de 1832, bien que,
de la loi qui charge le gouvernement de contracter cet emprunt, il résulte
évidemment que son produit doit couvrir les dépenses de l’Etat ; rien
n’indique, aucune disposition n’énonce que ces dépenses sont celles de 1832. La
commission n’en a acquis la certitude qu’en recourant au tableau que M. Coghen,
ministre des finances d’alors, avait joint à son projet, comme M. le ministre
des finances actuel en a joint un au projet qu’il vous a dernièrement présenté.
Je crois donc, messieurs, qu’il est nécessaire de
joindre à la loi le tableau. Je le crois, avec d’autant plus de raison, que je
vois figurer des recettes montant à 1,260,000 fr. dont il n’est fait aucune
mention dans la loi elle-même.
Ces considérations me déterminent à vous proposer
l’adoption d’un article additionnel ainsi conçu :
« D’après les dispositions qui précèdent, le
budget ordinaire des recettes pour l’exercice de 1833 est fixé à la somme de …
fr. conformément au tableau annexé à la présente loi. »
Je
me sers du mot « ordinaire, » parce qu’évidemment ce budget ne pourra
couvrir toutes les dépenses de 1833, et qu’il faudra nécessairement recourir à
des moyens ou à un budget extraordinaires.
Je laisse la somme en blanc, parce que cette somme
doit être arrêtée par le tableau qui subira plusieurs modifications d’après les
divers amendements adoptés dans le cours de la discussion.
La méthode que j’indique est suivie en France.
- L’amendement de M. Corbisier est appuyé.
M. d’Elhoungne. - J’appuie la proposition de M. Corbisier, mais je
proposerai un sous-amendement tendant à substituer au mot « fixé » le
mot « évalué. »
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Il est entendu
que le ministère devra revoir le tableau par suite des changements qui ont été
adoptés, et que le chiffre ne sera qu’un simple aperçu, qu’une évaluation. (Oui ! oui !)
M. Mary. - Je ferai
observer qu’il y a deux tableaux, savoir un pour les recettes du royaume de
Belgique proprement dit, et l’autre pour les produits des territoires à céder,
Je crois donc qu’il faudrait encore sous-amender l’article proposé par M.
Corbisier et dire : « conformément aux deux tableaux ci-joint. »
M. A. Rodenbach. - Je demande la suppression du mot
« ordinaire, » parce que, d’après ce que nous a dit M. le ministre
lui-même, le budget que nous venons de voter est un budget mixte.
M. Dumortier.
- J’appuie la proposition de M. Rodenbach, parce que dans le tableau dont il
s’agit, on a divisé les dépenses en deux catégories, et on a qualifié les unes
d’ordinaires et les autres d’extraordinaires.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il me semble que le mot de « budget
ordinaire » est bien appliqué ici et doit être conservé.
M. Corbisier.
- Je me rallie aux sous-amendements de MM. d’Elhoungne et Mary.
M. d’Elhoungne. - Je me vois encore obligé de faire une observation,
c’est que les deux tableaux annexés au budget ne présentent pas des produits
absolument identiques. Par conséquent, il est impossible de les réunir
ensemble. Il faut nécessairement faire un choix et ne faire figurer que le
chiffre d’un seul de ces tableaux.
M. Faider, commissaire du gouvernement. - Je crois que l’amendement n’ajouterait rien à la
loi. D’ailleurs, il est impossible de fixer pour toute l’année les produits qui
devront revenir des territoires à céder, attendu leur double éventualité ; et
ensuite le tableau n’est annexé au budget que par forme de renseignements. Par
conséquent il est inutile.
M. Fallon,
M. Osy et M. Verdussen
appuient l’amendement de M. Corbisier.
M. Mary propose
cette autre rédaction :
« D’après les dispositions qui précèdent, le
budget ordinaire des recettes de 1833 est évalué à la somme de … francs,
conformément au tableau des voies et moyens pour 1833, et de la somme de …
francs, conformément, au tableau des produits présumés pour 1833 des
territoires à céder. »
M. Osy. - On
pourrait mettre « aux sommes de ... francs et de … francs, conformément
aux deux tableaux annexés à la présente loi. » Cela concilierait tout. (Oui ! oui ! appuyé !)
M. Mary se rallie à
cette rédaction.
- La suppression du mot « ordinaire, »
proposée par M. A. Rodenbach, est mise aux voix et adoptée après une double
épreuve.
La rédaction de M. Osy est également adoptée.
En conséquence, l’article additionnel de M. Corbisier
sera ainsi conçu : « D’après les dispositions qui précèdent, le budget des
recettes de 1833 est évalué aux sommes de … francs et de … francs, conformément
aux deux tableaux annexés à la présente loi. »
Article final
La chambre adopte ensuite l’article final du projet,
en ces termes :
« La présente loi sera exécutoire le 1er janvier
1833. »
M. le président.
- Attendu qu’il a été introduit des amendements à ce projet de loi, nous ne
pourrons voter sur l’ensemble que samedi.
- Sur la demande de M. d’Elhoungne, l’impression en est
ordonnée.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS SUR LES FERS
M. le président.
- La suite de l’ordre du jour appelle les développements des propositions de M.
Zoude et de M. Seron.
M. Zoude.
- Messieurs, le projet que j’ai l’honneur de vous présenter a pour objet de
favoriser une industrie dont les établissements ont exigé l’emploi de capitaux
considérables, et dont les productions dans des temps prospères s’élèvent à une
valeur de plusieurs millions de florins.
Cette industrie, florissante naguère, ne se soutient aujourd’hui
qu’à l’aide du tarif dont je réclame la continuation.
En protégeant cette industrie, vous pourvoyez à
l’existence de 80 à 100 mille ouvriers dont la forgerie utilise les bras.
Vous maintenez à une certaine valeur cette immense
quantité de bois qui couvre une partie du territoire des provinces de Hainaut,
Namur, Liége, Luxembourg, et vous procurez ainsi quelque adoucissement au sort
de ses nombreux propriétaires qui, avec cette branche de leurs revenus, ont
peine à subvenir maintenant aux charges publiques qui généralement écrasent les
propriétés boisées.
Une autre industrie est encore appelée à partager les
bienfaits de la mesure que je réclame, celle du roulage qui reçoit de la
forgerie le poids énorme de plus d’un milliard de kilogrammes pour une distance
moyenne à parcourir de 4 à 5 lieues.
Ce que je dis ici, messieurs, ne repose pas sur des
paroles hasardées, mais sur des calculs positifs, qu’il vous serait fastidieux
d’entendre, mais que je pourrai soumettre à la commission qui vous chargera de
l’examen de ma proposition, si vous la croyiez susceptible d’être prise en
considération.
En bornant la durée de la loi à l’époque de l’adoption
d’un nouveau tarif de douanes, j’ai consulté non seulement l’intention que vous
avez consignée dans la loi du 16 décembre, mais particulièrement l’intérêt des
propriétaires forestiers,
En effet, messieurs, la forgerie ne fait ses
approvisionnements de bois que dans les derniers mois de l’année ; et certes,
dans l’incertitude du sort de la loi qui doit la régir au premier janvier, elle
ne peut guère se hasarder à faire des achats à moins d’y être engagée par la
grande modicité des prix : dès lors les intérêts forestiers peuvent par suite
être compromis.
Il n’en sera pas de même lorsque la loi doit cesser
avec la mise en vigueur d’un nouveau tarif général, parce qu’un ouvrage de
cette nature étant de longue haleine, le commerce aura le temps de prendre ses
mesures de précaution.
Par l’article 2 de la loi, je propose les prohibitions
du transit par terre ; en voici le motif :
Chacun sait que la prospérité de la plupart de nos
industries dépend d’un traité de commerce avec la France, traité qui assurerait
les intérêts des deux pays ; or, ces intérêts sont évidemment compromis par le
transit des fers en Belgique : je le prouve.
La France impose les fontes étrangères, à leur entrée
dans ses ports maritimes, au droit de 9 fr. 90 c. les cent kilog. ; mais elle
les admet à 4 fr. 40 c. par certains bureaux. Cependant, pour introduire les
fontes anglaises par nos canaux intérieurs, il n’en coûte à l’introducteur que
60 centimes environ pour les frais de transit, d’où il résulte qu’en empruntant
notre territoire, les fontes anglaises parviennent sur les marchés de France,
chargées seulement de 5 francs pour tous droits et frais, tandis que
l’intention comme l’intérêt de la France étaient de repousser ces fontes par le
droit prohibitif de 9 fr. 90 c. Le maintien du transit est donc une hostilité
envers le commerce français, sans utilité pour la Belgique ; ce que prouve la
modicité des frais de transport.
Messieurs, en vous présentant ce projet, ce n’est pas
la voix de quelques industriels que j’emprunte, c’est celle des chambres du
commerce de toutes les provinces du royaume où il existe des établissements de
forgerie ; en effet, il résulte des rapports parvenus à la commission
d’industrie établie par le Roi qu’il y a non seulement unanimité pour le
maintien du droit, mais encore pour son élévation, car les conclusions de la
majorité sont pour l’adoption franche du tarif français, comme le seul moyen de
déterminer le gouvernement à nous faire quelques concessions ; et la chambre de
Bruxelles seule réclame une modification en faveur de la mitraille et du fer
mulet, mais elle renchérit sur toutes les autres pour une plus forte élévation
sur les fers en barres.
Messieurs, j’ajouterai encore quelques mots : il est
une de nos provinces où les établissements de forgeries sont les plus nombreux,
parce que la nature y a placé les minerais de fer les plus abondants et les
forêts les plus étendues ; mais là sont aussi les communications les plus
difficiles, et la distance à parcourir par le roulage qui sert les usines à fer
du royaume, qui n’est en général que de 4 à 5 lieues, s’élève pour cette
province à 6 ou 7. Il est vrai que son étendue fait à peu près la cinquième
partie de celle du royaume, tandis que sa population n’en est guère que la
douzième.
Pourquoi ? Parce que l’industrie manufacturière comme
l’industrie agricole y ont à vaincre tout à la fois la longueur et les
difficultés des chemins, ainsi que l’ingratitude du sol.
Ces obstacles disparaîtront insensiblement si le
développement de cette industrie est favorisé par des routes en fer et des
canaux qui sont peut-être les seuls moyens efficaces de protéger la forgerie.
Mais jusque-là, messieurs, une loi qui nous protège
contre l’envahissement par les produits étrangers nous est indispensable ;
aussi l’abolition du tarif serait surtout pour cette province un arrêt de mort.
C’est cependant vers elle, messieurs, vers le Luxembourg enfin que vous avez
quelquefois porté des regards de bienveillance ; je suis heureux de pouvoir les
réclamer en invoquant en sa faveur les motifs les plus puissants d’intérêt
général, le travail et les productions.
- La prise en considération est mise aux voix et adoptée,
et la pro position est renvoyée à la commission d’industrie et de commerce.
PROPOSITION
DE LOI MODIFIANT LA LOI D’ORGANISATION MONETAIRE
M. Seron a la parole pour développer également sa proposition, relative
aux monnaies d’or. Il s’exprime ainsi :
Messieurs, l’article 20 de la loi du 5 juin 1832 porte
que les pièces de 5 et de 10 florins des Pays-Bas seront reçues au trésor et
dans la circulation sur le pied de 47 centièmes 1/4 des Pays-Bas, pour un franc,
jusqu’au 31 décembre 1832 ; et qu’à partir de cette dernière époque, et jusqu’à
disposition ultérieure, elles seront reçues au taux de 48 centièmes 1/4 aussi
pour un franc.
En dépréciant ainsi les pièces d’or de plus de 2 p. c.
de leur valeur nominale, de la valeur pour laquelle elles ont été livrées ai
public, il eût été juste, me semble-t-il, de procurer à celui-ci les moyens de
s’en défaire sans perte, de les échanger au pair, soit à la monnaie soit au
trésor.
Mais ces moyens n’étaient pas à la disposition du
gouvernement puisque, à l’heure qu’il est, la monnaie n’a frappé qu’une extrême
petite quantité d’espèces nouvelles, en proportion de l’or qui se trouve en
circulation, et que, depuis la promulgation de la loi monétaire, les caisses
publiques ont dû se trouver constamment sans fonds oisifs, par le paiement
d’une grande partie des impôts en obligations de l’emprunt de 10 millions, et
par la nécessité d’employer le surplus, à mesure de rentrées, au paiement des
dépenses courantes.
L’échange étant impossible d’ici au 31 décembre, il y
a nécessité d’ajourner la dépréciation des pièces de 5 et 10 florins ; et c’est
cette mesure que j’ai l’honneur de proposer. Sans doute elle est conforme à vos
principes : vous ne voulez pas imiter le gouvernement de Bonaparte dans ce
qu’il statua relativement aux anciennes monnaies françaises et à vos anciennes
monnaies provinciales ; vous croyez que quand la loi diminue la valeur des
espèces, la perte doit être supportée par la nation entière, et non par les
individus dans les mains de qui elles se trouvent.
La banque, je le sais, recevra et fera recevoir par
ses agents, après l’époque du 31 décembre, les pièces de cinq et de dix florins
pour leur valeur nominale.
Mais cela ne suffit pas ; il faut rapporter l’article
20 de la loi monétaire.
Tant que les dispositions en subsisteront, elles
pourront être opposées par les receveurs de l’Etat aux contribuables, par les
créanciers de l’Etat à l’Etat lui-même, et par tous les autres créanciers à
leurs débiteurs ; nul ne sera tenu de recevoir la pièce de 10 florins pour une
valeur excédant 20 francs 72 centimes 104/193 de centime.
Ces courtes observations me
semblent justifier suffisamment la proposition que j’ai l’honneur de reproduire
:
« L’article 20 de la loi du 5 juin 1832 est
rapporté. En conséquence et jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné, les
pièces de 5 et de 10 florins continueront à être reçues dans les caisses
publiques, dans les paiements faits à l’Etat et dans la circulation pour la
valeur en francs, savoir : la pièce de 5 florins à raison de 10 francs 58
centimes un cinquième, et celle de 10 florins à raison de 21 francs 16 centimes
deux cinquièmes. »
M. le président.
- Veut-on discuter immédiatement la question de prise en considération ? (Oui ! oui !)
M. A. Rodenbach. - Messieurs, il me semble qu’avant de prononcer la
prise en considération de la proposition de notre honorable collègue M. Seron,
le ministre des finances devrait nous dire si, au 1er janvier, la banque
continuera à percevoir les contributions, pour compte de l’Etat, par
l’intermédiaire des employés du gouvernement ; dans le cas affirmatif nous ne
devons point appuyer la proposition de M. Seron. Le but de cet honorable
collègue serait rempli, puisque la banque a déjà résolu que le public
n’essuierait point la perte de 4 francs 39 centimes, à peu près 2 1/2 pour cent
florins en or des Pays-Bas.
Mais si le ministère se propose de nommer des agents
comptables 4. 5, 6, 7, 8,000 francs par an, pour recevoir les impôts, alors je
devrais donner mon assentiment à la prise en considération de la proposition
qui nous est soumise. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il est très dangereux de
changer les lois, lorsqu’il n’y a pas nécessité absolue ; d’ailleurs,
messieurs, puisqu’il est reconnu, d’après l’article 20 de la loi monétaire du 5
juin 1832, que les pièces de 10 florins ne valent pas 21 francs 16 centimes, il
se pourrait que plus tard la Hollande inonderait le pays de ses pièces en or.
Soyons donc sur nos gardes.
M. Meeus.
- Messieurs, après ce qui s’est passé dans la dernière discussion et après
l’article inséré dans le Moniteur,
j’engage comme député M. le ministre des finances à dire ce que la banque peut
faire et ne peut pas faire. Quant à la prise en considération de la
proposition, je l’adopterai. Cependant pour le moment je suis opposé à cette
proposition, et en voici le motif.
Plusieurs voix. - Mais c’est la question du fond que vous allez
entamer.
M. Seron. - Je demande la parole pour répondre à M. Rodenbach
qu’il a commis une erreur en disant que la banque recevait les contributions ;
ce sont les agents du gouvernement qui en sont chargés, et quand bien même le
gouvernement donnerait à ces agents l’autorisation de recevoir les pièces de 5
et 10 florins, il ne s’ensuivrait pas qu’ils y fussent forcés. Une disposition
de loi est donc nécessaire.
M. Osy. - Je
demande qu’on accorde la parole à M. Meeus, car il est impossible de discuter
la prise en considération sans aborder le fond.
M. Meeus.
- J’y renonce.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il n’y a pas à hésiter sur la
prise en considération. Il est un fait certain, c’est que nous n’avons pas
encore assez de monnaie pour remplacer actuellement l’ancienne, et lorsque
l’année on a fixé le terme du 31 décembre après lequel les anciennes monnaies
qui resteraient en circulation subiraient une grande perte, on pensait pouvoir
être en mesure d’émettre à cette époque d’autres monnaies. Comme il est évident
qu’il n’y en a pas assez de nouvelles pour remplacer les anciennes, il faut au
moins accorder l’honneur d’un examen à la proposition de M. Seron.
M. d’Elhoungne. - (Le discours de l’honorable membre ne nous étant pas parvenu, nous le
donnerons demain.) (Note du
webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé dans les sources à notre
disposition).
M. Verdussen.
- Je regrette que M. d’Elhoungne, qui d’ordinaire nous ramène toujours à la
question, s’en soit écarté aujourd’hui. Il a commencé par dire qu’il adoptait
la prise en considération, et cependant il s’est livré ensuite à des
développements qui étaient tout à fait inutiles. Il me semble qu’il devait se
borner à dire qu’il admettait la prise en considération. Quant à moi, je
l’appuie.
- La prise en considération est adoptée.
On procède ensuite au tirage des sections.
La séance est levée à 3 heures.