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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 25 janvier 1833

(Moniteur belge n°27, du 27 janvier 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Jacques fait l’appel nominal à une heure.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques expose sommairement l’objet des pièces adressées à la chambre. Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.

Proposition de loi supprimant l'exemption accordée aux avocats en matière de patentes

M. A. Rodenbach demande la parole pour une motion d’ordre. - Dans une précédente séance, dit-il, vous avez décidé qu’aujourd’hui l’on s’occuperait de la prise en considération de la proposition faite par M. C. Rodenbach, relativement à la patente des avocats ; mais l’auteur de la proposition est forcé de s’absenter pour donner ses soins à un membre de sa famille : il m’a prié de réclamer de l’assemblée l’ajournement de la prise en considération, de renvoyer cette discussion au vendredi 1er février.

- La chambre fait droit à la réclamation.


M. Van Hoobrouck demande que la chambre s’occupe de la pétition relative aux wateringues.

- Plusieurs membres. - C’est à l’ordre du jour !

Projet de loi accordant des crédits provisoires pour l'ensemble des ministères, hors celui de la guerre

Dépôt

M. le président. - La parole est à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) monte à la tribune et s’exprime ainsi. - Messieurs, le gouvernement avait espéré pouvoir éviter de recourir aux crédits provisoires ; mais au retard apporté dans l’impression des comptes que vous désiriez connaître avant de vous occuper du budget, est venu se joindre celui occasionné par la vacance des chambres. La discussion de quelques lois d’un intérêt urgent, dont le vote doit précéder celui du budget, pourrait reculer l’adoption de ce dernier jusqu’au milieu du mois de mars, et la marche de l’administration en serait entravée contrairement aux intérêts du pays.

C’est ce motif impérieux qui nous a engagés à venir vous demander d’autoriser les dépenses du premier trimestre de cette année, dans les limites que trace le projet de loi dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture.

Il est quelques services qui pourraient supporter un plus long retard ; mais il en est d’autres qui commandent impérieusement l’ouverture de crédits : tels sont les prisons, les établissements de bienfaisance, les fournisseurs, les employés à petits salaires, etc., etc.

Le gouvernement a pensé qu’il valait mieux vous présenter un travail d’ensemble, afin de laisser à la législature toute latitude pour l’examen d’un objet aussi important que le budget définitif et afin qu’il pût ne former qu’une seule loi, conformément à la constitution et aux règles d’une bonne comptabilité.

Les crédits qui vous sont demandés sont en général du quart du montant des budgets qui vous ont été présentés.

Il n’était pas possible de prendre, pour point de départ, les budgets votés l’an dernier, parce que deux ministères ont subi des variations d’attributions : celui de la justice a reçu des accroissements de dépenses qui sont le résultat de la loi sur l’organisation judiciaire ; enfin les départements de l’intérieur et des finances ont éprouvé des réductions.

Le service des intérêts et celui des pensions ne devant se faire qu’au mai, ou à l’expiration du semestre, il n’est rien porté dans le projet, pour la dette publique, si ce n’est à l’article des consignations dont le remboursement peut être exigé chaque jour.

Une plus juste appréciation des dépenses de l’administration du pays, une plus grande régularité dans la marche gouvernementale et une plus exacte prévision des événements, permettent d’espérer que le budget des dépenses ordinaires de 1834 pourra vous être présenté avant la fin de cette session, et que c’est probablement pour la dernière fois, que des crédits provisoires, dont je regrette de nouveau la nécessité, vous sont demandés. (M. le ministre lit le projet de loi.)

La chambre ordonne le renvoi du projet aux sections.

M. Osy. - Il faut le renvoyer aux sections de novembre qui se sont déjà occupés des budgets.

- La proposition de M. Osy est admise.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Comme le mode d’examen par les sections est un peu plus long que celui par les commissions, je vous prierai de faire en sorte que la loi soit prochainement l’objet de vos délibérations.

M. le président. - Les sections seront convoquées le plus promptement possible.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Liége

L’ordre du jour appelle à la tribune M. Nothomb, rapporteur de la commission de la vérification des pouvoirs chargé d’entretenir la chambre des élections de Liége.

Cet honorable membre est absent.

M. Deleeuw. - Le rapport de M. Nothomb est imprimé depuis deux jours dans le Moniteur ; il suffirait d’en faire lecture à la tribune.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - C’est inutile !

Proposition de loi relative aux avocats près la cour de cassation

Développements

M. Jullien. - Rien n’empêche que M. de Brouckere ne développe sa proposition.

M. de Brouckere est appelé à la tribune et s’exprime en ces termes. - Messieurs, avant d’entrer dans les développements que nécessite la proposition que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, j’ai besoin, afin de prévenir toute fausse interprétation, de déclarer d’abord qu’en la faisant, j’ai eu en vue bien moins l’intérêt des avocats, que pourtant j’ai fort à cœur, que l’intérêt des plaideurs, c’est-à-dire l’intérêt général : en second lieu que lorsque je me suis décidé à attaquer l’institution d’avocats spécialement attachés à la cour de cassation, le choix qui a été fait par la cour et par le gouvernement n’est entré pour rien dans ma détermination. Ce choix, messieurs, je suis si loin de le blâmer que, parmi les hommes sur lesquels il est tombé, il en est plusieurs que je tiens à honneur de connaître particulièrement et pour qui je professe l’estime la plus profonde. Aussi n’ai-je pas un instant redouté de leur part une supposition que je regarderais comme injurieuse, et que je repousse de toutes mes forces : ils sauront, j’en suis certain, rendre justice aux sentiments qui m’animent.

Lors de la discussion de l’article 31 de la loi du 4 août 1832, peu de membres prévirent les inconvénients auxquels il donnerait lieu, de manière qu’il ne rencontra point dans cette assemblée l’opposition qu’il eût sans doute suscitée, si on avait bien apprécié la portée de ses conséquences.

Deux motifs principaux ont fait adopter cet article 31.

1° Il y a, disait-on, des officiers ministériels près les tribunaux de première instance et près les cours d’appel ; donc il en faut près la cour de cassation.

2° Il y a à Paris des avocats spécialement attachés à la cour de cassation ; notre procédure étant la même que celle que l’on suit en France, nous ne pouvons sur ce point nous écarter de ce qui y est établi.

Le premier de ces arguments avait, je l’avoue, fait quelque impression sur mon esprit ; et la crainte de consacrer une inconséquence m’engagea à défendre le projet ministériel.

« Messieurs, si, au lieu de nous borner à mettre nos lois judiciaires en harmonie avec la constitution, on avait trouvé bon de réviser toutes nos lois d’organisation judiciaire, je m’étais proposé de présenter une disposition tendant à supprimer les officiers ministériels dans tous les degrés de juridiction. Je les trouve au moins inutiles, aussi bien en première instance qu’en appel, et je ne vois pas pourquoi on force les plaideurs à prendre, pour défendre leur cause, deux hommes dont l’un reste complétement passif ; une telle obligation constitue les parties en doubles frais, sans que cet inconvénient soit compensé par des avantages réels. Mais puisqu’il nous est impossible, en ce moment, de nous occuper des avoués de première instance et d’appel, nous devons, pour être conséquents, admettre les officiers ministériels près la cour de cassation. » (Séance du 16 juin 1832.)

Depuis lors, messieurs, je me suis pleinement convaincu que mes craintes, qui d’ailleurs n’étaient que très vagues, n’étaient rien moins que fondées, et que la peur d’un mal m’avait conduit dans un pire. C’est ce qu’il me sera, je pense, facile d’établir, lorsque j’aurai d’abord répondu deux mots au second argument qui n’est vraiment de nulle valeur.

En effet, messieurs, si nous faisons vœu d’imiter ce que nous trouvons de bon en France, il est, vous en conviendrez, souverainement absurde de créer chez nous des institutions par le seul motif qu’elles existent dans ce pays, et sans nous enquérir si elles sont bonnes ou mauvaises. Je dirai même, en passant, que nous nous sommes écartés de la législation française en ce qui concerne les avocats près de la cour de cassation, puisque chez nos voisins, ils ont seuls, et à l’exclusion de tout autres, le droit de plaider devant la cour tandis qu’ici leur droit exclusif se borne à la postulation et à la signature des actes, et que les avocats près les cours d’appel sont admis à plaider en concurrence avec eux. C’est donc un système bâtard que nous avons adopté, et ses funestes conséquences sont déjà évidentes pour tous, bien que la loi qui le crée ne soit en vigueur que depuis peu de mois.

L’article 31, que je combats, statue qu’il y aura un nombre déterminé d’avocats près la cour de cassation, qu’ils ne peuvent être nommés que depuis six ans au moins ils ne soient docteurs ou licenciés en droit ; qu’ils ont le droit de plaider et inclusivement celui de postuler et de prendre des conclusions ; que les avocats près les cours d’appel pourront également plaider devant la cour de cassation. De deux choses l’une : ou tels avocats attachés à la cour de cassation consentiront à descendre au rang des avoués, à signer aveuglément les mémoires et pièces de procédure qui leur seront remis par les avocats chargés de diriger le procès, et alors le rôle qu’ils accepteraient serait au-dessous du titre qu’ils portent.

Ils ne pourraient s’y soumettre qu’en dérogeant, et certes il y a chez les membres du barreau trop d’honneur, trop de fierté pour que l’on en trouve beaucoup qui consentent à compromettre la position élevée qu’ils occupent dans la société, bien que leurs intérêts les y convient.

Ou ils refuseront un rôle aussi matériel, aussi nul, et qui a pour eux quelque chose d’humiliant, puisqu’il les place au-dessous de leurs confrères ; ils ne voudront point devenir des machines à signer et à copier, pour me servir d’une expression que j’emprunte à une pièce au bas de laquelle se trouvent des signatures que l’on ne sera pas tenté de suspecter ; ils ne se chargeront que des affaires qu’ils pourront plaider et diriger, soit seuls, soit en commun avec un autre avocat, et alors s’établit, sans contredit, un monopole injuste, dangereux, puisqu’il sera impossible de porter une affaire devant la cour de cassation sans passer par les mains des avocats privilégiés.

En vain représenterez-vous qu’un avocat a soutenu vos intérêts en première instance et en appel ; qu’il a seul toute votre confiance, qu’il vous importe de ne confier à aucun autre les choses plus ou moins secrètes qu’il vous faut révéler pour être défendu avec succès : vos représentations seront inutiles, vous ne pourrez vous dispenser de prendre un second avocat, qui plaidera avec l’homme investi de votre confiance, aura les mêmes droits que lui, et vous fera, peut-être, pour n’avoir pas suivi l’affaire dans ses différents degrés, un tort d’autant plus grand qu’il sera irréparable.

Ajouterai-je à cela des considérations d’économie ? Elles ne sont, je le sais, que secondaires devant celles que je viens de vous exposer ; mais elles méritent aussi d’être pesées, surtout lorsque l’on considère que plus le nombre des avocats privilégiés sera restreint, plus le défaut de concurrence leur permettra d’élever leur tarif.

Ceux d’entre vous, messieurs, qui sont au courant de ce qui s’est passé dans ces derniers temps, savent que ce que je viens de dire ne se réduit point en craintes chimériques ou exagérées. J’ai exprimé un état de choses qui est le résultat nécessaire de la loi, et qu’on ne peut trop se hâter de faire cesser.

Une fois d’accord sur ce point, messieurs, la question se borne à rechercher quel est le meilleur moyen à employer pour porter remède au mal que j’ai signalé et qui doit être évident pour tous.

Il s’en présente deux qui, l’un et l’autre, ont été prévus lors de la discussion de la loi du 4 août, et défendus par plusieurs orateurs.

Quelques membres, et entre autres l’honorable M. Gendebien et un collègue que nous regrettons tous les jours, l’honorable M. Barthélemy, soutenaient qu’il ne fallait point établir d’officiers ministériels près la cour de cassation ; qu’il n’y avait aucun inconvénient à autoriser tous les avocats à plaider et à postuler devant cette cour, sauf ceux qui, trop jeunes et manquant d’expérience, n’avaient point donné assez de gages de science : en les admettant, on exposait la cour à perdre un temps précieux.

D’autres, estimant qu’il convenait qu’il y eût des officiers ministériels attachés à la cour de cassation, comme il y en a près les autres corps judiciaires, voulaient qu’ils n’eussent que le titre d’avoués, et que leurs attributions se bornassent à postuler et à prendre des conclusions, sans qu’il leur fût permis de plaider. C’était l’opinion de l’honorable M. Devaux et celle de M. le ministre actuel de la justice, et le premier proposa même et soutint un amendement qui était ainsi conçu :

« Les avoués près la cour de Bruxelles ont exclusivement le droit de postuler et de conclure devant la cour de cassation ; ils n’ont pas celui de plaider. »

Je m’étais en dernier lieu rallié à cette disposition, mais elle n’obtint point l’assentiment de la majorité.

Ayant à choisir entre ces deux moyens, je me suis décidé pour le premier, et les principaux motifs qui m’ont déterminé sont les suivants : que la procédure devant la cour de cassation est tellement simple, surtout aujourd’hui qu’il n’existe point de section des requêtes, que je regarde l’intervention d’officiers ministériels comme inutile et n’ayant d’autres résultats que d’occasionner des frais aux parties ; que cette procédure se borne en effet à la signification du pourvoi et des qualités et à la notification par les mêmes voies d’un mémoire en réponse au pourvoi ; que rien ne s’oppose à ce que les conclusions prises à l’audience ne soient signées par l’avocat qui a signé celles du mémoire primitif, dont elles ne sont que la copie ; qu’il serait impossible de signaler un avantage quelconque à exiger le ministère d’un avoué pour cette signature ; que le règlement de 1815, qui est resté si longtemps en vigueur et dont on ne se plaignait point, n’exigeait pour les mémoires, que la signature d’un avocat inscrit au tableau depuis plus de six ans.

Si cependant la chambre paraissait plus disposée à accueillir favorablement l’opinion de l’honorable M. Devaux et de M. le ministre de la justice, je consentirais sans peine aux modifications qui seraient présentées dans ce sens.

Quelle que soit, des deux opinions que je viens de développer, celle que vous trouverez bon d’adopter, vous aurez, messieurs, rendu un véritable service à tous ceux qui sont exposés à devoir débattre leurs intérêts devant la cour suprême, c’est-à-dire à l’universalité de vos concitoyens ; vous les aurez aussi rendus aux deux membres du barreau qui sont à plus d’un titre dignes de votre sollicitude, et j’aurai, pour ma part, atteint le but que je m’étais proposé, en vous présentant le projet de loi que je vous prie de vouloir prendre en considération, et qui est ainsi conçu :

« Léopold, etc.

« A tous présents et à venir, salut,

« Considérant que l’article 31 de la loi du 4 août 1832 a rencontré dans son exécution des difficultés qu’il importe de faire cesser :

« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :

« Art. 1er. L’article 31 de la loi du 4 août 1832 est abrogé.

« Art. 2. Les avocats près les cours d’appel du royaume, docteurs ou licenciés en droit depuis six ans au moins, ont seuls, et sans l’assistance d’officiers ministériels, le droit d’instruire et plaider les causes devant la cour de cassation, d’y faire et signer tous les actes de procédure.

« Art. 3. L’avocat joindra au dossier qu’il doit déposer au greffe, une procuration authentique et spéciale de son client ; il sera tenu de le reproduire en tout état de cause à la première réquisition.

« Mandons et ordonnons, etc. »

M. Liedts demande la remise à huitaine de la discussion relative à la prise en considération.

- Cette proposition est adoptée.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Liége

M. le président. - La parole est à M. Nothomb.

M. Nothomb. - D’après le vœu manifesté par la chambre, la commission, après avoir approuvé le rapport, l’a envoyé au Moniteur ; chacun de vous a pu le lire et prendre connaissances des pièces justificatives.

M. Jullien. - Il me semble, messieurs, que l’impression qui a été faite au Moniteur ne peut pas dispenser M. Nothomb de présenter son rapport à la chambre. C’est devant la chambre que les conclusions doivent être prises. Je demande que l’on se conforme au règlement.

M. Fallon. - Je pense aussi qu’il est indispensable de donner lecture du rapport ; j’ai vu des erreurs de chiffres dans le Moniteur.

M. Dumortier. - Je ne vois pas la nécessité de nous lire un rapport fort long et que nous avons lu avec attention. Il est arrivé cent fois dans cette chambre qu’on a délibéré sur les conclusions de rapport qu’on n’a pas lu à la tribune. Je conçois qu’on lise les conclusions à la tribune ; mais à quoi bon lire les pièces justificatives ?

M. Jullien. - Il n’est pas nécessaire de lire les pièces ; quant au rapport, il faut le lire ; c’est nécessaire. Il s’est glissé une erreur de chiffres à la masse totale des votants.

La différence d’une voix, dans une discussion pareille, peut porter un grand préjudice aux conclusions de la commission. On lit 838 dans le Moniteur, tandis que le nombre total des votants est 839. Dans tous les cas il n’y a pas d’inconvénient à se conformer au règlement.

M. Nothomb. - Je ferai ce que la chambre décidera.

M. Gendebien. - Lisez le rapport et les conclusions, moins les pièces.

- En ce moment, M. Raikem cède le fauteuil à M. Fallon, vice-président.

La chambre, consultée par M. Fallon décide, que le rapport sera lu.

M. Nothomb fait cette lecture. (Voir le Moniteur d’avant-hier.)

M. le président. - Maintenant que la lecture du rapport est faite, je dois demander à la chambre si elle veut entendre aussi la lecture des pièces. (Oui ! oui ! Non ! non !)

M. Robiano de Borsbeek. - Je demande la parole. Je ne crois pas que la lecture des pièces soit nécessaire. On a entendu la lecture du rapport, et vraiment c’est par pure condescendance de la part de l’assemblée, car presque tout le monde le connaissait. La nation attend de nous des choses plus importantes, et nous ne devons pas perdre notre temps à des discussions inutiles. Tout le monde doit savoir de quoi il s’agit, et s’il est quelques membres qui ne se trouvent pas assez éclairés sur la question, ils s’éclaireront par la discussion.

M. le président met aux voix la question de savoir si les pièces seront lues.

- Cette question est résolue négativement.

M. Pirson. - Il est bien entendu que si pendant la discussion on a besoin de consulter les pièces, la lecture pourra en être faite ? (Oui ! oui !)

M. le président. - Veut-on que la discussion soit ouverte immédiatement (Oui !oui ! Non ! non !)

M. Gendebien. - Je demande la parole. Messieurs, je ne pense pas que nous puissions procéder immédiatement à la discussion de ces graves questions. Veuillez considérer que quand quelques membres de cette assemblée ont demandé que le rapport sur les élections de Liége fût fait promptement, les membres de la commission déclarèrent qu’ils avaient besoin de plusieurs jours pour l’examen des difficultés à résoudre, et l’on vous a dit que ces difficultés étaient telles que si la solution en était remise aux tribunaux, elles exigeraient trois semaines de plaidoiries.

Je demande après cela si c’est sur la lecture fugitive d’un rapport que vous pourriez vous former une opinion ; cela est impossible, d’autant plus qu’il existe, a-t-on dit, une différence entre le rapport tel qu’il avait été arrêté dans le sein de la commission et le rapport tels qu’il a été imprimé dans le Moniteur. Laissez au moins les membres de la commission s’accorder sur ces différences, et vous saurez enfin sur quoi vous discutez. Sans cela vous ne le sauriez pas aujourd’hui. Pour ma part, je déclare que je serais dans l’impossibilité de discuter aujourd’hui ; car je n’ai pas la science infuse, et il faudrait l’avoir pour discuter d’aussi graves questions sans les avoir mûrement examinées.

M. Deleeuw. - Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de dire à la chambre, et je le répéterai encore jusqu’à ce qu’on veuille m’entendre, qu’il importe de compléter la représentation nationale. Depuis trop longtemps les difficultés élevées sur les élections de Liége ont laissé ce district sans représentants ; nous devons nous hâter de faire cesser cet état de choses ; c’est pour la chambre une question de convenance. Je demande formellement que la discussion ait lieu immédiatement.

- Plusieurs voix. - Appuyé ! appuyé !

M. Jullien. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Nothomb. - Je la demande pour un fait personnel.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. Nothomb. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour un fait personnel, et c’est pour répondre à une imputation, ou à une insinuation d’un préopinant, qui pourrait résulter jusqu’à un certain point d’une parole prononcée dans cette enceinte, et d’après laquelle on a supposé qu’il existait une différence entre le rapport lu dans le sein de la commission et le rapport imprimé. Il y a eu à cet égard une explication entre un membre de la commission et moi, et je crois qu’il a eu lieu d’être satisfait.

Il pouvait résulter de son observation que, contre l’opinion de la majorité de la commission, le rapporteur aurait fixé le nombre des votants ou des votes à 838, au lieu de 839, et tous les éléments de ce calcul sont indiqués ; le passage est resté tel qu’il avait été écrit ou rectifié. Cette explication doit suffire à quiconque veut lire attentivement. Je suis étonné de devoir la donner ; mais je suis dès longtemps habitué à tous les genres d’imputation. (Mouvement.)

M. Gendebien. - Je trouve bien étrange qu’on vienne montrer une susceptibilité tout à fait factice, alors que dans d’autres circonstances on s’est permis tant d’imputations contre nous, imputations bien graves, mais dont fort heureusement les faits ont démontré la fausseté. L’honorable membre dit que je me suis permis des insinuations contre lui. Est-ce une insinuation, je vous le demande, que de dire qu’il avait été avancé qu’une différence existait entre le rapport lu à la commission et le rapport imprimé ? Ce n’est pas moi qui userai jamais d’insinuations. Quand j’accuse, j’accuse nettement, je dis ma pensée tout entière, n’en déplaise à qui voudra ; et quant à ce qu’a dit l’honorable membre de l’habitude qu’il avait de s’entendre accuser par des insinuations, je le prie de bien remarquer que quand j’ai eu à articuler des accusations, je l’ai fait de la manière la plus nette ; et quant à ce que je ferai à l’avenir, en pareille circonstance, ce ne sont pas ses plaintes qui m’arrêteront.

M. Jullien. - Je demande aussi la parole sur un fait personnel. L’observation que j’avais faite portait plutôt sur l’intention qui semblait résulter de la rédaction que sur le chiffre lui-même, qui en effet est exact.

Dans l’intention de la commission il entrait qu’on exprimât d’une manière formelle que le nombre des votants était de 839 ; au commencement du rapport au contraire on parle d’abord de 838 électeurs, ensuite de 837, en sorte que ces deux premiers chiffres pourraient induire facilement en erreur ; voici le passage (passage non repris dans cette version numérisée). C’est cela qui aurait pu faire naître des doutes dans vos esprits, et c’est ce que j’ai voulu éviter. Je n’ai eu du reste, en aucune manière, l’intention d’inculper l’honorable rapporteur de la commission.

J’en viens maintenant à la question du rappel au règlement, sous un double chef. Je commencerai par dire à la chambre qu’il est assez déplacé qu’on veuille refuser à ceux des membres qui déclarent ne pas avoir suffisamment connaissance des questions à décider, un délai moral pour les examiner. Il y avait dans votre commission des hommes assez accoutumés aux affaires, et j’atteste pour mon propre compte que si je n’avais pas consacré deux fois 24 heures à réfléchir sur les faits et sur les moyens de nullité, il me serait impossible d’émettre une opinion sur ce débat.

Mais heureusement le règlement est venu au secours de ceux qui demandent l’ajournement.

Lisez en effet l’article 63, il porte : « Les rapports des commissions seront imprimés et distribués au moins trois jours avant la discussion en assemblée générale, si la chambre n’en décide autrement. » Eh bien, pour que la chambre en décidât autrement, il faudrait qu’il y eu des raisons d’urgence, et l’on conviendra qu’il n’est pas assez urgent que l’on s’occupe des élections de Liége pour déroger au règlement et discuter sans préparation des questions où la matière est tant soit peu inflammable.

Mon second rappel au règlement est plus positif ; il est pris de l’article 65. Vous savez que la constitution consacre en termes exprès le droit de pétition, et vous avez consacré le vendredi de chaque semaine à entendre les rapports. Or, l’article 65 dit :

« La commission des pétitions sera tenue de faire chaque semaine un rapport sur les pétitions parvenues à la chambre, et ce par ordre de date d’inscription au procès-verbal ; en cas d’urgence, la chambre peut intervertir cet ordre. »

Vous voyez donc qu’ici le règlement est positif ; conformément à la constitution il n’a pas voulu que le droit de pétition fût illusoire, et pour cela, il a exigé qu’il fût fait un rapport par semaine. Vous avez laissé passer plusieurs vendredis sans entendre de rapport ; vous vous êtes ajournés pendant quinze jours, et il reste aujourd’hui un nombre considérable de pétitions arriérées. Le bulletin en porte 90. Je vous demande s’il faut, en présence de ces faits, déclarer urgent de s’occuper des élections de Liége, lorsque je maintiens que la moitié de vous n’est pas capable de prononcer en connaissance de cause.

Un honorable membre a dit qu’il était extrêmement urgent de compléter la représentation du district de Liége. Je ne vois pas, messieurs, que le salut de la patrie en dépendît : dans trois ou quatre jours, la discussion pourra avoir lieu sans inconvénient, et elle sera complète. Je voterai donc pour l’ajournement.

M. Deleeuw. - Messieurs, je n’abuserai pas longtemps des moments de la chambre. Je ne pense pas plus que le préopinant que le salut de la patrie dépende de la décision sur les élections de Liége ; mais je pense, et je reviens encore une fois sur ce point, qu’il s’agit ici d’une question de convenances pour la chambre. Depuis le commencement de la session le district de Liége se trouve privé de la moitié de ses représentants ; faut-il le laisser encore longtemps dans cet état ? Nul de vous ne peut le penser. Il ne faut pas d’ailleurs s’effrayer des difficultés dont on vous parle tant. De tous les moyens de nullité invoqués contre les élections, la commission en a admis trois, elle en a écarté quatre ; il ne reste donc à discuter que sur trois moyens, et leur solution ne sera pas aussi difficile qu’on veut bien le dire. Au reste, je n’insisterai pas pour la discussion immédiate, mais je demande qu’elle ait au moins lieu demain.

M. de Theux. - Un membre de la commission vous a parlé des nombreuses difficultés que présentaient les élections de Liége ; je ne suis pas de son avis, et je saisis cette occasion de rendre hommage au rapporteur de la commission pour le rapport lucide qu’il nous a présenté. Ce rapport est tel que l’assemblée, qui l’a lu, est bien capable de résoudre les difficultés qui se présentent. Elles sont nettement précisées dans le rapport ; le Moniteur qui le contient nous a été distribué hier, et pour ma part j’ai très bien compris la question après une lecture attentive.

M. H. de Brouckere. - L’honorable M. Deleeuw convient qu’il n’est pas d’une nécessité extrême de s’occuper immédiatement des élections de Liége, et déjà il consent à un délai de 24 heures. Il en fait une question de convenances ; je crois, messieurs, que les convenances exigent aussi qu’on accorde à ceux des membres qui ne sont pas préparés le temps d’examiner le rapport et d’étudier les questions. Voilà ce qu’à coup sûr exigent les convenances.

M. Deleeuw. - Je demande la parole sur les convenances. (On rit.)

- Une voix. - Elles ne sont pas à l’ordre du jour.

M. de Brouckere. - La commission, dit M. Deleeuw, a écarté trois griefs sur six. Mais la chambre peut très bien n’être pas de l’avis de la commission, et dans la discussion il nous sera loisible d’examiner, non pas trois, mais six griefs. Maintenant, quelques membres, et M. de Theux est du nombre, disent qu’ils ont examiné le rapport de la commission et qu’ils sont prêts à discuter. Cela prouve que M. de Theux a eu le temps de lire le rapport ; mais il est des membres qui ont d’autres occupations et qui n’ont pas eu le même loisir. Le rapport remplit le Moniteur en entier, il faut deux heures pour le lire. Quant à moi il me serait impossible de discuter aujourd’hui, et pour ce motif, je demande le renvoi à lundi.

M. Dubus. - Messieurs, à entendre certains orateurs, il semblerait que nous nous occupions aujourd’hui, pour la première fois, des élections de Liége ; mais il y a plus de huit jours qu’on s’en occupe. Depuis plus de 8 jours les questions qu’on a soulevées sont débattues dans les journaux, et je maintiens qu’il n’est pas un seul membre qui ne fût capable d’apprécier la question, même avant la distribution du Moniteur. Après cela, je le demande, quand depuis 24 heures chacun a pu lire le rapport lumineux et méthodique qui a été imprimé, tous les membres ne doivent-ils pas être à même d’émettre leur vote ? Pour moi, je pense que la discussion doit s’ouvrir immédiatement et que la chambre se déconsidérerait en admettant un ajournement quelconque.

On a invoqué l’article 63 du règlement, et on a dit qu’il devait s’écouler trois jours entre le rapport et la discussion. Je le demanderai à l’honorable membre lui-même, cet article a-t-il jamais été appliqué aux rapports de vérification des pouvoirs ? On a invoqué encore une autre disposition du règlement, c’est celle qui est relative aux rapports de pétitions, et on s’est demandé si le salut de l’Etat exigeait que l’on s’occupât des élections de Liège ; mais, messieurs, le salut de l’Etat exige-t-il que nous nous occupions des pétitions aujourd’hui ? Personne ne le soutiendra sans doute, et selon moi, il y a toute sorte de raisons pour donner la préférence aux élections de Liége sur les pétitions. Par toutes ces considérations, j’insiste pour que la discussion s’ouvre immédiatement.

M. d’Elhoungne. - L’honorable orateur part de la supposition fort gratuite que tous les députés ont pu s’éclairer par les débats qui ont eu lieu à l’occasion des dernières élections de Liége, parce que depuis huit jours ces questions se trouvent traitées dans les journaux. Messieurs, je crois qu’il est de la dignité de la chambre, et personne ne me contredira en principe, qu’elle ne s’éclaire pas d’après les débats des journaux, mais qu’elle s’éclaire d’après les pièces qui émanent de son sein, et sur lesquelles vous pouvez seulement asseoir votre jugement.

Quelle est ici la pièce qui doit servir de base à votre décision ? C’est le rapport que l’honorable M. Nothomb a été chargé de faire. Cette pièce a-t-elle été distribuée ? Non. Messieurs, je vais plus loin. On me dit que le rapport a été inséré dans le Moniteur d’hier ; je dois faire remarquer que plusieurs de nos collègues n’ont pas reçu ce journal, que d’autres ne le lisent jamais ; je suis dans les deux cas, je n’ai pas reçu et je n’ai pas lu le Moniteur. Je dirai ensuite qu’il ne viendra dans l’idée de personne de nous imposer de recevoir, de lire le Moniteur.

Je ne connais d’autres relations entre les membres de l’assemblée et les commissions que celles qui ont lieu par l’intermédiaire du bureau ; or, de telles relations n’existent pas. Plusieurs de mes collègues n’ont pas lu le rapport de M. Nothomb ; j’invoque leur témoignage.

Quand il n’y a pas distribution d’un rapport, il n’entre ni dans la limite de nos devoirs, ni dans les convenances, que nous cherchions des renseignements, des communications dans le Moniteur.

M. Fleussu. - Les questions sur les élections de Liége ne sont pas nouvelles ; depuis huit jours, tous les journaux en ont entretenu le public. De bonne foi, comment auriez-vous pu vous faire une opinion consciencieuse sur les difficultés que présentent les élections d’après les journaux ? Ne sait-on pas que les journaux se sont divisés en deux partis ; que les uns traitent les questions d’après leurs opinions politiques, que les autres les traitent d’après l’impulsion des passions qui les animent ? Il est vrai que le Moniteur a publié le rapport et les pièces ; j’ai lu et relu ce rapport ; mais quand il s’agit de questions difficiles, de questions de chiffres, de questions de fait, de question de droit, ce n’est pas en faisant une lecture rapide que l’on peut s’éclairer suffisamment.

Il est étonnant que lorsqu’une partie de la chambre vient avec une conviction toute préparée, elle veut interdire à l’autre partie le temps de se former une opinion. Evitons, messieurs, l’inconvenance d’aborder sans préparation une question hérissée de chiffres.

- L’ajournement de la discussion est mis aux voix. Une première épreuve est douteuse. On demande l’appel nominal, et l’appel nominal a lieu.

75 membres sont présents ; 36 votent l’ajournement, 39 la discussion immédiate.

Ont répondu oui : MM. Berger, Coghen, Coppens, Dams, Dautrebande, Davignon, H. de Brouckere, d’Elhoungne, de Meer de Moorsel, de Renesse, Desmanet de Biesme, Desmet, de Tiecken de Terhove, d’Hoffschmidt, Donny, Dubois, Dumont, Ernst, Fallon, Fleussu, Fortamps, Gendebien, Jaminé, Jonet, Julien, Levae, Mary, Meeus, Osy, Pirson, Raymaeckers, Teichmann, Van Hoobrouck, Vergauwen, Watlet et Zoude.

Ont répondu non : MM. Boucqueau de Villeraie, Brabant, Corbisier, Deleeuw, Dellafaille, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Robiano, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Domis, Dubus, Dugniolle, Dumortier, Duvivier, Hye-Hoys, Jacques, Lardinois, Lebeau, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, Rogier, Thienpont, Ullens, M. Vanderbelen, Verdussen, Verhagen et Vuylsteke.

M. le président. - En conséquence, on procédera immédiatement à la discussion sur les élections de Liége.

M. Jaminé. - Je déclare que je ne veux pas discuter une question que je ne connais pas, et je m’en vais.

M. Jullien. - Il fallait au moins déclarer l’urgence.

- Plusieurs membres. - Il y a décision ! Il y a décision !

M. de Theux a la parole. Cet honorable membre s’exprime en ces termes. - Messieurs, l’annulation d’une élection entraîne des suites trop graves pour accueillir facilement des moyens de nullité ; la nullité ne peut être prononcée, si elle n’est clairement démontrée ; appliquant cette maxime à l’élection de Liége, je dois m’opposer à son annulation, et je le fais avec d’autant plus de confiance que loin de trouver les moyens de nullité péremptoires, ils ne me paraissent pas même de nature à fonder un doute sérieux.

Premier moyen.

Le premier moyen de nullité est fondé en ce que le bureau électoral a refusé d’admettre au vote quelques individus, porteurs d’une décision tardive, rendue par la députation des états en premier degré.

Pour réfuter ce moyen, il suffit de s’en tenir au texte de l’article 23 de la loi électorale, qui n’admet à voter que les électeurs inscrits sur la liste permanente, et ceux qui sont porteurs d’une décision de l’autorité compétente.

Les quatre individus qui se sont présentés étaient-ils inscrits sur la liste permanente ? Non. Etaient-ils munis d’une décision de l’autorité compétente ? Non.

Trois d’entre eux étaient munis d’une décision de la députation des états ; mais il résulte de votre décision et de celle de la cour de cassation : 1° que les réclamations ne peuvent être admises après les délais fixés par la loi ; 2° que la députation est tellement incompétente pour juger en premier degré, que ses décisions sont radicalement nulles, et qu’elles sont tellement nulles que la nullité ne peut pas même être couverte par l’exécution volontaire et par le silence du collège électoral.

Mais, dit-on, lors de la précédente décision de la chambre sur l’élection de M. de Sauvage, il y avait pourvoi en cassation contre dix-sept électeurs.

Je réponds que cette circonstance est totalement indifférente, et je le prouve par l’annulation de l’élection de Tournay. En effet, lors de cette élection, les électeurs admis tardivement par des régences et par la députation des Etats ont été admis à voter ; aucun recours n’avait été formé, ni avant ni après, contre ces décisions, soit en appel, soit en cassation ; ces décisions étaient restées intactes lorsque la chambre en fut saisie : eh bien ! alors cependant la chambre a annulé et ces décisions et l’élection.

Dira-t-on peut-être que la juridiction de la chambre est plus étendue que celle du bureau électoral ? Ce serait une erreur.

Ce que l’article 34 de la constitution attribue définitivement aux chambres est attribué provisoirement au bureau par l’article 22 de la loi électorale. Le texte de la loi est précis et il fallait bien donner cette autorité au bureau, à moins de l’obliger à faire des opérations nulles ; car tel serait le résultat de système adverse. Le bureau aurait été tenu d’admettre des électeurs dont le concours était prohibé par la loi, dont le concours devait vicier l’élection. Un tel système est par trop absurde. Mais s’il tombe devant la raison et devant la disposition de l’article 22 de la loi électorale, il tombe également devant l’article 23 de cette loi. L’article 23 charge évidemment le bureau d’examiner de quelle autorité émane la décision dont on veut se prévaloir, et si cette autorité est compétente.

Objectera-t-on enfin que ces individus, ayant déjà voté dans une précédente élection, devaient être aussi admis dans la dernière ?

Mais on remarquera que cette dernière élection étant annulée, elle n’a pas pu produire cet effet ; qu’un abus commis une première fois n’autorise pas son auteur à le renouveler ; et enfin que si le vote seul pouvait conférer la qualité d’électeur, la chambre n’aurait pas pu annuler la première élection du chef du concours de 17 électeurs indus.

Deuxième moyen. Changement de domicile de M. de Sauvage.

Ce moyen doit être écarté tant d’après l’arrêt de la cour de cassation que d’après votre propre décision. Le droit de M. de Sauvage est fondé sur la permanence de la liste. L’examen de son droit n’offre pas d’inconvénient, et si la permanence de la liste n’offrait pas d’autres inconvénients, certainement les adversaires de la permanence qui soutenaient la validité de la première élection n’auraient pas critiqué le système de la permanente : mais ils étaient frappés de l’inconvénient de voir concourir des électeurs ayant perdu le cens électoral, et cependant la chambre n’a pas eu d’égard à cet inconvénient principal ; la cour de cassation n’y a également pas eu d’égard. Voici comme elle s’exprime dans son arrêt rapporté au Moniteur du 24 décembre :

« Attendu que s’il peut résulter du système admis par la loi électorale quelques inconvénients dérivant de ce que quelques électeurs, ayant perdu le droit électoral lors d’une élection extraordinaire, figureront encore sur les listes, c’est à la législature qu’il appartient d’apprécier ces inconvénients et à y pourvoir s’il y a lieu ; mais ils ne peuvent autoriser les magistrats à méconnaître le texte et l’esprit de la loi. »

J’ai dit que le changement de domicile de l’électeur n’est qu’une circonstance accidentelle peu importante à côté de la perte du cens électoral ; en effet, le cens électoral est requis par la constitution. Le domicile dans le district n’est pas requis par la constitution, il ne l’est que par la loi électorale ; mais ici cette loi requiert le domicile dans le district, ce n’est que pour être inscrit sur la liste permanente ; elle oblige (et ceci mérite toute votre attention), elle oblige de convoquer pour l’élection tous ceux qui sont inscrits sur la liste.

L’article 11 n’admet aucune distinction ; il porte que lorsqu’il y aura lieu à une élection extraordinaire, les listes, dressées conformément aux articles précédents, serviront de base pour la convocation des électeurs. Or, si tous les inscrits sur la liste permanente doivent être convoqués pour l’élection, tous ceux qui doivent être convoqués ont aussi le droit de voter ; c’est pour voter qu’on les convoque.

Mais voyez à quelle absurde conséquence vous conduirait l’admission de ce moyen de nullité. M. de Sauvage n’a pas pu concourir aux élections qui se sont faites à Bruxelles, parce que la liste est permanente ; et son concours à l’élection de Liége vicierait cette élection, malgré qu’il soit inscrit sur la liste permanente. Enfin, M. de Sauvage serait privé de son droit d’électeur à cause d’un changement de domicile, tandis que s’il avait perdu le cens électoral prescrit par la constitution, il aurait pu valablement concourir à l’élection en vertu de la permanence de la liste.

Ce moyen de nullité ne peut donc être accueilli.

Troisième moyen. Double vote.

Le recours à un semblable moyen prouve le peu de confiance dans les autres.

Quatrième moyen. - Majorité absolue.

Le bureau principal a fixé la majorité absolue à 419 voix, et le nombre des votants à 837 ; la commission a fixé la majorité absolue à 420 voix, et le nombre des votants à 838 ou 839, car elle est restée en doute sur le nombre exact.

Il est évident que le nombre des votants doit, dans tous les cas, être diminué d’une voix.

Le procès-verbal fait foi qu’un billet ne portant aucun nom a été trouvé dans l’urne. Ce billet est paraphé par le président et par le secrétaire du bureau ; il est annexé au dossier.

Or, aux termes de l’article 32, combiné avec l’article 34, ce billet ne peut entrer en compte pour fixer le nombre des votants.

En admettant alors gratuitement, avec la commission, que le bureau principal ait décompté 2 fois ce bulletin lorsqu’il a fixé le nombre des votants à 437, il est au moins évident que, la chambre rectifiant cette erreur, le nombre des votants ne peut être fixé au-delà de 438.

A la vérité la majorité absolue reste, dans ce cas, fixée à 420, comme il est dit dans le rapport, et ce nombre de voix a été obtenu par M. de Laminne.

Mais il faut observer que le bureau principal a laissé entière la question de savoir si le bulletin portant le nom dérisoire de Rococo ne doit pas être envisagé comme nul et être défalqué du nombre des votants, ce qui le réduirait évidemment à 837 et la majorité absolue à 419.

Voir le procès-verbal.

Je dis qu’en fixant le nombre des votants à 839, sans aucune déduction (ce qui est impossible alors qu’un bulletin ne porte pas de nom, et qu’un autre n’en porte qu’un dérisoire), la majorité absolue serait encore de 420 voix.

420 voix pour M. de Laminne,

419 d’autre part.

Total : 839

Si on exigeait 421 voix pour M. de Laminne, il n’en resterait que 458 d’autre part.

Total : 839.

Cinquième moyen. Désignation insuffisance de M. de Laminne, abus de pouvoir du bureau principal en statuant sur cette désignation.

La désignation de M. de Laminne a varié à la vérité ; mais le bureau a reconnu le même individu sous ces différentes désignations.

Les noms et la qualité des membres du bureau offrent, certes, toute garantie pour la bonté de sa décision.

Aucun autre individu n’est connu dans le district de Liége sous aucune des différentes dénominations qui lui ont été données ; il n’existe dans la ville de Liége que des femmes portant le nom de Laminne, sans la particule de.

M. de Laminne a été désigné sous la qualification de rentier dans quelques bulletins, mais c’est sous cette même qualification qu’il est désigné dans l’almanach du commerce imprimé à Liége. C’est sous la même qualité qu’il est porté dans les divers almanachs comme conseiller de régence de la ville, tandis que, comme membre de la Société d’Emulation de Liége, il est qualifié de fabricant. Le bureau s’est donc conformé à des dénominations exactes et publiques, en jugeant comme il l’a fait.

Reste un bulletin de la première section ou du bureau principal, portant seulement de Laminne, et que le bureau a également attribué à l’élu.

Ici encore le bureau s’est conformé à l’usage général : M. de Laminne est généralement appelé ainsi ; il était le seul candidat à l’élection, il était le seul de ce nom qui fût connu. Le bureau a donc dû trouver qu’il était suffisamment désigné.

L’article 34 de la loi électorale a constitué le bureau en véritable jury ; il n’a prescrit aucun mode de désignation pour les suffrages électoraux. Il n’exige pas, comme les lois de procédure, telle ou telle désignation ; seulement il exige qu’elle soit suffisante, laissant au bureau à apprécier la suffisance de la désignation, comme le code d’instruction criminelle abandonne au jury les motifs de conviction sans lui tracer de règle.

Mais, dit-on ce n’était pas au bureau, principal à juger l’opération du troisième bureau ; il y a abus de pouvoir,

Je ferai d’abord remarquer qu’un seul bulletin du troisième bureau est critiqué ; c’est celui portant de Laminne, rentier.

Or, comme je viens de le démontrer, la qualification de de Laminne, rentier, s’applique si évidemment d’après tous les almanachs, soit de commerce, soit de la province, à M. de Laminne-Bex, qu’il n’y a pas de doute possible et que le bureau principal ne pouvait se dispenser d’additionner un vote que le troisième bureau avait constaté sans en faire d’application.

Le troisième bureau n’a pas porté de décision, il s’est borné à constater un fait, et le bureau principal a tiré parti du fait constaté en faisant le recensement général.

Mais il faut remarquer qu’il importe fort peu que le bureau principal ait eu ou n’ait pas eu le droit d’agir ainsi.

Il résulte du procès-verbal de l’élection qu’il y a litige sur la validité de ce suffrage ; les électeurs des deux partis opposés ont saisi la chambre de ce litige, et c’est à elle qu’il appartient de le vider en définitive. L’article 34 de la constitution est formel.

La chambre voudra-t-elle annuler ce bulletin ou l’attribuer à l’élu ? Sa décision ne me paraît pas devoir être douteuse ; que chacun pèse les motifs du bureau principal, qu’il fasse attention au caractère public et honorable de ses membres, et il n’hésitera pas à s’en rapporter à sa décision ; il ne prendra plus sur lui d’annuler une élection déjà deux fois motivée, et d’exposer le système électoral et par suite le système représentatif au dégoût de tous les amis des libertés publiques.

M. le président. - Quelqu’un demande-t-il la parole ?

M. Gendebien se lève.

M. Fleussu. - Non ! non ! Ne parlez pas !

- Plusieurs voix. - Si ! si ! Parlez !

M. Gendebien. - Je ne demandais la parole que pour déclarer que je me trouve absolument incapable de me former en ce moment une opinion sur la question, et que je proteste contre tout ce qui se fera aujourd’hui. Je ne conçois pas comment on veut nous empêcher de comprendre quelque chose à une question si compliquée. Il est vraiment étonnant qu’on veuille mettre autant de précipitation, alors qu’il s’agit d’élections où l’on a vu tant d’intrigues.

M. H. de Brouckere. - Je ne prétends point m’élever contre la décision que la majorité a cru devoir adopter de discuter aujourd’hui ; mais il me semble que maintenant personne ne s’opposera à ce que cette discussion soit remise à demain.

- La discussion est ajournée à demain.

Plusieurs membres quittent leur place.

M. Dumortier. - Je demande qu’on s’occupe maintenant des pétitions. Leur examen était porté à l’ordre du jour, et la chambre y doit être préparée. Messieurs, voici deux mois que nous sommes réunis, et nous n’avons encore voté aucune loi ; nous n’avons voté que des mesures transitoires. Si nous n’activons pas nos travaux nous n’aurons encore rien fait au bout de six mois.

M. Fleussu. - Que l’on continue la discussion alors… (Bruit.)

Messieurs, une chose assez singulière se passe dans cette assemblée. Nous avons voulu, au commencement, entendre le rapport des pétitions ; on s’y est opposé, et l’on a décidé qu’on discuterait les élections de Liége. Maintenant on demande la discussion des pétitions. Cela est étonnant. Puisqu’on a ouvert la discussion des élections de Liége, il faut la continuer.

- Plusieurs voix. - Nous ne demandons pas mieux. (Bruits divers).

M. Lardinois et M. de Robiano se lèvent et parlent en même temps. (On rit.)

M. Dumortier. - Je suis très surpris, messieurs, que des membres qui ont connu les élections de Liége, qui y ont même participé et ont vu toutes les pièces dans les journaux, aient demandé l’ajournement. On dit qu’on n’a pas lu le rapport dans le Moniteur. Mais il est probable que ceux qui n’ont pas voulu le lire ni hier ni aujourd’hui ne le liront pas davantage demain. C’est une chose étrange, après que la chambre a décidé que la discussion sur ces élections aurait lieu aujourd’hui, qu’on l’interrompe aussitôt ; et je demande comme M. Fleussu qu’elle soit continuée.

M. Gendebien. - Je ne conçois pas que l’on s’obstine à vouloir affubler chacun des membres d’un brevet de préscience. Pour quiconque est un peu versé dans l’habitude des affaires, la question est hérissée de difficultés. Depuis 22 ans un grand nombre de dossiers m’est passé par les mains. Eh bien, j’en ai vu très peu d’aussi volumineux et qui présentassent autant de questions de fait, de droit et de chiffres.

M. de Theux nous a présenté tout à l’heure une très longue série de faits, et je crois que pour cela il a dû avoir communication du dossier…

M. de Theux. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. Gendebien. - Il n’y a pas là de fait personnel. Si je veux vous en adresser, ce sera ailleurs qu’ici... (Murmures.) Je dis, messieurs, que nous manquons de lumières sur la question. D’ailleurs, quoique j’aie la plus grande confiance dans les membres de la commission, chacun peut se tromper, et il est nécessaire d’avoir le temps de vérifier son travail. La commission elle-même n’est pas d’accord sur la manière de calculer les chiffres. Je ne comprends pas comment un délai de 24 heures…

M. F de Mérode. - Je demande la parole.

M. Gendebien. - Vous ne devez pas m’interrompre.

M. F de Mérode. - Je demande la parole pour un rappel au règlement, et j’ai le droit de vous interrompre comme vous interrompez les autres quand vous voulez les rappeler à la question.

Il a été décidé que la discussion était remise à demain, et il est inutile de continuer ce débat.

M. Gendebien. - Si M. de Mérode ne m’avait pas interrompu, il aurait vu que c’était précisément là ce que je désirais faire observer.

M. F. de Mérode. - Pour cela il était donc inutile de recommencer la discussion.

M. de Theux. - On a bien voulu supposer, gratuitement, que j’avais reçu communication de pièces particulières. Le fait est inexact. J’ai lu attentivement le rapport de la commission inséré dans le Moniteur, et j’ai vu qu’il y avait un fait à vérifier, celui relatif au bulletin nul. Pour cela je me suis adressé au bureau de la chambre.

M. A. Rodenbach. - Je prie M. le président de consulter la chambre sur la question de savoir si l’on s’occupera, séance tenante, des pétitions. (Oui ! oui ! Appuyé !)

M. Deleeuw. - Je crois, en effet, puisque la discussion relative aux élections de Liége a été renvoyée à demain, que nous pouvons écouter maintenant le rapport des pétitions.

- La chambre consultée décide qu’on entendra immédiatement ce rapport.

Rapports sur des pétitions

M. Davignon, rapporteur de la commission des pétitions. - « La régence de Liége demande que la chambre mette des fonds à la disposition du gouvernement, pour réparer la traverse de première classe dans la ville de Liége. »

La régence de Liége fait observer que la loi du 11 frimaire an VII, qui a déterminé les dépenses à charge des communes, ni aucune autre loi, ne comprennent, dans cette catégorie, les frais d’entretien des traverses, auxquels le gouvernement avait toujours pourvu sur le produit des barrières.

C’est par un arrêté royal en date du 17 décembre 1819 que l’entretien des traverses, des routes a été mis a charge des villes où elles se trouvent.

Le décret du congrès national du 6 mars 1831 a affecté exclusivement à l’entretien et à l’amélioration des routes ces mêmes produits, sans faire ni exception ni mention des traverses.

Cependant il était d’autant plus nécessaire de statuer sur cet objet, qu’il soulève la grave question de savoir si l’arrêté précité n’est pas contraire à l’article 110 de la constitution, s’il n’est pas formellement abrogé par l’article 138.

Je ferai remarquer à la chambre que bientôt il pourra être mis un terme à cette incertitude : c’est sans doute pour la faire cesser, c’est pour faire droit aux diverses réclamations de même genre que celle qui a donné lieu au présent rapport, que le gouvernement demande au budget de l’intérieur, chapitre VII, lettre C, l’allocation spéciale d’une sommé de fr. 39,043 38 c., qui forment, suivant l’évaluation des ingénieurs, la moitié de l’import de l’entretien des traverses des villes pour les routes de première classe, proportion qu’il a paru équitable de prendre pour base fixe : ceci cependant, messieurs, sauf à maintenir les droits acquis par des entreprises particulières, faites dans l’intérêt général, et qu’il est d’une saine politique d’encourager, ou à les indemniser conformément aux actes de concession.

La route de la Vesdre qui lie Liége avec Aix-la-Chapelle, en traversant Chaudfontaine, Verviers, Eupen, et qui a donné la vie en quelque sorte à près de dix lieues d’un pays intéressant et jusqu’alors à peu près inaccessible, sera du nombre. Je me réserve de faire valoir en temps les titres des concessionnaires à une juste exception.

Votre commission a l’honneur de vous proposer, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur, et, pour les détails à consulter au besoin, son dépôt au bureau des renseignements.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.


M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur Yernaux, à Charleroi, ex-employé à l’administration des ponts et chaussées, demande à être réintégré dans ses fonctions. »

Le pétitionnaire reconnaît lui-même que c’est par suite des réductions opérées sur les sommes demandées au budget de l’exercice 1832, que le ministre de l’intérieur a dû réformer une partie du personnel attaché au service des ponts et chaussées. S’il a droit à une pension, la loi est là ; ce n’est qu’en cas de déni de justice qu’il peut s’adresser à la chambre, dont l’intention n’est pas sans doute de réclamer des exceptions, et moins encore de conférer des emplois. Par ces motifs, votre commission a l’honneur de vous proposer l’ordre du jour.

- La chambre passe à l’ordre du jour.


M. Davignon, rapporteur. - « La dame veuve P. Lauwers, à Bruxelles, demande une pension, son mari ayant été jusqu’à sa mort guichetier civil et prévôt militaire. »

La pétitionnaire réclame une pension qu’il ne peut dépendre de la chambre de lui faire obtenir. Elle n’établit pas qu’elle y ait droit en vertu d’une loi quelconque. Ce serait donc un privilège auquel nos institutions s’opposent. En conséquence, la commission a l’honneur de vous proposer l’ordre du jour.

- L’ordre du jour est adopté.


M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur Lallemant, gendarme pensionné à Virton, demande que la chambre obtienne pour lui qu’il cumule sa pension française avec celle qui lui a été accordée par arrêté du roi. »

Le pétitionnaire réclame la faveur d’un cumul que nos lois n’admettent pas. Ce qu’il nomme pension française est de même à charge du pays ; il voudrait jouir de la solde de retraite dont il avait été gratifié en 1813, et qui lui a été payé jusqu’à sa rentrée au service en 1819. Maintenant qu’il l’a définitivement quitté, on lui paie une pension de 91 florins des Pays-Bas, la seule que le règlement alloue, à ce qu’il paraît. Une exception ne peut être faite, malgré tout l’intérêt que peuvent inspirer et sa bonne conduite et ses anciennes blessures. La commission a l’honneur de vous proposer l’ordre du jour.

- La chambre adopte l’ordre du jour.


M. Davignon, rapporteur. - « Les directeurs et propriétaires du polder Clara, dans la Flandre orientale, demandent à participer aux fonds alloués par la loi du 6 octobre 1831, pour faire face aux dépenses nécessitées par les réparations des digues et polders aux deux rives de l’Escaut. »

Il paraît, messieurs, que ces terrains, qui sont dans la Flandre zélandaise, font partie du territoire hollandais, du moins d’après les limites fixées par le traité du 15 novembre. S’il y a incertitude, ou contestation, ce sera matière à une haute question de propriété, qui devra, lors des négociations auxquelles donneront lieu certains articles du traité, être soumise à la diplomatie. Si celle-ci y met toute la célérité et la bienveillance dont elle a fait preuve, les intéressés peuvent s’armer de patience ; elle leur sera nécessaire autant qu’à nous, qui sommes réduits à gémir sous le poids de la mauvaise volonté bien évidente de remplir des engagements sacrés, contractés envers nous à la face de l’Europe et dont l’accomplissement est encore attendu avec anxiété.

Dans cette position, messieurs, ne pouvant rien préjuger sur un objet de cette importance, ne pouvant appuyer une demande d’indemnité sans être assurés que cela n’a pas lieu pour des dévastations faites par l’ennemi sur son propre territoire, votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur.

M. Dumortier. - La pétition dont il s’agit n’est pas du nombre de celles qui nous arrivent en masse ; elle est d’une bien autre importance. On a privé la Flandre zélandaise de toute espèce de canal, d’about à la mer, de toute espèce de débouché pour ses eaux intérieures.

Le Clara polder, dont il s’agit dans la pétition, a été conquis par les Belges sur la mer, partie dans les limites de la Belgique et partie dans les limites de la Hollande. Je crois que cette pétition doit être prise en très sérieuse considération par le ministre, à qui l’on doit même demander des explications. Il est d’une très haute importance pour la Belgique que ce polder lui appartienne tout entier, et ne soit pas coupé en deux.

Je désirerais savoir si le gouvernement fait toutes les démarches nécessaires pour le conserver. Il n’y a qu’une seule écluse, celle d’Isabelle, pour communiquer avec les eaux maritimes. Si nous sommes privés de cette écluse, il s’ensuivra que nous n’aurons plus de débouchés pour nos eaux intérieures. La conférence avait d’abord compris le Clara polder et l’écluse dans le territoire belge, parce qu’elle avait procédé d’après les limites de 1790, qui allaient jusqu’à la mer ; mais, sachant ensuite que c’était un terrain conquis sur la mer, elle a dû revenir sur la question. Il s’agit de savoir si les Flandres occupent un point de contact avec les eaux maritimes, et si elles ont un débouché pour leurs eaux intérieures. Je demande que le ministre soit invité à donner des renseignements sur ce point.

M. Davignon, rapporteur. - Je n’ai pas attendu l’interpellation de l’honorable M. Dumortier, pour demander des renseignements à M. le ministre de l’intérieur sur la pétition. Voici ceux qu’il m’a communiqués :

« Sur les réclamations du Clara-polder, la direction du Clara-polder demande le remboursement des sommes qu’elle a employée à la fermeture de la brèche faite dans la digue de mer par les Hollandais.

« Il est à observer sur cette demande 1° que le Clara-polder est compris dans le terrain assigné à la Hollande, et que ces sommes, qui seraient accordées à la direction, seraient en résultat consacrées à la conservation d’un territoire étranger.

« 2° Que le Clara-polder, fût-il belge, n’aurait aucun droit au remboursement de ses avances. Il suffit, pour s’en bien convaincre, de jeter les yeux sur le décret impérial du 11 janvier 1811 qui contient les bases du régime des polders.

Il résulte de l’ensemble de ce décret que les terrains sont exclusivement grevés de toutes les dépenses nécessitées par leurs ouvrages de défense.

« Le décret cité porté : Art. 5. Le revenu des polders et même la valeur du fonds sont affectés par privilège à toutes les dépenses d’entretien, réparation et reconstruction des digues.

« Ce principe est développé dans les articles suivants :

« D’après l’article 10, le gouvernement peut poursuivre l’expropriation du polder pour obtenir le remboursement des sommes avancées par lui pour travaux exécutés d’office.

« 3° Que les fonds accordés pour les polders ne sont pas destinés à être répartis, à titre d’indemnité, entre les directions respectives.

« La législature n’a eu en vue que les coupures de Lillo et de Burcht ; elle a pensé qu’il fallait pourvoir à la conservation de deux provinces, qu’il fallait arrêter les conséquences de désastres qui menaçaient la navigation de l’Escaut. Les travaux à exécuter étaient d’une telle importance que l’on pouvait craindre que les directions des polders envahis par les eaux ne parviendraient pas à les établir convenablement.

« L’Etat est intervenu par ses ingénieurs et avec les fonds du trésor, mais dans un intérêt général, et non dans l’intérêt privé des propriétaires de telle ou telle localité.

« La loi invoquée par la direction du Clara-polder fait la réserve expresse des droits du gouvernement au remboursement de ses avances ; on n’a donc pas entendu accorder une indemnité.

« Le Clara-polder avait moins d’importance par sa position géographique ; il est parvenu par ses propres ressources à fermer la bréche de la digue ; l’intervention du gouvernement eût été sans objet à son égard.

« Le remboursement qui lui serait accordé ne pourrait être envisagé que comme indemnité ; or, la question des indemnités qui pourraient être dues pour pertes essuyées par suite des événements de la révolution est encore pendante ; on ne peut accéder aux demandes du Clara-Polder sans la résoudre indirectement en sa faveur. »

M. Dumortier. - Je persiste dans la proposition que j’ai faite tout à l’heure. Il me semble que la lecture que vient la donner M. le rapporteur prouve la nécessité d’avoir des explications positives, non pas tant sur la question d’indemnité que pour savoir si le gouvernement a pris les mesures convenables afin que le Clara-polder appartienne à la Belgique.

Ce n’est pas ici un intérêt de localité. Dans le moment où la Hollande fait tous ses efforts auprès de la conférence, il faut que nous fassions aussi quelque chose pour la Flandre zélandaise. Si le gouvernement avait senti le besoin d’un débouché pour l’écoulement des eaux intérieures, il aurait fait cette demande depuis longtemps. J’insiste donc pour que la pétition soit renvoyée au ministre de l’intérieur, avec demande d’explications.

M. Davignon. - Votre commission, messieurs, a tout à fait abondé dans le sens de M. Dumortier, sur l’intérêt que nous avons à conserver le Clara-polder ; mais elle a senti que c’était une question diplomatique.

M. A. Rodenbach. - Je demande que la pétition soit aussi renvoyée au ministre des affaires étrangères.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je voudrais qu’il fut donné lecture de la pétition, car il me semble que M. Dumortier lui donne une extension qu’elle n’a pas. Les auteurs de cette pétition ne demandent point que le Clara-Polder reste à la Belgique ; ils demandent seulement à être indemnisés de leurs dépenses.

Je ne crois pas qu’on puisse, à cette occasion, élever la question de ce que peut faire le gouvernement relativement à la propriété de ce polder. Les renseignements que j’ai procurés à M. le rapporteur démontrent que le gouvernement ne pourrait pas satisfaire à la demande d’indemnité des pétitionnaires, sans s’écarter du décret de 1811 qui contient les bases du régime des polders, sans s’écarter des intentions de la chambre elle-même.

Si, en me renvoyant la pétition, on entendait m’engager à restituer aux propriétaires du Clara-Polder les fonds qu’ils ont pu employer dans leur intérêt, je serais obligé de demander une allocation spéciale, ou du moins une extension aux fonds votés pour la réparation des digues, lesquels fonds ne devaient s’appliquer qu’à la rive gauche et la rive droite de l’Escaut.

Quant à la question diplomatique, Ce n’est pas à moi qu’elle doit être renvoyée, mais au ministre des affaires étrangères.

M. de Theux. - Il y a eu des négociations, de la part de M. le ministre des affaires étrangères, dès le mois d’octobre 1831, relativement au Clara-Polder. Voici ce que je lis dans un discours qu’il a prononcé au sénat dans la séance du 5 octobre 1831 :

L’orateur donne lecture de ce discours ainsi conçu :

« La sollicitude du gouvernement belge n’a pas été moins vive pour le Clara-Polder que pour les autres ; mais lorsque nous étions d’accord pour ainsi dire sur ce point, et quand nous étions prêts à faire réparer les coupure de ce polder, une nouvelle difficulté fut élevée de la part de la Hollande : elle déclara que, par sa position particulière, le Clara-Polder faisait partie de son territoire, soit qu’anciennement il lui eût appartenu réellement, soit qu’il eût été joint à ces provinces par alluvion. Le gouvernement hollandais ayant donc considéré le Clara-Polder comme étant sur son territoire, n’a pas voulu que les réparations fussent faites ni sous la direction d’ingénieurs belges, ni par des ouvriers belges. Il a prétendu qu’aucun Belge n’avait le droit de mettre le pied sur son territoire et que par conséquent nous n’avions pas à nous en mêler, parce que, s’il trouvait les réparations utiles, il les ferait lui-même.

«Cependant, comme le Clara-Polder appartient en grande partie, sinon tout entier, à des propriétaires belges, de nouvelles instances furent faites à la conférence, et, par l’intermédiaire de sir Adair et de M. le général Belliard auprès de la cour de La Haye, après bien des pourparlers, le gouvernement hollandais autorisa le général de Kock à s’entendre avec les propriétaires des polders pour faire faire les réparations, en stipulant qu’elles ne pourraient se faire que sous la direction d’ingénieurs hollandais, et par des ouvriers hollandais.

« Quelle que fût la sollicitude du gouvernement belge pour les propriétaires de ce polder, il nous a été impossible de vous présenter un projet de loi à ce sujet, attendu qu’il aurait fallu faire des estimations des dégâts, des plans et des devis pour faire connaître la dépense présumée toutes choses impossibles à réaliser, puisque le gouvernement hollandais ne veut pas permettre à un Belge de mettre le pied sur ce qu’il considère comme faisant partie de son territoire.

« Moi-même, ayant été consulté par plusieurs propriétaires du Clara-Polder, je leur ai conseillé de s’entendre avec le général de Lock par l’intermédiaire du général Belliard et de sir Adair ; on s’est en effet entendu : une adjudication a eu lieu, et les travaux s’exécutent avec activité.

« Ces travaux faits, restera la question de savoir si les propriétaires de ce polder n’ont pas droit à être traités comme les autres. Vous savez que les travaux à faire sont de deux sortes. Les uns doivent être faits aux digues de mer, et ceux-là sont à la charge du gouvernement ; les autres sont des travaux à faire aux digues intérieures, et en temps ordinaires ils devraient être à la charge des propriétaires des terrains.

« Dans l’état actuel des choses, il n’était pas possible de procéder de cette manière. Il est impossible, on le sait, de réparer les digues de mer, à moins qu’on ne se débarrasse préalablement des eaux intérieures ; il faudrait donc commencer par les eaux intérieures. Mais, pour cela, il fallait obtenir le consentement des propriétaires ; il eût fallu les convoquer, les mettre d’accord : tout cela eût exigé des délais qu’il n’était pas prudent d’attendre. Le gouvernement a donc cru se mettre à la place des propriétaires, et, agissant comme negotium gestor, vous proposer de faire faire les travaux qu’auraient dû faire faire les propriétaires eux-mêmes, parce que si on eût attendu jusqu’au 15 novembre, époque des eaux les plus dangereuses, la dépense aurait été certainement décuplée, et peut-être vingt fois plus forte.

« Si cependant, plus tard, ces frais n’étaient pas récupérés à la charge des directions des polders ou des propriétaires, il me semble que, par principe de justice, il faudrait indemniser les propriétaires du Clara-Polder. »

M. Coppens. - Je ferai observer que ce n’est pas seulement le Clara-Polder qui souffre des inondations, mais les terrains qui se trouvent derrière. C’est sans doute pour cela que M. Dumortier a fait sa proposition, car si l’écluse nous est enlevée, il est impossible que les eaux intérieures soient écoulées ; elles s’étendent maintenant à 3 lieues sur notre territoire.

M. Jullien. - Je comprends qu’il est très difficile au ministère de prendre des mesures pour que le Clara-Polder nous appartienne s’il ne nous appartient pas. Mais ce n’est pas là la question. M. Dumortier a demandé le renvoi proposé par la commission avec demande d’explications, et M. A. Rodenbach a demandé en outre le renvoi au ministre des affaires étrangères. Eh bien, c’est cela qu’il s’agit de discuter. Quant à moi j’appuie le double renvoi. Les détails dans lesquels on est entré sur une autre question sont prématurés.

M. Davignon. - Pour les renseignements j’ai déjà fait connaître ceux que m’a fournis M. le ministre de l’intérieur. Quant à la question de propriété du Clara-Polder, il n’en est nullement question dans la demande des pétitionnaires. Ils se bornent seulement à dire qu’ils n’ont pas cessé d’être unis d’intérêt et d’affection pour la Belgique.

M. H. de Brouckere. - J’appuie la demande d’explications. S’il est vrai que ce n’est pas seulement dans leur intérêt que les habitants du Clara-Polder ont travaillé, mais aussi dans celui de la Flandre belge, il est très possible qu’ils aient droit à une indemnité. C’est sous ce rapport, je crois, qu’on demande des renseignements.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il est certain que les réparations des polders supérieurs auront servi aux polders inférieurs, mais la question serait de savoir jusqu’à quel point ils auront pu servir aux propriétaires belges ; c’est ce qu’il sera très difficile d’évaluer.

L’honorable M. Coppens a dit que trois lieues du pays étaient inondées…

M. Coppens. - J’ai dit que l’écoulement ne se faisait pas.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il me semble que M. Coppens a dit que les eaux inondaient trois lieues de l’intérieur du pays. Je crois que ce fait est inexact, ou il faut alors que les hommes de l’art m’induisent en erreur à ce sujet. D’après le rapport officiel qu’ils m’ont fait parvenir, il n’y a pas une seule portion de notre territoire qui soit soumis à l’inondation. A la vérité, il y a des propriétaires belges, vivant en Belgique et possédant des terrains en Hollande, qui se sont plains des inondations. C’est là la cause de diverses réclamations qui ont eu lieu, mais il n’en est pas moins vrai que ces réclamations n’existent que sur le territoire hollandais : remarquez, messieurs, que le gouvernement n’a pas d’autre intérêt que ceux des Flandres elles-mêmes, mais il ne faut rien exagérer.

M. Coppens. - Je prierai M. le ministre de vouloir bien, quand il en aura le temps, envoyer quelqu’un pour constater le fait, et il verra que depuis l’écluse jusqu’au sas de Gand il y a des endroits ou l’on a de l’eau jusqu’au genou. Dans ce moment même un ingénieur y travaille.

- La chambre consultée renvoie la pétition au ministre de l’intérieur avec demande de renseignements, et en outre au ministre des affaires étrangères.


M. Davignon, rapporteur. - « Par pétition en date du 12 décembre 1832, le sieur Prud’homme, cabaretier à Peruwelz, demande que la chambre lui permette d’établir à ses frais, près sa demeure, un bac de passage sur le canal à l’endroit dit le Large. »

On peut ajouter à cette pétition la suivante qui a le même objet :

« Par pétition en date du 12 décembre 1832, le sieur Frappart, marchand de charbon à Wiers, adresse la demande d’établir à ses frais, près de sa demeure, sur le canal d’Antoing, un bac de passage à l’endroit dit la Courbe. »

La commission propose le renvoi des deux mémoires au ministre de l’intérieur.

M. Gendebien. - Le pétitionnaire demande-t-il simplement la faculté d’établir un ponton, de manière que d’autres puissent en établir également ?

M. Davignon. - Il demande la faculté d’établir un ponton avec péage.

M. Gendebien. - Alors c’est un privilège exclusif. Je ne veux pas que le pétitionnaire établisse un ponton sans rien recevoir. Ce qu’il faut bien savoir, si sa demande est exclusive de toute demande semblable.

M. Davignon. - Il offre 40 florins par année pour obtenir la concession.

M. Gendebien. - Dès l’instant qu’il peut y avoir du doute sur la prétention du pétitionnaire, nous devons passer à l’ordre du jour.

Si la demande était pure et simple et telle que le ministre pût accorder l’établissement d’un autre bac à côté du premier, nous pourrions, dans l’intérêt public, ordonner le renvoi au ministre.

M. de Brouckere. - C’est une pétition faite dans un intérêt privé et non dans un intérêt public, et je ne vois pas pourquoi nous le renverrions au ministre de l’intérieur. Peu nous importe que le sieur Prud’homme ait un passage ou n’en ait pas ; c’est une affaire d’intérêt personnel qui ne peut nous concerner.

M. Davignon. - Comme la concession ne peut être donnée que par une mesure législative, la commission a cru devoir proposer le renvoi au ministre de l’intérieur, qui jugera s’il y a lieu de proposer une loi.

M. A. Rodenbach. - Que le pétitionnaire s’adresse directement au ministre.

M. Davignon. - Il s est déjà adressé au ministre.

M. de Brouckere. - Nous ne pouvons donner notre appui à une pétition sans savoir si la demande est relative à l’intérêt public, si elle est fondée.

M. Dubus. - Je viens appuyer la conclusion de la commission.

L’établissement du canal d’Antoing a interrompu une foule de communications, et cependant il est de l’intérêt des localités qu’elles soient multipliées. D’un autre côté le rapporteur de la commission nous dit que déjà les pensionnaires se sont adressés au ministre de l’intérieur, lequel a répondu que l’autorisation ne pouvait être donnée que par une mesure législative.

Mais, pour prendre la mesure législative, il faut vérifier plus d’un fait ; la chambre ne peut convenablement prendre des renseignements sur de semblable faits. Le ministre de l’intérieur est seul dans la situation de se les procurer et d’après les documents qui lui parviendraient, il pourrait présenter un projet de loi s’il y avait lieu. C’est sous ce rapport que je demande le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Gendebien. - Je ne m’oppose pas au renvoi des deux pétitions au ministre de l’intérieur ; mais je demande qu’il soit bien constaté que c’est pour obtenir des renseignements ultérieurs. Il ne faut pas que le ministre croie que nous lui renvoyons les pétitions pour qu’il présente un projet de loi ; il faut éviter les lois inutiles que nous rejetterions, il faut les éviter autant dans l’intérêt de la dignité de l’administration que dans celui de la dignité de la chambre.

M. de Brouckere. - Si c’est pour obtenir des renseignements qu’on renvoie les pétitions au ministre de l’intérieur, je ne m’y oppose pas.

M. A. Rodenbach. - Si le bac est nécessaire, le ministre le fera établir par adjudication publique ainsi que le veulent les lois, et non par une concession particulière. Il est des cas où un ministre pourrait s’entendre avec un particulier ; je ne le suppose pas maintenant ; mais je demande que les lois soient exécutées et que dans l’intérêt public il y ait adjudication.

- Les deux pétitions sont renvoyées au ministre de l’intérieur avec demande de renseignements.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole. Je veux faire observer que, lorsque j’ai dit qu’il ne restait pas en Flandre de territoire inondé, il ne faut pas entendre la partie de la Flandre qui concerne Anvers...

- Des voix. - Non ! non !


M. Davignon, rapporteur. - « Par pétition en date du 18 décembre 1832, le sieur G. Vernier, capitaine de cavalerie en non-activité à Tournay, dont la précédente pétition par laquelle il demandait le paiement de sa pension des Indes a été renvoyée à MM. les ministres de la guerre et des finances, se plaint de ce qu’il n’a pas encore été fait droit à sa réclamation. »

En Hollande on ne paie la pension ordinaire, comme la pension extraordinaire, que pour autant que le pensionné justifie qu’il ne jouit d’aucun traitement ni d’aucune autre pension. Voici la copie littérale de la disposition de l’arrêté du 28 février 1826, qui confirme ce que j’avance :

« Le paiement supplémentaire sera fait sur le pied mentionné, aussi longtemps qu’il (le pensionné) aura sa résidence fixe dans le royaume, après envoi, pour chaque paiement, d’un certificat de vie délivré, par l’autorité communale de sa résidence, contenant en même temps qu’il ne jouit d’aucun traitement militaire, ni civil, ni d’aucune pension, etc. »

Le pétitionnaire jouit du traitement de capitaine de cavalerie en non-activité, qui lui fournit des moyens d’existence honorables ; conformément à l’arrêté du régent du 15 mars 1831, il a été payé sur le pied du maximum de la pension affectée à son grade jusqu’au 11 décembre 1830, jour auquel il a été remis en activité de service.

Le supplément de la pension des Indes qu’il réclame ne peut donner lieu qu’à un rappel, à l’époque de la liquidation générale entre la Belgique et la Hollande ; le cas est prévu et réglé dans l’article 2 de l’arrêté précité.

La caisse de ces pensions est en Hollande ; rien ne prouve qu’il existe encore des fonds disponibles pour l’acquittement de ces pensions supplémentaires.

S’il était question d’un paiement anticipatif à faire à un homme dans le besoin, nous aurions considéré comme un devoir de lui porter secours par un renvoi au ministre ; mais il s’agit d’un cumul, que, pour être fidèles à nos institutions, nous ne pouvons admettre.

L’inscription de la demande du pétitionnaire est faite pour ce qui concerne sa pension des Indes ; on la fera valoir en temps : c’est ce qu’il peut demander. Le ministre a dû le lui faire connaître ; on ne pourrait donc qu’obtenir une répétition par un renvoi. C’est pourquoi votre commission, messieurs, a conclu à l’ordre du jour.

M. Gendebien. - Je désirerais savoir si le pétitionnaire entend réunir sa pension des Indes à son traitement de non-activité ?

M. Davignon. - Tel est le but de sa demande.

M. Gendebien. - Je suis très disposé à croire que ceux qui ont été pensionnés pour avoir été aux Indes peuvent cumuler. Le service des Indes est un service extraordinaire, un service très meurtrier, et pour lequel il y a des dispositions spéciales. Le capitaine a un droit acquis à une pension ; si on renvoyait la pétition en attendant liquidation avec la Hollande, ce serait renvoyer aux calendes grecques ; on ne peut faire un semblable renvoi. Il est probable que d’ici à longtemps il n’y aura pas de liquidation avec la Hollande.

Nous devons payer d’abord ce qui est dû ; nous ferons valoir vis-à-vis de la Hollande les sommes que nous aurons avancées. La pension de ce militaire est la récompense de services rendus aux deux pays ; il a donc des droits sur la Belgique comme sur la Hollande ; nous discuterons avec la Hollande pour quelle quotité nous devons contribuer à cette pension. Le malheureux qui a des droits acquis ne peut être renvoyé aux calendes grecques ; il faut qu’il nourrisse sa famille. Nous devons donc renvoyer le mémoire au ministre de la guerre, avec demande d’explications.

M. Jullien. - Messieurs, je ne conçois pas trop les conclusions de la commission.

Le pétitionnaire expose qu’il a fait déjà une demande à la chambre, pour réclamer sa pension des Indes ; la commission nous dit que cette pétition a été renvoyée aux ministres de l’intérieur et de la guerre : on n’a pas répondu à cette pétition. Il me semble qu’il est raisonnable et juste de renvoyer la seconde pétition aux ministres, afin qu’ils se donnent la peine de répondre au pétitionnaire ; si vous n’ordonnez pas le renvoi, les ministres pourront se croire dispensés de répondre aux pétitions qui leur sont renvoyées : l’officier doit avoir une réponse ou des ministres ou de la chambre.

M. A. Rodenbach. - Le capitaine, demande-t-il une pension pour le service des Indes, et un traitement du gouvernement belge.

M. Davignon. - Il demande le cumul.

M. A. Rodenbach. - Les officiers ne cumulent pas. Les officiers qui avaient servi dans les Indes, avaient une forte pension, mais sans cumul ; je connais un major aveugle, qui ne reçoit que la pension des Indes ; il ne demande pas à être cumulard. (On rit.) J’appuie la proposition de M. Jullien et de M. Gendebien, en affirmant que, sous le précédent gouvernement, les officiers ne demandaient pas à être cumulards. (On rit encore.)

M. Gendebien. - La caisse spéciale des pensions inscrites est en Hollande ; mais ce ne serait pas là un motif pour refuser un supplément de pension au pétitionnaire.

Les fonctionnaires civils, quoique leur caisse soit en Hollande, reçoivent sur des fonds que vous votez un supplément de pension ; les services militaires dans les Indes, extrêmement meurtriers, méritent bien qu’on prenne la même mesure pour les rémunérer. Je persiste à proposer le renvoi de la pétition au ministre de la guerre avec demande d’explications. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)

- L’ordre du jour est écarté.

Le renvoi au ministre de la guerre avec demande d’explications est ordonné.

Il est quatre heures et demie.


Membres absents sans congé à la séance de ce jour.

MM. Angillis, Cols, Coppieters, de Bousies, de Foere, de Muelenaere, de Robaulx, de Roo, d’Huart, Helias d’Huddeghem, Seron, Speelman, H. Vilain XIIII.