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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 février
1833
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
réponse du gouvernement à des pétitions relatives aux logements militaires
2) Proposition de loi relative à la subdivision
en provinces du territoire belge en un plus grand nombre de provinces
(proposition Jacques) (Jacques)
3) Projet de loi autorisant le gouvernement à
créer une dette flottante au moyen de bons du trésor (Dumont,
A. Rodenbach, Gendebien)
4) Rapports sur des pétitions relatives, notamment,
à la garde civique (Poschet, de
Brouckere, Gendebien, Rogier,
Coppens, de Robaulx, Gendebien, Rogier, Brabant, Coppens, Gendebien, Rogier, Dumortier, de Robaulx, de Theux, de Robaulx, Rogier, (+armée de réserve) (Fleussu,
Dubois), F. de Mérode,
(+cohésion gouvernementale) (de Robaulx, Lebeau, de Robaulx, Rogier, Dumortier), Dumont), à l’existence d’employés étrangers dans
l’administration belge (Rogier, Gendebien,
Rogier, Lebeau, de Robaulx, Gendebien), au
placement d’une barrière (Gendebien, Desmanet de Biesme), au transit des ardoises et aux
négociations douanières avec la France (Poschet, Gendebien, Davignon, Poschet, Dumont, A. Rodenbach, Rogier, de Theux, Angillis, Gendebien), aux los-renten (Mary),
à l’usage du français dans les actes notariés rédigés en flamand (Angillis), à l’indemnisation de victimes des événements
révolutionnaires (Verdussen, Gendebien),
à la garde civique (Poschet), à une demande de
libération d’un Belge fait prisonnier en novembre 1830 (Goblet,
de Brouckere, Gendebien,
Rogier, A. Rodenbach, Levae, de Brouckere), à la communauté
protestante d’Anvers (Osy, Van
Hoobrouck, Dumortier, Poschet,
de Theux, A. Rodenbach, Osy, Rogier, de
Robiano, Osy, de Theux)
(Moniteur belge n°42, du 11 février 1833 et Moniteur belge n°43, du 12
février 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°42, du 11 février 1833)
M. Jacques fait l’appel nominal à une heure et demie.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est
adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
Les pièces adressées à la
chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
- Un message du sénat annonce
que MM. les sénateurs ont adopté dans la séance d’hier la loi relative aux
demandes en maintenance de concession de mines, et la loi portant allocation de
crédits provisoires pour les trois premiers mois de l’exercice de 1833.
- M. le ministre de la guerre (M.
Evain) écrit à la chambre pour lui donner des
renseignements sur les réclamations des habitants de plusieurs communes, qui se
plaignent d’être surchargées de logements militaires. Le ministre fait observer
que l’indispensable nécessité le force à cantonner les troupes dans certaines
contrées, Il regrette que les habitants des communes se soient adressés à la
chambre ; il pense qu’ils auraient dû s’adresser aux généraux commandant les
divisions. -
- M. Corbisier, que ses
affaire appellent à Paris, demande un congé.
Le congé est accordé.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE A LA SUBDIVISION DU
TERRITOIRE BELGE EN UN PLUS GRAND NOMBRE DE PROVINCES
M. le président. - La parole est à M. Jacques pour donner lecture de
la proposition qu’il a déposée sur le bureau dans une des séances précédentes.
M. Jacques. - J’ai l’honneur de faire la proposition suivante :
« Léopold Ier, Roi des
Belges, etc.
« Vu les articles 1 et 2
de la constitution ;
« Voulant rendre
l’administration plus rapide, plus simple et moins coûteuse ;
« Nous avons de commun
accord, etc.
« Art. 1er. Le territoire
de la Belgique est divisé en autant de provinces qu’il y a d’arrondissements
judiciaires, avec les mêmes chefs-lieux, cantons et communes.
« Art. 2. Le gouvernement
est représenté dans chaque province par un commissaire du roi, par un procureur
du roi, par un commandant militaire et par un intendant des finances.
« Art. 3. Ces
fonctionnaires sont nommés par le roi.
« Il ne peuvent pas être
en même temps membres des chambres législatives.
« Ils jouissent d’un
traitement annuel de 10,000 francs à Anvers, Bruxelles, Gand et Liége ; de
8,000 francs à Bruges, Louvain, Malines, Mons, Namur et Tournay ; de 6,000
francs à Arlon, Courtray, Tongres, Verviers et Ypres, et de 4,000 francs
partout ailleurs.
« Ils se réunissent en
conseil deux fois par semaine, et plus souvent si les affaires l’exigent, pour
se concerter sur l’exécution des lois et règlements, et sur tout ce qui
concerne l’administration publique.
« Art. 4. Le commissaire
du roi est chargé, sous les ordres du ministre de l’intérieur, de tout ce qui
ressortit à ce ministère ; il a la direction et la surveillance de tous les
fonctionnaires, agents et employés qui en dépendent.
« Le procureur du roi a
pareilles attributions pour le département de la justice : le commandant
militaire, pour le département de la guerre et l’intendant des finances, pour
le département des finances.
« Art. 5. Il y a dans
chaque province, sous la présidence du commissaire du roi, un conseil
provincial de 15 à 25 membres, et une députation permanente de trois membres.
Une loi spéciale détermine leurs attributions et le mode d’élection.
« Art. 6. Les
commissaires du roi, les commandants militaires et les intendants des finances,
seront nommés avant le 1er septembre 1833. Le gouvernement déterminera, avant
le 1er novembre suivant, sur leurs propositions et sur les avis des conseils
institués par l’article 2, les attributions, titres, rangs, traitements, nombre
et résidences des fonctionnaires, agents et employés à conserver, après l’année
courante pour les divers services publics, qui ne sont pas organisés par la
loi.
« Art. 7. Les
dispositions à prendre en vertu de l’article 6 devront opérer au moins la
réduction d’un dixième sur l’ensemble des allocations portées au budget de
1832, pour le personnel des divers services à réorganiser.
Néanmoins, les fonctionnaires,
agents et employés actuels, qui jouissent d’un traitement sur le trésor,
continueront d’en toucher la moitié s’il sont mis en disponibilité, et les 4/5
s’ils sont placés dans un poste dont le traitement ne s’élève pas à ce taux.
« Par compensation,
personne n’obtiendra de traitement ni d’augmentation de traitement, à quelque
poste qu’il soit appelé, jusqu’à ce que l’ensemble des traitements effectifs,
des traitements de disponibilité et des traitements aux quatre cinquièmes se trouve
réduit par décès, démissions etc., aux 9/10 des allocations de 1832.
« Art. 8. Les articles 1,
2, 4 et 5 ne seront obligatoires que le 1er janvier 1834.
« Mandons et ordonnons,
etc. »
Cette proposition sera
développée lundi 18 février.
M. le président. - Une commission spéciale a été nommée pour examiner
la loi sur les bons du trésor ; par des circonstances particulières, cette
commission n’a pu se réunir aujourd’hui ; elle
se propose de se réunir demain à midi.
M. Dumont. - Il sera alors difficile que le rapport de la
commission soit imprimé et distribué pour lundi.
M. A. Rodenbach. - On peut imprimer le rapport demain soir, et ouvrir
la discussion lundi. La commission pourrait se réunir ce soir.
M. Gendebien. - Il faut au moins que le rapport soit connu et que
les membres puissent le méditer, Je demande que l’on remette la discussion à
lundi, si le rapport est imprimé demain, et à mardi s’il n’est distribué que
lundi.
- La chambre consultée renvoie
la discussion des bons du trésor à mardi.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
L’ordre du jour est un rapport
de la commission des pétitions.
M. Poschet, rapporteur, est appelé a la tribune, et entretient la chambre
des pétitions suivantes. - « Le sieur Engelborg, soldat au 2ème régiment
de chasseurs à pied, étant devenu infirme, demande une pension. »
L’exposant ne disant pas qu’il
s’est adressé au ministre de la guerre, la commission propose l’ordre du jour.
- Adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Losson de Lange, à Bruges, réclame
le paiement d’une créance, à charge du gouvernement, qui lui a été cédée pour
entreprise au pont de Scheepdael, près Bruges. »
Cette créance lui a été cédée
par un entrepreneur depuis 1814 ; depuis cette époque il n’a pu la faire
reconnaître à cause de l’ancienneté. La commission propose l’ordre du jour,
M. Gendebien. - L’ancienneté n’est pas un motif d’exclusion.
M. Poschet, rapporteur. - Le pétitionnaire ne produit aucune pièce à l’appui
de sa demande.
M. Gendebien. - Qu’il s’adresse aux tribunaux.
- L’ordre du jour est adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Un grand nombre de négociants et tanneurs
de Stavelot réclament l’imposition d’un droit de 3 florins par 100 kilog. à
l’entrée sur les bourres étrangères.
« Il ne peuvent plus
soutenir la concurrence avec des tanneries étrangères. »
- Renvoyé à la commission de
l’industrie.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Onze habitants de Plancenois se plaignent
de ce qu’on ait supprimé un sentier qui conduisant à une fontaine, laquelle
sert au besoin des habitants. »
Cette réclamation étant du
ressort des tribunaux, la commission propose l’ordre du jour. »
- Adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « L’administration commune d’Ophasselt
demande la concession gratuite d’une parcelle de route supprimée, qu’elle
ferait percer pour la joindre à la chaussée qui traverser la commune. »
- Renvoyé au ministre de
l’intérieur.
_______________
M. Poschet, rapporteur. - « Plusieurs cultivateurs réclament la libre circulation
des tourteaux. »
- Renvoyé aux ministres de
l’intérieur et des finances.
M. Gendebien. - Pouvez-vous donner lecture de la pétition ?
M. Poschet. - Non, monsieur ; elle est en flamand. (On rit.)
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Lejeune, à Gand, lieutenant du
premier ban de la garde civique en congé illimité, demande que la chambre
statue sur les inculpations dont il a été l’objet. »
Le ministre de la guerre,
auquel le pétitionnaire s’est d’abord adressé, a répondu que la mesure prise
contre lui avait été motivée par les renseignements obtenus sur sa conduite. La
commission croit que la chambre ne peut s’immiscer dans cette affaire ; elle
propose l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Les sieurs de Lesmont et Vandael, à
Bruxelles, chevaliers de la Légion d’honneur, demandent une avance sur les arriérés
de leur pension, en attendant qu’une loi ait statué sur le sort des
légionnaires. »
Une loi relative aux pensions
des légionnaires ayant été présentée, la réclamation devient sans objet, et la
commission propose l’ordre du jour.
- Adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Les administrations communales de
Farciennes, Jumet, Gilly, Dampremy, Lambersart, Roux, etc., du canton de
Charleroy, demandent que les jeunes gens de leur canton, passibles du service
dans le premier ban, en soient dispensés pour cette année, sauf à les faire
remplacer par les gardes civiques des autres cantons du même
arrondissement. »
La loi du 4 avril 1831 permet
un gouvernement de mobiliser le premier ban de la garde civique ; et il a été
obligé de prendre les compagnies telles qu’elles ont été formées, d’après la
loi du 18 janvier 1831 ; ainsi le gouvernement a agi conformément aux lois. La
commission croit devoir proposer l’ordre du jour.
M. de Brouckere. - Je demande que cette pétition et d’autres du même
genre soient déposées au bureau des renseignements. Je sais bien que le
gouvernement n’a pas pu faire autrement qu’il n’a fait, et qu’il est obligé de
faite venir sous les armes les jeunes gens des cantons dans lesquels la garde
civique a été mobilisée ; mais, par suite des mesures prises, il est des
communes où les gardes civiques n’ont pas été mobilisées et où les jeunes gens
y restent sédentaires, tandis qu’à côté les communes sont dépeuplées. Cette
inégalité de charges mérite considération.
M. Gendebien. - Je demande eu même temps que la pétition soit
renvoyée au ministre de l’intérieur, afin d’aviser aux moyens de ne pas
surcharger certaines communes ; on aurait dû faire partir les gardes civiques
en les faisant tirer au sort par compagnies, comme je l’avais proposé au
congrès.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Je suis le
premier à reconnaître l’inégalité des charges qui pèsent sur plusieurs
communes. Vous avez fait en partie réparation de cette injustice par la loi
concernant l’armée de réserve, puisqu’on ne doit lever les milices que là où le
premier ban de la garde civique n’a pas été mobilisé.. On ne peut pas faire
actuellement ce que les communes réclament ; mais le gouvernement pourra vous
demander le moyen d’exempter de la milice les communes qui ont fourni le
contingent de la garde civique.
Je dois faire observer que la
mobilisation par communes ne ferait pas disparaître les inégalités entre elles
; les levées par cantons les diminueront.
M. Coppens.
- Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur si la garde civique de Gand est
en activité de service, ou ne l’est pas.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Ainsi que j’ai
eu l’honneur de le dire à l’orateur dans des entretiens particuliers, le
gouvernement s’occupe de régulariser la mise en activité des hommes du premier
ban de la garde civique. Le gouvernement veut prendre une mesure uniforme pour
les gardes civiques de toutes les contrées.
M. de Robaulx. - Sous le rapport général de communes à communes, je
conçois que l’injustice peut être rendue moins sensible ; mais relativement aux
individus, l’injustice n’est pas réparée. Je ne crois pas que le ministre de
l’intérieur repousse le renvoi de la pétition. Je demande le dépôt au bureau
des renseignements, et le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Gendebien. - Il y aura toujours une légère inégalité en faisant
partir les gardes civiques par communes, et en les faisant tirer au sort ; mais
aujourd’hui l’injustice est intolérable : il y a des cantons où tous les jeunes
gens sont partis, et d’autres cantons où ils sont tous restés. Il y a des
cantons dépeuplés.
Le ministre n’a pas répondu à
M. Coppens. Le gouvernement doit s’expliquer franchement, nettement à cet
égard. Le premier ban de la garde civique est mobilisé, et cependant il
n’existe pas d’acte qui le mette en activité. Les jeunes gens sont partis, on
les retient au service, ils sont soumis aux conseils de guerre. Il faut
régulariser leur mise en activité. Il y a plusieurs citoyens qui ont été
traînés dans les prisons, parce qu’ils soutenaient n’avoir pas été
régulièrement mis en activité. C’est pour le gouvernement un devoir, et un
devoir auquel il ne peut se soustraire, à faire des actes légaux. Si la garde
civique de Gand tout entière refusait le service, que dirait le ministre ?
C’est le ministère qui serait dans son tort.
Toutes les fois que les lois
n’appellent pas les citoyens, ils peuvent refuser le service par tous les
moyens qui sont en leurs mains.
(Moniteur belge n°43, du 12 février 1833) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- Je croyais qu’il ne convenait pas de donner à la chambre même les
explications que l’on provoque. Je suis étranger à la manière dont la garde
civique a été mise en activité ; en second lieu, ce n’est pas au ministre de
l’intérieur à mettre en activité les gardes civiques, c’est au ministre de la
guerre ; il y aurait eu faute de la part du gouvernement qu’elle ne saurait
nous être imputée.
Par une loi vous avez autorisé
le gouvernement à mettre en activité tout ou partie de la garde civique. Il
paraît qu’au mois d’août 1831 quelques bans de la garde civique ont été mis en
activité sans décision, sans arrêté du ministère de la guerre. II n’y a que la
garde civique de Gand qui ait fait des réclamations à cet égard.
Le ministre de la guerre
actuel a pris des renseignements pour savoir dans quels cantons la garde
civique n’avait pas été convoquée régulièrement. En tous cas, le pouvoir
exécutif avait le droit de mettre en activité la garde civique, et ce sont sans
doute les circonstances qui furent cause de quelque défaut de forme. Ce défaut
de forme ne peut autoriser les gardes civiques à refuser le service.
Au reste, les gardes civiques sont animées de
sentiments trop patriotiques, sont trop pénétrées de leurs devoirs, sont trop
dévouées au pays pour se dissoudre elles-mêmes parce qu’il existerait un défaut
de forme dans leur convocation.
Je demanderai, messieurs, que
la discussion ne se prolonge pas sur cette matière délicate ; je croyais en
avoir dit assez à M. Coppens pour le déterminer à ne pas faire retentir cette
enceinte de discussions dont la portée peut être dangereuse.
M. Brabant. - Je veux relever une erreur de droit qui vient
d’échapper à M. le ministre de l’intérieur. Il croit que le gouvernement a encore
le droit de mobiliser les gardes civiques ; ce droit est révoqué par la loi sur
la milice. Le gouvernement ne peut plus mobiliser le premier ban de la garde
civique, il peut seulement retenir sous les armes celles qui ont été
mobilisées.
M. Coppens. - Sans doute les milices sont animées du meilleur
esprit pour la défense de la patrie. Mais pourquoi dans leur mobilisation ne
s’est-on pas conformé à la loi ? On a envoyé un individu dans les provinces, et
son caprice a tout décidé.
Il est des malheureux qu’on
retient en prison, qu’on traîne devant les conseils de guerre, parce qu’ils ne
veulent plus servir.
Les conseils de guerre se
déclarent incompétents. Pourquoi le ministre ne prend-il pas des mesures pour
faire cesser cet état de choses ?
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Cela regarde
le ministre de la guerre.
M. Coppens. - Si les gardes civiques sont convoquées, irrégulièrement,
cela ne regarde plus le ministre de la guerre.
M. Gendebien. - Les gardes civiques sont sous la main du ministre
de l’intérieur jusqu’au moment où on les livre au ministre de la guerre ; c’est
le ministre de l’intérieur qui a pris tous les arrêtés.
Le ministre répond que la
faute doit être imputée à son prédécesseur ; mais la question n’est pas là ; il
ne s’agit pas de savoir quel ministre a agi illégalement ; il suffit que l’abus
ait été dénoncé au ministre actuel pour qu’il soit redressé. Un arrêté pour la
mobilisation des gardes civiques, a-t-il été pris, oui ou non ? S’il n’a pas
été pris, il fallait faire rendre la liberté aux citoyens qu’on retenait dans
les prisons. Si la liberté est chère à tous les citoyens, en Belgique celle
dont nous faisons le plus grand cas, c’est la liberté individuelle. Il faut que
justice se fasse et promptement.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Il me semble
avoir donné à entendre que s’il ne s’agissait que de régulariser la
mobilisation des gardes civiques pour un seul canton, la mesure serait bientôt
prise ; mais j’ai annoncé que plusieurs cantons étaient dans le même cas. J’ai
fait observer que la mise en activité des gardes civiques remontait à une
époque on il n’y avait d’ordre nulle part. Le gouvernement se trouve dans une
position délicate vis-à-vis de la garde civique.
Avant
qu’il puisse prendre une mesure générale, mesure qui peut avoir de graves
conséquences, il faut qu’il recueille des renseignements, qu’il médite sur le
parti à prendre.
Le gouvernement ne veut pas
recourir à de faux fuyants ; il sent que l’état actuel ne peut durer. Le
ministre de l’intérieur s’en est entendu avec le ministre de la guerre, et l’on
régularisera la mise en activité de la garde civique.
D’après l’opinion de M.
Gendebien, il faudrait, non seulement rendre la liberté à ceux qui sont en
prison, mais licencier encore ceux qui sont sous le drapeau ; voilà du moins
les conséquences de l’opinion qu’il a émise ; je laisse à juger où elle
pourrait conduire. Plaise à Dieu que cette opinion ne trouve pas d’écho dans
l’armée !
M. Dumortier. - Ce qu’une nation a le plus à redouter, c’est
l’arbitraire ; or, il y a arbitraire quand on retient sous les armes des hommes
qui ne sont pas régulièrement appelés. Le devoir du gouvernement est de
régulariser, le plus tôt possible, ce qui s’est fait pour la garde civique.
Il faut convenir qu’au mois
d’août, on n’a pas pu prendre les mesures les plus régulières, à cause de la
nécessité des circonstances ; mais les circonstances sont changées, et le
gouvernement peut maintenant prendre les mesures convenables.
L’abus
qu’on signale n’est pas le seul qu’il faille redresser, Il existe, dans les
régiments des gardes civiques, un grand nombre de citoyens qui sont partis par
pur civisme ; ces hommes n’ont contracté aucune espèce d’engagement ; ils sont
disposés à rester sous le drapeau si l’on veut avoir de l’énergie, si l’on veut
venger l’honneur national ; mais comme le gouvernement ne veut avoir de soldats
que pour présenter les armes aux troupes étrangères, ces braves veulent
retourner chez eux. J’en connais bon nombre, dont je pourrais citer les noms,
qui ont demandé à rentrer dans leurs foyers, et qui ne peuvent obtenir de
congés.
Je demande que des mesures
soient prises, et soient prises promptement, pour régulariser tous ces abus.
M. de Robaulx. - Il faut que je reprenne la parole une seconde fois
pour signaler plusieurs erreurs avancées par le ministre de l’intérieur.
Il nous a dit d’abord : Nous
ne devons pas trop nous hâter de réparer l’injustice, nous devons prendre des
renseignements ; nous devons nous adresser aux provinces pour savoir quels
bataillons ont été mis irrégulièrement en activité. Mais je ne vois pas la
nécessité de ces délais, et surtout la nécessité de s’adresser aux provinces.
Le ministre de la guerre est chargé de l’organisation de l’armée ; compulsez
vos archives et vous trouverez dans les bureaux de la guerre quels bataillons
ont été mobilisés. Ce sont vos prédécesseurs qui ont fait la faute ; mais vous
êtes ministres pour réparer les injustices qui ont été commises dans des temps
antérieurs. Il ne faut pas nous renvoyer à vos prédécesseurs, nous ne
connaissons qu’un ministre responsable et c’est le ministre de l’intérieur.
Une
chose qui se renouvelle trop souvent dans cette enceinte est celle-ci : Lorsque
nous nous adressons à un ministre, ce ministre répond que cela regarde son
collègue. En France comme en Angleterre, quand on fait des interpellations à un
ministre quoiqu’il soit absent, les autres répondent. Les ministres se
regardent comme faisant partie d’un être moral qu’on appelle gouvernement, et
ils se croient responsables de toutes les parties de l’administration. Ici, le
ministre de l’intérieur nous dit : Cela regarde le ministre de la guerre. Nous
cherchons le ministre de la guerre pour l’interpeller, mais ce ministre est un
être indéfinissable, qui n’est pas politique et qui ne vient au milieu de nous
que pour demander de l’argent. Ce n’est pas ainsi que le gouvernement doit être
représenté.
Nous demandons que le
gouvernement prenne une décision ; nous n’exigeons pas qu’il la prenne trop
rapidement, mais qu’il en prenne une. Au reste, le ministre ne s’oppose pas à
ce que la pétition lui soit renvoyée.
M. de Theux. - Il y a des actes du pouvoir exécutif relativement
à la mobilisation du premier ban de la garde civique. En voici un du 15 septembre
1831, inséré au Bulletin des Lois :
« Sur la proposition de notre ministre de la guerre, nous avons arrêté et
arrêtons ce qui suit : Le ministre de la guerre est autorisé à mettre
successivement en activité le premier ban de la garde civique dans toutes les
provinces... Le ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent
arrêté. Par le Roi, signé Charles de Brouckere, ministre de la guerre. »
Maintenant il s’agit de savoir
quelle espèce d’exécution cet arrêté a reçue.
M. de Robaulx. - L’arrêté autorise le ministre de la guerre à
mettre en activité les gardes civiques, mais le ministre de la guerre doit, à
son tour, avoir pris un arrêté pour cette mise en activité.
M. de Theux. - L’arrêté dit que le ministre de la guerre mettra
successivement en activité le premier ban.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - La question
est de savoir s’il y a un arrêté spécial pour chaque canton. J’ai fait entendre
que non. On a dit que les arrêtés spéciaux devaient être au ministère de la
guerre. Encore non, messieurs. On les a cherchés inutilement. C’est par des
arrêtés des gouverneurs des provinces que les gardes civiques ont été en
plusieurs lieux mobilisées. C’est par un arrêté semblable que j’ai mis en
activité la garde civique d’Anvers. Ainsi il est nécessaire de recourir aux
archives des gouvernements provinciaux.
M. Fleussu. - Votre commission des pétitions avait conclu à
l’ordre du jour, parce que, dans la loi qui organise la garde civique, le
pouvoir exécutif avait toute la latitude possible pour la mobiliser. D’après
cette latitude, nous pensions qu’on ne pouvait faire de reproches au pouvoir
exécutif d’avoir exécuté la loi d’une manière dans un canton, et d’une manière
différente dans un autre canton.
Mais
la discussion nous a révélé des abus considérables. Nous croyons qu’il ne
pouvait y avoir d’abus que pour la garde civique de Gand ; il paraît que le
manque de formalités nécessaires est général. Plus l’irrégularité est générale
et plus le remède doit être prompt.
Messieurs, il y a bien
d’autres abus au fond de la question. Lorsque nous avons décrété la loi sur
l’armée de réserve nous avons dit qu’on ne lèverait pas des hommes là où la
garde civique est mise en activité. Je demanderai comment on a exécuté la loi à
Gand ! Je demanderais, en outre, comment on peut organiser des hommes
illégalement appelés, comment on peut les payer ? Pour avoir droit à la solde,
il faut une organisation régulière. De grands abus résultent donc de mesures
mal prises ; il faut qu’ils cessent promptement.
Je demande le renvoi au
ministre de l’intérieur.
M. Dubois. - Il n’y a pas de loi plus injuste que la loi sur la
garde civique : vous l’avez révisée trois ou quatre fois sans parvenir à faire
disparaître les inégalités de charges qui résultent de son exécution.
Tout ce qui s’est fait
relativement à la garde civique est irrégulier. Au mois d’août la garde civique
de Gand, de Bruges, de Tournay s’est mise spontanément sous la direction du
ministre de la guerre, et c’est sans doute par suite de cet élan de patriotisme
que le ministre de la guerre à négligé de régulariser sa levée.
Vous avez fait une espèce d’acte de réparation dans la
loi sur l’armée de réserve, en disant que les levées n’auraient pas lieu dans
les cantons où la garde civique a été mobilisée, et je ne crois pas qu’à Gand,
qu’à Bruges l’on ait appelé des hommes pour la réserve.
Je demande la clôture de la
discussion et le renvoi de la pétition aux ministres de la guerre et de
l’intérieur. Je demande la clôture, parce que du fond de cette pétition peuvent
surgir des débats fort graves. Par exemple, du rappel de la garde civique dans
ses foyers résulterait nécessairement le renouvellement de toutes les
opérations sur la réserve, parce que
tous les cantons exemptés seraient obligés d’envoyer des hommes à la réserve.
Je ne citerai pas d’autres
difficultés ; mais elles naissent en foule.
M. F. de Mérode repousse les attaques dirigées contre le ministre de
la guerre. Il expose que le département de la guerre est une spécialité qui
doit être dirigée par un homme ayant des connaissances spéciales. Il demande si
on pourrait, à chaque vicissitude ministérielle, trouver facilement un homme
pour remplacer celui à qui le portefeuille est maintenant confié.
M. de Robaulx. - Vous trouvez que j’attaque le ministre de la
guerre, parce que je le considère comme un ministre indéfinissable ; et vous me
répondez que si ce ministre subissait les vicissitudes qu’éprouvent les autres
ministres, on ne trouverait pas beaucoup d’hommes capables pour le remplacer :
j’en conviens ; mais cela ne m’empêchera pas de demander que celui qui est
ministre de la guerre vienne ici au milieu de nous pour répondre aux
interpellations que nous avons besoin de lui faire, ou que du moins que quelqu’un
réponde pour ce ministre.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau). - Je ne sais où
l’honorable M. de Robaulx a trouvé une distinction à établir entre la position
des ministres qui sont en ce moment à leur banc, et celle du ministre de la
guerre. Vis-à-vis de la chambre, cette position est identique : le ministre de
la guerre répond de tous les actes de son administration. Comme ministre de la
guerre, il se rend dans le sein de la chambre quand on l’y appelle. Le ministre
de la guerre ne peut se soustraire à l’obligation de répondre à toutes les
interpellations qui lui sont adressées à moins que des raisons plausibles ne
s’y opposent.
Si le ministre de la guerre,
sous certains rapports, ne fait pas partie du conseil, c’est une affaire de
gouvernement ; mais il est responsable de ses actes, et il doit, en général, à
la chambre les explications qu’elle réclame.
La
distinction que l’on veut établir ne se conçoit donc pas. S’il peut y avoir,
entre ce ministre et ses collègues, une distinction relativement à la
responsabilité politique, ceci est en usage dans d’autres pays : en Angleterre,
il y a des hommes spéciaux qui font partie du cabinet ; le ministre de la
guerre est dans ce cas, et, si je ne me trompe, le lord de l’amirauté. Ceci est
établi, non dans l’intérêt du pouvoir, mais dans l’intérêt de l’Etat et pour
prévenir l’inconvénient de voir toujours entraîner des spécialités précieuses
dans le cercle des vicissitudes ministérielles ; c’est ce qui a lieu pour notre
ministre actuel de la guerre. Toutefois, il n’entend en aucune façon décliner
sa responsabilité, et nul de nous ne viendra soutenir ici une théorie aussi
étrange.
M. de Robaulx. - Je n’ai pas attaqué le ministre de la guerre parce
qu’il n’est pas ministre politique, j’ai seulement voulu dire, et la séance
d’hier m’a donné cette conviction, qu’il fallait que le gouvernement fût un,
fût unique. J’ai vu hier attaquer le ministre des finances, cet honnête homme,
parce qu’il disait : Je me rangerai à votre opinion si elle est meilleure que
la mienne. Aucun de ses collègues ne l’a défendu ; c’est un membre de
l’opposition qui lui a prêté son appui, et qui a rendu à la discussion le
caractère qu’elle devrait toujours avoir : elle était personnelle et il l’a
fait redevenir générale.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Le ministère
doit savoir gré à M. de Robaulx des leçons de convenance qu’il veut bien lui
donner ; mais il aurait dû remarquer aussi que, depuis le commencement de la
séance, je défends le ministre de la guerre.
M. de Robaulx se lève et se dispose à parler.
De toutes parts. - La clôture ! la clôture !
M. Dumont. - Je demande la parole contre la clôture, On s’est
occupé d’un objet étranger à la pétition ; je désire que la discussion continue
sur la pétition.
M. Dumortier. - A l’occasion de la question primitive, il s’en est
élevé une autre très importante : c’est de savoir jusqu’à quel point les
ministres sont responsables des actes de l’administration ; je n’admets pas un
ministre en dehors du conseil…
Plusieurs membres. - Ce n’est pas là la question ! ce n’est pas là la
question !
- La chambre ferme la
discussion.
La pétition est renvoyée au
ministre de l’intérieur, et copie en sera déposée au bureau des renseignements.
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Leblanc, à Bruxelles, signale
comme une inconstitutionnalité qu’il existe différents employés belges,
Français d’origine, et non naturalisés. »
La commission conclut au
renvoi au ministre de l’intérieur, avec demande d’explications.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Messieurs, si c’est
relativement à un employé de mon ministère que la chambre croit utile de me
demander des explications, je suis à même de les lui donner dès à présent ;
mais j’avoue franchement que je ne sais pas jusqu’à quel point il entre dans
les attributions de la chambre de s’inquiéter de l’origine de mes employés. Le
ministre doit être maître de choisir les personnes qu’il veut employer dans ses
bureaux. Il est certain que, pour ce choix, il consulte l’intérêt du service,
et qu’il n’ira point prendre en Allemagne et en France ce qu’il peut trouver en
Belgique.
Quant à la personne de mon
ministère que l’on a voulu désigner, c’est un homme très utile, estimé à cause
de son travail assidu, et qui n’a pas hésité à offrir au pays le secours de sa
capacité dans un moment où le gouvernement avait encore plus besoin d’hommes de
plume que d’hommes d’épée. Je demande, messieurs, si vous pouvez revenir sur sa
nomination. Vous avez naturalisé tous ceux qui ont servi l’Etat par l’épée ; je
crois aussi que vous avez voulu naturaliser en même temps ceux qui nous ont
rendu des services civils. En France, remarquez-le bien, la chambre ne vient
pas demander à un ministre s’il a un employé belge dans ses bureaux…
Plusieurs voix. - D’ailleurs il ne s’agit pas ici d’un
fonctionnaire.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Je pense
aussi, messieurs, qu’il ne fait considérer les employés que comme ceux des
ministres, et non pas les assimiler aux fonctionnaires du pays, soumis aux
conditions voulues par la constitution. Et dans le cas où l’on voudrait que les
employés fussent soumis à ces conditions, resterait à examiner si ceux qui ont
été nommés avant la constitution n’ont pas acquis le droit de naturalisation.
D’après ces motifs, je désire qu’on ne me demande pas des explications à cet
égard.
M. Gendebien. - Je crois que l’on peut persister dans les
conclusions de la commission. On a cité un employé du département de
l’intérieur, à l’occasion de la pétition. Je ne sais si c’est pour cette seule
raison que l’on a demandé le renvoi au ministre. S’il en était ainsi, il
faudrait passer à l’ordre du jour ; mais je crois que la pétition ne se borne
pas à citer ce fait particulier, et qu’elle se plaint en général que des
fonctionnaires non naturalisés existent en Belgique. C’est dans ce sens,
messieurs, que je propose d’appuyer les conclusions de la
commission. Mais, s’il ne s’agissait que d’un seul employé au ministère de
l’intérieur, je crois que ce dernier aurait raison. Nous n’avons pas à nous
enquérir si ce ministre a des employés étrangers, pas même s’ils sont
Hollandais. C’est à lui qu’appartiennent le choix et la responsabilité. En
interprétant sainement l’article 6 de la constitution, il me semble qu’il ne
s’applique qu’à des fonctionnaires qui par eux-mêmes doivent présenter
certaines garanties. Par exemple, je ne pense pas qu’un juge, un magistrat
quelconque puissent être nommés, non plus qu’un militaire obtenir un grade sans
une loi, parce que, par le fait de leur nomination, ils ont un droit acquis sur
le trésor, tandis qu’un employé peut être renvoyé du jour où il ne convient
pas.
Quant
à celui dont il a été fait mention, il paraît que c’est un homme qui a rendu de
très grands services au pays, qui est entré dans l’administration au moment où
il n’y avait presque personne et où l’on travaillait sur table rase, sans chefs
et sans ordre. Il est encore d’une extrême utilité aujourd’hui. Je sais qu’il a
été en butte à beaucoup de calomnies, et j’ai acquis la preuve qu’il en est de
lui comme des hommes sortant de la révolution, dont on envie la position
quoiqu’ils l’aient bien gagnée au milieu des périls de toute espèce.
Du reste, je prends acte des
paroles de M. le ministre. Il a invoqué les services rendus lors de la
révolution. C’est un retour aux hommes de septembre que l’on a tant calomniés,
et même méprisés, et je l’en félicite.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Je ne crois pas
pouvoir accepter les félicitations de l’honorable M. Gendebien ; car je ne
pense pas avoir jamais repoussé ni méprisé les hommes de la révolution.
M. Gendebien. - Je n’ai voulu désigner aucun ministre
nominativement ; mais j’ai entendu parler du gouvernement, représenté par tous
les ministres qui se sont succédé.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau). - Je n’ai pas
l’intention de m’attacher à l’incident qui vient de s’élever ; mais je dois
appuyer la théorie émise par le préopinant sur l’article 6 de la constitution.
Qu’il me soit permis, messieurs, de faire remarquer que si vous ne passez à
l’ordre du jour dans le cas qui nous occupe, vous reviendrez sur une décision
rendue par vous précédemment. Je crois en effet qu’une pétition analogue à
celle qui vous est soumise en ce moment vous a été présentée il y a environ
trois mois, et que, d’après les explications qui ont été données, sur le sens
de l’article 6 de la constitution, la chambre a passé à l’ordre du jour. On
vous a fait observer alors que cet article ne s’appliquait qu’aux
fonctionnaires, et on a demandé, dans le cas où vous voudriez aller au-dessous
des fonctionnaires, soit civils, soit militaires, quel serait le degré où l’on
s’arrêterait : si l’on descendrait du chef de division aux commis, de ceux-ci
aux expéditionnaires, aux balayeurs et aux boutefeux. La chambre, sur ces
observations, a adopté l’ordre du jour, et je pense qu’elle ne dérogera pas
aujourd’hui à sa première décision.
J’ajouterai
aussi, pour répondre à un honorable membre, que je crois n’avoir pas mérité,
plus que le ministre de l’intérieur, le reproche d’avoir négligé les amis de la
révolution. Je puis, à cet égard, en appeler à tous les chefs de parquet, aux
gouverneurs, aux commissaires de district et à tous les fonctionnaires auxquels
je me suis adressé, soft officiellement, soit officieusement. Ils pourront
attester que depuis mon entrée au ministère, toujours j’ai demandé qu’on me fît
connaître en première ligne s’il ne s’élevait pas le moindre nuage sur le
patriotisme des candidats proposés aux fonctions judiciaires, sur leur
attachement à nos institutions nouvelles ; qu’ ils disent si, dans quelques
éliminations que je crus devoir proposer au Roi, je ne me suis pas fondé sur le
motif que des hommes, investis de la confiance du gouvernement, m’étaient
présentés comme en profitant pour décrier et calomnier la révolution. Cet appel
est trop général pour que j’eusse osé le faire si je ne déclarais pas la
vérité.
M. de Robaulx. - Tout en adoptant l’ordre du jour, je voudrais
qu’il fût bien entendu que l’on ne décide pas la chose en théorie. Je conçois
bien que la chambre ne doit pas être un bureau de dénonciation, et qu’elle ne
doit pas accueillir celle que l’on fait contre un employé zélé et spécialement
capable. Je crois même que si nous avions un plus grand nombre de ces
spécialités, dans le département des finances, par exemple, nous n’aurions pas
une administration aussi défectueuse qu’à présent. Je demande donc qu’en
passant à l’ordre du jour, on considère la pétition comme ayant été faite dans
un intérêt privé ; car on ne pourrait passer à l’ordre du jour sur le fait
général que des emplois publics sont donnés à des étrangers.
M. Gendebien. - Je me rallie à cette observation de M. de Robaulx.
Je n’avais moi-même appuyé les conclusions de la commission que parce que je
croyais que la pétition n’avait pas trait seulement à un fait particulier.
M. Poschet, rapporteur. - La pétition ne parle que très vaguement des
fonctionnaires en général, et elle ne signale qu’un seul employé.
- L’ordre du jour est mis aux
voix et adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Rouvroy, à Namur, demande que la
barrière de Syant soit replacée à l’endroit dit le Triot où elle a toujours
été. »
La commission propose l’ordre
du jour.
M. Gendebien. - Comme nous allons nous occuper de l’examen d’un
projet sur la matière, je demande le renvoi au bureau des renseignements.
M. Desmanet de Biesme. - La loi permet de placer les poteaux à une certaine
distance ; mais je crois qu’ici cette distance a été dépassée. C’est là, je
pense, le motif qui a amené la pétition, et le renvoi au bureau des
renseignements est nécessaire.
- Le dépôt au bureau des
renseignements est adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Hoffbauer réclame l’intervention
de la chambre pour obtenir le transit par Saint-Mange et Monthermé (France), à
la Meuse, pour de là revenir dans l’intérieur du royaume, pour les produits de
son ardoisière. »
Conclusion : Renvoi aux
ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, et à la commission
d’industrie.
M. Poschet, rapporteur, appelle
l’attention de la chambre sur cette pétition et son auteur, qui a fait des
dépenses considérables pour ouvrir une ardoisière, et qui ne peut en profiter
pas ce que le droit de transit par la France est interdit. Il dit que la
commission a pensé que, la Belgique accordant toute facilité à cet égard, il
est juste que la France l’accorde aussi, et que ce serait peut-être le cas ici
d user de représailles.
M. Gendebien. - Je demande qu’aux conclusions de la commission
tendant au renvoi aux ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, on
ajoute : « avec invitation de s’expliquer sur la pétition. » Le sieur
Hoffbauer, messieurs, a découvert une mine d’ardoise très riche et d’une
qualité supérieure. De là les vexations provoquées par les propriétaires
d’ardoisières françaises. Comme l’ardoisière de l’auteur de la pétition se
trouve près de la Meuse, avec la faculté de transit il chargeait sur la Meuse,
allait jusqu’à Givet, et entrait de cette manière en Belgique. Mais par suite
de l’interdiction du transit par la France, il est obligé de faire arriver ses
ardoises par chariots jusqu’à Namur ; de sorte qu’il lui est impossible de
soutenir la concurrence avec les propriétaires français. Le droit de transit en
France existait il n’y a pas longtemps ; il a été aboli, et cependant la
Belgique a toujours laissé aux ardoises françaises la faculté de transir sur
son territoire, et nous sommes par-là obligés d’en passer par ce que veulent
les propriétaires français. C’est pour cela que je demande à MM. les ministres
des explications, et le plus promptement possible ; car la pétition, comme l’a
dit M. le rapporteur, est très intéressante. Son auteur ne vous demande pas de
l’argent, mais seulement il demande pour ses ardoises une protection égale à
celle qu’on accorde aux ardoises françaises.
M. Davignon.
- La pétition soulève une question plus grave qu’elle ne le paraît au premier
abord, Vous savez, messieurs, que notre gouvernement a envoyé en France des
hommes spéciaux pour prendre des renseignements sur ce qui concerne notre
commerce ; or, l’auteur de la pétition sollicite des représailles ; mais, avant
d’user de représailles envers la France, il faut savoir ce qu’elle veut faire à
notre égard. Sous ce rapport, la pétition ne me paraît pas devoir être appuyée.
Cependant je ne m’oppose pas
aux conclusions de la commission pour le reste.
M. Poschet. - Ce n’est pas le pétitionnaire qui demande des
représailles, mais c’est la commission qui a cru que notre gouvernement devait
le faire, surtout dans un cas où nous accordons toute la facilité possible.
M. Dumont. - J’appuie les conclusions de la commission et la
proposition de M. Gendebien, d’autant plus que d’autres ardoisiers encore, du
canton de Louvain, ont réclamé contre l’interdiction du droit de transit en
France, parce qu’il leur était avantageux de passer par la Meuse. Je fais cette
observation pour que le gouvernement belge puisse faire valoir auprès de la
France des considérations d’un intérêt général en Belgique.
M. A. Rodenbach. - M. Davignon vient de nous dire qu’on a envoyé en
France des hommes spéciaux pour arriver à un traité de commerce Je demanderai,
messieurs, si l’on n’a pas oublié de faire représenter les Flandres... (On rit.) Messieurs, les Flandres ont des
griefs à faire valoir. Je crois que l’on n’a pas envoyé des hommes spéciaux qui
connaissent les toiles, les fils et le commerce des Flandres, et cependant cela
en valait bien la peine.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Je ne pense
pas que M. Davignon ait voulu annoncer qu’on avait envoyé en France des hommes
spéciaux pour faire un traité de commerce.
M. Davignon. - Non, non !
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement a envoyé des hommes éclairés,
impartiaux, et incapables de sacrifier les intérêts d’une province à ceux d’une
autre ; non pas pour faire un traité de commerce, mais seulement pour prendre
et fournir des renseignements. Il l’a fait dans l’intérêt général ; mais s’il
avait fallu satisfaire à toutes les exigences, ce ne serait pas deux hommes
spéciaux, mais 30 qu’il aurait dû envoyer. Dans le cas où il serait utile pour
le pays d’augmenter le nombre de ces envoyés, qui, je le répète, n’ont pas le
caractère officiel qu’on a voulu leur donner, le gouvernement pourra le faire
mais il ne s’agit pas ici d’un traité de commerce.
M. de Theux. - On s’est déjà occupé des ardoises ; et ce n’est
pas une matière nouvelle. Elle a été soumise à la commission de commerce et
d’industrie vers la fin de septembre dernier, et je présume que les
observations de cette commission ainsi que celles du gouvernement ont été
communiquées à notre ambassadeur à Paris, qui les prendra sans doute en
considération.
M. Angillis. - Ce que vous a dit notre honorable collègue, M.
A. Rodenbach, mérite une sérieuse
attention. Je demande que le gouvernement porte aussi sa sollicitude sur le
commerce de toiles qui fait vivre deux provinces de 1,400,000 âmes.
M. Gendebien. - Je renonce à la demande d’explications que j’avais
faite, puisqu’on a envoyé des hommes spéciaux en France dans l’intérêt de notre
commerce.
- Les conclusions de la
commission sont mises aux voix et adoptées.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Neard, à Gand, demande une
disposition législative qui lui accorde la réhabilitation de la peine du
carcan, qu’il a encourue le 31 août 1825. »
Conclusions : Renvoi au
ministre de la justice et dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Huit habitants de Bruxelles, porteurs de
rentes domaniales, dites los-renten, réclament le remboursement du capital, ou
le paiement des intérêts à 5 p. c. l’an. »
La commission conclut à
l’ordre du jour.
M. Mary. - Comme la pétition peut contenir des renseignements
propres à éclairer la commission de finances, je demande qu’elle lui renvoyée.
(Appuyé.)
- Le renvoi à la commission de
finances est ordonné.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Onze fruitiers de Bruges demandent qu’il
soit interdit aux paysans de vendre leurs fruits en détail, dans la ville, à
moins qu’ils ne soient munis d’une patente à cet effet. »
Conclusion : ordre du jour.
- Adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Claessens, notaire a Contich,
demande que la chambre adopte une mesure qui fasse cesser le préjudice qui
pourrait résulter du mélange d’idiomes, en enregistrant en français des actes
notariés en flamand. »
La commission propose le dépôt
au bureau des renseignements.
M. Angillis. - Je ne conçois pas le grand préjudice qui puisse
résulter de ce que l’on enregistre en français des actes notariés en flamand.
La formalité de l’enregistrement n’est qu’une mesure purement fiscale qui ne
valide ni n’invalide aucun acte quelconque. Il n’y a donc aucun inconvénient à
ce que l’enregistrement des actes flamands se fasse en français, et je demande
qu’on passe à l’ordre du jour.
- La chambre passe à l’ordre
du jour.
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Ch. Botte, marchand de ferraille,
à Bruxelles, réclame l’indemnité pour dommages essuyés par lui dans la nuit du
25 au 26 août. »
La commission propose l’ordre
du jour.
M. Verdussen. - Je demande le renvoi au ministre de l’intérieur,
non point que je veuille appuyer la pétition, mais pour qu’elle soit comprise
dans le dossier des réclamations d’indemnité pour dommages essuyés par suite
des événements politiques.
M. Gendebien. - J’appuie cette proposition, car le pétitionnaire
avait probablement de vieilles armes qui lui ont été enlevées pour servir à
notre émancipation. Il faut renvoyer la demande au ministre de l’intérieur, sans
rien préjugé.
- Le renvoi au ministre de
l’intérieur est adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Les administrations communes de
Pont-de-Loup, Presles, Aiseau, Châtelet, Châtelineau et Bouffioul, demandent
que pour cette année les jeunes gens passibles du service du premier ban de la
garde civique en soient exemptés ou remplacés par les jeunes gens des autres
cantons du même arrondissement. »
La commission avait conclu à
l’ordre du jour ; mais vous adopterez probablement le renvoi au ministre de
l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements, comme pour la première
pétition ayant trait au même objet.
- Le renvoi au ministre de
l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements sont mis aux voix et
ordonnés.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Wenmackers, batelier à Stockhem,
sur la Meuse, demande qu’il lui soit restitué le quart de la patente qu’il a
payée en 1830, n’ayant pu exercer son commerce pendant les 4 derniers mois de
cette année. »
Conclusions : ordre du jour.
- Adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « La dame Paulsen, à Tongres, épouse de Ant.
Jacobs, gendarme belge fait prisonnier à Maseyck, le 24 novembre 1830, par le
corps de Saxe-Weimar, demande que l’on assure la mise en liberté de son mari,
et qu’on lui accorde un secours. »
La pétitionnaire se plaint de
ce que déjà il s’est fait un grand nombre d’échanges de prisonniers, et que son
mari n’y a pas été compris. La commission vous propose le renvoi aux ministres
des affaires étrangères et de la guerre.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. Goblet).
- Je n’ai aucun motif pour m’opposer à ce que la pétition me soit renvoyée ;
mais je dois prévenir la chambre que je n’ai pas attendu cette circonstance
pour faire des démarches à l’effet d’obtenir la mise en liberté du mari de la
pétitionnaire et j’ai le plus grand espoir d’y parvenir bientôt.
M. de Brouckere. - Je voulais demander des explications aux ministres
en leur renvoyant la pétition, mais ce qu’on vient de nous dire m’en dispense.
Je me bornerai à appuyer la partie de cette pétition qui tend à obtenir un
subside. Il me semble que la position de la dame Paulsen mérite quelques
égards. Son mari a été une véritable victime de la révolution,, et il est
inconcevable que depuis 3 ans il languisse encore dans les prisons de la
Hollande. J’espère que le gouvernement prendra cette pétition en sérieuse
considération.
M. Gendebien. - J’appuie les conclusions de la commission, et je
demande qu’on fasse les démarches les plus promptes pour rendre la liberté au
gendarme dont il s’agit. J’appuierai aussi la proposition qu’a faite M. de
Brouckere de donner un subside à sa malheureuse femme. Mais je ne puis me
dispenser d’exprimer mon étonnement de ce qu’on se soit empressé de rendre une
masse de prisonniers hollandais sans stipuler en même temps la mise en liberté
des Belges. Si le gouvernement avait réfléchi alors, il aurait échangé cette
masse de prisonniers hollandais contre les Belges qui se trouvent en Hollande.
Il y a beaucoup de militaires belges en Hollande et à Maestricht qui
n’attendent que le moment favorable pour revenir.
Ensuite, on n’a pas pensé aux
Belges qui se trouvent aux Grandes-Indes. Les journaux nous ont fait savoir
qu’on les plaçait dans les postes les plus périlleux pour les décimer.
Je demande que le gouvernement
fasse justice, non seulement à l’égard du gendarme dont il s’agit, mais pour
tous les prisonniers belges, en y comprenant nos soldats, dans les
Grandes-lndes.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Je désire dire
quelques mots sur le second point de la pétition. Il paraît que la dame Paulsen
a déjà eu un secours sur le fonds résultant de dons patriotiques. Si l’on veut
lui accorder un nouveau subside, le gouvernement pourra faire les démarches
nécessaires.
M. A. Rodenbach. - Je voulais dire la même chose. Il existe à la
commission des récompenses un fonds de 30,000 florins, et cette malheureuse
femme a droit d’y être comprise.
M. Levae. - Je ferai observer que la pétitionnaire a participé
à ce fonds dans la même proportion que les autres.
M. de Brouckere. - Lorsqu’on a donné un petit subside à la dame
Paulsen, on ne pouvait pas prévoir que la détention de son mari durerait
pendant trois ans et demi. Ce n’est pas revenir trop souvent à la charge que de
demander un nouveau subside. Jusqu’à ce que son mari lui soit rendu, je demande
qu’on lui donne un nouveau secours.
- Les conclusions de la
commission sont mises aux voix et adoptées.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur A. J. Botte, capitaine
adjudant-major de la légion de la garde civique mobilisée d’Anvers, réclame
l’abolition d’un jugement rendu contre lui le 4 juillet 1816, par le conseil de
guerre siégeant à Maestricht. »
La commission propose le
renvoi au ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.
- Ces conclusions appuyées par
M. Gendebien
sont mises aux voix et adoptées.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur J. Debusscher, à Furnes, adresse
des observations sur le projet de loi relatif aux sels. »
Conclusions : renvoi au
ministre des finances et à la commission d’industrie.
-Adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Les bourgmestres de diverses communes du
canton d’Ath adressent leurs plaintes sur l’injuste répartition qui a lieu pour
le service dans le premier ban de la garde civique mobilisée. »
Cette pétition est encore dans
le sens de celles que vous avez renvoyées au ministre de l’intérieur et au
bureau des renseignements. La commission avait proposé l’ordre du jour.
Le renvoi au ministre de
l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements sont ordonnés.
M. Poschet, rapporteur. - « Le consistoire de l’église protestante
d’Anvers demande que la chambre avise aux moyens de faire cesser l’état
déplorable dans lequel se trouve cette communauté protestante. »
Les pétitionnaires disent
qu’ils ont réclamé l’année dernière, à différentes fois, au ministre de
l’intérieur la somme qui a été allouée pour leur église, et ils se plaignent de
n’en avoir obtenu qu’une partie. La commission propose le renvoi au ministre de
l’intérieur.
M. Osy. -
Messieurs, l’année dernière, en votant le budget de l’intérieur, nous avons
accordé pour le culte protestant la même somme que sous le gouvernement
hollandais. Le consistoire d’Anvers avait autrefois trois pasteurs, l’un
anglais, l’autre français et le troisième hollandais. Avant la révolution il
comptait 1,600 fidèles protestants. On a alloué dans le budget de l’année
dernière pour cet objet une somme de 6,600 florins ; et cependant, par arrêté
royal du 12 juillet 1831, M. le ministre de l’intérieur a réduit cette
allocation à 4,000 francs. Or, il est impossible au consistoire et à l’église
d’Anvers de faire face à ses besoins avec ce moyen. Ils ont déjà réclamé
plusieurs fois, mais en vain ; et ils m’ont chargé de soutenir leurs droits Il
faut de l’impartialité, messieurs, et puisqu’on n’a alloué la même somme que
sous le gouvernement précédent, il est étonnant qu’on ne veuille en donner que
le quart.
M. Van Hoobrouck. - Lorsque nous avons examiné le budget, nous avons
vu que le directeur du consistoire d’Anvers se refusait à tout renseignement
sur son église. Cependant, s’il y a, en effet, 1,600 individus qui
appartiennent à son église, il me semble que la somme portée au budget n’est
pas suffisante.
M. Dumortier. - Comme la section centrale va s’occuper du budget,
je demande qu’on lui renvoie la pétition, ainsi qu’à M. le ministre de
l’intérieur.
Plusieurs voix. - Il ne s’agit pas de cela. La lecture de la
pétition !
M. Gendebien. - Je prie M. le rapporteur de nous lire cette
pétition.
M. Poschet. - C’est une pièce très longue.
Les mêmes voix. - N’importe la lecture !
M. Poschet. - Messieurs, il y aura sans doute quelque collègue
assez complaisant pour vous lire cette pétition. Depuis quinze jours, le
rapport que je devais vous faire a été ajourné, et il n’a été admis aujourd’hui
que comme un pis-aller. Je ne puis rester plus longtemps, car je dois partir
immédiatement pour Anvers. (Ici l’honorable membre quitte la tribune, laissant
la pétition, et sort précipitamment de la salle.)
Cet incident excite un moment
l’hilarité de la chambre. Ensuite M. Seron monte à la tribune et donne lecture
de cette pétition, conçue en ces termes : (Note
du webmaster : après quelques renvois aux courriers échangés avec le ministre
de l’intérieur, la pétition poursuit comme suit :) « La représentation
nationale verra :
« 1° Que la communauté protestante
d’Anvers est privée des trois pasteurs qu’elle avait alors, comme de tout culte
public et secours religieux, depuis le mois d’octobre 1830, par le manque de
traitements nécessaires qui, nonobstant l’article 117 de la charte, et malgré
l’assertion de M. le ministre de l’intérieur, en séance du sénat le 5 mai 1832,
où il a dit que, « s’il y avait disproportion entre les traitements des
deux cultes, cela provenait d’une différence de position ; que dès lors une
réduction sur l’article, si on voulait assurer aux membres du culte réforme une
existence honorable, devenait impossible, et que du reste il n’y avait aucune
augmentation dans le chiffre, mais qu’on ne ferait que continuer les indemnités
allouées par le gouvernement précédent pour les ministres, etc., etc., attachés
au service du culte, » ont été jusqu’ici réclamés sans succès auprès de
l’autorité supérieure.
« 2° Que, au lieu de
6,600 florins (soit 13,968 francs) pour traitements et subsides alloués au
culte protestant d’Anvers le gouvernement précédent, que, d’après le dire de M.
le ministre, la chambre a dû comprendre se continuer à être accordés, ce n’est
que 3,000 fr. pour traitement, et 1,000 fr. pour subside, que par arrêté royal
on a cru suffisant d’accorder à l’église protestante d’Anvers.
« 3° Que, attendu que la
communauté protestante d’Anvers se compose de trois dialectes divers, qui
doivent avoir un service divin distinct et séparé, il est évident qu’un seul
pasteur ne peut pas y suffire ; que s’il y a possibilité d’en trouver qui officient,
tant bien que mal, en deux langues, toutefois la modicité du traitement de
3,000 francs alloués est un obstacle que ledit consistoire, après de nombreuses
recherches et démarches infructueuses, désespère de pouvoir surmonter.
« 4° Que le nombre des
protestants résidant à Anvers en 1830 s’élevait de 15 à 1600 individus, non
compris les militaires et les marins ; mais que si, par suite des événements,
ce nombre a subi une diminution portant seulement sur un des trois de nos dialectes,
outre qu’au rétablissement de la paix et au retour du commerce ce nombre se
retrouvera bientôt, il ne reste pas moins avéré que cette diminution, dans une
des trois fractions de notre communauté, ne l’anéantit pas, et qu’il en reste
toujours ici une bonne partie à satisfaire. Le susdit consistoire est donc dans
la nécessité de pourvoir aux besoins spirituels des membres de son église
parlant l’allemand, le français et le flamand ou hollandais. Mais comme il se
trouve dans l’impuissance d’y parvenir avec ce qu’on se propose de lui allouer,
il vient avec confiance, messieurs, appeler votre attention, conservatrice des
droits de tous dans les bornes de la charité sollicitant en même temps votre
appui, afin, par tel moyen que vous jugerez convenable, de faire cesser le
scandale que nous offrons, bien malgré nous, d’être complétement privés de tout
culte public depuis plus de deux ans, au grand détriment, non seulement des
membres de notre communauté, mais aussi à celui des étrangers qui nous visitent
: par exemple nous pourrons citer que, pendant 1e cours de l’année 1832, des
milliers de marins protestants ont paru dans notre port ; de plus, une infinité
de jeunes gens affluent ici en temps ordinaire pour leur éducation commerciale,
et cependant nous n’avons pu leur fournir aucun secours de la religion, lorsque
le cas l’a exigé.
« Dans
l’attente de voir bientôt un terme à notre longue privation, nous vous prions,
messieurs, d’agréer l’assurance de notre profond respect.
« Le susdit
consistoire. »
Après cette lecture, la parole
est accordée à M de Theux.
M. de Theux. - Messieurs, il existait, en effet, sous le
gouvernement précédent, environ 1,600 protestants à Anvers. Il existait
également trois ministres, un anglais, un français et un hollandais. Lors des
événements de la révolution, un très grand nombre de protestants quitta la
ville d’Anvers, à tel point que, d’après les documents qui me sont parvenus, il
n’en restait plus que 443. La plupart de ces protestants parlent l’allemand et
le hollandais : il n’y en a que 24 seulement qui parlent exclusivement le
français. Dans cette position, je demande s’il fallait avoir un ministre
protestant français pour ces 24 individus. Le consistoire avoue lui-même qu’un
pasteur peut faire le service en deux langues : si donc un ministre faisait le
service en allemand et en hollandais, ce serait suffisant.
Quant au traitement du
ministre, je l’ai fixé à 3,000 fr. ; en outre, il a droit à une habitation et à
des frais de premier établissement, puis à une pension pour chaque enfant, s’il
en a. Lors donc que j’ai eu l’honneur de proposer au Roi de fixer son
traitement à 3,000 fr., et d’accorder en outre 1,000 fr. pour les frais du
culte, je crois avoir fait un acte tout à fait équitable.
Si,
lors de la discussion du budget au sénat, j’ai insisté pour obtenir la même
somme que celle allouée sous le gouvernement précédent, c’était pour faire face
à tous les besoins qui pourraient se présenter, mais il n’est entré ni dans la
pensée du gouvernement ni dans l’intention de la législature d’en faire un
moyen de prodigalité.
L’arrêté par lequel j’ai fixé
le traitement du ministre est du mois de juillet. A cette époque, la somme
était suffisante. Maintenant, c’est à mon successeur à voir s’il y a de nouvelles
circonstances qui puissent motiver une augmentation.
M. A. Rodenbach. - Dans notre pacte fondamental, nous avons proclamé,
le grand principe de la liberté religieuse. Mais, en proclamant ce principe
large, nous avons aussi voulu établir une proportion entre les divers cultes.
M. de Theux vient de nous dire qu’il n’y avait plus que 443 protestants à
Anvers ; or, si l’on accorde pour cette église 4,000 francs, cela fait 10
francs par tête de fidèle ; si on lui donnait les 13,968 francs qu’elle
demande, cela ferait 33 francs par tête. Or, si l’on admettait ce taux pour le
culte catholique, voyez à quelle somme énorme cela monterait. Par ces motifs,
je m’oppose au renvoi demandé.
M. Osy. - Le nombre des protestants d’Anvers est
effectivement diminué ; mais il ne faut pas seulement compter les habitants
d’Anvers, il faut aussi compter les marins qui viennent dans ce port. Il faut
donc au moins deux pasteurs, et il est nécessaire d’accorder les fonds nécessaires
pour cela ; d’autant plus que l’an passé on a voté la même somme que sous
l’ancien gouvernement pour le culte protestant, et qu’on a même augmenté
l’allocation du culte juif.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Messieurs, les
faits consignés dans les nombreuses réclamations du consistoire d’Anvers sont
parfaitement exacts. Il existait trois pasteurs sous l’ancien gouvernement mais
il existait alors 1,600 protestants à Anvers, et maintenant il n’y en a plus
que 443. Pour cette population il a été accordé un subside de 4,000 francs, ce
qui fait près de 10 francs par tête. A la vérité, dans un port comme celui
d’Anvers, on peut compter sur une population voyageuse, sur un certain nombre
de marins, en supposant que les marins fréquentent beaucoup les églises... (On rit.) Eh bien, doublons la
population, et portons-la à mille, il restera encore 5 francs par tête de
fidèle.
La constitution, messieurs, a
proclamé la protection pour tous les cultes ; mais elle n’a pas voulu
l’inégalité. Le consistoire d’Anvers se plaint de ce qu’il n’y a pas assez de
pasteurs pour adresser la parole à tous les fidèles dans leur idiome ; mais
qu’arriverait-il si l’on voulait adopter à cet égard un principe général ? Pour
le culte catholique, il faudrait deux pasteurs par commune, l’un parlant
français et l’autre parlant flamand.
D’ailleurs, il est reconnu que
le nombre des protestants français qui se trouvent à Anvers, et qui n’entendent
pas le flamand, est tellement restreint qu’il ne pourrait occuper à lui seul
les loisirs d’un pasteur français.
La chambre décidera dans sa
justice ce qui doit revenir au consistoire d’Anvers ; mais dans l’état actuel
des choses, il est bon qu’on le rappelle, le culte protestant en Belgique se
trouve protégé d’une manière toute spéciale.
M. de Robiano. - Messieurs, je désire faire une observation toute
particulière. Il me semble que la nation, en payant tous les cultes, a entendu
seulement que ce fût par rapport aux habitants de la Belgique. On dit qu’il
arrivera à Anvers beaucoup de matelots. Mais s’il arrivait des Javanais, des
Musulmans, et des sujets des autres contrées, devrions-nous donc payer des
pasteurs qui parlassent toutes les langues ? Cela est impossible.
M. Osy. - Messieurs, je répète que l’année dernière vous
avez voulu payer le culte protestant sur le pied de l’ancien gouvernement. Eh
bien le consistoire d’Anvers ne demande pas trois pasteurs, mais les moyens
d’en avoir deux. Peu importe le nombre des fidèles qui le trouvent dans une
église : un pasteur ferait le service aussi bien pour 1,000 que pour 400. Ce
n’est donc pas ainsi qu’il faut calculer. Si l’on veut qu’il y ait une église
protestante, il faut la salarier convenablement.
M. de Theux. - Je ne m’oppose pas au renvoi pour que M. le
ministre de l’intérieur s’informe si de nouvelles circonstances motivent une
augmentation, mais je crois devoir ajouter à ce que j’ai déjà dit, que le
gouvernement des Pays-Bas n’a jamais payé l’église protestante pour les
voyageurs qui pourraient survenir.
- La chambre, consultée,
renvoie la pétition au ministre de l’intérieur et à la section centrale.
La séance est levée à 5
heures.