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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 février 1833

(Moniteur belge n°42, du 11 février 1833 et Moniteur belge n°43, du 12 février 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

(Moniteur belge n°42, du 11 février 1833)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Jacques fait l’appel nominal à une heure et demie.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.


Un message du sénat annonce que MM. les sénateurs ont adopté dans la séance d’hier la loi relative aux demandes en maintenance de concession de mines, et la loi portant allocation de crédits provisoires pour les trois premiers mois de l’exercice de 1833.


M. le ministre de la guerre (M. Evain) écrit à la chambre pour lui donner des renseignements sur les réclamations des habitants de plusieurs communes, qui se plaignent d’être surchargées de logements militaires. Le ministre fait observer que l’indispensable nécessité le force à cantonner les troupes dans certaines contrées. Il regrette que les habitants des communes se soient adressés à la chambre ; il pense qu’ils auraient dû s’adresser aux généraux commandant les divisions.


- M. Corbisier, que ses affaire appellent à Paris, demande un congé.

Le congé est accordé.

Proposition de loi divisant le territoire belge en autant de provinces que d'arrondissements judiciaires

Lecture

M. le président. - La parole est à M. Jacques pour donner lecture de la proposition qu’il a déposée sur le bureau dans une des séances précédentes.

M. Jacques. - J’ai l’honneur de faire la proposition suivante :

« Léopold Ier, Roi des Belges, etc.

« Vu les articles 1 et 2 de la constitution ;

« Voulant rendre l’administration plus rapide, plus simple et moins coûteuse ;

« Nous avons de commun accord, etc.

« Art. 1er. Le territoire de la Belgique est divisé en autant de provinces qu’il y a d’arrondissements judiciaires, avec les mêmes chefs-lieux, cantons et communes.

« Art. 2. Le gouvernement est représenté dans chaque province par un commissaire du roi, par un procureur du roi, par un commandant militaire et par un intendant des finances.

« Art. 3. Ces fonctionnaires sont nommés par le roi.

« Il ne peuvent pas être en même temps membres des chambres législatives.

« Ils jouissent d’un traitement annuel de 10,000 francs à Anvers, Bruxelles, Gand et Liége ; de 8,000 francs à Bruges, Louvain, Malines, Mons, Namur et Tournay ; de 6,000 francs à Arlon, Courtray, Tongres, Verviers et Ypres, et de 4,000 francs partout ailleurs.

« Ils se réunissent en conseil deux fois par semaine, et plus souvent si les affaires l’exigent, pour se concerter sur l’exécution des lois et règlements, et sur tout ce qui concerne l’administration publique.

« Art. 4. Le commissaire du roi est chargé, sous les ordres du ministre de l’intérieur, de tout ce qui ressortit à ce ministère ; il a la direction et la surveillance de tous les fonctionnaires, agents et employés qui en dépendent.

« Le procureur du roi a pareilles attributions pour le département de la justice : le commandant militaire, pour le département de la guerre et l’intendant des finances, pour le département des finances.

« Art. 5. Il y a dans chaque province, sous la présidence du commissaire du roi, un conseil provincial de 15 à 25 membres, et une députation permanente de trois membres. Une loi spéciale détermine leurs attributions et le mode d’élection.

« Art. 6. Les commissaires du roi, les commandants militaires et les intendants des finances, seront nommés avant le 1er septembre 1833. Le gouvernement déterminera, avant le 1er novembre suivant, sur leurs propositions et sur les avis des conseils institués par l’article 2, les attributions, titres, rangs, traitements, nombre et résidences des fonctionnaires, agents et employés à conserver, après l’année courante pour les divers services publics, qui ne sont pas organisés par la loi.

« Art. 7. Les dispositions à prendre en vertu de l’article 6 devront opérer au moins la réduction d’un dixième sur l’ensemble des allocations portées au budget de 1832, pour le personnel des divers services à réorganiser.

Néanmoins, les fonctionnaires, agents et employés actuels, qui jouissent d’un traitement sur le trésor, continueront d’en toucher la moitié s’il sont mis en disponibilité, et les 4/5 s’ils sont placés dans un poste dont le traitement ne s’élève pas à ce taux.

« Par compensation, personne n’obtiendra de traitement ni d’augmentation de traitement, à quelque poste qu’il soit appelé, jusqu’à ce que l’ensemble des traitements effectifs, des traitements de disponibilité et des traitements aux quatre cinquièmes se trouve réduit par décès, démissions etc., aux 9/10 des allocations de 1832.

« Art. 8. Les articles 1, 2, 4 et 5 ne seront obligatoires que le 1er janvier 1834.

« Mandons et ordonnons, etc. »

Cette proposition sera développée lundi 18 février.

Projet de loi autorisant le gouvernement à émettre des bons du trésor

Mise à l'ordre du jour

M. le président. - Une commission spéciale a été nommée pour examiner la loi sur les bons du trésor ; par des circonstances particulières, cette commission n’a pu se réunir aujourd’hui ; elle se propose de se réunir demain à midi.

M. Dumont. - Il sera alors difficile que le rapport de la commission soit imprimé et distribué pour lundi.

M. A. Rodenbach. - On peut imprimer le rapport demain soir, et ouvrir la discussion lundi. La commission pourrait se réunir ce soir.

M. Gendebien. - Il faut au moins que le rapport soit connu et que les membres puissent le méditer, Je demande que l’on remette la discussion à lundi, si le rapport est imprimé demain, et à mardi s’il n’est distribué que lundi.

- La chambre consultée renvoie la discussion des bons du trésor à mardi.

Rapports sur des pétitions

L’ordre du jour est un rapport de la commission des pétitions.

M. Poschet, rapporteur, est appelé a la tribune, et entretient la chambre des pétitions suivantes. - « Le sieur Engelborg, soldat au 2ème régiment de chasseurs à pied, étant devenu infirme, demande une pension. »

L’exposant ne disant pas qu’il s’est adressé au ministre de la guerre, la commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Losson de Lange, à Bruges, réclame le paiement d’une créance, à charge du gouvernement, qui lui a été cédée pour entreprise au pont de Scheepdael, près Bruges. »

Cette créance lui a été cédée par un entrepreneur depuis 1814 ; depuis cette époque il n’a pu la faire reconnaître à cause de l’ancienneté. La commission propose l’ordre du jour,

M. Gendebien. - L’ancienneté n’est pas un motif d’exclusion.

M. Poschet, rapporteur. - Le pétitionnaire ne produit aucune pièce à l’appui de sa demande.

M. Gendebien. - Qu’il s’adresse aux tribunaux.

- L’ordre du jour est adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Un grand nombre de négociants et tanneurs de Stavelot réclament l’imposition d’un droit de 3 florins par 100 kilog. à l’entrée sur les bourres étrangères.

« Il ne peuvent plus soutenir la concurrence avec des tanneries étrangères. »

- Renvoyé à la commission de l’industrie.


M. Poschet, rapporteur. - « Onze habitants de Plancenois se plaignent de ce qu’on ait supprimé un sentier qui conduisant à une fontaine, laquelle sert au besoin des habitants. »

Cette réclamation étant du ressort des tribunaux, la commission propose l’ordre du jour. »

- Adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « L’administration commune d’Ophasselt demande la concession gratuite d’une parcelle de route supprimée, qu’elle ferait percer pour la joindre à la chaussée qui traverser la commune. »

- Renvoyé au ministre de l’intérieur.


M. Poschet, rapporteur. - « Plusieurs cultivateurs réclament la libre circulation des tourteaux. »

- Renvoyé aux ministres de l’intérieur et des finances.

M. Gendebien. - Pouvez-vous donner lecture de la pétition ?

M. Poschet. - Non, monsieur ; elle est en flamand. (On rit.)


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Lejeune, à Gand, lieutenant du premier ban de la garde civique en congé illimité, demande que la chambre statue sur les inculpations dont il a été l’objet. »

Le ministre de la guerre, auquel le pétitionnaire s’est d’abord adressé, a répondu que la mesure prise contre lui avait été motivée par les renseignements obtenus sur sa conduite. La commission croit que la chambre ne peut s’immiscer dans cette affaire ; elle propose l’ordre du jour.

- L’ordre du jour est adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Les sieurs de Lesmont et Vandael, à Bruxelles, chevaliers de la Légion d’honneur, demandent une avance sur les arriérés de leur pension, en attendant qu’une loi ait statué sur le sort des légionnaires. »

Une loi relative aux pensions des légionnaires ayant été présentée, la réclamation devient sans objet, et la commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Les administrations communales de Farciennes, Jumet, Gilly, Dampremy, Lambersart, Roux, etc., du canton de Charleroy, demandent que les jeunes gens de leur canton, passibles du service dans le premier ban, en soient dispensés pour cette année, sauf à les faire remplacer par les gardes civiques des autres cantons du même arrondissement. »

La loi du 4 avril 1831 permet au gouvernement de mobiliser le premier ban de la garde civique ; et il a été obligé de prendre les compagnies telles qu’elles ont été formées, d’après la loi du 18 janvier 1831 ; ainsi le gouvernement a agi conformément aux lois. La commission croit devoir proposer l’ordre du jour.

M. de Brouckere. - Je demande que cette pétition et d’autres du même genre soient déposées au bureau des renseignements. Je sais bien que le gouvernement n’a pas pu faire autrement qu’il n’a fait, et qu’il est obligé de faite venir sous les armes les jeunes gens des cantons dans lesquels la garde civique a été mobilisée ; mais, par suite des mesures prises, il est des communes où les gardes civiques n’ont pas été mobilisées et où les jeunes gens y restent sédentaires, tandis qu’à côté les communes sont dépeuplées. Cette inégalité de charges mérite considération.

M. Gendebien. - Je demande eu même temps que la pétition soit renvoyée au ministre de l’intérieur, afin d’aviser aux moyens de ne pas surcharger certaines communes ; on aurait dû faire partir les gardes civiques en les faisant tirer au sort par compagnies, comme je l’avais proposé au congrès.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je suis le premier à reconnaître l’inégalité des charges qui pèsent sur plusieurs communes. Vous avez fait en partie réparation de cette injustice par la loi concernant l’armée de réserve, puisqu’on ne doit lever les milices que là où le premier ban de la garde civique n’a pas été mobilisé. On ne peut pas faire actuellement ce que les communes réclament ; mais le gouvernement pourra vous demander le moyen d’exempter de la milice les communes qui ont fourni le contingent de la garde civique.

Je dois faire observer que la mobilisation par communes ne ferait pas disparaître les inégalités entre elles ; les levées par cantons les diminueront.

M. Coppens. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur si la garde civique de Gand est en activité de service, ou ne l’est pas.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire à l’orateur dans des entretiens particuliers, le gouvernement s’occupe de régulariser la mise en activité des hommes du premier ban de la garde civique. Le gouvernement veut prendre une mesure uniforme pour les gardes civiques de toutes les contrées.

M. de Robaulx. - Sous le rapport général de communes à communes, je conçois que l’injustice peut être rendue moins sensible ; mais relativement aux individus, l’injustice n’est pas réparée. Je ne crois pas que le ministre de l’intérieur repousse le renvoi de la pétition. Je demande le dépôt au bureau des renseignements, et le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Gendebien. - Il y aura toujours une légère inégalité en faisant partir les gardes civiques par communes, et en les faisant tirer au sort ; mais aujourd’hui l’injustice est intolérable : il y a des cantons où tous les jeunes gens sont partis, et d’autres cantons où ils sont tous restés. Il y a des cantons dépeuplés.

Le ministre n’a pas répondu à M. Coppens. Le gouvernement doit s’expliquer franchement, nettement à cet égard. Le premier ban de la garde civique est mobilisé, et cependant il n’existe pas d’acte qui le mette en activité. Les jeunes gens sont partis, on les retient au service, ils sont soumis aux conseils de guerre. Il faut régulariser leur mise en activité.

Il y a plusieurs citoyens qui ont été traînés dans les prisons, parce qu’ils soutenaient n’avoir pas été régulièrement mis en activité. C’est pour le gouvernement un devoir, et un devoir auquel il ne peut se soustraire, à faire des actes légaux. Si la garde civique de Gand tout entière refusait le service, que dirait le ministre ? C’est le ministère qui serait dans son tort.

Toutes les fois que les lois n’appellent pas les citoyens, ils peuvent refuser le service par tous les moyens qui sont en leurs mains.

(Moniteur belge n°43, du 12 février 1833) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je croyais qu’il ne convenait pas de donner à la chambre même les explications que l’on provoque. Je suis étranger à la manière dont la garde civique a été mise en activité ; en second lieu, ce n’est pas au ministre de l’intérieur à mettre en activité les gardes civiques, c’est au ministre de la guerre ; il y aurait eu faute de la part du gouvernement qu’elle ne saurait nous être imputée.

Par une loi vous avez autorisé le gouvernement à mettre en activité tout ou partie de la garde civique. Il paraît qu’au mois d’août 1831 quelques bans de la garde civique ont été mis en activité sans décision, sans arrêté du ministère de la guerre. Il n’y a que la garde civique de Gand qui ait fait des réclamations à cet égard.

Le ministre de la guerre actuel a pris des renseignements pour savoir dans quels cantons la garde civique n’avait pas été convoquée régulièrement. En tous cas, le pouvoir exécutif avait le droit de mettre en activité la garde civique, et ce sont sans doute les circonstances qui furent cause de quelque défaut de forme. Ce défaut de forme ne peut autoriser les gardes civiques à refuser le service.

Au reste, les gardes civiques sont animées de sentiments trop patriotiques, sont trop pénétrées de leurs devoirs, sont trop dévouées au pays pour se dissoudre elles-mêmes parce qu’il existerait un défaut de forme dans leur convocation.

Je demanderai, messieurs, que la discussion ne se prolonge pas sur cette matière délicate ; je croyais en avoir dit assez à M. Coppens pour le déterminer à ne pas faire retentir cette enceinte de discussions dont la portée peut être dangereuse.

M. Brabant. - Je veux relever une erreur de droit qui vient d’échapper à M. le ministre de l’intérieur. Il croit que le gouvernement a encore le droit de mobiliser les gardes civiques ; ce droit est révoqué par la loi sur la milice. Le gouvernement ne peut plus mobiliser le premier ban de la garde civique, il peut seulement retenir sous les armes celles qui ont été mobilisées.

M. Coppens. - Sans doute les milices sont animées du meilleur esprit pour la défense de la patrie. Mais pourquoi dans leur mobilisation ne s’est-on pas conformé à la loi ? On a envoyé un individu dans les provinces, et son caprice a tout décidé.

Il est des malheureux qu’on retient en prison, qu’on traîne devant les conseils de guerre, parce qu’ils ne veulent plus servir.

Les conseils de guerre se déclarent incompétents. Pourquoi le ministre ne prend-il pas des mesures pour faire cesser cet état de choses ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Cela regarde le ministre de la guerre.

M. Coppens. - Si les gardes civiques sont convoquées, irrégulièrement, cela ne regarde plus le ministre de la guerre.

M. Gendebien. - Les gardes civiques sont sous la main du ministre de l’intérieur jusqu’au moment où on les livre au ministre de la guerre ; c’est le ministre de l’intérieur qui a pris tous les arrêtés.

Le ministre répond que la faute doit être imputée à son prédécesseur ; mais la question n’est pas là ; il ne s’agit pas de savoir quel ministre a agi illégalement ; il suffit que l’abus ait été dénoncé au ministre actuel pour qu’il soit redressé. Un arrêté pour la mobilisation des gardes civiques a-t-il été pris, oui ou non ? S’il n’a pas été pris, il fallait faire rendre la liberté aux citoyens qu’on retenait dans les prisons. Si la liberté est chère à tous les citoyens, en Belgique celle dont nous faisons le plus grand cas, c’est la liberté individuelle. Il faut que justice se fasse et promptement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il me semble avoir donné à entendre que s’il ne s’agissait que de régulariser la mobilisation des gardes civiques pour un seul canton, la mesure serait bientôt prise ; mais j’ai annoncé que plusieurs cantons étaient dans le même cas. J’ai fait observer que la mise en activité des gardes civiques remontait à une époque on il n’y avait d’ordre nulle part. Le gouvernement se trouve dans une position délicate vis-à-vis de la garde civique.

Avant qu’il puisse prendre une mesure générale, mesure qui peut avoir de graves conséquences, il faut qu’il recueille des renseignements, qu’il médite sur le parti à prendre.

Le gouvernement ne veut pas recourir à de faux fuyants ; il sent que l’état actuel ne peut durer. Le ministre de l’intérieur s’en est entendu avec le ministre de la guerre, et l’on régularisera la mise en activité de la garde civique.

D’après l’opinion de M. Gendebien, il faudrait, non seulement rendre la liberté à ceux qui sont en prison, mais licencier encore ceux qui sont sous le drapeau ; voilà du moins les conséquences de l’opinion qu’il a émise ; je laisse à juger où elle pourrait conduire. Plaise à Dieu que cette opinion ne trouve pas d’écho dans l’armée !

M. Dumortier. - Ce qu’une nation a le plus à redouter, c’est l’arbitraire ; or, il y a arbitraire quand on retient sous les armes des hommes qui ne sont pas régulièrement appelés. Le devoir du gouvernement est de régulariser, le plus tôt possible, ce qui s’est fait pour la garde civique.

Il faut convenir qu’au mois d’août, on n’a pas pu prendre les mesures les plus régulières, à cause de la nécessité des circonstances ; mais les circonstances sont changées, et le gouvernement peut maintenant prendre les mesures convenables.

L’abus qu’on signale n’est pas le seul qu’il faille redresser, Il existe, dans les régiments des gardes civiques, un grand nombre de citoyens qui sont partis par pur civisme ; ces hommes n’ont contracté aucune espèce d’engagement ; ils sont disposés à rester sous le drapeau si l’on veut avoir de l’énergie, si l’on veut venger l’honneur national ; mais comme le gouvernement ne veut avoir de soldats que pour présenter les armes aux troupes étrangères, ces braves veulent retourner chez eux. J’en connais bon nombre, dont je pourrais citer les noms, qui ont demandé à rentrer dans leurs foyers, et qui ne peuvent obtenir de congés.

Je demande que des mesures soient prises, et soient prises promptement, pour régulariser tous ces abus.

M. de Robaulx. - Il faut que je reprenne la parole une seconde fois pour signaler plusieurs erreurs avancées par le ministre de l’intérieur.

Il nous a dit d’abord : Nous ne devons pas trop nous hâter de réparer l’injustice, nous devons prendre des renseignements ; nous devons nous adresser aux provinces pour savoir quels bataillons ont été mis irrégulièrement en activité. Mais je ne vois pas la nécessité de ces délais, et surtout la nécessité de s’adresser aux provinces. Le ministre de la guerre est chargé de l’organisation de l’armée ; compulsez vos archives et vous trouverez dans les bureaux de la guerre quels bataillons ont été mobilisés. Ce sont vos prédécesseurs qui ont fait la faute ; mais vous êtes ministres pour réparer les injustices qui ont été commises dans des temps antérieurs. Il ne faut pas nous renvoyer à vos prédécesseurs, nous ne connaissons qu’un ministre responsable et c’est le ministre de l’intérieur.

Une chose qui se renouvelle trop souvent dans cette enceinte est celle-ci : Lorsque nous nous adressons à un ministre, ce ministre répond que cela regarde son collègue. En France comme en Angleterre, quand on fait des interpellations à un ministre quoiqu’il soit absent, les autres répondent. Les ministres se regardent comme faisant partie d’un être moral qu’on appelle gouvernement, et ils se croient responsables de toutes les parties de l’administration. Ici, le ministre de l’intérieur nous dit : Cela regarde le ministre de la guerre. Nous cherchons le ministre de la guerre pour l’interpeller, mais ce ministre est un être indéfinissable, qui n’est pas politique et qui ne vient au milieu de nous que pour demander de l’argent. Ce n’est pas ainsi que le gouvernement doit être représenté.

Nous demandons que le gouvernement prenne une décision ; nous n’exigeons pas qu’il la prenne trop rapidement, mais qu’il en prenne une. Au reste, le ministre ne s’oppose pas à ce que la pétition lui soit renvoyée.

M. de Theux. - Il y a des actes du pouvoir exécutif relativement à la mobilisation du premier ban de la garde civique. En voici un du 15 septembre 1831, inséré au Bulletin des Lois : « Sur la proposition de notre ministre de la guerre, nous avons arrêté et arrêtons ce qui suit : Le ministre de la guerre est autorisé à mettre successivement en activité le premier ban de la garde civique dans toutes les provinces... Le ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent arrêté. Par le Roi, signé Charles de Brouckere, ministre de la guerre. »

Maintenant il s’agit de savoir quelle espèce d’exécution cet arrêté a reçue.

M. de Robaulx. - L’arrêté autorise le ministre de la guerre à mettre en activité les gardes civiques, mais le ministre de la guerre doit, à son tour, avoir pris un arrêté pour cette mise en activité.

M. de Theux. - L’arrêté dit que le ministre de la guerre mettra successivement en activité le premier ban.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La question est de savoir s’il y a un arrêté spécial pour chaque canton. J’ai fait entendre que non. On a dit que les arrêtés spéciaux devaient être au ministère de la guerre. Encore non, messieurs. On les a cherchés inutilement. C’est par des arrêtés des gouverneurs des provinces que les gardes civiques ont été en plusieurs lieux mobilisées. C’est par un arrêté semblable que j’ai mis en activité la garde civique d’Anvers. Ainsi il est nécessaire de recourir aux archives des gouvernements provinciaux.

M. Fleussu. - Votre commission des pétitions avait conclu à l’ordre du jour, parce que, dans la loi qui organise la garde civique, le pouvoir exécutif avait toute la latitude possible pour la mobiliser. D’après cette latitude, nous pensions qu’on ne pouvait faire de reproches au pouvoir exécutif d’avoir exécuté la loi d’une manière dans un canton, et d’une manière différente dans un autre canton.

Mais la discussion nous a révélé des abus considérables. Nous croyons qu’il ne pouvait y avoir d’abus que pour la garde civique de Gand ; il paraît que le manque de formalités nécessaires est général. Plus l’irrégularité est générale et plus le remède doit être prompt.

Messieurs, il y a bien d’autres abus au fond de la question. Lorsque nous avons décrété la loi sur l’armée de réserve, nous avons dit qu’on ne lèverait pas des hommes là où la garde civique est mise en activité. Je demanderai comment on a exécuté la loi à Gand ! Je demanderais, en outre, comment on peut organiser des hommes illégalement appelés, comment on peut les payer ? Pour avoir droit à la solde, il faut une organisation régulière. De grands abus résultent donc de mesures mal prises ; il faut qu’ils cessent promptement.

Je demande le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Dubois. - Il n’y a pas de loi plus injuste que la loi sur la garde civique : vous l’avez révisée trois ou quatre fois sans parvenir à faire disparaître les inégalités de charges qui résultent de son exécution.

Tout ce qui s’est fait relativement à la garde civique est irrégulier. Au mois d’août la garde civique de Gand, de Bruges, de Tournay s’est mise spontanément sous la direction du ministre de la guerre, et c’est sans doute par suite de cet élan de patriotisme que le ministre de la guerre à négligé de régulariser sa levée.

Vous avez fait une espèce d’acte de réparation dans la loi sur l’armée de réserve, en disant que les levées n’auraient pas lieu dans les cantons où la garde civique a été mobilisée, et je ne crois pas qu’à Gand, qu’à Bruges l’on ait appelé des hommes pour la réserve.

Je demande la clôture de la discussion et le renvoi de la pétition aux ministres de la guerre et de l’intérieur. Je demande la clôture, parce que du fond de cette pétition peuvent surgir des débats fort graves. Par exemple, du rappel de la garde civique dans ses foyers résulterait nécessairement le renouvellement de toutes les opérations sur la réserve, parce que tous les cantons exemptés seraient obligés d’envoyer des hommes à la réserve.

Je ne citerai pas d’autres difficultés ; mais elles naissent enen foule.

M. F. de Mérode repousse les attaques dirigées contre le ministre de la guerre. Il expose que le département de la guerre est une spécialité qui doit être dirigée par un homme ayant des connaissances spéciales. Il demande si on pourrait, à chaque vicissitude ministérielle, trouver facilement un homme pour remplacer celui à qui le portefeuille est maintenant confié.

M. de Robaulx. - Vous trouvez que j’attaque le ministre de la guerre, parce que je le considère comme un ministre indéfinissable ; et vous me répondez que si ce ministre subissait les vicissitudes qu’éprouvent les autres ministres, on ne trouverait pas beaucoup d’hommes capables pour le remplacer : j’en conviens ; mais cela ne m’empêchera pas de demander que celui qui est ministre de la guerre vienne ici au milieu de nous pour répondre aux interpellations que nous avons besoin de lui faire, ou que du moins que quelqu’un réponde pour ce ministre.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je ne sais où l’honorable M. de Robaulx a trouvé une distinction à établir entre la position des ministres qui sont en ce moment à leur banc, et celle du ministre de la guerre. Vis-à-vis de la chambre, cette position est identique : le ministre de la guerre répond de tous les actes de son administration. Comme ministre de la guerre, il se rend dans le sein de la chambre quand on l’y appelle. Le ministre de la guerre ne peut se soustraire à l’obligation de répondre à toutes les interpellations qui lui sont adressées à moins que des raisons plausibles ne s’y opposent.

Si le ministre de la guerre, sous certains rapports, ne fait pas partie du conseil, c’est une affaire de gouvernement ; mais il est responsable de ses actes, et il doit, en général, à la chambre les explications qu’elle réclame.

La distinction que l’on veut établir ne se conçoit donc pas. S’il peut y avoir, entre ce ministre et ses collègues, une distinction relativement à la responsabilité politique, ceci est en usage dans d’autres pays : en Angleterre, il y a des hommes spéciaux qui font partie du cabinet ; le ministre de la guerre est dans ce cas, et, si je ne me trompe, le lord de l’amirauté. Ceci est établi, non dans l’intérêt du pouvoir, mais dans l’intérêt de l’Etat et pour prévenir l’inconvénient de voir toujours entraîner des spécialités précieuses dans le cercle des vicissitudes ministérielles ; c’est ce qui a lieu pour notre ministre actuel de la guerre. Toutefois, il n’entend en aucune façon décliner sa responsabilité, et nul de nous ne viendra soutenir ici une théorie aussi étrange.

M. de Robaulx. - Je n’ai pas attaqué le ministre de la guerre parce qu’il n’est pas ministre politique, j’ai seulement voulu dire, et la séance d’hier m’a donné cette conviction, qu’il fallait que le gouvernement fût un, fût unique. J’ai vu hier attaquer le ministre des finances, cet honnête homme, parce qu’il disait : Je me rangerai à votre opinion si elle est meilleure que la mienne. Aucun de ses collègues ne l’a défendu ; c’est un membre de l’opposition qui lui a prêté son appui, et qui a rendu à la discussion le caractère qu’elle devrait toujours avoir : elle était personnelle et il l’a fait redevenir générale.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le ministère doit savoir gré à M. de Robaulx des leçons de convenance qu’il veut bien lui donner ; mais il aurait dû remarquer aussi que, depuis le commencement de la séance, je défends le ministre de la guerre.

M. de Robaulx se lève et se dispose à parler.

- De toutes parts. - La clôture ! la clôture !

M. Dumont. - Je demande la parole contre la clôture, On s’est occupé d’un objet étranger à la pétition ; je désire que la discussion continue sur la pétition.

M. Dumortier. - A l’occasion de la question primitive, il s’en est élevé une autre très importante : c’est de savoir jusqu’à quel point les ministres sont responsables des actes de l’administration ; je n’admets pas un ministre en dehors du conseil…

- Plusieurs membres. - Ce n’est pas là la question ! ce n’est pas là la question !

- La chambre ferme la discussion.

La pétition est renvoyée au ministre de l’intérieur, et copie en sera déposée au bureau des renseignements.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Leblanc, à Bruxelles, signale comme une inconstitutionnalité qu’il existe différents employés belges, Français d’origine, et non naturalisés. »

La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur, avec demande d’explications.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, si c’est relativement à un employé de mon ministère que la chambre croit utile de me demander des explications, je suis à même de les lui donner dès à présent ; mais j’avoue franchement que je ne sais pas jusqu’à quel point il entre dans les attributions de la chambre de s’inquiéter de l’origine de mes employés. Le ministre doit être maître de choisir les personnes qu’il veut employer dans ses bureaux. Il est certain que, pour ce choix, il consulte l’intérêt du service, et qu’il n’ira point prendre en Allemagne et en France ce qu’il peut trouver en Belgique.

Quant à la personne de mon ministère que l’on a voulu désigner, c’est un homme très utile, estimé à cause de son travail assidu, et qui n’a pas hésité à offrir au pays le secours de sa capacité dans un moment où le gouvernement avait encore plus besoin d’hommes de plume que d’hommes d’épée. Je demande, messieurs, si vous pouvez revenir sur sa nomination. Vous avez naturalisé tous ceux qui ont servi l’Etat par l’épée ; je crois aussi que vous avez voulu naturaliser en même temps ceux qui nous ont rendu des services civils. En France, remarquez-le bien, la chambre ne vient pas demander à un ministre s’il a un employé belge dans ses bureaux…

- Plusieurs voix. - D’ailleurs il ne s’agit pas ici d’un fonctionnaire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je pense aussi, messieurs, qu’il ne faut considérer les employés que comme ceux des ministres, et non pas les assimiler aux fonctionnaires du pays, soumis aux conditions voulues par la constitution. Et dans le cas où l’on voudrait que les employés fussent soumis à ces conditions, resterait à examiner si ceux qui ont été nommés avant la constitution n’ont pas acquis le droit de naturalisation. D’après ces motifs, je désire qu’on ne me demande pas des explications à cet égard.

M. Gendebien. - Je crois que l’on peut persister dans les conclusions de la commission. On a cité un employé du département de l’intérieur, à l’occasion de la pétition. Je ne sais si c’est pour cette seule raison que l’on a demandé le renvoi au ministre. S’il en était ainsi, il faudrait passer à l’ordre du jour ; mais je crois que la pétition ne se borne pas à citer ce fait particulier, et qu’elle se plaint en général que des fonctionnaires non naturalisés existent en Belgique. C’est dans ce sens, messieurs, que je propose d’appuyer les conclusions de la commission.

Mais, s’il ne s’agissait que d’un seul employé au ministère de l’intérieur, je crois que ce dernier aurait raison. Nous n’avons pas à nous enquérir si ce ministre a des employés étrangers, pas même s’ils sont Hollandais. C’est à lui qu’appartiennent le choix et la responsabilité.

En interprétant sainement l’article 6 de la constitution, il me semble qu’il ne s’applique qu’à des fonctionnaires qui par eux-mêmes doivent présenter certaines garanties. Par exemple, je ne pense pas qu’un juge, un magistrat quelconque puissent être nommés, non plus qu’un militaire obtenir un grade sans une loi, parce que, par le fait de leur nomination, ils ont un droit acquis sur le trésor, tandis qu’un employé peut être renvoyé du jour où il ne convient pas.

Quant à celui dont il a été fait mention, il paraît que c’est un homme qui a rendu de très grands services au pays, qui est entré dans l’administration au moment où il n’y avait presque personne et où l’on travaillait sur table rase, sans chefs et sans ordre. Il est encore d’une extrême utilité aujourd’hui. Je sais qu’il a été en butte à beaucoup de calomnies, et j’ai acquis la preuve qu’il en est de lui comme des hommes sortant de la révolution, dont on envie la position quoiqu’ils l’aient bien gagnée au milieu des périls de toute espèce.

Du reste, je prends acte des paroles de M. le ministre. Il a invoqué les services rendus lors de la révolution. C’est un retour aux hommes de septembre que l’on a tant calomniés, et même méprisés, et je l’en félicite.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne crois pas pouvoir accepter les félicitations de l’honorable M. Gendebien ; car je ne pense pas avoir jamais repoussé ni méprisé les hommes de la révolution.

M. Gendebien. - Je n’ai voulu désigner aucun ministre nominativement ; mais j’ai entendu parler du gouvernement, représenté par tous les ministres qui se sont succédé.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je n’ai pas l’intention de m’attacher à l’incident qui vient de s’élever ; mais je dois appuyer la théorie émise par le préopinant sur l’article 6 de la constitution. Qu’il me soit permis, messieurs, de faire remarquer que si vous ne passez à l’ordre du jour dans le cas qui nous occupe, vous reviendrez sur une décision rendue par vous précédemment.

Je crois en effet qu’une pétition analogue à celle qui vous est soumise en ce moment vous a été présentée il y a environ trois mois, et que, d’après les explications qui ont été données, sur le sens de l’article 6 de la constitution, la chambre a passé à l’ordre du jour. On vous a fait observer alors que cet article ne s’appliquait qu’aux fonctionnaires, et on a demandé, dans le cas où vous voudriez aller au-dessous des fonctionnaires, soit civils, soit militaires, quel serait le degré où l’on s’arrêterait : si l’on descendrait du chef de division aux commis, de ceux-ci aux expéditionnaires, aux balayeurs et aux boutefeux. La chambre, sur ces observations, a adopté l’ordre du jour, et je pense qu’elle ne dérogera pas aujourd’hui à sa première décision.

J’ajouterai aussi, pour répondre à un honorable membre, que je crois n’avoir pas mérité, plus que le ministre de l’intérieur, le reproche d’avoir négligé les amis de la révolution. Je puis, à cet égard, en appeler à tous les chefs de parquet, aux gouverneurs, aux commissaires de district et à tous les fonctionnaires auxquels je me suis adressé, soit officiellement, soit officieusement. Ils pourront attester que depuis mon entrée au ministère, toujours j’ai demandé qu’on me fît connaître en première ligne s’il ne s’élevait pas le moindre nuage sur le patriotisme des candidats proposés aux fonctions judiciaires, sur leur attachement à nos institutions nouvelles ; qu’ils disent si, dans quelques éliminations que je crus devoir proposer au Roi, je ne me suis pas fondé sur le motif que des hommes, investis de la confiance du gouvernement, m’étaient présentés comme en profitant pour décrier et calomnier la révolution. Cet appel est trop général pour que j’eusse osé le faire si je ne déclarais pas la vérité.

M. de Robaulx. - Tout en adoptant l’ordre du jour, je voudrais qu’il fût bien entendu que l’on ne décide pas la chose en théorie. Je conçois bien que la chambre ne doit pas être un bureau de dénonciation, et qu’elle ne doit pas accueillir celle que l’on fait contre un employé zélé et spécialement capable. Je crois même que si nous avions un plus grand nombre de ces spécialités, dans le département des finances, par exemple, nous n’aurions pas une administration aussi défectueuse qu’à présent. Je demande donc qu’en passant à l’ordre du jour, on considère la pétition comme ayant été faite dans un intérêt privé ; car on ne pourrait passer à l’ordre du jour sur le fait général que des emplois publics sont donnés à des étrangers.

M. Gendebien. - Je me rallie à cette observation de M. de Robaulx. Je n’avais moi-même appuyé les conclusions de la commission que parce que je croyais que la pétition n’avait pas trait seulement à un fait particulier.

M. Poschet, rapporteur. - La pétition ne parle que très vaguement des fonctionnaires en général, et elle ne signale qu’un seul employé.

- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Rouvroy, à Namur, demande que la barrière de Syant soit replacée à l’endroit dit le Triot où elle a toujours été. »

La commission propose l’ordre du jour.

M. Gendebien. - Comme nous allons nous occuper de l’examen d’un projet sur la matière, je demande le renvoi au bureau des renseignements.

M. Desmanet de Biesme. - La loi permet de placer les poteaux à une certaine distance ; mais je crois qu’ici cette distance a été dépassée. C’est là, je pense, le motif qui a amené la pétition, et le renvoi au bureau des renseignements est nécessaire.

- Le dépôt au bureau des renseignements est adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Hoffbauer réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le transit par Saint-Mange et Monthermé (France), à la Meuse, pour de là revenir dans l’intérieur du royaume, pour les produits de son ardoisière. »

Conclusion : Renvoi aux ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, et à la commission d’industrie.

M. Poschet, rapporteur, appelle l’attention de la chambre sur cette pétition et son auteur, qui a fait des dépenses considérables pour ouvrir une ardoisière, et qui ne peut en profiter parce que le droit de transit par la France est interdit. Il dit que la commission a pensé que, la Belgique accordant toute facilité à cet égard, il est juste que la France l’accorde aussi, et que ce serait peut-être le cas ici d user de représailles.

M. Gendebien. - Je demande qu’aux conclusions de la commission tendant au renvoi aux ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, on ajoute : « avec invitation de s’expliquer sur la pétition. » Le sieur Hoffbauer, messieurs, a découvert une mine d’ardoise très riche et d’une qualité supérieure. De là les vexations provoquées par les propriétaires d’ardoisières françaises.

Comme l’ardoisière de l’auteur de la pétition se trouve près de la Meuse, avec la faculté de transit il chargeait sur la Meuse, allait jusqu’à Givet, et entrait de cette manière en Belgique. Mais par suite de l’interdiction du transit par la France, il est obligé de faire arriver ses ardoises par chariots jusqu’à Namur ; de sorte qu’il lui est impossible de soutenir la concurrence avec les propriétaires français. Le droit de transit en France existait il n’y a pas longtemps ; il a été aboli, et cependant la Belgique a toujours laissé aux ardoises françaises la faculté de transiter sur son territoire, et nous sommes par là obligés d’en passer par ce que veulent les propriétaires français. C’est pour cela que je demande à MM. les ministres des explications, et le plus promptement possible ; car la pétition, comme l’a dit M. le rapporteur, est très intéressante. Son auteur ne vous demande pas de l’argent, mais seulement il demande pour ses ardoises une protection égale à celle qu’on accorde aux ardoises françaises.

M. Davignon. - La pétition soulève une question plus grave qu’elle ne le paraît au premier abord, Vous savez, messieurs, que notre gouvernement a envoyé en France des hommes spéciaux pour prendre des renseignements sur ce qui concerne notre commerce ; or, l’auteur de la pétition sollicite des représailles ; mais, avant d’user de représailles envers la France, il faut savoir ce qu’elle veut faire à notre égard. Sous ce rapport, la pétition ne me paraît pas devoir être appuyée.

Cependant je ne m’oppose pas aux conclusions de la commission pour le reste.

M. Poschet. - Ce n’est pas le pétitionnaire qui demande des représailles, mais c’est la commission qui a cru que notre gouvernement devait le faire, surtout dans un cas où nous accordons toute la facilité possible.

M. Dumont. - J’appuie les conclusions de la commission et la proposition de M. Gendebien, d’autant plus que d’autres ardoisiers encore, du canton de Louvain, ont réclamé contre l’interdiction du droit de transit en France, parce qu’il leur était avantageux de passer par la Meuse. Je fais cette observation pour que le gouvernement belge puisse faire valoir auprès de la France des considérations d’un intérêt général en Belgique.

M. A. Rodenbach. - M. Davignon vient de nous dire qu’on a envoyé en France des hommes spéciaux pour arriver à un traité de commerce Je demanderai, messieurs, si l’on n’a pas oublié de faire représenter les Flandres... (On rit.) Messieurs, les Flandres ont des griefs à faire valoir. Je crois que l’on n’a pas envoyé des hommes spéciaux qui connaissent les toiles, les fils et le commerce des Flandres, et cependant cela en valait bien la peine.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne pense pas que M. Davignon ait voulu annoncer qu’on avait envoyé en France des hommes spéciaux pour faire un traité de commerce.

M. Davignon. - Non, non !

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement a envoyé des hommes éclairés, impartiaux, et incapables de sacrifier les intérêts d’une province à ceux d’une autre ; non pas pour faire un traité de commerce, mais seulement pour prendre et fournir des renseignements. Il l’a fait dans l’intérêt général ; mais s’il avait fallu satisfaire à toutes les exigences, ce ne serait pas deux hommes spéciaux, mais 30 qu’il aurait dû envoyer. Dans le cas où il serait utile pour le pays d’augmenter le nombre de ces envoyés, qui, je le répète, n’ont pas le caractère officiel qu’on a voulu leur donner, le gouvernement pourra le faire mais il ne s’agit pas ici d’un traité de commerce.

M. de Theux. - On s’est déjà occupé des ardoises ; et ce n’est pas une matière nouvelle. Elle a été soumise à la commission de commerce et d’industrie vers la fin de septembre dernier, et je présume que les observations de cette commission ainsi que celles du gouvernement ont été communiquées à notre ambassadeur à Paris, qui les prendra sans doute en considération.

M. Angillis. - Ce que vous a dit notre honorable collègue, M. A. Rodenbach, mérite une sérieuse attention. Je demande que le gouvernement porte aussi sa sollicitude sur le commerce de toiles qui fait vivre deux provinces de 1,400,000 âmes.

M. Gendebien. - Je renonce à la demande d’explications que j’avais faite, puisqu’on a envoyé des hommes spéciaux en France dans l’intérêt de notre commerce.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Neard, à Gand, demande une disposition législative qui lui accorde la réhabilitation de la peine du carcan, qu’il a encourue le 31 août 1825. »

Conclusions : Renvoi au ministre de la justice et dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Huit habitants de Bruxelles, porteurs de rentes domaniales, dites los-renten, réclament le remboursement du capital, ou le paiement des intérêts à 5 p. c. l’an. »

La commission conclut à l’ordre du jour.

M. Mary. - Comme la pétition peut contenir des renseignements propres à éclairer la commission de finances, je demande qu’elle lui renvoyée. (Appuyé.)

- Le renvoi à la commission de finances est ordonné.


M. Poschet, rapporteur. - « Onze fruitiers de Bruges demandent qu’il soit interdit aux paysans de vendre leurs fruits en détail, dans la ville, à moins qu’ils ne soient munis d’une patente à cet effet. »

Conclusion : ordre du jour.

- Adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Claessens, notaire a Contich, demande que la chambre adopte une mesure qui fasse cesser le préjudice qui pourrait résulter du mélange d’idiomes, en enregistrant en français des actes notariés en flamand. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

M. Angillis. - Je ne conçois pas le grand préjudice qui puisse résulter de ce que l’on enregistre en français des actes notariés en flamand. La formalité de l’enregistrement n’est qu’une mesure purement fiscale qui ne valide ni n’invalide aucun acte quelconque. Il n’y a donc aucun inconvénient à ce que l’enregistrement des actes flamands se fasse en français, et je demande qu’on passe à l’ordre du jour.

- La chambre passe à l’ordre du jour.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Ch. Botte, marchand de ferraille, à Bruxelles, réclame l’indemnité pour dommages essuyés par lui dans la nuit du 25 au 26 août. »

La commission propose l’ordre du jour.

M. Verdussen. - Je demande le renvoi au ministre de l’intérieur, non point que je veuille appuyer la pétition, mais pour qu’elle soit comprise dans le dossier des réclamations d’indemnité pour dommages essuyés par suite des événements politiques.

M. Gendebien. - J’appuie cette proposition, car le pétitionnaire avait probablement de vieilles armes qui lui ont été enlevées pour servir à notre émancipation. Il faut renvoyer la demande au ministre de l’intérieur, sans rien préjugé.

- Le renvoi au ministre de l’intérieur est adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Les administrations communes de Pont-de-Loup, Presles, Aiseau, Châtelet, Châtelineau et Bouffioul, demandent que pour cette année les jeunes gens passibles du service du premier ban de la garde civique en soient exemptés ou remplacés par les jeunes gens des autres cantons du même arrondissement. »

La commission avait conclu à l’ordre du jour ; mais vous adopterez probablement le renvoi au ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements, comme pour la première pétition ayant trait au même objet.

- Le renvoi au ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements sont mis aux voix et ordonnés.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Wenmackers, batelier à Stockhem, sur la Meuse, demande qu’il lui soit restitué le quart de la patente qu’il a payée en 1830, n’ayant pu exercer son commerce pendant les 4 derniers mois de cette année. »

Conclusions : ordre du jour.

- Adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « La dame Paulsen, à Tongres, épouse de Ant. Jacobs, gendarme belge fait prisonnier à Maseyck, le 24 novembre 1830, par le corps de Saxe-Weimar, demande que l’on assure la mise en liberté de son mari, et qu’on lui accorde un secours. »

La pétitionnaire se plaint de ce que déjà il s’est fait un grand nombre d’échanges de prisonniers, et que son mari n’y a pas été compris. La commission vous propose le renvoi aux ministres des affaires étrangères et de la guerre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet). - Je n’ai aucun motif pour m’opposer à ce que la pétition me soit renvoyée ; mais je dois prévenir la chambre que je n’ai pas attendu cette circonstance pour faire des démarches à l’effet d’obtenir la mise en liberté du mari de la pétitionnaire et j’ai le plus grand espoir d’y parvenir bientôt.

M. de Brouckere. - Je voulais demander des explications aux ministres en leur renvoyant la pétition, mais ce qu’on vient de nous dire m’en dispense. Je me bornerai à appuyer la partie de cette pétition qui tend à obtenir un subside. Il me semble que la position de la dame Paulsen mérite quelques égards. Son mari a été une véritable victime de la révolution,, et il est inconcevable que depuis 3 ans il languisse encore dans les prisons de la Hollande. J’espère que le gouvernement prendra cette pétition en sérieuse considération.

M. Gendebien. - J’appuie les conclusions de la commission, et je demande qu’on fasse les démarches les plus promptes pour rendre la liberté au gendarme dont il s’agit. J’appuierai aussi la proposition qu’a faite M. de Brouckere de donner un subside à sa malheureuse femme. Mais je ne puis me dispenser d’exprimer mon étonnement de ce qu’on se soit empressé de rendre une masse de prisonniers hollandais sans stipuler en même temps la mise en liberté des Belges. Si le gouvernement avait réfléchi alors, il aurait échangé cette masse de prisonniers hollandais contre les Belges qui se trouvent en Hollande. Il y a beaucoup de militaires belges en Hollande et à Maestricht qui n’attendent que le moment favorable pour revenir.

Ensuite, on n’a pas pensé aux Belges qui se trouvent aux Grandes-Indes. Les journaux nous ont fait savoir qu’on les plaçait dans les postes les plus périlleux pour les décimer.

Je demande que le gouvernement fasse justice, non seulement à l’égard du gendarme dont il s’agit, mais pour tous les prisonniers belges, en y comprenant nos soldats, dans les Grandes-lndes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je désire dire quelques mots sur le second point de la pétition. Il paraît que la dame Paulsen a déjà eu un secours sur le fonds résultant de dons patriotiques. Si l’on veut lui accorder un nouveau subside, le gouvernement pourra faire les démarches nécessaires.

M. A. Rodenbach. - Je voulais dire la même chose. Il existe à la commission des récompenses un fonds de 30,000 florins, et cette malheureuse femme a droit d’y être comprise.

M. Levae. - Je ferai observer que la pétitionnaire a participé à ce fonds dans la même proportion que les autres.

M. de Brouckere. - Lorsqu’on a donné un petit subside à la dame Paulsen, on ne pouvait pas prévoir que la détention de son mari durerait pendant trois ans et demi. Ce n’est pas revenir trop souvent à la charge que de demander un nouveau subside. Jusqu’à ce que son mari lui soit rendu, je demande qu’on lui donne un nouveau secours.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur A. J. Botte, capitaine adjudant-major de la légion de la garde civique mobilisée d’Anvers, réclame l’abolition d’un jugement rendu contre lui le 4 juillet 1816, par le conseil de guerre siégeant à Maestricht. »

La commission propose le renvoi au ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.

- Ces conclusions appuyées par M. Gendebien sont mises aux voix et adoptées.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur J. Debusscher, à Furnes, adresse des observations sur le projet de loi relatif aux sels. »

Conclusions : renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.

- Adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Les bourgmestres de diverses communes du canton d’Ath adressent leurs plaintes sur l’injuste répartition qui a lieu pour le service dans le premier ban de la garde civique mobilisée. »

Cette pétition est encore dans le sens de celles que vous avez renvoyées au ministre de l’intérieur et au bureau des renseignements. La commission avait proposé l’ordre du jour.

- Le renvoi au ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements sont ordonnés.


M. Poschet, rapporteur. - « Le consistoire de l’église protestante d’Anvers demande que la chambre avise aux moyens de faire cesser l’état déplorable dans lequel se trouve cette communauté protestante. »

Les pétitionnaires disent qu’ils ont réclamé l’année dernière, à différentes fois, au ministre de l’intérieur la somme qui a été allouée pour leur église, et ils se plaignent de n’en avoir obtenu qu’une partie. La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Osy. - Messieurs, l’année dernière, en votant le budget de l’intérieur, nous avons accordé pour le culte protestant la même somme que sous le gouvernement hollandais. Le consistoire d’Anvers avait autrefois trois pasteurs, l’un anglais, l’autre français et le troisième hollandais. Avant la révolution il comptait 1,600 fidèles protestants. On a alloué dans le budget de l’année dernière pour cet objet une somme de 6,600 florins ; et cependant, par arrêté royal du 12 juillet 1831, M. le ministre de l’intérieur a réduit cette allocation à 4,000 francs. Or, il est impossible au consistoire et à l’église d’Anvers de faire face à ses besoins avec ce moyen. Ils ont déjà réclamé plusieurs fois, mais en vain ; et ils m’ont chargé de soutenir leurs droits. Il faut de l’impartialité, messieurs, et puisqu’on n’a alloué la même somme que sous le gouvernement précédent, il est étonnant qu’on ne veuille en donner que le quart.

M. Van Hoobrouck. - Lorsque nous avons examiné le budget, nous avons vu que le directeur du consistoire d’Anvers se refusait à tout renseignement sur son église. Cependant, s’il y a, en effet, 1,600 individus qui appartiennent à son église, il me semble que la somme portée au budget n’est pas suffisante.

M. Dumortier. - Comme la section centrale va s’occuper du budget, je demande qu’on lui renvoie la pétition, ainsi qu’à M. le ministre de l’intérieur.

- Plusieurs voix. - Il ne s’agit pas de cela. La lecture de la pétition !

M. Gendebien. - Je prie M. le rapporteur de nous lire cette pétition.

M. Poschet. - C’est une pièce très longue.

- Les mêmes voix. - N’importe la lecture !

M. Poschet. - Messieurs, il y aura sans doute quelque collègue assez complaisant pour vous lire cette pétition. Depuis quinze jours, le rapport que je devais vous faire a été ajourné, et il n’a été admis aujourd’hui que comme un pis-aller. Je ne puis rester plus longtemps, car je dois partir immédiatement pour Anvers. (Ici l’honorable membre quitte la tribune, laissant la pétition, et sort précipitamment de la salle.)

Cet incident excite un moment l’hilarité de la chambre. Ensuite M. Seron monte à la tribune et donne lecture de cette pétition, conçue en ces termes : (Note du webmaster : après quelques renvois aux courriers échangés avec le ministre de l’intérieur, la pétition poursuit comme suit :) « La représentation nationale verra :

« 1° Que la communauté protestante d’Anvers est privée des trois pasteurs qu’elle avait alors, comme de tout culte public et secours religieux, depuis le mois d’octobre 1830, par le manque de traitements nécessaires qui, nonobstant l’article 117 de la charte, et malgré l’assertion de M. le ministre de l’intérieur, en séance du sénat le 5 mai 1832, où il a dit que, « s’il y avait disproportion entre les traitements des deux cultes, cela provenait d’une différence de position ; que dès lors une réduction sur l’article, si on voulait assurer aux membres du culte réforme une existence honorable, devenait impossible, et que du reste il n’y avait aucune augmentation dans le chiffre, mais qu’on ne ferait que continuer les indemnités allouées par le gouvernement précédent pour les ministres, etc., etc., attachés au service du culte, » ont été jusqu’ici réclamés sans succès auprès de l’autorité supérieure.

« 2° Que, au lieu de 6,600 florins (soit 13,968 francs) pour traitements et subsides alloués au culte protestant d’Anvers le gouvernement précédent, que, d’après le dire de M. le ministre, la chambre a dû comprendre se continuer à être accordés, ce n’est que 3,000 fr. pour traitement, et 1,000 fr. pour subside, que par arrêté royal on a cru suffisant d’accorder à l’église protestante d’Anvers.

« 3° Que, attendu que la communauté protestante d’Anvers se compose de trois dialectes divers, qui doivent avoir un service divin distinct et séparé, il est évident qu’un seul pasteur ne peut pas y suffire ; que s’il y a possibilité d’en trouver qui officient, tant bien que mal, en deux langues, toutefois la modicité du traitement de 3,000 francs alloués est un obstacle que ledit consistoire, après de nombreuses recherches et démarches infructueuses, désespère de pouvoir surmonter.

« 4° Que le nombre des protestants résidant à Anvers en 1830 s’élevait de 15 à 1600 individus, non compris les militaires et les marins ; mais que si, par suite des événements, ce nombre a subi une diminution portant seulement sur un des trois de nos dialectes, outre qu’au rétablissement de la paix et au retour du commerce ce nombre se retrouvera bientôt, il ne reste pas moins avéré que cette diminution, dans une des trois fractions de notre communauté, ne l’anéantit pas, et qu’il en reste toujours ici une bonne partie à satisfaire.

« Le susdit consistoire est donc dans la nécessité de pourvoir aux besoins spirituels des membres de son église parlant l’allemand, le français et le flamand ou hollandais. Mais comme il se trouve dans l’impuissance d’y parvenir avec ce qu’on se propose de lui allouer, il vient avec confiance, messieurs, appeler votre attention, conservatrice des droits de tous dans les bornes de la charité sollicitant en même temps votre appui, afin, par tel moyen que vous jugerez convenable, de faire cesser le scandale que nous offrons, bien malgré nous, d’être complétement privés de tout culte public depuis plus de deux ans, au grand détriment, non seulement des membres de notre communauté, mais aussi à celui des étrangers qui nous visitent : par exemple nous pourrons citer que, pendant le cours de l’année 1832, des milliers de marins protestants ont paru dans notre port ; de plus, une infinité de jeunes gens affluent ici en temps ordinaire pour leur éducation commerciale, et cependant nous n’avons pu leur fournir aucun secours de la religion, lorsque le cas l’a exigé.

« Dans l’attente de voir bientôt un terme à notre longue privation, nous vous prions, messieurs, d’agréer l’assurance de notre profond respect.

« Le susdit consistoire. »

Après cette lecture, la parole est accordée à M. de Theux.

M. de Theux. - Messieurs, il existait, en effet, sous le gouvernement précédent, environ 1,600 protestants à Anvers. Il existait également trois ministres, un anglais, un français et un hollandais. Lors des événements de la révolution, un très grand nombre de protestants quitta la ville d’Anvers, à tel point que, d’après les documents qui me sont parvenus, il n’en restait plus que 443. La plupart de ces protestants parlent l’allemand et le hollandais : il n’y en a que 24 seulement qui parlent exclusivement le français. Dans cette position, je demande s’il fallait avoir un ministre protestant français pour ces 24 individus. Le consistoire avoue lui-même qu’un pasteur peut faire le service en deux langues : si donc un ministre faisait le service en allemand et en hollandais, ce serait suffisant.

Quant au traitement du ministre, je l’ai fixé à 3,000 fr. ; en outre, il a droit à une habitation et à des frais de premier établissement, puis à une pension pour chaque enfant, s’il en a. Lors donc que j’ai eu l’honneur de proposer au Roi de fixer son traitement à 3,000 fr., et d’accorder en outre 1,000 fr. pour les frais du culte, je crois avoir fait un acte tout à fait équitable.

Si, lors de la discussion du budget au sénat, j’ai insisté pour obtenir la même somme que celle allouée sous le gouvernement précédent, c’était pour faire face à tous les besoins qui pourraient se présenter, mais il n’est entré ni dans la pensée du gouvernement ni dans l’intention de la législature d’en faire un moyen de prodigalité.

L’arrêté par lequel j’ai fixé le traitement du ministre est du mois de juillet. A cette époque, la somme était suffisante. Maintenant, c’est à mon successeur à voir s’il y a de nouvelles circonstances qui puissent motiver une augmentation.

M. A. Rodenbach. - Dans notre pacte fondamental, nous avons proclamé, le grand principe de la liberté religieuse. Mais, en proclamant ce principe large, nous avons aussi voulu établir une proportion entre les divers cultes. M. de Theux vient de nous dire qu’il n’y avait plus que 443 protestants à Anvers ; or, si l’on accorde pour cette église 4,000 francs, cela fait 10 francs par tête de fidèle ; si on lui donnait les 13,968 francs qu’elle demande, cela ferait 33 francs par tête. Or, si l’on admettait ce taux pour le culte catholique, voyez à quelle somme énorme cela monterait. Par ces motifs, je m’oppose au renvoi demandé.

M. Osy. - Le nombre des protestants d’Anvers est effectivement diminué ; mais il ne faut pas seulement compter les habitants d’Anvers, il faut aussi compter les marins qui viennent dans ce port. Il faut donc au moins deux pasteurs, et il est nécessaire d’accorder les fonds nécessaires pour cela ; d’autant plus que l’an passé on a voté la même somme que sous l’ancien gouvernement pour le culte protestant, et qu’on a même augmenté l’allocation du culte juif.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, les faits consignés dans les nombreuses réclamations du consistoire d’Anvers sont parfaitement exacts. Il existait trois pasteurs sous l’ancien gouvernement mais il existait alors 1,600 protestants à Anvers, et maintenant il n’y en a plus que 443. Pour cette population il a été accordé un subside de 4,000 francs, ce qui fait près de 10 francs par tête. A la vérité, dans un port comme celui d’Anvers, on peut compter sur une population voyageuse, sur un certain nombre de marins, en supposant que les marins fréquentent beaucoup les églises... (On rit.) Eh bien, doublons la population, et portons-la à mille, il restera encore 5 francs par tête de fidèle.

La constitution, messieurs, a proclamé la protection pour tous les cultes ; mais elle n’a pas voulu l’inégalité. Le consistoire d’Anvers se plaint de ce qu’il n’y a pas assez de pasteurs pour adresser la parole à tous les fidèles dans leur idiome ; mais qu’arriverait-il si l’on voulait adopter à cet égard un principe général ? Pour le culte catholique, il faudrait deux pasteurs par commune, l’un parlant français et l’autre parlant flamand.

D’ailleurs, il est reconnu que le nombre des protestants français qui se trouvent à Anvers, et qui n’entendent pas le flamand, est tellement restreint qu’il ne pourrait occuper à lui seul les loisirs d’un pasteur français.

La chambre décidera dans sa justice ce qui doit revenir au consistoire d’Anvers ; mais dans l’état actuel des choses, il est bon qu’on le rappelle, le culte protestant en Belgique se trouve protégé d’une manière toute spéciale.

M. de Robiano. - Messieurs, je désire faire une observation toute particulière. Il me semble que la nation, en payant tous les cultes, a entendu seulement que ce fût par rapport aux habitants de la Belgique. On dit qu’il arrivera à Anvers beaucoup de matelots. Mais s’il arrivait des Javanais, des Musulmans, et des sujets des autres contrées, devrions-nous donc payer des pasteurs qui parlassent toutes les langues ? Cela est impossible.

M. Osy. - Messieurs, je répète que l’année dernière vous avez voulu payer le culte protestant sur le pied de l’ancien gouvernement. Eh bien le consistoire d’Anvers ne demande pas trois pasteurs, mais les moyens d’en avoir deux. Peu importe le nombre des fidèles qui le trouvent dans une église : un pasteur ferait le service aussi bien pour 1,000 que pour 400. Ce n’est donc pas ainsi qu’il faut calculer. Si l’on veut qu’il y ait une église protestante, il faut la salarier convenablement.

M. de Theux. - Je ne m’oppose pas au renvoi pour que M. le ministre de l’intérieur s’informe si de nouvelles circonstances motivent une augmentation, mais je crois devoir ajouter à ce que j’ai déjà dit, que le gouvernement des Pays-Bas n’a jamais payé l’église protestante pour les voyageurs qui pourraient survenir.

- La chambre, consultée, renvoie la pétition au ministre de l’intérieur et à la section centrale.

La séance est levée à 5 heures.