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Chambres des représentants de Belgique
Séance du dimanche 31 mars 1833

(Moniteur belge n°92, du 2 avril 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

MM. les ministres de la guerre, de la justice, des affaires étrangères, de l’intérieur, des finances, sont présents.

MM. le général Nypels, et l’intendant militaire de Bassompierre, commissaire du Roi, accompagnent M. le ministre de la guerre.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1833

L’ordre du jour est la suite de la discussion du budget de la guerre.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Soldes et masses de l’armée

Article 7

La chambre en est à l’article 7 du chapitre 2.

« Art. 7. Troupes du génie : fr. 551,990 23 c. »

Ce chiffre est celui demandé par la commission.

La réduction proposée par la commission est de 56,009 fr. 77 c.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je demande la permission de présenter quelques observations.

Messieurs, c’est dans le but de faciliter la discussion des articles 6, 7, 8, 9 et 11 du chapitre 2, et de donner le moyen de suivre, dans le tableau annexé au rapport de la section centrale, les motifs et les quotités des réductions proposées pour chacune des sections qui composent ces articles, que j’ai partagé l’avis de son honorable rapporteur, pour que la discussion fût établie d’après l’ordre et la nomenclature du tableau général qui indique, d’une manière claire et précise, les réductions qui pèsent sur chacune des sections, et qui en présente le résultat par chapitre. Ainsi, messieurs, nous devons suivre, pour la discussion des diverses sections qui composent chacun des articles 7, 8,9 et 11, la même marche que nous avons suivie pour l’article 6, voté à la fin de la séance d’hier.

Permettez-moi d’entrer dans quelques explications préalables qui peuvent éclairer davantage encore notre discussion.

Les réductions opérées par la section centrale, et dont elle a fait l’application à chacune des sections dont l’ensemble forme les chapitres 6, 7. 8, 9 et 11, se composent :

1° D’un et demi p. c. de retenue sur tous les traitements d’officiers ;

2° De la diminution de l’allocation des masses d’habillement et de harnachement ;

3° De la diminution de l’allocation des masses de casernement et d’écurie ;

4° Des 6/10 de la valeur des effets existants dans les magasins des corps, comme allocation réelle d’une partie de la masse d’habillement, et réduite de son montant ;

5° De la diminution proposée sur l’indemnité de logement et de vivres chez l’habitant.

Je suis parfaitement d’accord avec la section centrale sur toutes les diminutions et réductions qui forment les quatre premières catégories ; et quant à la cinquième, j’arrive au même résultat, mais par d’autres moyens que j’ai eu l’honneur de vous exposer dans mon rapport du 21 de ce mois.

La section centrale a diminué l’allocation de l’indemnité de logement et de vivres chez l’habitant, sur les cinq chapitres en question, d’une somme totale de 1,542,176 fr. 46 c.

Je n’ai porté dans mon travail cette réduction qu’à la somme de 567,832 fr. 90 c.

D’où il résulte une différence au moins de la somme de 974,343 fr. 56 c.

Mais, d’un autre côté, la section centrale, en rejetant une partie de ces dépenses sur le chapitre VIII (vivres de campagne), n’a trouvé de réduction à faire sur ce chapitre, non pas de la somme de 1,120,819 fr. 78 c., comme elle est portée au tableau, mais seulement celle de 1,051,819 fr. 78 c., par suite d’une erreur de chiffre de 69,000 fr.

La section alloue 7,880,000 fr. 00 c. Sa réduction est de 1,120,819 fr. 78 c., ce qui fait un total de 9,000,819 fr. 78 c. Le budget ne portait que 8,931,819 fr., 78 c. Erreur : 69,000 fr. 00 c.

Or, la réduction que je propose sur le chapitre VIII s’élève à la somme de 2,028,572 fr. 73 c. Celle de la section n’étant réellement que de 1,051,819 fr. 78 c., le surplus qui est de 976,752 fr. 95 c. balance parfaitement ce qui se trouve en moins aux divers articles du chapitre II.

Ainsi, messieurs, tout en consentant aux réductions proposées par la section centrale sur les chapitres 6, 7, 8, 9 et 11, je me réserve le droit de vous proposer, lorsque nous arriverons à la discussion du chapitre 8, de majorer d’autant ces chapitres que j’aurai d’excédant de réduction sur le chapitre 8.

Ceci, messieurs, n’est qu’une mesure d’ordre, et je ne la demande que dans la seule intention de mettre les corps en mesure de payer régulièrement les indemnités de logement et de vivres aux habitants, en recevant les fonds destinés à ces paiements en même temps que la solde.

Je proposerai donc les majorations suivantes :

117,370 fr. 15 c. au chapitre 6.

12,453 fr. 37 c. au chapitre 7.

624,812 fr. 55 c. au chapitre 8.

96,075 fr. 75 c au chapitre 9.

123,631 fr. 74 c. au chapitre 11.

974.343 fr. 56 c.

En laissant subsister au chapitre VIII la réduction totale de 2,028,572 fr 73 c., au lieu de celle proposée par la section, qui n’est que de 1,051,819 fr. 78 c. ce qui réduira ce chapitre à 6,903.247-05, au lieu de 8,931,819-78, qui avaient été primitivement demandés.

Ainsi, messieurs, les intentions de la section centrale sur les réductions possibles sur le service des vivres de campagne et de la nourriture chez l’habitant, seront parfaitement et entièrement remplies, et leur effet sera assuré si nous pouvons réaliser les prévisions dont j’ai eu l’honneur de vous entretenir dans mon rapport du 21 de ce mois.

M. Desmaisières. - L’arrêté du 12 juillet 1831 accorde une ration de fourrages aux officiers de compagnie des sapeurs-mineurs sur pied de guerre, et l’article 7 du chapitre 2 du budget, portant 3 rations pas capitaine et 2 par lieutenant et sous-lieutenant, il y a ici à retrancher 42 rations, et, pour 365 jours par ration, cela fait 15.330 journées de chevaux, lesquelles calculées à raison de 1 fr. 26 c. l’une par ration présentent une réduction de 19,315 fr. 80 c.

M. Brabant. - Je propose d’ajouter à cette réduction l’allocation de fourrages pour les officiers d’état-major de sapeurs-mineurs pour la reporter ensuite au chapitre VIII.

Ce qui porte la réduction à 33,112 fr. 83 c.

La ration des fourrages se trouvera dans un autre chapitre.

M. Desmaisières. - Cette proposition ne présentant d’autre différence avec la mienne que le transport d’une dépense du chapitre 2, article 7, au chapitre 8, je m’y rallie.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Quand nous en serons au chapitre 8, je proposerai une réduction de 9,762 fr., plus forte que celle de la section centrale.

M. Osy. - Je demande l’impression de la proposition que le ministre fait aujourd’hui, afin que nous l’ayons sous les yeux lors de la discussion du chapitre 8.

M. d’Elhoungne. - L’impression du discours de M. le ministre de la guerre sera dans le Moniteur.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - C’est de droit.

M. de Robaulx. - Les sténographes du Moniteur sont obligés de rapporter tout ce qui se dit.

M. le président. - M. Brabant demande en outre une réduction de 33,112 fr. 80 c. Ce qui réduit le chiffre de l’article 7 à 518,877 fr. 43 c.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je suis tout à fait de l’avis de la réduction ; elle est juste.

- L’article 7 est adopté avec la réduction proposée.

Article 8

« Art. 8. Troupes d’infanterie : fr. 26,609 50 c. »

Telle est la proposition de la section centrale.

Il y a une différence sur la demande du gouvernement de 3,392,822 fr. 50.

M. Osy. - Dans la discussion générale, j’ai entendu dire qu’on donnait des gratifications aux officiers étrangers, et que des généraux ont reçu jusqu’à 5,000 fr. Je désire savoir sur quel article on a pris ces gratifications.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les officiers-généraux et subalternes qui sont venus, sur la demande du gouvernement, dans le courant d’octobre 1831, ont touché comme gratification d’entrée en campagne diverses sommes : ces fonds ont été pris sur ceux du budget de 1831, qui avaient été votés sans allocation de chapitre et qui étaient le résultat de crédits provisoires. Mais, pour l’ordre, on a fait des articles différents, des articles de dépenses imprévues.

Les officiers polonais n’ont pas reçu de gratification d’entrée en campagne, mais des avances qu’ils remboursent moyennant retenue.

M. Osy. - Donnera-t-on encore des gratifications ?

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Depuis le mois de janvier dernier, il n’y a eu qu’un officier étranger d’admis, excepté trois généraux qui avaient été demandés. Il n’y a plus lieu d’accorder de gratifications.

M. Gendebien.- Je ne pense pas que la réponse du ministre soit satisfaisante. Un article de la constitution défend d’accorder une gratification quelconque qu’en vertu d’une loi ; or, une loi n’a pas permis au ministre de faire cette gratification.

Quand on accorde une gratification aux officiers d’une nation, comment n’en accorde-t-on pas aux officiers d’une autre nation ? Les Polonais pouvaient avoir un droit, un titre pour passer au-dessus de la loi ; pourquoi ont-ils été exclus ?

On accorde des avances aux officiers polonais ; on n’a pas voulu en faire aux officiers volontaires qui ont été obligés de recourir à l’obligeance de leurs amis et de quelques bons patriotes.

Je suis charmé de trouver l’occasion de parler des officiers polonais. Un membre a cru devoir critiquer le ministre sous le rapport constitutionnel ; je marche d’accord avec cet honorable membre.

Je suis persuadé qu’il n’a pas eu l’intention de blesser les officiers polonais ; il ne traitait pas une question personnelle, mais une question de principes : un officier polonais m’a adressé une note que je déposerai au greffe. Cette note est justificative de tous les reproches qu’on aurait pu adresser aux Polonais. Je dépose la note, non parce qu’ils ont besoin d’être justifiés, mais parce qu’ils le demandent, Les Polonais ont fait comme la France, comme nous ; ils ont été moins heureux : agissons à leur égard comme nous demanderons peut-être un jour qu’on agisse envers nous.

M. de Brouckere. - Je suis le membre dont a parlé l’orateur. Je le remercie de la manière dont il a compris mes paroles ; j’ai parlé des principes ; je n’ai pas fait allusions aux individus. Personne dans la Belgique n’éprouve plus de sympathie que moi pour les Polonais ; je ne connais qu’un seul Polonais pour l’avoir vu deux fois ; je ne connais pas d’homme plus instruit que lui : c’est, je crois, celui qui a adressé la note à M. Gendebien. Il n’a pas pris le change sur mes paroles ; c’est un homme d’une grande capacité.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - La gratification d’entrée en campagne qui a été accordée en 1831 aux officiers français ne l’a été que sur la demande expresse du gouvernement français qui mettait à la disposition du gouvernement belge les officiers dont il s’agit. Quand je suis arrivé au ministère, je n’ai pu donner de gratification, et je n’ai pu faire que des avances remboursables.

M. Gendebien. - J’aurai l’honneur de faire remarquer qu’il s’agit ici de la constitution, et que ce n’est pas le gouvernement français qui peut décider une question de constitution. Les ministres belges n’ont qu’une règle à suivre, c’est celle de la loi fondamentale. Je suis bien aise de signaler combien il est dangereux de suivre les conseils des voisins. Je désire que le ministre soit en garde à cet égard.

M. Marcellis. - Le chiffre de l’infanterie est assez fort pour pouvoir se permettre quelques réflexions qui n’ont pour objet qu’une tendance vers une plus grande économie, et non point une économie actuelle.

Nous devons des éloges à l’honorable général, non seulement pour avoir organisé notre infanterie sur un pied solide, mais aussi pour lui avoir donné l’organisation qui convenait au pays et aux circonstances. Je m’explique : le pays manque de frontières fortifiées du côté de notre ennemi, et nous faisons une guerre de révolution et d’indépendance qui peut être de longue durée. Il nous faut donc une armée facile à composer et à décomposer, c’est-à-dire beaucoup d’infanterie et des régiments nombreux en soldats, mais non pas beaucoup de régiments. En effet, en cas de désarmement, ce qui gêne, ce sont les officiers, et ce qui se forme lentement à nouvel armement ce sont les chevaux. Les soldats retournent et reviennent quand on le veut.Je dois donc approuver notre administrateur militaire d’avoir porté les régiments d’infanterie de ligne de 3,000 à 4,700 hommes.

Je ne sais pourquoi les régiments de chasseurs ne contiennent que 2,920 hommes. La mesure devrait être générale. Voilà donc nos régiments portés à près de 5.000 hommes ; on pourrait peut-être atteindre le chiffre de 6,000 hommes. Il en résulterait pour nos 65,000 fantassins, non compris la garde civique, une réduction de 15 régiments à 11 régiments, portant une économie de quatre fois l’état-major central de chaque régiment. Or, cet état-major peut être évalué à 36.800 fr. Economie totale, 147,000 fr.

J’ai remarqué aussi que le chasseur coûte à l’Etat 460 fr., le soldat de ligne 451 fr., et le garde civique seulement 428 fr. Je ne sais à quoi tient cette différence sensible. Mais si le dernier chiffre suffit à l’entretien du fantassin, une investigation exacte conduirait à une économie de plus de 1,500,000 francs.

Je suis satisfait aussi ne pas voir de corps d’élite dans notre infanterie. Les corps d’élite sont une source de jalousies et de dépenses. On affaiblit, d’ailleurs, la ligne en retirant les meilleurs soldats pour les placer dans les corps d’élite, ce qui prive la ligne de bons sous-officiers et soutiennent sa force morale.

Je finis en disant que le marché de vivres, qui a été l’objet de critiques, me paraît, à moi, non seulement ne mériter aucun blâme, mais être digne d’éloges.

M. de Brouckere. - On a calculé comme si les régiments étaient au complet ; mais plusieurs sont incomplets, car plusieurs manquent même de colonels.

Je vois porter une somme pour les compagnies sédentaires qui tiennent garnison à Vilvorde, à St-Bernard et à Gand ; elles sont composées de gens avancés en âge qui rendent très peu de services. Avec la moitié de la somme dépensée pour ces trois compagnies on obtiendrait un service plus utile. Elles comptent des hommes qui ne voient plus clair, et qui sont chargés de faire sentinelle autour des prisons. Ce sont de véritables invalides, qui ne peuvent faire le service de nuit, et c’est cependant pour un service de nuit que ces compagnies ont été créées.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - La formation des compagnies sédentaires a eu pour but de donner à de vieux militaires le moyen de compléter les années de service nécessaires pour avoir leur retraite. Il y a 60 de ces gens vraiment infirmes.

J’ai ordonné une inspection afin de renvoyer dans leurs foyers ceux qui sont incapables de faire un service. Le chiffre pourra être diminué dans le courant de l’année.

Quant aux régiments d’infanterie, il est vrai qu’il en est qui manquent de colonels ; mais ils comptent des officiers d’ordonnance ; et dans d’autres corps le complet effectif est dépassé, en sorte que l’allocation est toujours entièrement absorbée.

Peu d’individus se présentent pour les engagements ; mais la somme que nous avons portée est surtout affectée aux réengagements. Ceux qui se sont engagés lors de la révolution consentent à reprendre du service par les réengagements qu’on leur propose.

M. Desmaisières. - Malgré qu’ainsi que M. le ministre je regarde la dette de 8,000,000, sur les masses d’habillement des divers corps de l’armée comme une véritable dette (et tellement dette que plusieurs corps de l’armée s’en sont déjà acquittés), je n’avais d’abord pas le projet d’en parler à présent, et je pensais que ce point de discussion trouverait mieux sa place lors de loi des comptes ; mais la discussion d’hier m’a fait changer d’avis à cet égard.

D’après les articles 71 et 73 du règlement d’administration encore en vigueur, les décomptes des masses d’habillement et d’entretien doivent s’opérer au 1er octobre de chaque année. Si ces articles du règlement ont été exécutés, le ministre a dû pouvoir fixer au 20 janvier dernier, avec une parfaite connaissance de cause, la dette des masses au chiffre de 8,000,000 ; sinon, il n’a pu l’estimer que par approximation, et je crois que c’est ici véritablement ce qui a eu lieu. Je crois donc que d’ici à deux mois les décomptes peuvent avoir été régulièrement établis, et que M. le ministre sera à même de nous donner des renseignements précis à cet égard. Il pourra nous faire connaître exactement quelles sont les sommes déjà remboursées, et quelles sont celles dont il faut assurer le remboursement avant la fin de l’année.

D’après ce que dit M. le ministre lui-même dans son exposé des motifs du budget, le montant total de ces remboursements pourra alors être déduit des allocations pour masses et soldes à porter au budget pour les six derniers mois de l’année. Cette réduction toutefois ne pourrait s’opérer alors que dans le cas où vous adopteriez la proposition de MM. Pirson et de Robaulx et, je dois le dire, une diminution de plusieurs millions sur le déficit à couvrir par des voies et moyens extraordinaires, vaut certainement la peine que la proposition de ces honorables membres soit adoptée, et cela surtout quand on considère en outre que dans deux mois M. le ministre sera à même de nous signaler en même temps d’autres fortes économies, qu’il aura réalisées par les congés accordés et par de nouvelles améliorations dans l’administration de l’armée.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Nous avons demandé à tous les corps une situation des masses ; c’est d’après ce relevé que j’ai fait voir que la dette des corps envers l’Etat était de huit millions très approximativement. On demande quels seront les moyens que l’Etat emploiera pour obtenir remboursement ? Vous êtes déjà dans la voie des remboursements puisqu’au lieu de six millions vous n’allouez que trois millions, et qu’on vous a donné pour comptant les effets qui sont en magasin.

M. de Robaulx. - Il paraîtrait d’après M. de Brouckere que dans les régiments il y a des vacances d’emploi : le ministre a dit qu’il y avait excédant dans d’autres corps et que tous ces officiers excédants n’étaient pas portés au budget ; mais dans le budget de la guerre on doit nous faire connaître le nombre des officiers. Les officiers excédants, a-t-on ajouté, étaient payés avec le traitement des officiers qui manquent : tout cela est très irrégulier.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les aides-de-camp et les officiers d’ordonnance comptent dans les régiments d’infanterie et de cavalerie ; leur nombre n’est pas aussi bien limité que celui des officiers affectés aux compagnies et des officiers supérieurs des régiments ; il en résulte parfois un excédant d’officiers dans un régiment compensé par ce qui manque dans un autre, et le chiffre reste le même.

M. de Brouckere. - C’est contre ce mode d’agir que l’on réclame. Nous faisons ces réclamations dans l’intérêt du trésor. Il y a irrégularité : on nous demande des fonds pour payer 12 colonels d’infanterie et 3 colonels de chasseurs, et il n’y a qu’un régiment de chasseurs qui ait son colonel. On ne peut pas prendre une somme ayant une destination déterminée pour l’appliquer à autre chose.

Je voterai cependant la somme demandée, mais je prierai M. le ministre de la guerre d’avoir égard aux observations que nous faisons.

M. H. Vilain XIIII. - M. le ministre a dit que la prime de 40 fr. était pour avoir de bons artilleurs ; mais cette prime est accordée aux cavaliers et aux fantassins, ce qui porte la somme totale des primes à 126,000 fr. : on peut réduire cette somme.

Quant à la dette arriérée des corps je demande les pièces ; elles sont dans les corps, nous a-t-on dit, soit. Ce n’est pas là une raison pour ne pas les avoir ; elles seront nécessaires pour la discussion de la loi des comptes et du prochain budget.

M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - La masse pour le recrutement est portée la même pour l’infanterie et la cavalerie que pour l’artillerie : il y a autant d’intérêt à avantager de bons sous-officiers d’infanterie et de cavalerie que les artilleurs ; c’est pour cela que la somme est restée la même.

Quant à la dette arriérée elle est basée sur des renseignements donnés au 1er janvier. Les pièces restent dans la comptabilité des corps. Cependant, dès que la chambre désire en avoir communication, on les demandera aux corps et on pourra vous les soumettre.

M. Gendebien. - Je demanderai à M. le commissaire spécial si les comptabilités des corps sont au courant, sont à jour, et à quelle époque nous pourrons espérer que nous aurons l’apurement des comptes de 1830. On a dit qu’il y avait des corps dont les comptes n’étaient pas apurés pour les trois derniers mois de 1830 ; en est-il aussi qui soient en retard pour 1831 ?

M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Maintenant les feuilles de revue sont faites ; elles sont rentrées en presque totalité. Pour 1831 il y a beaucoup de revues terminées ; avant le 15 avril j’espère que tous les comptes de 1831 seront à la cour des comptes. Les intendants ont les ordres les plus positifs de bien établir la comptabilité. Les circonstances ont de l’influence sur la régularité des écritures ; elles sont moins bien tenues en campagne que dans les garnisons. Il y a des améliorations considérables dans la comptabilité des corps.

M. Gendebien. - Je désirerais que des inspections se fissent de manière que les corps n’en soient pas avertis ; je voudrais des inspections à des époques irrégulières. Quand les inspections ont lieu à des époques connues, on se prépare afin de pouvoir présenter des écritures à peu près en règle.

Sous le gouvernement français les inspecteurs arrivaient secrètement, et le lendemain ils passaient la revue des corps.

M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - A la séance d’hier j’ai donné là-dessus des renseignements qui ne peuvent laisser rien à désirer. D’après des règlements d’administration vicieux en ce point, on ne pouvait passer de revues extraordinaires que sur l’ordre du ministre. Le ministre a donné ordre aux intendants de passer les revues : il y en a eu de passées d’une manière générale et d’autres d’une manière instantanée. Le résultat de ces revues est au ministère. Si des vices de comptabilité se font remarquer, les conseils de guerre décideront.

- L’article 8 mis aux voix est adopté.

Article 9

« Art. 9. Troupes de cavalerie : fr. 9,252.218 24 c. »

Telle est la proposition de la commission.

La réduction est de 532,751 fr.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) se rallie à la proposition de la section centrale.

M. Desmanet de Biesme. - J’ai dit que si les documents qu’on m’avait fournis étaient exacts, notre cavalerie serait plus considérable que celle des Hollandais ; je demanderai des renseignements sur ce point à M. le ministre.

Je ne suis pas de l’avis de M. Marcellis : plus les corps sont nombreux et moins ils sont faciles à être mis en mouvement. Je suis persuadé qu’il serait préférable de faire deux régiments de cuirassiers de celui que nous avons, à le laisser tel qu’il est.

Je sais qu’il y a eu des régiments de dix escadrons en France ; ils n’ont duré qu’un an, c’est-à-dire, pas assez de temps pour qu’on pût examiner leur utilité.

Au reste, pour ces régiments, le colonel était un général de division ; le colonel en second, un général de brigade.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Dans l’organisation des armées généralement adoptée en Europe, nous avons des divisions composées de deux ou trois brigades, et des brigades composées de deux régiments. La division ne doit pas être plus forte que 12.000 hommes ; le minimum est de 8,000 hommes. Comme quatre régiments entrent dans une division, la force des régiments en ligne ne doit pas être plus que de 3,000 hommes, On ne porte que trois bataillons en ligne ; les quatrièmes forment des bataillons de dépôts, des bataillons de marche, et sont appliqués aux corps de réserve. Nous avons maintenant douze régiments d’infanterie à quatre bataillons chacun ; si on les mettait en ligne tous les quatre, il faudrait faire de nouvelles divisions.

Quant à la cavalerie, de grands régiments sont difficiles à faire manœuvrer. On voulait diviser le régiment de cuirassiers en deux ; mais, par économie, on le conserve tel qu’il est.

Relativement à la cavalerie qu’a notre ennemi, d’après les rapports qui me sont communiqués, elle est au moins égale à la nôtre. Les Hollandais s’occupent maintenant de remontes : ils font venir 1.200 chevaux d’Allemagne pour leurs régiments et 100 chevaux pour leur artillerie. C’est pour cela que j’ai proposé d’augmenter notre cavalerie de 800 chevaux et notre artillerie de 400 chevaux.

M. Osy. - Un guide coûte 1,400 fr. tandis qu’un autre cavalier ne coûte que 1,200 fr. ; a-t-on fait des réductions sur les guides ?

M. Brabant, rapporteur. - La réduction faite sur les 860 guides s’élève à 36,771 fr.

M. Coppens. - L’augmentation des chevaux qui va avoir lieu est pour le quatrième escadron des guides, car il n’en existe que trois.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Il y a quatre escadrons de guides.

M. Coppens. - Le quatrième escadron existe-t-il déjà ?

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Il existe ; il est formé.

L’article 9 mis aux voix est adopté.

Article 10

« Art. 10. Gendarmerie : fr. 1,509,639 25 c. »

Telle est la proposition de la section centrale.

La réduction est de 140,360 fr. 75 c.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Il a été demandé pour cet article un supplément extraordinaire pour la mobilisation de la gendarmerie ; la section centrale supprime ce supplément : j’avais demandé une somme éventuelle de 137,000 fr. pour couvrir la différence des prix de fourrage en mobilisation ou en station.

La mobilisation de la gendarmerie a déjà eu lieu, et une somme de 11,000 francs a été dépensée. Si on entrait en campagne, il faudrait une réserve de 57 à 60,000 fr. pour la mobilisation de deux escadrons de cavalerie.

Je demande que la réduction soit de 52,000 fr. seulement.

M. Brabant, rapporteur. - On peut porter le supplément pour la gendarmerie, en cas de mobilisation, au chapitre 8.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Alors j’adhère à la proposition de la section centrale.

M. Lardinois. - Je voudrais savoir si, pour 959 gendarmes, répartis dans des brigades de 5 à 6 hommes, ce n’est pas un luxe que d’avoir un colonel et tant d’officiers supérieurs. On pourrait faire sur cet état-major une économie de 36,000 fr.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - L’organisation de la gendarmerie, par ses rapports avec les ministres de la justice et de la guerre, exige un chef. Dans quelques pays c’est un général qui est ce chef ; ici c’est un colonel. Il y a trois majors ; ils commandent supérieurement dans chacune des trois divisions militaires ; il y a un capitaine par province, et le nombre des officiers n’est pas plus grand qu’il ne faut pour assurer le service de la gendarmerie, service utile à la sûreté des habitants.

M. Pirson. - Les majors sont des rouages inutiles dans la gendarmerie quand elle n’est pas mobilisée ; non seulement ils sont un rouage inutile, mais ils nuisent à la célérité des communications comme intermédiaire superflu.

M. de Robaulx. - Le traitement du lieutenant-colonel est porté à 7,000 fr. ; je demande la suppression de ce chiffre. Par motif d’économie on s’est passé de cet officier ; mais on va, dit-on, en nommer un : quand nous sommes surchargés d’impôts pour l’entretien de l’armée, je demanderai qu’on se passe encore du lieutenant-colonel. Des rations de fourrages sont aussi accordées à cet officier inutile. Je demande une réduction totale de 8,000 fr.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - On a ajourné la nomination du lieutenant-colonel tant que le colonel est resté à Bruxelles. Ce colonel est en tournée, le capitaine ne peut pas le remplacer.

M. de Brouckere. - Les majors de gendarmerie sont utiles ; ils font des inspections ; les colonels ne vont qu’aux chefs-lieux des arrondissements ; le major se rend dans toutes les brigades, où il passe l’inspection des hommes et des effets. En l’absence du colonel, le major peut faire le service, et en l’absence du major, le capitaine peut le remplacer ; je suis convaincu que les fonctions de lieutenant-colonel ne sont pas indispensables.

M. Lardinois. - Je me rallie à l’amendement de M. de Robaulx.

M. le président. - M. de Robaulx demande une réduction de 8,240 fr. 15 c. ; en sorte que l’article 10 serait de 1,501,390 fr. 10 c.

- L’amendement de M. de Robaulx est adopté ; et l’article 10 réduit est également adopté.

Article 11

« Art. 11. Garde civique, partisans et corps francs : fr. 7,629,969 fr. 84 c. »

Telle est la proposition de la commission.

La réduction est de 288,732 fr.

M. Coppens. - Je demanderai à M. le ministre s’il existe encore des corps francs,

M. Brabant, rapporteur. - Sous le nom de corps francs sont compris le corps des partisans, la compagnie de marins, les ouvriers maritimes.

Chapitre III. Frais divers et indemnités

Article premier

« Art. 1er. Indemnité pour frais de bureau et de police : fr. 164,500. »

La section centrale n’a proposé aucune réduction.

M. Osy. - La section centrale n’a pas proposé de réduction ; mais je demanderai à M. le ministre s’il n’y en aurait pas à faire sur les frais de bureau de 10.100 fr. accordés au major-général de l’armée, et qui, d’après ce que nous a dit M. le ministre, ne sont pas employés en totalité en frais de bureau ?

M. Jullien. - Je n’ai pas sous les yeux le budget sur le pied de paix ; mais je demanderai à M. le ministre de la guerre si les frais de bureau sur le pied de paix s’élèvent à la somme de 163,500 fr. ?

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Le budget sur pied de paix ne porte pas les mêmes frais de bureau que le budget sur pied de guerre. Quelques-uns sont relatifs à l’état actuel de l’armée.

M. Jullien. - D’après l’explication que vient de donner M. le ministre de la guerre, j’examinerai, messieurs, s’il convient d’allouer quelque chose pour indemnités ou allocations qui seraient la conséquence du pied de guerre.

Dans la discussion générale, plusieurs orateurs et moi, nous nous sommes élevés contre les allocations accordées pour le pied de guerre, telles que les vivres de campagne, les fourrages, etc. ; comme si l’armée était en campagne ou en hostilités ouvertes. Ces honorables collègues et moi avons soulevé la question de savoir s’il fallait accorder quelque chose pour de pareilles allocations, puisque nous ne sommes pas en guerre, et que nous ne pouvons pas être en guerre. Dans les circonstances où nous nous trouvons, si les mots, par la diplomatie et la doctrine, n’avaient pas perdu leurs acceptions naturelles, il serait vrai de dire que nous ne pouvons être sur pied de guerre qu’en violation du traité du 15 novembre, qui nous défend de faire la guerre ; et ce traité est notre droit. Dans cette position, je pense donc que nous ne pouvons accorder sans prodigalité les allocations du pied de guerre.

Voulez-vous savoir, messieurs, où nous entraîne cette position, jetez les yeux sur le tableau fourni par la cour des comptes à la 4ème section, et vous verrez à quelles sommes s’élèvent les allocations des divers chefs de l’armée. Je vais vous citer un exemple.

Le lieutenant-général chef de l’état-major reçoit pour traitement de son grade, 16,900 fr. 00 c.

Il a droit à 12 chevaux, c’est 12 rations de fourrages, 7,446 fr. 00 c.

Vivres de campagne, 18 rations, 3,285 00 fr. 00 c.

Frais du bureau (remarquez qu’on a reconnu que c’était un supplément de traitement), 10,100 fr. 00 c.

Indemnité de logement, 6.340 fr. 00 c.

Frais de représentation, 7,680 fr. 00 c.

Enfin, il lui est accordé un fourgon dont l’entretien et la solde du conducteur coûtent 1,149 fr. 41 c.

Ensemble, messieurs, la somme de 52,900 fr. 41 c.

Et dans cette somme ne sont point compris les frais de route, qui s’élèvent à 6 fr. 4 c. par lieue, et les frais de séjour, qui sont de 31 fr. et quelques centimes.

D’après ce même état, il est accordé 2,364 fr. aux généraux de division et aux intendants en chef pour achat de quatre chevaux. Vous voyez ainsi que les dépenses sont bien plus considérables pour le pied de guerre que pour le pied de paix. Maintenant y a-t-il quelques raisons de continuer les prodigalités ? On a dit que la reprise des hostilités était possible ; que bien que notre neutralité fût garantie par les puissances, nous pourrions avoir à repousser une agression de la Hollande. C’est sous ce rapport que je veux que le chiffre du budget demeure le même, que l’armée soit toujours prête et toujours sur la défensive ; mais si mon intention n’est pas de la réduire numériquement, je voudrais voir disparaître les indemnités de vivres, de fourrages, de logements, etc., qui sont complétement inutiles en ce moment.

Je propose donc à la chambre d’allouer le chiffre présenté par la section centrale, mais avec la condition expresse que les sommes résultant spécialement de l’état de guerre ne seraient disponibles qu’au moment où le gouvernement déclarerait que l’armée va entrer en campagne ; autrement il est absurde de vouloir considérer l’armée comme si déjà elle était en campagne.

M. de Brouckere. - Sans désapprouver les observations du préopinant, je vais en faire quelques-unes qui tombent sur des frais dont on a demandé l’allocation ; on a fait des abus de chiffres, et j’en trouve la preuve au budget de l’année dernière, où certaines sommes demandées aujourd’hui ne sont pas portées.

Les frais de bureau du major-général sont fixés à 10,100 fr. ; on a déjà fait remarquer que cette somme était de beaucoup supérieure à ce qu’il faut réellement pour les frais de bureau, et le ministre a lui-même reconnu que c’était une espèce de gratification. Quant à moi, je ne veux pas de gratifications indirectes ; si le traitement actuel ne suffit pas, qu’on demande un chiffre plus élevé ; je serai peut-être un des premiers à l’accorder.

Je vois ensuite 3,800 fr. alloués au commandant en chef de l’artillerie pour ses frais de bureau, et je trouve pour l’inspecteur-général de cette arme 3,150 fr. Cependant, si je suis bien informé, le commandant en chef et l’inspecteur-général ne font qu’un.

La même observation s’applique au commandant en chef du génie, qui est aussi, je crois, inspecteur-général. (M. le ministre des affaires étrangères fait des signes négatifs.) Je sais qu’en ce moment vous êtes remplacé ; mais les deux allocations sont postées au budget.

Il y a aussi abus dans les frais de bureau demandés pour l’intendant en chef de l’armée, et qui s’élèvent à 12,600 fr., alors que nous, nous savons qu’il y a dans les bureaux de l’intendance plusieurs employés payés directement par le gouvernement. Je ne puis donc croire qu’on dépense les 12,000 fr., et ces sommes n’étaient d’ailleurs pas au budget de l’année dernière ; ce sont d’heureuses innovations introduites au profit de quelques personnes. Voilà sur quoi portera la réduction que je proposerai, si M. le ministre ne me donne pas les explications convenables.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - On vient de parler des frais de bureau alloués au major-général de l’armée ; je crois devoir déclarer qu’il était porté 4,800 florins au budget de l’année dernière : les frais de bureau de l’intendant général, aujourd’hui portés à 12.600 fr., étaient l’année dernière au budget pour 6,000 florins. La seule augmentation faite est pour l’inspecteur-général du service de santé, auquel il est alloué 2,200 francs ; il avait l’année dernière 1,500 fr., mais comme il fit observer que cela ne lui suffisait pas, j’avais détaché un employé du ministère, lequel recevait 1,200 fr. Au 1er janvier, j’ai fait rentrer l’employé et j’ai proposé de fixer l’allocation à 2,200 fr. Je déclare de nouveau que c’est la seule augmentation faite ; toutes les autres sommes dont on a parlé étaient au budget de l’année dernière.

M. de Brouckere. - J’ai ici le budget, et je ne trouve nulle part ces articles.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - C’est que sans doute vous tenez le budget sur pied de paix.

M. de Brouckere. - C’est juste ; restent toujours le chiffre trop élevé alloué à l’état-major, et le double emploi des commandants en chef de l’artillerie et du génie. Si ces messieurs ont besoin d’une somme double, on doit la demander, mais ne pas nous induire en erreur par de fausses indications. Je n’ai jamais refusé de fonds quand les dépenses m’ont paru nécessaires ; et si elles ne le sont pas, je voterai contre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet). - Un arrêté royal a fixé les frais de bureau des inspecteurs-généraux de l’artillerie et du-génie ; ce même arrêté a fixé les frais de bureau des commandants en chef de ces armes ; mais il ajoute que, dans le cas où le même individu serait en même temps commandant en chef et inspecteur-général, il ne toucherait les frais de bureau que du commandant en chef. Il peut y avoir double emploi pour l’artillerie, mais j’affirme qu’il n’existe pas pour le génie.

M. Jullien. - J’ai soutenu le principe qu’il fallait décider s’il convenait d’allouer des indemnités étant la conséquence du pied de guerre, et qu’elles devaient être considérées comme éventuelles ; M. le ministre de la guerre a répondu quant à l’application, mais il n’a rien dit du principe. Aussi longtemps, messieurs, que nous ne serons pas en guerre, il n’est pas possible qu’on pense à voter des crédits et allocations pour le pied de guerre.

Voilà les explications que je demande, et des raisons qui me seront données dépendra mon vote, parce qu’alors que je saurai qu’une somme votée ne sera dépensée que quand l’armée sera véritablement en campagne, je serai moins parcimonieux que si les sommes doivent être dépensées en temps de paix. J’insiste donc pour qu’on discute le principe, et quand nous arriverons au chapitre, l’application se fera de nouveau.

M. le président. - Voici un amendement de M. de Brouckere :

« Je propose de réduire l’article premier du chapitre 3 de 14,500 francs, et de le fixer à 150,000 fr. »

M. de Robaulx. - Je prends la parole, messieurs, pour faire remarquer que ce qu’a dit l’honorable M. Jullien provoque une décision, et je demande qu’il dépose un amendement afin que nous puissions décider.

M. Jullien. - Je m’occupe d’en rédiger un.

M. Gendebien. - Messieurs, à la vue du tableau mis sous nos yeux par la cour des comptes, on est scandalisé des dépenses faites en pure perte : on voit le traitement du chef d’état-major de 16,900 fr. finir par s’élever à 52,900 fr., moyennant toute espèce de rétributions allouées sous des prétextes spécieux. Je demanderai où la nécessité, l’utilité même d’accorder un fourgon et 4 chevaux, dans un pays percé de nombreuses routes, couvertes de diligences et voitures publiques ; dans notre petit pays, qu’on peut fort à l’aise parcourir dans un jour d’un bout à l’autre de la frontière. Je concevrais à peine cela s’il s’agissait d’aller à la conquête de la Russie (on rit) ; encore serait-ce très souvent inutile. Nous n’avons pas besoin de tout cet attirail pour faire une guerre d’attente ; j’appuie, par ces motifs, l’opinion de M. Jullien, qu’on ne peut accorder des fonds pour le pied de guerre quand l’armée n’est que sur le pied de rassemblement. Il est donc urgent de supprimer tout ce luxe, toutes ces superfétations qui sont plus nuisibles qu’utiles.

N’est-il pas étrange de voir, outre un traitement élevé, accorder des fourrages pour douze chevaux, des rations de vivres, comme si le traitement ne suffisait pas ; en outre de cela, donner encore des frais de représentation, payer des indemnités de logement, enfin fournir quatre chevaux et un fourgon, et payer la solde du conducteur ? S’imagine-t-on que nous voulons briller par le luxe ? Avaient-elles du luxe les quatorze armées de la France qui firent trembler l’univers ? Alors il n’y avait pas d’habits dorés ; les officiers portaient des épaulettes en laine et non des épaulettes d’or ; et cependant ils étaient en mesure de conquérir l’univers. Je ne vois aucune utilité dans ces fourgons, et je demande que le ministre nous explique, pas même la nécessité, mais l’utilité.

M. le président. - Voici un amendement déposé par M. Jullien :

« Les fonds portés au budget pour allocations ou indemnités de tous genres, comme étant la conséquence du pied de guerre, ne seront disponibles qu’au cas de reprise des hostilités, ou quand l’armée entrera en campagne. »

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je vais rétablir les faits relatifs aux allocations des officiers-généraux de l’armée, et un peu dénaturés par les honorables préopinants.

Un général de division reçoit, en temps de paix comme en temps de guerre, un traitement de 16,900 fr. ; en temps de guerre, il lui est alloué pour frais de table et de représentation, 7,680 fr., plus un fourgon ; l’entretien de ce fourgon et la solde du conducteur, 870 fr. ; ce qui fait ensemble 25,450 fr. Le général de division a droit à 18 rations de vivres de campagne, et 12 de fourrages, avec lesquelles il doit pourvoir à la nourriture de ses chevaux. L’officier général a indispensablement besoin d’un caisson au moins, pour le transport de ses effets et des archives du corps qu’il commande.

Le général de brigade reçoit, en paix comme en guerre, un traitement de 11.600 fr. pour le temps de guerre, 4,210 fr. pour frais de table et de représentation, et 690 fr. pour un fourgon, ce qui fait en totalité 16,500 fr. ; il a en outre droit à 12 rations de vivres et 8 rations de fourrages ; mais pour son fourgon il faut au moins deux chevaux.

Si ces officiers-généraux ne reçoivent pas les vivres en nature, ils ont droit à une indemnité de 42 c.

Le lieutenant-général chef de l’état-major reçoit en plus de son traitement 4,800 fl., somme accordée par l’ancien gouvernement et qui fait bien les 10.000 fr. demandés. Comme je l’ai déjà déclaré, le major-général de l’armée reçoit cette somme sous le titre de frais de bureau ; mais ce n’est pas seulement pour les seuls frais de bureau, mais aussi comme supplément de traitement ; c’est la somme fixée par l’arrêté du 29 mars 1815 : elle a été portée au budget en 1832 et elle est également au budget de 1833.

On a payé le loyer du local destiné à recevoir les bureaux de l’état-major général, parce que ces frais ne peuvent retomber à la charge personnelle du chef de l’état-major.

M. Brabant, rapporteur. - A propos de frais de bureau, on est entré dans la discussion des vivres de campagne et des fourrages ; alors je resterai sur ce terrain ; aussi bien aurons-nous moins à discuter quand nous arriverons au chapitre 8.

Je trouve exagéré le nombre de rations allouées par l’arrêté du mois de septembre 1831. Je ne saurais pas apprécier au juste les besoins de l’armée, parce que je n’ai jamais servi ; mais je m’appuierai de l’acte d’un homme, juste appréciateur de ces matières-là ; cet acte prouve l’exagération de l’arrêté de 1831 ; il suffirait de faire connaître la date pour vous prouver le poids de l’opinion que je cite ; c’est d’un décret du 30 juin 1810 que je veux parler. Je crois qu’allouer ce que par le décret Napoléon accordait pour frais de table et de représentation, rations de vivres et de fourrages, pourra sans doute satisfaire tout le monde.

Quant aux frais de bureau, dépense déguisée, allouée au chef de l’état-major comme supplément de traitement, je ne la trouve pas trop élevée. Je tiens en mains le budget français, et je vois que le lieutenant-général commandant à Alger reçoit 54,000 francs, non compris les allocations pour fourrages et vivres de campagne. (Interruption.)

- Plusieurs voix. - Nous n’avons pas de commandant en chef.

M. Brabant, rapporteur. - Nous avons un major-général qui en fait les fonctions.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! C’est le Roi qui commande l’armée.

M. Brabant, rapporteur, continuant. - A Alger, le colonel chef de l’état-major reçoit 18,000 fr., non compris les rations de fourrages et les vivres de campagne.

Si donc on compte 16,900 fr. d’un côté, et 10,100 fr. de l’autre, on trouve 27,000 fr. pour le major-général ; je crois que ce chiffre n’est pas trop élevé, et je le défendrai.

M. Osy. - L’année dernière les frais de bureau ne s’élevaient qu’à 136,000 fr. ; il y a donc cette année augmentation de 2,500 fr. M. de Brouckere propose de réduire 14,500 fr., et moi je propose une réduction de 28,500 fr., ce qui reportera l’allocation au taux de 1832.

M. Brabant, rapporteur. - M. le ministre de la guerre a donné des explications étendues sur cet article, elles se trouvent dans mon rapport à la page 8 ; l’allocation du major-général est la même qu’en 1832, mais alors il n’avait que 4 généraux de division recevant des frais de bureau, et aujourd’hui il y en a 6 ; ensuite on en accorde aux généraux commandant les brigades, on leur alloue 430 fr., ce qui certes n’est pas trop élevé ; un officier supérieur m’a même assuré que le général commandant la brigade à laquelle il appartient, dépense une somme double de celle qui lui est accordée. Voilà d’où provient l’augmentation du budget de 1833.

M. le président. - Voici un amendement de M. Osy, qui propose une réduction de 28,500 fr., et de fixer l’article à 136,000 fr.

M. Jullien. - Je crois, messieurs, que la chambre doit décider le principe que j’ai soulevé ; personne encore n’a répondu un seul mot à ce que j’ai dit ; il est cependant bien naturel de décider d’abord ma proposition, à savoir s’il faut accorder éventuellement des fonds sur le pied de guerre. Si on rejette ma proposition, alors je voterai contre tous les crédits demandés pour l’armée. Si, au lieu de cela, on l’adopte, je ne ferai aucune difficulté de voter des fonds qui ne devront être dépensés qu’utilement.

Quant à l’exemple cité et la comparaison qu’a voulu faire M. Brabant avec un officier-général de l’armée d’Afrique, il est certain que, lorsqu’on envoie un officier sur le sol brûlant de l’Afrique, il doit être mieux rétribué que pour rester à Bruxelles. Enfin, nous ne sommes pas en guerre, et il serait absurde d’accorder des allocations de campagne, alors que chacun reste chez soi.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Il est impossible, messieurs, de passer subitement du pied de paix au pied de guerre. Ce n’est pas dans un seul jour qu’un officier-général peut se monter et s’équiper. Une partie des troupes est toujours comme en campagne. Ainsi, vers le 15 avril, il y en aura une fraction de campée, et les officiers-généraux exerceront les troupes. Enfin, dans la position de la politique extérieure, il me semble que les troupes doivent être sur le pied de guerre, toujours prêtes à se porter vers l’ennemi ; et l’on doit rester dans cet état jusqu’à ce que l’on sache si l’on doit se battre ou faire la paix.

M. Gendebien. - Je ne comprends pas bien quelles difficultés il y aurait à faire passer les officiers-généraux du pied de paix au pied de guerre, rien de plus facile, me semble-t-il, que de leur donner, à l’instant où on le désire, des vivres de campagne et des fourrages, surtout si l’on considère que les généraux de division doivent avoir 12 chevaux, et qu’il n’y en a peut-être pas un qui les ait ; alors ils reçoivent une indemnité de 42 c. pour leurs rations de fourrages.

Je répéterai à ce sujet ce qui s’est déjà dit au commencement de cette séance, que la constitution défend d’accorder des gratifications, sauf les autorisations données par la loi.

On a dit que le chef de l’armée d’Afrique recevait 54,000 francs ; mais, d’après le compte que j’ai fait, le major-général de notre armée reçoit 64,000 fr., ce qui fait 10,000 fr. de plus, et le major-général de l’armée d’Afrique ne reçoit que 18,000 fr. Je ne prétends pas que cette dernière somme soit suffisante : accordez 25,000 fr., 30,000 si vous le voulez ; mais sachons au moins où s’arrêtent les prodigalités.

Je crois qu’on peut discuter les amendements présentés par M. de Brouckere et par M. Osy, sauf à revenir sur les allocations extraordinaires lors de la discussion sur le chapitre 8.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je dois rétablir un fait qui a été mal interprété. Les officiers-généraux, comme les autres officiers, n’ont droit aux rations de fourrages que quand ils ont réellement les chevaux, et l’indemnité de 42 centimes qui leur est accordée sur le pied de guerre n’est qu’un excédant sur le pied de paix ; ainsi, un général de division doit avoir en temps de paix 4 chevaux et 12 en temps de guerre ; dans ce dernier cas il reçoit une indemnité de 42 centimes pour les 8 chevaux excédant là où il n’est pas distribué de rations de campagne, mais non pour représentation de la ration de fourrages. A Bruxelles, par exemple, on ne délivre pas de rations de campagne, et le lieutenant-général commandant l’état-major n’a droit qu’à une indemnité de 42 c.

M. Osy. - Je demanderai si les officiers ont toujours le nombre de chevaux voulu par le règlement, et je désirerais savoir comment les rations leur sont accordées.

M. le général Nypels., commissaire du Roi. - Les demandes faites au budget ne sont que des prévisions ; les officiers ne reçoivent de rations que pour le nombre de chevaux qu’ils possèdent réellement. Si un général de brigade n’a que quatre chevaux il ne reçoit que quatre rations ; s’il en achète un cinquième, un sixième, il reçoit alors une cinquième, une sixième ration. Le nombre de chevaux, pour un général de brigade, n’est pas trop considérable, car il lui faut au moins deux domestiques, qui doivent être montés, un cheval de remplacement, un cheval qui peut être tué : car il faut bien espérer, messieurs, qu’il y en aura de tués.

M. Osy. - Je sais bien comment cela se fait ; mais je demande si véritablement cela se fait, et si les officiers ne reçoivent pas des rations pour des chevaux qu’ils n’ont pas ?

M. Brabant, rapporteur. - On se fait une très fausse idée du tableau, remis par la cour des comptes ; ce tableau n’indique pas les sommes qui ont été payées, mais seulement celles qui pourraient être payées en exécution des règlements : c’est pour cela qu’il porte douze rations de fourrages pour les généraux de division.

M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Les rations de fourrages ne sont accordées qu’aux officiers qui ont des chevaux et ceux qui reçoivent plus de rations qu’ils n’ont de chevaux, commettent une action répréhensible, et prennent dans la poche du gouvernement ce qui ne leur revient à aucun droit.

M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, je vais mettre l’amendement aux voix.

M. Brabant, rapporteur. - Nous ne discutons en ce moment que des chiffres ; la proposition de M. Jullien ne vient pas ici à sa place ; elle doit venir aux articles de la loi, parce qu’alors nous accordons une somme pour le budget, sous telles clauses et conditions qui nous conviennent.

M. de Robaulx. - Il me paraît cependant qu’on doit donner la priorité à la proposition de M. Jullien, parce que si elle est adoptée, on consentira, au moins certains membres, à des allocations que dans le cas contraire ils rejetteraient.

Nous devons aussi bien savoir en quoi consistent les indemnités, et si les fourrages ne doivent être accordés qu’autant que les officiers ont des chevaux ; c’est aux intendants militaires à mettre la plus scrupuleuse investigation dans le contrôle des rations accordées.

M. Jullien. - Ma proposition est arrivée à sa place, il est indispensable, avant d’aller plus loin, de connaître ce qui concerne le pied de guerre. Il s’agit en ce moment de décider le principe, plus loin nous en ferons l’application ; je crois en effet que sa place dans la loi doit être à l’article premier, mais c’est à présent que nous devons décider.

M. Dumortier. - L’abus signalé est véritablement scandaleux. Ce sont ceux qui sont établis par la loi pour contrôler les rations qui donnent l’exemple de cette mauvaise conduite. La plupart des intendants n’ont pas de chevaux et touchent en numéraire des fourrages qu’ils devraient recevoir en nature. Si ce fait, que l’on m’a assuré, est vrai, comment voulez-vous que le désordre n’ait pas lieu dans l’armée ? J’ai des motifs de croire le fait positif pour les intendants qui ne sont pas à Bruxelles. Personne ne veut supprimer les rations aux chevaux qui sont présents, mais on ne peut pas les donner pour des chevaux qui n’existent pas.

M. Brabant, rapporteur. - L’article en discussion comprend en grande partie des frais de bureau, qui doivent s’allouer sur le pied de paix. Les trois quarts de notre armée sont sur le pied de rassemblement : on ne peut pas refuser des frais de bureau au général commandant à Gand, au général qui commande les troupes sur la frontière zélandaise.

M. Gendebien. - Je voudrais bien qu’on m’expliquât catégoriquement en quoi consistent les frais de bureau pour les généraux de division. Un général de brigade ne reçoit pour ces frais que 430 fr, et les dépense bien ; mais il y a loin de cette somme à celle de 2,500 fr. accordée au général de division.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Le général de division n’a pas de frais de bureau ; il y a un colonel, un lieutenant-colonel près de chaque général de division, qui est chargé de L’administration. Les anciens règlements accordaient 100 florins par mois. Ces frais consistent dans le matériel de la correspondance et dans le traitement des employés qui sont souvent des sous-officiers auxquels on donne 4 ou 500 fr. ; mais quelquefois ce sont des employés civils qui reçoivent 1,200 fr. au moins par an.

Les généraux de brigade ont aussi la fixation du règlement existant.

M. H. Vilain XIIII. - Il est accordé une indemnité au vaguemestre-général de l’armée dans le budget, je ne vois pas dans quel article il est porté.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Le vaguemestre est ordinairement un capitaine de cavalerie. Il reçoit, en sus de son traitement de capitaine, une indemnité de 1,200 fr.

M. Jullien. - Les frais de bureau sur le pied de guerre sont-ils plus forts que sur le pied de paix ? On dit que nos troupes sont sur la frontière ; mais l’armée, à moins d’être à Bruxelles, est sur la frontière.

- La question est mise aux voix et la chambre accorde la priorité à la proposition de M. Jullien.

M. le président. - On sait que cette proposition est celle-ci : « Les fonds alloués à titre d’indemnité de tout genre, comme étant la conséquence nécessaire du pied de guerre, ne seront disponibles qu’en cas d’hostilité et quand l’armée entrera en campagne. »

M. de Brouckere. - Donnons à M. le ministre le temps de prendre des renseignements ; la question paraît assez grave ; renvoyons la délibération à demain ; il est plus de 4 heures.

- De toutes parts. - Oui ! oui ! A demain !

- La séance est levée : il est environ 4 heures et demie.