Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 31 août 1833

(Moniteur n°245, du 2 septembre 1833 et Moniteur belge n°246, du 3 septembre 1833)

(Moniteur n°245, du 2 septembre 1833)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Liedts fait l’appel nominal à midi et demi.

- MM. les ministres de la justice, des finances, de l’intérieur sont présents.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission spéciale des pétitions.

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l'exercice 1833

M. le président. - Nous en étions restés à la discussion générale sur la dette ; nous passons à la discussion des articles.

Rapport de la section centrale

Chapitre premier. Dette constituée

M. Dumortier, rapporteur, est appelé à la tribune. - Messieurs, votre section centrale, chargée de l’examen de la partie du budget relative a la dette publique, m’a chargé de vous faire son rapport sur deux propositions qui lui ont été renvoyées et qui ont pour objet deux augmentations de crédits.

L’une de ces propositions a été faite par M. le ministre des finances ; elle consiste à demander que le chiffre présenté pour les paiement des intérêts et de l’amortissement de l’emprunt de 100 millions soit porté à 160,000 fr., au lieu de 100,000 fr.

La seconde a été remise par M. le ministre de la justice, et elle consiste à accorder un supplément de crédit montant à 29,583 fr. afin de faire face aux besoins des pensionnaires de l’ordre judiciaire.

Je vais avoir l’honneur de vous présenter les observations faites par la section centrale sur ces deux points.

En ce qui concerne la demande de M. le ministre des finances, je dois dire que la section centrale a examiné avec la plus scrupuleuse attention tout ce qui y touchait, et qu’elle est parvenue par là à découvrir un fait qui vous causera quelque étonnement.

En vertu du traité passé avec M. Rothschild pour la négociation de l’emprunt de 100 millions, il était accordé à cette maison Rothschild 1 p. c. sur le paiement des intérêts, et 1 p. c. sur le paiement de l’amortissement : paiements dont elle était chargée.

L’amortissement n’a lieu que sur la seule place de Paris. Quant au paiement des intérêts, il peut avoir lieu sur les places de Londres, Paris, Bruxelles et Anvers ; vous avez vu que l’emprunt a été stipulé en livres sterling, au taux fixe de 25-20. Ce paiement entraîne des pertes pour le change ; mais la perte du change ne peut exister sur Bruxelles, Anvers, et est très peu de chose sur Paris ; il en est autrement des paiements sur Londres. Le change est variable de sa nature et quelquefois nous sommes obligés de fournir une différence assez grande. Lorsque la section centrale a publié son rapport, elle a voulu garder le silence sur ce point, afin que le trésor pût profiter de l’avantage que trouvent les porteurs de coupons à se faire payer à Londres.

En effet, en se faisant payer les coupons à Londres, vous êtes obligés de rembourser au taux de 25-20, et même de 25-80, au lieu de 25-20.

Toutefois nous avons appris qu’un grand nombre de coupons ont été payés à Bruxelles et à Anvers, et que, nonobstant ce fait, on réclame pour le change la même somme que si l’intégralité des coupons avait été payée à Londres. Pour satisfaire à cette réclamation, il est en effet nécessaire d’augmenter le chiffre de 100,000 fr. porté à l’article 3 du chapitre premier, ainsi que le demande M. le ministre des finances.

Que la maison Rothschild fasse ses affaires comme elle le voudra ; qu’elle s’occupe de ses intérêts, rien de mieux ; mais que la banque de Bruxelles, caissier de l’Etat, après avoir remboursé les bons en cette qualité, les envoie à Londres afin de profiter du change et de faire un bénéfice de 2 p. c. sur le trésor du pays, c'est ce que l’on ne peut assez blâmer et nous devons signaler ce fait, pour que la nation sache comment la banque agit envers l’Etat auquel elle prétend rendre les plus grands services, elle qui se donne comme une Providence.

L’administration étant dans l’impossibilité d’empêcher cet abus, nous avons devoir le publier à la tribune nationale, pour que les porteurs de coupons profitent eux-mêmes des bénéfices du change qui, avons-nous dit, produisent, terme moyen, 2 p.c.

Le montant des intérêts annuels est de 200 mille livres sterling, au taux de 25-20 ; en donnant 1 p. c. sur le paiement des intérêts, il faut porter au budget de ce chef 50,400 fr. C’est ce que l’on doit à la maison Rothschild. A cela il faut ajouter 10,080 fr. pour l’amortissement à raison de 1 p. c. L’amortissement se fait à Paris seulement, et il ne peut occasionner de perte pour le change. La perte pour le change n’est occasionnée que par le paiement des coupons à Londres. Nous avons estimé le change à raison de 25-62 ; en prenant la différence au taux de 25-20, nous croyons que 84,000 fr. doivent suffire pour faire face à la perte que le change fait éprouver. Cette somme, réunie aux sommes dues pour le paiement de l’intérêt et de l’amortissement, forme le total de 144,480 fr.

Nous reconnaissons que le chiffre de 100,000 fr, porté au budget, doit être majoré si l’on suppose tous les coupons payés à Londres, et nous avons l’honneur de vous proposer de le porter à 150,000 fr. en le considérant comme un crédit ouvert.

Chapitre II. Rémunérations

J’ai maintenant à vous parler de la seconde demande relative au crédit supplémentaire de 29,583 fr. pour les pensions judiciaires.

Il résulte de la note remise par M. le ministre de la justice que les pensions accordées à l’ordre judiciaire forment un total de 64,252 fr. Des pensions ont été accordées par arrêtés royaux en date du 30 décembre 1832. Le 31 du même mois ces arrêtés ont été transmis au ministre des finances, avec prière de les inscrire au grand-livre ; le ministre des finances n’a pas cru devoir déférer à cette prière, et la somme n’a été portée à la dette publique que pour la moitié ou pour le second semestre. Cependant, le ministre de la justice ne peut refuser le paiement de ces pensions, et c’est pour couvrir cette dépense qu’il vient demander 29,583 fr.

La section centrale propose d’accorder le crédit. En général les pensions sont accordées à des personnes âgées, infirmes, qui ne peuvent plus remplir les fonctions judiciaires et on peut dire qu'elles ne sont pas liquidées à un taux trop élevé.

En comparant le budget de l’an 1833 au budget précédent, nous avons fait la remarque que le budget de 1832 contenait à la suite des pensions un crédit pour pensions à liquider pendant l’année dans tous les ministères ; il nous paraît que cette manière d’opérer est plus régulière que celle de porter une somme à chaque département pour les pensions de ce département. En rassemblant toutes les pensions dans un seul chapitre, on peut apercevoir plus facilement quelles sont les charges de l’Etat.

Ce procédé serait plus rationnel ; il serait encore légal. Le décret du 27 février 1811 porte : « Aucun ministre ne peut payer les pensions sur les fonds de son département. »

En vous proposant d’accorder le crédit demandé au ministre de la justice, nous vous proposons en même temps de former pour ces pensions un chapitre spécial qui porterait ce titre : « Pensions de toute nature à liquider dans le cours de l’année. » Et nous vous proposons ensuite, après avoir examiné les divers budgets, de reporter tous les chiffres des pensions dans un seul chapitre, comme on l’a fait l’année dernière. Cette manière de procéder sera plus profitable au trésor et aux contribuables, en attirant davantage votre attention.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je désire qu’il ne soit pas donné suite à la dernière proposition faite par M. le rapporteur, proposition dont j’apprécie la convenance, mais qu’il serait impossible d’exécuter cette année. Je n’ai pas pu laisser jusqu’au mois de septembre les pensionnaires de l’ordre judiciaire sans leur faire toucher les pensions qu’ils ont obtenues ; ces pensions sont pour la plupart leur seul moyen d’existence. La marche signalée par M. le rapporteur ne peut être suivie que dans l’exercice de 1834. Il y a un fait qui s’oppose à ce qu’on la suive dans l’exercice courant, c’est le paiement effectué sur les crédits provisoires alloués à mon département.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Dette constituée

Article 3

M. le président. - Veut-on discuter maintenant la proposition relative aux frais de paiement de l’intérêt de la dette et de son amortissement ?

M. Verdussen. - Je désirerais que cet objet fût remis à lundi pour qu’on pût lire dans le Moniteur le rapport de la section centrale.

- Plusieurs voix. - C’est inutile ; il n’est question que de chiffres.

M. Verdussen. - Je retire la proposition.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je me rallie à la proposition de la section centrale ; j’admets le chiffre de 150,000 fr. pour les frais de paiement de l’intérêt de la dette et de l’amortissement.

- Le chiffre de 150,000 fr., mis aux voix, est adopté.

M. Legrelle. - D’après l’exposé de M. le rapporteur de la section centrale, vous devez sans doute vous féliciter d’avoir adopté la proposition que j’ai eu l’honneur de vous faire hier, malgré l’opposition de certains membres et leur empressement de vous faire admettre une augmentation de crédit demandée par le ministre des finances. Je fais cette observation, afin qu’à l’avenir nous mettions toujours la même prudence avant d’adopter des majorations.

Le fait que l’examen de la section centrale a mis au jour est curieux, et vous démontre combien nous sommes en arrière sur les connaissances financières ; combien sont plus fins que nous ceux avec lesquels nous traitons. Permettez-moi ces termes vulgaires ; mais il faut appeler les choses par leur nom.

Les coupons étant exigibles à Paris, Londres, Bruxelles et Anvers, et le gouvernement belge n’étant obligé de faire les fonds que pour Paris, il en résulte qu’il peut y avoir une perte par rapport au change. A Bruxelles et à Anvers, le gouvernement n’a rien à supporter sur ce point ; l’éventualité des pertes résulte seulement des paiements faits à Londres et à Paris, et surtout à Londres. Le paiement du change est stipulé par l’article 3 du traité passé avec la maison Rothschild ; mais cet article ne nous oblige à payer que pour une partie de l’emprunt et non pour la totalité. C’est pourquoi la section centrale avait cru que la somme de 100,000 fr. était suffisante.

La Belgique doit 1 p. c. pour la commission du paiement des intérêts, ou 50,400 fr. ; elle doit 1 p. c. pour la commission du paiement de l’amortissement, ou 10,080 fr. ; en tout 60.480 fr. : en ajoutant 40,000 fr. pour le change, on avait la somme ronde de 100,000 fr. à peu près.

Mais pour le premier semestre les coupons échus en mai de cette année ont tous été présentés comme s’ils avaient été payés à Londres, et la perte du change a été calculée sur cette hypothèse évidemment fausse : est-ce là l’esprit du contrat ? Ou la maison Rothschild a violé le contrat, ou la banque de Bruxelles n’a payé aucun coupon.

Si la banque de Bruxelles a payé des coupons à Bruxelles ou à Anvers, qu’en a-t-elle fait ? Les a-t-elle envoyés à la maison Rothschild de Londres ou bien les a-t-elle fait tourner à son profit en les envoyant à Londres ?

Devant des faits pareils ne devons-nous pas redoubler de défiance envers ceux qui manient nos finances ? Je n’accuse pas le ministre des finances parce qu’il n’a aucun contrôle sur les opérations de la banque, et qu’il ne peut rien vérifier. Mais est-il convenable de laisser un caissier de l’Etat sans contrôle ?

Je désire que nous puissions établir des moyens de contrôler le caissier général de l’Etat. Nous devons aussi rechercher les moyens de faire restituer ce qui a été indûment payé pour le change : si on trouve de tels moyens, j’en voterai l’adoption.

J’invite M. le ministre des finances à prendre les mesures nécessaires pour empêcher le renouvellement de pareils abus. Si nous sommes obligés de supporter la perte d’un change sur la somme entière, je crois alors qu’il est nécessaire d’éclairer le pays sur ce qui se passe, afin que les porteurs d’obligations profitent eux-mêmes de la différence du change. Ce bénéfice peut s’élever à 2 p. c.

M. Verdussen. - Que le ministre demande au caissier de l’Etat une note des coupons payés à Londres, à Paris, à Bruxelles et à Anvers avec cette note nous saurons bien prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’abus.

M. Dumortier. - Il y a encore une considération à laquelle il faut avoir égard ; c’est que les fonds de l’amortissement ne peuvent produire de différence, puisque l’amortissement se paie à Paris et n’est pas sujet au change.

M. Verdussen. - Je demande que la note que M. le ministre des finances est en droit d’exiger de la banque mentionne les coupons payés pendant le premier semestre de cette année.

M. Lardinois. - La banque a-t-elle été chargée de payer les coupons comme caissier de l'Etat, ou bien a-t-elle agi comme banque ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier). – Elle paie les coupons comme caissier de l'Etat.

M. d’Huart. – Je demande que la proposition de M. Verdussen soit insérée au procès-verbal.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) – Je me conformerai aux désirs de la chambre, et je ferai mes efforts pour obtenir ce qu'elle désire.

- Le chiffre de 150,000 fr. est mis aux voix et adopté.

M. le président. – Voici la proposition de M. Verdussen :

« Je demande que M. le ministre des finances réclame de la banque, qui fait les fonctions de caissier de l'Etat, la note des coupons qui ont été payés à Bruxelles et à Anvers ; et, s'il est possible, celle des coupons payés à Londres et à Paris, et échus au 1er mai 1833. »

M. Legrelle. – Je crois qu'il faut dire : « Je demande que le ministre réclame la note… » ; il est inutile de mettre de qui il doit réclamer cette note.

M. Verdussen. – Je ne tiens pas à la rédaction de ma proposition écrite à la hâte ; mais je veux que la demande soit faite au caissier de l'Etat. Il ne faut pas que le caissier de l'Etat spécule à nos dépens.

- La proposition de M. Verdussen, mise aux voix, est adoptée.

Chapitre II. Rémunérations

Article premier

M. le président. – Vient la seconde proposition de la section centrale. M. le ministre de la justice a demandé que cet article soit renvoyé à la discussion de son budget.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Ce n'est pas tout à fait cela que j’ai demandé ; j’ai demandé que l’on ne donnât suite à la dernière proposition de M. Dumortier que pour le budget de l’exercice 1834 ; j’ai fait observer qu’il était impossible de l’exécuter cette année parce que j’ai fait, sur les crédits provisoires qui m’ont été alloués, le paiement du premier semestre de 1833 des pensions de l’ordre judiciaire qui n’ont pas pu être inscrites au ministère des finances. Ce paiement était indispensable, parce que les pensionnaires ne vivent guère que du produit des retraites qu’ils ont obtenues. Il faut tenir note de la proposition de M. Dumortier, afin que l’année prochaine on puisse en faire usage.

M. Dumortier, rapporteur. - La section centrale n’insiste pas sur l’adoption de la proposition qu’elle a faite. Cependant si, dans les ministères autres que celui de la justice, on n’avait pas porté les pensions pour paiements anticipés, on pourrait réunir les pensions de tous ces ministères ; du moins l’année prochaine on ne fera qu’un chiffre de toutes les pensions.

M. le président. - Tout le monde est d’accord sur ce point.

Article 3

M. le président. - Nous en sommes restés à l’article 3 du chapitre II. « Subvention à la caisse de retraite : fr. 200,000. »

La parole est à M. Faider, commissaire du Roi.

M. Faider, commissaire du Roi. - Messieurs, vous m’avez écouté hier avec bienveillance, après l’heure qui marque habituellement la fin de vos séances ; je dois demander encore un moment d’attention, et je me flatte de l’obtenir, en parlant en faveur du service de plus de douze cents pensions, lorsque je viens de vous entendre discuter avec une si consciencieuse sollicitude la question des traitements d’attente, qui touche un bien moins grand nombre de nos concitoyens et à des besoins moins pressants.

Jusqu’ici je vous ai parlé du subside qui vous est demandé pour la caisse de retraite des employés du département des finances, soit comme d’un secours en leur faveur, mérité par leurs longs et pénibles services, soit comme d’une obligation dont l’arrêté-loi du 14 septembre 1814 assure l’exécution à leur égard, comme à l’égard de tous les fonctionnaires et employés de l’Etat.

Comme secours, cela serait évidemment nécessaire, puisqu’il est démontré que le versement de 3 p. c. de tous les traitements des employés en exercice ne peut pas suffire, et qu’un plus grand sacrifice ne peut raisonnablement être imposé.

Comme obligation résultant de la loi commune de 1814, cela ne peut être contesté qu’en déniant aux employés des finances leur titre d’employés de l’Etat, de serviteurs de la patrie, ce que vous ne ferez pas.

La circonstance que, sons l’ancien gouvernement, la caisse de retraite des employés des finances faisait son service avec un subside de 30,000 florins, ne peut pas influer sur vos opinions ; car vous avez reconnu, et par les crédits que vous avez précédemment votés, et par celui qui a fait l’objet de la loi du 10 juillet 1833, et par la proposition de votre section centrale, qu’une somme de 30,000 fl. ne suffit pas.

Il est certain, messieurs, que si la caisse de retraite n’avait pas eu d’autres ressources, soit en capitaux accumulés et portant intérêt, soit en d’autres subsides que l’ancien gouvernement lui fournissait, soit au moyen d’une législation élastique, et notamment au moyen de la loi de 1824, elle n’aurait pas pu pourvoir au paiement des pensions par une contribution de 2 p. c. sur les traitements des employés en exercice.

Au reste, de quelque manière que cela se fît, toujours est-il vrai que tant et si longtemps que le gouvernement n’employait pas, en paiement des pensions des employés des finances, une somme égale à celle que la loi de 1814 l’obligeait de payer pour cet objet, il pouvait en quelque sorte se croire à l’abri de tout reproche au fond ; et l’on sait que, pour ceux qu’il encourait pour les formes, il pouvait compter sur la plus grande indulgence.

Nous ne sommes pas dans cette position.

Ce n’est pas à titre de secours pour la caisse de retraite ; ce n’est pas pour l’acquit des obligations que la loi de 1814 impose au trésor public en faveur de tous les employés, que nous demandons 380,000 fr. La somme pétitionnée, sous le titre de subside à la caisse de retraite, n’est pas destinée à l’acquit des charges de cette caisse.

Si elle n’avait à servir que les pensions qu’elle doit, d’après son règlement, les versements que les employés en exercice y font, suffisent à peu de chose près, et une partie du subside de 30,000 fr. la mettrait au niveau de ses affaires.

Le trésor public n’aurait à supporter qu’une petite partie de la charge que l’arrêté-loi de 1814 lui impose.

Cette somme, messieurs, est destinée à payer les pensions liquidées et inscrites sous l’ancien gouvernement des Pays-Bas. Ces pensions n’incombent pas à la caisse de retraite organisée en Belgique, elles incombent à la Belgique entière ; c’est à la Belgique à pourvoir à leur paiement. Nous avons pour cet objet contracté une obligation solennelle par l’article 22 du traité du 15 novembre, que l’on invoquait hier de toutes les parties de la chambre pour une autre somme à laquelle celle dont nous nous occupons ne le cède ni en importance ni en intérêt.

Et si je vous dis que la somme de 380,000 fr., dont il s’agit, est inférieure à celle des anciennes pensions auxquelles l’article 22 du traité de 24 articles s’applique, vous serez forcés de reconnaître que, loin de pouvoir la réduire à 200,000 fr., elle devrait être majorée à son juste montant, et que la caisse de retraite actuelle est créancière du trésor public pour tout ce qu’elle en a payé jusqu’ici au-delà des subsides que vous lui avez accordés.

En effet, messieurs, les anciennes pensions, d’après les données que j’ai reçues, sont au nombre de 862, et présentent la somme de 412,632 fr. En outre, 68 ont été reversées sur les veuves et les orphelins, et présentent la somme de 25,569 fr. Total : 438,201 fr.

En attendant que l’administration de la caisse fasse son compte, et démontre pour quelle somme elle est et sera en avance vis-à-vis du trésor public, elle compte faire le service pour toutes les pensions au moyen des 380,000 fr. que le gouvernement vous demande.

La demande est fondée en titres incontestables, savoir : l’arrêté-loi du 14 septembre 1814, et l’article 22 du traité du 15 novembre.

La somme est au-dessous de celle qui est due.

Vous ne pouvez pas la refuser.

Je conclus au rejet de l’amendement proposé par la section centrale.

M. Donny. - Messieurs, dans la séance précédente, M. le commissaire du Roi a fait une espèce d’appel à notre bienveillance en faveur des employés du département des finances. Il m’a semblé comprendre que M. le commissaire du Roi était dans l’idée que la chambre n’avait pas toujours accordé à ces employés les encouragements et la considération nécessaires. Je ne sais pas, messieurs, si jamais la chambre a refusé à ces fonctionnaires les encouragements qu’ils méritaient.

Je ne sais pas davantage si jamais la chambre les a traités d’une manière peu honorable ; mais je sais que, quant à moi, je désire, autant que M. le commissaire du Roi, que ces employés soient encouragés dans leurs pénibles fonctions, et qu’ils soient entourés de la considération publique ; je trouverai probablement dans les discussions du budget l’occasion de faire savoir que ma sollicitude est au moins égale à la sienne.

Après cette déclaration, il doit m’être permis, messieurs, d’indiquer à M. le commissaire du Roi les moyens que je crois les plus propres pour approcher du but que nous désirons atteindre, lui et moi, et j’ose ajouter, toute la chambre avec nous.

Vous voulez que vos employés soient encouragés ; le meilleur encouragement que vous puissiez leur donner, c’est de faire à leur égard une application rigoureuse des préceptes de la justice distributive ; et lorsque vous porterez vos regards sur ce qui se passe depuis la révolution dans les différentes branches de l’administration, vous demeurerez convaincus, ainsi que je le suis, qu’en cette matière il vous reste encore de grands progrès à faire.

Vous voulez que les employés soient entourés de la considération publique ; pour cela il faut deux choses : il faut d’abord que, par leur conduite personnelle, ces employés se rendent dignes de cette considération ; et ce point, vous en conviendrez, dépend entièrement de vous, puisque c’est vous qui avez la nomination de ces fonctionnaires ; et qu’ainsi il dépend de vous de les choisir dans la classes des personnes dignes de l’estime publique.

Il faut encore que les fonctions dont vous les chargez ne soient vexatoires ni en réalité ni en apparence : quelque honorable que puisse être la conduite des employés, jamais vous ne les ferez considérer par le public quand ils exécuteront une loi de mouture, d’abattage, de droits réunis…, ou lorsque, par vos ordres ou vos instructions, vous les forcerez à exécuter des lois déjà sévères avec une rigueur qui approche du ridicule.

Et, par exemple, lorsque vous forcerez un vérificateur de l’enregistrement à mettre à l’amende un notaire belge, qui se sera permis, ainsi que font ses collègues de Paris, de mettre dans ses actes le mot Monsieur en abrégé (M.), au lieu de le mettre en toutes lettres. (On rit.) Je choisis cet exemple parce qu’il est puisé dans une branche de service qui doit être parfaitement connue de M. le commissaire du Roi.

Si vous voulez faire considérer vos employés, faites de bons choix, et hâtez-vous de nous proposer de bonnes lois financières, lois que nous sollicitons si vivement et depuis si longtemps.

J’en viens à présent au véritable objet de la discussion, à la caisse de retraite.

Il m’a semblé entendre hier que M. le commissaire du Roi considérait l’arrêté-loi du 14 septembre 1814 comme créant une obligation pour l’Etat d’accorder le crédit demandé pour la caisse de retraite ; il m’a semblé aujourd’hui, à la lecture fugitive que je viens d’entendre, que ce n’était plus tout à fait la même chose que M. le commissaire du Roi soutenait.

Quoi qu’il en soit, si M. le commissaire du Roi a entendu que la somme de 380,000 fr. qu’il demandait doit être accordée à titre d’obligation résultant de l’arrêté-loi, je lui dirai que, comme conséquence de cette loi-là, je ne puis admettre aucune obligation, et par suite aucun crédit ; et la raison en est fort simple.

Cet arrêté-loi autorise bien le Roi à conférer des pensions sur le trésor ; mais jusqu’ici il n’existe pas sur le trésor de pensions accordées par le Roi à des employés du département des finances, et il n’y a pas de crédit à faire pour des pensions qui n’existent pas.

Je crois que M. le commissaire du Roi s’est approché davantage du véritable état des choses lorsqu’il nous a dit hier que la caisse de retraite était une espèce de tontine créée en dehors de la loi du 14 septembre 1814, et qui n’empêchait pas les employés de faire valoir les droits que, suivant lui, cet arrêté leur conférer.

Je vais considérer l’institution de cette manière, et je demanderai à M. le commissaire du Roi si le subside accordé à cette tontine à titre de libéralité ou bien à titre d’obligation : s’il répond que c’est à titre de libéralité, je serai forcé de lui dire que, quelque soit ma sollicitude pour les employés des finances, elle ne peut aller jusqu’au point de me faire voter une libéralité aussi forte en la prenant sur les deniers publics, ou, si l’on veut, dans la poche des contribuables.

Si, au contraire, il me dit que c’est à titre d’obligation qu’il réclame le crédit, je lui demanderai où une obligation aussi étendue se trouve écrite ; il sera, je pense, fort embarrassé pour répondre à cette question d’une manière catégorique et satisfaisante.

Vous le savez, dans l’origine, l’Etat n’avait aucune obligation à remplir vis-à-vis de la caisse des retraites, c’est en 1822, pour la première fois, que l’Etat a contracté des obligations envers cette caisse, et ces obligations consistent dans la promesse faite par le roi Guillaume d’un subside annuel de 30,000 florins pour le royaume des Pays-Bas tout entier.

C’est là la seule obligation contractée ; c’est là la seule dette de l’Etat, si l’on peut considérer comme dette légale cette promesse du roi Guillaume

En calculant, d’après cette donnée de 30,000 florins pour tout le royaume des Pays -Bas, la partie de la dette qui peut tomber à la charge de notre budget, on trouvera que nous pourrons devoir 30 ou 40,000 fr. Je dirai, pour être très large, que notre dette se monte à 40,000 francs.

On m’objectera peut-être que déterminer la dette du royaume belge envers la caisse de retraite à la somme de 40,000 fr., c’est faire le procès à la section centrale elle-même, qui propose d’allouer 200,000 fr. Mais je répondrai qu’il n’en est pas ainsi ; que je suis persuadé qu’en accordant un crédit de 200,000 fr., la section centrale n’a pas entendu reconnaître par là qu’il n’en est pas ainsi ; que je suis persuadé qu’elle pense, comme moi, que la dette ne peut s’élever au-delà de 40,000 fr., et qu’elle n’a consenti à une majoration de 160,000 fr. qu’à titre de secours et parce qu’elle a pris en considération l’état dans lequel se trouve l’institution dont il s’agit par suite des circonstances politiques.

Vous savez, messieurs, que les fonds appartenant à cette caisse sont restés en Hollande, et qu’en conséquence elle se voit momentanément privée de la jouissance du revenu de ces fonds. C’est pour la tirer d’embarras, pour compenser cette privation momentanée de revenus, que la section centrale a accordé le secours temporaire de 160,000 fr. En considérant de cette manière l’allocation de 200,000 fr., je l’appuierai d’un vote approbatif.

Mais si je me trompais, si l’honorable rapporteur de la section centrale venait nous déclarer que le crédit de 200,000 fr. est porté au budget à titre de dette, alors je voterais contre toute allocation quelconque qui s’élèverait au-delà de 40,000 fr.

M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole.

M. Donny. - Mais, a dit M. le commissaire du Roi, 200,000 fr. ne suffisent pas ; vous l’avez vous-mêmes reconnu lorsque vous avez voté, il n’y a pas deux mois, un supplément de crédit pour l’année 1832.

Si M. le commissaire du Roi veut bien se rappeler que ce supplément n’a été voté par nous qu’à titre d’avance, il devra convenir avec moi que par ce vote la chambre a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder pour 1832 un crédit plus élevé que les 200,000 fr. portés originairement au budget.

D’après cela, M. le commissaire du Roi sentira, je pense, que la citation qu’il a faite n’est pas heureuse, lorsqu’il veut en faire usage pour nous engager à voter pour 1833 un subside plus élevé que celui accordé pour 1832, c’est-à-dire à faire aujourd’hui ce que nous avons refusé de faire par la loi même dont il a parlé.

Ensuite, s’il veut se donner la peine d’examiner ce qui a été dit lors de la discussion de cette loi, il pourra s’assurer que les orateurs mêmes qui se sont prononcés en faveur du supplément de crédit, n’ont pas reconnu le fait du besoin de la caisse de retraite ; qu’ils ont dit, au contraire, que si les dépenses étaient réduites comme il convenait qu’elles le fussent, cette caisse n’aurait pas besoin de supplément de crédit. Ce n’est, en effet, que par motifs d’humanité qu’on a accordé ce dernier.

Si aujourd’hui il m’était démontré que la caisse a réellement besoin des 380,000 fr. réclamés par le gouvernement, je les voterai parce que je ne voudrais pas la laisser dans l’impossibilité de satisfaire à ses justes nécessités ; mais je ne voterais pas cette somme de la manière qu’on nous la demande ; je la voterais en deux articles, savoir, un article de 40,000 fr. à titre d’obligation, et un autre de 340,000 à titre d’avance remboursable par la caisse de retraite. De cette manière je resterais conséquent avec ce que j’ai dit sur la matière et dans cette séance et dans d’autres, ainsi qu’avec la loi qui a été portée en juillet dernier.

Mais je suis bien éloigné de croire que la caisse de retraite ait réellement besoin d’une somme de 380,000 fr pour faire face à ses obligations légales. Pour appuyer mon opinion à cet égard, je ne tirerai pas avantage du discours qu’a prononcé M. le commissaire du Roi dans la séance d’hier ; je ne lui dirai donc pas : « Puisque, selon vous, la caisse dont il s’agit est une tontine créée non pas en faveur des employés qui n’en ont pas besoin, mais en faveur des veuves et des orphelins, soyez conséquent avec vous-même, et ayez le triste courage d’effacer de votre liste des pensionnaires toutes les personnes qui ne sont pas veuves ou orphelins. Au moyen de cette radiation, conséquence naturelle du principe que vous avez posé, vous arriverez à un résultat qui vous permettra de vous passer de subside. »

Non, messieurs, je ne tiendrai pas ce langage, parce que, malgré ce qu’en ait dit M. le commissaire du Roi, je reste convaincu que la caisse de retraite a été instituée en faveur des employés, plus encore que dans l’intérêt des veuves et des orphelins. Mais j’indiquerai à M. le commissaire du Roi une radiation toute différente, radiation qui a déjà reçu l’assentiment non pas seulement de la chambre, mais des trois branches du pouvoir législatif.

Déjà il a été admis, lors du vote de la loi qui alloue à la caisse de retraite un supplément de crédit, que les pensionnaires qui n’ont obtenu la pension que depuis la révolution n’ont pas de droits légaux, et qu’il n’y a de véritables pensionnaires que ceux qui ont des brevets antérieurs à la révolution, et encore sauf révision de ces brevets.

Je regrette de me voir obligé de répéter encore que si les nouveaux pensionnaires se trouvent dans une aussi fâcheuse position, la faute en est tout entière à ceux qui, de leur propre autorité, ont usurpé le pouvoir royal et en ont exercé indûment les prérogatives, Par la radiation que j’indique, on rentrera dans le système adopté par la législature, et alors il ne s'agira plus que d’examiner si les ressources de la caisse de retraite peuvent faire face à la somme de 430,000 fr., à laquelle, d’après M. le commissaire du Roi, se montent les anciennes pensions. Pour payer cette somme, il y a d’abord les retenues de 1833 et ensuite le subside qu’on vous propose de lui accorder.

Les retenues montent environ à 280,000 fr. par an. Le subside alloué par la section centrale s’élève à 200,000 francs. Voilà donc 480,000 fr. pour en payer 430,000 et si au solde de 5,000 fr., qui restera disponible, on veut ajouter le restant qui peut être dû sur les exercices précédents et dont on n’a jamais voulu nous rendre compte ; si l’on veut y ajouter encore les intérêts que les fonds doivent rapporter lorsqu’ils sont employés conformément aux dispositions légales, on pourra élever le solde de 5 ou 6,000 fr. de plus.

Le restant du discours de M. le commissaire du Roi n’est que la reproduction d'un système présenté au mois de juillet dernier, système qui consistait à isoler la caisse de retraite belge de la caisse des Pays-Bas, et qui a été rejeté à l'unanimité par toutes les branches du pouvoir législatif.

Je n'abuserai pas de votre patience pour entrer de nouveau dans les développements que j’ai donnés à ce sujet lorsque vous avez repoussé le système en question. Je me contenterai de vous faire remarquer que reproduire un pareil système après l’accueil qu’il a reçu dans cette enceinte, c’est réellement faire preuve d’obstination ; c’est nous mettre dans la pénible position de nous demander qui des deux, ou de la législature toute entière, ou d'un conseil illégal de fonctionnaires, parviendra en définitive à triompher dans cette lutte. Lorsqu’en juillet dernier vous avez repoussé le système dont je parle, vous avez rempli un devoir que la conscience vous dictait ; aujourd'hui vous agirez de même encore, parce que ce qui était un devoir alors l'est encore aujourd’hui ; et j’ose espérer que c’est pour la dernière fois qu’on nous met dans la nécessité de le remplir.

M. Jadot. - Messieurs, mon but, en vous soumettant de nouvelles observations sur la caisse de retraite, est de détruire l’opinion que la chambre doit avoir eue en votant la loi du 13 juillet dernier, et qu’on vient d’émettre encore, que les caisses de retraite, à l'exception de celle des douanes, n’ont été fondées qu’en 1822, ainsi que le dit le rapport du 27 juin où l’on trouve : « La caisse de retraite, comme on vient de le voir, se bornait jusqu’ici aux employés des douanes ; un arrêté du 20 juin 1817, qu’on ne trouve dans aucun recueil, paraît avoir étendu cette mesure à tous les employés des impositions indirectes ; et enfin, le règlement approuvé par arrêté du 29 mai 1832 étendit la caisse de retraite à tous les employés du département des finances. » Mais c’est une erreur.

La caisse de retraite des employés de l’enregistrement et des domaines, eaux et forêts, a été établie par décret du 4 brumaire an IV ; la retenue fixée d'abord à 1 p. c., successivement augmentée et portée jusqu’à 2 1/2 p. c., a été payée à partir du 1er vendémiaire an III, de sorte qu'elle a été perçue sur le traitement des employés de cette administration du jour de son organisation dans ce pays.

Celle des employés des douanes l’a été par la loi du 2 floréal an V, ainsi que le dit le rapporteur : la retenue, fixée d’abord à 1 1/4 p. c., a été ensuite portée à 2 1/2 p. c. ; elle a dû être payée à partir du 1er germinal même année, indépendamment de 20 p. c. sur les amendes et confiscations.

Celle des employés des postes, par un règlement d’administration du 4 prairial an IX ; la retenue a dû être payée à dater du 1er messidor suivant.

Celle des employés des contributions directes et des droits réunis, par un décret impérial du 4 prairial an XIII ; la retenue à payer à partir du 1er dudit mois a été fixée à 2 p. c., plus 15 p. c. sur les produits des amendes et confiscations, et les traitements pendant les vacances d'emploi n'excédant pas un mois.

Le taux de la retenue a varié de 1 à 2 1/2 p. c. Le terme moyen des années pendant lesquelles elle a été payée est de 14 ans.

Le produit de ces retenues pendant ces quatorze ans a dû s'élever à plusieurs millions ; cela est facile à établir, en les calculant seulement à 7,200,000 au lieu de 9 millions.

Il en résulte que ce qu’a dit un honorable membre de cette assemblée, que les retenues que paient maintenant les employés doivent servir à payer les pensions acquittées, n’est pas exact, puisque le capital destiné à payer ces pensions était fait avant que ces pensions fussent accordées.

Or, ce capital, du moins celui des pensions accordées sous le gouvernement hollandais, étant en Hollande, en obligeant les employés actuellement en activité de service à payer les pensions, vous les obligez à servir les intérêts d’un capital que non seulement ils n’ont pas à leur disposition, mais dont, au contraire, ils sont les créanciers pour la plus grande partie.

Un honorable membre de cette assemblée vient de vous dire que c’est à titre d’avance qu’on vous demande une somme de 380,000 fr.

Mais remarquez, messieurs, que les employés n'ont nul intérêt à vous faire cette demande, puisqu’elle a été pour eux l’occasion d'une condamnation à la payer à d’autres à qui ils ne doivent rien : aux pensionnés, enfin. S’il y a aumône, c’est donc à ceux-ci qu'elle est faite et non aux employés ; c’est eux au contraire que vous avez condamnés à la faire.

M. Dumortier, rapporteur. - M. Donny a parfaitement traité la question qui nous occupe, et je me rallie en tout point à ce qu’il vous a dit, messieurs. Je n'ajouterai que quelques mots.

D’abord, je répondrai à l’interpellation qu’il m’a faite et tendant à savoir si, en présentant le chiffre de 200,000 fr., la section centrale avait reconnu que la caisse de retraite y avait droit, ou bien si c’était seulement un subside momentané. Messieurs, la section centrale n’a entendu et n'entend reconnaître aucun droit à la caisse de retraite. Elle n’a pas jugé à propos d’examiner si l’arrêté de 1822 conférait un droit à cette caisse ; mais, en supposant qu’il en fût ainsi, il ne s’étendrait qu’à 15,000 florins pour les provinces septentrionales. Si nous avons proposé le crédit de 200,000 fr., c’est à cause de la situation de la caisse de retraite, car sans cette considération nous n’aurions pas porté le chiffre au-delà de celui alloué sous le gouvernement hollandais.

Une seconde considération qui nous y a engagés, c’est que les fonds de cette institution sont restés en Hollande. Il me semble qu'on a de beaucoup exagéré l’importance des fonds de la caisse de retraite. Mais je suppose que ces fonds s’élèvent pour notre part à 60,000 fl. ; je suppose en outre que la caisse ait droit sur le trésor à 15,000 fl. en vertu de l’arrêté de 1822 : avec cela elle ne devrait plus rien demander à l’Etat. Ainsi nous proposons beaucoup plus encore.

L’honorable M. Donny a très bien réfuté la partie du discours de M. le commissaire du Roi consistant à dire que, lorsque nous avons accordé pour cet objet une somme assez considérable il y a deux mois, c’était à titre de dons. Non, messieurs, ce n’était pas à titre de don, ce n’était qu’à titre d’avance remboursable à une époque déterminée. Ainsi donc nous n’avons reconnu alors aucun droit à la caisse de retraite. Et pourquoi avons-nous consenti à une avance ? C’est que l’exercice était déjà écoulé et qu’il était impossible de pratiquer une nouvelle retenue sur les traitements des fonctionnaires, attendu que ces traitements avaient été payés. Voilà dans quelle circonstance la législature (car le sénat a été unanime à cet égard comme la chambre des représentants) a accordé une avance et non un don à la caisse de retraite.

M. le commissaire du Roi a cherché à établir la moyenne des employés des finances, et il a dit que les pensions dans ce département n’étaient pas aussi nombreuses que dans les autres administrations. Je crois que ses assertions ne sont pas exactes. Parmi les pensions inscrites au grand-livre, les plus nombreuses sont les pensions militaires qui ne sont que très minimes et dont la moyenne est de 108 fl. Mais celles-là, qui ont été accordées à de vieux grenadiers, ne prouvent pas que celles du ministère des finances soient inférieures en nombre à celles des autres administrations. D’ailleurs, si l’on compare la moyenne des pensions militaires, qui est de 108 fl., avec celle des pensions des finances, qui est de 650, on trouvera certainement une grande différence. Quant aux pensions des autres administrations, il n y a aucune similitude parce que, des 6,000 fonctionnaires des finances, la majeure partie se compose d’employés des accises qui n’ont pas droit aux pensions.

Le total des traitements du département des finances s’élève à environ 9 millions. Eh bien ! qu’au lieu d’une retenue de 2 p. c., on en établisse une de 5 p . c., comme en France, et alors la caisse de retraite aura abondamment de quoi subvenir à ses dépenses. En France, messieurs, où ces traitements sont frappés d’une retenue de 5 p. c., ils sont bien inférieurs à ceux de la Belgique.

Un moyen de diminuer les charges de la caisse de retraite, c’est, comme l’a dit M. Donny, de réviser les pensions accordées depuis la révolution ; car toutes ont été conférées illégalement, inconstitutionnellement : il n’y en a aucune qui constitue un droit. Il est donc nécessaire que cette révision ait lieu, et qu’ensuite des arrêtés royaux fixent le quantum de chaque pension.

Je demanderai, à ce propos, qu'une loi nous soit proposée par le gouvernement ; car c’est aux chambres à régler tout ce qui regarde les fonctionnaires de l’Etat. Il sera alors indispensable d’imiter l’exemple de la France, et d’établir un maximum ; car il est scandaleux de voir des receveurs, par exemple, jouir de pensions aussi considérables, à côté des modiques retraites d’autres fonctionnaires publics qui occupent dans la hiérarchie un grade supérieur. Lorsque vous aurez prescrit un maximum, la caisse de retraite fera facilement face à ses besoins.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de répondre à M. le commissaire du Roi et à M. Jadot, lorsqu’ils viennent prétendre que les pensions dont il s’agit n’incombent pas à la caisse de retraite, mais à la Belgique tout entière. Je ne sais pas si c’est bien sérieusement qu’on nous a tenu un pareil langage. Eh quoi ! vous voulez que ce soit la Belgique qui paie ces pensions, et cependant vous prétendez conserver les fonds antérieurs à la révolution ! Mais vous vous mettez en contradiction avec vous-mêmes, et il en est toujours ainsi quand on veut défendre un système qui ne repose sur rien. Non, messieurs, les pensions de retraite ne sont pas à la charge de l’Etat. La caisse de retraite est une espèce d’association mutuelle, et si l’on a pris une mesure à l’égard des fonctionnaires des finances, c’est qu’on a senti qu’ils sont plus rétribués que ceux des autres administrations.

Les magistrats n’ont que des pensions bien inférieures à celles des employés des finances ; je citerai un exemple pour le démontrer.

Lors de l’organisation judiciaire, un juge d'instruction de ma connaissance a été mis à la retraite ; sa pension a été liquidée, pour 30 ans de sacrifice, à 1,160 fr. Eh bien, un contrôleur, un vérificateur, touchent des pensions de 1,500 et 2,000 florins, et cela parce que les traitements du département des finances sont beaucoup plus élevés. Le législateur a donc eu raison de prendre une mesure à cet égard, et l’on ne peut prétendre que les pensions des finances soient mises à la charge de l’Etat.

M. Jadot. - Je ne répondrai à ce que vient de dire le préopinant que par une question toute simple. Si les employés en activité de service refusaient de payer la retenue, à qui les pensionnés devraient-ils s'adresser pour obtenir leurs pensions ?

- Plusieurs membres demandent la parole.

M. Jadot. - Pourront-ils faire condamner ces employés à les payer ? Non. Les tribunaux n’adopteront certainement pas l’opinion que je combats. Par suite de la transaction faite avec la France, le gouvernement hollandais s’était chargé de cette dépense. Le gouvernement belge fera la même chose que le gouvernement hollandais.

M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, je suis étonné d'une interpellation aussi étrange. Comment ! des employés se mettraient en rébellion contre l'Etat !

M. Jadot. - Cela n'est pas imposé par une loi.

M. Dumortier, rapporteur. - Nous l'imposons par une loi. Comment ! on viendra menacer la chambre des représentants de refuser des retenues ! Il faut que nous prenions une mesure quand nous entendons de pareilles menaces.

- Quelques voix. - Il n'y a point là de menace.

M. Dumortier, rapporteur. - Moi je regarde cela comme une menace. L'an dernier, M. Coghen, alors ministre, avait pris dans cette chambre l'engagement formel de lever la retenue, et il était homme à l'exécuter. Eh bien ! vous l'avez entendu dans une des dernières séances, c'est le conseil des pensions qui l'en a empêché.

Or, si le conseil des pensions peut refuser de remplir des engagements pris en face de la représentation nationale, il n'y a plus rien de sacré ; et je ne sais pas pourquoi après cela on vient nous demander des subsides. Nous avons un moyen envers l'administration des finances, c'est d'établir comme en France, à la fin du budget, une série de dépenses pour ordre, série dans laquelle figureront les dépenses pour la caisse de retraite. Je le proposerai en temps et lieu.

M. Milcamps. - M. Dumortier a dit qu'il n'était pas nécessaire de répondre aux observations de M. Jadot. Quant à moi, je pense au contraire que cela est indispensable, parce que M. Jadot a posé une question de principe.

Il fait résulter le droit à la pension, non pas de la mise de fonds, mais de la loi elle-même. Il a cité à ce sujet une loi du 4 brumaire an IV, et il a dit que les employés de l'enregistrement étaient obligés de supporter la retenue d'un centième, et que sur les fonds provenant de ce centième, on faisait des pensions aux employés qui avaient rendu les services déterminés par cette loi, qui, dit-on, n'a pas été rapportée. L'honorable membre a parlé, en outre, de décrets impériaux que je n'ai pas vus ; mais toujours est-il vrai, à l'égard des employés de l'enregistrement, que ceux qui ont versé depuis la loi de l'an IV le centième, soit de leur traitement, soit de la pension qui leur servait lieu de traitement, sont fondés à venir aujourd’hui réclamer la pension. Il y a donc sous ce rapport une question de principe, que nous devons examiner.

M. Donny. - Je crois que l’honorable préopinant a examiné une question au lieu d'une autre. Il ne s'agit pas ici de voir quels sont les droits des employés sur la caisse de retraite ou à la pension, soit en vertu de la loi de brumaire an IV, soit en vertu de l'arrêté-loi de 1814, mais seulement de voir si l'Etat doit fournir un subside égal à celui demandé par le ministère ; et je crois avoir démontré qu'il n'y a pas obligation de le faire.

Je ne partage pas l’opinion de l’honorable M. Dumortier sur la nature des expressions de l’honorable M. Jadot. Je n’ai pas vu de menace dans ces expressions, mais j'y ai vu une hypothèse impossible. Je ne pense pas que des employés puissent se soustraire à la retenue, lorsqu'elle leur est imposée, ou par l’arrêté de 1815, ou par des actes du pouvoir exécutif duquel ils tiennent leur nomination et le montant de leur traitement. Si un employé était assez osé, assez téméraire, je dirai même assez insensé pour dire au gouvernement : Je ne veux pas me conformer à vos lois et à vos arrêtés, ne serait-ce pas comme s’il donnait sa démission ? On lui répondrait : Puisque vous n’entendez pas vos obligations comme nous les entendons, nous vous démettons de votre emploi, et nous choisirons pour vous remplacer une personne qui se conforme à nos vues.

(Moniteur belge n°246, du 3 septembre 1833) M. Pirson. - Je voulais aussi faire observer comme M. Donny que les paroles de M. Jadot ont été mal comprises.

Il est très vrai que les caisses de retraite se sont établies progressivement en France, d’abord pour les finances, ensuite pour les forêts, et en troisième lieu pour les droits réunis.

La caisse de retraite, messieurs, a subi deux grandes révolutions, et ses intérêts, ainsi que tous les autres, ont été gravement froissés. Au moment de la révolution de 1815, il a été fait une convention entre le gouvernement français et le gouvernement des Pays-Bas, pour faire face à toutes les demandes d’indemnités. Aux états-généraux, il a été prouvé que le gouvernement français, en accordant cette somme ronde, n’avait pas donné assez et qu’il fallait composer, comme nous serons encore obligés de le faire plus tard. Un subside a été voté alors. Depuis lors est venue la révolution de 1830 qui a encore mis en perturbation les droits de ceux qui avaient droit à la caisse de retraite, ainsi que nos intérêts nationaux.

Je ne crois pas que la caisse de retraite avait, comme on l’a dit, quelques millions à la Hollande, car tous les ans le gouvernement hollandais lui-même demandait un subside pour venir au secours de cette institution. Je ne pense pas non plus qu’il existe maintenant des fonds en Hollande. Mais pourquoi le gouvernement demandait-il des subsides ? Parce qu’il donnait des retraites à tout le monde pour placer des parents, des amis. Depuis deux ans il me semble aussi qu’on a accordé trop de retraites.

M. Jadot a dit, avec raison, que depuis 1830 on fait des retenues sur les traitements, et qu’il était juste que ces retenues ne servissent pas seulement à payer toutes les sottises faites par le gouvernement hollandais. Voila le sens dans lequel a parlé M. Jadot. Et en effet, messieurs, pourquoi vouloir que les employés d’aujourd’hui soient dans une condition plus défavorable que ceux de l’ancien gouvernement ?

Je terminerai en disant qu’il est temps de mettre fin à la concession des pensions de retraite.

M. Desmaisières. - J’ai demandé la parole pour ajouter quelques mots à ce qu’ont dit les préopinants. L'honorable M. Jadot a demandé ce que l’on ferait si les employés des finances se refusaient à payer la retenue ; comment, a-t-il dit, paierait-on alors les pensions des employés mis à la retraite avant la révolution ?... Il est très facile de lui répondre, ce me semble : il suffit pour cela d’examiner ce qu’est la caisse de retraite.

C’est une espèce de tontine à laquelle contribuent les employés qui ont déclare vouloir jouir des bénéfices de cette caisse, et qui, en même temps, ont contracté l’engagement de contribuer aux revenus de cette caisse par une retenue sur leurs appointements ; or, je vous le demande alors, comment, lorsqu’il y a contrat, lorsqu’il y a engagement formel de l’employé à contribuer (et cela sans que le contrat contienne aucune clause résolutoire), comment un employé pourrait-il refuser le paiement des contributions qu’il s’est engagé de payer ? Lorsque l’employé ne peut se refuser à ce qu’on prélève la retenue sur ses appointements, il n’y a pas lieu à examiner ce que l’on ferait dans le cas où il s’y refuserait.

Qu’il me soit permis, messieurs, en terminant, de renouveler le vœu que j’ai déjà formé lors de la dernière discussion sur les subventions à la caisse de retraite ; qu’il me soit permis, dis-je, de demander de nouveau que le gouvernement veuille se mettre à même de nous présenter, avant peu, une loi qui vienne enfin régler la législation sur la matière.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je désire ajouter quelques observations à celles qui ont été faites par M. le commissaire du Roi, et M. Jadot, et auxquelles il n’a pas été répondu.

Le ministre des finances a toujours tenu pour constants les principes exposés par ces deux orateurs. Nous pouvons être à cet égard dans l’erreur ; la chambre en décidera ; mais c’est très vrai que les employés, tant anciens que nouveaux, se sont sans cesse soumis à la retenue. Celui qui a l’honneur de vous parler, messieurs, subit comme employé supérieur, depuis 1804, une retenue assez considérable, et je ne suis pas le seul dans cette position ; ainsi que l’a dit M. Pirson, une espèce de transaction a été faite avec le gouvernement français, qui a donné au gouvernement des Pays-Bas une somme globale pour ne plus être recherché de ce chef.

Nous tenons donc pour principe que, ne jouissant depuis la révolution d’aucune ressource de la caisse des Pays-Bas, nous ne devons pas, avec les retenues qui nous subissions depuis cette époque, faire face aux anciennes pensions, mais bien payer toutes celles courantes qui ont été accordées, pour des titres suffisants, à ceux qui en jouissent aujourd’hui.

Toutes les lois antérieures en matière de retenue se résument dans l’arrêté-loi qui est encore en vigueur : à cet égard, messieurs, j’aurai l’honneur de répéter ici ce que j’ai dit lorsque nous nous sommes occupés de cet objet il y a quelques mois, c’est qu’il est impossible au conseil, en accordant des retraites, de sortir des limites qui lui sont tracées. Un employé se retire par suite de maladie, de vieillesse ou de tout autre circonstance. Il remet à l’administration ses titres qui sont envoyés au trésorier de la caisse de retraite ? Celui-ci en est le rapporteur vis-à-vis et après ses conclusions, le conseil vérifie ces mêmes titres, et une délibération en forme a lieu ensuite.

Mais, dit-on, on a accordé beaucoup des pensions, et des pensions élevées. Messieurs, je reviendrai encore sur les observations que j’ai faites précédemment. Il y a ici exagération. On a prétendu que des pensions de cette nature s’élevaient de 6, 7 à 8,000 fr. et au-delà. Je demande qu’on me les cite. Je suis porteur d’un cahier dont copie a été remise sans doute à la section centrale, et j’y vois que les plus fortes pensions accordées depuis la révolution portent sur des suppressions d’emplois, et si d’un côté la caisse de retraite s’est trouvée chargée, il y a eu de l’autre bénéfice pour le trésor ; car certainement aucune de ces pensions n’égale à beaucoup près les traitements attachés à ces emplois. La plus forte pension est de 6,000 fr., et elle a été accordée à un ancien inspecteur des postes, emploi qui n’existe plus maintenant. Cet inspecteur avait quarante-sept ans de service dans les hauts grades de son administration, et aux termes du règlement, il avait droit au 4/5ème de son traitement.

Toutes les pensions que je vois sur la liste vont aussi en déclinant. C’est donc un fait, messieurs, que nous n’avons accordé de pensions qu’à ceux qui avaient des droits et que les pensions les plus fortes proviennent de suppression d’emploi.

Je prie la chambre de prendre en considération la demande qui lui est faite par le ministre, car je ne sais pas comment nous pourrions procéder avec un somme moindre. Ce serait jeter l’administration dans le plus grand embarras, et telle n’est pas sans doute votre intention.

En terminant, messieurs, je vous dirai que les pensions s’élevaient environ à 650,000 fr. au premier juillet. Les retenues s’élèvent à 270,000 fr. C’est donc encore 380,00 qui vous sont nécessaires. .

M. de Theux. - Il me semble que la question qui s’agite peut se réduire aux termes les plus simples : L’arrêté de 1814 est-il applicable aux employés de l’administration des finances ? S’il ne l’est pas, à qui appartient-il de faire les fonds de la caisse de retraite ? Voilà toute la question dans sa plus grande simplicité.

L’arrêté de 1814 ne régit aucunement la matière qui nous occupe : il ne peut être invoqué pour mettre à la charge du trésor les pensions des employés des finances.

En premier lieu, l’arrêté de 1814 n’accorde aucune pension aux veuves et aux orphelins ; les pensions créées en vertu de cet arrêté sont à charge du trésor. Les employés des finances sont régis par des dispositions toutes différentes : leurs veuves et leurs orphelins ont droit à des pensions. Des fonds pour les payer sont faits au moyen de retenues sur leurs traitements et autres moyens spécifiés dans le règlement.

En second lieu, l’arrêté de 1814 statue qu’aucune pension à la charge du trésor de l’Etat ne peut être accordée qu’en vertu d’un arrêté spécial du Roi. Or, M. le ministre des finances lui-même vous a dit que le conseil d’administration a seul accordé les pensions dont il s’agit.

C’est au Roi à accorder les pensions dont le trésor de l’Etat fait le fond, c’est au ministre à les contresigner. Voilà les dispositions de l’arrêté de 1814 ; il est donc de toute évidence qu’il ne saurait être invoqué en faveur des pensionnaires de la caisse de retraite.

Maintenant qui doit faire les fonds ? Ici on a cru pouvoir faire une distinction entre les pensions de retraite accordées avant la révolution, et les pensions accordées après elle. Cette distinction me semble inadmissible. Suivant certaines personnes, les retenues opérées depuis la révolution doivent être exclusivement employées à la liquidation des pensions accordées après 1830.

Mais alors je demanderai comment il sera possible de liquider la pension d’un employé qui aura déjà 30 ou 40 ans de service ? Faudra-t-il y consacrer les retenues faites depuis 1830 sur les traitements des employés qui ont encore une longue carrière administrative à parcourir ? La pension d’un ancien employé pourrait-elle excéder la proportion du temps pour lequel il aurait fourni à la nouvelle caisse ? Il suffit de poser cette question pour la résoudre négativement ; il est donc évident qu’on ne peut distinguer entre les pensions antérieures à la révolution et celles postérieures, sans compromettre le sort de tous les anciens employés.

La retenue est fixée à 3 p. c. ; est-ce là tout ce que peuvent souffrir les traitements des employés ? Peut-on élever la retenue à 5 p. c. comme en finance ? Voilà une question qui serait à résoudre.

Si ce dernier taux est possible, le gouvernement peut le prescrire, sauf aux chambres à avoir tel égard que de droit pour l’augmentation du nombre de pensionnaires qui peut être attribuée aux événements de la révolution, et à voter une subvention de ce chef ; et en résumé il ne s’agit que de savoir jusqu’à quel taux on peut élever la retenue sans nuire aux intérêts de l’administration, qui exige que les employés aient un traitement convenable, et jusqu’à quel point la législature doit avoir égard aux événements de la révolution pour accorder une subvention équitable, sans préjudice de l’avance à faire pour remplacer les fonds existant en Hollande et sauf remboursement de ce chef.

M. Dumortier, rapporteur. - M. le ministre des finances a avancé un fait qui n’est pas exact ; il a prétendu que l’on n’avait jamais accordé de pensions sans titres suffisants. Messieurs, si l’on avait toujours observé le traité dont M. le ministre prétend se prévaloir, il n’y aurait pas eu lieu à la discussion qui s’agite en ce moment. L’arrêté porte que ni l’âge ni le temps des services ne pourront autoriser une pension, tant que les individus pourront remplir convenablement les fonctions qui leur sont confiées. Ah ! si l’on avait tenu compte de cette disposition, si l’on n’avait pas destitué des fonctionnaires encore valides pour donner des places à ses parents, que sais-je ? à ses connaissances, à ses amis, la caisse de retraite ne serait pas écrasée de charges, comme nous la voyons.

On a parlé d’orangistes ; mas ici on a cherché à nous donner le change : il y a eu en réalité très peu de fonctionnaires destitués pour opinion. N’invoquez donc pas les nécessités que la révolution aurait faites. Tout ce qui s’est passé a eu pour objet le favoritisme. On déplaçait un fonctionnaire pour placer un ami, on accordait une pension à un fonctionnaire et voilà, se disait-on, deux heureux : qui donc pourrait s’en plaindre ? (On rit.)

Ceci contrarie tout à fait ce que vous a dit M. le ministre des finances lorsqu’il a avancé que les plus fortes pensions provenaient de suppression d’emploi. On a supprimé un directeur des postes.

Mais pourquoi celui-là ? Il est encore d’autres directeurs en place ; il en est même un inspecteur des messageries qui est absolument inutile. Pourquoi par exemple a-t-on donné sa démission au directeur des postes de la ville de Liége ? Voilà, messieurs, un petit fait qui, à lui seul, vous indiquera très bien la marche singulière de l’administration. Il fallait placer un favori ; et d’abord on commence par donner sa démission au directeur des postes de Liége. Rien n’était plus facile ; on lui accorde une pension de trois mille et quelques cents francs, et le voilà, sans fonctions, bien rétribué pour ne rien faire.

A quelque temps de là, un homme qui avait pris une part active et glorieuse à notre révolution, vient à déplaire au pouvoir ; on le renvoie d’une fonction qu’il occupait ; mais, réfléchissant qu’on ne pouvait pas le destituer entièrement, on imagine de mettre le directeur des postes dont j’ai parlé à la pension de retraite, pour placer l’homme de la révolution. Et voilà deux individus pensionnés et un troisième rétribué ; et tout cela pour le même emploi. Deux sont payés pour ne rien faire, le troisième pour travailler.

M. de Theux a place la question sur son terrain véritable. Il a demandé s’il était possible de faire face aux pensions existantes au moyen de retenues. Or, messieurs, les pensions des employés des finances s’élèvent, d’après M. le ministre lui-même, à 650 mille fr. ; d’un autre côté, vous avez vu que les traitements des fonctionnaires de ce département s’élevaient à 9 millions. Eh bien ! opérez sur ces traitements une retenue de cinq p. c., vous obtiendrez déjà par cette mesure 450 mille fr. ; ajoutez à cette somme les 200,000 fr. que la section centrale vous propose, et vous avez trouvé les 650,000 fr. qui sont nécessaires.

Et, messieurs, je m’abstiens de signaler bien des ressources qu’on voudrait cacher à nos yeux. Je me rappelle fort bien vous avoir démontré, dans certaine discussion, que la caisse de retraite avait reçu une année 15,000 fr. provenant des amendes et contraventions.

Ce sont là de ces ressources dont on ne parle pas ; il n’en est nullement question dans le budget. En France, de pareils oublis ne sont pas possibles. Là du moins le budget est percé à jour. Je tâcherai d’amener cette perfection-là chez nous ; mais on peut toujours commencer par réviser les pensions, par replacer les fonctionnaires valides, et qui ne demandent pas mieux que d’être employés ; par établir enfin une retenue de 5 p. c.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, il est constant que les nominations, comme les démissions, viennent du Roi et des ministres. Voilà deux actions parfaitement indépendantes de celle du conseil d’administration. Si le chef du gouvernement ou le ministre, donnait la démission à un individu sans aucun droit à la pension, le conseil n’aurait rien à faire, et ne pourrait rien accorder. Croyez-le bien, messieurs, les démissions sont toujours données à bon escient. Lorsque le chef de l’Etat l’ordonne, c’est qu’on lui a mis sous les yeux tous les titres du fonctionnaire à la retraite, tous les certificats qui constatent son infirmité ou son impuissance à continuer son emploi. Le conseil d’administration ne peut rien accorder, je le répète, là où il n’y a ni droits ni titres suffisants.

On nous a demandé pourquoi nous avons destitué un percepteur des postes. D’abord j’avais parlé d’un inspecteur-général des postes. Eh bien ! cet homme avait quarante-sept ans de service ; il était peut-être entré en fonctions à vingt-cinq ans. Voyez quel peut être son âge…

M. Faider, commissaire du Roi. - Il est âgé de soixante-dix ans !

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Son emploi a été supprimé, et le produit en a passé au trésor de l’Etat.

Maintenant je ne m oppose pas à ce qu’on élève le taux de la retenue ; il sera à examiner si une retenue de 5 p.c. ne serait pas trop forte. M. le rapporteur a calculé sans faire attention aux traitements infimes des employés subalternes, qui subissent déjà une retenue pour leur uniforme, et ne sauraient en supporter une double de celle qui rend déjà leur situation assez misérable ; car ces employés ont une famille à soutenir.

Ce serait donc une proposition à examiner attentivement.

On nous cache certaines ressources, a dit M. Dumortier ; je vous avoue, je n’ai pu entendre cette assertion sans quelque surprise. Toutes les fois qu’un membre d’une section ou de la chambre demande des renseignements, nous ne mettons pas de simples copies à sa disposition, c’est le dossier tout entier qu’on lui communique. Hier encore, ne vous a-t-on pas lu jusqu’aux minutes appartenant aux archives ? Je ne l’ai pas trouvé mauvais, mais je m’étonne que, malgré la demande qui en a été faite, ces pièces n’aient pas encore été rendues. Tout mettre à jour, ne rien cacher, telle a été la marche de M. Coghen ; telle a été aussi la marche que j’ai suivie. Jamais je ne refuserai rien des documents qui peuvent montrer de quelque manière je sers le gouvernement et l’Etat.

M. Dumortier, rapporteur. - Il est bien plus étonnant, messieurs, qu’on vienne se plaindre de ce que les pièces ne sont pas encore rendues. Quand on communique des pièces, c’est pour qu’on s’éclaire. Or, la discussion est encore toute chaude ; elle peut recommencer ; et l’on voudrait que nous fussions déjà dessaisis. Je comprends, en effet, qu’ils vous inquiètent, qu’ils vous chatouillent singulièrement. N’ont-ils pas prouvé que la France nous impose ses conditions, nous dicte des lois ? Le pays ne l’oubliera pas.

J’ai avancé que les 15,000 fr. provenant des amendes et des contraventions ne se trouvaient nulle part dans le budget. Eh bien ! je le répète, que M. le ministre me montre donc si je me suis trompé.

M. Verdussen. - Tout en envisageant la question sous un autre point de vue que M. de Theux, je dirai qu’elle se réduit à savoir si vous voulez innover cette fois, ou bien faire tout simplement ce que vous avez fait les années précédentes. Vous avez accordé d’abord 200,000 fr. ; puis, au mois de juillet, vous avez vote un supplément de crédit de 185,000 fr. Voilà donc les 385,000 fr. que le ministre vous demande tout d’une fois aujourd’hui. Je crois que nous devons maintenant voter les 200,000 fr. de la section centrale, puis porter dans un second article 185,000 fr. comme avances faites aux mêmes conditions que vous avez prescrites au mois de juillet.

M. Coghen. - J’appuie l’amendement de M. Verdussen, et je partage tout à fait son opinion.

M. le président. - Je vais d’abord mettre aux voix le chiffre de la section centrale.

- Le chiffre de 200,000 fr. proposé par la commission pour la caisse de retraite est adopté.

M. le président. - Il s’agit maintenant de l’amendement de M. Verdussen.

M. Donny. - L’honorable M. Verdussen vous propose de faire cette avance aux conditions qui se trouvent dans la loi du mois de juillet dernier. Une de ces conditions porte que le remboursement se fera par cinquième, à partir de telle date. Je crois qu’il n’est pas dans l’intention de M. Verdussen d’ordonner que le remboursement de cette dernière avance ait lieu à la même époque que la première. Il y aurait donc à préciser le point de départ des échéances successives.

M. d’Huart. - Il y aurait lieu, je crois, à renvoyer la proposition de M. Verdussen à la section centrale pour fixer les délais et déterminer les conditions.

M. de Brouckere. - J’appuie la proposition de M. d’Huart. La section centrale pourra examiner si le crédit de 180,000 fr. ne devrait pas faire l’objet d’une loi spéciale, puisqu’il s’agit d’une somme allouée à des titres différents de ceux pour lesquels tous les autres crédits sont votés au budget.

M. Dumortier, rapporteur. - La section centrale a été unanime sur ce point que 200,000 fr. suffisaient. Il ne faut pas confondre la position où nous sommes maintenant avec celle où nous étions à l’époque dont on a parle. Il s’agissait alors de faire face aux arriérés d’un exercice échu. Aujourd’hui au contraire des retenues peuvent encore être faites.

Remarquez, messieurs, qu’autant vaudrait allouer des fonds que de voter éternellement des avances qui ne nous rentreront probablement jamais.

M. de Brouckere. - Cette fois, messieurs, ce terme est encore échu ; il l’est du moins en grande partie. On pourrait objecter qu’à partir du 1er juillet M. le ministre a dû être averti qu’il n’en serait plus fait, mais cette objection ne saura être juste pour le temps qui s’est écoulé du mois de janvier au mois de juillet. Il y a donc là une question à examiner pour la section centrale, et je ne doute pas que M. le rapporteur n’y nette, s’il en est prié, tout le zèle et toute la bonne volonté qu’il apporte dans tous ses travaux.

M. Legrelle. - La section centrale a pensé que la caisse de retraite était distincte de la caisse de l’Etat. En accordant 200,000 fr. elle a eu égard à la position déplorable de quelques pensionnaires ; mais du reste elle a pensé faire tout ce qui lui était possible dans les circonstances actuelles. (Aux voix ! aux voix !)

- Le renvoi de la proposition de M. Verdussen à la section centrale est mis aux voix et adopté.

M. d’Huart. - Il me semble que si l’opinion de la section centrale est déjà formée, elle conclura au rejet. Pour que le renvoi que nous venons d’ordonner produise quelque résultat, il faudrait prier la section centrale de nous présenter les conditions qu’elle croira convenables pour le remboursement. (Appuyé ! appuyé !)

Chapitre III. Fonds de dépôts

Article premier

M. le président. - Nous passons au chapitre III. « Fonds de dépôt. Intérêts des cautionnements dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 160,000. »

- Adopté.

Article additionnel

M. le président. - La commission propose un nouvel article que voici :

« Intérêts des cautionnements des comptables belges inscrits au grand-livre d’Amsterdam : fr. 6,000. »

M. Donny. - J’appuie formellement la proposition qui vous est faite, mais je demande si la somme de 6,000 fr. fixée par la section centrale est suffisante ? Messieurs, je ne le crois pas, et c’est là une opinion qu’il me sera facile de justifier.

S’il est vrai que le capital des inscriptions versées s’élève à 110,000 fl., ainsi que le dit le rapport de la section centrale, le crédit demandé de 6,000 fr. ne peut être suffisant que pour faire face une seule année d’intérêts. Mais, messieurs, ce n’est pas seulement le paiement d’une seule année, de l’année 1833, que l’on réclame ; mais encore le dernier semestre de 1830, l’année 1831, et l’année 1832 tout entière. Il faut donc encore 15,000 fr. pour satisfaire à ces demandes, et c’est la somme que je vous propose d’accorder à titre de crédit extraordinaire, indépendamment des 6,000 fr. proposés. Vous vous refuserez d’autant moins à cette majoration que la somme entière n’est qu’une simple avance ; qu’elle est une conséquence du principe que vous venez d’admettre tout à l’heure, enfin, qu’elle ne se reproduira plus, car, messieurs, cette majoration une fois faite, tout est apuré.

Je propose donc d’ajouter à la somme de 6,000 fr. celle de 15,000 fr ; comme crédit extraordinaire.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il est inutile de rien changer au budget de cette année ; je promets de prendre pour 1834 les mesures nécessaires pour remplir le but de l’honorable préopinant.

- Après cette observation, M. Donny retire son amendement.

Le chiffre proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.

Articles 2 et 3

« Art. 2. Intérêts des cautionnements versés en numéraire depuis la révolution : fr. 57,000. » (proposé par la section centrale)

- Adopté.


« Art. 3. Intérêts et remboursement des consignations : fr. 100,000. »

La section centrale ne propose aucun changement.

- Cet article est adopté.

Projet de loi portant le budget des dotations de l'exercice 1833

Discussion du tableau des crédits

La chambre adopte ensuite sans discussion les articles suivants relatifs aux dotations.

Chapitre premier. Liste civile

Article unique

« Article unique : fr. 2,751,322 75 c. »

Chapitre II. Sénat

Article unique

« Article unique : fr. 20,000 »

Chapitre III. Chambre des représentants

Article unique

« Article unique : fr. 405,405. »

Chapitre IV. Cour des comptes

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Personnel : fr. 43,386 20 c. »


« Art. 2. Bureaux : fr. 56,724 »


« Art. 3. Matériel : fr. 16,990. »


M. d’Huart. - Il me semble que c’est ici que doivent figurer les dépenses de l’ordre de Léopold.

- Cette observation n’a pas de suite.

La séance est levée à 4 heures.