Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 15 janvier 1834
1) Interpellation relative au respect du règlement de la chambre (Verdussen, Gendebien, Dubus, Pirson, Coppieters, A. Rodenbach)
2) Projet de loi portant le budget des dotations pour l’exercice 1834
3) Projet de loi portant le budget du département des affaires étrangères pour l’exercice 1834. Discussion des articles. Traitement d’attente des agents en inactivité (notamment du Brésil et d’Espagne) (Nothomb, Fleussu, Jullien, Nothomb, Dumortier, Ernst, de Theux, Lebeau, Angillis, F. de Mérode, Fleussu, F. de Mérode, Jullien, Nothomb, Gendebien), remboursement des frais exposés et des dépenses avancées par les agents diplomatiques et consulaires (Nothomb, Fleussu, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Jullien, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Gendebien, F. de Mérode, Nothomb), traitement d’attente des agents en inactivité (Nothomb, Dumortier)
(Moniteur belge n°16, du 16 janvier 1834 et Moniteur belge n°17, du 17
janvier 1834)
(Présidence de M. Dubus)
(Moniteur belge n°16, du 16 janvier 1834) M. de Renesse fait
l’appel nominal à une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal.
INTERPELLATION RELATIVE AU RESPECT
DU REGLEMENT DE LA CHAMBRE
M. Verdussen prend la parole sur la rédaction de cet acte.
- Messieurs, dit-il, je crois devoir m’opposer à l’adoption du procès-verbal
dont vous venez d’entendre la lecture.
Ce procès-verbal se
rapporte à une réunion qui, suivant moi, ne peut être qualifiée de séance de la
chambre des représentants ; car il ne peut y avoir de séance sans président, et
je conteste au plus âgé d’entre nous le droit d’occuper le fauteuil dans
l’absence du président et des deux vice-présidents que la chambre s’est choisis
en vertu de l’article 5 de son règlement, fonde sur l’article 37 de la
constitution.
J’aurais pu vous
soumettre hier mes doutes ; mais votre opinion, favorable ou opposée à la
mienne, n’aurait pu apaiser mes scrupules ; il m’importait d’obtenir votre
décision dans une séance sur la régularité de laquelle aucun doute ne
s’élèverait. Examinons la question sous le rapport constitutionnel et
réglementaire.
La constitution dit,
art. 37 : « qu’à chaque session, chacune des chambres nomme son président, ses
vice-présidents et compose son bureau. » Il résulte de cette disposition
qu’il n’y aura qu’un seul président et plusieurs vice-présidents, dont
toutefois le nombre n’est pas fixé par la constitution même. Elle dit ensuite,
art. 46 :
« que chaque chambre détermine, par son règlement, le mode suivant lequel
elle exerce ses attributions. » De cette disposition émane pour nous
l’obligation d’obéir à notre règlement, bien qu’il appartienne à la chambre de
le faire, et par conséquent de l’amender au besoin.
Par suite de la faculté
laissée à la chambre par la constitution, elle a décidé qu’il y aurait à
l’ouverture de chaque session un bureau provisoire, qui, après la vérification
des pouvoirs, serait remplacé par un bureau définitif, et ce n’est qu’après la
formation de ce bureau définitif que la chambre se déclare constituée et qu’aux
termes de l’art. 8 elle en donne connaissance au Roi et au sénat. Pourra-t-on
après cela soutenir logiquement que le définitif ne l’est pas, et que le
provisoire peut dans certains cas le remplacer lorsque le texte de la loi ou de
l’acte qui la remplace, ne le dit pas expressément ? Je ne le pense pas, et je
crois que le Roi ou le sénat ne devraient reconnaître comme actes légaux de la
chambre que ceux qui seraient signés par le président ou par l’un des deux
vice-présidents qu’elle-même a désignés lorsqu’elle a annoncé qu’elle se
trouvait constituée ; c’est exclusivement à leurs signatures qu’il faut ajouter
foi.
Je
suis prêt à convenir, messieurs, que le remède à apporter au mal qui s’est
présenté est réglementaire, et que notre règlement présente à cet égard une
lacune qu’il nous appartient de remplir ; mais si la lacune existe, ce n’est
que la chambre, siégeant régulièrement, qui puisse la combler ; car je ne
saurais admettre qu’elle peut prendre une décision, même éphémère, sans qu’un président
légal occupe le fauteuil. En jugez-vous autrement, messieurs, je respecterai
votre décision, aujourd’hui que votre séance se tient conformément aux
dispositions de la constitution et du règlement qui en est l’appendice.
M.
Gendebien. - Il y a chose jugée.
M. Pirson. - Je
demande la parole.
De toutes parts. - L’ordre du jour ! l’ordre du jour !
M. le
président (M. Dubus). - Je dois des explications à la chambre sur les causes qui ont
occasionné mon absence hier et avant-hier. Sur ce point je confirmerai ce qu’a
dit hier mon honorable ami M. Dumortier.
Messieurs, j’ai été chargé par la section centrale de faire le rapport sur le
ministère de l’intérieur. Ce travail est long, et je le continuais encore
lorsque j’ai appris que ma présence était nécessaire. Il me semblait que mon
premier devoir était de présenter à la chambre, dans le plus bref délai, le
rapport sur le budget du département de l’intérieur, et j’avais cru que je
devais l’achever. Sous deux jours j’aurais été en mesure de le soumettre à la
section centrale, puis à la chambre. Mais, l’absence motivée de notre honorable
président exigeant ma présence ici, je me serais rendu au milieu de vous bien
plus tôt si j’avais pu prévoir ce qui est arrivé.
Je
prie la chambre d’agréer mes explications.
M.
Pirson. - J’ai réclamé la parole ; mais j’ai entendu demander
l’ordre du jour ; si l’on passe à l’ordre du jour, je n’ai plus rien à dire. Je
n’ai plus à me justifier d’avoir siégé comme doyen d’âge…
M. Coppieters, second vice-président de la chambre. - Je
dois aussi des explications sur les causes de mon absence. J’ai été retenu sur
mon siège ; j’avais à prononcer dans plusieurs affaires urgentes : le prononcé
a eu lieu hier, et je suis parti immédiatement après l’audience.
M. A. Rodenbach. -
Je demande l’ordre du jour.
M. Jullien. - C’est
fini !
M. le président. - On demande l’ordre du jour sur la
proposition de l’honorable M. Verdussen.
- L’ordre du jour est
mis aux voix et adopté à une très grande majorité.
M. le président. - En conséquence il ne sera donné aucune
suite aux observations de M. Verdussen.
- La rédaction du
procès-verbal est adoptée.
_________________
M. de Renesse fait
connaître l’objet des pièces adressées la chambre ; ces pièces sont renvoyées à
la commission des pétitions.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES
DOTATIONS POUR L’EXERCICE 1834
M. Dumortier, rapporteur,
de la section centrale, est appelé à la tribune. Il se propose d’entretenir la
chambre du budget des dotations. On demande l’impression de son travail.
M. le président. - L’impression du rapport est demandée ;
ainsi, il n’est pas nécessaire d’en donner lecture.
M. Dumortier. - Il
me semble qu’on pourra fixer la discussion de ce budget après la délibération
sur le budget particulier de la chambre.
M. Doignon. -
Pourvu que le rapport soit distribué promptement.
M. d’Huart. - Il sera distribué demain.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, le budget des
dotations sera examiné après le vote sur le budget de la chambre.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU
DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES POUR L’EXERCICE 1834
Discussion des articles
Chapitre III. - Traitement des agents en
inactivité
Article unique
« Art. unique. Traitements des agents en inactivité : fr.
10,000. »
M. le président. - La section centrale ne propose pas un
changement dans le chiffre, mais dans le rédaction.
Elle demande que l’article soit intitulé ainsi : Traitement des agents en
inactivité de retour de leur mission, sans qu’ils y soient remplacés. »
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Il faut examiné
la rédaction nouvelle que propose la section centrale en faisant une
distinction. Elle exige deux conditions, pour qu’il y ait lieu à admettre un
agent au traitement de non-activité : le 1° c’est qu’il soit de retour de sa
mission, ce qui implique qu’il est entré en fonctions. Ainsi, à l’avenir, le
gouvernement ne pourra plus allouer de traitement à un agent qui ne sera pas
entrée en fonctions. 2° C’est que l’agent n’ait pas été remplacé. Je suis
autorisé à adhérer pleinement à la première condition ; je ne puis admettre la
seconde.
Dans la session
dernière, à l’occasion de la discussion du budget des affaires étrangères, je
suis convenu qu’il y avait eu des abus, et que le gouvernement appliquerait
désormais le principe exprimé par la première condition proposée par la section
centrale. C’est aussi dans ce sens qu’a été conçu le dernier arrêté du 20
juillet. Quant à la seconde condition, il y aurait de graves inconvénients à
l’adopter.
Il se peut qu’un agent
soit rappelé et remplacé, et que cependant cet agent ait droit, en bonne
justice, à un traitement de non-activité. Voici un cas qui peut se présenter.
Un agent pour être rappelé par son gouvernement pour excès de zèle, et il y a
nécessité de le remplacer immédiatement. Cependant il n’y a pas de place
vacante à lui offrir ; en attendant qu’on puisse le placer, il faut lui donner
un traitement de non-activité.
Le rappel de M. le
général Guilleminot, ambassadeur de France à
Constantinople, a été motivé sur l’excès de zèle qu’il a montré pour son
gouvernement. Il n’y avait pas d’espoir de le renvoyer à Constantinople puisque
le gouvernement turc lui-même avait provoqué le rappel. Si le général Guilleminot n’avait pas un traitement comme militaire, il
aurait fallu lui en allouer un de non-activité. Ce cas peut se présenter en
Belgique, avec des proportions moindres sans doute.
En résumé le
gouvernement voit une véritable amélioration dans la proposition de la section
centrale, mais cette amélioration il ne la voit que dans la première condition.
Je demande que la seconde soit écartée. Je demanderai donc la division ;
c’est-à-dire, que le libellé soit « Traitement des agents en non-activité
de retour de leur mission. »
Il
me reste une question à poser à M. le rapporteur de la section centrale : La
section centrale a-t-elle entendu appliquer le principe nouveau à la personne
qui a été citée hier, et qui est la seule qui, dans ce moment, jouit d’un
traitement de non-activité auquel elle a droit d’après les règlements ? Un
honorable membre, M. A. Rodenbach, qui s’est toujours montré parcimonieux
dispensateur des deniers publics, vous a fait valoir les circonstances qui
militent en faveur de cette personne. Il a dit que le principe de la section
centrale devait être admis, mais qu’il ne croyait pas qu’un individu pût
devenir victime du principe contraire, posé par le gouvernement. Il a vu dans
la position de cette personne une espèce de droit acquis. (Signe de dénégation.) J’avoue que strictement il n’y a pas de droit
acquis. J’use, vous le voyez, de beaucoup de franchise. La chambre pourrait
peut-être dire que c’est au ministre qui a pris la mesure à en répondre ; mais
renvoyer la personne à un ministre qui n’existe plus politiquement, c’est la
priver de tout traitement. Messieurs, c’est à vous à apprécier les faits en
bonne justice.
M. Fleussu, rapporteur. - Si M. le commissaire du Roi se
réunit à une partie de la proposition présentée par la section centrale, je ne
puis me réunir à la proposition de M. le commissaire du Roi. Vous connaissez
tous les observations qu’a soulevées dans les sections l’intitulé du chapitre
III. La première section s’est opposée à l’allocation du crédit, à cause de
l’inconstitutionnalité de l’arrêté du 20 juillet. La cinquième section ne veut
pas de traitement de non-activité ce qui serait, selon elle, des traitements
d’attente. La sixième section se plaint de ce qui s’est passé pour les agents
du Brésil et de l’Espagne. Ces observations ne sont pas nouvelles ; elles sont
une répétition de toutes les observations qui ont eu lieu dans les sessions
précédentes, et dans les sections et dans cette enceinte.
Lors de la discussion du
premier budget en 1832, un honorable collègue, M. Leclercq, avait prévu toutes
les difficultés que l’intitule du chapitre ferait naître. Il avait envisagé la
question sous un seul rapport, sous celui des traitements d’attente.
Il avait trouvé qu’avec
l’intitulé le gouvernement pourrait rétablir les traitements d’attente.
Cependant la chambre, à cette époque, a paru satisfaite des observations
présentées par M. de Muelenaere, ministre des affaires étrangères. Que
craignez-vous, a dit ce ministre ? l’allocation sera
présentée au budget, et tous les ans la chambre pourra accorder ou rejeter le
chiffre. C’est pour cette raison que les réflexions très justes de M. Leclercq
n’ont pas prévalu. Les abus n’étaient qu’en perspective ; ils se sont réalisés
depuis et d’une manière déplorable.
Vous savez comment il s’est
fait que deux agents diplomatiques sont restés pendant quinze mois à Bruxelles,
touchant tout ou partie du traitement attribué à leur légation. Ces faits
existaient lorsque vous avez discuté le budget de l’année qui vient de
s’écouler, et vous savez s’ils ont été l’objet de réclamations vives et très
vives. On s’est élevé de tous les points de la salle, contre ces nominations
intempestives.
L’honorable membre qui
remplissait les fonctions de rapporteur de la section centrale, avait sommé le
ministre de présenter le projet de loi sur cette matière, en annonçant que si
ce ministre ne le présentait pas, il en ferait lui-même la proposition : ni ce
ministre, ni M. Legrelle n’ont libellé de projet de loi ; et l’abus est
seulement diminué de moitié, puisque l’un des agents diplomatiques est parti
pour sa destination. La section centrale a cru trouver le remède au mal dans la
rédaction que j’ai l’honneur de soutenir.
La nécessité de ce
changement de rédaction se démontre facilement, si vous voulez mettre fin aux
abus, si vous voulez procéder d’une manière conforme à la constitution.
Les abus sont reconnus
par le gouvernement lui-même. Le commissaire du gouvernement vient de vous en
faire le pénible aveu. Hier, lorsqu’il a été interpellé, à trois reprises
différentes, pour faire connaître comment on avait pu nommer un agent pour un
pays qui ne nous avait pas reconnus, le plus profond silence a été la réponse à
nos interpellations.
Je suis étonné que nos
diplomates ne connaissent pas les principes qui dirigent l’Espagne ; ils
n’auraient sans doute pas fait une nomination si inopportune s’ils les eussent
connus : s’ils n’ignoraient pas ce qui se passait à l’étranger, ils ont donc
voulu faire une faveur.
Cette observation gagne
de l’importance lorsque l’on se rappelle sous l’empire de quel arrêté cette
nomination a eu lieu ; c’est sous l’empire d’un arrêté qui fait courir le
traitement du jour de la nomination. Ainsi le gouvernement nomme à une légation
qui ne pouvait être occupée, à une légation qui ne peut être remplie tant que
le roi de Hollande ne nous aura pas reconnus ; et vous paierez un agent qui ne
rendra aucun service.
On objectera peut-être
qu’il y a eu transaction avec le titulaire ; qu’est-ce que cela prouve ? C’est
que le gouvernement a recalé devant l’exécution de ses actes. Il a été
tellement pénétré de l’injustice qu’il faisait qu’il n’a pas osé la consommer.
Je n’aime pas qu’un
gouvernement transige avec ses agents sur la quotité de leur salaire : si
l’agent a un droit, vous ne pouvez lui refuser son traitement ; s’il n’a pas de
droit, vous ne pouvez même pas lui donner le quart d’un traitement.
Il est temps, messieurs,
que je parle de la constitution, de la constitution qu’il faut respecter, qu’il
faut savoir faire respecter si vous ne voulez pas qu’elle passe pour une lettre
morte. Le congrès, instruit par les enseignements de l’expérience, frappé de la
facilite avec laquelle l’ancien gouvernement accordait des pensions et des
gratifications, a voulu placer le gouvernement qu’il instituait dans l’impossibilité
d’abuser ainsi des deniers du trésor ; de là, la disposition de l’article 114
de la constitution. Il est ainsi conçu : « Aucune pension, gratification à
la charge du trésor public ne peut être accordée qu’en vertu d’une loi. »
Si vous voulez, messieurs,
que la constitution soit respectée, si vous voulez qu’elle ne soit pas un
mensonge, il faut empêcher que l’on ne fasse indirectement ce qu’elle défend de
faire directement. Or, je dis que l’on contreviendra à la constitution, à la
loi qui fixe les conditions pour avoir une pension, si vous laissez mettre à
exécution l’arrêté pris par le gouvernement relativement aux agents
diplomatiques. Ces dispositions sont ainsi conçues (je parle de l’arrêté du 20
juillet 1833) :
« Revu l’article 3
de notre arrêté du 22 septembre 1831, qui règle les traitements d’inactivité
des agents diplomatiques,
« Considérant que
les circonstances qui, outre le grade, influent sur la fixation du traitement
des agents à l’étranger n’existent plus lorsque ces agents se trouvent temporairement
en Belgique sans emploi, et qu’ainsi
il est plus équitable de fixer le traitement d’inactivité d’après le grade, que
de prendre pour base le traitement d’activité ;
« Voulant
d’ailleurs concilier dans une juste mesure les intérêts des agents diplomatiques
avec l’économie qui doit présider à toutes les parties des dépenses publiques ;
« Sur la
proposition de notre ministre d’Etat chargé par interim
du portefeuille des affaires étrangères,
« Nous avons arrêté
et arrêtons :
« Art. 1er. Les
agents diplomatiques auront droit à un
traitement d’inactivité lorsqu’ils cesseront d’être employés ;
« 1° Par suite de
la suppression de leur emploi ;
« 2° Par suite de la suppression
temporaire de la mission à laquelle ils sont attachés.
« Art. 2. Auront
droit au même traitement les agents diplomatiques qui, pour cause étrangère au
mérite de leurs services, se trouveront hors d’activité ; une décision royale
les admettra à la jouissance de ce traitement.
« Art. 3. Le
traitement d’inactivité est fixé ainsi qu’il suit :
« Pour les
ministres plénipotentiaires, fr. 6,000 ;
« Pour les
ministres résidents, fr. 5,000 ;
« Pour les chargés
d’affaires, fr. 4,000 ;
« Pour les premiers
secrétaires de légation, fr. 3,000 ;
« Pour les autres
secrétaires de légation, fr. 2,000
« Art. 4. Le
traitement d’inactivité ne pourra se cumuler ni avec un traitement quelconque
payé par le trésor public, ni avec une pension payée sur les fonds du trésor,
si ce n’est avec une pension de retraite pour services militaires. »
Ainsi, messieurs, on
accorde des traitements d’inactivité après qu’un emploi est supprimé, après le
rappel d’un agent diplomatique ; mais quand un emploi est supprimé, quand un
employé ne rend plus aucun service à l’Etat, je demande à quel titre on lui accorde
un traitement d’inactivité ?
Lorsqu’un agent
diplomatique est rappelé, qu’il est sans emploi en Belgique, pourquoi lui payer
du salaire quelconque ?
Remarquez bien une
chose, c’est que même dans cet arrêté rien ne détermine la durée du traitement
d’inactivité. Dès lors ne sera-t-il pas facultatif au gouvernement de faire
dégénérer ce traitement d’inactivité en véritable pension ? Et voyez combien la
chose sera facile. Le gouvernement voudrait favoriser une de ses créatures, et
ce gouvernement en a comme les autres ; il l’envoie en ambassade ; il le
rappelle et lui donne le traitement d’inactivité. Comme le gouvernement n’est
pas obligé de donner les motifs du rappel, il dira qu’il n’a pas dans ce moment
de légation nouvelle à sa disposition, et il laissera sans emploi l’agent qui
aura fait un voyage à Vienne ou ailleurs pour obtenir une véritable pension.
N’est-ce pas là un moyen d’éluder la constitution ? On peut encore l’éluder
autrement. on nomme un agent pour l’Espagne, par
exemple ; vous supprimez cette ambassade, c’est-à-dire que vous n’accordez pas
de fonds pour cette ambassade ; l’agent nommé aura un traitement de
non-activité. Voila à quels abus l’arrêté du gouvernement ouvre la porte.
On dira que le
gouvernement n’a nul intérêt pour abuser ainsi des deniers du trésor public ;
cette observation, si elle était fondée, ferait le procès à l’article 114 de la
constitution. Cet article a voulu des garanties contre le gouvernement, et
vous, mandataires du peuple, chargés de faire exécuter la constitution, nous
devons maintenir ces garanties dans toute leur vigueur.
On nous a fait une
concession et une objection. La concession, je n’y tiens pas beaucoup. Il était
trop absurde de maintenir en inactivité celui qui n’a jamais été en activité.
Quant
à celui qui a été rappelé, aussi longtemps qu’il aura mérité son rappel, l’Etat
ne lui doit aucun traitement. Autrement vous créez une sinécure, un traitement
d’attente ; vous faites une inconstitutionnalité. Il faut que le gouvernement
subisse les mesures auxquelles les abus du gouvernement ont donné lieu. Il ne
faut pas que, sous le prétexte de rappeler un ambassadeur pour le remplacer par
un autre, on puisse lui faire une pension qui lui permette de vivre
bourgeoisement à Bruxelles, ainsi que nous l’avons déjà vu. Il faut craindre
les abus onéreux aux contribuables.
M. Jullien. - (Erratum au Moniteur belge n°17, du 17
janvier 1834) On a agité une question de personne à l’occasion de celle que
nous examinons. J’avoue que, quant à la question de personne, il ne peut y
avoir de droit acquis pour elle ; mais je pense aussi avec quelques-uns des
honorables membres de cette chambre que, si ce n’est pas enlever à cette
personne un droit acquis, il y aurait au moins une très grande sévérité en lui
refusant le traitement qui lui a été alloué jusqu’à présent, et en le lui
refusant par une espèce d’effet rétroactif ; c’est là une considération
d’équité.
L’année
dernière la même question s’est élevée relativement à la même personne, et la
chambre a alloué, par ces considérations, la somme demandée par le
gouvernement.
Je voterai pour la
rédaction pleine et entière de la section centrale ; pour cette rédaction,
telle qu’elle est proposée : quant à la question de personne, j’avoue que je
suis disposé à accorder les fonds demandés par le gouvernement pour ne pas
appliquer trop sévèrement le principe que vous ferez bien de consacrer
formellement aujourd’hui.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Dans la dernière session j’ai
fait des aveux. Le premier c’est que l’agent diplomatique ne doit pas toucher
son traitement à partir du jour de sa nomination, mais à partir du jour de son
entrée en fonctions. Le second c’est que l’agent diplomatique ne doit avoir
droit à un traitement d’inactivité que lorsqu’il est entré en fonctions, et
qu’il est revenu de sa mission. J’ai fait ces deux aveux complètement. Moi-même
j’ai reconnu, et je me suis empressé de le dire publiquement, que des abus
avaient été commis.
L’arrêté pris par M. de
Mérode a, suivant moi, apporté une grande amélioration dans l’administration.
Par cet arrêté on exige qu’il y ait cessation de fonctions. Cet arrêté est
celui du 20 juillet dernier ; il a été rendu par M. de Mérode qui avait alors
le portefeuille des affaires étrangères.
Les dispositions de
l’arrêté me paraissent suffisantes, et je dois persister à repousser la seconde
partie de l’amendement de la section centrale.
L’honorable rapporteur
de la section centrale nous dit : Lorsqu’un emploi est supprimé, le titulaire
est sans utilité pour le pays ; donc il faut lui retirer tout traitement. C’est
là un principe trop absolu, et c’est raisonner avec une rigueur qui pourrait
être contraire à la justice. Un homme qui entre dans le corps diplomatique doit
avoir la certitude que, par des événements indépendants de sa volonté, il ne
sera pas exposé à être sans ressources ; il ne faut pas faire pour lui une
position exceptionnelle, une position qui ne se rencontre dans aucune autre
carrière.
Un agent diplomatique
rappelé par suite d’excès de zèle ou par suite de suppression de son emploi, et
après avoir servi son pays, pourra-t-il se trouver sans ressources ? Il aura
peut-être quitté, pour embrasser cette carrière, une position avantageuse dans
une administration où il ne courrait pas les mêmes risques de rappel ; car la
carrière diplomatique présente des chances toutes particulières. Ainsi, lorsque
je réclame au nom du gouvernement une exception en faveur des agents
diplomatiques, c’est qu’ils se trouvent dans une position exceptionnelle.
Je suppose qu’il
s’agisse de supprimer un corps judiciaire et de le remplacer par une autre
institution exigeant un personnel moins nombreux, eh bien, une partie du
personnel supprimé sera momentanément sans emploi ; hésiterez-vous à accorder
un traitement de non-activité ? évidemment non ; vous
direz que le citoyen qui est entré dans le corps judiciaire y est entré avec
une certitude donnée par le gouvernement qu’il ne se trouverait pas sans
ressources par suite de faits indépendants de sa volonté.
Ce cas, tout à fait
extraordinaire, que je suppose pour l’ordre judiciaire, peut se présenter
fréquemment dans la diplomatie. De même si l’on supprime la haute cour
militaire, par exemple, ne fera-t-elle rien pour cette partie du personnel qui
pourrait être sans emploi ?
L’honorable rapporteur
nous a cité un abus qui pourrait se commettre. Il est parti de cette hypothèse,
que le gouvernement dirait à une de ses créatures, car il en suppose beaucoup
au gouvernement : je vais vous donner une pension ; pour cela je vais vous
envoyer dans telle cour, vous y resterez quelques semaines, quelques mois, je
vous rappellerai et vous tomberez de plein droit dans l’un des cas du chapitre
III du budget des affaires étrangères. Messieurs, si le gouvernement recourait
à un moyen semblable ; si un député pouvait venir vous dénoncer un tel fait,
avec les circonstances que l’honorable rapporteur vous a fait connaître, vous
n’hésiteriez pas, non seulement à refuser une sinécure, mais même à refuser le
budget tout entier.
Car il ne faudrait pas
remettre à un ministre qui pourrait se rendre coupable d’un tel abus le
maniement des deniers de l’Etat.
Deux abus se sont
présentés, mais sans les circonstances odieuses énoncées par l’orateur.
Il peut y avoir abus par
des nominations de tous genres. Je suppose qu’un homme malade soit placé dans
un parquet, ou soit nommé membre d’une cour ou d’un tribunal ; cet homme que
vous savez d’avance incapable de remplir ses fonctions, aura-t-il droit à son
traitement ? Voilà cependant une nomination abusive. Faut-il en conclure que
l’on doit prévoir des cas de ce genre ? Non, messieurs. Ce sont là des cas
tellement odieux, qu’il ne faut pas prendre de mesures pour s’en préserver :
ces cas présentent tous les caractères de dilapidation des deniers publics.
Je
crois que la chambre doit repousser la deuxième condition proposée par la
section centrale : elle ne pourrait écarter que quelques abus rares qui, s’ils
se présentaient, attireraient l’animadversion de la chambre entière sur celui
qui les aurait commis.
Je n’ai rien à ajouter
pour le cas personnel dont il s’agit ici, et je me trouve heureux d’avoir
obtenu l’appui de M. Jullien ; si cette opinion obtient l’approbation de la
majorité, je crois qu’il suffira d’une mention dans le procès-verbal, afin de
ne pas mettre un nom propre dans le budget.
M. Dumortier. - Nous devons tous être d’accord sur le
besoin de faire respecter la constitution ; nous avons tous juré de la
maintenir ; et toutes les fois que le ministre arrive devant nous ayant commis
une violation flagrante de la constitution, notre devoir est de la repousser.
Or, il n’est pas possible de cité un fait plus opposé à la constitution, que
l’arrêté du 20 juillet dernier, par lequel le ministre s’est cru en droit de
conférer des pensions d’attente.
La représentation
nationale n’a cessé de réclamer contre les traitements d’attente. Dans quelles
circonstances le gouvernement se prévaut-il des dispositions prises, pour
rétablir les traitements d’inactivité contre lesquels nous nous sommes soulevés
? C’est en présence de la proposition que M. d’Hoffschmidt a déposée, afin de
les faire cesser.
Ce qui est plus fort,
non seulement le ministre se croit autorisé à donner
des traitements pour des services très courts qu’on aurait rendus, il donne
aussi des traitements pour des services à rendre. C’est là un système dont vous
comprenez toute la fausseté. Il est inutile de le réfuter. Il existe en
Belgique des milliers de personnes qui seront un jour capables de rendre des
services à l’Etat ; est-ce à dire qu’il faille voter trois budgets : un budget
des personnes qui rendent des services, un budget des personnes qui en ont
rendu, et un budget des personnes qui pourront en rendre un jour ? Si l’Etat
doit rémunérer les services à rendre, il faudrait en effet ces trois budgets.
Il faut admettre ce principe ou le rejeter. Des questions de personnes, je n’en
sais pas faire. Des questions de principes, il faut les trancher. J’appuie de
toutes mes forces le libellé de l’amendement de la section centrale. Que dit le
ministre pour s’y opposer ?
Les agents diplomatiques
sont dans une position exceptionnelle ; ils peuvent être rappelés à chaque
instant ; il faut qu’ils aient l’espoir de pouvoir continuer leurs travaux. Je
ne partage pas cette opinion. Je ferai observer que rien n’a démontré la
nécessité de rémunérer des agents qu’on n’emploie pas. On a cité l’exemple du
gouvernement de Guillaume. Cet exemple ne prouve rien. La diplomatie a deux
rôles à remplir : Chez les grandes puissances le rôle de la diplomatie est
d’agir activement sur les nations chez lesquelles elle envoie des ambassadeurs
; chez les petites puissances le rôle est passif. Les agents diplomatiques sont
là pour attendre les événements, mais non pour intervenir dans les affaires du
pays où ils sont envoyés. C’est ce qui explique la différence qui existe entre
les agents des petites puissances et ceux des puissances du premier ordre. Je
ne crois pas qu’il tombe jamais dans les prétentions du gouvernement que ses
agents aient de l’influence sur
Si le rôle de notre
diplomatie est passif, c’est l’inverse quand il s’agit de grandes puissances ;
l’Angleterre,
Notre rôle ne peut donc
nécessiter le rappel d’un ambassadeur pour trop de zèle, et le cas cité par M.
le commissaire du Roi ne peut être applicable. Reste dès lors le cas très
simple du retrait d’un ambassadeur dans l’ordre habituel.
Avez-vous l’intention
d’accorder des traitements d’inactivité pour de semblables retraits ? Examinons
ce qui en résultera. Voilà trois années que
Nous
avons envoyé un agent à Vienne ; il a droit à 6,000 fr. Nous en avons envoyé un
second à Berlin. Ainsi nous pourrions faire promener des agents dans l’Europe
afin de leur donner un traitement, c’est-à-dire afin de les mettre à même de se
promener dans Bruxelles la canne à la main. Telle est la conséquence du système
du ministre.
M. Ernst. - Je
viens répondre aux observations que nous a présentées M. le commissaire du
gouvernement. Il nous reproche de vouloir placer les agents diplomatiques dans
une position exceptionnelle. Les autres fonctionnaires, dit-il, qui ont rendu des
services à l’Etat, ont des droits à réclamer sur le trésor lorsque, par des
circonstances indépendantes de leur volonté, ils sont mis dans l’impossibilité
de continuer leurs fonctions : pourquoi n’en serait-il pas de même des agents
du service extérieur ?
Je répliquerai a cet
orateur que c’est lui-même qui prétend créer une exception en faveur de ces
agents, car les autres fonctionnaires ne peuvent appuyer leurs titres que sur
la loi : pourquoi les diplomates ne seraient-ils pas traités de la même manière
?
Je conviens que les
agents diplomatiques qui ont rendu de longs services au pays, qui ont abandonné
une position avantageuse pour un nouveau poste, doivent recevoir une récompense
lorsqu’ils ne peuvent plus être employés par le gouvernement ; mais il ne doit
pas dépendre du ministère de fixer arbitrairement les conditions de l’étendue
de l’indemnité qui leur sera allouée. L’article 114 de la constitution est
positif : « Aucune pension, aucune gratification à la charge du trésor
public ne peut être accordée qu’en vertu d’une loi. » Ce texte a été
évidemment violé par l’arrêté du 20 juillet dernier ; car le traitement
d’inactivité n’est autre chose qu’une pension ou une gratification ; un
traitement est donné pour des fonctions actuelles, une pension pour des
services passés.
Les exemples cités par
l’honorable commissaire du Roi ne justifient aucunement son système, il a
supposé le cas de la suppression d’un corps judiciaire, et il a demandé si les
fonctionnaires dont les emplois cessent, n’auraient point de réclamations à
faire. Mais la loi détermine quand ils ont droit à une pension, et elle en fixe
le taux. Il doit en être de même des agents diplomatiques : leurs droits à une
pension ne peuvent être réglés que par une loi.
On dit qu’on ne peut pas
supposer que le gouvernement abuse de l’arrêté du 20 juillet et qui dilapide
les deniers publics. Eh bien ! quand même on n’aurait jamais donné lieu à
craindre des abus, dans cette supposition qui serait si honorable pour le
ministère, encore ne nous serait-il pas permis de nous écarter de la
constitution et de nous exposer à l’arbitraire.
Messieurs,
permettez-moi à cet égard une réflexion. J’ai plusieurs fois entendu dire, dans
cette enceinte, que c’est à l’esprit de la constitution qu’il faut s’attacher.
Cette manière de raisonner est pleine de danger : quand le texte de la
constitution est clair, il ne faut pas rechercher une pensée qui peut être
incertaine. Il nous appartient d’appliquer littéralement les dispositions de la
constitution ; mais les questions d’interprétation qui se présentent dans des
cas douteux, sont réservées à toutes les branches de la législature. Le
gouvernement est pour le moins aussi intéressé à maintenir intact nous pacte
fondamental que les représentants du peuple, car chez nous l’autorité royale
n’est pas antérieure à la constitution.
M.
de Theux. - Je me bornerai à soumettre quelques observations à
la chambre relativement au traitement d’inactivité de l’agent diplomatique
d’Espagne. Dans la séance d’hier, M. A. Rodenbach a cru que les circonstances
particulières dans lesquelles se trouvait cet agent méritaient qu’on fît une
exception en sa faveur.
M. le commissaire du Roi
a voulu pressentir l’opinion de la chambre, pour se croire autorisé à continuer
ce traitement. Dans cet état de choses, quelque désagréable qu’il soit d’avoir
à s’expliquer sur une question de personne, je ne crois pas pouvoir me
dispenser de présenter quelques réflexions à la chambre.
L’honorable
citoyen dont il s’agit a en effet quitté le commerce qu’il faisait à Liége,
pour être secrétaire-général du ministère des finances, poste qu’il a occupé
pendant plusieurs mois et qu’il a quitté spontanément. Ce n’est qu’après un
intervalle assez long qu’il est de nouveau rentré au service de l’Etat, en
acceptant la mission d’Espagne ; à peine avait-il accepté cette mission, qu’il
fut atteint d’une maladie qui le rendit inhabile à occuper un emploi. Cependant
il a touché un traitement d’inactivité pour le poste auquel il venait d’être
promu. Y a-t-il justice à continuer ce traitement ? Je ne le pense pas. La
maladie qui a atteint ce fonctionnaire l’aurait frappé dans son domicile comme
à Bruxelles ; et quant au service qu’il a rendu à l’Etat, il se réduit à
quelques mois ; beaucoup d’honorables citoyens, qui ont rendu de plus
longs services, ne jouissent d’aucun traitement. Pourquoi deux poids et deux
mesures ? Pourquoi ne pas suivre, à l’égard de ce fonctionnaire, la marche qui
a été suivie par les autres ?
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Tout le monde doit invoquer la constitution, aussi
bien sur le banc des ministres que sur les autres bancs de la chambre. Mais je
crois qu’il n’est ni politique, ni sage de l’invoquer à tout propos ; car
l’effet d’un pareil langage serait d’affaiblir, dans l’opinion publique, le
respect pour cette constitution qu’on invoque sans cesse, et ici spécialement,
selon moi, mal à propos. A entendre un honorable orateur, la constitution
proscrit en masse les traitements d’inactivité, attendu que ces traitements ne
sont, en réalité, que des « traitements d’attente. » Messieurs, la
constitution ne proscrit rien de tout cela : elle ne proscrit pas les
traitements d’attente, non plus que les traitements de non-activité. Si vous
réduisiez l’armée et qu’on renvoyât chez eux un grand nombre des officiers qui
sont en service actif, ces officiers seraient en non-activité, et il est
évident qu’aux termes des règlements ils auraient droit de percevoir une
certaine quotité de leur traitement, c’est que vous avez toujours sanctionné ;
et si la constitution avait impérativement et absolument proscrit les
traitements de non-activité de toute espèce, c’eût été un abus qui n’aurait pas
trouvé une seule voix dans cette enceinte.
Ce que je dis ici du traitement
de non-activité dans l’ordre militaire, la section centrale l’a reconnu dans
l’ordre diplomatique. Elle ne proscrit pas absolument les traitements de
non-activité ; elle admet le principe et prescrit l’exception. Je lis le
libellé de l’article :
« Traitement des
agents diplomatiques en inactivité, de retour de leur mission, sans qu’ils y
soient remplacés. »
La section centrale
excepte donc ceux qui seraient remplacés ; mais les autres, elle les recommande
formellement à la chambre. Il faut bien qu’il en soit ainsi, car dans la
carrière diplomatique un homme peut se trouver interdit de l’exercice de ses
fonctions par des causes entièrement indépendantes de sa volonté. Je n’examine
pas l’hypothèse, présentée par M. le commissaire du Roi, d’un agent qui aurait
excédé ses instructions ; car l’excès de zèle peut avoir de fâcheuses
conséquences en compromettant la bonne intelligence qui règne entre deux
gouvernements. Quelque honorable que puisse être l’excès de zèle, je ne l’aime
pas ; aussi je n’en ferai pas l’apologie : la première loi pour un
fonctionnaire est de se bien pénétrer de l’esprit et de la lettre de ses
instructions et d’agir avec circonspection. Mais je dis qu’un agent peut se
trouver frappé par des circonstances indépendantes de son fait et que des
circonstances peuvent être de telle nature que cet agent diplomatique, plein de
zèle pour le pays, soit dans l’impossibilité momentanée de lui rendre aucun service. C’est là ce qui a
déterminé la section centrale à admettre le principe du traitement de
non-activité.
La première hypothèse
qui se présente à mon esprit, c’est la guerre. Eh bien, la première conséquence
de la guerre ; c’est le congé de l’agent diplomatique, ou son rappel par le
gouvernement au nom duquel il avait été accrédité : c’est une question de
dignité pour un gouvernement, dans ce cas, de rappeler son agent diplomatique.
La section centrale
reconnaîtra qu’il y aurait injustice a réduire à la misère un homme qui aurait
abandonné une bonne position pour entrer au service du pays, et cela parce que
momentanément il serait dans une situation à ne pouvoir rendre aucun service.
Je ne prétends pas m’élever contre le système de la section centrale ; car ce
que j’avance est la conséquence que je me crois autorisé à tirer du principe
qu’elle a admis, et de la manière dont elle l’a formulé.
On va donc trop loin
quand on dit que la constitution a proscrit en masse les traitements de
non-activité.
Les traitements de
non-activité ont été admis non seulement pour le département de la guerre, mais
encore, et avec raison par la section centrale pour la carrière diplomatique.
Qu’est-ce d’ailleurs,
dit-on qu’un traitement d’inactivité ? C’est une sorte de pension ou
gratification temporaire. Je consens à ce qu’on l’appelle ainsi ; or, elle
n’est accordée qu’en exécution d’une loi, de la loi du budget, loi spéciale des
dépenses de l’Etat.
Evidemment, si les
traitements d’inactivité sont accordés en vertu d’un arrêté, c’est un arrêté
qui s’adapte au budget : c’est le mode d’exécution de la volonté dé la
législature.
Quel que soit le nom que
vous donniez, on n’est pas moins dans les termes de la constitution qui dit
qu’aucune gratification ne pourra être accordée qu’en vertu de la loi, et non
point qu’elle devra être accordée par la loi. Or, en matière de dépenses, la
loi, c’est le budget.
Après avoir protesté
contre les conséquences exagérées de prémisses qui sont inattaquables, à savoir
que c’est dans une loi que la dépense doit trouver son origine, je dirai un mot
de l’agent dont il s’agit.
Messieurs, ce n’est pas
ici seulement une question d’humanité ; je ne sais pas si la chambre pourrait
se déterminer par une simple considération d’humanité, lorsqu’une sorte de
droits acquis ne viendrait pas appuyer l’allocation que nous demandons. D’abord
l’agent qui a été appelé à exercer une mission diplomatique en Espagne l’a été
sous l’empire d’un ordre de choses qu’on a changé depuis, et qu’on avait toléré
jusque-là. Il est évident que la législature n’a formulé d’interdiction
expresse pour le traitement d’inactivité, dans ce cas, qu’à partir du budget de
1833. Remarquez en outre que ce fonctionnaire est absolument dans le cas d’un
autre fonctionnaire public, magistrat, par exemple, qui a été nommé
aujourd’hui, non pas quand il était malade, parce qu’alors on ne l’aurait pas
nommé, mais qui tombe malade huit jours, quinze jours après, avant de pouvoir
commencer l’exercice de ses fonctions, Que fera-t-on ? il n’y a pas moyen
d’accorder une pension, ce fonctionnaire ne se trouve dans aucune des
hypothèses prévues par l’arrêté de 1814.
Il recevrait son
traitement intégral : si on voulait le biffer des états de traitements
ordonnancés trimestriellement, et envoyés à la cour des comptes, chacun se
récrierait. Eh bien ! qu’un agent, diplomatique, un fonctionnaire quelconque
jouissant de l’intégralité de ses facultés physiques et intellectuelles au
moment où il est nommé, soit frappé peu de jours après d’une indisposition qui
le mette temporairement dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, il sera
dans le cas de tel autre fonctionnaire public à qui jamais une maladie n’a fait
retirer son traitement. Ce n’est pas le même cas ici quant au chiffre :
l’espèce est beaucoup plus favorable, car ce n’est pas l’intégralité du
traitement qui serait accordée dans l’hypothèse que je viens de prévoir, qu’on
nous demande ; si ce n’est pas la moitié, c’est à peine le tiers ; je crois que
ce n’est qu’une somme de 4 mille francs.
Ce n’est pas non plus
une pension perpétuelle qu’il s’agit d’accorder ; le gouvernement et l’agent
lui-même savent qu’il faut qu’un tel état de choses cesse, et il ne se
reproduira plus lors du budget de 1835.
Nous
n’avons pas l’intention de grever le budget de l’Etat par des traitements
d’inactivité, et je suis ici, j’en ai la certitude, l’organe des sentiments de
l’honorable citoyen sur lequel deux représentants et M. le commissaire du Roi
ont appelé la considération de la chambre, en déclarant que cet agent ne
voudrait rien réclamer de semblable.
Je crois donc qu’il y a
lieu de maintenir pour l’année courante le traitement de non-activité qui vous
a été réclamé.
M. Angillis. -
Messieurs, quand dans la séance d’hier, qu’on a qualifiée d’illégale, j’ai dit
que c’était un abus de payer un traitement d’inactivité à une personne qui n’a
jamais été en activité, je n’ai voulu faire allusion à personne ; je ne savais
pas même le nom de l’agent dont il s’agissait. J’ai voulu poser un principe, et
personne ne contestera ce principe que payer un traitement d’inactivité à une
personne qui n’a jamais été en activité, c’est créer une sinécure. Or nos
mandats nous imposent l’obligation de nous opposer à toute sinécure et de ne
consentir qu’aux dépenses strictement nécessaires pour les services publics.
Nous ne pouvons pas aller au-delà.
J’admets qu’il n’y a pas
de règle sans exception ; mais tout ce qu’a dit hier M. A. Rodenbach n’a pas
fait d’impression sur moi : je n’ai pas répondu de suite parce qu’il m’est
toujours pénible de citer des noms propres ; je me borne à déclarer que tout ce
qu’on a dit à cet égard ne m’a pas convaincu de la justice du traitement
alloué.
Que résulte-t-il de cela
? que le gouvernement a commis une faute en nommant un agent près d’une cour
qui ne nous a pas reconnus et qui, malgré son espèce de révolution, persiste à
ne pas nous reconnaître.
Cependant, si la chambre
croit devoir continuer le traitement, je ne m’y opposerai pas.
Quant
à l’amendement de la section centrale, j’en trouve la rédaction trop absolue.
L’exemple cité par M. le commissaire du Roi, du général Guilleminot,
qui a été rappelé pour excès de zèle, sur l’invitation du gouvernement paternel
de Constantinople, cet exemple n’est pas sans application possible ; il peut se
présenter quoique nos agents n’aient pas jusqu’à ce jour péché par ce côté. Il
y a un autre cas c’est le cas de guerre ; il faudrait bien alors que
l’ambassadeur revînt. Eh bien ! lui refuseriez-vous une indemnité quelconque ?
La section centrale a craint les abus, je les crains aussi ; mais quelles que
soient nos précautions, si le gouvernement ne veut pas agir loyalement, vous ne
pouvez pas les éviter. Au surplus le danger ici n’est pas grand, car il ne
s’agit que de 10 mille francs ; accordez-la, et si l’année prochaine vous
trouvez qu’on en a abusé, vous supprimerez l’allocation. Je ne vois donc pas de
motif pour m’opposer à la demande du gouvernement.
Si on divise
l’amendement de la section centrale, je voterai contre la seconde partie.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F.
de Mérode) - On
a demandé une loi régulatrice des traitements d’inactivité des agents
diplomatiques, mais les lois sont impossibles à faire toutes
ensemble, car on en demande pour une foule d’objets plus importants que
celui-ci. En attendant la loi que demande M. Fleussu, si on abuse de l’arrêté,
vous êtes ici pour vous plaindre chaque année, et il y a là certes un frein
moral qui tient lieu provisoirement du frein légal imposé par une loi. Voyez ce
qui est arrivé à l’égard d’une nomination trop légèrement faite pour la mission
d’Espagne ; il en est résulté des observations qui interdisent le
renouvellement de cet acte pour l’avenir. On ne se persuade pas assez de
l’influence générale qu’exerce une représentation nationale, librement élue,
sans qu’elle circonscrive le gouvernement dans des liens positifs trop étroits.
Pour les services à rendre, a dit M. Dumortier, il faudrait un troisième
budget. C’est vrai, mais est-il possible qu’on présume du vote libre des
subsides qu’aucun gouvernement ose établir ce troisième budget ? Pendant que
nous combattons ici des chimères ou des abus qu’aucune prévoyance fondée
n’autorise à craindre, nous négligeons une foule d’abus énormes qui résultent
de notre inactivité ; car, messieurs, il y a une sorte d’abus excessivement
grave, qu’on appelle faute d’omission, et c’est là l’abus incalculable dans ses
mauvais effets vers lequel nous sommes constamment
entraînés en discutant des objets de très peu d’importance, en nous livrant à
des suppositions absolument dépourvues de probabilité. Avec ces suppositions,
il n’y a pas de gouvernement tolérable, comme vous l’a dit M. Angillis ; car
supposez que le Roi nomme toujours des ministres sans conscience et sans talent
; supposez qu’il en soit de même pour les fonctions judiciaire laissées au
choix du ministère ; supposez le favoritisme dirigeant toutes les nominations
aux grades supérieures dans l’armée, où en serez-vous ? et quelles seront vos
précautions indéfinies ? je demande donc que l’on abandonne le champ des
suppositions, qu’on demeure ici dans le domaine des réalités ou du moins des
probabilités, et c’est ainsi que nous servirons utilement le pays, c’est ainsi
que nous éviterons de faire de la chambre des représentants la plus vaste
sinécure de
M. Fleussu, rapporteur. - Messieurs, je n’ai pas
l’habitude de m’étonner facilement ; cependant je déclare que ce n’est pas sans
surprise que j’ai entendu deux ministres venir faire la leçon à la chambre. A
les entendre, nous abusons du mandat que nous avons reçu et nous sommes dans l’inactivité.
S’il est vrai que nous ne faisons rien et que nous perdons notre temps en des
discussions qu’il appelle inutiles, c’est la faute du ministère et non la
nôtre, si toujours nous devons faire un appel à la constitution. Oui, on parle
de la constitution sur tous les bancs, et vous voudriez sans doute qu’on en
parlât moins ; je le comprends, mais cela dépend de vous : gouvernez suivant la
constitution, et dès ce moment nous prenons l’engagement de ne jamais en
parler.
M. le ministre s’est mis
à son aise pour n’avoir pas la peine de répondre aux arguments qu’on a opposés.
Il a déplacé la question. A vous entendre, a-t-il dit, ne semblerait-il pas que
l’on trouve dans la constitution la proscription en masse des traitements
d’inactivité ? Eh bien, il n’en est rien. Non, messieurs, il n’en est rien ;
nous l’avons reconnu : nous n’avons pas dit que ces traitements fussent
proscrits par la constitution, mais nous avons dit que les conférer par des
arrêtes dans les circonstances où ils l’ont été, ce n’étaient que des pensions
déguisées. C’est sous ce rapport que nous avons montré que le ministère était
en opposition à la constitution. Remarquez bien, messieurs, que nous ne
refusons pas la somme ; seulement nous ne voulons pas la laisser entièrement à
la disposition du ministère ; ii aurait trop de facilité à en abuser en
donnant, soit des pensions, soit des gratifications, ce qu’interdit la
constitution.
La constitution a
reconnu le traitement d’inactivité, le libellé de l’article l’atteste. La
différence entre votre libellé et celui-là est qu’avec le vôtre vous pouvez
faire tout ce qui vous plaît, violer à votre aise la constitution, tandis que
celui de la section centrale vous lie les mains et vous oblige de procéder
conformément à la loi et à la constitution.
On s’est encore livré à
quelques considérations, on a parlé de guerre ; que feriez-vous, a-t-on dit,
quand notre ambassadeur serait rappelé ? le laisseriez-vous sur le pavé ?
Messieurs, dans tous les cas cités par M. le commissaire du Roi, ce serait au ministre
à nous présenter une loi ; nous verrions ce que nous aurions à faire : mais ce
n’est pas au ministère à arbitrer ce qui a été placé dans le domaine de la
législature.
On a ensuite parlé de
l’armée et on a dit ; Comment fait-on pour mettre des officiers en
disponibilité ? Messieurs, vous savez tous que c’est une mesure disciplinaire ;
vous savez que d’après la constitution, je demande pardon à M. le ministre de
la justice de la citer encore, vous savez que par l’art. 125 des garanties sont
données à l’armée : les militaires ne peuvent être privés de leurs grades,
honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi.
Quand vous avez mobilisé
la garde civique, avez-vous assuré les grades des officiers ? Non, vous les
avez prévenus que quand ils rentreraient dans leurs familles, ils ne pourraient
rien réclamer. Quand vous avez établi l’armée de réserve, vous avez mis dans la
loi les mêmes stipulations ; et s’il arrivait que nous fussions dans un état de
paix complet qui nous permît de nous passer d’armée, pensez-vous que le
ministre de la guerre pourrait envoyer tous les officiers en demi-solde ? Non,
il faudrait nécessairement une loi. Voilà comme j’entends la constitution, et
comme je veux qu’on l’exécute aussi bien à l’égard des diplomates que des
officiers de l’armée.
Toutes les lois ne se
font pas à la fois, nous dit un autre ministre, et nous perdons notre temps
dans des discussions inutiles. Je ne regarde jamais comme inutiles les
discussions qui ont pour objet de maintenir les garanties que nous nous sommes
données. Jamais je ne reculerai devant ce reproche et chaque fois que le
ministère se présentera ayant porté la plus légère atteinte à la constitution,
il me trouvera toujours sur la brèche.
On a été obligé de
convenir qu’il y avait dans les traitements de non-activité quelque chose qui
ressemblait à une gratification ; mais, a-t-on dit, c’est en vertu de la loi du
budget qu’on les accorde, et par un arrêté qui n’est que le mode d’exécution.
En vertu du budget, oui, messieurs, avec le libellé que propose la section
centrale ; mais, avec celui du gouvernement, le ministère est libre de faire ce
qu’il veut, jusqu’à concurrence de 10 mille francs.
Je n’ai jamais voulu
faire de question de personne ; aussi on a pu remarquer que dans le cours de la
discussion je n’ai pas fait la moindre allusion à l’agent diplomatique dont les
intérêts sont plus ou moins compromis dans ce moment. On vous a parlé, il me
semble que le mot humanité a même été entendu ; on vous a parlé, dis-je, des
sacrifices que cet agent a faits, d’une belle position à laquelle il a renoncé
; on a parlé aussi de sa capacité : eh bien, j’admets tout cela, je reconnais
qu’il est digne d’obtenir quelque chose du gouvernement ; qu’y a-t-il à faire ?
que le gouvernement lui donne un emploi. Nous ne pouvons pas pour une personne
porter une somme, un article particulier, au budget qui est une loi générale.
Mais,
a-t-on ajouté, pourquoi n’aurait-il pas le même droit qu’aurait un juge qui
serait malade ? Un juge conserve son traitement dans ce cas, parce qu’une
maladie ne dure jamais assez longtemps pour lui retirer son traitement ; et
d’ailleurs il a toujours un collègue, un juge suppléant qui le remplace. Je
demanderai à mon tour au ministre, si un ambassadeur se trouvait dans ce cas et
qu’il fût remplacé, s’il paierait à la fois et l’ambassadeur résident et celui
qui ne le serait pas ? Je n’attache aucune importance ici à la question de
personne ; c’est pour éviter de nouveaux abus que je demande le maintien de
l’article proposé par la section centrale.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Messieurs, je n’ai point fait le
procès à la chambre, j’ai fait le procès aux questions de peu d’importance
qu’on lui soumet avec un détail excessivement minutieux et qui la distraient
des véritables et urgents intérêts du pays. J’ai fait le procès aux
suppositions qui n’ont ni fondement ni probabilité. J’ai fait le procès à
toutes les interprétations abusives et étroites de la constitution qui tendent
à la rendre impraticable, à rendre nos institutions stériles, à mettre le
gouvernement constitutionnel au-dessous des gouvernements absolus mitigés.
Voilà ce que j’ai fait, et je crois ainsi avoir rempli en conscience mon mandat
de représentant et de ministre.
(Moniteur belge n°17, du 17 janvier 1834) M. Jullien. -
L’argument sur lequel M. le commissaire du gouvernement a le plus insisté est
que la carrière diplomatique offre beaucoup de chances et de dangers
particuliers qui doivent être pris en considération. Il me semble qu’il y a une
réponse très facile à faire, c’est qu’on peut dire à celui qui entre dans cette
carrière : Pourquoi vous faites-vous diplomate ? il faut savoir en courir les
chances et les dangers, puisque vous en recueillez les avantages.
Il est impossible
d’avoir les avantages d’une fonction sans en supporter en même temps les
chances. Voilà, messieurs, ce qu’on peut leur répondre : d’ailleurs, M. le
commissaire du Roi ne vous a fait voir que le mauvais côte de la médaille, il
ne vous a pas dit combien d’honneurs, de richesses, de considération procure la
diplomatie à ceux qui en remplissent les fonctions. Je connais beaucoup de
diplomates, et il en est très peu qui ne se soient pas trouvés très bien de
leur office diplomatique.
Il ne faut pas prendre à
la lettre ces chances et ces dangers qu’on vous a exagérés, et qui du reste ont
d’assez larges compensations.
On a dit que la
constitution ne proscrivait pas les traitements d’inactivité, c’est vrai ; mais
la réponse qu’a faite à cet argument notre rapporteur est péremptoire. La
section centrale a voulu empêcher que par des moyens détournés le gouvernement
n’accordât des pensions, ce que proscrit la constitution, à moins qu’elles ne
soient accordées en vertu d’une loi spéciale.
Un honorable collègue a
pensé que la rédaction de la commission centrale était trop absolue ; qu’il
pourrait arriver, en cas de guerre par exemple, qu’on fût dans la nécessité de
rappeler l’ambassadeur accrédité près de la puissance avec laquelle on serait
en guerre, et qu’alors le gouvernement ne pourrait pas se dispenser de donner à
cet ambassadeur une indemnité.
Cette raison ne m’a pas
touché ; c’est encore là une des chances de la carrière que vous avez choisie
et que vous connaissiez quand vous avez accepté vos fonctions ; vous saviez que
vous deviez cesser vos fonctions si la guerre survenait, et que dans ce cas
votre traitement cesserait également. Si une guerre durait vingt ans, comme
cela s’est vu, faudrait-il pensionner pendant tout ce temps des ambassadeurs
sans emploi ? C’est une chance que le diplomate a dû prévoir ; il n’a, selon
moi, droit à aucun émolument.
Des
orateurs ont dit que dans ce cas le gouvernement n’aurait qu’à présenter une
loi. Je ne suis pas de cet avis, et si on proposait une loi de cette nature, je
serais le premier à la repousser. N’en déplaise à l’honorable collègue qui déjà
avait fait de la chambre une volière, et maintenant en fait une sinécure, n’en
déplaise, dis-je, à l’auteur de toutes ces métamorphoses, j’espère qu’on ne
présentera pas de loi pour cela et que cette loi n’occupera pas inutilement la
chambre, car je n’en vois pas l’utilité.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant m’a fait
l’honneur de réponse particulièrement à quelques observations que j’ai
présentées et qui tendaient à démontrer que la carrière diplomatique avait des
dangers particuliers, des chances particulières qu’il faut prévoir, quand on
confère des fonctions diplomatiques. L’honorable préopinant ne nie pas
l’existence de ces chances, de ces dangers ; mais il veut que l’agent
diplomatique les supporte, que ce soit lui qui coure tous les risques. J’avoue
que si un pareil système prévalait, la carrière deviendrait impraticable ; vous
ne pourriez plus avoir pour agents que des personnes ayant une autre position
stable, soit par une plus grande fortune, soit par d’autres fonctions entourées
de plus de garanties, position qui se trouve ainsi à l’abri des chances et des
dangers qui ont été signalés.
Vous n’auriez que des
personnes riches ou appartenant à la carrière militaire ou judiciaire, qui
offre des garanties particulières. Je ne pense pas que ce système puisse être
sanctionné ; il faut que le gouvernement ait dans cette carrière des hommes
spéciaux, des hommes qui aient fait de cette partie l’objet des études de toute
leur vie. Eh bien ! vous n’obtiendrez ces spécialités qu’en leur offrant des
garanties contre les chances et les dangers que présente la carrière.
Le préopinant a prétendu
qu’en cas de guerre il fallait refuser toute indemnité à l’agent rappelé,
quoique cet événement fût indépendant de sa volonté. Il est impossible, je le
répète, d’admettre un pareil système. Cependant je suis d’accord avec le
préopinant sur ce point, que si la guerre se prolongeait pendant un temps
indéfini, il faudrait faire cesser le traitement de non-activité. Comme les
dépenses sont votées annuellement, si un cas semblable se présentait, la chambre
serait juge des circonstances, apprécierait chaque année s’il y a lieu de
continuer ou de faire cesser le traitement. De cette manière l’abus qu’on a
signalé ne serait pas possible. Loin de devoir regretter qu’il n’y ait pas sur
ces traitements de non-activité une loi spéciale, c’est peut-être un avantage,
car dans une loi générale, vous ne pourriez écrire que des principes absolus,
qui ne se plient pas avec autant de facilité que la loi annuelle et variable du
budget aux circonstances éventuelles qui peuvent survenir.
Après ces considérations
sur la question de droit, je passe à quelques faits qui ont été signalés.
Un honorable préopinant
a fait une longue énumération des abus qu’on aurait pu commettre. Cette
énumération, tout hypothétique, messieurs, fait honneur au gouvernement, car il
n’a commis aucun de ces abus. Les agents en mission extraordinaire ou
permanente, envoyés près de gouvernements où ils n’ont pas été reçus ou bien où
ils ne sont demeurés que peu de temps, n’ont pas été admis au traitement
d’inactivité. Quand le gouvernement les a envoyés, prévoyant les difficultés
que rencontrerait peut-être leur réception, il les a avertis que si leur
mission échouait ou cessait, ils n’auraient droit à aucun traitement de
non-activité.
Le gouvernement, en
prenant ces précautions, a acquis un droit à votre confiance. On a cité trois
agents revenus récemment de leur mission. Ils ont offert leur démission pure et
simple, ou bien on l’a exigée d’eux.
Vous voyez donc que le
gouvernement s’est montré très parcimonieux des deniers de l’Etat, et qu’il a
évité les abus qu’il aurait pu commettre.
M.
le rapporteur de la section centrale vous a parlé d’un cas particulier dont
j’ai plusieurs fois entretenu la chambre ; il vous a dit : Que ne donnez-vous
un emploi à l’agent qui ne peut être reçu par la cour d’Espagne ? Messieurs, il
existe un motif particulier qui s’y oppose, c’est la maladie de cet agent, qui
dure encore. Dès qu’il sera rétabli, et il y a lieu d’espérer que cela ne
tardera pas, le gouvernement s’empressera de mettre à profit ses connaissances
spéciales, en l’envoyant en Espagne comme simple agent commercial. On satisfera
ainsi au vœu manifesté par plusieurs orateurs.
M. Gendebien. -
Messieurs, je partage entièrement l’avis de notre honorable rapporteur sur tout
ce qu’il a dit relativement à la constitution. Quant à l’arrêté du 20 juillet,
il est inconstitutionnel ; un abus auquel je ne vois de remède efficace qu’en
faisant disparaître l’arrêté. J’aurais désirer dans la rédaction que nous
propose la section centrale, une expression plus explicite qui fît justice de
cet arrêté. Cette rédaction ne me satisfait donc pas pleinement ; mais, comme
elle vaut infiniment mieux que celle du gouvernement, je l’adopterai.
Je ne reviendrai pas sur
les articles de la constitution qui ont été invoqués. La constitution a été
violée : c’est pour moi une chose évidente. Je me permettrai seulement une
observation au sujet du traitement qu’on veut donner à l’agent d’Espagne. Je
n’entre pas dans la question de savoir s’il a quitté une position, belle ou
non, pour les fonctions de secrétaire-général au ministère des finances ; c’est
là une question de fait, pour ainsi dire de personne, sur laquelle je ne veux
pas porter mes investigations. Le point qui résout tout, c’est qu’il a donné
volontairement sa démission, et perdu ainsi le droit de réclamer pour les
sacrifices qu’il aurait pu faire.
Il a été employé ensuite
par la liste civile, la liste civile a jugé à propos de lui retirer ses
fonctions, et pour le dédommager, on l’a nommé aux fonctions d’agent en
Espagne, fonctions qu’on savait bien qu’il ne remplirait pas. Je comprends que
la liste civile ait dû l’indemniser des fonctions qu’elle lui faisait perdre ;
mais ce n’est pas à la nation à réparer le tort que la liste civile fait à ses
agents, et je ne veux pas surtout qu’on mette de semblables réparations à la
charge de la nation en violant la constitution.
A propos de ces
sacrifices réels ou supposés, je dois faire remarquer une chose bien bizarre
tout au moins, c’est que tous les hommes qui ont sacrifié leur position, leur
fortune à la révolution, on ne s’en occupe nullement. Je ne parle pas de moi,
car on a eu la bonté de s’occuper de moi ; j’ai refusé comme je le devais, je
me trouverais dans la position de l’agent en faveur de qui on réclame. Mais il
en est un, excellent patriote, qui depuis le 26 août
J’ai entendu parler
encore d’une belle position qu’aurait perdue un autre agent : Je dirai qu’il
n’avait quitté aucune position, mais que c’est sa position qui l’avait quitté
avant qu’il fût placé. On trouve tout simple de donner, dans de pareils cas,
non des demi-soldes, mais des traitements tout entiers. Il a fallu une
explosion dans la chambre pour faire entrer le gouvernement dans la
constitution. Vous voyez que pour couper court aux abus, il faut casser,
annuler tout ce qui est contraire à la constitution. C’est la seule leçon qu’il
convienne de donner aux ministres, qui se permettent de nous en donner si
souvent à tort.
En résumé, la
constitution a été violée, comme elle l’a été cinquante fois et comme elle le
sera toujours, si vous n’y mettez un frein, en donnant cette leçon chaque fois
qu’on se permettra de sortir des limites qu’elle a tracées. Ayez le courage de
déclarer inconstitutionnel, nul et non avenu l’arrêté du 20 juillet.
Quant aux considérations
d’humanité et de convenance, que le ministère a fait valoir, je lui répondrai
que la première des convenances, c’est de respecter la constitution ; et
puisqu’ils ont eu le temps de faire un arrêté, pourquoi ne l’ont-il pas
présenter en forme de loi ?
J’ajouterai encore
quelques mots pour répondre à l’observation de M. le commissaire du
gouvernement, qu’on ne pourrait dans une loi établir que des principes absolus.
C’est, en fait de législation, une
nouvelle doctrine que je ne connaissais pas encore ; c’est la première
fois que j’entends dire qu’on ne peut établir dans une loi que des principes
absolus. La loi pose des principes aussi larges et aussi restreints que le
législateur le juge à propos ; on a la même faculté que dans un arrêté. Si vous
aviez fait par une loi ce que vous avez fait par des arrêtés, nous n’aurions
pas eu à vous reprocher de nouvelles violations de la constitution.
Si les ministres sont
repentants, ils nous présenteront une loi ; et la chambre saura prouver qu’elle
a autant d’humanité que le ministère et le gouvernement. En nous mettant
d’accord sur les questions de convenance et d’humanité, nous aurons observé la
constitution. Si le ministère nous
reproche d’évoquer sans cesse la constitution, c’est que de son côté sans
cesse, il la viole, et s’il arrive qu’elle ne soit plus qu’un objet de dégoût,
ce n’est pas nous qui en serons la cause, mais le ministère qui la viole sans
cesse et sans pudeur ; c’est le ministère qui se met en dehors de la
constitution. Alors même qu’il est aussi facile de l’exécuter que de ne pas
l’exécuter.
D’après ces
considérations, je voterai pour la rédaction de la section centrale, tout en
regrettant qu’elle ne renferme rien de plus formel relativement à l’arrêté du
20 juillet que je déclare nul et inconstitutionnel.
- La rédaction de
l’article proposée par la section centrale est mise aux voix et adoptée.
La chambre adopte
ensuite le chiffre de 10,000 francs.
Chapitre V. - Frais de voyage des agents
du service extérieur
Article unique
« Art. unique.
Frais de voyage des agents du service extérieur, frais de courriers, estafettes
et courses diverses : fr. 70,000. »
- Adopté.
Chapitre VI. - Frais à rembourser aux
agents du service extérieur
Article unique
« Art. unique.
Frais à rembourser aux agents du service extérieur. »
M. le président. - Le gouvernement demande 60,000 fr.
La section centrale
propose de réduire cette allocation à 32,000 francs.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, je ne puis me rallier
à la proposition de la section centrale, mais je réduirai le chiffre primitif à
50,000 francs. L’année dernière, je me suis rallié au chiffre de 32 mille
francs ; vous vous rappellerez que le budget a été voté au neuvième mois de
l’année ; j’ai déclaré que, d’après les dépenses faites et les prévisions qu’on
pourrait se former pour les trois autres mois, l’allocation de 32 mille francs
suffirait. Je ne peux pas faire la même déclaration aujourd’hui, nous avons à
prendre en considération les prévisions de l’année qui commence. Dès l’année
dernière, quelque extension a été donnée au nombre de nos consuls, ce nombre
doit encore être augmenté cette année, et nous venons
d’établir des missions permanentes très importantes à Berlin et à Vienne ; nos
relations seront plus fréquentes qu’avec les missions précédentes qui n’étaient
réputées que missions extraordinaires. Enfin nous aurons toute la
correspondance commerciale du pays, qui se fait par l’intermédiaire du
ministère des affaires étrangères. Tous les commissaires envoyés, soit en
France, soit dans les autres pays, correspondent par cette voie, ce qui donne
lieu à beaucoup de frais. Avec toutes ces prévisions il est indispensable
d’augmenter le chiffre de l’année dernière. La somme ne sera pas employée dans
son intégralité, si l’extension publique, que nous prévoyons et que je désire,
ne se réalise pas. Déjà, cependant, d’après les événement qui ouvrent l’année
1834, nous pouvons prévoir que nos dépenses seront plus grandes que l’année
dernière.
M. Fleussu, rapporteur. - Si le gouvernement croyait
pouvoir satisfaire aux besoins du service avec 50 mille francs, je suis étonné
qu’il ait commencé par demander 60,000 fr. Il n’a été rendu aucun compte de la
manière dont le crédit avait été employé l’année dernière. L’honorable M.
Gendebien nous a fait connaître l’emploi qu’on en faisait, Vous penserez comme
la section centrale qu’avec 32 mille francs on peut donner des secours aux
Belges malheureux qui se trouveraient en pays étranger, si grand qu’en puisse être
le nombre ; et que si quelque contagion se déclarait dans quelque pays, on
pourrait avec le crédit que nous allouons, donner bien des 500 francs pour
assister les Belges qui tomberaient malades dans ce pays.
M.
le commissaire du Roi nous a parlé de missions commerciales dont les frais
devraient être pris sur ce chapitre. Messieurs, je comprends bien mal le
budget, si ce n’est pas sur le chapitre précédent que ces dépenses doivent être
prises. La somme de 32 mille fr. n’est allouée que pour venir au secours des
Belges malheureux qui se trouvent en pays étranger ; c’est principalement à
Paris et à Londres qui sont nos compatriotes : nous avions précédemment des
agents dans ces deux capitales. Ainsi je ne crois pas que l’extension de nos
relations doive sur ce point augmenter nos dépenses
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je vais faire connaître à la
chambre les frais qu’on rembourse aux agents diplomatiques d’après l’arrêté du
21 septembre 1831. Cet arrête porte, art. 2 :
« Art. 2. Un agent
diplomatique ne peut rien porter en compte à l’Etat pour frais de bureau, frais
de représentation, ni pour aucune autre dépense qu’il se croirait obligé de
faire.
« De cette
disposition sont seulement exceptés les frais des voyages faits par les agents
diplomatiques, d’après les ordres du gouvernement, les ports de lettres, les
secours accordés à des Belges nécessiteux, et les frais des courriers expédiés
pour le service du pays. Les frais et avances seront remboursés sur une
déclaration de l’agent diplomatique, appuyée de pièces justificatives, autant
que possible. »
Ainsi il ne s’agit pas
de rembourser seulement les secours donnés à des Belges malheureux, mais tous
les frais exceptés par le § 2 de l’art. 2 de l’arrêté du 21 septembre 1831 ; et
parmi ces frais, les ports de lettres forment une dépense très considérable.
Cette dépense augmentera nécessairement par l’établissement de missions
permanentes à Berlin et à Vienne et par l’établissement d’une nouvelle mission
dans l’Amérique du sud. J’ai dit aussi que les intérêts commerciaux dont on
s’occuperait dans ces divers pays augmenteraient la correspondance, parce que
les agents qu’on enverrait à cet effet correspondraient par l’intermédiaire des
agents diplomatiques. Pour la régularité, pour maintenir l’ordre et l’harmonie
dans l’administration, il faut que les choses se passent de cette manière.
Dans l’allocation que
nous demandons se trouvent encore comprises certaines dépenses auxquelles sont
autorisés les agents consulaires par l’arrêté du 21 septembre 1831. D’abord,
par l’art. 19, ils sont autorisés à faire des avances aux marins belges pour
retourner dans leur pays. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 19. Si ces
marins se trouvent sans ressources pécuniaires, le consul, après avoir dûment constaté
l’état de dénuement, pourra leur accorder 47 cents (1 franc) pour chaque jour
qu’il devront indispensablement s’arrêter dans le port de sa résidence, ou
ailleurs sur la route, et 14 cents (30 centimes) pour chaque heure de marche
par terre, depuis sa résidence jusqu’au consulat le plus voisin dans la
direction de
« Art. 20. Chaque
consul annotera, sur le passeport du marin, la somme qu’il lui aura remise,
conformément à l’article précédent, et il adressera, tous les trois mois, un
état détaillé des avances de ce genre au ministre des affaires étrangères.
« Le marin, rendu
en Belgique, ou sa famille, s’ils en ont les moyens, restitueront ces avances
au ministre des affaires étrangères.
« Dans tous les
cas, le ministre remboursera les consuls de leurs avances sur la somme portée
au budget pour secours à accorder, à l’étranger, aux Belges indigents. »
« Art. 24. Il ne
leur est rien alloué par l’Etat pour frais de bureau. Ils ne peuvent exiger du
gouvernement que la restitution des avances spécifiées dans l’art. 19, et du
port des lettres qu’ils recevront directement du ministère des affaires
étrangères ou des légations belges, soit pour leur propre information, soit
pour en soigner l’expédition ultérieure. »
Vous
concevez, messieurs, que la correspondance avec les consuls, qui déjà sont au
nombre d’environ soixante, doit donner lieu à des frais de ports de lettres
considérables. Cette dépense s’augmentera avec le nombre des consuls, et nous
allons établir de nouveaux consulats dans plusieurs pays. D’après ces
considérations, nous ne pouvons pas nous dispenser de l’allocation de 50,000
fr., qui déjà est inférieure de 10,000 fr. au crédit primitivement demandé.
Depuis la présentation du budget, j’ai pris de nouveaux renseignements, d’après
lesquels je crois que 50,000 fr. pourront suffire ; mais les 60,000 fr. seront
indispensables, lorsque toutes les relations, tant commerciales que politiques,
seront définitivement formées.
M. Dumortier. -
Messieurs, l’honorable M. Gendebien vous a démontré l’abus qu’on avait fait du
crédit accordé l’an dernier. Le gouvernement, non content de la somme laissée à
sa disposition l’année dernière, vient encore vous demander une augmentation.
Il me semble que, de tous les motifs allégués par M. le commissaire du Roi pour
motiver cette majoration, il n’en est aucun qui justifie sa demande. En effet,
M. le commissaire du Roi vous parle de la nécessité de payer les courriers des
agents ; nous reconnaissons cette nécessité, mais nous venons de voter des
fonds pour cette dépense et vous nous la présentez une seconde fois. Depuis
assez longtemps nous n’avons que des agents diplomatiques ; le gouvernement
vient de sentir la nécessité de leur adjoindre des hommes qui connaissent les
besoins de l’industrie et du commerce. Si on veut nous proposer une dépense
pour ce service, personne ne se lèvera contre l’allocation ; mais ce n’est pas
sur l’article que nous discutons que cette dépense doit être prise ; nous avons
porté au budget de l’intérieur une somme de 300 mille francs pour cet objet, et
l’an dernier c’est sur le crédit ouvert au budget de ce ministère que ces
dépenses ont été faites.
Cette année, il en sera
de même. Voici donc encore une dépense pour laquelle il semblerait qu’on
demande des fonds, tandis que nous les voterons au budget du ministère de
l’intérieur. Sur quoi repose l’augmentation qu’on vous demande ? Evidemment sur
rien, puisque les deux motifs allégués sont radicalement faux.
Maintenant, je ferai
remarquer qu’on ne nous rend pas compte de l’allocation portée à ce chapitre.
On ne peut en conclure l’emploi qu’en allant, comme l’a fait notre honorable
collègue M. Gendebien, faire des recherches à la cour des comptes. On voit
alors qu’on l’emploie à payer des indemnités de route à un ambassadeur qui
voyage aux frais de la liste civile.
Il
n’y a donc aucune espèce de nécessité à augmenter l’allocation proposée par la
section centrale. Vous remarquerez d’ailleurs que c’est M. le commissaire du
Roi lui-même qui l’année dernière nous avait réclamé cette somme, à la fin du
mois de septembre, lorsque l’année presque écoulée lui avait permis d’apprécier
exactement cette dépense pour l’année entière.
Si donc l’an dernier, à la
fin de l’exercice, on a pu voir que 32 mille fr. suffisaient, comment se
fait-il qu’on en demande aujourd’hui 50 ? On a parlé de documents demandés pour
les divers ministères et qu’on est obligé de payer ; je ne sais trop ce qu’on a
voulu dire. En résumé tout ce qu’on a allégué ne justifie rien, car les raisons
qu’on a données ne reçoivent pas ici leur application.
Je demande qu’on mette
aux voix le chiffre de la section centrale.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, le préopinant a
négligé de parler d’une dépense considérable qui est le remboursement des ports
de lettres. Nous devons supporter le port des lettres qu’ils nous adressent, et
il n’est ici question que du remboursement des ports dont les agents font les avances,
et ces avances sont très considérables. L’année dernière j’ai demandé 32 mille
francs au huitième mois de l’année ; mais alors nos relations n’avaient pas
reçu l’extension qu’on leur a donnée récemment, et le caractère de permanence
que n’avaient pas et que vont avoir ces messieurs, à Vienne et à Berlin,
augmentera de beaucoup les frais de correspondance.
Le préopinant nous a
ensuite fait un reproche de l’adjonction de quelques commissaires commerciaux à
nos agents diplomatiques. On pourrait, dans un Etat comme
On
se plaint qu’il n’est pas rendu compte de ces dépenses. Il est très vrai qu’il
n’est pas rendu un compte spécial à la chambre, mais le compte détaille est
liquidé par la cour des comptes, et vous y donnez votre sanction en votant la
loi des comptes qui vous est présentée. Si toutes les allégations que
l’honorable M. Gendebien a rappelées, par exemple, étaient vraies, eh bien,
c’est vous qui auriez à les apprécier, en examinant la loi des comptes. C’est
donc vous qui, en définitive, arrêtez les comptes ; c’est donc à vous que le
compte des dépenses du chapitre dont il s’agit est soumis. Ainsi, il n’est pas
exact de dire qu’il n’est rendu aucun compte de ces dépenses. En résumé, je ne
me trouve pas en contradiction avec la demande que j’ai faite l’année dernière
; les relations ont changé, elles ont pris de l’extension, et les frais à
rembourser tant aux agents politiques que commerciaux présenteront, d’après
toutes les prévisions, une augmentation.
M.
Jullien. - Je prierai M. le commissaire du Roi de nous expliquer
ce que signifie cette désignation du chapitre V. - dépenses pour achat de
documents.
M. Nothomb,
commissaire du Roi. - Les ministres des finances, de l’intérieur et même de la justice,
s’adressent au ministre des affaires étrangères pour avoir des pays étrangers
des renseignements sur les questions qu’ils ont à traiter. C’est ainsi que pour
les questions de statistique, de législation financière et commerciale,
l’organisation de l’ordre judiciaire, nous avons fourni aux diverses ministères
que ces matières concernent, un grand nombre de renseignements pour lesquels
des dépenses ont été faites.
M. Dumortier. - Je
ferai remarquer d’abord que si on demande des documents pour un ministère,
c’est le ministère que ces documents concernent qui les paie et non le
ministère des affaires étrangères. Encore une fausse application.
M. le commissaire du Roi
a dit que j’avais adressé un reproche au gouvernement sur l’adjonction d’agents
commerciaux aux agents diplomatiques. C’est une erreur ; je me suis plaint
qu’on n’ait pas envoyé plus tôt des agents connaissait les besoins de notre
industrie.
Je sais qu’il est
impossible de trouver, surtout maintenant, des hommes réunissant les
connaissances commerciales et industrielles aux connaissances diplomatiques.
J’ai si peu adressé au gouvernement un reproche d’avoir adjoint des agents
commerciaux, que je lui ai dit de demander une allocation pour cet objet et que
personne ne s’y opposerait. Mais encore une fois, ce n’est pas à l’article que
nous discutons que cette dépense trouve son application. Il s’agit ici d’une
question de chiffre, et de savoir si celui proposé par la section centrale
suffit ou ne suffit pas pour payer les dépenses auxquelles le chapitre doit
faire face.
Mais, dit M. le commissaire du Roi, vous n’avez
pas parlé du remboursement des ports de lettres. Je ferai observer que c’est
presque la seule dépense, le principal objet du chapitre, et que s’il n’y avait
pas de ports de lettres à rembourser, il n’y aurait pas de crédit. Avec 32 mille
francs on peut payer bien des ports de lettres.
Vous prétendez justifier
l’augmentation par le motif même de la dépense cela signifie, pardonnez-moi la
comparaison : Brosses, sacs à brosses,
sac et brosses. (On rit.)
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je puis attester que le ministre
des affaires étrangères a supporté les frais de légation pour Paris,
relativement à la correspondance.
M.
Gendebien. - On a contesté les calculs que j’ai présentés dans
l’une des dernières séances, relativement aux frais de poste de l’ambassadeur à
Paris….
Je prie mes collègues de
passer à la cour des comptes ; ils vérifieront les faits que j’ai énoncés. Tout
est en ordre à la cour des comptes. N. Nothomb a dit que quand M. Lehon a
voyagé avec le Roi, il a payé deux chevaux attelés à sa voiture. Eh bien, ces
deux chevaux ont été payés par le Roi ! L’ambassadeur a gagné également en
voyageant avec le roi de France. Je suis fâché de revenir tant de fois sur ces
faits. Il me reste à adresser une question au commissaire du gouvernement : je
demanderai où il est fait mention des recettes que font nos agents pour
passeports, pour visa, etc.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je ne sais pas si M. Lehon a
voyagé dans la voiture du roi de France ; mais je sais qu’il est des occasions
où il est utile que nos ambassadeurs voyagent avec quatre chevaux, Au reste il
y a un règlement à faire sur les frais de poste, et nous sommes disposés à le
dresser incessamment.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je n’ai pas contesté les faits
cités par M. Gendebien ; mais j’en ai contesté les conclusions, Contester les
faits, c’eût été en quelque sorte une attaque personnelle, ce qui est loin de
mes intentions ; nous pouvons discuter sans personnalités. On demande où il est
rendu compte des recettes faites par les agents diplomatiques : il n’y a de
recettes faites que pour les passeports. Les agents en rendent compte au
ministre des affaires étrangères, qui lui-même en rend compte au ministre des
finances.
- La discussion est
close.
Le chiffre de 50,000
fr., pour frais du service des agents extérieurs, est mis aux voix et adopté.
Chapitre VI. - Missions extraordinaires et
dépenses imprévues
Article unique
« Art. unique. -
Missions extraordinaires et missions imprévues : fr. 100,000 fr. »
- La section centrale
propose 80,000 fr. Le commissaire du Roi adopte le chiffre de la section
centrale.
La chambre adopte
également le chiffre de 80,000 fr.
Chapitre III. - Traitement des agents en
non-activité
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Une omission a eu lieu. Lorsque
l’on a voté l’article 3, traitements de non-activité, il a été question d’une
personne. Plusieurs honorables membres, tout en partageant l’opinion de la
section centrale, ont été d’avis d’établir une exception pour cette personne à
cause du cas tout particulier où elle se trouve : je demande que le
procès-verbal fasse mention de cette exception.
M. le
président. -
Comme il s’agit d’allouer une dépense, je ne sais si le procès-verbal peut
suffire pour l’accorder, ou s’il ne faut pas une loi. C’est à la chambre à en
décider.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je ne comprends pas bien la
difficulté.
M. Dumortier. - Il
ne s’agit pas de personnes ; il s’agit de principes. La chambre ne vote pas sur
les personnes.
De toutes parts. - A demain ! à demain !
- La séance est levée à
quatre heures.