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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 18 janvier 1834
1)
Interpellation relative aux plaintes du gouvernement militaire de la forteresse
de Luxembourg (prémisses à l’affaire Hanno) (d’Huart)
2) Projet
de loi portant les budgets des départements des affaires étrangères et de la
marine pour l’exercice 1834. Vote définitif
3) Projet
de loi relatif à l’établissement d’une école militaire
4) Projet
de loi relatif au traitement des auditeurs militaires (Lebeau,
de Behr, Lebeau, A. Rodenbach, Lebeau, de Behr, Lebeau, Dubus,
Lebeau, Fleussu, Evain, C. Rodenbach, Jullien, Desmanet de Biesme, Verdussen, de Theux, F. de Mérode, Pirson, A. Rodenbach, Desmanet de Biesme,
Lebeau, A. Rodenbach, Angillis, de Theux, de Roo, Lebeau, de
Behr, Dubus, Donny, de Behr, Verdussen, Lebeau, Dubus, Lebeau,
Jullien, Evain, de
Behr, Lebeau, de Behr, de Brouckere, de Behr, Evain, Dubus, Lebeau,
Lebeau, de Behr, Dubus, Ernst, de
Brouckere, de Behr, Lebeau, Dubus, Jullien, Lebeau,
de Brouckere, Dubus, Lebeau, Dubus)
(Moniteur belge n°19, du 19 janvier 1834 et Moniteur belge n°20, du 20
janvier 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°19, du 19 janvier 1834) M.
de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; la rédaction
en est adoptée.
Les pièces adressées à
la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. d’Huart. - Je demande la parole pour une motion
d’ordre.
Je crois devoir appeler
l’attention de la chambre sur des faits importants qui se passent dans le Luxembourg.
; si on veut me le permettre, je les exposerai brièvement. Je ne les crois pas
susceptibles d’élever de discussion.
De toutes parts. - Parlez ! parlez ! parlez !
M. d’Huart. - Messieurs, d’après des nouvelles que j’ai
reçues aujourd’hui de ma province, il paraît que l’autorité militaire
prussienne de la forteresse de Luxembourg vient encore une fois de prouver
toute sa sympathie pour notre ennemi le roi Guillaume, en s’immisçant de la
manière la plus gratuite dans l’administration civile de la partie allemande du
Luxembourg.
M. le ministre des
finances avait fait publier que l’on procéderait, le 13 du courant, à la vente
des coupes ordinaires de la forêt de Greenwald,
appartenant à l’Etat. Aussitôt, m’assure-t-on, le gouverneur de la forteresse
écrivit au général belge qui commande la province, que si le
« gouvernement de fait » (c’est ainsi qu’on nous qualifie) persistait
à faire cette vente et à frustrer ainsi le « souverain légitime » de
ses revenus, il s’y opposerait, au besoin même par la force.
L’administration des
finances ne recula pas ; elle fit procéder à l’adjudication, et l’opposition
prussienne s’effaça. En cela notre gouvernement se conduisit dignement ; il
mérite selon moi nos éloges, et je me fais un plaisir de le féliciter. Je
l’engage de plus à persister jusqu’au bout, en approuvant l’adjudication et en
protégeant les droits des adjudicataires contre toutes tentatives contraires
qui pourraient surgir.
Une seconde
circonstance, messieurs, dans laquelle le gouvernement s’est encore conduit
d’une manière qui mérite l’approbation générale, c’est lorsqu’il ordonna, il y
a peu de temps, le tirage de la milice de 1834 dans la partie allemande du
Luxembourg, et qu’il répara ainsi le tort qu’il avait eu l’année précédente de
suspendre cette opération. Eh bien, messieurs croiriez-vous que cette mesure
qui est toute dans les droits de
Messieurs, nous avons si
souvent reproché à nos ministres ce que nous appelions leur faiblesse et leur déférence
pour les ennemis cachés ou déclarés de notre révolution, qu’il y a bonne foi et
équité à saisir l’occasion qui se présente aujourd’hui de rendre hommage à la
fermeté et à la dignité des deux actes que je viens de citer. Pour moi, je leur
en tiens bon compte, et je les engage à se maintenir dans la voie honorable
qu’ils viennent de s’ouvrir. (Appuyé !
appuyé !)
PROJET DE LOI PORTANT LES BUDGETS
DES DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES ET DE
Second vote et vote sur l’ensemble
du projet
M.
le président met successivement aux voix les amendements adoptés
dans la première délibération sur les budgets des affaires étrangères et de la
marine ; ces amendements sont de nouveau adoptés, mais
sans discussion.
La chambre passe ensuite
au vote par appel nominal. Soixante et un membres votent l’adoption ; un seul,
M. Desmet, vote le rejet. MM. de Roo, Jullien, Vanderheyden, s’abstiennent de
voter, parce qu’ils n’ont assisté qu’à une partie de la discussion.
Le budget du ministère
des affaires étrangères et de la marine est adopté définitivement par la
chambre et sera transmis au sénat.
PROJET DE LOI RELATIF A
L’ETABLISSEMENT D’UNE ECOLE MILITAIRE
M. le ministre
de la guerre (M. Evain) présente un projet de loi relatif à
l’établissement d’une école militaire.
Discussion générale
M.
le président. - La section centrale a modifié le projet du
gouvernement ; M. le ministre de la justice adopte-t-il la proposition de la
section centrale ?
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, je ne crois
pas pouvoir me rallier à l’avis de la section centrale. En présentant le projet
de loi dont la chambre est saisie, j’ai voulu concilier avec les règles d’une
sage économie toute proportion équitable dans la rémunération des services
rendus à l’Etat par les auditeurs militaires. Jusqu’à ce moment, messieurs, le
traitement des auditeurs militaires n’avait été établi que par des arrêtés
royaux, et notamment par l’arrêté de 1816, que j’ai cité dans l’exposé des
motifs du projet de loi. On a signalé cet état de choses comme une infraction
aux dispositions de la constitution, lesquelles veulent que le traitement des
membres de l’ordre judiciaire soit réglé par la loi.
Sous l’empire des
arrêtés dont je viens de parler, le traitement des auditeurs militaires, était
en général plus élevé que ne le propose le projet de loi actuellement en
discussion : c’est ainsi que l’auditeur militaire de la province de Liége
jouissait d’un traitement de 5,400 fr., outre une indemnité de frais de bureau
; que l’auditeur militaire de Bruxelles jouissait d’un traitement de 5,500 fr.
Celui de la province du Limbourg, détaché en campagne, et dont les fonctions
ont été momentanément réunies à l’auditorat de Liége, touche un traitement de
5,500 fr. ; l’auditeur de la province de Namur touche 5,300 fr. ; celui de
Mons, 5,500 ; celui de Bruges, 5,000 fr. J’ai négligé les fractions.
D’après le projet il y a réduction d’environ 800 fr. sur la plupart des
traitements. Celui de Namur se trouve frappé d’une double réduction par le
chiffre et par la classification ; cette réduction s’élèvera presque à 1,100
fr. Le gouvernement, en opérant ces réductions, a été jusqu’aux limites d’une
sage économie.
Les fonctions de
militaire, telles qu’elles sont déterminées par le code de procédure militaire
actuellement en vigueur, sont triples :
1° il est procureur du
Roi,
2° Juge d’instruction,
3° Greffier.
Comme procureur du Roi, il est chargé de rechercher les délits et les crimes ; et la loi lui
accorde, à cet effet, action directe et immédiate.
Il porte la parole au
conseil de guerre comme accusateur public, et veille à l’exécution des
jugements, à laquelle il est obligé d’assister en place publique.
Comme juge d’instruction, il est chargé, conjointement avec deux officiers commissaires qui ne
l’assistent que de leur présence, de procéder à des procédures, quel que soit
leur objet ; crime, délit ou contravention disciplinaire.
Cette partie de ses
fonctions est la plus importante et la plus onéreuse ; le moindre fait, auquel
la loi attribue l’une des trois qualifications ci-dessus, exige une instruction
préliminaire qui est quelquefois très longue et très dispendieuse.
Dès que l’instruction
est achevée, les dépositions des témoins sont communiquées au prévenu ou à
l’accusé, qui est interrogé sur les différents faits révélés par chacune
d’elles, et note est tenue de toutes ses réponses.
C’est encore là, comme
on voit, une opération qui absorbe souvent beaucoup de temps.
Si les témoins se
contredisent entre eux, ou s’il se trouvent en contradiction avec l’accusé, la
loi exige qu’on procède à un nouvel interrogatoire, et qu’on les interroge en
présence les uns des autres sur les faits contredits.
Toutes leurs
observations doivent être soigneusement mises par écrit.
L’instruction achevée,
si l’auditeur pense qu’il n’y a pas lieu a suivre, il fait son rapport au
commandant de place, et si celui-ci est du même avis, l’affaire n’est point
portée devant le conseil ; en cas contraire, la cause est portée au conseil, et
tous le témoins entendus sont assignés de nouveau pour l’audience publique.
On voit que, de cette
manière, une simple querelle, une rixe qui, en définitive, aboutit à une
condamnation de quinze jours de prison, peut entraîner une instruction
préliminaire très volumineuse et occasionner des frais hors de toute proportion
avec la gravité du délit.
Aussi conviendra-t-il de
restreindre, à l’avenir, la nécessité d’une instruction préliminaire au cas de
crime seulement, et de suivre à cet égard la marche adoptée devant les
tribunaux ordinaires.
Comme greffier,
l’auditeur a des fonctions aussi multipliées, aussi remplies que celles d’un
greffier près d’un tribunal civil.
1° Il rédige les
jugements ;
2° Il les inscrit en
double dans des registres à ce destinés ;
3° Il rédige les
procès-verbaux des séances et les transcrit.
A toutes ces opérations,
ajoutez le travail d’une correspondance très étendue (8 à 10 lettres par jour)
; ajoutez le travail qu’absorbe la confection d’étals mensuels et trimestriels
; ajoutez les avis sur les requêtes en grâce, qui sont très nombreuses, et vous
aurez un aperçu exact des travaux d’un auditeur.
Et cependant ; il est
seul pour toute cette besogne ; i1 n’a ni adjoint ni substitut (les auditeurs
en campagne exceptés), et comme il est dans l’impossibilité absolue d’y
suffire, il leur faut bien un commis.
Tel est le cas où des
auditeurs se trouvent, qui sont obligés de payer 800 francs à un commis.
Outre cette somme, les
frais matériels de bureau absorbent par année environ 200 fr.
Voilà donc le traitement
des auditeurs de province déjà réduit d’environ 1,000 fr. Ainsi, d’après le
taux de ce traitement, déduction faite des frais, il ne leur restera que 3,500
fr.
Si l’on compare
maintenant ce traitement à celui des procureurs du Roi de 1ère et 2ème classe,
on verra que la même somme représente le salaire d’un travail triple à charge
des auditeurs.
D’après un relevé des
causes qui, du 1er décembre 1832 au 1er décembre 1833, ont été portées par un
auditeur de Liége devant le conseil de guerre, elles s’élèvent à 240.
Ajoutez à cela une foule
d’autres causes qui sont restées sans suite, et vous aurez aisément un total de
300 affaires ; réfléchissez maintenant que chaque affaire a essuyé une
instruction préliminaire par écrit, et voyez s’il est possible qu’un seul homme
puisse suffire à cette besogne.
Aussi paraît-il de toute
justice qu’on accorde une allocation pour frais de bureau. Celle de 300 francs
est bien modique ; ils devront y suppléer de leur poche, surtout pour le
salaire d’un commis.
Messieurs, je le répète,
le gouvernement propose une réduction sur le chiffre directement, et une
réduction par suite de la classification, car cette classification a une grande
influence sur le traitement. Je ne crois pas que vous puissiez aller au-delà,
si vous considérez que l’auditeur militaire a pour juridiction la province tout
entière, tandis que les procureurs du Roi n’ont de juridiction que dans un
arrondissement. Il est très vrai que les auditeurs militaires n’ont qu’une
juridiction spéciale, la juridiction de répression ; mais ils sont à la fois
juges d’instruction, greffiers et procureurs du Roi. Je pense que, par l’exposé
de ce fait, la chambre comprendra que le ministre n’a pas été trop loin, et
qu’il y a lieu à préférer le chiffre présenté par le gouvernement au chiffre
trop réduit de la section centrale.
M. le président. - M. le
ministre déclarant ne pas se réunir à la proposition de la section centrale,
c’est sur le projet du gouvernement que portera la discussion.
M. de Behr, rapporteur. - Le gouvernement a proposé
quelques réductions sur les chiffres des auditeurs militaires ; mais ces
fonctionnaires ne sauraient être comparés aux procureurs du Roi, quant au
travail et à l’étendue des connaissances. Je crois que l’on doit adopter les
chiffres proposés par la section centrale ; ils sont inférieurs à ceux du
gouvernement. Lors de l’organisation de la justice militaire, si les
traitements étaient jugés insuffisants, on pourrait les augmenter ; il vaut
mieux être dans le cas d’augmenter que d’être obligé de réduire, ce qui est
toujours extrêmement rigoureux et difficile.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’approuve les vues
d’économie présentées par M. le rapporteur ; mais je crois que les auditeurs
militaires se trouveraient beaucoup mieux d’une réduction lors de la
réorganisation de la justice militaire, que de subir immédiatement cette
réduction.
On ne s’est pas plaint
jusqu’ici de l’élévation des traitements de l’ordre judiciaire. Chacun comprend
que, pour remplir des fonctions, il faut avoir fait des études longues, il faut
posséder la science des lois. Messieurs, la science des lois militaires n’est
pas facile à acquérir ; car il y a un contraste frappant entre la simplicité de
la rédaction de la plupart des lois civiles et la rédaction presque toujours
amphibologique et prolixe des lois militaires. Notre législation civile est un
chef-d’œuvre auquel on ne touchera pas de longtemps ; la législation militaire
est composée de dispositions incohérentes, souvent obscures, qui appellent une
réforme totale.
L’application en est
beaucoup moins facile que celle des lois civiles, et par conséquent les textes
des décisions rendues, loin de former une jurisprudence, doivent être le sujet
d’études permanentes et continues.
J’ajouterai
aux considérations que j’ai fait valoir que le traitement des procureurs du Roi
a été augmenté ; que les procureurs du Roi ne sont ni juges d’instruction, ni
greffiers. ; qu’ils ont des substituts, et qu’indépendamment de leur
traitement, la chambre a voté une allocation assez considérable, qui permet de
donner des frais de commis à chacun des chefs des parquets importants. Les
procureurs du Roi recevront 4,800 fr. en 1834, plus les frais d’un commis pour
les arrondissements importants. L’économie est plus grande sur les auditeurs
militaires. Si l’expérience que semble invoquer M. le rapporteur démontrait
qu’il y a excès dans le salaire des auditeurs militaires, alors on le réduira ;
mais ce n’est pas le moment de réduire.
M. A. Rodenbach. - Je suis
porté à croire que les travaux des auditeurs militaires ne sont pas aussi
considérables que M. le ministre de la justice vient de le dire. Pour appuyer
mon opinion, je citerai des exemples : Des avocats distingués remplissent les
fonctions d’auditeurs militaires ; ces avocats ont quelquefois une clientèle
rapportant 15 à 20,000 fr. Si les occupations d’auditeur étaient si
importantes, ils ne pourraient pas avoir une clientèle si grande. Lorsqu’on
détache des auditeurs en campagne, on ne prend pas les auditeurs avocats ; car
ils ne quitteraient pas le chef-lieu de leur département. On envoie un
suppléant, lequel perçoit un traitement ; ce qui fait une augmentation de
dépense. Ce n’est pas là procéder économiquement. Je demanderai des
explications à M. le ministre sur ces faits.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, le fait
allégué par l’honorable préopinant ne peut s’appliquer qu’à un seul individu : un
sent auditeur militaire cumule ses fonctions avec l’exercice de la profession
d’avocat. Ce titulaire est celui de la province du Hainaut. Jusqu’ici le
service n’en a pas souffert, parce que cette localité est l’une de celles où il
y a moins de concentration de troupes.. Il est dans une catégorie à part.
La dispense qui lui a
été accordée (car la dispense est ici nécessaire, attendu que le décret de 1810
sur les avocats déclare qu’il y a incompatibilité entre les fonctions
judiciaires et la profession d’avocat) ; la dispense qui lui a été accordée
vient du gouvernement déchu, et elle est motivée sur ce que ce titulaire avait
rempli les mêmes fonctions gratuitement pendant trois ans et demi.
Le
pouvoir d’accorder des dispenses, qu’avait le gouvernement des Pays-Bas, n’est
pas passé dans le gouvernement actuel. Sous le gouvernement provisoire, des
injonctions ont été adressées à l’auditeur de Mons pour qu’il eût à opter : il
a fait valoir la dispense qu’il avait reçue et plusieurs années de fonctions
gratuites. La question d’incompatibilité sera mûrement examinée, et le
gouvernement verra si, en présence des dispositions constitutionnelles, les
droits réclamés par le titulaire ne doivent pas tomber à néant. Les fonctions
d’auditeur militaire sont tellement chargées partout ailleurs, qu’il est
impossible qu’ils puissent cumuler d’antres fonctions.
M. de Behr, rapporteur. - On a dit qu’il n’y avait qu’un
seul exemple de cumul de fonctions ; mais à Liége c’est un substitut du parquet
qui remplit les fonctions d’auditeur militaire. Ce second exemple prouve encore
que les fonctions d’auditeur ne sont pas si accablantes qu’on veut le faire
entendre. Ces fonctions n’ont jamais été considérées comme donnant beaucoup
d’occupation, puisque les auditeurs de la garde communale ne recevaient que
trois à quatre cents florins, et ces places étaient fort recherchées.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau)
- Il est très vrai que cet état de choses a eu lieu ; mais il a cessé depuis
l’organisation de l’ordre judiciaire. Il était d’ailleurs impossible que la
même personne suffît à ces deux fonctions. S’il a été possible d’autoriser le
cumul dans la province du Hainaut, cela tient à ce que le Hainaut n’a jamais vu
beaucoup de troupes.
M.
Dubus. - S’il fallait voter le projet tel que le présente M. le
ministre de la justice, il vaudrait mieux laisser les choses dans l’état où
elles sont : les économies sont si minimes, qu’on ne saurait en tenir
compte. On voulait arriver à une économie en même temps que faire cesser une
inconstitutionnalité. Pour maintenir les choses dans l’état où elles sont, que
dis-je ? Pour augmenter le traitement des auditeurs, il n’était pas nécessaire
de présenter une loi. Il est notoire que ces fonctions laissent beaucoup de
loisir et ne peuvent être comparées à celles de procureur du Roi.
Les faits que l’on nous
cite nous donnent la mesure du travail de ces fonctions. Mais, dit-on, c’est un
fait isolé ; soit : cela donne-t-il une plus haute idée de l’importance du
travail ? Quelle une profession est plus laborieuse et exige plus de temps que
celle d’avocat ? Or, l’avocat dont il s’agit est l’un de ceux dont l’étude est
le plus fréquentée à Mons. C’est, dit-on encore, la province où il y a le moins
de troupes : ce qui n’est pas bien certain. Il y a toujours forte garnison dans
les forteresses de cette frontière. M. le ministre de la guerre qui est présent
pourrait vous en donner l’assurance.
Un autre fait donne lieu
à la même conséquence.
Les journaux nous
apprennent que des auditeurs militaires ont le temps de se livrer à la
rédaction des feuilles des provinces. La profession de journaliste est
laborieuse, elle exige beaucoup de temps ; ainsi ceux qui s’y livrent n’ont pas
de grandes occupations pour leurs fonctions.
L’économie dont on a
parlé est-elle aussi grande qu’on l’annonce ? On réduit les traitements, mais
on accorde des frais de bureau quand ils n’en avaient pas ; ou donne maintenant
300 fr. à chacun.
L’auditeur
d’Anvers reçoit 4,650 fr. ; on propose de lui donner 4,800 fr., plus
Je ne sais pas même si
en définitive l’ensemble des traitements ne présente pas une augmentation.
Voilà pourtant ce que l’on nous présente comme une économie qu’on a voulu
faire. Si le chiffre ministériel passe, je me verrai obligé de voter contre la
loi.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Quand on a demandé une
loi sur les auditeurs, on l’a demandée surtout pout faire cesser une
irrégularité, une déviation de la loi constitutionnelle. La constitution veut
que les traitements des membres de l’ordre judiciaire soient fixés par une loi.
Je n’ai point entendu qu’on demande une loi pour arriver à des économies. Il
est assez extraordinaire au reste, qu’on parle de réductions considérables pour
1834, quand, pendant trois ans, on n’a rien dit sur les traitements des
auditeurs relativement à leur quotité.
J’ai dit que pour Namur
une réduction considérable résulterait de l’adoption du projet de loi
ministériel. J’ai le tableau du traitement des auditeurs militaires sous les
yeux, et le traitement de l’auditeur de Namur y figure pour 3,291 fr. En
partant de ce chiffre, j’ai donc eu raison d’annoncer de fortes réductions.
J’ai exposé quelles
avaient été les raisons pour autoriser ce cumul dans la province du Hainaut. Le
gouvernement déchu avait le droit de donner une dispense à l’avocat qui remplit
la fonctions d’auditeur à Mons.
Je n’ai pas soutenu que
les motifs qui avaient déterminé le gouvernement déchu dussent rendre le cumul
perpétuel ; et je n’ai pas nié non plus que, par suite des événements, il
pourrait arriver que les fonctions d’auditeur dans la province du Hainaut ne
seraient plus convenablement remplies par un avocat en exercice. On a prétendu
que les auditeurs pouvaient généralement exercer les fonctions d’avocat ; la
loi l’interdit. Le décret de 1810 interdit aux avocats la faculté d’exercer
d’autres fonctions, à moins qu’elles ne soient gratuites, comme par exemple
celles de juge suppléant. On a ajouté que les auditeurs militaires n’avaient
point eu de frais de bureau ; c’est une erreur : il est vrai que ces frais ne
s’élèvent pas à 300 fr. Ils ont reçu 120 fr. chacun, annuellement, jusqu’ici.
C’est
pour régulariser ce qu’il y avait d’inconstitutionnel dans l’allocation du
traitement des auditeurs militaires, que la loi a été principalement demandée
et présentée, il y avait encore inégalité dans ces traitements, et des
auditeurs pouvaient à bon droit réclamer. L’économie qui résultera du projet
ministériel ne sera pas aussi illusoire qu’on l’a cru. Au reste, je m’en
rapporte à la prudence de la chambre.
(Moniteur belge n°20, du 20 janvier 1834) M.
Fleussu. - Je pense comme M. Dubus que si l’état des choses
était légal, que s’il ne fallait régulariser l’allocation des traitements que
par une loi, il vaudrait mieux rester dans l’état où nous sommes. Jusqu’à
présent, on n’a envisage la question que sous un rapport, celui des
traitements, mais la loi qui est présentée est définitive ; la section
centrale, au contraire, propose une loi transitoire.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je me suis réuni à la
proposition de la section centrale sur ce point.
M.
Fleussu. - Cela abrégera la discussion.
Messieurs quand on peut faire
des économies, il ne faut pas en négliger les occasions On a fait un
rapprochement entre les procureurs du Roi et les auditeurs militaires ; à
entendre le ministre de la justice, les auditeurs seraient plus occupés que les
procureurs du Roi ; je suis persuadé que c’est le contraire qui a lieu, et de
plus que la besogne des procureurs du Roi est la plus difficile.
On vous a parlé de la
science des lois : un procureur du Roi, et même un substitut doit connaître
toutes les lois civiles et toutes les lois administratives ; l’auditeur
militaire en sait assez dès qu’il connaît des lois toutes spéciales, des lois
militaires. Ses études sont beaucoup plus restreintes que celles des autres
magistrats.
On a soutenu que les
attributions des auditeurs étaient beaucoup plus étendues que celles des
procureurs, parce qu’elles embrassaient toute une province ; je soutiens que
les auditeurs n’ont de juridiction que sur une ville. C’est dans le chef-lieu
de la province qu’il y a garnison ; dans le reste la garnison et l’auditeur
n’ont rien à faire ; en sorte qu’en général la juridiction est restreinte à la
ville où à la garnison.
Les
auditeurs doivent faire les fonctions de juge d’instruction, de greffier et
même de juge ; mais en remplissant les fonctions de juge d’instruction, ils se
préparent à remplir le rôle de procureur du Roi : ce sont leurs occupations.
Croyez-vous que les procureurs du Roi montent sur ce siège sans avoir étudié
les affaires ? Quant à la rédaction des jugements, elle est facile quand on
connaît toutes les pièces du procès.
Il me semble que la
somme allouée par la section centrale peut suffire. S’il en était autrement, il
sera facile à la chambre de l’augmenter. Il serait très difficile au contraire
de diminuer.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain) - L’objet de la loi est de
rentrer dans des dispositions constitutionnelles ; il faut que les traitements
soient fixés par une loi.
Il n’a jamais été
question de les diminuer : d’après les services rendus par les auditeurs militaires
; je pense qu’il serait intempestif de faire des réductions sur leurs
honoraires. Une commission nommée par le gouvernement s’occupe actuellement
d’un projet relatif à l’organisation de la justice militaire ; sous peu de
semaines, je serai en état de le présenter à la chambre, Il faut, je crois,
ajourner toute modification sur la quotité des traitements jusqu’à la
discussion de la loi organique dont il s’agit.
L’auditeur du Hainaut
dont on a beaucoup parlé, devait être fort peu occupé parce qu’il y avait peu
de troupes dans les places de cette province. Dan ce moment les garnisons du
Hainaut sont complètes, et il sera difficile à l’auditeur de se livrer eu même
temps aux laborieuses fonctions d’avocat.
- La discussion générale
est close.
Article premier
« Art. 1er. Les
auditorats militaires sont divisés, quant au traitement, en deux classes,
comprenant : la 1ère classe, ceux des provinces du Brabant, de
M.
C. Rodenbach. - Dans les projets de loi concernant le traitement
des auditeurs militaires, présentés par le ministre de la justice et par la
section centrale, l’auditeur de
Cependant
Ce simple exposé
suffira, messieurs, pour vous convaincre de toute l’importance du travail qui
est réservé à l’auditeur de
Sous le rapport du prix
des vivres, l’on pourrait prouver que les denrées sont pour le moins aussi
chères dans
Ce
qui probablement a donné lieu à la classification de
D’après ces diverses
considérations, je pense qu’il est juste de placer l’auditeur militaire de
M.
Jullien. - Je me propose de vous soumettre un amendement, mais
l’honorable préopinant m’a épargné la peine d’en faire un long développement.
Je demande que l’auditeur militaire de
Je commence par prier la
chambre de croire que l’amendement n’est pas dicté par l’esprit étroit de
localité, mais par un principe de justice distributive qui n’a été que trop
méconnu à l’égard de
Dans l’ancienne
législation, c’est-à-dire dans la législation du royaume des Pays-Bas, et
d’après un arrêté de 1816, on avait classé les auditeurs de la manière suivante
:
Première classe : Mons,
Namur, Bruges, Gand : 2,400 florins de traitement.
Deuxième classe : Liège,
Anvers, Bruxelles ; 2,200 florins de traitement.
Maintenant, à
l’exception de Gand qui conserve sa place, le projet a tout renversé ; il opère
une révolution complète dans les auditeurs. Ceux qui étaient les premiers
deviennent les derniers, et par une compensation toute naturelle, les derniers
deviennent les premiers. Je me suis demandé quel pouvait être le motif de ce
changement si notable, et je vous avoue que je suis encore à le comprendre.
Je me figure que les
traitements doivent être en raison de l’importance des travaux ; sous ce
rapport il n’y a pas de province qui exige plus de travail que
On
a dit que l’auditeur militaire qui a pour juridiction toute une province
n’avait pas besoin d’autant de science qu’un procureur du Roi ; qu’il doit
simplement connaître les lois militaires ; mais ce que l’on trouve facile est
justement ce qui constitue la difficulté. J’ai été appelé, dans ma carrière
d’avocat à défendre des intérêts militaires, et rien ne m’a semblé plus obscur
que le dédale des lois militaires.
J’espère que mon
amendement sera admis ; je ne demande que l’exacte justice.
M. Desmanet de Biesme. - Les motifs que l’on vient de faire
valoir militent également en faveur de la province de Namur. Il y a quatre
garnisons dans cette province, savoir : Namur, Dinant,
Philippeville et Marienbourg.
La province de Namur
n’étant pas très peuplée, les moyens de communication n’y sont pas très
faciles. Je ne sais pas pourquoi on la fait descendre au second rang. En règle
générale je ne sais pas pourquoi on fait deux classes d’auditeurs. Il n’y a pas
dans
M.
Verdussen. - Messieurs, le plus souvent je n’ai l’honneur de
vous parler qu’avec des chiffres ; c’est encore mon intention aujourd’hui.
D’après un tableau que je viens de me faire, il y quatre traitements
d’auditeurs qu’on veut élever à 5,000 fr. : le Brabant,
Il
y a quatre provinces pour lesquelles on propose 4,500 fr. : Flandre
occidentale, Hainaut, Limbourg et Namur. Le Hainaut avait 5,500 fr.
Quand le ministre nous
dit qu’il baisse le traitement des auditeurs militaires, je ne sais pas,
d’après mon tableau, sur quoi il se fonde. Je voudrais qu’il n’y eût aucune
distinction entre les auditeurs ; que toutes les classes fussent à 4,500 fr.,
et que l’article 1er tombât.
M.
de Theux. - Je dois déclarer que si les propositions de MM.
Jullien et Desmanet étaient adoptées, je me réserve de proposer un amendement pour
les provinces du Luxembourg et du Limbourg, qu’on a mises dans la seconde
classe. Le Limbourg n’a d’autres avantages que de supporter les charges
militaires ; ce n’est pas là un motif pour ranger son auditeur dans la dernière
classe. J’appuie le projet du gouvernement.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je crois qu’il faudrait se borner
à dire : Il y aura tant d’auditeurs de première et de deuxième classe, sans fixer
les provinces. Il y a, selon les circonstances, plus ou moins d’occupation dans
la même province.
M. Pirson. - J’appuie la
proposition de l’uniformité des traitements.
M. A. Rodenbach. - Je ne
veux qu’une seule classe d’auditeurs, et je vais déposer une proposition sur
cet objet.
M. Desmanet de Biesme. - S’il n’y a pas d’auditeur nommé dans
la province du Limbourg, l’auditeur de Namur aura plus d’occupation.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, je demande
qu’on maintienne purement et simplement le projet ministériel. Ce projet a été
adopté en tout point, sauf les chiffres, par la section centrale.
Je prie, d’ailleurs, la
chambre de ne pas perdre de vue qu’il s’agit d’un projet de loi transitoire,
car je me réunis à l’avis de la section centrale pour tout ce qui n’est pas
chiffre. A la vue de ce qui se passe ici, je n’ai qu’un regret à exprimer,
c’est de n’avoir pas mis tous les auditeurs dans la seconde classe. (On rit.) Le ministère aurait eu ainsi
bon nombre de soutiens.
Si l’on veut critiquer
la classification proposée dans le projet, et admise par la section centrale,
on fait le procès à ce qui a lieu pour l’organisation de la justice civile,
dont la classification a été basée en partie sur la cherté des vivres et des
loyers dans les grandes localités.
Le projet soumis à la
chambre n’a été arrêté qu’à la suite des renseignements qui nous sont parvenus,
et surtout d’après les renseignements pris au département de la guerre.
Cependant, messieurs,
une considération me frappe et me porterait à appuyer la demande d’un membre
qui voudrait que l’auditeur militaire de
On
dit qu’il faudrait ne décréter qu’une seule classe parce que les besoins du
service peuvent varier : cette éventualité, si elle se réalise, entraînera la
nomination d’auditeurs-adjoints : le projet prévoit ce cas.
Je persiste dans le
projet de classification et dans les chiffres proposés.
M. le président. - Voici
l’amendement de M. Rodenbach : « Excepté Anvers et Bruxelles, je propose
pour le reste une seule classe d’auditeurs. »
M.
A. Rodenbach. - Le ministre dit que c’est d’après le prix de la
vie animale et des loyers que la classification est faite ; eh bien, c’est à
Bruxelles et à Anvers qu’il fait le plus cher vivre, et voilà pourquoi
j’excepte ces deux provinces.
M. Angillis. - La section cinquième était
d’avis que le projet fût ajourné ; je partage encore cette opinion : mais,
puisque le projet est en discussion, j’appuierai la proposition de M. C.
Rodenbach et de M. Jullien ; il n’est pas possible de ne pas voter avec eux.
Le ministre de la
justice dit que le projet de loi n’est que temporaire ; alors pourquoi changer
tant d’existences ? On eût fait sagement d’ajourner la loi.
Si on n’accorde pas la
demande de mes collègues, ce sera pour moi un motif de rejeter la loi tout
entière.
M. de Theux. - Messieurs,
le gouvernement, pour établir la classification qu’il vous a présentée, s’est
guidé sur celle adoptée pour les cours dans la loi d’organisation judiciaire,
où la province de
M. de Roo. - Dans toutes
les lois qui ont eu pour objet des classifications, la province de Liége est
toujours rangée parmi celles de premier ordre. Il est prouvé cependant que la
province de Liége par sa population, par son étendue, n’est qu’une province de
second ordre, tandis que
Pour répondre au second
motif, il me suffira de vous répéter ce qu’on a dit, que l’auditeur de la
province de Liége trouvait le temps de s’occuper de rédaction de journaux.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau)
- C’est une erreur, l’auditeur militaire de la province de Liège ne s’occupe
pas de rédaction de journaux. Il a pu écrire une lettre à un journal, comme
cela peut arriver à tout le monde. Mais je sais qu’il n’a aucune relation avec
les journaux. Il a été dans le cas de prendre la défense d’un homme du pouvoir,
et c’est un acte de courage par le temps qui court ; mais de là à être
journaliste de profession, il y a loin.
M.
de Roo. - Je n’ai fait que réputer des paroles qui avaient été
prononcées dans cette chambre.
M. de Behr, rapporteur. - Le gouvernement a cru qu’il
fallait prendre pour base de la classification des auditorats militaires la
statistique de l’organisation judiciaire. Si maintenant vous accordez la faveur
qu’on réclame pour l’auditeur militaire de
Rien ne saurait justifier une semblable faveur
; car on ne peut établir aucune comparaison entre l’importance et l’étendue des
fonctions de ces deux magistrats.
M.
Dubus. - C’est moi qui ai dit que l’auditeur militaire de la
province de Liége trouvait le temps de s’occuper de rédaction de journaux. Tous
ceux qui lisent les journaux ont pu remarquer que ce fait avait été signalé et
qu’on avait même indiqué le journal à la rédaction duquel cet auditeur
coopérait. La presse est un moyen constitutionnel que nous avons de connaître
les faits. Celui-là d’ailleurs n’avait pas été dénié. Je n’en ai parlé que
comme l’ayant appris par les journaux, et j’ai dit que s’il fallait en croire
la presse, l’auditeur militaire de Liége trouvait le temps de concourir à la
rédaction d’un journal, profession qui exige beaucoup de loisir.
Puisque j’ai pris la
parole pour donner cette explication, je dirai un mot sur les amendements
proposés. De tous ces amendements il y en a un auquel je donnerai la préférence,
celui qui a pour objet de réduire le plus possible les auditeurs de première
classe et d’augmenter ceux de seconde classe. Ainsi, au lieu d’appuyer
l’amendement de MM. Jullien et Desmanet je voterai pour celui de M. A.
Rodenbach qui propose de ne conserver d’auditeurs de première classe que pour
Bruxelles et Anvers et de mettre dans les autres provinces des auditeurs de
seconde classe.
Quant à la crainte que
vous a manifestée un des honorables préopinants de voir opérer une diminution
trop sensible sur le traitement de ces fonctionnaires, je pense que ce n’est
pas là une raison qui puisse influer sur notre détermination quand il s’agit
d’une classification de magistrats et de la fixation de leurs traitements.
Il
s’agit de personnes qui sont attachées non pas à telle ou telle province, mais
à une certaine classe de justiciables, qu’on peut détacher, faire passer d’une
province à l’autre ou envoyer en campagne.
Il est impossible
d’argumenter de la convenance de ces magistrats : s’il en était ainsi, comme il
est plus avantageux de rester dans une résidence où on a ses habitudes que de
suivre une armée en campagne, quand ce cas se présenterait, aucun des auditeurs
provinciaux ne voudrait se déranger et on serait obligé de nommer des
substituts pour le service en campagne. Si cela était, ce serait un abus
d’organisation qu’il faudrait s’empresser de faire cesser.
M.
Donny. - Messieurs, dans tout ce que j’ai entendu jusqu’ici, il
n’y a rien qui réfute l’observation faire par MM. Jullien et Verdussen, que le
projet tend à augmenter les traitements des uns et à diminuer ceux des autres.
De deux choses l’une : ou il y a injustice dans le rapport entre les
appointements actuels, ou le projet en renferme une.
Jusqu’à
présent, je n’ai pas appris qu’il se soit élevé de plainte sur la quotité
respective des traitements actuels ; je suis donc porté à croire que c’est le
projet qui est fautif. Je ne suis pas à même de juger du résultat des
changements qu’on veut introduire dans les appointements de tous les auditeurs
militaires ; mais j’ai fait le calcul du traitement de l’auditeur de
M. de Behr, rapporteur. - Lors de la discussion de
l’organisation judiciaire, pour établir la classification, on a consulté deux
éléments : la cherté des vivres et le nombre des affaires. En ayant égard à ces
deux éléments, Anvers, Bruxelles, Gand et Liége ont été placés sur la même
ligne. Je ne vois pas pourquoi on voudrait changer cette base.
M.
Verdussen. - Je n’ai pas eu l’honneur de présenter d’amendement
parce que, d’après les observations que j’ai présentées, je voterai contre
l’art 1er relatif aux classifications, parce que la loi n’étant que temporaire,
je voudrais qu’il n’y eût aucune classification.
- Personne ne demandant
plus la parole, la discussion est close.
L’amendement de M.
Rodenbach est mis aux voix et rejeté.
L’amendement de M.
Julien est ensuite mis aux voix et adopté.
Celui présenté par M.
Desmanet de Biesme est rejeté.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix l’art. 1er tel qu’il
vient d’être amende par suite de l’adoption de la proposition de M. Jullien.
« Les auditorats
militaires sont divisés, quant au traitement, en deux classes, comprenant :
« La 1ère classe,
ceux des provinces du Brabant, de
« La 2ème classe,
ceux des provinces du Hainaut, du Limbourg, de Namur et de Luxembourg. »
- Cet article est
adopté.
« Art. 2. Le traitement
des auditeurs militaires de 1ère classe est fixé à 4,800 fr. ; celui des
auditeurs de 2ème classe à 4,200 fr. »
M.
le président. - La section centrale propose de fixer le
traitement des premiers à 4,200 fr., et celui des seconds à 3.600 fr.
M. le ministre se
rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. Lebeau)
- Je ne pourrais que répéter les observations que j’ai déjà présentées à la
chambre. J’ajoute cependant que, m’étant rallié au projet de la section
centrale quant au caractère temporaire donné à la loi, je pense qu’il n’y a pas
lieu d’adopter la réduction qu’elle propose. La chambre, je l’espère,
considérera que par le caractère transitoire de la loi, elle ne conférera pas
de droits acquis ; et le peu de temps qu’elle aura à courir, avant la loi
définitive, elle ne voudra pas, dans ces circonstances, jeter de la
perturbation dans la position de ces officiers du ministère public.
M.
Dubus. - Ce n’est pas un résultat aussi puéril que nous
espérions obtenir du projet qui nous est soumis. Toute l’économie sur laquelle
on comptait, s’est évanouie. On va non seulement payer des auditeurs à l’égal
des procureurs du Roi, mais dans certaines localités on va leur donner des
appointements supérieurs. Cependant il est notoire que les auditeurs militaires
sont peu occupés, tandis que les procureurs du Roi n’ont pas assez de tout leur
temps pour l’exercice de leurs fonctions. Il est si vrai que les auditeurs
militaires ont peu de chose à faire, qu’ils se livrent à d’autres occupations.
C’est ce qui fait que quand il s’agit de mettre une armée en campagne, et qu’on
a besoin de la faire suivre par un auditeur militaire, on ne trouve personne à
qui cela convienne, et on est obligé de nommer un substitut à qui on donne un
supplément de traitement pour exercer les fonctions d’auditeur près du conseil
de guerre, parce que les auditeurs provinciaux, ayant des loisirs qu’ils
consacrent à autre chose qu’à leurs fonctions, ne sont pas bien aises de
quitter leur résidence pour suivre l’armée où ils ne trouveront plus les mêmes
avantages. Ce fait, joint à beaucoup d’autres que je pourrais citer, prouve
l’injustice de leur donner un traitement égal ou supérieur à celui des
procureurs du Roi.
J’ajouterai
encore une observation, c’est que la réduction qu’on doit faire subir à notre
armée et les congés considérables qu’on doit donner, en diminuant le nombre
d’hommes qui se trouveront sous les drapeaux, diminueront également le nombre
des affaires dont pourront avoir à s’occuper les auditeurs militaires. Ce n’est
pas le moment d’accorder une augmentation à plusieurs d’entre eux.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs d’après le
préopinant, le projet qui vous est soumis est fondé sur la nécessite de réduire
le traitement des auditeurs militaires. Dans les diverses discussions du
budget, on avait signalé l’inconstitutionnalité de la fixation du traitement de
magistrats par des arrêtés. C’est pour faire cesser cet état de choses, et non
pour réduire le chiffre des traitements, qu’on n’a jamais contesté
sérieusement, que l’administration, reconnaissant la nécessité d’établir le
traitement des auditeurs militaires d’après les règles de la constitution a
décidé qu’un projet de loi régulateur serait soumis à la chambre.
Est-il vrai maintenant
qu’il ne doit résulter de ce projet que des augmentations ? Ce n’est qu’une
simple question de chiffres ; je vais en mettre quelques-uns sous vos yeux, et
vous verrez que non seulement il n’y a pas d’augmentation, mais une réduction
qui n’est pas à mépriser.
Pour le Brabant on a
payé jusqu’à présent 5,620 fr., y compris 120 fr. de frais de bureau ; on ne
paiera d’après le projet actuel du gouvernement que 5,100 fr. ; économie 520
fr.
Pour le Limbourg dont
l’auditeur est détaché en campagne, on payait également 5,620, et on ne paiera
plus que 5,100 fr. ; encore économie de 520 fr.
Pour Namur on payait
5,291 ; on ne paiera plus que 4,680 fr. ; économie de 611 fr. Bruges présente
une réduction de 100 fr. ; Gand, 700 fr. ; Mons, 700 ; par contre il y a
augmentation pour Anvers de 340, pour Liége de 330. Ce qui fait une réduction
de plus de deux mille francs sur sept fonctionnaires.
Maintenant voyons si les
auditeurs ont des avantages supérieurs à ceux des procureurs du Roi auxquels on
les assimile. Les procureurs du Roi de 1ère classe ont 4,800 fr., plus 1,000 à
1,200 fr. pour le traitement d’un commis.
Celui
de Bruges a 4,200 fr., plus 1,000 fr. pour le traitement d’un commis. Donc leur
traitement réuni aux frais de commis est supérieur à celui des auditeurs
provinciaux.
Je suis étonné d’avoir
entendu qualifier de puérile et même d’illusoire la réduction opérée par le
projet ministériel sur le traitement des auditeurs militaires. Je le suis
surtout quand cette qualification échappe à un honorable préopinant qui
proclame souvent que les petites économies sont aussi bonnes que les fortes, et
plus faciles à opérer.
Je vous ai signalé le
résultat matériel du projet ; ce sont des chiffres : il n’y a rien à y
répliquer.
M. Jullien. - M. Dubus a
pensé que la dislocation de l’armée et les congés qu’on allait accorder
diminueraient la besogne des auditeurs militaires. C’est le contraire qui doit
résulter de ces mesures, ou je me trompe fort ; car les soldats en congé pour
les délits qu’ils commettent seuls sont justiciables des tribunaux militaires.
N’étant plus soumis à la discipline sévère des corps, ils sont plus exposés à
avoir des rixes et à exercer des sévices ou mauvais traitements, qui dans le
civil conduisent devant les tribunaux correctionnels. Vous verrez que dans ces
cas les occupations des auditeurs deviendront plus considérables qu’auparavant,
au lieu de diminuer. Cette considération ne doit donc pas arrêter la chambre
dans le vote de l’allocation demandée par le gouvernement.
M. le ministre de la guerre (M. Evain)
- Messieurs, le traitement des huit auditeurs militaires était de 41,605
fr, et ils recevaient en outre chacun 120 fr. pour frais de bureau, 960 fr pour
les huit, ce qui porte le total de la dépense à 42,565.
Il y avait cinq espèces
de traitement indiquées au budget ; c’est pour faire cesser cette anomalie que,
par la loi qui vous soumise, nous vous proposons de réduire les traitements à
deux classes. Il résulte de cette modification, non pas seulement une réduction
de 2,080 fr, mais de 3,565 fr. En effet il y a maintenant :
5 auditeurs à 4,800 fr.,
soit 24,000 fr.
3 auditeurs à 4,200 fr.,
soit 12,600 fr.
On paie en outre 300 fr.
de frais de bureau à chacun des huit auditeurs, soit 2,400 fr.
Montant total : 39,000
fr.
Différence en moins
3,565 fr.
M.
de Behr, rapporteur. - Messieurs, si vous n’adoptez pas la proposition de la section
centrale, vous mettrez au moins les auditeurs militaires sur le même pied que
les procureurs du Roi. Les fonctions de ces derniers sont extrêmement étendues,
exigent des études beaucoup plus longues, et leur besogne est infiniment plus
considérable. Il est de toute justice d’établir une différence entre la
rétribution de ces deux magistrats.
- L’article 2, tel qu’il
est amendé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
Article 3
« Art. 3. Ces
traitements restent les mêmes, soit que le gouvernement désigne l’auditeur provincial
pour faire partie des conseils de guerre en campagne établis en temps de
guerre, soit qu’il juge à propos de confier le service de deux province à un
seul auditeur.
« Cependant, dans
ce cas, l’auditeur perçoit l’indemnité des frais de bureau de l’auditorat de la
province qui passe sous sa juridiction. »
- Adopté.
« Art. 4. Les
auditeurs adjoints qui pourront être nommés temporairement pour remplacer en
temps de guerre les auditeurs provinciaux détachés en campagne, seront payés
pour la durée de leurs fonctions à raison de 3,000 francs annuellement. »
Le gouvernement avait
présenté le chiffre de 3,200 fr. La section centrale propose une réduction de
200 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau)
- D’après ce qui vient de se passer, je laisse à la chambre à décider entre le
chiffre du ministère et celui proposé par la section centrale. Mais j’aurais à
faire une observation sur la rédaction. C’est peut-être le résultat d’une copie
fautive, mais la rédaction telle qu’elle existe interdirait au gouvernement la
faculté de nommer des auditeurs-adjoints aux auditeurs provinciaux en campagne.
La nécessité s’en est déjà fait sentir. A la division d’Hasselt, qui est
considérable, il y a, indépendamment de l’auditeur militaire, un auditeur
adjoint qui a été envoyé sur la réclamation du département de la guerre. Je
puis assurer que cette place d’auditeur-adjoint n’est pas une sinécure. Le
gouvernement n’en nommera qu’autant que le besoin s’en fera sentir, et aussitôt
que le besoin cessera, il les supprimera. Cette suppression cependant ne peut
pas se faire du jour au lendemain. Je parle de celui d’Hasselt. On ne peut pas
renvoyer ainsi un homme qui a exercé ses fonctions honorablement,
Je demande à la chambre
de permettre au gouvernement de maintenir cet état de choses aussi longtemps
que le département de la guerre le jugera indispensable. C’est pourquoi je
propose de supprimer de l’article les mots : « pour remplacer en temps de
guerre les auditeurs provinciaux en campagne. »
M. de Behr, rapporteur. - Le but de la section centrale a
été d’empêcher que le gouvernement pût nommer des auditeurs-adjoint auprès des
conseils de guerre en campagne, afin de ne pas déranger les auditeurs
provinciaux.
M. de Brouckere. - Je
demande la parole pour faire observer que les articles 4 et 5 devraient être
réunis en un seul.
Dans l’article 4 on ne
parle que de la faculté de nommer des auditeurs adjoints pour remplacer
l’auditeur provincial en campagne, et à l’art. 5 on dit néanmoins : « Lorsque
l’adjoint est chargé des fonctions d’auditeur en campagne, il jouira,
etc. » Il n’y a pas de relation entre les deux dispositions ; il faut les
joindre et accorder au gouvernement la faculté de nommer auditeur, soit pour
remplacer l’auditeur provincial détaché en campagne, soit pour exercer les
fonctions d’auditeur en campagne
De cette manière vous
ferez droit à la réclamation de M. le ministre.
Cependant, je crois
qu’on doit fixer le nombre d’adjoints que le gouvernement pourra nommer, et il
me semble que 4 est un nombre suffisant.
Voici
comment l’article serait rédigé :
« Art. 4. Les auditeurs
qui pourront être nommés temporairement, soit pour remplacer les auditeurs
provinciaux détaché en campagne, soit pour remplir les fonctions d’auditeur en
campagne ou pour-être attachés à ces auditeurs, jouiront, pour la durée de
leurs fonctions, dans le premier cas d’un traitement de 3,000 fr., et dans le
second d’un traitement égal à celui accordé aux auditeurs de deuxième classe.
« Le nombre des adjoints
ne pourra s’élever à plus de 4. »
M.
de Behr, rapporteur. - Je demanderai s’il est nécessaire d’avoir en même temps, près d’un
conseil de guerre, deux magistrats remplissant les mêmes fonctions.
M. de Brouckere. - Il
n’est pas nécessaire que l’un se soit déjà présenté ; il suffit qu’il puisse se
présenter. On attache ordinairement un auditeur militaire à chaque corps
d’armée. Si l’armée est divisée en quatre corps, un auditeur suffira dans
chacun de ces corps pour remplir les fonctions de ministère public. Mais
supposez qu’au lieu de quatre, on ne fasse que deux corps d’armée : il peut
arriver qu’un seul auditeur ne suffise pas, et il y aurait inconvénient à
mettre, auprès du même conseil de guerre deux fonctionnaires de même rang,
indépendants l’un de l’autre, dont l’un ne pourrait pas donner d’ordres à
l’autre. Il vaut mieux, dans ce cas, nommer un auditeur en titre et un auditeur
adjoint qui remplisse, auprès de lui, les fonctions de substitut.
M. le ministre de la guerre (M. Evain)
- On aurait nommé un auditeur adjoint pour la première division, parce qu’il y
avait des affaires si considérables que l’auditeur en titre ne pouvait pas
suffire. Cette division comprenait alors 20,000 hommes. Depuis la nouvelle
organisation, quoiqu’il n’y ait plus que quatre conseils de guerre au lieu de
cinq, on a conservé cet auditeur adjoint afin d’avoir un homme en état d’être
auditeur auprès du conseil, si d’ici à peu de temps nous le rétablissons.
M. Dubus. - Messieurs,
d’après cet article, le gouvernement aurait la faculté de nommer des auditeurs
adjoints, soit pour être adjoints à l’auditeur provincial en campagne, soit
pour remplir les fonctions dont devrait être chargé l’auditeur provincial qui
resterait dans sa résidence
Dans l’intérêt du
trésor, le gouvernement devra toujours préférer employer, pour le service en campagne,
l’auditeur provincial à qui il n’est dû aucune augmentation, tandis que
l’auditeur adjoint reçoit un supplément de traitement. Je voudrais savoir
comment le gouvernement se propose de procéder ; car si on se conduit d’après
la convenance des auditeurs provinciaux, ils voudront toujours rester dans leur
résidence ; et, chaque fois qu’il faudra faire le service en campagne, on sera
obligé de nommer des auditeurs adjoints auxquels il faudra payer des
suppléments de traitement.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Quand je suis entré au
ministère, l’auditeur adjoint de la première division avait été nommé sur les
réclamations du département de la guerre. Comme vient de vous le dire M. le
ministre de la guerre, cette division était de 20 mille hommes. Le traitement
de cet auditeur adjoint a été fixé à 1,800 florins. Ce traitement sera réduit
d’après la nouvelle loi.
Lorsqu’il a été
nécessaire de nommer un nouvel auditeur en campagne, j’ai choisi l’auditeur
provincial d’Anvers, que j’ai remplacé par un auditeur adjoint dont le
traitement a été fixé à raison de 1,200 florins, c’est-à-dire au dessous-du
taux que la chambre paraît disposée à voter. Ainsi vous voyez que, quand le
gouvernement a trouvé l’occasion de faire une économie, il s’est empressé de la
saisir.
Le préopinant a parlé de
convenances. Messieurs, je ne reconnais pas aux auditeurs le droit d’argumenter
de convenances pour ne pas remplir les fonctions qu’il plaît au gouvernement de
leur conférer.
Ces fonctionnaires sont
à la disposition du gouvernement, et s’il juge qu’eu égard à sa capacité et à
son activité, il est utile de détacher en campagne tel auditeur, aucunes
raisons personnelles, à moins peut-être que ce ne soient des raisons de santé, ne
seront tolérées par le gouvernement. Je crois, par exemple, que l’auditeur
d’Anvers, qui a montré beaucoup et de dévouement dans le service qu’il a fait
en campagne, aurait préféré rester à Anvers. Mais des considérations de cette’
nature n’arrêteront jamais le gouvernement.
Les auditeurs
provinciaux seront toujours choisis de préférence pour faire le service en
campagne, parce qu’ils apportent une expérience acquise par des fonctions
longtemps exercées, et qu’en temps de guerre le service des villes est d’une
moindre importance que le service en campagne. Ainsi, le bien du service,
indépendamment de la raison, guidera le gouvernement.
- L’article 4, ainsi
qu’il a été rédigé par M. de Brouckere, est mis aux voix et adopté.
Cet article remplacé les
articles 4 et 5 du projet.
Article 5
« Art. 5. Il est
alloué à chaque auditeur provincial, en sus de son traitement, une somme
annuelle de 300 francs pour frais de bureau. »
- Adopté.
« Art. 6. La
présente loi n’aura force obligatoire que jusqu’au 1er janvier 1835. »
M. le ministre de la justice (M. Lebeau)
- Quand j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre le projet de loi qu’elle a
discuté en ce moment c’était à la date du 27 novembre 1833, j’espérais qu’il
pourrait être sanctionné avant le premier janvier 1834. Il en a été autrement.
Je ne sais maintenant s’il est dans l’intention de la chambre ou de donner de
la rétroactivité à la loi, ou de ne faire porter la réduction qu’à partir du
jour de la promulgation de la loi. Dans le cas où la chambre voudrait faire
rétroagir la loi, il faudrait déterminer dans cette loi l’époque à partir de
laquelle elle devrait recevoir son exécution. Sans cela, les auditeurs
militaires seraient en droit de réclamer, pour le premier et peut-être les deux
premiers mois, leur traitement d’après le taux fixé par les arrêtés.
M.
de Behr, rapporteur. - Il a été entendu dans la section centrale que ce serait à partir du
premier janvier.
M. Dubus. - Remarquez que
par la force même de notre constitution, qui veut que le traitement de tous les
magistrats soit déterminé par une loi, celle que vous votez, lors même qu’elle
ne serait promulguée qu’après un mois de l’exercice écoulé, ne serait pas moins
obligatoire pour l’exercice entier ; car ce n’en qu’en vertu de cette loi que
vous pouvez payer les auditeurs militaires. Ce qui s’est fait jusqu’à présent,
la fixation par arrêtés, nous mettait en dehors de la constitution : nous
devons nous empresser d’y rentrer.
M. Ernst. - Je ne pense
pas qu’une loi puisse avoir d’effet avant d’avoir été promulguée ; je ne pense
pas non plus qu’il soit nécessaire de l’écrire dans la loi. C’est de droit
commun : si nous ne disons pas le contraire, la loi que nous votons aura ses
effets à partir de sa promulgation et cessera de les avoir à l’époque
déterminée. Je conçois que le ministère ait voulu avoir cette explication pour
prévenir toute difficulté.
Je ne suis pas de
l’opinion du préopinant, que nous puissions détruire les abus même dans le
passé. Jusqu’ici les auditeurs militaires ont eu un traitement conforme à ce
qui avait été réglé par le budget ; il faut suivre cette règle jusqu’à ce qu’on
soit rentré dans l’ordre par une loi nouvelle.
M. de Brouckere. - Je
partage l’opinion de M. Ernst. Je pense que dans aucun cas la loi ne
doit avoir d’effet rétroactif et ne doit être obligatoire qu’à dater de la
promulgation. Quant aux traitements à allouer aux auditeurs militaires depuis
le premier janvier jusqu’au jour où la loi que nous votons sera promulguée,
c’est une affaire dont la chambre n’a pas à s’occuper. Ces traitements
jusqu’ici ont été fixés par le pouvoir exécutif, c’est au pouvoir exécutif à
continuer ce qu’il a fait depuis la révolution, jusqu’à ce que la loi actuelle
soit promulguée, pourvu toutefois que le ministère ne dépasse pas les
allocations portées au budget pour ce service.
M. de Behr, rapporteur. - Messieurs, lors de la discussion
du budget, vous avez reconnu qu’il y avait inconstitutionnalité à laisser au
pouvoir exécutif la latitude de fixer les traitements des auditeurs militaires
quand la constitution prescrit de fixer par une loi le traitement de tous les
magistrats. D’après ce qui a été convenu lors de cette discussion, les
auditeurs ne peuvent toucher de traitements à dater du premier janvier 1834
qu’en vertu de la loi actuelle ; par conséquent elle doit être exécutoire à
partir de cette époque.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - En présence d’opinions
si divergentes et émanant de sources également respectables, l’embarras du
gouvernement est assez grand. Si lors de la discussion du budget j’ai dit qu’à
partir de 1834 il y aurait une loi qui empêcherait les abus qu’on craignait, je
me plaçais dans la prévision que cette loi serait adoptée avant le 1er janvier.
Je pouvais avoir cette pensée, car la présentation de la loi date du 27
novembre dernier. Si le principe de la non-rétroactivité est un principe
tellement sacré que le législateur ne puisse pas s’en écarter, l’application du
principe contraire ne serait pas plus juste de la part du pouvoir exécutif. C’est
une question d’équité et d’équité absolue, et non une question de compétence.
Si on
poussait à l’extrême les principes exposés par les orateurs qui siègent à ma
gauche, il faudrait considérer comme acompte ce qui a été payé aux auditeurs
militaires, même pendant les exercices antérieurs ; il faudrait non seulement
réduire leurs traitements à partir du 1er janvier 1834, mais leur faire
restituer tout ce qu’ils ont perçu en sus du taux fixé par la loi actuelle
depuis la promulgation de la constitution. Voilà les conséquences rigoureuses
des principes professés par MM. de Behr et Dubus.
Je me crois autorisé à
payer ces fonctionnaires au taux déterminé par les arrêtés, jusqu’au moment où
la loi sera exécutoire. Je fais cette déclaration afin que, dans le cas ou la
majorité ne partagerait pas mon opinion, on insère une disposition formelle
dans la loi.
M. Dubus. - Messieurs, il
ne peut y avoir rétroactivité que quand il y a atteinte à des droits acquis.
Ces fonctionnaires ne peuvent manquer ici des droits acquis, car leur
traitement avait été déterminé par des arrêtés, quoique la constitution dît
formellement que cette fixation devait être faite par une loi ; ils n’avaient
droit qu’au traitement que la loi avait fixé ou aurait fixé. Si on décide la
question en sens contraire, on violera la constitution ; si le ministre agit
comme il vient de l’annoncer, il violera la constitution.
M. Jullien. - La
non-rétroactivité des lois est un principe consacré par l’art. 2 du code civil.
Ce serait donner un effet rétroactif à la loi que de la faire rétroagir
jusqu’au janvier dernier, puisqu’il est de principe qu’une loi non promulguée
n’est pas obligatoire.
Mais, dit-on, la loi ne
rétroagira pas puisqu’elle n’enlève pas de droits acquis. C’est précisément
parce qu’elle enlèverait des droits acquis, qu’on ne peut pas lui donner
d’effet rétroactif. J’appelle droit acquis le droit au traitement dont ces
fonctionnaires sont convenus avec le gouvernement, et ils y ont droit jusqu’à
ce qu’une loi vienne changer leur position. En poussant jusque dans ses
dernières conséquences le raisonnement du préopinant, ils n’auraient pas
d’autre droit que celui que leur confère la loi actuelle, et en l’absence de
cette loi on pouvait leur dire nescio vos, je ne
vous connais pas. Nous n’avons rien à vous donner ; ce n’est que d’après la loi
que vous aurez quelque chose à prétendre, quand cette loi sera votée. Vous
voyez que j’abonde dans l’opinion du préopinant.
M. le ministre se croit
fondé à payer les auditeurs sur l’ancien pied jusqu’à la promulgation de la
loi. Cette opinion est fondée sur les principes du droit de l’équité et de la
justice.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau)
- Je vous prie, messieurs, de remarquer la nature du litige. Il s’agira tout au
plus, si on exécute l’ancien règlement, d’une somme de 250 à 300 fr., à
repartir entre douze fonctionnaires, ce qui fait 20 à 25 fr. par tête. Je
pense, sans vouloir faire de reproches à personne, que la discussion actuelle
coûtera plus que l’économie qu’on veut faire.
(Les garçons de salle apportent des bougies.)
D’un côté, on me dit :
Vous violez une disposition du code civil ; de l’autre, vous violez la constitution
; de sorte que le ministère court risque d’être mis en accusation, d’un côté
pour violer le principe posé dans le code civil, de l’autre pour violer la
constitution. Je dois supplier la chambre de se prononcer. Si M. Dubus
persiste, il y a un moyen bien simple ; c’est de présenter un amendement ayant
pour but d’ajouter à l’article ces mots : « et produira ses effets à partir du
1 janvier 1834. » La chambre prononcera.
M. de Brouckere. - Si on
admettait la doctrine de M. Dubus, il faudrait forcer les auditeurs à
rembourser tout ce qu’ils ont reçu depuis plus de trois ans, puisqu’il n’y
avait aucune loi qui les autorisât à toucher des appointements ; il faudrait
que la chambre forçât le ministre à rembourser ce qu’il leur a payé ; je pense
que personne ne se lèverait pour appuyer une semblable proposition.
Je vais vous faire une
hypothèse. Admettons que la loi ne soit promulguée qu’au mois d’avril, et que
les auditeurs aient touché un trimestre de leurs appointements, pensez-vous que
la chambre voudrait faire rembourser ce qu’ils auraient touché de plus que la
loi ne leur alloue ? Certainement non ; on doit agir de la même manière pour un
mois que pour trois, et il serait aussi injuste d’appliquer la loi à partir du 1er
janvier que de faire rembourser ce qu’ils ont touché depuis la révolution. Je
ne fais aucune différence entre le cas où on a touché et celui où on a droit de
toucher. Je soutiens qu’il y a droit acquis au taux des appointements touchés
jusqu’à présent, tant qu’une loi ne viendra pas modifier ce taux.
Je
trouve aussi qu’il faut que la chambre se prononce. Comme il s’agit d’une
question de constitution, il faut que le ministre sache à quoi s’en tenir. Que
fait-il ? Il vous dit : Mon opinion est telle ; je pense qu’il y a droit acquis
pour les auditeurs ; et mon intention est de les payer conformément à
l’ancienne fixation, jusqu’au moment où la loi sera promulguée. Si un membre
croit que le ministère ne peut pas agir ainsi, qu’il présente une proposition contraire,
la chambre prononcera.
Dans le cas où la
chambre ne se prononcerait pas par un vote, je pense que le ministre doit agir
comme il l’a annoncé, et que celui qui voudrait plus tard lui reprocher d’avoir
agi comme il l’a annoncé aurait mauvaise grâce et serait mal accueilli.
M.
Dubus. - Il s’agit d’une question de constitution importante et
ce n’est que sous ce rapport que je l’ai présentée. Il me semble convenable de
ne pas détourner l’attention de la chambre du véritable point de vue. Il ne
s’agit pas de chiffres, que nous ne pourrions pas à la rigueur déterminer,
puisque nous ne savons pas quand la loi sera sanctionnée. Il s’agit de
constitutionnalité, de savoir si la loi doit recevoir ses effets à partir du
1er janvier. Cela me paraît hors de doute. Je citerai un précédent du congrès.
Il semble, d’après
l’opinion de quelques honorables orateurs que la chambre ferait quelque chose
d’étonnant, commettrait une espèce de scandale législatif en portant une loi
fixant le traitement d’une classe de magistrats, qu’elle déclarerait exécutoire
à partir du 1er janvier, quelques semaines avant sa promulgation. Que
penseront-ils du congrès qui, en pareille matière, sur le traitement d’un
tribunal militaire, a porté une loi qu’il a appliquée rétroactivement de trois
mois ? Ils diront que le congrès, qui venait de proclamer le principe de la
constitution, l’a appliqué, et ils devront se louer de l’avoir fait. Le
gouvernement provisoire avait nommé et mis en fonctions la haute cour militaire
en vertu des règlements précédents. Au mois d’avril ou de mai 1831, une loi sur
le traitement des fonctionnaires de cette cour fut porté qui déclarait qu’elle
aurait son effet à partir du janvier précédent.
Voilà le précédent que
j’ai voulu citer pour montrer comment le congrès, qui a fait la constitution,
l’entendait et l’appliquait lui-même.
J’ai entendu dire qu’il
y avait droit acquis par suite de la convention faite entre le gouvernement et
les fonctionnaires.
Je
demande si jamais convention est possible, peut être faite en violation de la
constitution, si on pourrait reconnaître valable une convention semblable. Je
le dis encore une fois, la constitution porte que tous les traitements des
fonctionnaires de l’ordre judiciaire seront fixés par la loi. Mais, me dit-on,
vous ne tirez pas toutes les conséquences rigoureuses de votre principe, car il
faudrait faire restituer à ces fonctionnaires ce qui leur a été payé pour les
exercices écoulés. Quant à ces exercices la législature a prononcé formellement
par le budget. Dans la discussion on a fait remarquer que le traitement des
auditeurs était fixé par des arrêtés, quand il devrait l’être par une loi. La
loi a été promise pour le 1er janvier 1834 ; c’est sur cette promesse que, dans
le budget voté au mois de septembre dernier, on a accordé des fonds pour payer
les traitements de l’exercice de 1833, comptant que pour le 1er janvier 1834 la
loi recevrait son exécution, Cela a encore été répété lors de la discussion du
budget de 1834.
D’après le texte formel
de la constitution, le précédent du congrès, le traitement des magistrats doit
être fixé par la loi, et la loi doit être appliquée à partir du janvier. Je ne
vois aucun motif pour se départir du principe que j’invoque. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de la justice (M. Lebeau)
- J’entends crier aux voix ! Quand la
chambre aura voté, le gouvernement ne sera pas tiré de la perplexité où il se
trouve. J’ai partagé, je l’avoue, l’opinion de l’honorable M. Dubus ; j’ai même
pensé que ce qui pourrait être payé aux auditeurs à partir du 1er janvier 1834,
si l’adoption de la loi était postérieure, ne le serait que par forme
d’acompte. Mais des raisons très fortes, dont vous venez d’entendre exprimer
quelques-unes par d’honorables préopinants, m’ont fait revenir de ma première
opinion.
C’est pour agir plus
franchement que j’ai fait une déclaration, afin de provoquer une décision
contraire si on ne partageait pas mon avis. J’ai dit que je croyais devoir
payer sur le pied actuel jusqu’au moment où la loi serait obligatoire. Si
l’honorable M. Dubus croit que je me trompe, je le prie de déposer un
amendement.
M.
Dubus propose un amendement qui consiste à ajouter à la fin de
l’article ces mots : « et recevra son exécution à partir du 1er janvier
1834. »
- Cet amendement est mis
aux voix et rejeté.
L’article est adopté.
M.
le président. - Comme il y a des amendements adoptés, le vote
définitif de la loi ne peut pas avoir lieu immédiatement. Il est renvoyé à
lundi.
- La séance est levée à
4 heures et demie.